| Sptembre / Octobre / Novembre 2017 N° 32
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Le journal du Cercle du Grand Théâtre et du Grand Théâtre de Genève
MARIE-NICOLE LEMIEUX
La contralto québecquoise en récitaliste hors pair
FIGARO-CI, FIGARO-LÀ !
Joan Mompart se joue du personnage de Beaumarchais FANTASIO
L'humour au service de l'Amour
IL BARBIERE DI SIVIGLIA LE NOZZE DI FIGARO FIGARO GETS A DIVORCE
CALLAS
La chorégraphe Reinhild Hoffmann s’empare de Maria Callas GTG1718_ACTO32_couv_feuilles.indd 1
La Trilogie de Figaro
3 DIRECTEURS MUSICAUX, 3 METTEURS EN SCÈNE POUR 3 NOUVELLES PRODUCTIONS 29.08.17 18:51
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Le thème de la saison 17-18
Quelques notions d’espace...
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La Trilogie de Figaro
Un espace pour 3
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Callas
Reinhild Hoffmann s’empare de la Callas
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Fantasio
Thomas Jolly : «L’ enfant terrible ? »
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Marie-Nicole Lemieux
La volonté de partager la musique
CP 5126 - CH-1211 Genève 11 T +41 22 322 50 00 F +41 22 322 50 01
grandtheatre@geneveopera.ch www.geneveopera.ch
Figaro-ci, Figaro-là !
Joan Mompart raconte...
La couverture Les trois Figaro de la Trilogie présentée à l’Opéra des Nations : Bruno Taddia, Guido Loconsolo et David Stout Direction artistique Aimery Chaigne Photographe Nicolas Schopfer Maquillage Francis Ases
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Chères lectrices, Cher lecteurs, Cher public fidèle, Une nouvelle saison vous tend les bras et vous invite à partager nos aventures. Une ultime saison à l’Opéra des Nations qui a su convaincre, voire fasciner les plus dubitatifs. Certaines et certains d’entre vous verront son départ pour l’Asie non sans regret et mélancolie. Così fan tutte et Norma, les deux derniers spectacles de la saison passée, ont affiché des taux de fréquentation proches de 100% (98 et 99%). Le public venu nombreux a salué avec enthousiasme les artistes, l’Orchestre de la Suisse Romande et les équipes du Grand Théâtre. Nous allons nous efforcer à continuer sur cette lancée ambitieuse grâce à votre soutien et à votre accompagnement. Lorsque vous lirez cet ACT-O, deux événements d’importance auront déjà eu lieu : nous aurons accueilli La Clemenza di Tito, dirigée par Teodor Currentzis, qui a triomphé au Festival de Salzbourg cet été, et l’extraordinaire Nina Stemme qui revient au Grand Théâtre de Genève après dix ans d’absence… Nous voici déjà à la veille d’un autre point fort de la nouvelle saison : la présentation de la Trilogie de Figaro. Trois soirées consécutives pour partager le feuilleton de Figaro grâce à trois nouvelles productions coproduites avec le Welsh National Opera. Un challenge que les équipes du Grand Théâtre ont accepté de relever afin de vous faire partager ce qui semble être une grande première dans le monde de l’opéra. Depuis quelques semaines, le Ballet du Grand Théâtre de Genève, tout en continuant ses tournées triomphales à travers le monde, se prépare à vous offrir un moment exceptionnel grâce à Callas, un ballet emblématique du Tanztheater, une facette qui manquait à sa déjà riche palette. Non, le Ballet ne vous contera pas la vie de Maria Callas, mais il vous fera partager la passion de la grande soprano grâce à l’une des chorégraphes les plus marquantes du Tanztheater, Reinhild Hoffmann, devenue une légende et venue à Genève pour faire revivre un spectacle qu’elle avait imaginé en 1983. Les danseuses et les danseurs sont ravis de recréer à Genève ce qui fut un événement dans le monde de la danse, une pièce toujours d’actualité dans une période où la brillante apparence semble prendre le pas sur l’intériorité. Qu’il me soit permis de remercier toutes les équipes du Grand Théâtre sans lesquelles ces moments de rêves et de passion ne pourraient pas voir le jour. Dans l’ombre, avec l’amour du métier qui les caractérise, ils œuvrent sans compter pour vous offrir des moments magiques. Malheureusement, nous devons tempérer notre enthousiasme car quelques nuées menaçantes assombrissent les horizons du Grand Théâtre. Celles et ceux qui suivent l’actualité auront compris que la subvention promise, mais non encore votée par le Grand Conseil, constitue une réelle menace pour les activités du Grand Théâtre. Beaucoup d’entre vous nous ont déjà manifesté leur compréhension et leur soutien. Nous restons confiants car nous sommes persuadés que nul ne saurait remettre en question le fonctionnement d’un des fleurons de la Ville et du Canton de Genève. Fiers et assurés de votre soutien, nous vous donnons rendez-vous pour partager l’un des quatre cycles des aventures de Figaro, ainsi que les autres spectacles que nous avons imaginés pour vous entraîner vers d’autres univers. Bonne saison à l’Opéra des Nations, Tobias Richter Directeur général
Directeur de la publication Responsable éditorial Responsable graphique & artistique Ont collaboré à ce numéro
Tobias Richter Mathieu Poncet Aimery Chaigne Bérangère Alfort, Daniel Dollé, Leandro Garcimartin, Aurélie Gfeller, Olivier Gurtner, Joan Mompart, Mathieu Poncet, Tania Rutigliani, Charles Sigel, Patrick Vallon
Impression
FOT Suisse SA
Parution 4 éditions par année ; achevé d’imprimer en août 2017. 5 000 exemplaires. Il a été tiré 45 000 exemplaires de ce numéro encartés dans le quotidien Le Temps.
Prochainement dans le n°33 Ascanio 24 & 26/11/2017 Concert des Lauréats du Concours de Genève 25/011/2017 Le Baron Tzigane 15/12/2017 > 6/01/2018 Willard White 16/12/2017 Dorothea Röschmann 12/01/2018
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Notions d’espace sur une idée de Mathieu Poncet
Afin d’accompagner le motto de notre nouvelle
Tadeusz Kantor : L’évolution de mes idées scéniques
saison [L’espace d’une saison] et pour faire écho à nos publications précédentes, nous vous proposons d’évoquer ici la notion d’espace et plus particulièrement l’espace scénique et les espaces
[propos de 1945] Les décors sont la fonction du drame et de l’espace, ils construisent et organisent l’espace scénique. Ils permettent l’amplification des possibilités de jeu de l’acteur, de ses gestes et de l’action. C’est la base du drame et de ses conflits. Le décor est une machine à jouer. L’objet perd ses fonctions vitales quotidiennes et devient une partie de l’espace et de la construction scénique. Le décor doit être perçu en tant que construction ! C’est une forme autonome comme la sculpture ou comme un organisme vivant, c’est presque un acteur ! C’est l’idée architecturale de l’espace scénique. [propos de 1952] Tentatives et recherches visant à trouver un autre espace, non architectural, non concret. Un espace qui serait en mesure d’englober et de contenir en soi des idées, des tensions psychiques, la pensée, les conflits de l’esprit : le modèle intérieur du drame. J’appelle cet espace : « l’espace mental, l’espace différent ».
acoustiques. Les créateurs du XXème siècle ayant pris à bras le corps cette thématique, ce sont des réflexions du dramaturge Tadeusz Kantor, du philosophe/musicologue Jean-François Augoyard et du compositeur Gérard Grisey que nous publions ci-dessous. En espérant que ces considérations vous accompagneront tout au long de l’année, nous vous souhaitons une belle saison 17-18.
Jean-François Augoyard : « Qu’est-ce qu’un espace sonore ? »
Gérard Grisey : Les espaces acoustiques (1974/1985)
© MÉTAMOBIL
© ZOOM TEAM / SHUTTERSTOCK
Cette question est un défi à notre culture dominée par le visuel. Et plus encore à la pensée architecturale et urbanistique. Les caractères de l’espace sonore sont différents ou opposés à ceux de l’espace comme on l’entend habituellement. L’espace sonore est d’abord du temps ; il est ensuite discret, disséminé, sans limites claires ; il est aussi prégnant, rétif à la distanciation. Il invite enfin à mêler les disciplines et à affronter l’expérience sensible et créative. À quoi la notion d’effet sonore répond très bien.
Partiels (1975) pour dix-huit musiciens s’inscrit dans le cycle des Espaces acoustiques. Chaque pièce élargissant le champ acoustique de la précédente. Partiels, comme telle, fait suite à Périodes pour sept musiciens, et précède Modulations pour trente-trois instrumentistes. Le titre s’entend comme moment d’un ouvrage plus vaste mais aussi dans le sens acoustique de composantes du son. Deux balises en jalonnent le devenir sonore : la périodicité et le spectre d’harmoniques. Ces instants aisément identifiables autorisent une continuité et une dynamique du discours musical dans lequel s’insère la forme cyclique de la respiration humaine. Inspiration-expiration-repos, ou si l’on préfère : tension (dislocation)-détente-reconstitution d’énergie. Transitoires (1980-81) pour grand orchestre est une commande de l’Orchestre Symphonique de Sicile pour la Biennale de Venise de 1981. Si Prologues et Périodes mettaient les cordes en valeur, pour Partiels il s’agit des bois et pour Modulations des cuivres. Transitoires de par son écriture rythmique met le chef et l’orchestre tout entier à rude épreuve ! Par son large champ acoustique Transitoires, et plus tard Épilogue réalisent ce qui était latent dans les autres pièces du cycle des Espaces acoustiques : le filtre est retiré, le temps est dilaté, les spectres éclatent jusqu’à la 55ème harmonique, de véritables polyphonies spectrales se répartissent dans tout l’espace sonore…
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Un maelström de lianes pour aspirer les fausses notes des élèves harpistes de l’École des Arts de Saint-Herblain dans la banlieue nantaise (44). Ces cannes de bambou illustrent le concept de la conque. Espace acoustique a été créé par l’agence Tetrarc et réalisé par Métamobil en 2010.
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OPÉRATION
LA TRILOGIE DE FIGARO
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Les trois Figaro de la Trilogie lors d’une séance photo pour la couverture de ce magazine : Guido Loconsolo, Bruno Taddia et David Stout.
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OPÉRATION LA TRILOGIE DE FIGARO
Trois épisodes de la vie de Figaro en trois
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La scène d’ouverture d’Il Barbiere di Siviglia.
jours ! Découvrez Figaro décliné dans toutes ses facettes. De barbier à entremetteur, ce personnage saura vous enchanter dans sa mise en musique par Gioachino Rossini, Wolfgang Amadeus Mozart et Elena Langer ; et sa mise en scène par Sam Brown, Tobias
© WNO
Richter et David Pountney.
par C harles S igel
Beaumarchais : « J‘ai tout fait, tout vu, tout usé... »
D
’abord, il y a ce nom, Figaro, dont on ne sait d’où il sort. Beaumarchais n’en a rien dit. On a cherché à l’expliquer par un à-peu-près : Figaro = Fils-Caron. Pas très convaincant, mais il rend compte d’une évidence : Beaumarchais, né Pierre-Augustin Caron, fut lui aussi le “factotum della città”. Un homme qu’on s’épuise à suivre, horloger, professeur de harpe, affairiste, agent secret, pamphlétaire, auteur dramatique, vibrionnant en Angleterre, en Autriche, en Espagne, volant au secours des Insurgents américains, marié trois fois, emprisonné au moins autant, sauvant sa tête par miracle peu avant les massacres de Septembre... « Ambitieux par vanité, laborieux par nécessité, mais paresseux avec délices, orateur selon le danger, poète par délassement, musicien par occasion, amoureux par folles bouffées, j‘ai tout fait, tout vu, tout usé... » Est-ce lui, Figaro ? Comment ne pas le penser ?
