ACT-0 n°12

Page 1

| septembre 201 2 | saison 12 | 13

12

N° 12

LE journal du cercle du Grand Théâtre et du Grand tHéâtre de GEnève

création mondiale

pontus lidberg revisite le classique

giselle au-delà de la danse

S ams o n et Dal i l a

Les visions de patrick Kinmonth

JJR

Fénelon burton carsen

L’œuvre par trois

F ig ar o

Le barbier est de retour

L a S ag a d e l’an n e au

Avant l’arrivée de wotan - épisode 1

ACT-0_N°12_couv_GTG.indd 1

17/08/12 10:45


17 Septembre 1755. A l’étude de Maître Choisy, notaire, Jean-Marc Vacheron, jeune Maître Horloger genevois s’apprête à engager son premier apprenti. Cet engagement porte la plus ancienne mention connue du premier horloger d’une dynastie prestigieuse et représente l’acte de naissance de Vacheron Constantin, la plus ancienne manufacture horlogère au monde en activité continue depuis sa création.

Depuis cet acte, et fidèle à l’histoire qui a fait sa réputation, Vacheron Constantin s’est engagé à transmettre son savoirfaire à chacun de ses Maîtres Horlogers, gage d’excellence et de pérennité de ses métiers et de ses garde-temps.

Patrimony Traditionnelle Calibre 2755 Poinçon de Genève, Boîtier en or rose, Mouvement mécanique à remontage manuel, Répétition minutes, Tourbillon, Quantième perpétuel Réf. 80172/000R-9300

Boutique Vacheron Constantin 1, Place de Longemalle 1204 Genève Tél. 022 316 17 40 Fax 022 316 17 41

ACT-0_N°12_couv_GTG.indd 2

17/08/12 10:45

2152


l’abonnement

Liberté j

u’ q s u

Choisissez 5 spectacles

à

% 5 -2

rif a t le ie sur let ter bil

Vous avez entre 18 et 30 ans

d’autres abonnements sont faits pour vous jusqu’à -50% sur le tarif billetterie Contactez-nous

ACT.0 | 12

ACT-0_N°12_LT.indd 1

www.geneveopera.ch

3 opéras + 1 ballet + 1 récital à partir de Fr. 117.-

1 17/08/12 10:20


Composez votre abonnement

Choisissez au minimum cinq spectacles.

-15%

5 spectacles obligatoires 6ème et 7ème spectacle 8ème spectacle et plus

code tarif

Samson et Dalila

OP1

Les Av. du roi Pausole

OP1

La Traviata

OP1

Das Rheingold

OP1

Madama Butterfly

OP1

Rusalka

OP1

Giselle

BA1

Le Sacre / Les Noces

BA2

Le Lac des cygnes

BA1

Renée Fleming

co m

p

let

1 opéra obligatoire

OP2

x

x x

x

x

x

x

x

REC

Ludovic Tézier

REC

Diana Damrau

REC

Barbara Frittoli

REC

x

1 opéra obligatoire

Il Barbiere di Siviglia

Nbr.

1 opéra obligat.

OP3

Tarif

-20%

1 Ballet obligatoire

JJR (Citoyen de Genève)

Nbr.

1 récital obligatoire

abonnement libre

Indiquez les chiffres correspondant à votre choix de date (voir le bulletin d’abonnement téléchargeable sur www.geneveopera.ch ou disponible à l’accueil billetterie). Indiquez le nombre de billets désirés et son tarif correspondant à sa catégorie. Faites le total et reportez-le dans la case correspondante.

x

x

x

x

x

x

x

x x

x

x

x

x

x

x x

x

x

x

Tarif

x

Nbr. x

Tarif

+ OPTION restaurant

dates Préf 1 Préf 2 Préf 3

x

x

x

x

x

x

x

x

x

20.-

x

30.-

x

20.-

x

30.-

x

20.-

x

30.-

x

20.-

x

30.-

x

20.-

x

30.-

x

20.-

x

30.-

x

20.-

x

10.-

x

10.-

x

10.-

x

10.-

x

10.-

x

10.-

x

10.-

x

x

x

x

Choix de la catégorie*

20.-

30.-

x

x x

Pour inscrire les tarifs des spectacles choisis Reportez-vous à la grille tarifaire ci-dessous

Total

Total Fr.

Abonnement à ACT-O Nbr.

A B C D E F G

4 numéros par an

* Cet abonnement doit être souscrit dans la même catégorie ATTENTION ! si vous prenez l’option restaurant pour les opéras que vous avez choisi Vous devez au minimum prendre 3 dîners au restaurant pour bénéficier de la remise proposée.

Repas de réveillon du lundi 31 décembre 2012

Soirée spéciale après la représentation des Aventures du roi Pausole

Fr. 195.-*

* Si vous choisissez l’option restaurant, le montant du repas de réveillon sera de Fr.165.-

Grille tarifaire

+ OPTION programme

Nbr. Tarif Nbr. Tarif

x

x

-25%

suisse

x

étranger

20.-

Total

30.-

coupons Bar des Abonnés jus

qu’à

-3 0%

Coupon champagne Coupon vin/bière Coupon boisson sans alcool Coupon café/thé Coupon salé (délice/ramequin) Coupon sucré (macaron/tartelette/muffin)

OP1

OP2 OP3 ba1 ba2 REC

Cat. A

-15% -20% -25%

199.187.176.-

195.183.172.-

152.143.134.-

93.87.82.-

55.52.49.-

59.55.52.-

Cat. B

-15% -20% -25%

173.163.153.-

169.159.149.-

135.127.119.-

82.77.72.-

49.46.44.-

42.39.37.-

Cat. c

-15% -20% -25%

148.139.131.-

144.135.127.-

118.111.104.-

71.67.63.-

44.42.39.-

19.18.17.-

Cat. D

-15% -20% -25%

122.115.108.-

118.111.104.-

101.95.89.-

60.56.53.-

37.34.32.-

Cat. E

-15% -20% -25%

97.91.86.-

93.87.82.-

76.71.67.-

49.46.44.-

29.27.26.-

Date de naissance

Cat. F

-15% -20% -25%

63.59.56.-

59.55.52.-

50.47.44.-

38.36.34.-

22.21.20.-

Pour les abonnés entre 18 et 30 ans, si vous souhaitez devenir membre, veuillez cocher cette case :

Cat. G

Total général de votre commande

-15% -20% -25%

29.27.26.-

25.23.22.-

25.23.22.-

25.23.22.-

15.14.13.-

Si votre commande dépasse Fr. 250.- et que vous souhaitez bénéficier du paiement en 3 fois, veuillez cocher cette case :

Nbr.

tarif

Total

12.5.x 4.x 2.x 3.50 x 4.50 Total Fr. x x

Total Fr.

vos coordonnées N° Remplissez ce bulletin en lettres capitales.

Mme

M.

(réservé au théâtre)

M. et Mme

Nom Prénom Adresse NPA Ville Pays

Téléphone

Courriel

Adhésion au Club Labo-M Facilités de paiement

à détacher et à retourner au

Grand Théâtre de Genève / Abonnement 11 bd du Théâtre, CP 5126 - CH 1211 Genève 11 Par quels moyens souhaitez-vous recevoir nos informations ?  courrier postal courrier électronique

2 ACT-0_N°12_LT.indd 2

17/08/12 10:20


| SEPTEMBRE 201 2 | SAISON 12 | 13

O

12

N° 12

LE JOURNAL DU CERCLE DU GRAND THÉÂTRE ET DU GRAND THÉÂTRE DE GENÈVE

S

O mm

PONTUS LINDBERG REVISITE LE CLASSIQUE

GISELLE AU-DELÀ DE LA DANSE

S AMS O N ET DAL I L A

LES VISIONS DE PATRICK KINMONTH

JJR

FÉNELON BURTON CARSEN

L’ŒUVRE PAR TROIS

F IG AR O

LE BARBIER EST DE RETOUR

L A S AG A D E L’AN N E AU

AVANT L’ARRIVÉE DE WOTAN - ÉPISODE 1

Photo de couverture Les danseurs Damiano Artale et Sarawanee Tanatanit du Ballet du Grand Théâtre lors des répétitions de Giselle en juin 2012

a

© Gregory Batardon

Ə

r

CRÉATION MONDIALE

Buzz op 4-5 Quoi de neuf dans le monde de l’opéra à Genève et ailleurs opération 6-15 La faute à Rousseau - JJR (Citoyen de Genève) Le Barbier en reprend deux... Du fracas de l’ acier au mutisme divin carnet du cercle 16-17 Le Cercle, un vecteur d’intégration culturelle en ballet 18-22 L’ obsession d’un cœur brisé - Pontus Lidberg Un Lac de feu Plein feux 24-29 Renée Fleming, la reine du Met La saga du Ring, acte 1 Orphée n’est plus... didactique 30-36 Le temps, la culture et l’ art L’ opéra, la culture et l’université Au firmament astrolyrique... épisode 1 Le public de demain ? la vie après Labo-M

A

u seuil d’une nouvelle saison, nous souhaitons, une nouvelle fois, vous faire partager nos passions et nos émotions. Certes, elle s’inscrit dans la tradition, mais elle revêt des habits de lumière pour fêter de multiples anniversaires. Et quels anniversaires ! Dès les premiers jours de septembre, nous vous invitons aux festivités qui convoquent le lyrique, la danse et le récital. Avec vous, nous aimerions nous réjouir que la création n’est pas un vain mot à Genève. Après la reprise de Il Barbiere di Siviglia, avant son départ pour la France et l’Espagne, la saison se poursuivra avec JJR (Citoyen de Genève), une création mondiale, qui a vu le jour grâce au soutien de la Ville de Genève et qui est entre les mains d’ une équipe expérimentée : Philippe Fénelon, le compositeur, Ian Burton, le librettiste, Robert Carsen, le metteur en scène, Radu et Miruna Boruzescu, scénographe et costumière, ainsi que de Jean Deroyer, chef d’ orchestre, un familier de la musique du compositeur. Avec Marco Berriel, le chorégraphe et Peter Van Praet qui viennent compléter l’équipage, toutes les forces vives de Grand Théâtre, comme à leur habitude, se sont mobilisées sans réserve pour vous offrir un divertissement philosophique centré sur un personnage moderne et kaléidoscopique. Ainsi, tout au long de la saison, nous vous convions à célébrer avec nous les stars qui, l’espace d’un soir, s’ arrêtent sur la scène de Neuve, les anniversaires de Verdi et de Wagner, sans oublier le cinquantenaire de la réouverture du Grand Théâtre de Genève, le 10 décembre 1962. Avec vous, et grâce à vous, la place de Neuve sera un lieu de fête, de rencontre et de partage. Qu’ il nous soit permis de remercier tous nos partenaires, toujours plus nombreux, entre autres, le journal Le Temps qui nous permet, une fois encore, une grande diffusion d’Act-O. Notre plus vive gratitude va également vers vous, cher public et fidèles abonné(e)s qui nous témoignez votre soutien et votre curiosité. Grâce à vous le mot culture retrouve un vrai sens et ne demeure pas un « mot-valise ». Grâce à la culture, la société se construit et se maintient. Avec Gaëtan Picon, essayiste et critique d’  art français, nous pourrons alors dire : « Cathédrales futures, cathédrales de l’homme, lorsque vous dominerez nos cités, c’ est alors qu’ une nouvelle civilisation est apparue. » Les mots de Paul Valéry ne resteront pas vains, car nous aurons retrouvé la véritable liberté de l’esprit qui exige le détachement de toutes les sensations violentes ou incohérentes de la vie moderne. Excellente saison 2012-2013 ! Daniel Dollé Conseiller artistique et dramaturge du Grand Théâtre de Genève

11, bd du Théâtre CP 5126 CH-1211 Genève 11 T +41 22 418 30 00 F +41 22 418 30 01 grandtheatre@geneveopera.ch www.geneveopera.ch

ACT-0_N°12_LT.indd 3

Directeur de la publication Tobias Richter Responsable éditorial Albert Garnier Responsable graphique & artistique Aimery Chaigne Coordination Frédéric Leyat Ont collaboré à ce numéro Kathereen Abhervé, Ambroise Barras, Anne-Marie Belcari, Daniel Dollé, Albert Garnier, Frédéric Leyat, Luz, Christopher Park, Julie Wynne, Anne Zendali. Impression Kreis Druck AG Parution 4 éditions par année Achevé d’imprimer en Août 2012 6 000 exemplaires Il a été tiré 40 000 exemplaires de ce numéro et encarté dans le quotidien Le Temps

17/08/12 10:20


Donna

viennoise

Le 10 août 2012, le Theater an der Wien a présenté La Donna del lago de Rossini, coproduite avec le Grand Théâtre de Genève au cours de la saison 09-10. La mise en scène est signée Christof Loy. Les solistes, l’ORF Radiosinfonieorchester et l’Arnold Schoenberg Chor sont placés sous la direction musicale de Leo Hussain. Parmi les solistes, on retrouve Luciano Botelho, Gregory Kunde et Bénédicte Tauran déjà présents à Genève. Le rôle d’Elena, confié à Joyce DiDonato à Genève, est interprété par Malena Ernman, une mezzo-soprano suédoise. DD Malena Ernman entre Gregory Kunde

s’envole

Dans la salle du Théâtre du Jeu de Paume, le Festival d’ Aix-en-Provence 2012 a présenté une nouvelle production de L’Enfant et les Sortilèges de Maurice Ravel qui partira en tournée avec cinquante dates déjà prévues. Clémence Tilquin, membre de la troupe des jeunes solistes en résidence durant deux saisons, interprétait le rôle de la Princesse et de la Chauve-Souris dans cette nouvelle production du Festival d’Aix-en-Provence et de l’Académie européenne de musique, coproduite avec le Théâtre du Jeu de Paume et l’Opéra de Dijon. C’est le New York Times cet été qui publie cette photo de Clémence Tilquin en Princesse pour illustrer son article sur le Festival d’Aix-enProvence. En février et mars 2012, elle chantait Adina de L’Elisir d’ amore à Bregenz. En novembre, elle interprétera le rôle de Lauretta dans Gianni Schicchi à l’Opéra de Tourcoing sous la direction musicale de Jean-Claude Malgoire. En 2013, elle sera Drusilla dans Poppea e Nerone (Le Couronnement de Poppée de Monteverdi) dans une nouvelle réorchestration de Philippe Boesmans, à Montpellier, sans parler des nombreux concerts et récitals qui vont de la musique baroque au Pierrot lunaire de Schönberg, en passant par Stravinski avec l’Ensemble Intercontemporain dirigé par Susanna Mälkki. DD

Carine Séchaye, membre de la troupe des jeunes solistes en résidence et mémorable Frédéric dans Mignon en mai 2012, a interprété en juin dernier le rôle de Siebel aux côtés de Kimy McLaren (Marguerite) dans la production du Faust de Gounod à l’Opéra-Théâtre de Metz-Métropole dans une mise en scène de Paulémile Fourny. Dans la presse, on a pu lire : « À suivre, assurément, le très joli Siebel de Carine Séchaye, à l’ aigu triomphant et nettement projeté, ainsi que le Wagner prometteur de Régis Mengus, transformé pour l’occasion en garçon de café… » Elle sera bientôt le Duc de Reichstadt dans L’Aiglon de Jacques Ibert et Arthur Honegger en avril 2013 à l’Opéra de Lausanne, dans une mise en scène de Renée Auphan sous la baguette de Jean-Yves Ossonce. Au moment où elle vient de quitter la jeune troupe, nous lui souhaitons une très belle carrière et nous comptons la revoir souvent parmi nous. DD

Figaro

sur la route Il Barbiere di Siviglia sur les routes de France et d’Espagne… En 2013, la production signée Damiano Michieletto dans les décors de Paolo Fantin, avec les costumes de Silvia Aymonino et les lumières de Fabio Barettin, sera présentée à l’Opéra Théâtre de Saint-Etienne du 30 janvier au 3 février 2013, avant de partir à Valence au Palau de les Arts Reina Sofía, pour une première le 28 février 2013 et d’ autres représentations au mois de mars 2013. DD © Monika Rittershaus

et Luciano Botelho, cet été à Vienne.

Carine Clémence à Aix

Le splendide bâtiment du palais des Arts de la reine Sofia de Valencia s’ apprête à recevoir la production du Barbier qui sera déjà passée par Saint-Etienne en février 2013.

4 ACT-0_N°12_LT.indd 4

© GTG / Vincent Lepresle

Durant la saison 2012-2013, la boutique musicale du Grand Théâtre sera à nouveau animée, les soirs de représentation, par Le Ménestrel, le plus ancien magasin spécialisé dans la musique classique de Genève. Vous y trouverez toujours des CD et des DVD relatifs à l’œuvre et aux artistes à l’affiche tout comme un choix d’enregistrements de qualité pour les opéras et les ballets les plus importants du répertoire ainsi que pour les grandes voix de la scène lyrique. Vous y trouverez également des produits estampillés Grand Théâtre de Genève tels que livres, affiches de spectacles ou parapluies. FL

Le Ballet

nominé © www.aviewoncities.com

l’œuvre !

© P. Berger/ArtComArt

Suivez

© Philippe Gisselbrecht/Metz Métropole

u Op

Le Ballet du Grand Théâtre de Genève et sa production Préludes et Fugues du chorégraphe Emanuel Gat viennent d’être nominés dans la plus prestigieuse catégorie des Bessie Awards. Considérés comme les Oscars de la danse contemporaine, les Bessie Awards, appelés ainsi en hommage à Bessie Schönberg (19061997), sont une récompense annuelle new-yorkaise attribuée depuis 1984 par un jury de personnalités de la danse, à des chorégraphes novateurs de danse contemporaine qui se sont produits sur une scène new-yorkaise durant l’ année. La remise des prix de l’édition 2012 aura lieu le 15 octobre au théâtre de l’ Apollo à Harlem. AG ACT.0 | 12

17/08/12 10:21


La carte à points

© DR

u Op

Emilio Pons, Sophie Gordeladze, Fabrice Farina et Khachik Matevosyan, de la troupe

Changer une date de spectacle après avoir acheté son billet était, jusqu’ à présent, un avantage exclusif réservé aux abonnés. Désormais, les détenteurs de la « Carte fidélité du Grand Théâtre »* bénéficieront également de cette possibilité. De plus, les acquéreurs de cette carte pourront, lors de l’ achat de places à la billetterie du théâtre, cumuler des points et les convertir à cette même billetterie en places ou autres. FL

des jeunes solistes en résidence du Grand Théâtre de Genève à la fin du concert à la Fondation Bodmer.

* Valeur Fr. 30.- (premier échange gratuit, puis Fr. 5.- par commande).

Au moment où Robert Carsen revient à Genève pour mettre en scène JJR (Citoyen de Genève), la revue Avant Scène Opéra lui consacre son numéro 269. C’est au Grand Théâtre de Genève qu’il fit ses grands débuts européens avec Mefistofele de Boito en septembre 1988. C’est le metteur en scène qui avait suggéré ce titre à Hugues Gall qui venait de l’inviter place de Neuve. Après un magnifique Richard III, en janvier 2012, Robert Carsen met en scène la création mondiale en hommage à Jean-Jacques Rousseau. Ce sont ses débuts au Bâtiment des Forces Motrices. Son travail terminé, il devra se rendre rapidement à Paris où il est le directeur artistique de deux expositions, l’une au Grand Palais, une exposition rétrospective consacrée au thème de La Bohème, l’ autre au Musée d’Orsay, L’ impressionnisme et la mode. N’oublions pas qu’ il avait déjà conçu la scénographie et mis en scène les splendeurs et misères de Marie-Antoinette au Grand Palais en 2008. DD

Après le succès rencontré par les matinées à 15 h le dimanche lors de la saison 11-12, l’heure des représentations ayant lieu en soirée avancent d’une demi-heure. Elles se tiendront désormais à 19 h 30, au lieu de 20 h, et permettront ainsi aux spectateurs de ne pas rentrer

eat trop tard chez eux.

or not to eat...

Dans l’heure précédant le début des spectacles, que vous soyez dans les bars du sous-sol ou de l’amphithéâtre à la décoration et au mobilier vintage des 60’s ou dans les grands foyers du XIXème, vous oubliez progressivement le stress du quotidien, une coupe de champagne à la main. C’est pourquoi le restaurant du théâtre propose désormais deux services  : l’un avant le spectacle, l’autre durant l’entracte. Fini le stress de l’addition qui n’arrive pas, les yeux rivés sur sa montre-bracelet. Vous pourrez déguster tranquillement un délicieux menu* avant de vous rendre dans la salle et cela même lorsqu’un spectacle ne comprendra pas d’entracte. FL

© DR

* Fr. 35.- avec une boisson,

ACT.0 | 12

ACT-0_N°12_LT.indd 5

© DR

Robert mis en pages 19 h 30

Pascal Boris et M. et Mme Tobias Richter

La jeune troupe fête son mécène

L’anniversaire des 140 ans de BNP Paribas en Suisse et des dix ans de sa Fondation furent salués par un événement qui s’est tenu à la Fondation Bodmer à Cologny (Genève). Lieu culturel incontournable, il a permis de recevoir les clients de la banque et l’ensemble des partenaires de la Fondation BNP Paribas Suisse. Suite à la visite guidée de l’exposition JeanJacques Rousseau, dont le tricentenaire de la naissance est célébré cette année, Pascal Boris, président de la Fondation BNP Paribas (Suisse) SA, résuma les grandes lignes de l’histoire de la banque en Suisse et des engagements de la Fondation dans les domaines de la culture, du social et de la santé. Puis Tobias Richter, directeur général du Grand Théâtre de Genève, a présenté une partie de la troupe des jeunes solistes en résidence au Grand Théâtre, laquelle a chanté un programme tout à fait inédit et créé spécialement pour cet anniversaire. Rappelons que, depuis trois saisons, la Fondation BNP Paribas Suisse est le partenaire fondateur et principal de la troupe des

menu sur www.geneveopera.ch

jeunes solistes en résidence au Grand Théâtre. Un partenariat

réservation obligatoire à la billetterie.

mécénat pérenne qui prend toute sa valeur dans la durée. TL 5 17/08/12 10:21


OP´ A t On

> JJR (Citoyen de Genève)

Ə

R

de Philippe Fénélon - Livret de Ian Burton

Direction musicale : Jean Deroyer Mise en scène & lumières : Robert Carsen décors : Radu Boruzescu Costumes : Miruna Boruzescu JJR1 (enfant) : Jonathan De Ceuster JJR2 (adulte) : Edwin Crossley-Mercer JJR3 (âgé) : Rodolphe Briand

Au BFM, 11 | 13 | 16 | 18 | 20 | 22 | 24 septembre 2012

La faute à Rousseau Qui est donc ce Jean-Jacques Rousseau, musicien contrarié, ce philosophe éclairé, cet homme aux multiples facettes, décrié, critiqué, pour ne pas dire persécuté au XVIIIème siècle et qui continue à diviser, à susciter bien des controverses ? Alors que le Grand Théâtre de Genève s’ apprête à faire jouer la création mondiale de JJR (Citoyen de Genève), les trois comparses Philippe Fénelon, le compositeur, Ian Burton, le librettiste et Robert Carsen , le metteur en scène, tentent d’y répondre par ce « divertissement philosophique »

6 ACT-0_N°12_LT.indd 6

JJR (Citoyen de Genève), le juste tribut au musicien...

ACT.0 | 12

17/08/12 10:21


OP´ At On

Ə

R

Tout serait de la faute à Rousseau. Au moment de la célébration du bicentenaire de sa naissance, qui se déroule dans une atmosphère politique tendue, ses adversaires s’ acharnent et l’ accusent, entre autres, d’ avoir sapé les fondements de la famille et d’être à l’origine de la déchristianisation de la France. Pour eux, la révolution française et Rousseau ont partie liée. En 1800, Napoléon Bonaparte déclara dans la chambre du penseur rêveur à Ermenonville : « C’était un fou, votre Rousseau ; c’est lui qui nous a mené où nous sommes. » Considéré comme le philosophe du peuple par les révolutionnaires, il était aux yeux de beaucoup un personnage scandaleux, provoquant, prompt à la fâcherie et à la polémique. Tout au long de sa vie, sa complexe mère patrie l’ attire et le repousse comme un aimant, mais sa naissance républicaine joue un rôle fondamental pour sa pensée politique et sociale. Celui qui fustige la primauté du paraître sur l’être, la corruption et l’hypocrisie, avait deux grandes passions : la nature et la musique. L’herborisation fut en permanence la source d’un grand bonheur : « Je ne connais point d’étude au monde qui s’ associe mieux à mes goûts naturels que celle des plantes », écrit-il. Mais la nature dépasse de loin les déambulations et les amusements du solitaire qui ne veut plus penser à rien, elle est au centre de sa réflexion politique et de la négation des théories de Thomas Hobbes, sous l’influence de la pensée mécaniste de son époque. Et la musique, me direz-vous ? Le sourire ou le haussement des épaules restent de rigueur lorsqu’ on évoque le thème de Rousseau musicien. Encore toujours on le considère comme un amateur au talent médiocre qui disserte sur ce qu’il ne connaît pas. On lui reproche de faire étalage d’une érudition frelatée. Cependant, on oublie qu’ avant la révélation de son génie littéraire, à presque 40 ans, ses écrits comptaient peu à côté de sa passion pour la musique et la composition. Durant de nombreuses années d’instabilité, la musique demeurait la seule constante. Chez Madame de Warens, en grande partie à l’origine de son éducation sentimentale et amoureuse, il étudie la musique en ACT.0 | 12

ACT-0_N°12_LT.indd 7

autodidacte. Il lisait Le traité d’harmonie de Rameau et s’exerçait dans le style de la musique française malgré son amour pour la musique italienne qu’il avait pu apprécier à Venise lorsqu’il était le secrétaire particulier de l’ ambassadeur de France, le Comte de Montaigu, en 1743. « Une musique à mon gré bien supérieure à celle des opéras et qui n’ a pas sa semblable en Italie ni dans le reste du monde est celle des scuole. Les scuole sont des maisons de charité établies pour donner l’éducation à des jeunes filles sans bien (...). Je n’ ai l’idée de rien d’ aussi voluptueux, d’ aussi touchant que cette musique : les richesses de l’ art, le goût exquis des chants, la beauté des voix, la justesse de l’exécution, tout dans ces délicieux concerts concourt à produire une impression qui n’est assurément pas du bon usage, mais dont je doute qu’ aucun cœur d’homme soit à l’ abri ». Pour Rousseau, la musique italienne était synonyme de sensualité, de féminité et de séduction. En 1741, il entreprend d’inventer un système de notation musicale. Il supprime la portée pour lui substituer un système chiffré. Présenté à l’ Académie des Sciences, il lui est répondu que le système n’est pas nouveau. Rousseau n’ abandonne pas, il améliore son projet et le fait publier, à ses frais, sous le titre Dissertation sur la musique moderne, mais il ne rencontre pas plus de succès. A la fin de 1742, il rencontre Denis Diderot. Une solide amitié se lie entre les deux hommes. Leur relation sera complexe, peu à peu ils s’éloigneront et en 1770, Rousseau considèrera Diderot comme un ennemi. Auparavant, en 1749, Diderot lui confie les articles sur la musique dans l’Encyclopédie. En Le trio de la création mondiale de JJR, Ian Burton, le librettiste, Robert Carsen, le metteur en scène et Philippe Fénelon, le compositeur. (page de gauche)

Montage d’ après trois portraits de Jean-Jacques Rouseau

© GTG / carole PArodi

L’

année 2012 à Genève est rousseauiste, ou ne sera pas. Jean-Jacques Rousseau aurait aujourd’hui 300 ans, et nous n’ avons pas fini de le cerner, de l’écouter ou de le suivre. Cet iconoclaste du siècle des lumières méritait bien que sa ville natale, qui jadis avait brûlé certains de ses écrits sur la place publique (Emile et Du contrat social en 1762), lui consacre une année entière. Homme de paradoxes, il traite de l’éducation et met ses cinq enfants à l’ assistance publique, inventeur du Moi-Je, adepte de la fessée, amoureux transi, copiste de musique, voyageur et exilé, philosophe et antiphilosophe révolutionnaire, il nous lègue une œuvre foisonnante et attachante. Trop souvent, nous oublions qu’ il continue à nous inspirer trois siècles plus tard. S’il est un philosophe dont les idées, les résonnances continuent à imprégner les temps modernes, le Citoyen de Genève est bien celui-là. Décrié, critiqué, pour ne pas dire persécuté au XVIIIème siècle, il continue à diviser, à susciter bien des controverses. Mais n’est-ce pas là la force des grands esprits, de ceux qui font bouger les choses, des penseurs qui parviennent à nous sortir des ornières et de la routine ? Celui que Claude Lévi-Strauss considérait comme le fondateur des sciences de l’homme nous a offert une œuvre kaléidoscopique. Il interroge les liens entre la nature et la culture, ouvre la littérature à l’ autofiction et pose les bases de la démocratie moderne. Tout cela, peutêtre, à cause d’une vocation contrariée, celle de musicien.

« Rousseau désire la communication et la transparence des cœurs ; mais il est frustré dans son attente, et, choisissant la voie contraire, il accepte – et suscite – l’obstacle, qui lui permet de se replier dans la résignation passive et dans la certitude de son innocence. » Jean Starobinski extrait de La transparence et l’obstacle

7 17/08/12 10:21


OP´ At On

Ə

Jean Jacques Rousseau La vie de jean-Jacques Rousseau, Bernardin de Saint-Pierre

1752, l’intermède du Citoyen de Genève en un acte, Le Devin du village, est représenté devant le roi Louis XV. Le succès fut au rendez-vous. Le roi, qui n’ aimait pas la musique, « chantait toute la journée les airs avec la voix la plus fausse de son royaume ». Il voulut rencontrer Rousseau au lendemain de la représentation, mais ce dernier s’éclipsa et perdit du coup la pension que le Roi aurait pu lui accorder. Au cours de la même année, éclate la querelle des Bouffons ou guerre des Coins qui oppose les défenseurs de la musique française, regroupés derrière Jean-Philippe Rameau, (le Coin du Roi) et les partisans de la musique italienne, réunis derrière Jean-Jacques Rousseau, (le Coin de la Reine). Le philosophe rédige une Lettre sur la musique française, dans laquelle il soutient la primauté de la musique italienne, celle de la mélodie sur l’harmonie et écorche, en passant, Jean-Philippe Rameau. Et pourtant, le premier opéra de Rousseau se nomme Les Muses galantes. N’était-ce point là un hommage à l’ auteur des Indes galantes ?

ACT-0_N°12_LT.indd 8

Bastienne ? En ébranlant les convictions et les idées reçues, il s’est mis en danger. Il ne lui restera plus qu’ à se parler à lui-même : « Me voici donc seul sur la terre… » Dans le livre V des Confessions, on peut lire : « L’épée use le fourreau, dit-on quelquefois. Voilà mon histoire. Mes passions m’ont fait vivre, et mes passions m’ont tué. »

Lorsque Rameau parle de la musique, il parle de sa musique. Rousseau parle de la mélodie qui est naturelle et qui reste la pure expressivité de l’homme. Jamais, on ne pourra mettre en doute la passion de JJR pour la musique. Elle fut pour lui un permanent réconfort, comme le témoigne Consolations des misères de ma vie, un recueil de chansons. Il s’est opposé à la musique savante du XVIIIème siècle, ce qui lui a valu calomnies et quolibets. Rameau le traita de pilleur et de plagiaire dans le salon de Madame de la Pouplinière, mécène de ce dernier, et qui semblait haïr les Genevois. Pour JeanJacques Rousseau la musique devait être accessible à tous, et permettre d’exprimer les sentiments et les passions, pour

Mais peut-on faire chanter Rousseau au XXIème siècle ? À cette question, l’équipe réuni par Tobias Richter, il y a plusieurs années, a répondu oui. Elle a accepté de concevoir un projet qui rendrait hommage à l’une des grandes passions du philosophe. Ensemble, Philippe Fénelon, le compositeur, Ian Burton, le fidèle dramaturge et collaborateur de Robert Carsen et ce dernier, metteur en scène, se sont mis au travail pour réaliser ce qu’ils appellent un divertissement philosophique en sept scènes et une huitième – Vaudeville. Un ouvrage qui reprend la structure du Devin du village, un intermède en un acte dont la musique et le livret sont dus à JJR et dont le carillon de la cathédrale St-Pierre égrène certains

lui, la bonne musique est celle qui nous touche. En cela, il contribue à redonner à la musique sa pureté et ses émotions originelles. Probablement Gluck est parvenu à concrétiser les vœux chers au cœur de celui qui a vécu de la musique au sens propre du mot. En effet Le Devin du village, auquel il avait consacré quatre à six semaines, lui rapporta presqu’ autant d’écus que l’Emile qui lui demanda de nombreuses années d’efforts et de réflexion.

jours de l’ année un extrait : Allons danser sous les ormeaux que, selon la légende, chantait Louis XV au lendemain de la création de l’ouvrage à Fontainebleau. Au mois de mai, ce même carillon joue Le Ranz des vaches que vous découvrirez dans la création au Bâtiment des Forces Motrices. Cet ouvrage se veut nullement biographique ou le récit d’une vie, il s’ agit d’un divertissement qui rend hommage aux contradictions d’une pensée, aux méandres d’une œuvre colossale qui continue à résonner au XXIème siècle. De temps à autre, surgissent des évocations biographiques et chaque scène permet de découvrir un contradicteur, et rapidement on se rend compte que le rôle dominant des personnages est davantage idéologique que psychologique. Chaque scène possède une dramaturgie musicale spécifique qui correspond à la construction séquentielle du livret. A la nature succède le thème de Dieu, avant de parler des plaisirs de l’écriture. La scène IV évoque l’enfance et l’éducation et où vous pourrez croiser Robinson Crusoé. La botanique, sexe et sensibilité, argent seront également de la partie. Le divertissement s’ achève sur un vaudeville qui fait référence à la passion et à

Au moment de la création de Saint-François d’Assise, Olivier Messiaen a déclaré : « la mélodie est le point de départ, qu’elle reste souveraine ! » Si le talent de musicien, de compositeur reste contestable, Rousseau avait dans ses intentions quelque chose de l’ordre du génie. Ses idées ont fait de lui un philosophe de la musique et comme dans bien des domaines qu’il a explorés, nous en vivons encore. N’a-t-il pas ouvert les portes au romantisme ? Aux dieux et aux personnages de la mythologie, il a fait succéder des êtres de chair et de sang, des gens issus du peuple qui n’a pas voulu le comprendre. Colin et Colette ne sont-ils pas les ancêtres de Bastien et de 8

© GTG / Carole Parodi

R

« La musique m’est aussi nécessaire que le pain. »

ACT.0 | 12

17/08/12 10:21


OP´ At On

Ə

© DR

© GTG / Carole Parodi

R

la relation de Jean-Jacques Rousseau avec la musique. Vous croiserez le rêveur solitaire à trois moments de sa vie, à 12 ans, il illustre la thématique de l’enfance et de l’Emile, à 21 ans, le Rousseau mature et à 66 ans qui raconte sa vie aux deux autres. Le mot de la fin sera pour Rousseau âgé (JJR3) qui invite JJR1 et JJR2 à une promenade botanique afin de contempler les fleurs et les étoiles. Les trois JJR ne marquent pas simplement trois âges de la vie, ils sont l’illustration de l’éclatement d’une personnalité et rompent toute illusion réaliste. Si la dramaturgie est kaléidoscopique à l’image de l’œuvre du philosophe, la musique l’est également. Philippe Fénelon a convoqué de nombreux genres musicaux : le madrigal, le contrepoint, la musique répétitive, le cor des Alpes, la carmagnole, le fandango… un large tour d’horizon dans la vaste Encyclopédie de la Musique pour un hommage à celui qui a ouvert tant de nouvelles perspectives. Parce qu’il était différent, il fut, et reste, la cible des censeurs. Le temps passe, des siècles s’écoulent, ses formules, ses idées restent d’ actualité et continuent à alimenter la pensée.

Le Grand Théâtre de Genève se réjouit de pouvoir consacrer un ouvrage, une création mondiale à Jean-Jacques Rousseau et ce, grâce au soutien de la Ville de Genève qui a permis de mettre en route cette commande, il y a plus de quatre ans. Une nouvelle œuvre qui voit le jour constitue toujours un acte essentiel et vital pour l’histoire d’un théâtre. Nul doute que vous serez nombreux à répondre présent pour retrouver des personnages que Rousseau a connus et d’ autres qu’il n’ a pas rencontrés : Madame de Warens, Thérèse, le marquis de Sade, Diderot, Robinson Crusoé, Colin et Colette qui en un peu moins de deux heures rendent hommage à ce que fut une des grandes motivations du philosophe : la musique. A la vocation contrariée succèdera un grand philosophe des lumières toujours d’ actualité. Rousseau est bien le Newton du monde moral comme l’affirme Emmanuel Kant. Il contribue à donner à l’homme une place centrale dans notre conception du monde. Nombreux sont ceux qui ont considéré Rousseau comme leur inspirateur ; Kierkegaard, Tolstoï, Nerval, Stendhal, Hölderlin ou encore Gide. DD

ACT.0 | 12

ACT-0_N°12_LT.indd 9

« Je vous l’ ai bien dit que le théâtre ne sert à rien ! Quand j’ allais être présenté au Roi, après la première du Devin du village, j’ avais dans ma poche le manuscrit de mon discours De l’ inégalité parmi les hommes. C’est ce texte, avec Du contrat social, qui a été le moins bien compris de tout ce que j’ ai écrit – d’abord par Robespierre, puis par Karl Marx, Mao Tsé-Tung, Fidel (En-haut, à gauche) Robert Carsen en grande Castro et plein d’autres ! […] conversation avec le jeune chef Mais qu’est-ce que je fais d’orchestre Jean Deroyer lors des répétitions aux studios de Sainte ici ? J’étais en route pour la Clotilde en août 2012 Robaila… On dit qu’il y a dans (En-haut, à droite) David Portillo, Karen Vourc’h, cette montagne des orchidées Isabelle Henriquez et Edwin sauvages que personne n’a Crossley-Mercer lors des premières répétitions à Genève. jamais répertoriées. (à JJR 1et JJR 2) Vous ne voulez

pas venir avec moi ? C’est plus amusant que de rester enfermé ici. D’ailleurs, je vais pouvoir vous montrer une constellation étonnante… Les plantes semblent avoir été semées avec profusion sur la terre comme les étoiles dans le ciel, pour inviter l’homme à l’étude de la Nature… » (JJR1, JJR2 et JJR3 sortent)

(Ci-dessus, de gauche à droite)

Les (vraies) rencontres de JeanJacques Rousseau et les personnages de son époque (ou pas) se retrouvent dans cette création composée par Philippe Fénelon écrite par Ian Burton et mise en scène par Robert Carsen : JJR ( jeune), le marquis de Sade, Diderot, Madame de Warens, Thérèse ou encore Robinson Crusoé.