© GTG / NICOLAS SCHOPFER
Largo al factotum della città Fils d’un horloger de la rue Saint-Denis, il vend des montres à Mesdames, filles de Louis XV, entre dans le cercle de la Pompadour, devient fondé de pouvoir de Pâris-Duverney, brasseur d’affaires et protecteur de la dame, qui l’envoie intriguer à Madrid, où il passe quelques mois délicieux, parmi les majos et majas. Il s’en souviendra pour Le Barbier… Il connait une première notoriété grâce à une tempête judiciaire (pas la dernière) : il brise des lances avec le comte de La Blache, héritier de Pâris-Duverney, épisode héroïcomique dont il sortirait défait s’il ne mettait les rieurs de son côté avec les quatre Mémoires qu’il publie contre le juge Goëzman ; il s’en souviendra (Don Gusman Brid’oison !) pour Le Mariage… Roderigue Ortalez Louis XV le charge de missions secrètes à Londres. Caron, devenu entre temps “de Beaumarchais” (du nom d’une terre de son épouse n°1), se rebaptise M. de Ronac, rencontre le chevalier d’Éon. Motif : un chantage aux papiers compromettants. Il excelle (et jubile) dans ces missions spéciales. La suivante l’est davantage : il s’agit de récolter des fonds pour les insurgés de Nouvelle-Angleterre, le Roi ne veut y apparaître que masqué, Beaumarchais sera le masque, qui sous le nom d’emprunt de Roderigue Ortalez armera une flotte de voiliers, achètera de la poudre, fera transiter des fonds, financera La Fayette. « De tous les Français, je suis celui qui a fait le plus pour la liberté de l’Amérique .» Il fait beaucoup aussi pour lui-même, participe à la Cie des Eaux de Paris, fondée par les frères Périer, s’enrichit considérablement (Figaro, non). Roderigue Ortalez s’installe à l’ancien hôtel des Ambassadeurs de Hollande, rue Vieille-du-Temple, une des plus
belles demeures du Marais. C’est l’archétype d’une nouvelle bourgeoisie, un “petit Parisien”, comme Lagardère, tourné parvenu. Une manière de sociologue Entre temps, il a écrit Le Barbier de Séville, comédie agrémentée de chansons, qui subit maints aléas, interdiction, échec, triomphe. Créée en 1775, elle semble bien traditionnelle face au Mariage de Figaro, à coup sûr l’événement théâtral du siècle, dont Danton dira qu’il a “tué la noblesse”. Cette pièce à la fois subversive, mais dont l’esprit est d’Ancien Régime, est l’aboutissement d’un long cheminement d’écrivain, commencé avec les parades assez lourdes que Beaumarchais écrivit pour animer les soirées du château d’Étioles (M. Lenormand d’Étioles était le mari de la Pompadour), continué avec Eugénie, comédie dans le goût de Greuze ou Les Deux amis, comédie révélatrice de l’ascension d’une nouvelle classe, la bourgeoisie d’argent. Car, paradoxe, celui qui par la voix de Figaro exprime les douleurs, les impatiences du peuple, est riche comme un Almaviva. Un nouvel acteur : le peuple C’est un homme de son siècle (mais pas un homme des Lumières) : du dix-huitième, période charnière, il comprend tout. Que de changements entre Le Barbier (1775) et Le Mariage (1784). Dix ans seulement ont passé. Voyez Almaviva : le bondissant gratteur de guitare s’est alourdi, installé, assis, il réclame son dû (la virginité de Suzanne), l’espiègle Rosine est devenue la mélancolique Comtesse (et plus tard la Maréchale…), quant au gentil barbier, c’est maintenant un esprit fort, amer, indigné. Un insurgé en puissance. Le peuple. Mozart entre en scène Mozart percevra tout cela, et que cette intrigue est subversive. Toute l’Europe avait attendu la suite des aventures de Figaro. En Autriche, Joseph II, éclairé mais despote quand même, lui aussi sent que cette comédie est dangereuse et il l’interdit. Ah ! ce monologue de Figaro, dont toutes les phrases sont des poignards. Faut-il que sa soeur Marie-Antoinette soit écervelée pour faire jouer ce pamphlet déguisé à Versailles ! [suite page suivante]
Morbleu ! Perdu dans la foule obscure, il m’a fallu déployer plus d’énergie, de science et de calculs pour subsister seulement qu’on n’en a mis depuis cent ans à gouverner toutes les Espagnes… Beaumarchais, Le Mariage de Figaro (Acte V, scène 3)
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OPÉRATION LA TRILOGIE DE FIGARO [suite]
Le franc-maçon Mozart, l’ami des libéraux, lit la pièce (en français), la transmet à Da Ponte. Prudemment, tous deux édulcorent le texte et Mozart compose son opéra en grand secret l’été 1785. Figaro ne tempête plus que contre les femmes, mais l’orchestre vrombit, se cabre, se révolte. Comprenne qui voudra.
la musique un peu trop neuve et difficile. Et Mozart, fêté comme pianiste mais rejeté comme créateur, continuera de vivre surtout des leçons qu’il donnera. La rumeur des Nozze arrivera-t-elle à Beaumarchais ? L’ex-petit Caron, devenu bourgeois aux goûts d’aristo, se sera fait bâtir un immense hôtel entouré d’un parc à la mode anglo-chinoise, à une portée de mousquet de la Bastille, a-t-on idée de cela. Surviendra la Révolution. Il perdra tout, partira pour Francfort puis Amsterdam, subsistera encore d’intrigues misérables, tel son barbier. Révolutionnaire sans le savoir en 1784 (Le Mariage...), aristocrate malgré lui en 1789, émigré sans le vouloir en 1794…
Une révolution sur le théâtre Hormis cet adoucissement, qui n’est pas rien, Mozart est d’une fidélité totale à l’esprit de Beaumarchais, quant à l’intrigue, au rythme, aux caractères. Et surtout, comme chez Beaumarchais, c’est Figaro, l’homme du peuple, qui mène le mouvement. Une aristocrate anglaise, la comtesse de Berkeley, de passage à Paris, avait bien perçu cette nouveauté, déjà en voyant Le Barbier de Séville, et s’en était scandalisée : alors que chez Molière, les valets étaient des comparses, voilà qu’ici ce petit coiffeur, “la lie du peuple”, occupait le devant de la scène, le Tiers-État autrement dit. C’était une révolution (révolution de théâtre, mais quand même). Le vent du boulet Les Nozze di Figaro plairont aux esprits libres, finalement peu nombreux (neuf représentations en 1786, demi-échec), on jouera dans les cafés et on sifflotera Non piu andrai, mais on trouvera
© GTG / MAGALI DOUGADOS
Figaro, c’est moi Il reviendra en 1796, vieilli et sourd, lancera encore mille lettres, cent projets (une escadrille de montgolfières, un canal à travers le Nicaragua...), bataillera pour recouvrer une partie des sommes qu’il avait prêtées aux Insurgents, fera jouer La Mère coupable, fin amère de la trilogie Figaro, où les sémillants Almaviva muteront en bourgeois flapis, victimes d’un Tartuffe pré-balzacien, et où le spirituel barbier terminera en raseur moralisant ; une attaque d’apoplexie abattra Beaumarchais en 1799. Il ne verra pas le XIXème siècle. Définitivement homme du XVIIIème. Figaro, c’est lui. ■
La genèse de la Trilogie Un entretien avec T obias R ichter , le metteur en scène de Le Nozze di Figaro
[ci-dessous]
© GTG / MAGALI DOUGADOS
Le metteur en scène et directeur du Grand Théâtre de Genève et la chanteuse Regula Mühlemann (Susanna) lors des premières répétitions de Le Nozze di Figaro au studio de Meyrin en août 2017.
Tobias Richter À l’origine, il y a une idée germée dans l’esprit de David Pountney, il voulait que nous réfléchissions à une trilogie Beaumarchais. Il m’avoua ensuite qu’il y pensait depuis longtemps et surtout au problème du troisième volet : certes il existait La Mère coupable, mis en opéra par Darius Milhaud en 1966 (et d’ailleurs créé à Genève, sous la direction de Serge Baudo, avec entre autres Éric Tappy), mais ça nous semblait une œuvre un peu inscrite dans son temps. Par ailleurs, nous connaissions le travail d’Elena Langer, son sens du théâtre et son goût pour la littérature. Bref, nous avons entrevu la possibilité d’une trilogie, que nous pourrions co-produire, le Welsh National Opéra et le Grand Théâtre et de ces discussions est découlé un livret écrit par David Pountney. Un livret qui, évidemment, s’appuie sur la troisième pièce de Beaumarchais, mais aussi sur le Figaro divorce (Figaro läßt sich scheiden) d’Ödön von Horváth. Horváth écrit sa pièce en 1937 ; il est alors en exil, et il montre les deux couples, Almaviva et Rosine, Figaro et Suzanne, en fuite, chassés par la Révolution et réfugiés dans une petite ville de Bavière, Figaro portant à bout de bras les deux aristocrates épuisés, et ouvrant une boutique de coiffure pour faire vivre tout ce petit monde.
Charles Sigel Le Figaro gets a Divorce de Pountney et Langer, c’est par là que la trilogie touche au monde d’aujourd’hui ? TR L’histoire est censée se passer six ans après Le Mariage de Figaro, mais en réalité Horváth parle de lui, de la montée du nazisme, de son déracinement, bref c’est de nous qu’il parle, et de ce que nous voyons se dérouler sous nos yeux. Si on regarde La Mère coupable, on voit que Beaumarchais rend sensible le passage d’une époque à une autre, un passage qu’il éprouve lui-même, et avec quelles difficultés. Et Horváth, de la même façon, ressent dans sa chair le passage entre une époque qui ne reviendra pas et une autre dont on ne sait encore rien, mais dont on pressent qu’elle sera terrible. Beaumarchais percevait que tous les paramètres sociaux, et moraux, avait été blackboulés par la tourmente révolutionnaire, et c’est, je trouve, quelque chose de très moderne que ce sentiment de vacillement, de doute, d’incertitude, de transition. Voilà un peu comment ça c’est agencé avec David Pountney et Elena Langer. CS Avec aussi une réflexion sur la forme... TR Oui, l’idée d’un même orchestre et d’une seule scénographie pour les trois opéras. L’idée de s’abstraire du contexte espagnol, du naturalisme, etc. Et c’est alors qu’on a parlé avec Ralph Koltaï, qui est une manière de légende, âgé aujourd’hui de 93 ans, ce Hongrois d’origine, chassé par le nazisme, qui a révolutionné le décor de théâtre en Grande-Bretagne, notamment à la Royal Shakespeare Company. Il a conçu un décor modulable, mobile, d’ailleurs vous verrez que d’une pièce à l’autre on ne reconnaît presque pas que ce sont les mêmes panneaux. Mais le défi, c’était un espace vide, deux grands murs qui peuvent bouger, et des accessoires, et basta ! On avait aussi caressé l’idée d’une seule troupe : le même chanteur pour Figaro, la même Suzanne, etc. Mais pour des raisons simplement pratiques, de planning de répétitions notamment, de logistique, et d’énergie tout simplement, cela se révéla impossible. À Cardiff, il y avait aussi l’idée de tout faire en langue anglaise, pour encore plus d’unité, c’est une tradition encore vivace au RoyaumeUni de transposer les livrets en anglais, on le faisait jadis aussi sur le continent. De nos jours, ça me semble impossible, Mozart a conçu sa musique pour l’italien. Donc la version du Grand Théâtre de Genève diffère de celle du Welsh National Opera là-dessus, mais aussi parce que les distributions sont complètement différentes ici (sauf pour Figaro gets a Divorce, où c’est la même à un rôle près). De toute façon, ce qui m’est apparu à Cardiff, c’est que, bien sûr il fallait les proposer en trilogie, sur trois soirées, mais que chaque œuvre montrait un univers complètement différent… Il y a la comédie légère avec Le Barbier de Séville, que Sam Brown traite dans l’esprit burlesque, ensuite il y a la grande comédie de caractère avec ses sous-entendus mélancoliques, et puis il y a un drame aux arrière-plans contemporains, très noir au fond. Il y a les mêmes personnages, mais trois esprits différents, trois moments de l’Histoire en somme. ■
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OPÉR ATION COSÌ FAN TUT TE
› Il Barbiere di Siviglia
Melodramma buffo en 2 actes Gioacchino Rossini Direction musicale
Jonathan Nott
Mise en scène
Sam Brown
Décors
Ralph Koltaï Costumes Sue Blane Lumières Linus Fellbom Chorégraphie
Morgann Runacre-Temple
Il Conte di Almaviva Bogdan Mihai Figaro Bruno Taddia Rosina Lena Belkina Bartolo Bruno de Simone Basilio Marco Spotti Berta Mary Feminear Fiorello Rodrigo Garcia Un ufficiale Aleksandar Chaveev Ambrogio Peter Baekeun Cho © GTG / MAGALI DOUGADOS
Chœur du Grand Théâtre de Genève Direction Alan Woodbridge Orchestre de la Suisse Romande À l’Opéra des Nations du 12 au 24 septembre 2017
L’opera-buffa, c’est comme une montre suisse Un entretien avec S am B rown , le metteur en scène de Il Barbiere di Siviglia
Charles Sigel Quel est l’esprit de votre mise en scène ?
qui est très grand et filiforme, et je l’utilise, bien sûr, c’est une forme de comique, très basique, mais il y en d’autres. Ainsi, pour la relation entre Almaviva et Figaro, j’ai pensé à Laurel et Hardy : ce sont deux idiots, mais la différence entre eux, c’est que Stan Laurel sait qu’il est un idiot, alors qu’Hardy le croit plus malin que lui. Et on peut transposer cela vers la relation entre le Comte et Figaro : Almaviva ne se considère pas comme très malin, c’est pour ça qu’il demande l’aide de Figaro, Figaro pense qu’il est très malin, mais bien sûr il ne l’est pas, et la drôlerie vient de là, de ces relations qui ressemblent à celles de l’Auguste et du clown blanc.