JJR 3 dans le final de JJR (Citoyen de Genève)

9 17/08/12 10:21


OP´ At On

Ə

R

> Il Barbiere di Siviglia de Gioachino Rossini

Direction musicale : Alberto Zedda Mise en scène : Damiano Michieletto décors : Paolo Fantin Costumes : Silvia Aymonino Il Conte Almaviva : Lawrence Brownlee Bartolo : Alberto Rinaldi Rosina : Silvia Tro Santafé Figaro : Tassis Christoyannis Basilio : Roberto Scandiuzzi Berta : Sophie Gordeladze

Le Barbier en reprend deux... La reprise pendant ce mois de septembre de la production séduisante et colorée du Barbier de Séville de Gioacchino Rossini par Damiano Michieletto n’ aura qu’un bémol : le nombre très limité de représentations (quatre seulement !) sur la scène de Neuve. Et c’est d’ autant plus regrettable que la distribution du spectacle qui avait enchanté le public genevois en septembre 2010 s’est enrichie de deux voix qui attirent l’ attention des amateurs du répertoire italien, l’une depuis quelques années et l’autre depuis deux décennies…

par Christopher Park

E

10 ACT-0_N°12_LT.indd 10

Connu déjà du public suisse par ses prestations aux opéras de Lausanne (Lindoro de L’Italiana in Algeri) et de SaintGall (Elvino de La Sonnambula), l’Almaviva de Lawrence Brownlee sera la première apparition genevoise du ténor étasunien. Pour convaincre les derniers sceptiques, plusieurs enregistrements permettent de découvrir son timbre clair et sa technique impressionnante : les Carmina Burana avec les Berliner Philharmoniker sous la direction de Simon Rattle, ainsi qu’un DVD de La Cenerentola dans une production du Met, où le Don Ramiro de Brownlee répond à l’Angelina d’El1ˉna Garancˇa. Mais pour se préparer à son passage éclair

© DR

n Comte Almaviva (alias Lindoro), le ténor Lawrence Brownlee est à l’heure actuelle l’un des meilleurs jeunes interprètes de son registre vocal. Belcantiste jusqu’aux os, il habite avec une aisance impressionnante les rôles de ténor lyrique des opéras de Rossini, Bellini et Donizetti. Doté d’une rare agilité vocale, ses coloratures l’ont déjà consacré comme l’un des artistes les plus demandés dans son répertoire à travers le monde. Et bien qu’on souhaite encore une longue carrière au talentueux Péruvien, on n’hésite pas, dans certains cercles, à parler de Larry Brownlee comme du nouveau Juan Diego Flórez… Né à Youngstown dans l’état de l’Ohio, Lawrence Brownlee reçoit sa formation aux États-Unis et inaugure sa carrière professionnelle au Virginia Opera en 2002 avec le rôle qui est devenu sa carte de visite, celui d’Almaviva dans Le Barbier de Séville. Le jeune chanteur s’est vite fait entendre : on lui propose la même année un début européen dans le même rôle… à La Scala. Le mouvement est lancé : Lawrence Brownlee a brillé en Almaviva pendant ces dix dernières années au Metropolitan de New York, à Berlin au Staatsoper, à Washington, San Diego, Madrid et Baden Baden. Lawrence Brownlee vit à Atlanta, dans l’état de Géorgie, avec son épouse et leurs deux enfants. Jeune trentenaire, il n’a pas seulement l’ âge des rôles qui lui ont fait sa réputation : Lindoro (L’Italiana in Algeri), Don Ramiro (La Cenerentola), Le Comte Ory, Narciso (Il Turco in Italia), mais les interprète aussi avec un dynamisme dramatique convaincant qui ajoute au charme du bel canto lumineux que l’ artiste produit sans effort apparent. Lawrence Brownlee s’est également distingué dans le domaine de l’oratorio : le public de Covent Garden a pu l’entendre tenir le pupitre de ténor dans Israel in Egypt et Messiah de Haendel et les Carmina Burana de Carl Orff.

© GTG / vincent lepresle

Lawrence Brownlee et Roberto Scandiuzzi, deux voix d’ or en plus pour Rossini...

Au Grand Théâtre, 10 | 12 | 15 | 17 septembre 2012

ACT.0 | 12

17/08/12 10:21


OP´ At On

Ə

© DR

ACT.0 | 12

ACT-0_N°12_LT.indd 11

une ampleur internationale dans les années 90, avec le rôletitre de Don Giovanni à Marseille en 1997 et la même année Timur (Turandot) au Met de New York. En 1998, il chante dans Ernani au Wiener Staatsoper, sous la direction de Seiji Ozawa, et La Khovantschchina au Met avec Valery Gergiev. Il revient à La Scala pour une version concert d’Oedipus Rex, sous la baguette d’Ingo Metzmacher. Signalons également un deuxième passage à Genève en 1994, pour interpréter Zaccaria de Nabucco. Le début du millénaire ne fait que confirmer le succès de Roberto Scandiuzzi. À Zurich, il est Alvise (La Gioconda), Macbeth à Palerme, Philippe II (Don Carlo) à Dresde, Golaud (Pelléas et Mélisande) au Met et Boris Godounov à Madrid. Son talent scénique est doublé d’une prédilection pour le récital et le concert : soliste très en demande pour les grandes partitions du romantisme italien, on l’ a entendu dans le Stabat Mater de Rossini et le Requiem de Verdi à Lyon, San Francisco, à La Scala, Vérone, Parme et Florence. Noblesse oblige, une carrière si distinguée ne peut éviter le studio d’enregistrement. Roberto Scandiuzzi a prêté sa voix aux prises de son pour des chefs de l’ordre de Marcello Viotti (La Sonnambula, La Gioconda), Giuseppe Sinopoli (Stabat Mater de Dvorak), Kent Nagano (La Bohème), Myun-Whun Chung (Stabat Mater de Rossini), Fabio Luisi (Alzira, Arnoldo et Gerusalemme), Bernard Haitink (Don Carlo) et Georg Solti (Simon Boccanegra). Entre la jeune fougue pétillante de l’Almaviva de Larry Brownlee et l’expertise musicale et scénique du Basilio de Roberto Scandiuzzi, les artistes de la production originale revenus interpréter cette reprise (Silvia Tro Santafé en Rosina, Tassis Christoyannis en Figaro et Alberto Rinaldi en Bartolo) peuvent compter sur le talent de leurs nouveaux camarades pour ajouter au lustre d’une des réalisations les plus brillantes de la nouvelle décennie au Grand Théâtre. ChP

© Ken Howard/Metropolitan Opera

© GTG / vincent lepresle

R

sur la scène de Neuve, le meilleur échantillon du talent de Lawrence Brownlee, est très certainement sa collaboration avec Maestro Alberto Zedda (qui revient à Genève diriger Il Barbiere di Siviglia), dans L’Italiana in Algeri pour EMI. L’un des moments les plus attendus de toute représentation du Barbier est très certainement « La calunnia è un venticello. », le grand air de Don Basilio, maître de musique de la belle Rosina, où il propose à Bartolo de discréditer le Comte Almaviva par la calomnie, l’empêchant ainsi de faire la cour à sa pupille. Pour la reprise de ce mois de septembre, le Grand Théâtre est particulièrement heureux de compter sur la présence d’un Basilio d’exception, en la personne de l’une des basses italiennes les plus chevronnées, Roberto Scandiuzzi. Après des études de chant à Trévise, le jeune Roberto Scandiuzzi fait ses débuts professionnels en 1982 dans Le Nozze di Figaro, sous la direction de Riccardo Muti à La Scala. La même année, il fait sa première apparition à Genève, en Sourine (La Dame de pique) Sa carrière prend

(ci-dessus)

Renée Fleming, que l’on entendra en décembre au Grand Théâtre dans les bras de Lawrence Brownlee dans la production de Armida au Met en 2011 (Au-dessus)

En septembre 2010, la création de la production du Barbier au Grand Théâtre de Genève. (En bas)

Lawrence Brownlee et Roberto Scandiuzzi

11 17/08/12 10:21


OP´ At On

Ə

R

> Samson et Dalila

de Camille Saint-Saëns

Direction musicale : Michel Plasson Mise en scène, décors et costumes : Patrick Kinmonth Samson : Aleksandrs Antonenko Dalila : Malgorzata Walewska Au Grand Théâtre, 7 | 10 | 13 | 16 | 19 | 21 novembre 2012

Samson et Dalila

Du fracas de l’acier au mutisme divin Un entretien avec Christopher Park

12 ACT-0_N°12_LT.indd 12

ACT.0 | 12

17/08/12 10:21


OP´ At On

Ə

R

© DOB / Barbara Aumüller

Christopher Park Patrick Kinmonth, votre carrière est indéniablement éclectique : designer de mode et de textiles, artiste peintre, commissaire d’expositions, décorateur de théâtre et metteur en scène… Comment avezvous pu vous former à tant d’aptitudes si diverses ? Patrick Kinmonth Depuis le début, j’ ai toujours eu tendance à être divergent. D’ abord, j’étais un peintre qui ne voulait pas faire des études artistiques, ce qui imposa une première contradiction dans ma vie. Je suis donc allé faire des études littéraires à Oxford, mais sans arrêter de peindre. Dès le départ, je me suis habitué à faire une chose, tout en menant d’autres projets autour. C’est parti de cela, en fait. Je suis une personne qui sait accepter les collaborations qu’on me propose au hasard des rencontres que je fais, car il faut savoir saisir les occasions que la vie nous offre. C’est ainsi que ma carrière théâtrale a commencé : j’exposais une série de grands tableaux, entre paysage et abstraction, qui posaient des questions sur l’ avenir de la manière de peindre la nature. Le chorégraphe David Bintley a vu ces tableaux. À l’époque, il travaillait sur une pièce contemporaine à Covent Garden, pour laquelle l’un de mes amis, le designer Jasper Conran, avait dessiné les costumes. Le sujet de leur pièce était la nostalgie du classique. Jasper m’ a appelé et m’ a dit qu’ils souhaitaient utiliser mes tableaux comme décors de ce ballet, si j’ arrivais à trouver un moyen de les adapter à la scène de Covent Garden. J’ ai donc accepté leur offre et, par la suite, Robert Carsen, qui me connaissait en tant qu’ artiste peintre et qui savait que j’ aimais l’opéra mais qui n’ avait jamais imaginé mon travail dans un contexte théâtral, m’ a demandé de collaborer avec lui. J’ai dit oui, mais à la condition qu’ il me laisse gérer tous les aspects visuels, pas juste les décors mais aussi les costumes. Il était un peu surpris de m’entendre dire cela, et moi-même encore plus, car je n’ avais aucune expérience dans la conception de cosACT.0 | 12

ACT-0_N°12_LT.indd 13

tumes. Mais ce fut le point de départ de quelque chose de très important pour moi : la transition des deux dimensions de la toile vers les trois dimensions du théâtre, ainsi que la collaboration avec les chanteurs, le directeur musical, et ainsi de suite. Parfois on me dit : « Vous avez fait tellement de choses différentes. » Je ne peux que répondre que je n’ ai fait que mon mieux pour être à la hauteur de l’occasion, comme, par exemple, lorsque j’ ai répondu à la demande de la famille Missoni pour leur dessiner un bâtiment à Los Angeles. Il y a une sorte de suite logique dans ma carrière : j’ ai commencé par être choriste dans mon enfance et je passais pas mal de temps à tourner comme soprano soliste avec un certain succès, dans les cathédrales, au concert. Je jouais également du piano. Il y a toujours eu une dimension musicale dans ma vie pour s’ ajouter à la dimension visuelle des arts plastiques : l’architecture, la photographie et la peinture. Être entré dans le monde du théâtre a permis à ma carrière de se former en cumulant des réponses aux occasions extraordinaires qui m’ont été données et qui m’ont amené, inexorablement, à la mise en scène et à la conception visuelle. Faire les deux à la fois stimule à la fois le conscient et l’inconscient à produire une réaction visuelle directe. La musique me propose des séquences d’images, essentielles pour mon travail. On a souvent remarqué qu’on perçoit dans mes productions un dialogue entre le visuel et musical qui va très profondément dans la matière de l’œuvre, au-delà de l’intrigue ou de la narration. ChP Parlons donc de Samson et Dalila, c’est une de vos plus récentes créations scéniques, comment la situez-vous dans votre trajectoire de créateur, ainsi que par rapport aux sensibilités esthétiques et visuelles que vous venez d’évoquer ? PK Le point de départ de cette production assumait la controverse sans complexe, mais je tenais absolument à approfondir une réflexion sur l’époque et le lieu où Samson et Dalila a été créé. La production n’est pas arbitrairement située au XIXème siècle ; elle est située précisément à l’époque même, à l’année même où Saint-Saëns la composa. Cela me semblait inconcevable qu’un être d’une telle sensibilité, vivant alors à Paris, ne puisse pas être émotionnellement affecté par ce qui se passait à sa fenêtre, à savoir, l’un des plus grands cataclysmes de l’histoire civique de Paris : la guerre franco-prusse. Saint-Saëns a du quitter Paris pour se réfugier en Angleterre. Après cela il a visité l’Egypte et l’Algérie. Pour moi, la matière de l’œuvre tout entière, la violence du conflit entre la France et la Prusse, tout cela semblait inévitablement relié au contexte contemporain de l’opéra et à sa composition. Saint-Saëns a commencé par écrire le célèbre duo amoureux et puis il a laissé sa musique se remplir des grondements de la tempête, que j’ ai perçus comme étant l’image de la tempête politique qui grondait autour de lui à Paris. Et puis cette tempête a éclaté en France, exactement de la manière dont il fait s’ affronter les deux peuples dans son opéra, en une bataille cataclysmique, l’un contre l’ autre. Outre cette réflexion historique, je suis convaincu que mon travail doit aussi être sensible à son cadre géographique. La production que je présenterai à Genève sera, je l’espère, aussi appropriée à Genève que la production que j’ avais réalisée pour Berlin était directement influencée par le fait que je présentais cette œuvre au Deutsche Oper, à l’extérieur duquel se trouve la Siegessäule, la Colonne de la Victoire, érigée pour commémorer les victoires militaires prussiennes, entre autre sur la France. Pendant mon séjour à Berlin, j’avais été profondément affecté par l’idée que ces victoires avaient donné naissance au Premier Reich, à l’union moderne des nations allemandes en un seul empire, dont nous avons vu le dénouement inévi-

© Tessa Traeger

Camille Saint-Saëns voulait écrire un oratorio dans le style de Haendel ou Mendelssohn. C’est un grand opéra à la française qui est sorti de sa plume, rempli de musiques voluptueuses, de chœurs sismiques et de ballets qui font la bacchanale. Mais sur un thème biblique… La mise en scène du concepteur visuel britannique Patrick Kinmonth, qui en signa aussi les décors et les costumes, pour le Deutsche Oper de Berlin, a suscité plus d’une controverse à sa création en 2010, autant dans sa réception critique que parmi les artistes de la création eux-mêmes ! Au moment où le Grand Théâtre prépare la reprise de cette fresque grandiose, où soufflent les clameurs de la guerre et les soupirs de l’ amour, Patrick Kinmonth a accepté d’évoquer certains aspects de sa mise en scène.

(ci-dessus)

Le metteur en scène, scénographe et et costumier Patrick Kinmonth. (page de gauche)

à la fin de l’acte 2, l’arrestation de Samson avec le chœur du Deutsche Oper Berlin lors de la création de cette production en 2011.

13 17/08/12 10:21


OP´ At On

Ə

R

« Et tout cela se passe sur scène, sous cet écran vide qui, peu à peu, s’est imposé à moi comme une représentation de la présence ineffable, insondable, irreprésentable (dans la culture juive), même vide, de Dieu. Il sert aussi à rappeler le pouvoir de la mémoire, la page d’histoire sur laquelle on écrit tout cela, et qui est constamment effacée, ou en danger d’être effacée. » Patrick Kinmonth

table se jouer à notre époque, et cela a fortement influencé ma production. Ces événements sont perçus moins vivement à Genève, ce qui m’ a poussé à moduler ma mise en scène, tout en la basant sur les mêmes références, mais en tenant compte de la plus grande proximité culturelle de Genève à la France. ChP La version berlinoise de votre production, celle de sa création au Deutsche Oper, a causé beaucoup de remous. Quel genre d’ ajustement souhaitez-vous y porter ? PK Je vais procéder à plusieurs changements dans la trame narrative, à cause de certaines suppositions que j’ avais faites à Berlin. Sans doute à cause de mes études littéraires à Oxford, mon analyse est souvent fortement textuelle ; ma sensibilité visuelle me suggère certes des images, mais la logique implacable du texte me fascine. Or, si l’on analyse le texte de Samson et Dalila, on découvre que les faits importants du récit biblique n’y sont qu’évoqués, par exemple, quand Samson se fait couper sa chevelure, ou lorsqu’on lui crève les yeux. Dans le deuxième acte de Samson, Saint-Saëns nous présente effectivement Samson aveugle, mais son supplice n’est mentionné ni dans la partition, ni dans le livret. De même pour l’épisode où Dalila lui coupe sa chevelure. Comment un compositeur peutil ainsi faire abstraction d’une scène aussi psychologiquement chargée où une femme coupe les cheveux d’un homme pour lui faire perdre sa force, c’est tout à fait fascinant. À Berlin, j’ai voulu jouer avec cette idée mais je ne crois pas que cela soit très intéressant pour Genève. Ce sont évidemment des perceptions très subjectives, mais ce qui est passionnant dans le métier de metteur en scène à l’opéra, c’est qu’on est autorisé à habiter un texte et une œuvre musicale et d’en assumer ce qu’on y ressent de pertinent, pour le présenter au public. ChP Plus précisément, quels sont les défis dramatiques que vous a posés votre production au Deutsche Oper, notamment la familiarité du public avec le récit biblique. Pensezvous que vous aurez encore à leur faire face à Genève ? PK J’ai pris la décision consciente, au tout début de mon travail, de présumer que toutes les personnes qui viendraient voir la production auraient une idée de la légende de Samson et Dalila en tête. Ce ne serait pas comme pour une mise en scène de Mitridate ou de Lucio Silla ou tout autre opéra rarement joué et dont on risque fort de ne pas connaître l’histoire, parce que le livret n’ a pas d’ autres correspondances 14 ACT-0_N°12_LT.indd 14

culturelles. Dans ce genre de cas, il est très important que le metteur en scène raconte bien l’histoire. Moi je trouve cela intéressant de travailler de manière plus radicale avec des opéras qui font désormais partie de notre culture générale, comme La Traviata, où l’on peut partir du principe que presque tout le monde, ou en tout cas presque tout le public présent à la représentation, connaît déjà l’histoire. C’est le cas de Samson et Dalila et je crois donc qu’il est licite de prendre de grandes libertés dans la narration parce que la dynamique qui se met en jeu entre le mythe et ce qui se passe sur scène fait partie du plaisir de la soirée. ChP Donc, Samson en héros charismatique et puissant, Dalila en belle séductrice… PK Oui bien sûr, il y a tout cela, les éléments essentiels du récit doivent être présents : que Samson est un leader charismatique, que Dalila est une figure extraordinairement complexe et érotique, qui a le pouvoir de le capturer. D’ ailleurs, si vous connaissez le mythe, elle n’est pas la seule femme dans sa vie. Dans le récit biblique, Samson est attaché à beaucoup d’ autres femmes, il est un conquérant et un séducteur, quelqu’un avec un énorme appétit sexuel. Mais entre lui et elle, il y a une forte attirance physique dont je cherche à faire ressortir la dynamique dans ma production. J’ai pris le temps d’examiner leur relation sous plusieurs angles, ce qui m’ a amené à souligner, dans ma nouvelle version genevoise, les relations qui les lient tous deux aux personnages qui les entourent. Une co-production peut simplement être la reprise exacte d’une mise en scène, présentée dans des lieux différents, mais ce qui m’ intéresse c’est de laisser la production se développer avec chaque lieu où elle est représentée. Cela me semble important parce que cela dynamise toutes les personnes qui prennent part au projet et qu’un véritable acte de création a lieu chaque fois que l’œuvre est présentée. Et cela aura son influence sur l’ ambiance dans le théâtre au moment où l’on jouera l’œuvre. ChP Vous avez remarqué que Genève, sans être la France, est culturellement très française. Or Samson et Dalila est une œuvre qui évoque des motifs fortement ancrés dans le passé culturel français, « Mon cœur s’ouvre à ta voix », « Réponds à ma tendresse », « Printemps qui commence », la bacchanale… Et voici qu’un esthète anglo-irlandais se propose de nous donner sa relecture de cette œuvre mythique, après l’avoir fait avaler aux Prussiens, qu’est-ce que ACT.0 | 12

17/08/12 10:21


OP´ At On

Ə

© DOB / Barbara Aumüller

R

cela vous inspire comme sentiments ? PK Pour moi, l’œuvre tout entière de Saint-Saëns est représentative de la culture française, et pas seulement Samson et Dalila. De son vivant, Saint-Saëns est devenu une sorte de représentant par excellence de la culture française et il se voyait lui-même comme une sorte de garant de sa spécificité unique, sa « francité », pour ainsi dire. À son décès, on déclara un deuil national, les rues de Paris furent tendues de crêpe noir, il y eut des éloges funèbres, une magnifique procession du cercueil à travers les rues, et ainsi de suite. Saint-Saëns n’est pas juste un compositeur, c’est un grand compositeur français. Je crois que c’est un fait particulier à la musique française d’ avoir une sorte de représentant choisi pour symboliser la culture nationale, un peu comme nous avons en Angleterre pour la littérature, avec le poète lauréat. À la différence que le poète lauréat est désigné, très clairement, par ordre royal. Mais Saint-Saëns s’ approche de très près de l’idée d’un « poète musical » national, ou en d’ autres termes, d’une personnalité réelle au cœur de la culture nationale. Dans la culture française, la musique joue le rôle équivalent à celui de la poésie pour la culture anglaise. En Angleterre, nous mettons nos jardiniers et nos poètes avant nos compositeurs, même si nous aimons beaucoup notre musique, mais il y a un ordre de préséance. En France, c’est la musique française qui incarne la France, qu’elle soit à travers Saint-Saëns ou Messiaen, qui je suppose est le dernier compositeur a avoir assumé ce rôle imparti plus par consensus populaire que par désignation officielle. Il semble, en tout cas, que cela aide d’être organiste, et Saint-Saëns était, bien entendu, titulaire des orgues de l’église de la Madeleine. ChP Et puisque la tradition musicale genevoise a joué un rôle important dans la musique ecclésiastique française, depuis le Psautier genevois jusqu’ au Golgotha de Frank Martin, nous pouvons être certains qu’il se trouve à Genève de nombreux connaisseurs de Saint-Saëns l’organiste et compositeur de musique sacrée qui apprécieront votre Samson et Dalila ! PK Je l’espère ! C’est en tout cas à ce genre de rapport différent à l’œuvre que j’aimerais parler. D’ ailleurs, j’ ai reçu une demande expresse du Grand Théâtre d’inclure la bacchanale que j’avais supprimée à Berlin, parce qu’on sentait qu’il serait inconcevable de présenter un grand opéra français à Genève sans le traditionnel ballet. Je me sers également dans ma proACT.0 | 12

ACT-0_N°12_LT.indd 15

duction d’un élément scénique important que j’ avais imaginé, de manière presque subconsciente, dès le début de mon travail. Au moment de commencer à réfléchir sur Samson, j’ ai eu la vision d’un écran vide sur scène, que je voulais faire bouger d’une certaine manière et qui devait créer une dynamique spatiale entre l’écran vide et ce qui se passerait sur le plateau entre le vide et le réalisme presque cinématographique du décor, avec sa gare et ses chemins de fer, si importants pendant la guerre franco-prusse. Cette guerre a d’ ailleurs été la première à utiliser les chemins de fer dans le déplacement des troupes (y compris la cavalerie !). Pour la première fois, l’acier devient un enjeu stratégique et motive l’annexion de l’Alsace-Lorraine. La guerre franco-prusse est le fracas métallique de la collision entre ce nouveau monde d’ acier et de chemins de fer de la Révolution industrielle et le monde romantique des chevaux et de l’héroïsme individuel. Cela participe de l’énergie que je sens dans cet opéra composé au moment ou le monde ancien de la guerre chevaleresque se heurte au nouveau monde des machines de guerre. Et tout cela se passe sur scène, sous cet écran vide qui, peu à peu, s’est imposé à moi comme une représentation de la présence ineffable, insondable, irreprésentable (dans la culture juive), même vide, de Dieu. Il sert aussi à rappeler le pouvoir de la mémoire, la page d’histoire sur laquelle on écrit tout cela, et qui est constamment effacée, ou en danger d’être effacée.

(ci-contre)

Dans l’Acte 3, la bacchanale avant la scène finale de la production au Deutsche Oper Berlin en 2011 avec Vessilina Kasarova (Dalila) et José Cura (Samson)

ChP Cette analogie entre l’espace vide et le silence divin nous rappelle certains aspects controversés de votre production à Berlin : ses allusions à la déportation et au génocide, qui sont comme vous venez de le dire « la conclusion inévitable » de 1870 et qui, en Allemagne en tout cas, ne peuvent être dissociés de la Shoah qui s’est passée, elle aussi, comme de nombreux créateurs et penseurs l’ont souligné, dans un mutisme divin. Est-ce là un aspect pertinent à votre vision de Samson ? PK Absolument. Le rapport de Samson avec son dieu est la base même de toute l’intrigue et l’un des moments les plus émouvants de la partition est la scène de Samson en prison, faisant l’expérience de la solitude et de l’ abjection que le Christ a connues sur la croix. C’est le moment du doute, où l’on se demande s’il est possible que Dieu m’ ait vraiment abandonné alors que tout ce que j’ ai fait, je l’ ai fait en Son nom. Dans un certain sens, cet opéra est une œuvre juive, car elle parle d’un des grands héros du peuple juif. Pour moi, ceci est un aspect essentiel de l’œuvre : on ne peut pas mettre en scène un opéra qui parle du peuple d’Israël et qui ne tienne pas compte de l’histoire d’Israël. On pourrait penser que la Shoah a déjà été amplement commémorée, notamment à Berlin où on lui a fait une place, où on l’a sculptée, où des musées lui sont consacrés... On pourrait dire : « Ça suffit ! On n’en peut plus, laisseznous faire le deuil de tout cela et aller de l’avant. » Mais une œuvre comme Samson et Dalila ne permet pas à tout cela de passer inaperçu, à plus forte raison si la production a été créée en Allemagne. Si on ne fait pas la moindre allusion à la Shoah dans la mise en scène, alors il me semble qu’on en arrive presque à la nier. Je ne suis pas convaincu que le théâtre soit le lieu idéal pour commémorer la Shoah, mais il y a des moments où faut tout simplement être à la hauteur et je crois que cette production fait partie de ces occasions. J’ai essayé de proposer une lecture à plusieurs niveaux de cette présence dans ma mise en scène, pour illustrer son lien profond avec le destin tragique du peuple juif dans l’histoire, sans la forcer brutalement sur le public. Si vous éprouvez le besoin de la sentir, elle est présente. Pour moi, elle est présente, sans question, d’une manière profonde, pleine de respect et tragique. ChP 15 17/08/12 10:21


OP´ A t On

Ə

R

Fondé en 1986, le Cercle du Grand Théâtre s’est donné pour objectif de réunir toutes les personnes et entreprises qui tiennent à manifester leur intérêt aux arts lyrique, chorégraphique et dramatique. Son but est d’apporter son soutien financier aux activités du Grand Théâtre et ainsi, de participer à son rayonnement.

Rejoigneznous !

Nous serions heureux de vous compter parmi les passionnés d’ arts lyrique et chorégraphique qui s’engagent pour que le Grand Théâtre de Genève conserve et renforce sa place parmi les plus grandes scènes européennes. Adhérer au Cercle du Grand Théâtre, c’est aussi l’assurance de bénéficier des avantages suivants : • Priorité de placement • Service de billetterie personnalisé • Echange de billets • Dîner de gala à l’issue de l’Assemblée Générale • Cocktails d’entractes réservés aux membres • Voyages lyriques • Conférences thématiques « Les Métiers de l’Opéra » • Visites des coulisses et des ateliers du Grand Théâtre. Rencontre avec les artistes • Possibilité d’assister aux répétitions générales • Abonnement au journal ACT-O • Envoi des programmes • Vestiaire privé Pour recevoir de plus amples informations sur les conditions d’adhésion au Cercle, veuillez contacter directement : Madame Gwénola Trutat (le matin, entre 8 h et 12 h) T + 41 022 321 85 77 F +41 022 321 85 79 cercle@geneveopera.ch Cercle du Grand Théâtre de Genève Boulevard du Théâtre 11 1211 Genève 11 16 ACT-0_N°12_LT.indd 16

Le carnet du Cercle Bureau Mme Françoise de Mestral, présidente M. David Lachat, vice-président M. Gabriel Safdié, trésorier Mme Véronique Walter, secrétaire Autres membres du comité Mme Diane d’Arcis S. A. S. la Princesse Andrienne d’Arenberg M. Luc Argand M. Friedrich B. Busse Mme Muriel Chaponnière Rochat M. Gerson Waechter M. Pierre-Alain Wavre Membres bienfaiteurs M. et Mme Luc Argand Mme René Augereau M. et Mme Guy Demole Fondation de bienfaisance de la banque Pictet M. et Mme Pierre Keller MM. Lombard Odier Darier Hentsch et Cie M. et Mme Yves Oltramare Mrs Laurel Polleys-Camus Union Bancaire Privée – UBP SA M. Pierre-Alain Wavre M. et Mme Gérard Wertheimer Membres individuels S.A. Prince Amyn Aga Khan Mme Diane d’Arcis S.A.S. La Princesse Etienne d’Arenberg Mme Dominique Arpels Mme Véronique Barbey Mme Christine Batruch-Hawrylyshyn M. et Mme Gérard Bauer M. et Mme Pierre Benhamou Mme Maria Pilar de la Béraudière M. et Mme Philippe Bertherat Mme Antoine Best Mme Saskia van Beuningen Mme Françoise Bodmer Prof. et Mme Julien Bogousslavsky M. Jean Bonna Comtesse Brandolini d’Adda Mme Robert Briner M. Friedrich B. Busse Mme Caroline Caffin Mme Maria Livanos Cattaui Mme Muriel Chaponnière-Rochat Mme Anne Chevalley M. et Mme Neville Cook M. Jean-Pierre Cubizolle M. et Mme Claude Demole Mme Virginia Drabbe-Seemann M. et Mme Olivier Dunant Mme Denise Elfen-Laniado Mme Maria Embiricos Mme Diane Etter-Soutter Mme Catherine Fauchier-Magnan Mme Clarina Firmenich Mme Pierre Folliet Mme Pierre-Claude Fournet M. et Mme Eric Freymond Mme Elka Gouzer-Waechter M. et Mme Alexey Gribkov Mme Claudia Groothaert M. et Mme Philippe Gudin de La Sablonnière Mme Bernard Haccius M. et Mme Alex Hoffmann M. et Mme Philippe Jabre M. et Mme éric Jacquet M. et Mme Jean Kohler M. David Lachat M. Marko Lacin Me Jean-Flavien Lalive d’Epinay M. et Mme Pierre Lardy

Mme Michèle Laraki Mme Guy Lefort Mme Eric Lescure Mme Eva Lundin M. Ian Lundin M. Bernard Mach Mme France Majoie Le Lous M. et Mme Colin Maltby M. Thierry de Marignac Mme Mark Mathysen-Gerst M. Bertrand Maus Mme Anne Maus M. Olivier Maus M. et Mme Charles de Mestral M. et Mme Francis Minkoff M. et Mme Bernard Momméja M. et Mme Christopher Mouravieff-Apostol Mme Pierre-Yves Mourgue d’Algue M. et Mme Trifon Natsis Mme Laurence Naville M. et Mme Philippe Nordmann M. et Mme Alan Parker M. et Mme Shelby du Pasquier Mme Sibylle Pastré M. Jacques Perrot M. et Mme Gilles Petitpierre M. et Mme Charles Pictet M. et Mme Guillaume Pictet M. et Mme Ivan Pictet M. et Mme Jean-François Pissettaz Mme Françoise Propper Mme Ruth Rappaport Mme Karin Reza M. Jean-Louis du Roy de Blicquy M. et Mme Gabriel Safdié Comte et Comtesse de Saint-Pierre M. Vincenzo Salina Amorini M. et Mme René V. Sanchez M. et Mme Paul Saurel M. Julien Schoenlaub Baron et Baronne Seillière M. Thierry Servant Mme Hans-Rudi Spillmann Marquis et Marquise Enrico Spinola Mme Christiane Steck M. André-Pierre Tardy M. et Mme Riccardo Tattoni M. et Mme Kamen Troller M. Richard de Tscharner M. et Mme Gérard Turpin Mme Emily Turrettini M. et Mme Jean-Luc Vermeulen M. et Mme Olivier Vodoz M. Gerson Waechter Mme Véronique Walter Mme Fabienne Wavre M. et Mme Lionel de Weck Mme Paul-Annik Weiller Membres institutionnels 1875 Finance SA Activgest SA Christie’s (International) SA Credit Suisse SA Fondation BNP Paribas Suisse Fondation Bru Fondation de la Haute Horlogerie Givaudan SA Gonet & Cie, Banquiers Privés H de P (Holding de Picciotto) SA JT International SA Lenz & Staehelin Mandarin Oriental, Genève MKB Conseil & Coaching La Réserve, Genève SGS SA Vacheron Constantin Organe de révision : Plafida ACT.0 | 12

17/08/12 10:21


Pierre-Alain Wavre

Le Cercle, un vecteur d’intégration culturelle

Un entretien avec Albert Garnier

Né à Genève, marié et père de trois enfants, Pierre Alain Wavre est entré en 1986 à la

Albert Garnier Pierre-Alain Wavre, je me suis laissé dire que vous étiez un peu le spécialiste de la communication du Cercle, et que vous étiez à l’origine du nouveau logo ?

Banque Pictet dont il est devenu l’un des hauts dirigeants. Spectateur assidu du Grand Théâtre de longue date, il est

Pierre-Alain Wavre Je n’ai certainement pas cette prétention là, en revanche il est vrai je suis sensible aux aspects de communication, de mécénat et de sponsoring, notamment pour avoir assisté mon frère dans ses démarches de recherches de sponsors, mais aussi parce que je pense que l’on peut dire beaucoup avec un visuel pertinent. Il ne vous aura pas échappé que le nouveau logo est un cercle ouvert rayonnant qui est lui même constitué de plusieurs cercles. Ce visuel résume parfaitement la diversité des membres réunis autour du rayonnement de Genève et du soutien à l’art lyrique et à la danse à Genève, et bien entendu le cercle est ouvert vers l’extérieur… à de nouveaux membres !

devenu membre du Cercle en 2009. Son frère est le navigateur

© DR

Dominique Wavre.

AG Quel est selon vous le rôle du Cercle, sa véritable vocation ? PAW Le Grand Théâtre est très important pour Genève, et le Cercle est important pour le Grand Théâtre non seulement comme soutien financier mais aussi comme panel de spectateurs passionnés et bien intentionnés, qui peuvent à l’occasion être consultés. L’exemple des nouveaux horaires est éloquent, nous en avons beaucoup débattu pour assister le Grand Théâtre dans sa décision. Il est évident que nous ne nous ingérons pas dans le projet artistique, mais nous donnons volontiers conseils et suggestions quand nous sommes consultés. La véritable vocation du Cercle est d’être l’ambassadeur d’une institution de qualité qu’il faut aider et développer. AG Comment devient on membre du Cercle, faut il être coopté ? PAW Rien n’est plus aisé que de devenir membre du Cercle, il suffit en effet d’adhérer et de souscrire un abonnement auprès du secrétariat du Cercle pour profiter des avantages que donne le statut de membre. Parmi ces avantages il y a des rencontres exclusives avec les artistes, avec le management du Grand Théâtre, mais aussi bien entendu de magnifiques rencontres entre membres aux cocktails privatifs qui nous sont réservés aux entractes et lors du dîner annuel sur la scène du Grand Théâtre. Il s’agit sans doute d’un des plus beaux de Genève, l’un des plus attendus ! Enfin il faut relever qu’il existe des incitations fiscales à aider le Grand Théâtre, ces dispositions sont à développer et cela fait partie des dossiers sur lesquels nous devons encore plus travailler. Les partenariats public-privé seront essentiels dans les années à venir qui s’annoncent plus difficiles. Il est important de noter qu’au-delà des individus privés, le Cercle recherche aussi des partenaires institutionnels, entreprises ou fondations. ACT.0 | 12

ACT-0_N°12_LT.indd 17

AG Qui vais-je rencontrer parmi les membres du Cercle ?