Sam Brown J’ai beaucoup pensé aux clowns et aux cartoons, aux bandes dessinées, et à partir de là, j’ai voulu une mise en scène qui soit funny, la plus drôle possible pour le public, aussi bien ceux qui connaissent Il Barbiere que ceux qui le découvrent. Et puis je me suis souvenu de l’esprit des Monty Python, et aussi des sketches des Two Ronnies, Ronnie Barker et Ronnie Corbett, à la TV britannique dans les années 70-80. Et ces sketches ont inspiré aussi Sue Blane, qui a dessiné les costumes. Vous savez, je m’inscris là dans une tradition britannique, le burlesque, ou même le grotesque, songez à Chaplin qui vient du music-hall londonien, et même à Shakespeare, d’ailleurs j’ai mis en scène A Midsummer Night’s Dream de Britten où on trouve ce comique particulier, et quand j’ai mis en scène La Cenerentola à Lucerne, j’ai beaucoup joué sur le burlesque et j’entendais les rires du public qui adorait cela, et c’est d’ailleurs ce qui m’a amené à diriger ce Barbier.
SB … et Candide de Bernstein ou La Cenerentola, qui sont en somme des comédies musicales aussi, et j’aime beaucoup cela. Vous savez, Rossini composait ses opéras buffa pour qu’ils plaisent à tous les publics. J’admire beaucoup sa science de la construction, du
CS Comment est-ce qu’on travaille quand on reprend un spectacle, dans un autre pays, une autre langue, avec une autre distribution ?
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CS Vous avez mis en scène Alcina de Haendel ou Roméo et Juliette de Gounod, mais aussi beaucoup de comédies musicales, My Fair Lady ou Hair…
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SB Évidemment, c’est ensemble que l’on construit quelque chose. Si on trouve un bon gag, mais qu’il coupe l’élan, il ne faut pas hésiter à le sacrifier. C’est comme un atelier où on construit des voitures, il faut créer un véhicule sans rien qui ralentisse la vitesse. Par exemple j’ai la chance d’avoir un Figaro, Bruno Taddia, qui est une sorte de clown naturel et qui a beaucoup d’imagination pour créer et enrichir son personnage, il sait jouer avec son corps, et je me sers de cela, ou du physique de Bogdan Mihai, notre Almaviva,
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Bogdan Mihai (Il Conte di Almaviva) et Bruno Taddia (Figaro). [à gauche]
Bruno Taddia (Figaro) et le Chœur du Grand Théâtre sur le plateau de l’Opéra des Nations lors de la générale piano en août 2017 .
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CS Je voyais hier en répétition la scène de la romance de Rosina et votre Bartolo, Bruno de Simone, suggérait des attitudes, des onomatopées, des ronflements, des mimiques, toute sortes d’effets comiques et vous me sembliez très preneur…
Lena Belkina (Rosina) à sa fenêtre sur la scène de l’Opéra des Nations, en août 2017.
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SB C’est une chance pour moi que cette reprise, et je considère que c’est une nouvelle création, une nouvelle mise en scène. On garde les décors et les costumes, et d’ailleurs pas tous ! À Cardiff, le costume de soldat d’Almaviva était une panoplie de boy-scout, ce qui a du sens au Royaume-Uni, mais à Genève beaucoup moins, donc ici il sera en Garde suisse… Il faut tout repenser, si l’on veut que le spectacle fonctionne. L’esprit sera le même, puisque je suis toujours là, mais sinon il faut tout reconsidérer. Par exemple, à Cardiff, Figaro était très grand et Almaviva très petit, et cela amenait des effets de comique, dont on se servait. Ici, on va réinventer les choses avec les chanteurs que j’ai la chance d’avoir, et qui tous ont déjà chanté leur rôle, et donc apportent leur expérience… En fait, mon rôle, c’est de décrire la situation, de créer l’espace où les comédiens se sentiront libres pour créer leur personnage, pour lancer des idées. Ensuite je m’empare de certaines idées, j’en écarte d’autres, et c’est comme ça qu’on avance.
[ci-dessus]
« Ainsi, pour la relation entre Almaviva et Figaro, j’ai pensé à Laurel et Hardy : ce sont deux idiots, mais la différence entre eux, c’est que Stan Laurel sait qu’il est un idiot, alors qu’Hardy le croit plus malin que lui ».
Bruno de Simone (Bartolo) en pleine consultation de Lena Belkina (Rosina).
Sam Brown
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OPÉRATION
› Le Nozze
di Figaro
Opera buffa en 4 actes Wolfgang Amadeus Mozart Direction musicale
Marco Letonja
Mise en scène
Tobias Richter
Décors
Ralph Koltaï Costumes Sue Blane Lumières Linus Fellbom Chorégraphie
Denni Sayers
Il Conte di Almaviva
Ildebrando D’Arcangelo
La Contessa di Almaviva
Nicole Cabell
Susanna
Regula Mühlemann
Figaro
Guido Loconsolo
Cherubino
Avery Amereau
Marcellina
Monica Bacelli
Don Basilio
Bruce Rankin
Don Curzio
Fabrice Farina
Bartolo
Bálint Szabó
Barbarina
Seraina Perrenoud
Antonio
© GTG / MAGALI DOUGADOS
Romaric Braun Deux paysannes Chloé Chavanon Marianne Dellacasagrande Chœur du Grand Théâtre de Genève Direction Alan Woodbridge Orchestre de la Suisse Romande À l’Opéra des Nations du 13 au 25 septembre 2017
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Regula Mühlemann (Susanna) et Guido Loconsolo (Figaro) lors de la générale piano à l’Opéra des Nations en août 2017.
rythme. Le Barbier, c’est comme une locomotive, très profilée, très aérodynamique, qui est lancée sur des rails, et qui accélère follement, et qui va de plus en plus vite. Et c’est ça qui est difficile : la mécanique du comique, c’est comme une montre, ça marche à la seconde près, si on prend du retard, on casse la mécanique et ça ne marche plus… Vous savez, il y a une chose à laquelle je suis très attaché, même si je sais que ce n’est plus de mise en Allemagne ou en France ou en Suisse : c’est à ce que les opéras soit chantés dans la langue du pays où l’on joue. Pourquoi ? Parce qu’alors le public saisit immédiatement tout et que les rires, si c’est comique, viennent tout de suite, sans le délai de la lecture du sur-titre. Ici, on va chanter dans la langue originale, ce qui est plus facile pour les chanteurs, mais pour moi, qui suit un obsédé du rythme et du texte, c’est une difficulté que de jouer en italien, même si je sais que le public de Genève est très cosmopolite et multilingue ! CS Ce qui était évident pour moi, hier, en vous voyant répéter, c’est que le mouvement vient de la musique. D’abord vous travaillez autour du piano de Todd Camburn…
du public. Par exemple, pour casser toute idée de «solennité opératique» dès le début, pour indiquer qu’on a le droit de rire, je me suis servi du morceau le plus célèbre du Barbier de Séville, à savoir l’Ouverture, pour créer une danse des ciseaux, avec des ciseaux qui envahissent tout, tout simplement pour susciter l’idée de joie de vivre… et pour lancer la dynamique. Et je me sers des panneaux de décor de la trilogie en les rendant transparents par des jeux d’éclairage, également pour augmenter la dynamique. CS Privilégier la dynamique et le burlesque, cela veut dire écarter toute approche psychologique. SB Il y a quand même un trait que j’essaie de mettre en lumière, une sorte de fil rouge : c’est l’obsession de l’argent. Bartolo veut épouser Rosine pour son héritage, Figaro aide le Comte mais en attend une récompense, Don Basilio reçoit un pourboire, seuls les deux amoureux ne pensent qu’à l’amour, de toute façon ils sont riches, mais je crois que la cupidité et l’avarice sont parmi les thèmes de l’opéra, et il y a là quelque chose d’amer et de grinçant. CS Vous aimez cette idée de trilogie ?
SB … oui, avec la partition, pour bien lire et détailler les mots, puis on monte sur scène, on met en place les mouvements, les gags, en découpant, mais c’est la musique qui donne le tempo, c’est une contrainte et c’est une aide formidable en même temps. Pour moi, la mise en scène naît toujours de la musique, En l’occurrence Rossini écrit une musique, et crée des personnages, qui parlent immédiatement à chaque spectateur, et Figaro, l’homme du peuple, est une sorte de truchement, d’intermédiaire, de gobetween entre le spectateur et le spectacle, un peu comme un bateleur sur un théâtre de tréteaux. Ou comme un clown, qui joue avec le public, qui l’apostrophe, qui est en somme créé par les rires
SB : Absolument. Et j’aime beaucoup que les trois soirées soient traitées de trois manières complètement différentes, il y a un monde entre le Barbier et les Noces et un monde entre les Noces et le Divorce, mais il y a une idée que je trouve magnifique, c’est que Figaro n’est pas le même d’une pièce à l’autre, qu’il est joué de surcroît par trois chanteurs, qu’il porte trois costumes complètement dissemblables, et pourtant il y a des éléments communs dans ces trois costumes qui font percevoir de façon subliminale que c’est le même personnage, et je trouve que c’est une des plus belles idées de costume de théâtre depuis peut-être vingt ans ! ■
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OPÉRATION LA TRILOGIE DE FIGARO
Le Nozze di Figaro, ou la circulation du désir
Charles Sigel Comment qualifier cet opéra ? Comédie dramatique, dramma giocoso ? TR Pour moi, les Noces, c’est une comédie humaine avec toutes les amertumes de la vie. Et c’est la perfection de la forme. C’est l’œuvre-miracle, on ne peut toucher à rien, rien couper, tellement l’équilibre est parfait. Alors que, si l’on prend Don Giovanni, il y a la version de Vienne, et puis celle de Prague, Mozart, qui était un pragmatique, a senti qu’il fallait rectifier des choses, supprimer un air, en remplacer un autre, etc. Mais les Noces, c’est la perfection du théâtre.
TR Oui, la maîtrise parfaite de l’allusion. Pour moi, l’un des moments les plus beaux, c’est le duo « Crudel ! Perché finora far mi languir cosi… » entre Suzanna et le Comte : on sent qu’il peut se passer quelque chose, que ça va marcher, mais le seul problème, c’est que la coda orchestrale écrite par Mozart n’est pas assez longue ! Il va lui donner un baiser, mais non, elle s’enfuit parce que la musique s’arrête ! Des choses comme ça, c’est magnifique. Pour moi, c’est un des duos les plus érotiques que je connaisse, et vous le verrez dans la façon dont je l’ai mis en scène… C’est un opéra où le désir circule, d’ailleurs finalement les Noces ne parlent que de cela, du désir !
« Je suis heureux que la façon dont s’est élaborée cette Trilogie me donne l’occasion de revenir à la mise en scène. Je ne peux imaginer une œuvre plus « pleine », aussi complète, aussi allusive que Le Nozze di Figaro. Si l’on pense à ces personnages… Ils sont tous beaux, jeunes, séduisants… C’est pour cela que j’aime raconter leur histoire, leurs tentations, et faire percevoir aux spectateurs tout ce que suggère Mozart ».
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Avery Amereau (Cherubino) et Nicole Cabell (La Contessa di Almaviva) [ci-dessus]
Regula Mühlemann (Susanna) en prises avec Ildebrando D’Arcangelo (Il Conte di Almaviva) lors de la générale piano à l’Opéra des Nations en août 2017.
Tobias Richter
TR Le désir, ou le trouble… On peut appeler cela comme on veut. Regardez, il y a les deux couples, les maîtres et les valets, il y a aussi les deux jeunes, Chérubin et Barberine, et on a le sentiment qu’entre ces trois hommes et ces trois femmes, toutes les figures pourraient être possibles. Et d’ailleurs Beaumarchais nous apprendra dans La Mère coupable qu’un enfant adultérin sera né des amours de la Comtesse et de Chérubin ! Mozart n’a pas pu connaître La Mère coupable, et pour cause, il est mort trop tôt, mais il pressent ces choses, puisqu’il y a cette scène si délicate au deuxième acte des Noces, entre Cherubino et la Comtesse, où on perçoit qu’il y a un frémissement, quelque chose qui peut arriver entre elle et lui… Et puis ce que j’aime beaucoup, c’est le passage entre la scène du mariage, le duo comique avec Marcellina, la scène bouffe de la reconnaissance, où on découvre que Figaro est le fils de Basilio et de Marcellina, et immédiatement, de cette atmosphère de vaudeville, on passe au drame lyrique avec la scène du jardin, l’air « des marronniers » que chante Suzanna, « Deh ! Vieni, non tardar, o gioia bella… », ce changement d’humeur, ou plutôt les deux humeurs presque en même temps, ça c’est Mozart. Et puis l’autre grand moment, c’est le final « Comtessa, perdona… », cette réconciliation, dont je ne peux croire qu’elle ne soit pas sincère, ce sentiment amoureux entre la Comtesse et le Comte, ce moment d’une ferveur presque sacrée.
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CS Le trouble des femmes, le désir des hommes…
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CS Et l’action théâtrale avance à la fois dans les airs et dans les récitatifs…
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TR Vous savez qu’au Pays de Galles nous avons donné cette Trilogie en anglais. Ici, nous allons retrouver la langue originale ; pour moi – et c’est d’ailleurs le cas pour les trois Mozart-Da Ponte –, les couleurs, le ton, sont donnés par la manière dont on traite les récitatifs, ce sont eux qui sont le sel de ces opéras, et c’est très important d’avoir une distribution qui maîtrise l’italien des récitatifs. Ce qui m’intéresse, ce qui me plaît, c’est de raconter cette histoire, d’adhérer à la précision extraordinaire du récit, de l’action… Regardez cette scène où Cherubino est dissimulé par la Comtesse et Suzanna sous un tissu jeté sur un fauteuil, et l’entrée du Comte qui tambourine à la porte, tout cela est d’une exactitude d’écriture fabuleuse de la part de ces deux hommes de théâtre (et Beaumarchais, avant eux, ne l’oublions pas)… Il faut être aussi millimétré qu’eux, sinon tout s’effondre… Et puis l’humour, l’audace, la frivolité, tout ce qui n’est que suggéré, tout ce qui est entre les lignes… Voyez ce qui se passe entre le Comte et Suzanne… C’est assez osé, on pourrait montrer les choses, mais on ne pourrait jamais aller jusqu’au bout… CS Mozart, c’est l’allusion..
Tobias Richter Pour moi, Le Nozze di Figaro, c’est avant tout une comédie, le drame socio-critique m’intéresse un peu moins. La révolte de Figaro contre l’aristocratie, on trouve cela dans la pièce de Beaumarchais, mais beaucoup moins dans l’opéra de Mozart. Si l’on pense au monologue de Figaro au cinquième acte chez Beaumarchais, où Figaro raconte sa vie, les combats d’un homme né dans le ruisseau « pour subsister seulement » alors que le Comte ne s’est donné la peine que de naître, eh bien, chez Mozart et Da Ponte, cela se transforme en une râlerie contre l’inconstance des femmes et leurs ruses… « Elles sont des sorcières qui vous ensorcèlent pour vous rendre malheureux, des sirènes qui chantent pour vous noyer, des hiboux qui vous leurrent pour vous arracher des plumes, des comètes qui clignotent pour vous ôter la lumière, etc. », voilà ce que chante Figaro, c’est drôle, mais ce n’est plus la même chose. Par contre, là, c’est la musique qui exprime la révolte de Figaro.
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Un entretien avec T obias R ichter , le metteur en scène de Le Nozze di Figaro
[ci-dessus]
Regula Mühlemann (Susanna). [à gauche, en haut]
Bruce Rankin (Don Basilio), Monica Bacelli (Marcellina) et Bálint Szabó (Bartolo). [à gauche, en haut]
Nicole Cabell (La Contessa di Almaviva).
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CS C’est pour vous un retour à la mise en scène, et vous n’en aviez plus fait depuis que vous dirigez le Grand Théâtre… TR J’avais mis en scène beaucoup d’opéras, peut-être une centaine, avant de venir à Genève, et je suis heureux que la façon dont s’est élaborée cette Trilogie me donne l’occasion d’y revenir. Je ne peux imaginer une œuvre plus « pleine », aussi complète, aussi allusive que Le Nozze di Figaro. Si l’on pense à ces personnages… Ils sont tous beaux, jeunes, séduisants… C’est pour cela que j’aime raconter leur histoire, leurs tentations, et faire percevoir aux spectateurs tout ce que suggère Mozart. Par exemple, dans la scène entre Suzanne et le Comte tout à fait au début, il y a de la séduction chez le Comte (comme il y en aura chez Don Giovanni, tout cynique et pervers qu’il soit, sinon l’histoire ne marche pas), il faut qu’on arrive à faire comprendre que Suzanne pourrait très bien se laisser tenter par lui, et il me semble que si on a trouvé le ton juste pour suggérer cette possibilité, on a dès le début de la pièce saisi pas mal de clefs pour comprendre ce qui se jouera ensuite. ■ [suite page suivante]
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› Figaro Gets a Divorce
Opéra en 2 actes Elena Langer Direction musicale
Justin Brown
Mise en scène
David Pountney
Décors
Ralph Koltaï Costumes Sue Blane Lumières Linus Fellbom Figaro
David Stout Susanna Marie Arnet Count
Mark Stone
Countess
Ellie Dehn
Serafin
Naomi Louisa O’Connell
Angelika
Rhian Lois The Cherub Andrew Watts The Major
Alan Oke
Basel Sinfonietta À l’Opéra des Nations du 14 au 26 septembre 2017
Figaro Gets a Divorce, un thriller politique Un entretien avec D avid [ci-dessus]
Rhian Lois (Angelika) et Naomi Louisa O’Connel (Serafin) sur le plateau de l’Opéra des Nations lors des premières répétitions sur scène en août 2017 [à droite]
Le metteur en scène David Pountney et David Stout (Figaro) lors des premières répétitions sur la scène de l’Opéra des Nations en août 2017
pountney , librettiste et metteur en scène de Figaro Gets a Divorce
Charles Sigel Quelle est la part de Beaumarchais et quelle est celle de Ödön von Horváth dans votre livret ? David Pountney Je dirais un tiers Beaumarchais, un tiers Horváth et un tiers Pountney… Ce qui vient de Horváth, c’est la transposition de ce drame familial au XXème siècle, avec l’atmosphère des années trente, la montée des fascismes, les déplacements de population, ce que Horváth a vécu avant de venir mourir à Paris, bêtement, de la chute d’une branche d’arbre devant le théâtre Marigny.
DP Ce n’est pas précisé, je dirais que ça se passe nulle part et partout. Bien sûr, vous pouvez imaginer qu’ils fuient l’Espagne de Franco pour atterrir dans la France de l’Occupation, mais peu importe le lieu, finalement. Après tout, Le Nozze di Figaro se passe à Séville, mais une Séville de théâtre, qui n’a aucune réalité. Le lieu n’a pas d’importance. Ce qui m’intéresse de décrire, c’est ce qui se passe dans chacun des quatre personnages principaux. CS En plus de ces quatre-là, il y a un personnage chez vous que vous appelez « le Major » et qui est très effrayant. DP Alors lui, il vient de Beaumarchais, mais je lui ai fait subir une évolution. Dans La Mère coupable, que Beaumarchais avait d’abord intitulé « L’Autre Tartuffe » , il y a un personnage nommé Bégearss, qui est une sorte d’intrigant qui veut épouser la pupille du Comte, Florestine, pour s’approprier la fortune des Almaviva. L’intrigue de La Mère coupable est très compliquée, avec des histoires d’adultère, d’enfants illégitimes… Cette Florestine est en réalité une fille illégitime du Comte, et la Comtesse, elle, a eu un fils, nommé Léon, de ses amours avec Cherubino, lequel Cherubino est allé mourir à la guerre. Bref, c’est un drame bourgeois terrible… Et il y a ce Bégearss qui est un hypocrite, un doucereux, un manipulateur comme Tartuffe. Un personnage inspiré par un certain Bergasse, un avocat et homme politique, un ennemi personnel dont Beaumarchais voulait se venger et les spectateurs de l’époque comprenaient très bien ces sous-entendus. Dans Figaro Gets a Divorce, j’en fais un de ces personnages comme en ont suscité les bouleversements politiques des années trente. On en a vu en Allemagne, en Italie, en France sous l’Occupation, en URSS… Des personnages qui surgissent de nulle part, qui sont moitié des voyous, moitié des commissaires politiques… J’ai pensé à Beria par exemple, à ces demi-criminels qui
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CS On est obligé de penser aux déplacements de populations qui se déroulent actuellement. Où situez-vous la scène, en Bavière comme la pièce de Horváth ?
apparaissent dans les moments où la démocratie s’effondre, et il est incarné de façon saisissante par Alan Oke.
CS Qui est très effrayant avec son manteau de cuir. Il y a des images de cinéma qui viennent à l’esprit, on pense à Brecht et Kurt Weil aussi. DP Ce qui vous fait penser à eux, c’est peut-être le fait qu’Elena Langer, très finement, a associé un accordéon à ce Major, comme un double musical, avec des rythmes de tangos, très insinuants, et c’est assez Kurt Weil dans l’esprit, et j’aime beaucoup qu’elle n’ait pas eu peur d’écrire une musique avec des mélodies, une musique très attractive, et très efficace dramatiquement, et en somme assez tonale. Mais il n’y a pas ici comme chez Brecht de présupposé idéologique, ce sont les personnages qui m’intéressent. Cela dit, pour ce qui est du cinéma, je suis d’accord, et du souvenir du climat de films comme Le Troisième Homme… . CS On pense au cinéma aussi à cause du montage… DP Oui, les scènes s’enchainent cut, comme un montage de cinéma, et c’est d’ailleurs déjà présent dans les treize tableaux de la pièce de Horváth. Ce n’est pas très facile à faire sur une scène de théâtre, mais là nous sommes aidés par la nudité du plateau, et la souplesse de la scénographie. Justement, à propos de cinéma, j’aime assez dire que Figaro Gets a Divorce, c’est une sorte de thriller politique, il y a ce chef de la police, il y a les services secrets, l’atmosphère étouffante.
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OPÉRATION LA TRILOGIE DE FIGARO
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Tannhauser est le dernier opéra dont le scénographe de la Trilogie a réalisé les décors pour le Grand Théâtre de Genève ; c’était en 1986.
Quelques questions à Ralph Koltaï, scénographe de La Trilogie de Figaro
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Tania Rutigliani Comment vous êtes-vous retrouvé dans ce projet d’une trilogie autour du personnage de Figaro, qu’est-ce qui a éveillé votre intérêt ?