Le nouveau logo du Cercle du Grand Théâtre de Genève,

PAW Vous allez y rencontrer des centaines de passionnés et amoureux d’opéra et de danse, mobilisés autour du soutien au Grand Théâtre. Des Genevois bien entendu, des représentants de ce que l’on appelle la « Genève internationale », pour qui le Cercle est un vecteur d’intégration dans la vie locale, mais aussi les membres du club des jeunes spectateurs du Grand Théâtre Labo-M avec lesquels nous établissons des passerelles lors de nos activités. L’art lyrique et la danse sont des langages universels qui se prêtent parfaitement à ces brassages, et l’on mesure à quel point le Grand Théâtre est essentiel au rayonnement de Genève et à l’attractivité de Genève. Quand je rencontre de nouveaux arrivants à Genève, tous me disent qu’ils sont impressionnés par l’offre culturelle de Genève, et sont surpris d’apprendre que cette ville mondialement connue rassemble moins de 200 000 habitants. Le Grand Théâtre contribue fortement à cette image très positive, et tous les acteurs économiques de la ville en ont besoin pour que Genève soit une ville attractive pour les entreprises et leurs cadres.

créé en 2011.

AG La saison 2012-2013 se profile en fin d’été, y a t-il des œuvres que vous attendez impatiemment ? PAW Comme en tout j’ai évolué, et alors qu’il y a quelques années j’aurais redouté cette expérience aujourd’hui je me réjouis du Ring de Wagner et de son prologue L’Or du Rhin. Je me félicite que l’on puisse proposer aux Genevois, en cette année de célébration, la grande chance de découvrir Wagner dans une vraie maison d’opéra, avec l’immense qualité que l’on peut présumer compte tenu des grands talents de toutes les équipes retenues par Tobias Richter. 17 17/08/12 10:21


en A t Ə

Salué par la presse suédoise comme « l’un de nos plus grands talents chorégraphiques » après la parution de son film de danse The Rain en 2007, on dit volontiers, sotto voce, de Pontus Lidberg qu’il serait le nouveau Mats Ek. Mais Mats Ek n’a pas fini de nous étonner, et Pontus Lidberg, même s’il a émergé dans la mouvance de son aîné, a très vite pris place à ses côtés comme chorégraphe et créateur à part entière. Avec plus de 30 créations à son actif, ayant travaillé avec autant de talent pour les plus grandes compagnies de ballet (Ballet royal du Danemark, Théâtre de danse de Pékin) que sur des scènes plus modestes, Pontus Lidberg s’est également fait remarquer comme chorégraphe de dimension internationale à de prestigieux festivals de danse, comme Fall for Dance, à New York ou Jacob’s Pillow. Au moment où il rencontrait le Ballet du Grand Théâtre pour esquisser les premiers pas de Giselle, en mai 2012, nous avons pu lui poser quelques questions au sujet de cette commande du Grand Théâtre qui ajoutera cette légende du ballet romantique français au répertoire de la compagnie genevoise.

Le chorégraphe Pontus Lidberg surpris dans une posture de relaxation pendant les répétitions au Grand Théâtre de Genève, en juin dernier.

18 ACT-0_N°12_LT.indd 18

ACT.0 | 12

17/08/12 10:21


en A t Ə

Giselle par Pontus Lidberg

> Giselle

d’Adolphe Adam

L’obsession d’un cœur brisé Entretien avec Christopher Park

Direction musicale : Philippe Béran Chorégraphie : Pontus Lidberg Scénographie & lumières : Patrik Bogårdh visuels scéniques : Zaria Forman Costumes : Rachel Quarmby-Spadaccini Ballet du Grand Théâtre de Genève Orchestre de la suisse romande

Au Grand Théâtre, 2 | 4 | 5 | 6 | 7 octobre 2012

photos Gregory Batardon

Christopher Park Pontus Lidberg, comment définiriez-vous qui vous êtes et ce que vous faites ? Pontus Lidberg Ces dernière années, j’ai passé beaucoup de temps à élucider cette question dans mon travail : qu’est-ce que le moi, comment les pensées forment notre expérience, comment nous, les êtres humains, nous interprétons les événements de notre vécu et comment nous nous en servons pour raconter des histoires dont nous finissons par croire les interprétations, en les prenant pour véridiques, alors qu’elles ne le sont souvent pas. Nous vivons dans l’interprétation des événements par notre pensée, plutôt que dans une sorte de présent objectif. Je crois que cela pose un dilemme à de nombreuses personnes. Sans vouloir faire de généralisations à l’emporte-pièce, je suis cependant persuadé que c’est notre pensée qui construit le monde dans lequel nous vivons. Plutôt qu’être présents pour ce qui est ici et maintenant, nous sommes plus souvent préoccupés par nos pensées. Pour ma part, je questionne ce dilemme de ne vivre que dans nos pensées au sujet de notre vécu. Les rapports humains constituent également une part importante de mon travail créatif. Ce dont nous venons de parler s’imbrique aussi dans ce thème. Je crois fermement que nous n’interprétons pas que les événements, mais aussi les personnes, et tout ce qui se passe dans nos têtes vient compliquer les rapports qui nous unissent, en tant qu’être humains. Et même si on apprend certaines choses avec l’âge, cela n’en est pas pour autant plus facile. ChP Laissons de côté les considérations philosophiques un instant, si vous voulez bien et parlez-nous de vous-même. PL J’ai 35 ans, je suis Suédois mais je vis à New York. Je suis danseur, chorégraphe et cinéaste, et je me partage équitablement entre ces trois activités. Enfin, peut-être pas tout le temps mais j’essaie en tout cas de faire chaque chose en proportions égales. J’ai été danseur dans la compagnie de ballet du Grand Théâtre alors que Giorgio Mancini en était le directeur. En tant que jeune danseur, j’étais très impatient parce que je ressentais le manque de quelque chose de créatif dans ma simple fonction de danseur. C’était évident que le travail de création était bien plus en phase avec ma personnalité. Cela fait plus de dix ans que je travaille sur mes propres créations, en partageant mon temps entre mes propres initiatives et les commandes que je reçois d’autres comACT.0 | 12

ACT-0_N°12_LT.indd 19

pagnies, comme celle-ci. Je travaille également avec un groupe qui gravite autour de mes projets : une compagnie, certes, mais seulement en association avec mon travail de scène ou de film.

(ci-dessus)

Sarawanee Tanatanit (Giselle) et Damiano Artale (Albrecht) pendant les répétitions au Studio Balanchine

ChP Est-ce la première fois que vous vous attaquez à une œuvre du répertoire ?

en juin dernier.

PL Non, j’ai déjà travaillé sur des nouvelles chorégraphies de ballets existants, bien que cette pièce soit un cas un peu spécial. J’ai réalisé un Petrouchka et un Prélude à l’après-midi d’un faune, par exemple. Mais chaque fois que je travaille sur une nouvelle pièce est une première fois, bien entendu. « Ce n’est pas la première fois », cela n’existe pas. ChP Alors quelles sont vos pensées devant une œuvre si conséquente du grand répertoire ? PL Toutes les œuvres du répertoire n’ont pas le même intérêt pour moi, mais celles que j’ai choisies m’ont toujours passionné. Lorsque Philippe Cohen m’a demandé de faire Giselle, je crois qu’il sentait intuitivement que cela me correspondrait bien. Je crois qu’il avait raison. Reste à voir ce que cela sera, mais je sens en Giselle plusieurs consonances avec ma personnalité et mon travail de ces dernières années. Parmi les thèmes de l’œuvre, la question de l’honnêteté est très présente, ainsi que nos différents dilemmes d’êtres humains qui cherchent à entrer en relation avec autrui. Pour faire court, Giselle est une œuvre où on parle de comment devenir adulte, comment être honnête et sincère. Ce sont des choses qui sont faciles à dire, mais qui sont loin d’être aisées dans la vraie vie. 19 17/08/12 10:21


en A t Ə

ChP Quels sont ces dilemmes que vous voyez dans Giselle ? PL On les retrouve dans plusieurs éléments que je chercherai à mettre en exergue dans ma chorégraphie. Giselle, dans le livret original, meurt d’une faiblesse de cœur et réapparaît en tant que Wili, un fantôme à toutes fins pratiques. Moi, je ne crois pas aux fantômes et je ne crois pas non plus qu’en 2012, les jeunes gens meurent de faiblesses de cœur. Mais le désespoir peut pousser certains jeunes au suicide et de nombreuses personnes feront l’expérience, au cours de leur vie et particulièrement en tant que jeunes adultes, d’une relation qui leur brisera le cœur. La personne qui nous a brisé le cœur peut rester très longtemps dans nos pensées, peutêtre même toujours, au point de devenir une obsession, du moins pour un moment. Je crois que cela est très fréquent et la métaphore qui s’impose, dans le cas de Giselle, est que Giselle devient un fantôme dans la tête de quelqu’un, pas un fantôme au sens propre. Par ailleurs, un autre élément que je voudrais souligner est que Giselle et Albrecht vivent une profonde histoire d’amour qui les rend très proches l’un de l’autre, mais ils ne partagent pas la même vision de la situation. Il

(ci-dessus)

Pontus Lidberg pendant les premières répétitions au Studio Balanchine à Genève. Ici avec Sarawanee Tanatanit qui interprète Giselle

s’est entiché d’elle et n’arrive pas à se contrôler mais son projet est différent : il est fiancé à une autre qu’il va épouser. Et pourtant, il ne peut pas s’empêcher de tomber amoureux de Giselle. Du point de vue de Giselle, Albrecht est son seul, son unique, son véritable amour. Ça arrive tout le temps, les gens tombent amoureux des idées qu’ils se font de quelqu’un, et c’est bien là le problème. Et le dilemme d’Albrecht est qu’il ne veut pas s’avouer ce qui est en train de se passer. ChP Alors ce n’est pas un simple malentendu. Est-ce qu’Albrecht a recours à la supercherie ? PL Oui, mais je ne crois pas que ses intentions soient mauvaises. Nous avons recours au mensonge pour simplifier certaines choses, mais en réalité, Albrecht n’est tout simplement pas assez courageux pour admettre ce qui lui arrive. Certaines choses sont interdites par la société, comme tricher, par exemple, et on comprend pourquoi les gens préfèrent taire ce genre de chose. Mais la franchise est essentielle ici : Albrecht a une fiancée, il en est probablement amoureux, ils se connaissent depuis des années et pourraient certainement être heureux ensemble, mais ça ne l’empêchera pas de tomber amoureux de quelqu’un d’autre. Ce qui pourrait se passer, c’est qu’il reconnaisse honnêtement ce qui est en train d’arriver, ou qu’il fasse semblant que cela n’est pas en train d’arriver. C’est évidemment la deuxième alternative qu’il choisit. Il n’est honnête avec personne. Dans l’argument original, il se déguise en paysan, ce qui est jusqu’à un certain point, une supercherie. Mais ce point de vue est, à mon sens, trop simpliste. Son déguisement lui sert à faire la cour à la

20 ACT-0_N°12_LT.indd 20

fille dont il s’est entiché. Ça ne peut pas durer, il ne pourra pas garder son déguisement éternellement. Il faut bien que quelque chose craque, à la longue, et sans doute pas de la manière qu’Albrecht escomptait. Mais dans ma version, la situation étant transposée à un contexte moderne, les personnages n’agissent pas sur la base d’une idée claire du dénouement des faits. Albrecht et Giselle sont empêtrés dans leurs sentiments mutuels et ne font qu’agir en fonction de cela. Ils sont jeunes et elle, dans toute son innocence, est très courageuse. Elle fonce, sans se poser de questions. ChP Dans sa dramaturgie traditionnelle, Giselle est une œuvre très Yin/Yang. Le premier acte est rempli de joyeuses danses paysannes et de musettes, alors que le deuxième acte n’est qu’ombres, ténèbres et esprits diaphanes. Cette dichotomie vous inspire-t-elle ? PL Dans la version de sa création, Giselle est une histoire dont le contexte historique et géographique sont tous deux fictifs (« Il était une fois, quelque part dans un pays vaguement germanique... »), donc l’argument de l’œuvre n’est pas relié à son contexte historique particulier. Les paysans sont des paysans de conte de fées. Ce que moi j’aimerais faire, c’est présenter la première partie comme ayant lieu dans la réalité et la deuxième partie comme ayant lieu dans le monde de la pensée. Il était très clair pour moi que Giselle parlait de cela. Dans la réalité, il se passe des choses. Dans cette œuvre, une jeune femme se donne la mort, d’une manière très réelle. Et le deuxième acte, c’est ce qui se passe dans la tête d’Albrecht, pour le reste de sa vie et comment cela le transforme. Lorsque nous évoquons l’impermanence des choses, nous voyons que la voiture tombe en panne, qu’on change de maison, mais nous disons que les souvenirs restent. Or, ce n’est pas vrai car les souvenirs changent eux aussi. On oublie certaines choses, car la mémoire n’est pas objective. Le protagoniste masculin principal de ce ballet a beaucoup de choses qui se bousculent dans sa tête : des souvenirs, de la culpabilité, des regrets. Pour qu’il puisse aller de l’avant, il lui faudra progresser par le pardon, dans une certaine mesure. C’est ce qui se passe dans le deuxième acte. ChP Vous dites avoir l’intention de transposer l’argument à un contexte moderne/contemporain. Avez-vous un lieu particulier en tête ? Serait-ce utile de mentionner certaines identités ou certains rapports sociaux qui figureront dans votre création ? PL J’aimerais surtout dire qu’à l’instar de la plupart de mes œuvres, je veux la placer en dehors du temps. En dehors du temps, cela veut dire dans le passé, ou dans l’avenir, ou maintenant. Dur à dire… Esthétiquement, il y a de fortes références aux années 1950 et 1960, bien que l’action ne se situe pas à ces époques. Elle se passe plutôt dans une sorte de lieu magique contemporain qui pourrait très bien être maintenant, si on pense à la manière dont nous recyclons les modes. Mais c’est quelque part en Europe, à une époque qui nous parle. J’ai fait de la famille de Giselle une famille issue de l’immigration, et la famille d’Albrecht est une famille aisée, native du lieu, bourgeoise, éduquée et probablement bien intentionnée. ChP Dans la danse contemporaine, les thèmes de l’identité et de l’exclusion sont des courants très forts. Pensez-vous que votre Giselle est simplement une histoire d’amants malheureux ou y a-t-il une signification sociale plus vaste en jeu ? PL Ce n’est pas mon genre de faire figurer un programme ACT.0 | 12

17/08/12 10:21


en A t Ə

sociologique dans mes œuvres mais il est vrai que ma version de Giselle comprend quelques éléments qui iront dans ce sens. Je ne souhaite pas faire de grandes déclarations sur la migration. La famille de Giselle est une composition esthétique de plusieurs origines ethniques différentes. L’immigration est un sujet chaud en Europe et a institué des différences de classe inévitables dans la plupart des pays européens, alors que les différences entre aristocratie et paysans n’existent plus. J’ai choisi ce contexte parce qu’il me semble très pertinent pour notre époque et qu’il aura des résonances pour le public de 2012. Même ce n’est pas une histoire d’immigrants opposés à des Européens de souche, c’est le contexte de ma transposition de l’histoire et c’est ainsi que je souhaite la faire résonner. ChP Pendant que nous parlons de résonances, évoquons, si vous le voulez bien, votre rapport à la musique, et particulièrement la partition d’Adolphe Adam pour Giselle… PL Cette partition n’est pas, dans l’ensemble, faite de « grande » musique. Par cela, je veux dire que c’est une musique que l’on comprend facilement, sans avoir reçu de formation musicale

sa commande en à peine deux semaines. Puisque je travaille sur une création chorégraphique, mon travail sera que les danseurs s’adaptent à la partition. Avant d’arriver au studio Balanchine, je n’avais rien chorégraphié. Dans un travail de création, je peux faire le meilleur usage possible de la partition. Reste à voir si je souhaite travailler avec certains passages de l’œuvre, y compris ceux qui sont bien connus. ChP Quelle est votre expérience de la danse avec un accompagnement orchestral direct ? PL Elle est assez riche, en fait. La musique live, c’est ce qu’il y a de mieux pour la danse… Ce n’est qu’une question de budget. Pourquoi utiliser de la musique enregistrée, à moins de ne pas pouvoir se payer de la musique live ou qu’il faille utiliser une bande électro-acoustique qu’on ne peut pas interpréter en direct. Pour moi, la musique vivante est l’environnement idéal et je suis ravi de pouvoir travailler avec l’Orchestre de la Suisse Romande. Jusqu’ici, j’ai collaboré avec des orchestres de diverses maisons d’opéra, ainsi qu’avec le NorrlandsOperan, l’opéra de la Suède du Nord, qui est un

(ci-dessous)

Sarawanee Tanatanit et Yu Otagaki pendant les répétitions au Studio Balanchine en juin dernier.

« En fait, la question du cœur brisé occupe une place centrale dans le vécu de tant de gens que savoir comment y faire face devient une leçon de vie essentielle. Ma chorégraphie de Giselle touche à cela... » Pontus Lidberg

particulière. Le problème du ballet, à l’encontre de l’opéra, c’est que les grandes partitions ne sont pas légion. Si l’on représente encore des opéras de nos jours, c’est souvent à cause de la musique. Pour le ballet, il y a certes quelques œuvres de Tchaïkovski, certaines œuvres de Prokofiev, Petrouchka, le Faune, essentiellement que des œuvres modernes. Même si c’est de la très bonne musique, la beauté de Giselle est confinée à certains passages. Pourtant, c’est dans la partition de Giselle qu’on découvre l’une des premières instances de l’utilisation du leitmotiv et d’autres innovations musicales. Ceci dit, la partition n’est pas sans problèmes et, après en avoir discuté avec Philippe Béran, qui dirigera l’OSR pour l’occasion, j’ai réalisé que certains détails du tempo sont intimement liés aux exigences de la chorégraphie originale. Bien que je reste fermement persuadé que la chorégraphie originale ne devait pas beaucoup ressembler à l’idée que nous nous en faisons. Mon propos étant que l’original, de quelque manière qu’on se l’imagine, était caractérisé par des tempi qui ne sont en fait pas très musicaux. En écoutant différentes versions enregistrées de l’œuvre, je me suis demandé quelle était la manière la plus musicale d’interpréter la partition. Puisque c’est ma création, je suis libre de fixer l’allure de ma danse comme je le souhaite. Je me suis donc fixé comme objectif de choisir les plus beaux passages avec les tempi les plus musicaux.

ensemble particulier car ce sont eux l’opéra. C’est à dire qu’ils constituent l’ensemble permanent, et qu’on doit amener tout le reste pour compléter la production spécifique. Dans l’ensemble, j’ai vécu de très belles expériences dans mon travail avec les chefs d’orchestre et les musiciens. ChP Quel est le message que vous souhaitez communiquer avec votre création de Giselle ? Y aurait-t-il quelques démons en toile de fond du récit que vous allez nous raconter ? Je crois qu’il y en a quelques uns. Très certainement, la question du cœur brisé et du rôle central que cela joue, tôt ou tard, dans la vie des gens. Je suis définitivement passé par là et même si je ne peux que parler pour moi, je serais très surpris si la plupart d’entre nous ne l’étaient pas. En fait, la question occupe une place centrale dans le vécu de tant de gens que savoir comment y faire face devient une leçon de vie essentielle. Ma chorégraphie de Giselle touche à cela, certainement, ainsi qu’au thème de l’honnêteté. L’honnêteté absolue est parfois la seule manière d’éviter certains événements. Et je dis cela sans passer de jugement, mais plutôt avec la tendresse et la compréhension de quelqu’un qui sait que ce n’est pas si facile.