C’est aussi une comédie grinçante, mais avec le côté romantique du couple de jeunes amoureux, Sérafin et Angelica…
CS Horváth et vous-même, vous observez l’évolution des personnages inventés par Beaumarchais… DP Oui, et c’est cela au fond qui m’intéresse. Au cœur de tout cela, il y’a une famille, ou deux familles, deux couples. Et ce que je regarde, c’est l’effondrement moral, la désintégration d’Almaviva, qui dilapide leurs dernières ressources en s’adonnant aux jeux d’argent dans le cabaret de Cherubino (qui ici n’est pas mort à la guerre, mais s’est débrouillé, à sa manière) ; c’est la révolution personnelle de la Comtesse, qui au départ est une aristocrate ne connaissant rien de la vie réelle, mais qui, malmenée par les événements, est devenue plus forte, plus autonome ; c’est d’observer Suzanne se détachant de Figaro, et divorcer de lui parce qu’il ne veut pas lui faire un enfant, et du coup c‘est avec Cherubino qu’elle va en faire un… En fait, ils sont tous dévastés en tant qu’individus par l’écroulement du système aristocratique où ils s’inséraient, mais tous les groupes sociaux, et tous les individus vacillent et s’effondrent quand ont lieu de tels bouleversements historiques, on a vu cela quand le bloc de l’Est s’est désintégré, on le voit aujourd’hui au Moyen-Orient, tous les repères se dissolvent, sociaux, économiques, familiaux, religieux, il ne reste plus rien de solide. CS Comment voyez-vous le personnage de Figaro ? DP Pour moi, Figaro et le Major ont quelque chose en commun, tous deux ont des origines très modestes et tous deux se démènent pour survivre. Mais Figaro se place du côté lumineux, tandis que le Major, du côté noir, du côté obscur. Ce sont deux lutteurs, l’un est malveillant, il a à se venger de quelque chose, l’autre est bienveillant, il ne se venge de rien, il se bat. Dans le Barbier, Figaro n’était que malice et légèreté, dans le Mariage, il se battait pour protéger celle qu’il aime, dans le Divorce, c’est un survivant, il se débat pour ne pas se noyer dans ce maelström révolutionnaire, il ouvre un salon de coiffure, mais au fond, il est épuisé, et s’il ne veut pas concevoir d’enfant, c’est parce qu’il considère que c’est une folie dans le monde tel qu’il va. CS En fait, dès la première idée de cette Trilogie, c’est ce troisième volet qui vous intéresse… DP Vous savez, à la fin de l’opéra de Mozart, il y a la grande réconciliation… Je l’ai toujours trouvée très ambigüe, je n’y ai jamais vraiment cru ! Donc je voulais savoir ce qui allait se passer après… Et ce qui me plaît, c’est qu’à la fin de la Trilogie, quand on pose le point final, ce qui reste, c’est l’amour profond du Comte et de la Comtesse. Et j’aime beaucoup qu’Elena Langer ait composé une scène finale très émouvante, très touchante, et finalement très heureuse. C’est quelque chose qui est très rare dans l’opéra d’aujourd’hui ! Et cela me plaît assez que tout se termine dans un climat d’émotion vraie. ■
Ralph Koltaï J’ai n’ai pas l’habitude de travailler sur des opéras comiques qui, par nature, requièrent une scénographie plutôt réaliste. Mes créations sont en général plus abstraites, où je recherche une métaphore qui englobe l’œuvre. Cependant, il fut un temps où Sir Peter Hall m’a persuadé de créer un décor pour une pièce de Harold Pinter. Celle-ci demandait un cadre parfaitement naturaliste. Le choix de Peter m’avait alors surpris, je lui ai donc demandé ce qui l’a encouragé à m’engager comme scénographe. Sa réponse fut brève et simple : « Ça te fera du bien ». J’ai entrepris l’aventure Figaro avec la même optique, j’ai décidé que la Trilogie de Figaro me ferait du bien. Cette Trilogie m’a également intrigué musicalement, car elle contenait non seulement les musiques sublimes de Mozart et de Rossini, mais elle était suivie d’un troisième volet composé spécialement pour le projet – ce qui a dû être un énorme défi pour Elena Langer défi qu’elle a relevé à la perfection. TR Avec un même espace scénique vous avez dû évoquer les différents mondes et atmosphères dans lesquels les personnages évoluent. Quels ont été les défis majeurs lors de ce travail avec trois metteurs en scène, sur trois opéras, de trois époques différentes et comment avez-vous allié un esprit d’unité mais également l’individualité de chacune des productions ? RK Ce fut un défi à plusieurs niveaux. Il fallait une construction qui englobe ces trois univers. J’avais travaillé avec David Pountney sur Simon Boccanegra où nous avions utilisé un système de panneaux mobiles qui lui avait beaucoup plu, nous avons donc décidé de les réutiliser. Tobias Richter et Sam Brown ont, dès lors, dû s’adapter à ce concept nouveau, ce qu’ils ont fait avec brio. Ces panneaux mobiles nous ont donné une liberté d’action pour ces trois opéras, la structure étant pensée pour être la plus flexible possible mais également personnalisable pour chacune des œuvres. Le concept des panneaux unifie et donne une cohésion à la Trilogie. Mais, en parallèle, chaque panneau peut être individualisé pour correspondre à chaque opéra et aux demandes des metteurs en scènes. En bref, ce fut très difficile, et honnêtement je ne sais pas comment tout a pu fonctionner, mais nous avons réussi à relever le défi. TR Quel est le message que veut faire passer ce décor, le concept qui l’entoure ? RK Mon concept principal est que le décor doit fournir un espace qui aide l’artiste (acteur, chanteur, danseur, etc.) et que le focus principal du public doit toujours être l’artiste. Je crée avec mon intuition, les matériaux me parlent, me suggèrent des pistes à suivre. En parallèle, j’essaie de faire de ma scène une métaphore de l’œuvre qui y est jouée. Le plus souvent je trouve les solutions par hasard, par accident. Mon talent principal est de reconnaître un accident quand il se produit sous mes yeux ! Ce sont mes principes, ils n’ont pas changé depuis 67 ans (date à laquelle j’ai commencé ma carrière). TR … et Genève ? RK Dans les années 80, j’ai participé à de nombreuses productions à Genève (dont la dernière fut Tannhäuser en 1986), et cela a toujours été un plaisir pour moi de travailler avec les excellentes équipes de ce théâtre. Je suis ravi de pouvoir y travailler à nouveau. ■ ACT- O | 32 . 11
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OPÉRATION
Fantasio
› Fantasio Opéra-comique en 3 actes Jacques Offenbach Direction musicale
Gergely Madaras
Mise en scène & dramaturgie
Thomas Jolly
Décors
Thibaut Fack
Costumes
Sylvette Dequest
Lumières
Antoine Travert Collaboration artistique Alexandre Dain Fantasio
Katija Dragojevic
Le roi de Bavière
Boris Grappe
La princesse Elsbeth
Melody Louledjian
Le prince de Mantoue Pierre Doyen Marinoni
Loïc Félix
Spark
Philippe Estèphe
Hartmann
Fabrice Farina
Flamel
Carine Séchaye
Rutten / Le Tailleur / Le Garde suisse
Bruno Bayeux
Chœur du Grand Théâtre de Genève Direction Alan Woodbridge Orchestre de la Suisse Romande À l’Opéra des Nations du 3 au 20 novembre 2017
Depuis 1872, l’œuvre antichambre des Contes d’Hoffmann avait disparu des affiches. Aujourd’hui Fantasio renaît de ses cendres grâce à une coproduction avec l’Opéra Comique. Son metteur en scène, Thomas Jolly, «enfant terrible du théâtre public» esquisse un peu sa vision de la scène lyrique d’aujourd’hui.
I
l a la tête dans les étoiles, des idées qui fusent et une furieuse envie de dépoussiérer l’art lyrique. Sa poudre magique ? Des œuvres oubliées et un regard neuf – mais modeste – sur le rôle du metteur en scène. Thomas Jolly dévoilera son talent sur Fantasio, un opéra-comique composé par Jacques Offenbach, présenté en nouvelle production par le Grand Théâtre de Genève du 3 au 20 novembre, en co-production avec l’Opéra Comique. À 36 ans, l’artiste a déjà marqué le paysage théâtral, avec notamment Henri VIII à Avignon (Molière de la mise en scène) et Richard III à l’Odéon. Né à Rouen, passé par Rennes et les cours de Stanislas Nordey, Thomas Jolly se revendique comme un « enfant du théâtre public ». Il finit par « monter à Paris », où il fera ses débuts dans l’art lyrique avec Eliogabalo de Francesco Cavalli à l’Opéra Garnier en automne 2016, avec un familier du public romand, Leonardo García Alarcón. Rencontre au bout du fil avec un artiste qui revendique un art scénique « populaire et exigeant ». Olivier Gurtner Certains vous qualifient de Wunderkind de la scène française ou d’enfant terrible de la mise en scène. Vous reconnaissez-vous dans ces qualificatifs ? Thomas Jolly Ce sont des effets de formulation convenus. Un enfant je ne suis pas ; j’ai 36 ans. Ces formules traduisent un problème, comme s’il fallait spécifier qu’on est jeune, que la jeunesse n’était pas considérée comme une réelle qualité. Je dirais que l’inconscience, l’énergie et l’insolence sont le vrai talent. Par contre, que des maisons aussi prestigieuses que l’Opéra de Paris et l’Opéra Comique m’aient fait confiance aussi jeune, c’est une belle démonstration d’ouverture. OG Vous aimez vous attaquer à des œuvres oubliées : Eliogabalo, Richard III et maintenant Fantasio, que le Grand Théâtre de Genève présente en novembre. Pour quelles raisons ? TJ Je dois préciser qu’on m’a proposé de les monter et ensuite j’ai choisi d’accepter. J’ai envie d’avoir une page blanche face à moi, des œuvres avec peu de passif, de références en termes d’interprétation. Cela me donne plus de liberté. OG Pourquoi Fantasio alors ?
© SEBASTIEN SORIANO / LE FIGARO
TJ Si on regarde les spectacles que j’ai eu le plaisir de travailler, on compte toujours un caractère monstrueux, au niveau politique (Richard III), sexuel (Eliogabalo) ou fantastique (Arlequin poli par l’amour). Fantasio révèle également ce caractère, à commencer par son nom, qui tire son origine du grec phàntagma et phàntasma (« évocation »). Le monstre constitue une exacerbation de l’humanité réelle, et la scène est une réalité augmentée, qui doit être très baroque et brillante.
Marianne Crebassa (Fantasio), lors de la première au Théâtre du Châtelet en février 2017
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OPÉR ATION FANTA SIO
ou la raison d’aimer Un entretien avec T homas J olly , le metteur en scène, par O livier G urtner
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OG Baroque et brillante oui, en même temps vous aimez bricoler au théâtre… TJ C’est vrai, j’ai un amour incommensurable pour la débrouille et l’artisanat dans la technique, à plus forte raison que je ne suis pas né dans une période d’opulence financière. On m’a toujours dit : « Tu n’as pas le temps ni l’argent.» Alors il faut faire avec, par exemple, dans Fantasio, j’ai utilisé un ventilateur et une couverture de survie pour figurer l’eau.
© OLIVIER METZGER/ MODDS
Thomas Jolly lors de la réouverture de l’Opéra Comique à Paris
OG Dans un opéra, qui est le maître, le chef d’orchestre ou le metteur en scène ? TJ Le chef d’orchestre, sans aucune hésitation. C’est la musique qui prime. Pour être plus précis, ma vision du metteur en scène s’inscrit à contre-courant des 50 dernières années, où celui-ci occupait un statut trop important. Contrairement au texte théâtral, dans une partition, tout est écrit : les nuances, les rythmes, les silences. Dans cet exercice, mon rôle consiste à révéler la poésie de l’œuvre. OG Vous avez monté la Tétralogie de Shakespeare au théâtre, bientôt une Tétralogie à l’opéra ? TJ Je vous vois venir (rires !). Ce qui m’a passionné dans la Tétralogie shakespearienne, c’est la dilatation du temps. On déplace totalement le rapport au public, qui ne vient pas voir un spectacle mais partager du temps ensemble, devant une œuvre. Évidemment, un Ring m’intéresserait beaucoup. OG Que dire à l’amateur rebuté par l’art lyrique ? TJ Je dirais que l’opéra, c’est facile. On en parle comme d’un art bourgeois et élitiste, alors que les livrets sont rarement d’une grande complexité ! Il est vrai que la pratique a longtemps été très bourgeoise, mais tout a changé et aujourd’hui beaucoup d’efforts sont faits pour retirer cette image. Il faut arracher ce vernis, qui ne tient plus. OG Et à celui qui ne connaît pas Fantasio ?
© SEBASTIEN SORIANO / LE FIGARO
TJ Fantasio est œuvre claire, lisible et joyeuse, qui célèbre la paix et le vivre-ensemble. On retrouve beaucoup de références qui parlent aux jeunes d’aujourd’hui : le désenchantement politique ou le désir d’amour. À eux, je dirais simplement que ce Fantasio vous ressemble.
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CARNET DU CERCLE
Vers un avenir moderne et équ Entretien avec J ean B onna , président pressenti du Cercle du Grand Théâtre de Genève, par A urélie É lisa G feller
Aurélie Élisa Gfeller Vous êtes connu comme bibliophile, amateur éclairé de dessins et collectionneur. Quelle place occupe l’opéra dans votre vie ?
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Jean Bonna, président pressenti du Cercle du Grand Théâtre.
Jean Bonna J’ai toujours beaucoup aimé la musique. Je me souviens d’un concert auquel j’ai assisté, au début des années cinquante, sous la direction de Wilhelm Furtwängler. Mon premier souvenir d’opéra est associé au Don Carlos de Verdi, présenté lors de la réouverture du Grand Théâtre de Genève, en 1962. J’avais alors dix-sept ans, et j’ai ensuite fréquenté régulièrement le Grand Théâtre. Après un intermède professionnel à Londres, puis à New York, j’ai retrouvé Genève au début des années soixante-dix, et j’ai, dès lors, pris un abonnement avec une loge afin de pouvoir en faire bénéficier mes proches et mes amis. À chacun de mes voyages, je me suis efforcé d’aller à l’opéra. Je fréquente encore aujourd’hui régulièrement le festival de Glyndebourne et celui de Bayreuth. AÉG Dans la préface du premier catalogue de vos dessins, vous décrivez votre collection comme un « jardin secret ». C’est ainsi une passion qui semble avoir un caractère plutôt privé même si vous avez exposé votre collection dans une série de musées prestigieux. L’opéra, au contraire, est un art vivant qui se déploie devant un public. Comment s’articulent vos intérêts pour ces modes opératoires très différents ? JB Les liens entre les arts sont difficiles à établir. Même entre les livres et les dessins il n’y a pas beaucoup de liens, à l’exception des incunables illustrés qui ont fait naître mon intérêt pour le dessin. Certains collectionnent les partitions. Ce n’est pas mon cas, même si je possède l’une des sept versions du Tannhäuser de Wagner. À mes yeux, la musique doit s’écouter dans une salle de concert ou d’opéra, avec toute l’attention qu’elle mérite. Je suis incapable d’écouter de la musique en me livrant à une autre activité, et je ne l’écoute que lorsqu’elle se déploie dans l’instant, en présence d’un public.
tout particulier pour Mozart et les compositeurs du XIXème siècle, mais aussi pour certaines œuvres du XXème siècle telles The War Requiem et A Midsummer Night’s Dream de Britten. Je passe sans doute pour être conservateur même si j’apprécie beaucoup des compositions qui, au moment de leur création, n’avaient rien de conservateur : le concerto pour la main gauche de Ravel, Pelléas et Mélisande de Debussy ou les Ariettes oubliées du même compositeur. À l’opéra, plus que les compositeurs, ce sont les metteurs en scène qui peuvent me heurter. Je suis contre les metteurs en scène qui cherchent à réinventer l’œuvre. J’estime qu’ils doivent se mettre au service de l’œuvre, et pas l’inverse. Certes, il y a des mises en scène modernes qui sont très réussies. La mise en scène du jeune Patrice Chéreau pour le centenaire du Ring à Bayreuth, en 1976, fut une immense réussite. À l’inverse, celle de Frank Castorf pour le bicentenaire de la naissance de Wagner, en 2013, fut un désastre. Introduire un crocodile qui dévore l’oiseau de la forêt dans le final de Siegfried était une hérésie. AÉG Mécène, vous avez accepté de succéder à Luc Argand à la présidence du Cercle du Grand Théâtre de Genève. Membre du Conseil d’administration du Fonds de dotation du Louvre, membre fondateur et ex-président du Cabinet des amateurs de dessins de l’École des Beaux-Arts de Paris, président de l’Association internationale de bibliophilie, vous êtes déjà très sollicité. Qu’est-ce qui vous a poussé à assumer cette nouvelle responsabilité au sein du Cercle ? JB Je ne m’y attendais vraiment pas. Luc Argand, m’a proposé d’entrer au Comité dans l’idée de lui succéder à la présidence du Cercle. J’ai accepté de rejoindre le Comité en réservant ma réponse quant à la présidence car je souhaitais d’abord me faire une idée de l’organisation. Puis j’ai accepté. La charge de travail ne m’apparaissait pas surhumaine, et surtout c’est une activité qui m’intéresse. AÉG Comment envisagez-vous la mission et l’avenir du Cercle ?
AÉG En tant que collectionneur de dessins, vous vous êtes laissé guider par un goût de l’harmonie sans vous fixer de limites chronologiques ni thématiques. Votre collection couvre ainsi six siècles, du Trecento italien au XXème siècle français. Amateur d’opéra, êtes-vous mû par un même goût de l’harmonie à travers les époques et les styles ? JB Sans conteste. Selon moi, la musique débute plus tard que les arts plastiques. Avant Bach, elle tend à être répétitive. J’ai un goût
JB À mes yeux, le Cercle est un groupe de mécènes et il doit le rester. Je n’ai fait qu’une très brève incursion dans le monde politique, comme rédacteur du Bulletin de la Jeunesse Libérale à l’âge de dix-sept ans, et depuis lors je m’en suis toujours tenu à l’écart. J’ai été très clair à ce sujet en ce qui concerne le Cercle : sa mission est de trouver des appuis financiers, et il ne doit en rien s’immiscer dans la gouvernance du Grand Théâtre, prérogative de son Conseil de Fondation. Évidemment j’ai quelques inquiétudes, car
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LE CARNET DU CERCLE
Fondé en 1986, le Cercle du Grand Théâtre s’est donné pour objectif de réunir toutes les personnes et entreprises qui tiennent à manifester leur intérêt aux arts lyrique, chorégraphique et dramatique. Son but est d’apporter son soutien financier aux activités du Grand Théâtre et
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la vie économique est plus compliquée aujourd’hui qu’il y a dix ou vingt ans, notamment dans le monde de la finance. On continue à gagner moins d’argent qu’avant la crise de 2008, et le nombre d’adhésions au Cercle a ainsi tendance à diminuer. AÉG Quelles sont les initiatives que vous comptez prendre pour contrecarrer cette tendance ?
Rejoignez-nous !
Nous serions heureux de vous compter parmi les passionnés d’ arts lyrique, chorégraphique et dramatique qui s’engagent pour que le Grand Théâtre de Genève conserve et renforce sa place parmi les plus grandes scènes européennes. Adhérer au Cercle du Grand Théâtre, c’est aussi l’assurance de bénéficier d'une priorité de placement, d'un vestiaire privé, d'un service de billetterie personnalisé et de pouvoir changer de billets sans frais. Vous participerez chaque année au dîner de gala à l’issue de l’Assemblée générale et profiterez des cocktails d’entracte réservés aux membres. De nombreux voyages lyriques, des conférences thématiques « Les Métiers de l’Opéra », des visites des coulisses et des ateliers du Grand Théâtre et des rencontres avec les artistes vous seront proposés tout au long de la saison. Vous pourrez assister aux répétitions générales et bénéficierez d'un abonnement gratuit à ce magazine. Vous recevrez également tous les programmes de salle chez vous.
AÉG L’un des grands défis de la musique classique et notamment de l’art lyrique est le renouvellement générationnel. Comment envisagez-vous ce défi dans le cadre du Cercle ?
JB La tendance au vieillissement des membres du Cercle me cause moins de souci que l’évolution du nombre d’adhésions. Il y a aura, me semble-t-il, toujours des amateurs de musique. Cela dit, il faut activement inciter les plus jeunes à venir à l’opéra. Ma fille aînée, établie à Paris, est membre de l’Association pour le rayonnement pour l’Opéra de Paris. Mon fils cadet m’accompagne régulièrement au Grand Théâtre, et peut-être deviendra-t-il un jour membre du Cercle.
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AÉG Et comment voyez-vous l’avenir du Grand Théâtre ?
JB Beaucoup dépendra du nouveau directeur. À l’heure actuelle, le Grand Théâtre compte parmi les institutions culturelles genevoises qui sont bien gérées, à l’instar du Musée d’Ethnographie. Celui qui a été nommé pour succéder à Tobias Richter à la direction de l’institution, Aviel Kahn, paraît très ouvert sur l’avenir, plutôt moderne. C’est ce qu’il faut même s’il s’agira de trouver un équilibre pour tenir compte des sensibilités genevoises. Il a aussi l’avantage d’avoir servi comme directeur de l’Opéra des Flandres, à Anvers, une ville très active sur le plan culturel qui abrite le plus beau musée d’imprimerie au monde et a initié d’importants travaux de rénovation de son Musée Royal des Beaux-Arts. Dans l’ensemble, je reste optimiste. C’est formidable pour une ville comme Genève d’avoir un opéra de ce calibre. Les Genevois, qui demeurent généreux malgré le contexte économique, y restent très attachés.
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Pour recevoir de plus amples informations sur les conditions d’adhésion au Cercle, veuillez contacter directement : Madame Gwénola Trutat (du lundi au vendredi de 8 h à 12 h) T + 41 22 321 85 77 F + 41 22 321 85 79 cercle@geneveopera.ch Cercle du Grand Théâtre de Genève CP 5126 1211 Genève 11
Nos membres Bureau M. Luc Argand, président M. Rémy Best, vice-président M. Jean Kohler, trésorier Mme Brigitte Vielle, secrétaire Mme Françoise de Mestral
Autres membres du comité Mme Christine Batruch-Hawrylyshyn M. Jean Bonna Mme Claudia Groothaert Mme Coraline Mouravieff-Apostol Mme Beatrice Rötheli-Mariotti M. Gerson Waechter
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JB Les principales initiatives qui peuvent être prises consistent à contacter les personnes que l’on connaît pour les encourager à venir au Grand Théâtre et à adhérer au Cercle. C’est une entreprise de longue haleine, et il faut que chaque membre du Comité y mette du sien.
© ARCHIVES GTG / DR
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Don Carlos est le premier souvenir lyrique de Jean Bonna, lors de la réouverture du Grand Théâtre de Genève en 1962 et la mise en scène de Patrice Chéreau lors du Centenaire du Ring en 1976 est un exemple de mise en scène pour le président pressenti du Cercle du Grand Théâtre.
ainsi, de participer à son rayonnement.
Membres bienfaiteurs M. et Mme Luc Argand Mme René Augereau Fondation de bienfaisance de la banque Pictet Fondation Hans Wilsdorf M. et Mme Pierre Keller Banque Lombard Odier & Cie SA M. et Mme Yves Oltramare M. et Mme Adam Saïd Union Bancaire Privée – UBP SA M. Pierre-Alain Wavre M. et Mme Gérard Wertheimer Membres individuels S. A. Prince Amyn Aga Khan Mme Diane d’Arcis S. A. S. La Princesse Étienne d’Arenberg M. Ronald Asmar Mme Christine Batruch-Hawrylyshyn Mme Maria Pilar de la Béraudière M. et Mme Philippe Bertherat Mme Antoine Best M. et Mme Rémy Best Mme Saskia van Beuningen Mme Françoise Bodmer M. Jean Bonna Prof. et Mme Julien Bogousslavsky Mme Christiane Boulanger Mme Clotilde de Bourqueney Harari Comtesse Brandolini d’Adda M. et Mme Robert Briner M. et Mme Yves Burrus Mme Caroline Caffin Mme Maria Livanos Cattaui Mme Muriel Chaponnière-Rochat M. et Mme Claude Demole M. et Mme Guy Demole M. et Mme Olivier Dunant
Mme Denise Elfen-Laniado Mme Diane Etter-Soutter Mme Catherine Fauchier-Magnan Mme Clarina Firmenich M. et Mme Eric Freymond Mme Elka Gouzer-Waechter Mme Claudia Groothaert M. et Mme Ph. Gudin de La Sablonnière Mme Bernard Haccius M. Alex Hoffmann M. et Mme Philippe Jabre M. et Mme Éric Jacquet M. Romain Jordan Mme Madeleine Kogevinas M. et Mme Jean Kohler M. Marko Lacin Mme Brigitte Lacroix M. et Mme Pierre Lardy M. Christoph La Roche Mme Éric Lescure Mme Eva Lundin M. Bernard Mach M. et Mme Colin Maltby Mme Catherine de Marignac M. Thierry de Marignac Mme Mark Mathysen-Gerst M. Bertrand Maus M. et Mme Olivier Maus Mme Béatrice Mermod M. et Mme Charles de Mestral Mme Jacqueline Missoffe M. et Mme Christ. Mouravieff-Apostol Mme Pierre-Yves Mourgue d’Algue M. et Mme Philippe Nordmann M. Yaron Ophir M. et Mme Alan Parker M. et Mme Shelby du Pasquier Mme Sibylle Pastré M. Jacques Perrot M. et Mme Wolfgang Peter Valaizon M. et Mme Gilles Petitpierre M. et Mme Charles Pictet M. et Mme Guillaume Pictet M. et Mme Ivan Pictet M. et Mme Jean-François Pissettaz Mme Françoise Propper Comte de Proyart Mme Adeline Quast Mme Ruth Rappaport M. et Mme François Reyl M. et Mme Andreas Rötheli M. et Mme Gabriel Safdié Marquis et Marquise de Saint Pierre M. Vincenzo Salina Amorini
M. Julien Schoenlaub Mme Claudio Segré Baron et Baronne Seillière Mme Christiane Steck M. et Mme Riccardo Tattoni M. et Mme Kamen Troller M. et Mme Gérard Turpin M. et Mme Jean-Luc Vermeulen M. et Mme Julien Vielle M. et Mme Olivier Vodoz Mme Bérénice Waechter M. Gerson Waechter M. et Mme Stanley Walter M. et Mme Rolin Wavre M. et Mme Lionel de Weck
Membres institutionnels 1875 Finance SA Banque Pâris Bertrand Sturdza SA Credit Suisse (Suisse) SA FBT Avocats SA Fondation Bru JT International SA Lenz & Staehelin Schroder & Co banque SA SGS SA
Organe de révision : Plafida SA Compte bancaire N° 530 290 MM. Pictet & Cie
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OPÉRATION NORMA
› Callas Ballet de
Reinhild Hoffmann Chorégraphie
Reinhild Hoffmann
Décors
Johannes Schütz
Costumes
Joachim Herzog
Lumières
Alexander Koppelmann
Ballet du Grand Théâtre
de Genève Direction Philippe Cohen À l’Opéra des Nations du 10 au 17 octobre 2017
Reinhild s’empare de Vissi d’arte, vissi d’amore Un événement chorégraphique à ne pas manquer ! Le Ballet du Grand Théâtre remonte une pièce, originellement créée en 1983, où deux pionnières sont à l’affiche : Reinhild Hoffmann, figure emblématique du Tanztheater qui vous invite à redécouvrir une icône du théâtre lyrique, Maria Callas.
La danseuse Jae Won Oh et le l’ensemble du Tanztheater Bremen lors de la reprise de Callas en juin 2012.