ChP Alors pour vous la musique précède la danse ? À l’époque d’Adolphe Adam, c’était plutôt le contraire…

ChP Donc si Albrecht avait été honnête avec Giselle, elle ne serait pas morte ?

PL La partition d’Adam est une œuvre illustrative, composée très rapidement. En compositeur accompli, il aurait bouclé

PL Oh oui, certainement. Parce qu’Albrecht n’est pas le méchant. Il n’a fait qu’agir au mieux de ses possibilités.

ACT.0 | 12

ACT-0_N°12_LT.indd 21

21 17/08/12 10:21


en A t

> Le Lac des cygnes

de Piotr Ilitch Tchaikovski

Ə

Conception et chorégraphie : Natalia Makarova décors : Peter Farmer Costumes : Galina Solovyeva Ballet national de chine direction : Feng Ying

Au Grand Théâtre, 11 | 12 | 13 | 14 octobre 2012

Le Ballet national de Chine

Un Lac de feu ! L (ci-dessus)

En 2009, Natalia Makarova salue le public du Royal Opera House qui applaudit la production du Lac des cygnes. (ci-dessous)

Wang Qimin, danseuse étoile du Ballet national de Chine issue de la célèbre Académie de Danse de Pékin est Odette dans la création de cette production en 2007

© Ballet National de Chine

e Ballet national de Chine est à Genève en octobre prochain pour quatre représentations exceptionnelles du Lac des cygnes de Tchaïkovski. Cette compagnie fondée en 1959 à Pékin est devenue ces dernières années une référence mondiale dans la production des grandes œuvres du répertoire que sont Le Lac des cygnes, Le Corsaire, Don Quichotte, Sylvia... mais également d’œuvres plus contemporaines comme Sérénade de Balanchine, Trois préludes de Ben Stevenson ou encore Épouses et Concubines (en collaboration avec le cinéaste Zhang Yimou). En mars 2009 Feng Ying, une grande danseuse étoile issue de l’Academie de Danse de Pékin est nommée directrice artistique du Ballet national de Chine succédant à Zhao Ruheng. Elle insuffle à la compagnie un grand professionnalisme et une grande rigueur artistique. Natalia Makarova, la célèbre danseuse étoile russe du Ballet Kirov et du Royal Ballet de Londres qui fut une Odette incomparable, crée en 2007 son Lac des cygnes à Pékin. Depuis, cette production tourne dans le monde entier et il n’est pas rare que les théâtres affichent complet. Alors précipitez-vous pour découvrir ces danseuses et danseurs du Ballet national de Chine pour une soirée inoubliable... AC

© ROH

Par Aimery Chaigne

22 ACT-0_N°12_LT.indd 22

ACT.0 | 12

17/08/12 10:21

235


en A t Ə

ACT.0 | 12

ACT-0_N°12_LT.indd 23 235x320_vecto_gdtheatre_neva.indd 1

23 17/08/12 10:21 02.08.12 11:45


Ǝ

l n >

> Renée Fleming Soprano

Récital Piano : Maciej Pikulski Au Grand Théâtre, 5 décembre 2012 à 19 h 30

par Daniel Dollé

La reine Une voix d’une grande sensualité

« C’est le grand chef d’orchestre Georg Solti, mon mentor, qui a révélé Renée Fleming en enregistrant avec elle d’exceptionnelles intégrales des opéras de Mozart. Solti avait une expression très personnelle pour décrire sa voix : il parlait de « double crème », à cause de son timbre, effectivement « crémeux », velouté, suave. Sur scène, Renée Fleming possède une présence de star, un glamour exceptionnel allié à une grande sensualité. Quoi qu’elle chante, quel que soit le rôle qu’elle interprète, elle garde une sorte de chic bien à elle, que possèdent aussi certaines actrices de Hollywood. Renée Fleming est une personne très agréable avec qui il est toujours facile de travailler. Je ne connais personne dans le monde lyrique qui ne l’aime pas. Mais c’est aussi une professionnelle à la nature inquiète. C’est sans doute ce caractère qui l’a poussée, comme moi, à travailler hors des sentiers battus, à vouloir découvrir des œuvres rares. Lorsqu’elle est venue à Saint-Pétersbourg enregistrer son album Homage : The Age of the Diva, au Théâtre Mariinski, elle a voulu voir notre partition originale de Servilia, de Rimski-Korsakov, retrouvée peu de temps auparavant dans notre bibliothèque ; une musique que personne ne connaissait. J’aime aussi chez Renée Fleming son éclectisme : je connais peu de sopranos de son calibre ayant abordé des musiques aussi différentes, du baroque au contemporain, du jazz à l’opéra italien. Ensemble, nous avons travaillé la musique française, celle de Massenet par exemple. J’espère désormais la retrouver dans Strauss, un compositeur pour lequel elle semble née. » Valery Gergiev

du Met Après plus de dix ans d’ attente, la scène de Neuve accueille comme une reine la soprano Renée Fleming pour un récital unique à l’occasion du cinquantenaire de la réouverture du Grand Théâtre.

D

epuis plus de dix ans, ses fans attendent son retour sur la scène de la place de Neuve. Renée Fleming était venue, le 8 janvier 2002 pour un récital accompagné par JeanYves Thibaudet, au programme figuraient des œuvres de Richard Strauss, Joseph Marx, Gabriel Fauré, Claude Debussy et Sergueï Rachmaninov. Deux jours plus tard, elle fera ses débuts au Théâtre du Châtelet devant une salle insatiable et dans la presse, on pouvait lire : « Renée Fleming consume le Châtelet. ». En 2002, elle n’était plus une inconnue à Genève, car Hugues Gall avait eu l’heureuse et géniale idée de lui confier, en mars 1992, le rôle de Fiordiligi de Così fan tutte aux côtés de Jennifer Larmore. Elle fut également la Comtesse dans Le Nozze di Figaro, en juin 1993, sous la baguette d’Armin Jordan. Genève attendra dix ans, l’Opéra national de Paris en aura attendu sept pour la retrouver dans Desdémone en 2011 et plus récemment dans Arabella sous la direction de Philippe Jordan, en juin 2012. En effet, elle n’était plus apparue sur la scène lyrique française depuis 2004 où elle a laissé le souvenir d’une fabuleuse Comtesse de Capriccio grâce au moelleux de son timbre. Francophile notoire, amoureuse de la capitale française, adulée au Met, fêtée à Vienne, elle revient sur les bords du Lac Léman pour célébrer avec nous le cinquantenaire de la réouverture du Grand Théâtre. Nul doute qu’avec cette grande artiste le temps passera trop vite, le récital sera trop court, mais pour les privilégiés, il restera le souvenir d’un instant unique, d’une voix inoubliable. Elle grandit à Rochester, dans l’état de New York en écoutant sa mère donner des leçons de chant pendant des journées entières. Elle prend des leçons de chant, de violon, de piano et de danse. Elle s’intéresse beaucoup à la musique traditionnelle, à la musique pop et au jazz. Pendant ses études, elle fait partie d’un trio de jazz qui se produit non loin du campus universitaire. À la faveur d’une bourse, elle part étudier en Europe auprès d’Arleen Auger et d’Elisabeth Schwarzkopf, puis retourne à la Juillard School. Parmi ses nombreux talents figurent un don et un intérêt pour les langues, ce qui lui (en-haut, page de droite)

Renée Fleming est La Comtesse dans Le Nozze di Figaro en 1996 au Grand Théâtre de Genève. Elle y interprètait également Fiordiligi dans Così fan tutte en 1992 aux côtés de Jennifer Larmore (Dorabella).

24 ACT-0_N°12_LT.indd 24

ACT.0 | 12

17/08/12 10:22


© Decca/Andrew Eccles

© archives GTG / Marc Vanappelghem

Ǝ

l n

permet d’aborder tous les rôles dans la langue originale, tel que Rusalka en tchèque. Elle fait ses débuts lyriques au Juilliard Opera Center en interprétant Musetta de La Bohème de Puccini. En 1986, elle aborde son premier grand rôle en Europe, Konstanze de Die Entführung aus dem Serail, au Landestheater de Salzbourg. Lorsqu’en 1988, elle remporte le Metropolitan Opera Auditions, elle rencontre un succès inénarrable. Elle n’a que 29 ans lorsqu’elle fait ses débuts au New York City Opera et au Royal Opera House. Deux ans plus tard, elle est invitée à l’Opéra de San Francisco et au Met où elle remplace Dame Felicity Lott souffrante. Le public l’acclame et la réclame. À présent, la star a rejoint le firmament des plus grands. Les scènes lyriques majeures se bousculent à sa porte et rêvent de pouvoir compter sur elle pour transcender un rôle. Elle chante sous la direction musicale des chefs les plus prestigieux en compagnie d’interprètes remarquables, tels que Bryan Terfel, Cecilia Bartoli ou Suzanne Mentzer. Son répertoire lyrique est vaste, il compte, entre autres, Pamina, Desdémone, Ellen Orford, Hérodiade, Donna Anna, Marguerite de Faust, Manon de Massenet, Alcina, Louise de Charpentier, Lucrezia Borgia, Thaïs, Violetta ou encore Tatiana. En 1996, au festival de Bayreuth, elle interprète Eva des Meistersinger von Nürenberg. Elle excelle dans tous les domaines. Le répertoire mozartien et le répertoire straussien n’ont pas de secret pour elle : Arabella, la Comtesse de Capriccio, la Maréchale qu’elle interprète au Met, au festival de Baden-Baden ou au Bayerische Staatsoper de Munich. Aucun répertoire ne lui est indifférent, elle s’intéresse à la musique de notre temps. En 1998, elle crée le rôle de Blanche DuBois dans A Streetcar Named Desire d’ André Prévin à l’opéra de San Francisco, un rôle qu’elle reprendra au Barbican Centre de Londres. Grâce à sa voix et à son talent de comédienne exceptionnelle, elle campe une Blanche DuBois alcoolique et névrosée qui séduit les plus exigeants. Actuellement, elle est consultante pour le Lyric Opera de Chigaco, et supervise la réalisation d’une création mondiale confiée au jeune compositeur péruvien, Jimmy Lopez. Il s’agit de Bel Canto d’après une nouvelle d’Ann Patchett. La création de l’ouvrage est prévue au cours de la saison 2015-2016 sous la direction musicale d’Andrew Davis. Sa voix semble avoir des possibilités infinies, aucun rôle ne semble lui résister. Elle est à la fois soprano lyrique, dramatique, colorature et spinto. Avec une aisance, sans égale, elle évolue dans le registre aigu avec une grande facilité à tenir les notes les plus extrêmes. Elle est, et restera inoubliable dans de nombreux rôles, notamment Manon, la Maréchale, et Rusalka qu’elle a interprétée à l’Opéra Bastille en 2004. Sous la plume de Renaud Machart, critique musical du journal Le Monde, on pouvait alors lire : « une voix sfumato sonore ». Son éclectisme, sa grande ouverture d’esprit et sa générosité lui permettent de ne négliger aucun domaine. Elle enregistre plusieurs CD’s de musique traditionnelle et de jazz. Elle participe à l’enregistrement de la bande son du film Le Seigneur ACT.0 | 12

ACT-0_N°12_LT.indd 25

des anneaux : Le retour du roi. Elle est régulièrement sollicitée pour des émissions de télévision, notamment certaines destinées aux enfants : Sesame Street. En 1995, elle emboîte le pas à Marilyn Horne en signant un contrat d’exclusivité avec la firme londonienne Decca Records, 31 ans après l’inoubliable mezzo contralto. Pas seulement les maisons de disques, les salles de concerts ou les théâtres se disputent la diva. Elle est l’objet de nombreuses sollicitations : fête de Noël à la Maison Blanche devant le Président Bill Clinton, le mariage de Charlene Wittstock et du Prince Albert II de Monaco, etc. Depuis 1989, Renée Fleming accumule les nominations, les prix et les récompenses, entre autres, deux Grammy Awards, le Prix Solti, le Prix Polar Music remis par l’Académie royale de musique de Suède en 2008. La même année, l’Académie distingua également le groupe Pink Floyd. Grâce au velouté de sa voix, elle incarne avec classe le glamour de l’art lyrique. Malgré les sommets qu’elle atteint, elle reste une femme simple, parfois effusive, parfois même fragile, mais jamais, elle ne sera « La Fleming ». Peut-être a-t-elle la plus belle voix du monde, mais que serait cette voix si elle ne lui insufflait pas une vérité dramatique, une intelligence grâce à son grand talent d’actrice. Grâce à une formidable volonté de se dépasser, Renée Fleming est parvenue en haut de l’affiche en suivant l’exemple de Leontyne Price. S’il est difficile d’arriver au sommet, il est encore plus difficile d’y rester en gardant sa voix et sa confiance. Chanter reste une quête permanente pour l’artiste. Pour Renée Fleming, la musique de Mozart est la plus difficile qui soit, car elle nous pousse à aller toujours plus loin, vers une perfection quasi inaccessible. Dans une interview, avec Bertrand Dermoncourt du journal L’Express, elle dira : « Je dois à Mozart ma longévité et ma santé vocale. Mozart a été mon professeur de chant, il m’a donné les bases : si on peut lui survivre, on peut survivre à tout. » Auréolée de nombreux succès, l’essentiel pour Renée Fleming reste ses deux filles, malgré le trop peu de vie privée. Elle veut bien être la plus belle voix du monde, mais pour une vie seulement, elle espère secrètement que personne ne lui demandera de chanter dans l’au-delà. C’est une salle comble qui l’attend lorsqu’elle arrivera de la Salle Pleyel à Paris, avant d’aller à Londres et à Vienne pour donner le même récital accompagné par le talentueux pianiste Maciej Pikulski. Paris, Genève, Londres, Vienne, des phares du bel canto. DD

« Au cours de ma longue vie, je n’ai rencontré que deux soprani ayant cette qualité de chant. L’ autre était la Renata Tebaldi. » Sir Georg Solti, The New York Times, 1997

Les must Parmi plus de soixante enregistrements discographiques et plus de vingt vidéos, on peut mentionner :

Grammy Award en 1999 pour The Beautiful Voice

Homage : The Age of the Diva a été nommé par deux fois pour les Grammy Awards ; une première fois « Meilleure interprétation vocale » et, une deuxième fois pour le « Meilleur album de musique classique chantée.

En 2010, Grammy Award pour Verismo

Le dernier CD poemes Ravel - Messiaen - Dutilleux Orchestre Philharmonique de Radio France Dir : Alan Gilbert Orchestre National de France Dir : Seiji Ozawa Decca, 2012 B006Z94AQU

Pour ce dernier enregistrement, la Deutsche Phono-Akademie va lui décerner le prix ECHO au titre de chanteuse de l’ année le 14 octobre 2012 à Berlin.

25 17/08/12 10:22


Ǝ

> l n texte de Daniel Dollé

photos Carole Parodi

Souhaitant vous associer à la fabuleuse aventure de la nouvelle production de la Tétralogie de Richard Wagner, nous avons décidé de vous proposer un feuilleton à suivre dans les prochaines parutions d’Act-O.

ien sûr, il vous faudra attendre le mois de mars 2013 pour découvrir le prologue de cet opéra titanesque qui dure entre treize et dix-sept heures en fonction des tempi adoptés par les chefs d’orchestre. L’ouvrage se décompose en un prologue et trois actes, ou trois journées. Il s’agit d’une œuvre maîtresse du répertoire lyrique que toute maison d’opéra importante se doit de présenter, son titre, Der Ring des Nibelungen (L’Anneau du Nibelung). Il est le fruit d’une gestation de près de 28 ans qui séparent les prémices, l’ébauche de la mort de Siegfried, de la première représentation intégrale de l’œuvre. Il est inspiré de la mythologie germanique et nordique, notamment du Nibelungenlied, un poème épique du Moyen Âge, des poèmes de l’Edda ainsi que de la Saga des Völsung. Comme à son habitude, Richard Wagner écrit d’abord le livret avant de composer la musique. Il écrit donc le texte de la dernière journée, puis compose la musique dans l’ordre chronologique de l’œuvre finale. Richard Wagner, passionné par le théâtre grec, écrit une œuvre d’ art total, le Gesamtkunstwerk où théâtre, musique, poésie et peinture sont liés, sur une structure proche de la tragédie antique. Les différentes parties de l’œuvre, que nous

26 ACT-0_N°12_LT.indd 26

© GTG / Carole PArodi

La saga du Ring B rappellerons ici, sont : Das Rheingold, Die Walküre, Siegfried et Götterdämmerung, peuvent être jouées indépendamment. Louis II de Bavière, impatient de voir le travail, donna l’ordre de créer Das Rheingold et Die Walküre au Bayerische Staatsoper de Munich, contre la volonté du compositeur qui désapprouva la mise en scène, ainsi que la direction musicale. L’intégralité du Ring est créée à Bayreuth les 13, 14, 16 et 17 août 1876 sous la direction musicale de Hans Richter. La mise en scène fut assurée par Richard Wagner qui s’ autocritiqua sévèrement. Il s’agit d’une histoire, d’un conte qui n’est pas sans rappeler les frères Grimm, Charles Perrault (Le Chat botté, ou encore ACT.0 | 12

17/08/12 10:22


Ǝ

l n

Acte1 La Belle au bois dormant), Leconte de Lisle ou Friedrich Hebbel. Ce conte deviendra rapidement une allégorie philosophique sur le pouvoir, la société et la psychologie. Peut-être vous étiez-vous imaginé qu’ après la dernière de Macbeth, le Grand Théâtre allait sombrer dans le sommeil estival, laissant la place aux entreprises pour des travaux de rénovation et d’entretien. Que nenni ! Les équipes de Grand Théâtre restaient à pied d’œuvre pour préparer ce que nous appelons dans le jargon du métier, la Bauprobe pour le prologue du Ring : L’Or du Rhin. Il s’agit d’une simulation grandeur nature de ce qui a été imaginé par l’équipe de producACT.0 | 12

ACT-0_N°12_LT.indd 27

Les premiers essais scéniques du premier volet du Ring où l’on semble dérouler le fil du temps... C’était début juillet sur la scène de Neuve

tion : Dieter Dorn, le metteur en scène, Jürgen Rose, le scénographe et costumier, Tobias Löffler, l’éclairagiste et Jana Schatz, la vidéaste. Le lundi 2 juillet 2012, dès huit heures, les équipes s’activaient sur scène pour les derniers préparatifs. Elles étaient rejointes, un peu plus tard, par l’équipe de production accompagnée par le dramaturge, Hans Joachim Ruckhäberle et Heinz Wanitschek, responsable des mouvements d’ensemble et de l’expression corporelle. Les artistes de complément, ou figurants, étaient costumés. L’heure pour tester le concept et la maquette présentés en février 2012 avait sonné. Pendant

Autour du metteur en scène Dieter Dorn et du décorateur Jürgen Rose, le dramaturge du Grand Théâtre, Daniel Dollé, et les équipes techniques du Grand Théâtre sont à pied d’œuvre pour cette première journée de Bauprobe de Das Rheingold.

27 17/08/12 10:22


Ǝ

> l n (ci-contre)

Un campement sommaire dans une région montagneuse...

(à droite)

Jürgen Rose et Dieter Dorn semblent perplexes devant un fracas d’éléments...

plusieurs jours, les équipes se sont relayées afin de concrétiser davantage le projet en vérifiant les dimensions et si les changements prévus étaient fonctionnels, en faisant des essais pyrotechniques en présence des services de sécurité, en testant des matériaux divers, des couleurs ainsi que des prototypes de costumes. Après une séance de débriefing, l’équipe de production repart, certaines propositions sont confirmées, d’autres sont invalidées. Le temps est venu pour réaliser les plans définitifs pour permettre aux ateliers de construire le décor et de réaliser les costumes, car tout devra être prêt lorsque les répétitions commenceront en janvier 2013. Début juillet, une nouvelle étape a été franchie, le projet devient de plus en plus tangible. La maquette, semblable à une maison de poupée, présentée au mois de février va se transformer aux dimensions de la scène de Neuve, les dix centimètres des plans vont se changer en cinq mètres…

Philippe Alvado, directeur technique adjoint du Grand Théâtre accueille le metteur en scène Dieter Dorn sur son

© GTG / Carole PArodi

« rocher ».

28 ACT-0_N°12_LT.indd 28

Mais de quoi est-il question ? L’histoire ne commence pas avec le mi bémol de la contrebasse tenu pendant 138 mesures et qui deviendra la cellule de base du cosmos. Tout a commencé bien avant. Au commencement, il y avait un univers libre soumis aux seules lois de la nature. Wotan, ayant décidé de devenir le maître absolu du monde et de conquérir le pouvoir, se rend au Frêne du Monde qui représente l’univers et boit à la source sacrée. Il arrache une branche du frêne qu’il transforme en lance, sur laquelle il grave les lois par lesquelles il va pouvoir régner sur les autres dieux, les géants, les nains, ou encore les humains. Ce faisant, il crée un déséquilibre qui ébranle l’univers. Il perd l’œil gauche, symbole d’intuition et de sentiment, la source se tarit et le frêne dépérit. Il a pour épouse Fricka qui a une sœur Freia, cette dernière symbolise l’amour et cultive les pommes d’or qui assurent l’éternelle jeunesse. Il introduit dans le monde des dieux un personnage-clé, Loge, le feu, qui n’est qu’un demi-dieu. Intellectuel et rusé, il est au courant de tout. Il pousse Wotan à faire construire une somptueuse forteresse, le Walhalla. Aux bâtisseurs Fafner et Fasolt, deux géants, Wotan promet Freia en gage. Loge sait que les dieux courent à leur perte, alors qu’ils se croient si sûrs de durer. Il en a presque honte, dira-t-il à la fin du prologue lorsque le cortège des dieux se met en route vers la forteresse qui scintille fièrement dans la lumière du matin. Vous voilà prêts pour suivre les origines du drame qui raconte l’affrontement des clans. Prochainement, nous vous parlerons des leitmotive et des 34 personnages que vous allez rencontrer dans ce gigantesque opéra qui nous parle également de l’or fondu dans la matière originelle et qui donnera naissance à ce personnage apparemment inanimé, mais qui confère tant de pouvoir : l’Anneau – Der Ring. DD ACT.0 | 12

17/08/12 10:22


Ǝ

l n

Orphée n’est plus...

ACT.0 | 12

ACT-0_N°12_LT.indd 29

par Daniel Dollé

Le 18 mai 2012, en Bavière, une icône du chant nous quittait en nous laissant avec tant de souvenirs. Et quels souvenirs ! À la veille de ses 87 ans, Dietrich Fischer-Dieskau rendait son dernier souffle à Berg. Avec lui, s’éteint l’un des plus grands interprètes du lied du XXème siècle.

© DR

F

igure de proue de l’art du chant, il a élevé un monument imprenable au lied. Il était un comédien hors pair qui remettait sans cesse les partitions sur le métier. Il a fortement contribué à l’émergence d’un nouveau style d’artiste lyrique : le chanteur-acteur. Mozartien séduisant, verdien fervent, il reste un bouleversant Oreste dans Elektra. Hôte régulier du festival de Bayreuth, il se mesura au rôle écrasant de Hans Sachs dans Die Meistersinger von Nürnberg de Richard Wagner, conscient que la tessiture du personnage n’était pas pour lui. Berlinois de naissance, il se consacre très tôt au chant qu’il perfectionne à l’Académie de Berlin. Mobilisé par l’armée allemande en 1942, il reprend ses études après la guerre et débute dans Ein deutsches Requiem de Johannes Brahms en 1947, à Badenweiler. Il remplaçait au pied levé, sans répétition, un soliste tombé malade. Une année plus tard, il réalise un premier enregistrement de Winterreise de Franz Schubert accompagné par Klaus Billing. Il entretenait une relation particulière avec ce cycle écrit par le compositeur un an avant sa mort, car il l’enregistrera à onze reprises, quatre fois en compagnie de Gerald Moore (1955, 2 fois, 1962 et 1971), avec Hermann Reutter, Hertha Klust (1953), Jörg Demus (1965), Daniel Barenboim (1979), Alfred Brendel (1985) et Murray Perahia (1990). Il considérait ce cycle comme son plus grand défit, et dit au cours d’une interview : « que c’était ce qui pouvait arriver de mieux à un baryton ». Son éclectisme et son envie de faire connaître et de partager, l’amenèrent à enregistrer plus de 3 000 lieder d’une centaine de compositeurs. En 1948, il fait ses débuts au Staatsoper de Berlin en participant à Don Carlos sous la baguette de Ferenc Fricsay. Son Posa fera forte impression et restera dans les annales. En 1954, il fait sensation au festival de Bayreuth en interprétant Wolfram dans Tannhäuser. Il impressionne l’inoubliable Wilhelm Furtwängler qui n’arrive pas à croire à la maturité que possède l’artiste malgré son jeune âge. Rapidement, il devient un habitué du festival de Salzbourg. Familier d’un vaste répertoire classique, il ne néglige absolument pas la création. A l’âge de 21 ans, il notait dans son journal : « Nous n’avons pas le droit de nous nourrir exclusivement de ce qui a été créé et pensé avant nous. ». En 1961, il crée Elegie für junge Liebende de Hans Werner Henze où il tient le rôle de Gregor Mittenhofer. L’année suivante, il participe à la création du War Requiem de Benjamin Britten pour l’inauguration de la cathédrale de Coventry. La liste des partitions qu’il a créées est longue et impressionnante, mais n’oublions pas son interprétation du roi Lear lors de la création mondiale de Lear, écrit pour lui par son ami Aribert Reimann. Une œuvre au cours de laquelle il a pu exprimer toute sa passion shakespearienne, aux côtés de sa dernière épouse, Julia Varady qui chantait le rôle de Cordelia au Bayerische Staatsoper de Munich. La mise en scène était signée par une autre grande figure du monde lyrique, aujourd’hui disparue, Jean-Pierre Ponnelle. Sous la baguette des chefs les plus prestigieux, Wilhelm Furtwängler, Ferenc Fricsay, Herbert von Karajan, Otto Klemperer, Eugen Jochum, Georg Solti, George Szell, Rafael Kubelik, Karl Richter… Il a chanté un grand nombre de rôles lyriques. Poignant Amfortas, Wieland Wagner, le metteur en scène, disait à propos de son interprétation : « L’accomplissement de ce que je voulais atteindre. » Il est assez facile de dénombrer près de 90 rôles différents pro-

venant d’une trentaine de compositeurs, en commençant par Georg Friederich Haendel en allant à Berg, Bartók, Busoni, Pfitzner, Hindemith, Messiaen, sans oublier Aribert Reimann qui l’a également accompagné au piano pour des récitals. Cependant son pôle d’excellence restera le récital auquel il a consacré plus de 400 enregistrements. Sans nul doute, l’histoire retiendra son apport encyclopédique au domaine du lied. Il connaissait plus de 1 500 lieder de Johannes Brahms, Franz Schubert, Robert Schumann, Hugo Wolf et Gustav Mahler. Si Schubert est demeuré au centre de ses préoccupations, il a su composer des programmes de récitals digne d’un encyclopédiste qui sortait de l’ombre des compositeurs injustement oubliés. Un complice de longue date au piano fut le grand Gerald Moore qui mit fin à sa carrière d’accompagnateur en 1967 après avoir cessé d’enregistrer en 1965. Dietrich Fischer-Dieskau a été accompagné par les plus grands pianistes, Wolfgang Sawallisch (qui l’a ensuite dirigé), Sviatoslav Richter, Alfred Brendel, Murray Perahia, et plus tardivement le jeune Hartmut Höll. Figure titanesque et miroir de son temps, il est le médiateur de la profondeur et de l’intériorité. Il savait plonger au cœur de la poésie. Nonobstant Roland Barthes, sa voix était identifiable entre mille. Certains le trouvaient trop intellectuel ou trop abstrait, mais tout le monde reconnaissait sa diction parfaite, ses enluminures, ses couleurs infinies et sa science extrême de la nuance au service d’une immense émotion. Après un concert-gala au Bayerische Staatsoper de Munich, le 31 décembre 1992, le lendemain, il décide de mettre un terme à sa carrière de chanteur, une décision brutale et irrévocable. Au programme du concert : des extraits de Le Nozze di Figaro, l’Alfonso de Così fan tutte, ainsi que le monologue final et la fugue Tutto nel mondo è burla de Falstaff. Lorsqu’il ne chantait pas, qu’il ne peignait pas, qu’il ne dirigeait pas l’orchestre pour accompagner son épouse, Julia Varady, il écrivait. Ainsi, il nous lègue plusieurs livres, notamment sur les lieder de Schubert, mais également sur Wagner, Nietzche et Goethe, avec un talent d’érudit et de musicologue dû à son extraordinaire culture littéraire. Il serait injuste de ne pas mentionner ses activités pédagogiques, car inlassablement, il enseignait. Un maître chanteur nous a quitté, mais il a ouvert une voie royale à un art qu’il convient de connaître et de partager toujours plus nombreux. DD

« Le récital de lieder procure des bonheurs uniques. Il vous oblige à plonger au cœur de la poésie, à situer les textes dans un bain culturel, beaucoup plus intensément que dans un opéra, soumis au metteur en scène. Avec les lieder, vous restez votre propre musicologue, chef et metteur en scène. » Dietrich Fischer-Dieskau

29 17/08/12 10:22


Le temps, la culture et l’ art Par Anne-Marie Belcari

© Vacheron Constantin.

E i

d

d ACTqu

(en haut à droite)

Gravure (détail) de Jean-Marc Vacheron et de son 1er apprenti, Esaïe Jean François Hetier. (ci-contre)

Portrait de Jean-Jacques Rousseau à l’âge de 41 ans peint en 1753.

L

’histoire d’amour entre Vacheron Constantin, l’art et la culture remonte à ses origines. Née au cœur d’une Genève foisonnante, nourrie par l’effervescence du Siècle des Lumières, la marque a forgé son identité sur un patrimoine que beaucoup lui envient. À cette époque, sous l’impulsion des écrivains et des philosophes, dont fait partie Jean-Jacques Rousseau, un tourbillon d’émancipation culturelle et humaine signe une ère nouvelle et pose, notamment, les jalons de la haute horlogerie genevoise. C’est dans ce contexte que Jean-Marc Vacheron ouvre ses ateliers le 17 septembre 1755. Plus qu’une identité, une philosophie Cet acte fondateur s’accompagne d’un geste symbolique qui détermine à jamais l’esprit de la marque : la formation de son premier apprenti. Un geste qui pose un engagement, celui de la transmission du savoir, et l’impose comme une culture d’entreprise, en parfait écho à la philosophie des Lumières. Celle-ci salue en effet les productions du génie industrieux de l’homme, telles les prouesses des horlogers, des passementiers ou encore des ingénieurs, ainsi que le commentent Diderot et d’Alembert dans L’Encyclopédie : « c’est peut-être chez les artisans qu’il faut chercher les preuves les plus admirables de la sagacité de l’esprit, de sa patience et de ses ressources ». Contemporain de Jean-Marc Vacheron, Jean-Jacques Rousseau, fils et petit-fils d’horloger, a lui aussi mis en lumière dans ses écrits la valeur du travail artisanal et manufacturier. Les horlogers genevois du XVIIIème siècle faisaient partie d’une élite d’artisans passionnés d’astronomie et de sciences qui, suivant l’élan des Lumières, prenaient part aux débats politiques et fréquentaient les salons et les cafés littéraires. Ils se sont révélés hommes d’esprit pour qui la culture est une condition sine qua non à l’innovation. Entreprise culturelle À n’en pas douter, les montres Vacheron Constantin portent en elles cette histoire. Parce qu’elles prennent racine dans un

30 ACT-0_N°12_LT.indd 30

monde où l’art et la beauté découlent du travail manuel, consciencieux et respectueux des gestes et des matériaux. Parce qu’elles bénéficient d’un savoir-faire manufacturier pratiqué sans interruption depuis plus de 250 ans. Parce qu’elles concentrent la maestria de métiers d’arts souvent ancestraux qui leur donnent corps, au-delà de la fonctionnalité. Partenaire de l’Orchestre de la Suisse Romande, de la Fondation Culturelle Musée Barbier-Mueller, de l’Opéra de Paris et des Journées Européennes des Métiers d’Art, Vacheron Constantin est indéniablement présente sur la scène artistique et culturelle, genevoise et européenne. Le soutien que la Manufacture apporte au Grand Théâtre de Genève, l’une des principales institutions culturelles de la ville, confirme sa présence en tant qu’acteur local historique. La créativité fait partie des valeurs de la Maison ; de même, l’opéra est un art qu’elle accompagne dans tout ce qu’il représente en termes de savoirfaire, de passion, d’émotion et de rencontres. Aussi, s’associer à la nouvelle création du Grand Théâtre de Genève s’est imposé comme une évidence : l’opéra JJR (Citoyen de Genève) sera l’un des grands événements marquants des célébrations du tricentenaire de la naissance du philosophe. La marque a également joué un rôle de premier ordre dans deux projets cinématographiques inspirés par la vie et l’œuvre de Rousseau : Le Nez dans le Ruisseau, film écrit et réalisé par Christophe Chevalier, qui met en scène les acteurs Sami Frey et Anne Richard ; La Faute à Rousseau, projet ambitieux, est une série de 60 court-métrages réalisés par plus de cinquante cinéastes suisses et internationaux. Accompagner dans ses projets le Grand Théâtre de Genève et célébrer le tricentenaire Jean-Jacques Rousseau revient à participer activement au rayonnement d’une ville qui a vu naître la Manufacture et s’est imposée comme le berceau de la haute horlogerie. C’est aussi confirmer une vision du temps dans sa globalité, qui lie passé, présent et futur dans une dynamique où le métissage de savoir-faire est prolifique. Tel un retour aux sources qui, riche d’innovation et de créativité, serait le secret d’alchimiste d’une Manufacture qui a su transcender le temps pour en faire un art. AmB

© Musée d’art et d’histoire, Ville de Genève / Jean-Marc Yersin

Depuis 1755, le trio se donne la réplique sur la scène de Vacheron Constantin. Ici, la haute horlogerie se vit comme un art et dialogue avec la culture et ce bien au-delà de l’aspect horloger. En témoignent les métiers d’art pérennisés au sein de la Manufacture. En témoignent également les partenaires culturels de la Maison. Ainsi, participer activement aux célébrations du tricentenaire de la naissance de Jean-Jacques Rousseau est, pour Vacheron Constantin, rendre hommage à un héritage culturel qui cristallise ses valeurs intrinsèques.

ACT.0 | 12

17/08/12 10:22


E i

d

d ACTqu

L’ opéra, la culture et l’université

a promotion de l’art lyrique au sein de la population estudiantine reste bien évidemment d’actualité. Elle connaît même désormais des développements réjouissants. Au-delà d’un certain nombre de billets gratuits, le GrandThéâtre propose également aux étudiants et chercheurs de l’université des abonnements très abordables à travers son programme découverte destiné à la jeunesse (Labo-M). Des actions de médiation complètent ce partenariat, où l’on rencontrera le metteur en scène, la directrice du chœur, tel ou telle interprète, un critique musical prêts à commenter leur travail, contextualiser l’œuvre représentée et en donner des clés d’interprétation. Ce partenariat est exemplaire des diverses collaborations que les activités culturelles de l’université entendent développer avec les institutions culturelles de la région genevoise : musique, danse, théâtre, arts visuels, performances, cinéma, littérature, tous les genres sont l’occasion d’une offre par laquelle faciliter l’accès des étudiants à l’actualité de la création artistique, mieux, par laquelle ces derniers situeront leurs études et leur spécialisation académique dans le terreau culturel vivant tel que les artistes et créateurs participent à le configurer. Car l’enjeu est bien celui-là, qui recouvre une mission essentielle de l’université envers la société  : celle de la rencontre entre d’une part ce qui relève du registre disciplinaire propre à chaque spécialisation, et d’autre part ce qui a trait au savoir en général, à la culture « en commun ». Il s’agit de réaffirmer les idéaux humanistes de l’« honnête homme », ouvert sur le monde, dont les savoirs spécialisés prennent sens par référence à un fond(s) culturel partagé – contre les tendances à la technologisation à outrance qui, à force de spécialiser, isole. Les activités culturelles de l’université entendent répondre de cette haute ambition et valoriser les activités et les savoirs périphériques aux cursus traditionnels. Elles mettent ainsi à la disposition de la communauté universitaire de Genève un catalogue de quelque 70 ateliers et stages de formation aux pratiques artistiques. Initiés au travail expressif sur scène, les étudiants en médecine pourraient par exemple ACT.0 | 12

ACT-0_N°12_LT.indd 31

Nombre d’entre vous les avez vécues, ces longues files devant les bureaux des activités culturelles de l’université, en quête d’un billet pour Le Barbier, Madame Butterfly ou encore Les Maîtres chanteurs que le Grand Théâtre mettait gracieusement à disposition des étudiants. Les heureux élus d’alors réalisent certainement aujourd’hui les bénéfices, pécuniers il va de soi, mais surtout culturels de ces faveurs que leur faisait la prestigieuse institution de la Place Neuve. exercer la précision d’un geste dans un tout autre contexte que celui du seul théâtre anatomique. Ils pourraient tout aussi bien découvrir, à travers un atelier d’écriture, la beauté d’une « rencontre fortuite sur une table de dissection d’une machine à coudre et d’un parapluie » (Lautréamont, Chants de Maldoror, 6)… Tous les cas de figure sont imaginables pour toutes les disciplines académiques. L’accent sera à chaque fois mis sur une complémentarité à la formation académique en privilégiant la mise en rapport, par la pratique individuelle ou collective, entre savoirs, arts et création. L’université est-elle assez cultivée ? La revue Mouvement consacrait récemment un dossier à cette difficile question de politique culturelle. Il ne s’agit bien sûr pas de poser ici un quelconque diagnostic, mais de souligner une préoccupation constante qui sous-tend les collaborations des Activités culturelles de l’Université et de leurs partenaires : il n’y a pas de bons étudiants qui soient incultes ! AB

(en haut à gauche)

Le chœur de l’Université de Genève en 2012. (en dessous)

Théâtre et improvisation (Atelier des Activités culturelles), 2011. (c--dessous)

Danse contemporaine (Atelier des Activités culturelles), 2011.