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E N B A L LE N T CB AA LL LL AE ST
Hoffmann Maria Callas C de B érengère A lfort
Quelques précisions sur ce voyage de Brême à Genève Reinhild Hoffmann est considérée, avec raison, comme l’une des fondatrices du Tanztheater. Ce mouvement, initié en Allemagne dans les années 70, conjugue gestuelle épurée des codes de la joliesse, prise de parole, et solide dramaturgie. Et notre artiste le fait vivre avec une spécificité – celle d’un scénario. « Mes pièces sont à l’image d’un scénario : je chorégraphie les différents aspects de mon sujet, soit à partir d’un enchaînement de scènes, soit selon des actions simultanées, mais en m’appuyant toujours sur une dramaturgie précise. » Et, parmi les membres à l’origine du Tanztheater, Reinhild Hoffmann est, sans doute, la plus proche de Kurt Joos, chorégraphe pour lequel elle a dansé et qui inspire aujourd’hui encore, une partie de sa démarche. Nous pouvons dire, pour résumer cette filiation, qu’elle a hérité de sa rigueur. « Kurt Joos exerce depuis toujours une très forte influence sur moi. Son exigence – absolue – peut se résumer en un langage personnel, à travers une analyse du mouvement expressionniste et acérée, qui rend visible le sujet qu’il traite. Et l’on peut dire que je travaille, aujourd’hui encore, de cette manière. » « Femme de tête », Reinhild Hoffmann a dirigé le Folkwang Tanzstudio, le Bremer Tanztheather, puis le Schauspielhaus Bochum. Son rapport aux interprètes se trouve nourri du fait d’avoir été une femme orchestre de grandes compagnies… Un impact encore vivant dans son travail de créatrice de ballets, et dans son regard sur ceux qui le font exister – les danseurs. « Depuis un certain nombre d’années, suite à ma direction de compagnies, j’ai affaire à une génération de danseurs qui sont ouverts et libres dans leur expression corporelle. Mais, d’un certain point de vue, comme ils différencient leur travail gestuel de leur jeu de rôles, je dirais qu’ils sont moins expérimentés que les générations qui les précèdent. Or, grâce à leur désir de faire de nouvelles expériences, et mon envie de leur transmettre mon travail, je parviens, à travers eux, à réaliser chaque jour mon langage chorégraphique de façon plus précise. » Dès 1995, elle abandonne la direction de compagnies pour se consacrer plus avant, à Berlin, à la chorégraphie, mais aussi à la mise en scène d’opéras. Non pas reconversion, cet infléchissement de sa carrière vers l’indépendance et la confirmation de l’ouverture à d’autres domaines que la « danse pure » a été une source de renouvellement dans sa pratique artistique. « En réalité, le lien avec les autres arts a toujours été présent dans mon travail. Mais le fait de mettre en scène des opéras a aiguisé mon regard quant à l’interaction entre musique, langage et expression corporelle. Cela m’a amenée à œuvrer de façon plus économique, si je puis dire, pour faire en sorte que ces trois formes se croisent, mais sans redondance. » Mais nous y voici. Pourquoi avoir choisi, en 1983, de créer une pièce sur la Callas ? Le traitement chorégraphique et dramaturgique
Une parabole de l’existence
du répertoire de la soprane passe par l’issue – quasiment à chaque fois – tragique des rôles d’opéras que Maria Callas a chantés. De Norma, qui est mise à mort pour avoir « fauté » par amour, à Médée, qui donne la mort à ses deux enfants par désespoir amoureux, amour et mort sont mêlés. Cette thématique croisée, qui constitue le répertoire de la Callas, est un écho intime de l’âme de Reinhild Hoffmann, mais non pas « intime » au sens vulgaire. « C’est l’expression dramatique et passionnée de sa voix qui a été mon point de départ et d’inspiration, en 1983 – pas sa biographie. Il s’agit, avec Callas, de décrire les hauts et les bas d’une carrière. Mais, jamais à partir de sa vie. Je me concentre, avec cette pièce, sur la façon dont elle a interprété ses rôles, les a incarnés. » Ne nous attendons donc pas à une « romance » biographique. Reinhild Hoffmann est bien trop exigeante pour sombrer dans une intimité qui serait racontar des aléas de la vie d’une femme. L’intimité, telle qu’elle la traite, a à voir avec la sublimation du drame de l’existence par l’art. La chorégraphe a, en effet, travaillé pour réussir à mettre en mouvement dansant le thème de l’amour à mort. Et, bien sûr, la dramaturgie occupe une grande place dans cet opus. Cela étant, nous pouvons nous demander s’il y a eu une évolution de Callas depuis sa création à Brême jusqu’à l’Opéra des Nations à Genève… Nous savons qu’une contrainte s’est imposée – faire danser les 22 interprètes du Ballet du Grand Théâtre de Genève, dans une pièce initialement créée pour 18. Notre artiste invitée par Philippe Cohen, directeur du Ballet du Grand Théâtre de Genève, a pris en main la reconstruction de son œuvre phare des années 80 mais, en un sens, sans évolution. « Stricto sensu, on ne peut pas dire qu’une pièce puisse changer. Je travaille de manière si rigoureuse que parler d’évolution d’une de mes créations ne fait guère sens. Simplement, c’est la personnalité des danseurs qui produit un infléchissement. » Nous aurons donc affaire à une pièce intacte et, dans une certaine mesure, inchangée… si ce n’est que les danseurs du Ballet du Grand Théâtre de Genève lui apportent leur « patte », leur signature. Et l’on sait qu’ils sont des plus aptes à s’adapter et à instiller leur générosité et leur curiosité face à un chorégraphe invité. Or, ils ont, cette fois, un « monument » pour les guider dans leur style. Parce qu’on peut affirmer que Reinhild Hoffmann a renouvelé le genre de la danse, en insérant dans cet art vivant par excellence le dépouillement du maniérisme, la théâtralité, et un style viscéral. Et, d’ailleurs, elle voit l’état actuel de la danse, qui s’est nourrie de son influence, et son propre avenir, à partir, à l’instar de Nietzsche, d’un « Éternel Retour ». « La danse est, comme tout un chacun le sait, l’art fugitif par excellence. Elle est éternelle transformation. Or, le corps n’oublie pas les styles auxquels il a été confronté dans l’histoire du ballet. Je suis heureuse de transmettre le mien… et de continuer à le faire. » Si Callas constitue une réponse originale, parce que teintée d’animalité, à la question freudienne « Que veut la femme ? », nous nous demandons naturellement, ici et maintenant, à l’heure où le féminisme perd du poids face à la résurgence du conservatisme, que répond la chorégraphe à cette question d’une actualité brûlante. Par ailleurs, face à la montée du terrorisme et de sa misogynie, l’art apparaît comme un (et peut-être le seul) rempart suffisant à la barbarie contemporaine. L’art – espoir illusoire ou acte militant ? « L’art est la création visible d’un procès mental. C’est la liberté. » Tout est dit. Il ne nous reste plus qu’à faire preuve de cette ultime liberté en regardant Callas.
Le Ballet du Grand Théâtre de Genève n’arrêtera jamais de nous étonner et de nous surprendre. Pour son premier programme de la saison, il a réussi à convaincre Reinhild Hoffmann à venir remonter un ballet emblématique du Tanztheater. On ne présente plus Reinhild Hoffmann, élève de la Folkwangschule d’Essen, elle a travaillé avec Kurt Joos et Johann Kresnik. Depuis quelques semaines, elle travaille avec les artistes du Ballet du Grand Théâtre pour faire revivre Callas, créé en 1983 à Brême, repris à Florence en 2006, et à Brême en 2012. À la question « Pourquoi avezvous consacré une pièce à Maria Callas ? » Reinhild Hoffmann répond : « La Callas dans son métier a atteint une dimension exemplaire pour chaque artiste. Elle a brisé les barrières et cette nouveauté peut être perçue dans sa voix, si profonde et expressive. La pièce est une parabole de l’existence, comparable aux espoirs d’un jeune homme qui veut atteindre quelque chose et quand il l’obtient, il doit payer. La vie privée et la vie professionnelle interagissent inévitablement et souvent douloureusement si elles ne se combinent pas. J’ai mis en avant les sacrifices, la gloire, la solitude, la passion et le désespoir, qui sont ceux de Maria Callas, mais aussi de chacun de nous. » En quelques mots, elle résume ainsi le concept de sa chorégraphie. Que nenni, il ne s’agit nullement d’une biographie supplémentaire de la grande tragédienne que fut Maria Callas, aucun protagoniste ne porte le nom de Callas, seule sa voix est présente. La diva est là dans toutes les danseuses dans tous les danseurs qui, sur des extraits d’œuvres célèbres de Gluck, Gounod, Donizetti, Bizet et Verdi, nous feront découvrir un peu mieux le personnage mythique qu’était Callas. Reinhild Hoffmann saurait-elle répondre à la question de Thomas Mann : « Les artistes sont-ils des humains ? » 8 scènes ne suffiront pas pour circonscrire la complexité d’une artiste telle que la diva assoluta d’origine grecque qui a fait vivre tant de personnages du monde lyrique. La soprano ne jouait pas Lady Macbeth, Médée ou Violetta, elle était Lady Macbeth, Médée ou Violetta. Mais à travers son langage si personnel, et un mythe, une légende, Reinhild Hoffmann évoque l’humilité et le respect avec lesquels un artiste doit exercer son métier. Daniel Dollé
Répétition publique
Nous serons heureux de vous accueillir à la répétition de la production de Callas qui sera ouverte au public le samedi 30 septembre de 11 h 30 à 13 h à l’Opéra des Nations. Animée par Daniel Dollé, dramaturge du Grand Théâtre de Genève, elle se déroulera en présence de la chorégraphe Reinhild Hoffmann. Nous espérons vous retrouver nombreux pour ce moment de partage artistique.
© MARTIN SIGMUND
© TEATER BREMEN / JÖRG LANDSBERG
réée en 1983 au Bremer Tanztheater, Callas est une pièce qui, aujourd’hui, tombe à pic. Son entrée au répertoire du Ballet du Grand Théâtre de Genève coïncide en effet quasiment jour pour jour avec le quarantième anniversaire du décès de la cantatrice éponyme. Mais, par-delà la mort et la tragédie (Maria Callas a passé la fin de ses jours dans un chagrin solitaire, à Paris, avenue Georges-Mandel, et le ballet de Reinhild Hoffmann fait la part belle, si l’on peut dire, à cette mort qui rôde, hante et habite d’un point de vue esthétique tous les rôles de la diva), les spectateurs de l’Opéra des Nations auront affaire à un opus singulier. Il pose, à travers son héroïne et sa créatrice, la question freudienne par excellence : que veut la femme ? Et le public pourra, aussi, apprécier la beauté, intacte, d’une œuvre qui traverse les années sans prendre une ride… à l’image de sa chorégraphe, une éternelle jeune femme.
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ON STAGE
« En un temps où la démagogie et le populisme reprennent des forces, il me semble indispensable de réaffirmer que l’art est l’expression de la conscience et de l’âme humaine. De tous les humains. ». Marie-Nicole Lemieux
› Marie-Nicole Lemieux
Contralto Pianiste
Roger Vignoles À l’Opéra des Nations Samedi 28 octobre 2017 à 19 h 30
La volonté de partager la musique… Son dernier CD
Rossini Sì, Sì, Sì, Sì !