Activités culturelles de l’Université de Genève Rue De-Candolle 4 a-c.ch | info@a-c.ch

© Alice Bouteiller

L

© Cristian et Simone Ugarte

© Barbara Angerer

Par Ambroise Barras

31 17/08/12 10:22


E i

d

d ACTqu

Au firmament astrolyrique...

Des textes de Christopher Park et des illustrations de LUZ

(épisode 1)

Les signes de feu

Le cahier didACTique d’ACT-0 vous propose, après son cours d’ethnologie des « Tribus de l’opéra » de la saison 11-12, d’aborder une nouvelle discipline pour la saison qui commence : l’astrologie lyrique. Déjà riche en métaphores et en allusions sidérales (de O du mein holder Abendstern à E lucevan le stelle), la scène lyrique brille surtout par les voix qui la peuplent de leurs feux. Chacune a son caractère propre, chacune a ses archétypes. Chacune dessine une personnalité dramatique et artistique particulière, un peu à l’image des douze maisons astrales où chaque signe définit une manière de se comporter, une vocation, une destinée. Bien que les Fächer et les tessitures soient infiniment plus nombreuses que les douze signes du zodiaque, en divisant en trois sections la répartition classique Soprano Alto Ténor Basse, on obtient douze types de voix qui, grâce à la magie astrolyrique, correspondent aux douze signes zodiacaux que l’on voit briller dans le firmament « astrolyrique » 32 ACT-0_N°12_LT.indd 32

Bélier Le Heldentenor « Moi tout seul, j’existe face à l’autre »*

O

n dit que c’est Wagner qui les a inventés et il est vrai que la plupart des rôles-titres wagnériens sont des « ténors héroïques » : Parsifal, Tristan, Rienzi... Le Heldentenor est une voix de ténor fortement pondérée et sonore dans les registres graves et moyens de la voix, une sorte de baryton capable de chanter aussi haut qu’un ténor. Dans le jargon italien, ces voix sont celles du tenore robusto ou du tenore lirico-spinto (Le Duc de Mantoue, dans Rigoletto ou Don Carlos). Du Bélier, le Heldentenor a la grande force symbolique que les civilisations antiques accordaient à l’ animal qui, en dépit de n’être qu’un herbivore de taille modeste, incarnait la force de la nature. Fascinés par le fort contraste entre ce gros mouton, si paisible en temps normal, mais capable, en temps de saillie, de se lancer dans des joutes d’une rare violence, les anciens astrologues ont prêté son identité aux natifs du premier signe de l’ année. Leur caractère fonceur et fougueux se retrouve chez de nombreux Heldentenor : normal quand on est de la trempe d’un Samson, d’un Siegmund ou d’un Calaf. C’est une voix rare, comme les héros visionnaires qu’elle incarne, et ceux qui la possèdent sont appelés à faire preuve d’intelligence et de clairvoyance supérieures... Comme Peter Grimes, Walther von Stolzing ou celui qui est très certainement le plus typique des Heldentenor : le chevalier au cygne, Lohengrin. ACT.0 | 12

17/08/12 10:22


Lion La soprano dramatique « Un pour tous. Je suis le modèle de référence »*

L

orsqu’elle figure parmi les principaux d’un opéra, la soprano dramatique a tendance à prendre une place centrale, tout comme les onze autres maisons célestes gravitent autour du signe du Lion. Et comme le Lion, la soprano dramatique passe rarement inaperçue. Dotée d’une voix émotive et puissante, capable de planer superbement sur un orchestre de 80 à 100 pièces, sa figure est celle des héroïnes hors norme, au destin grandiose et tragique : Leonore/Fidelio, Santuzza, Senta ou Cassandre. Moins agiles que leurs consœurs lyriques ou coloratures, leur tessiture plus grave et leur timbre plus sombre produit cependant un rugissement qui vous perce jusqu’ aux tripes. Égocentriques ? Irascibles ? Trop sûres d’ellesmêmes ? Sans doute, mais aussi motivées, généreuses, entières, brillantes ; leur charisme est aussi flamboyant que la crinière du roi des animaux. Placé sous l’ influence du Soleil, le Lion assume la position alpha dans le zodiaque, comme les sopranos dramatiques dans l’opéra. Sans doute pour cela leur nom seul suffit à définir une grande histoire lyrique : Turandot, Ariadne, Norma... La soprano dramatique joue avec le feu du Lion, au sujet duquel La Fontaine écrivait, « Amour, amour, quand tu nous tiens, on peut bien dire “Adieu prudence” ! ». Ce ne sont pas Abigaille, Maddalena di Coigny ou la plus Lionne de toutes les sopranos dramatiques, Salomé, qui vous diront le contraire.

E i

d

d ACTqu

* Les épigraphes des signes du Firmament astrolyrique sont de l’astrologue Aline Apostolska (Une vision inédite de votre signe astral, éditions Dangles, 1999)

Sagittaire La basse de caractère « La vie est ailleurs. Ma mission est ma quête »*

L

e Sagittaire, troisième signe de feu, est représenté par une figure d’ archer mi-humaine, mi-animale : le Centaure. De cette nature hybride, les Centaures tiennent leur réputation, dans la mythologie grecque, d’êtres primaires, impulsifs, grossiers et bagarreurs. À ce titre, cela fait déjà penser à toute une galerie de personnages flamboyants, fanfarons, souvent ridicules, qui se rassemblent dans les rôles de basse bouffe : Don Pasquale, Don Bartolo (de Figaro et du Barbier), Don Basilio (du Barbier), Don Magnifico, Dulcamara... Mais ce que les Allemands, avec le souci de précision qui les caractérise, appellent plus volontiers Spielbass, n’est pas toujours qu’un vulgaire bouffon. Tout comme les natifs du Sagittaire, ces « basses de caractère », à la diction impeccable et la colorature solide, sont des êtres de dualité, qui, lorsqu’ ils apprennent à maîtriser leur part animale pour nourrir leur part humaine, savent décocher les flèches là où il faut. Comme le Centaure Chiron, qui fut le précepteur d’Achille, la basse de caractère peut aussi avoir une immense connaissance des faiblesses et des forces du corps et de l’ âme humaine. Ce Sagittaire qu’on dit curieux, tolérant, intelligent et visionnaire va parfois donner, dans la peau de la basse de caractère, de grandes leçons de sagesse, dérivées des vicissitudes de son expérience : « Ho i crini già grigi / Ex cathedra parlo / Ma tali litigi / Finiscano qua ! ». Vous l’ avez deviné, le prototype du Sagittaire dans le firmament astrolyrique, c’est évidemment dans l’opéra le plus philosophique de Da Ponte et Mozart qu’ on le trouve : Don Alfonso, de Così fan tutte. ChP ACT.0 | 12

ACT-0_N°12_LT.indd 33

33 17/08/12 10:22


ABO_

d

E i

d ACTqu

Par Kathereen Abhervé

Le public de demain ? La chose est arrivée sans clairon, ni trompette, sans même vraiment de raison précise. Subrepticement... Insidieusement...

L’Enlèvement au sérail au cours d’un atelier pendant le parcours pédagogique (en haut au centre)

Visite du plateau pendant les représenttations de Macbeth (en haut à droite)

Visite du bureau d’étude des ateliers décors, rue Michel Simon (en dessous à gauche)

Visite des foyers du Grand Théâtre

M

ais force a été de constater que la plupart des grandes maisons d’opéra ont vu, en quelques décennies, s’éclaircir les rangs d’un public pourtant jusqu’à présent acquis. La qualité des spectacles et le renom des artistes n’étant pas en cause, il a fallu chercher les raisons de cette désaffection et tous ces opéras qui, il y a encore quelques années, refusaient des spectateurs, ont planché dur pour trouver des solutions afin d’endiguer cet exode. C’est alors que de toutes parts, se sont mises en place de nombreuses stratégies essentielles à la survie de ces établissements : il fallait tout d’abord casser l’image stéréotypée de l’opéra considéré comme un art bourgeois et élitiste, et aller chercher de nouveaux public : les jeunes, élèves et étudiants furent les premiers visés.

(en dessous au centre)

Visite de l’atelier serrurerie et atelier pédagogique scénographie (en dessous à droite)

Projet de maquette de décors d’Elektra au cours d’un atelier pendant le parcours pédagogique

34 ACT-0_N°12_LT.indd 34

Les mille et une activités du service pédagogique du Grand Théâtre de Genève Ainsi poussé par ce courant réactif et aidé financièrement par le Département de l’Instruction publique et un généreux mécène, le service pédagogique du Grand Théâtre créé en 2001, s’est employé dès lors avec ardeur et passion, à initier aux arts lyriques et chorégraphiques, les élèves des écoles publiques et privées du canton de Genève, dès la 6e primaire. Des multiples activités de ce service, celle qui nécessite le plus d’investissement de la part de l’équipe du Grand Théâtre et des enseignants, concerne les parcours pédagogiques proposés aux élèves, autour des spectacles d’opéra et de danse. Durant la saison 11-12, soixante deux classes, soit environ 1200 élèves de dix à vingt ans, ont pu bénéficier de cette préparation tout à fait exceptionnelle. Pour chaque production lyrique ou chorégraphique un dossier pédagogique comprenant des extraits musicaux et une approche thématique adaptée à l’âge des élèves, est réalisé par l’un des membres de l’équipe, à l’intention des enseignants en vu de préparer leurs élèves. Ceux-ci sont ensuite invités à découvrir les coulisses du Grand Théâtre, son vaste plateau, ses ateliers de construction de décors, de couture, de menuiserie et sa réserve de costumes qui font tant rêver les élèves. Puis des professionnels les initient au chant ou à la danse, et leur font entrevoir les arcanes de la

mise en scène et de la scénographie. L’invitation à la répétition générale de l’œuvre à laquelle tous ces jeunes se sont ainsi préparés, constitue la dernière étape d’un parcours sensé les amener – c’est du moins le souhait des médiateurs culturels – à devenir, à plus ou moins long terme, le public de demain. De plus, grâce à son directeur Tobias Richter fort bien disposé envers les jeunes, le Grand Théâtre propose chaque année des spectacles spécialement conçus pour le jeune public. C’est ainsi que durant la saison dernière, La Petite Zauberflöte – une réduction de la célèbre Flûte enchantée de Mozart – a attiré près de 2 650 élèves de six à treize ans, Les Scènes de la vie de Bohème – un spectacle d’une heure trente conçu pour sept chanteurs et un piano d’après La Bohème de Puccini – a intéressé près de 180 adolescents, tandis que les intermèdes La Serva Padrona de Pergolèse et Le Devin du village de JeanJacques Rousseau ont attiré près de 250 collégiens. De beaux projets pour la saison 2012-2013 La rentrée va commencer sur les chapeaux de roue pour les 210 élèves qui, dès le 5 septembre assisteront à la répétition générale du Barbier de Séville de Rossini, et les 160 collégiens invités à découvrir, du 8 au 24 septembre, JJR (citoyen de Genève) ou le monde de Jean-Jacques Rousseau imaginé par le duo Philippe Fénelon/Ian Burton. Outre les traditionnels parcours pédagogiques qui, comme chaque année, attireront leur bon millier d’élèves, des représentations réservées au jeune public émailleront la saison : tout d’abord en février, les ballets Le Sacre du printemps et Les Noces de Stravinsky, puis en mai prochain, deux représentations du conte lyrique Le Chat botté, que le compositeur russe César Cui, créa en 1913 pour les enfants, d’après l’œuvre de Charles Perrault. Pour chaque billet, les élèves n’auront que dix francs à débourser. Un cadeau ! Mais le Grand Théâtre de Genève n’arrête pas là ses générosités, puisque dès la rentrée, il proposera à tous les jeunes de moins de 18 ans ayant participé à un parcours pédagogique, de pouvoir assister en compagnie de leurs parents ou de deux adultes de leur choix, à un ou plusieurs spectacles durant deux saisons, à un tarif hautement préférentiel. Elle n’est pas belle la vie ? KA

© GTG

(en haut à gauche)

Projet de maquette de décors de

ACT.0 | 12

17/08/12 10:22


42.-/MOIS* ABONNEMENT ALL MEDIA

* PRIX EN CHF, TTC

ABO_Acto_Office_Allmedia_235x320+3_Mise en page 1 17.07.12 14:12 Page1

07:00 AM 12:30 PM 09:00 PM L’époque est fascinante qui vous permet de disposer des outils les plus performants pour exceller dans votre métier. Depuis votre bureau, vous êtes en contact permanent avec vos pairs, vos partenaires, vos prestataires. A toute heure, de jour comme de nuit, Le Temps met à votre disposition, via vos instruments de travail, le fil de l’actualité du monde mais aussi les services et contenus à forte valeur ajoutée pour votre activité professionnelle. Pour découvrir et souscrire très facilement et rapidement à l’offre du Temps de votre choix – sur vos supports préférés – avec l’assurance de bénéficier d’une information d’une qualité inégalée, rendez-vous sur www.letemps.ch/abos ou composez notre numéro d’appel gratuit 00 8000 155 91 92.

ACT.0 | 12

ACT-0_N°12_LT.indd 35

35 17/08/12 10:22


E i

d

d ACTqu

Par Julie Wynne

© DR

La vie après Labo-M

Q

ue d’innovations en matière de développement du public jeune depuis six ans. Au départ, les « relais » (maintenant dénommés les délégués culturels Labo-M), une dizaine de jeunes entre 18 et 30 ans, servaient de think thank, plateforme de discussions et laboratoire d’idées, pour réfléchir conjointement avec la direction du Grand Théâtre à des nouveaux moyens d’atteindre le public jeune, en complément des activités pédagogiques déjà bien développées pour les élèves des écoles publiques et privées du Canton de Genève. La motivation des uns et des autres et la prise de conscience que cette problématique était nécessaire pour le renouvellement du public d’une maison d’opéra du présent et du futur ont permis le lancement en 2008 du club jeune Labo-M qui compte aujourd’hui environ 300 adhérents. Ses activités remportent toujours un vif succès et suscitent l’enthousiasme de ses membres. Lancer le club Labo-M était un beau défi, ce fut un plaisir de participer à son lancement, de réfléchir aux activités qui seraient les plus propices à faire aimer l’opéra aux jeunes qui n’y étaient pas encore sensibles ou de créer un lieu de partage pour les grands amateurs d’opéra et de danse du Grand Théâtre. Le club Labo-M a ainsi été l’initiateur de très beaux moments comme les rencontres avec le chef d’orchestre John Fiore, la mezzo-soprano Joyce di Donato, la comédienne et metteur en scène Marthe Keller, le metteur en scène Olivier Py mais aussi des visites des ateliers de décors et de costumes du Grand Théâtre, des week-ends d’opéra pour faire découvrir le Grand Théâtre à des jeunes venus des quatre coins de l’Europe, la participation à des répétitions générales, des italiennes ou des scènes et orchestre. Pour continuer la réflexion sur le développement du public jeune, j’ai également pris part à deux initiatives au niveau européen. D’une part, plusieurs rencontres et week-ends d’opéra

« J’ai pu connaître toutes les facettes de l’opéra et du fonctionnement d’une maison d’opéra dans ses moindres recoins et ainsi aviver ma passion et me donner envie de partager encore plus cette flamme auprès de mon entourage. » Julie Wynne

36 ACT-0_N°12_LT.indd 36

Après six ans au sein des délégués culturels Labo-M et le glas des 30 ans sonnant, il est temps de me retirer, les yeux emplis d’étoiles d’avoir participé à ce beau projet, celui de partager notre passion de l’opéra auprès des jeunes âgés de 18 à 30 ans.. étaient organisés par Juvenilia, l’association européenne des clubs des jeunes amis de l’opéra, dans différentes villes européennes et au festival d’Aix-en-Provence. A chaque fois, ce fut un grand plaisir de découvrir ces maisons d’opéra à l’étranger et de rencontrer des jeunes passionnés pour échanger nos réflexions sur la thématique de l’opéra et du public jeune. D’autre part, j’ai eu la chance de pouvoir partager mon point de vue aux European Opera Forum, les conférences bisanuelles organisées par Opera Europa, l’association européenne des compagnies et festivals d’opéra, qui ont eu lieu en 2007 à Paris, en 2009 à Barcelone et en 2011 à Varsovie. Ce fut l’occasion de rencontrer les professionnels des maisons d’opéra et de discuter librement avec eux de l’opéra et de son avenir et de réfléchir en profondeur aux défis auxquels est confronté cet art. Le renouvellement des publics et en particulier le développement du public jeune est aussi une des priorités d’Opera Europa qui a ainsi mis en place un think thank pour réfléchir à ce public jeune primordial pour le futur de l’opéra. Les Young Delegates regroupent une dizaine de jeunes de moins de 30 ans de plusieurs pays d’Europe et actifs dans le domaine de l’opéra. Participer à un tel think thank au niveau européen permet de prendre conscience que les challenges que rencontre le Grand Théâtre sont similaires à ceux auxquels font face les autres grandes maisons d’opéra mais également que le Grand Théâtre fait très bonne figure avec sa politique liée au public jeune parmi les autres maisons d’opéra. Qu’il continue ainsi à faire rayonner l’opéra parmi les jeunes générations et qu’il ne s’arrête pas en si bon chemin, le résultat en matière de renouvellement des publics ne pourra qu’être positif. Grâce au club Labo-M et à mon rôle de déléguée culturelle Labo-M, j’ai pu connaître toutes les facettes de l’opéra et du fonctionnement d’une maison d’opéra dans ses moindres recoins et ainsi aviver ma passion et me donner envie de partager encore plus cette flamme auprès de mon entourage. Cette envie de partager ne s’éteindra pas après mon retrait des délégués culturels, elle prendra simplement d’autres formes, de manière spontanée avec mes amis et proches mais peut-être également au sein d’un futur club de mécènes jeune ou alors au sein du Cercle du Grand Théâtre. Merci au Grand Théâtre pour offrir aux délégués culturels Labo-M la possibilité de participer de manière active à ses réflexions sur le développement du public jeune et de permettre la mise sur pied de nombreuses activités au sein du club Labo-M. JW ACT.0 | 12

17/08/12 10:22


LES AMIS DU

POUR PLUS DE MUSIQUE CLASSIQUE EN SUISSE. Le Credit Suisse est partenaire de longue date des institutions culturelles de renom: notamment le Lucerne Festival, l’Opéra de Zurich, l’Orchestre de la Tonhalle Zurich, l’Orchestre de la Suisse Romande, le kammerorchesterbasel, le Grand Théâtre de Genève, le Festival d’Opéra Avenches, le Festival de Saint-Gall et le Musikkollegium Winterthur. credit-suisse.com/sponsorship

ACT-0_N°12_couv_GTG.indd 3 21526_235x320_ACT_O12_klaN_f.indd 1

17/08/12 10:45 20.06.12 14:26


Hermès à Bâle, Berne, Crans-sur-Sierre, Genève, Gstaad, Lausanne, Lucerne, Lugano, St.Moritz, Zurich. Hermes.com

L E T E M P S AV E C S O I

ACT-0_N°12_couv_GTG.indd 4

17/08/12 10:45


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.