Orchestre National de Montpellier Directeur musical Enrique Mazzola Warner Classics, 2017 B01NAJC1UF
Son agenda 19 & 21 septembre 2017 Mahler : 8ème Symphonie Orchestre symphonique de Montréal 11 & 14 octobre 2017 Tancrède (rôle-titre) Orchestre et Chœur de La Monnaie Théâtre de la Monnaie, Bruxelles 5 novembre 2017 Concert Rossini avec Patricia Ciofi Teatro Real, Madrid Janvier 2018 Jephtha (Storgé) Direction musicale : William Christie Mise en scène : Claude Guth Opéra National de Paris, Garnier
L
par D aniel D ollé
a contralto québécoise déroule la riche étoffe et la sombre clarté d’un timbre dont l’ampleur la destine aux grandes héroïnes lyriques. Il faudrait avoir un cœur de pierre pour ne pas être ému par sa voix. Dans tous les répertoires qu’elle aborde, Marie-Nicole Lemieux brûle les planches, tantôt sa voix rit, et tantôt elle pleure. Née dans une famille de bûcherons, où tout le monde chantait, Marie-Nicole Lemieux nous arrive du côté du lac Saint-Jean, au Québec, et milite activement pour partager la magie lyrique, surtout avec celles et ceux qui n’ont pas encore eu la chance de rencontrer Berlioz, Mozart, Gluck, Rossini ou encore Verdi. Pas surprenant alors qu’elle fut la marraine de l’édition 2017 de « Tous à l’Opéra » qui eut lieu les 6 et 7 mai. À peine ses études au conservatoire achevées, elle obtient le Prix Joseph-Rouleau, plus haute récompense du Concours national des Jeunesses musicales du Canada, à l’été 2000, elle est couronnée par deux autres prix, celui de la Reine Fabiola et le Prix spécial du Lied, au Concours musical international Reine Élisabeth de Belgique. C’est le début d’une ascension vertigineuse, d’une trajectoire impressionnante marquée par l’obtention de nombreuses distinctions et par la reconnaissance des publics, des médias et de la critique. Tout en retournant fréquemment au Québec, elle continue d’accorder une partie importante de son temps au public du vieux continent. Au gré du temps, elle y dépasse d’ailleurs le statut de vedette du milieu de l’opéra et se voit de plus en plus connue du grand public. Après s’être surtout consacrée au répertoire des périodes classique et baroque, notamment Haendel et Vivaldi, à présent, elle interprète les opéras de Berlioz, Rossini, Verdi, Debussy sur les plus prestigieuses scènes d’Europe et d’Amérique du Nord, comme
à Covent Garden, La Scala de Milan, Glyndebourne, La Monnaie, le Théâtre des Champs-Elysées, les Staatsoper de Berlin, Munich et Vienne, l’Opernhaus de Zurich, le Theater an der Wien, le Teatro Real de Madrid, le Liceu de Barcelone, le Festival de Salzbourg… Avec les plus prestigieux orchestres, elle aborde régulièrement le répertoire symphonique sous la direction de chefs de renom : Myung-Whun Chung, Charles Dutoit, Daniele Gatti, Bernard Haitink, Paavo Järvi, Louis Langrée, Kurt Masur, Kent Nagano, John Nelson, Yannick Nézet-Séguin, Gianandrea Noseda, Antonio Pappano, Michel Plasson et Pinchas Steinberg. La richesse de sa palette vocale en fait une récitaliste hors pair, une interprète reconnue de la mélodie française, russe, ainsi que du lied allemand. Pour celles et ceux qui souhaiteraient avoir un avant-goût, ou prolonger la magie de cette soirée du 28 octobre qui s’annonce exceptionnelle, sachez que la discographie de l’artiste est riche et variée, entre autres, Les Nuits d’été de Berlioz, les Wesendoncklieder de Wagner, les Rückertlieder de Mahler, L’Heure exquise (mélodies françaises avec Daniel Blumenthal), Ne me refuse pas : (airs d’opéra français avec l’Orchestre national de France – couronné par le prix international du disque de l’académie Charles Cros), Opera Arias (Gluck, Mozart, Haydn avec les Violons du Roy), et Chansons perpétuelles, un récital avec, au piano, Roger Vignoles qui sera son accompagnateur pour la soirée à l’Opéra des Nations. Sans oublier un de ses derniers albums Sì Sì Sì Sì, c’est son titre, comme dans L’Italienne à Alger quand Isabella dit qu’elle sait dompter les hommes, d’un doux regard ou d’un petit soupir. N’hésitez pas à vous laisser fasciner par la voix rare et exceptionnelle d’une artiste toujours expansive et optimiste qui sait passer des rires aux larmes et qui toujours enchante. Nous lui laisserons le mot de la fin : « Le chant doit être une expression de joie ! »
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› Figaro-ci, Figaro-là !
Figaro.. comme un fantôme.. C
Un spectacle tous publics proposé par
Joan Mompart
Direction musicale
Philippe Béran
Mise en espace et récitant
Joan Mompart
Orchestre du Collège de Genève À l’Opéra des Nations du 8 au 15 novembre 2017
par J oan M ompart
histoire. Comme un fantôme sur la scène de l’Opéra des Nations, qui se serait perdu une fois le décor de son opéra démonté… Si Figaro perdure c’est, je crois, parce qu’en nous parlant de lui, il nous parle de nous. J’ai l’impression que chacun des personnages qui l’entourent est une partie de nous, un « moi » éclaté, comme Figaro le dit lui-même : « (…) quel est ce moi dont je m’occupe : un assemblage informe de parties inconnues ». Et puis, à la fin, est-ce que ce cher Figaro ne serait pas en train de nous parler tout simplement de la vie ?
« Ô bizarre suite d’événements ! Comment cela m’est-il arrivé ? Pourquoi ces choses et non pas d’autres ? Qui les a fixées sur ma tête ? Forcé de parcourir la route où je suis entré sans le savoir comme j’en sortirai sans le vouloir, je l’ai jonchée d’autant de fleurs que ma gaîté me l’a permis. » (Figaro à l’acte IV du Mariage)
© GTG / SAMUEL RUBIO
hez Beaumarchais, pour la première fois dans l’histoire du théâtre français, un valet a le premier rôle : sur scène, comme dans la société française du XVIIIème siècle, le pouvoir s’ébranle. Louis XVI aurait déclaré à propos du Mariage de Figaro : « C’est détestable, cela ne sera jamais joué : il faudrait détruire la Bastille pour que la représentation de cette pièce ne fût pas une inconséquence dangereuse. » Pourquoi Figaro intéresse-t-il tout le monde ? Pourquoi déranget-il ? Pourquoi traverse-t-il les époques ? Pourquoi ses mots gardent-ils leur pouvoir ? Pourquoi le Comte ne peut-t-il se passer de Rosine ? Pourquoi est-il prêt à tout pour l’arracher des mains de Bartolo ? Pourquoi Rosine ne peut-t-elle éviter de désirer Chérubin ? Pourquoi Figaro lui-même est-il fou de Suzanne ? … pourquoi Mozart n’a pas pu s’empêcher de s’en emparer ? Figaro est un révélateur d’émotions, dans son sillage les pulsions humaines les plus primaires taraudent les nobles les plus impassibles, les valets les plus dévoués... Chez Figaro, on saute par les fenêtres, on sort la nuit dans un champ de marronniers et les journées sont toujours folles. Les pulsions de vie, parfois contradictoires, se révèlent : gaîté, mélancolie, désir brûlant. Toutes les passions s’éveillent. L’imagination est sans limites, elle provoque des intrigues à multiples rebondissements avec un sens de la répartie d’une saveur rare... Voici venir Figaro-ci, Figaro-là ! un spectacle où Figaro lui-même recevra la visite des personnages du Barbier de Séville, du Mariage de Figaro, de La Mère coupable… Le Comte, La Comtesse, Bartolo, Bazile, Chérubin, Suzanne viendront le hanter en chantant Paisiello, Rossini, Mozart… alors qu’il tâchera de nous raconter son
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Le Grand Théâtre au bord de l’eau
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Le « paquebot » en travaux...
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Visite Place de Neuve Du 9 au 10 septembre, le public aura l’occasion d’entrer dans le bâtiment de la Place de Neuve. Dans le cadre des journées européennes du patrimoine, laissez-vous émerveiller par les salles d’accueil du Grand Théâtre de Genève. Les lieux seront présentés par Olivier Guyot, conseiller en conservation-restauration. www.journeesdupatrimoine.ch
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Tout comme à l’automne 2016 sur le plateau de l’Opéra des Nations, Iris, baignée par les musiques de Scarlatti et de Couperin, offrit aux sept danseurs conviés l’occasion d’évoquer la poésie et la rêverie. Quant à Vena Amoris, de veine plus expressionniste (comment oublier le passage des Indes galantes ?), elle permit à toute la troupe de décliner une géométrie de haut vol. À nouveau l’occasion pour le Ballet du Grand Théâtre de Genève de se faire un ambassadeur inspiré de notre opéra. ■
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l’avant-foyer, l’occasion d’admirer les fresques de Léon Gaud et les feuilles d’acanthe autrefois recouvertes. Dans le Grand Foyer dessiné par Jacques-Elisée Goss, les visiteurs ont pu apprécier le travail de restauration sur les voussures et les stucs. L’objectif de cette importante rénovation est double : la mise en valeur du patrimoine en cherchant à respecter au mieux la modénature ainsi que la mise aux normes de certains espaces. Plus d’une centaines de personnes est mobilisée sur le chantier, dont la livraison est prévue pour juin 2018. ■
Ba\rock sous les étoiles ’est sous un ciel étoilé que le ballet du Grand Théâtre a enchanté le Théâtre Antique de Vaison-la-Romaine le 22 juillet. La chaleur, les douces collines du Vaucluse, les cigales et la beauté du site, tout était réuni pour une soirée inoubliable. Et c’est bien ce qui arriva grâce à la beauté et à la maîtrise de la chorégraphie de Jeroen Verbruggen servie par un corps de ballet au plus haut de sa forme, entre performance et sensibilité.
d’Ariane » de ce film policier au style publicitaire un peu suranné. Film dans lequel Jacques Fabbri, Richard Bohringer ou Gérard Darmon croisent une nouvelle génération d’acteurs menés par Frédéric Andrei ou Thuy An Luu. ■
Deux chefs d’exception nous saluent... © GTG / FABIEN DJABAR
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e 22 juin dernier, un groupe important de journalistes est venu découvir l’avancement des travaux du Grand Théâtre de Genève, sous la conduite de Rémy Pagani, Maire de la Ville de Genève et Conseiller administratif en charge des constructions et de l’aménagement ainsi que d’un membre du bureau d’architectes. Ensemble, ils ont mené l’assistance curieuse dans les sous-sols, dont l’enlèvement des faux-plafonds a révélé de splendides voûtes de pierre. Le groupe s’est ensuite déplacé dans
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idèle à sa volonté de croisement des publics et des projets artistiques, le Grand Théâtre de Genève était présent sur la pelouse du Parc de la Perle du Lac le vendredi 4 août dans le cadre de CinéTransat. Alors que notre participation à l’édition 2015 avait dû être interrompue en raison de la météo, c’est sous un ciel dégagé puis une nuit étoilée que nous avons proposé à un public nombreux la projection du premier film de Jean-Jacques Beinex, Diva (1981). Ce fut ainsi l’occasion de retrouver la soprano Wilhelmenia Wiggins Fernandez interprétant tout au long du film le célèbre air de La Wally : « Ebben? Ne andrò lontana », véritable « fil
Jeffrey Tate Anobli dans l’ordre de l’émpire britannique par le prince William à Buckingham Palace, Sir Jeffrey Tate avait donné deux concerts à Bolzano et Trento les 30 et 31 mai, avec l’Orchestre Haydn. Dans l’après-midi du 2 juin, il était terrassé par une crise cardiaque. Invité par les grandes phalanges symphoniques internationales, et par toutes les grandes maisons d’opéra dans le monde : le Met, Vienne, la Scala, …, on se rappelle notamment qu’il dirigea à Paris l’intégrale du Ring de Wagner et Lulu, de Berg, au Théâtre du Châtelet. Le Grand Théâtre de Genève se souvient et se rappelle qu’il a eu le privilège de l’accueillir souvent. C’est en février 1983 qu’il vient pour la première fois pour diriger Le Nozze di Figaro, de Mozart, avec Anna Tomowa-Sintow et Ruggero Raimondi, entre autres. Par la suite, il reviendra pour diriger 14 autres productions. On se rapelle aussi qu’en 1976, il est l’assistant de Pierre Boulez pour le célèbre Ring des Nibelungen du centenaire, à Bayreuth. Par la suite, il dirigera plus de 20 Tétralogies à travers le monde. Ce grand chef britannique, qui a fait une grande partie de sa carrière en France, a tiré sa révérence en Italie, à 74 ans. Sa gentillesse, son rire tonitruant, son sens de l’humour et sa bouleversante humanité, marqueront à jamais ceux qui ont eu la chance de le rencontrer.
Jiří Bělohlávek Le vendredi 3 février à 20 h à l’Auditorium Stravinski, dans le cadre de la première édition des Hivernales du Septembre Musical, Jiří Bělohlávek dirigeait son orchestre la Philharmonie tchèque. Fin avril, il se produisait avec l’Orchestre symphonique de la Radio bavaroise et la mezzo-soprano Magdalena Kožená, à Munich. Le 1er juin 2017, une dépêche de l’AFP nous apprenait qu’il était décédé des suites d’une longue maladie, à l’âge de 71 ans. Une nouvelle fois le monde musical était en deuil. En 2012, dans la fosse du Grand Théâtre, Place de Neuve, il était parmi nous pour nous révéler la poésie et la grandeur du chef d’œuvre du chef d’œuvre de Bohuslav Martinů, Juliette ou la clé des songes, grâce à une lecture approfondie. Étranger au tapage médiatique, Jiří Bělohlávek était au service des compositeurs qu’il aimait et servait inlassablement, notamment les grands maîtres tchèques. Cette humilité face à la musique, alliée à sa simplicité lui valut l’affection de ses pairs et du public aux quatre coins de la terre. Le monde de la musique a perdu un musicien d’exception, mais sa baguette magique restera vivante grâce à plus de 145 enregistrements qui rendent hommage à de nombreux compositeurs parmi lesquels les Tchèques occupent une place de choix. La musique classique aura été le sens de sa vie. ■
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