N° 20
| Octobre 2014
20 Le journal du Cercle du Grand Théâtre et du Grand Théâtre de Genève
EUGÈNE ONÉGUINE EN BEAUTÉ
Kowaljow et Giménez ouvrent les bras à quatre talentueux solistes I CAPULETI E I MONTECCHI SUBLIMÉ
Elīna Garanča au firmament du bel canto
CASSE-NOISETTE REVISITÉ
Jeroen Verbruggen fait miroiter Tchaïkovski
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CDG
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Ma musique, mon amour
Une déclinaison de notre devise de saison par Vincent Barras
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Michail Jurowski
Robert Carsen
nous livre sa vision d'Eugène Onéguine
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part « à la recherche du temps perdu » nous dit son dramaturge Ian Burton
Cher public,
Jeroen Verbruggen : qui est Casse-Noisette ?
Une nouvelle saison vient de commencer avec une série de représentations de Rigoletto qui a fait la quasi unanimité parmi vous, même parmi les plus exigeants. Bryn Terfel est apparu sur la scène de la place de Neuve avec un programme innovant et intelligent. La barre est haute, il va falloir maintenir le cap et viser de nouvelles cimes. Grâce à notre relation privilégiée avec Le Temps, chaque numéro d’ACT-O est encarté dans le quotidien et bénéficie ainsi d’une très large diffusion. Afin de maintenir l’originalité de notre magazine, nous avons décidé de lui donner un nouveau « look », en nous rapprochant de sa taille première, en essayant de rendre ses contenus plus lisibles et encore plus attractifs, tout en lui gardant sa grande diversité, sans oublier que ce périodique nous permet de vous associer plus étroitement à la vie de votre Grand Théâtre. Changement, certes, mais les objectifs restent identiques et la quête de l’excellence permanente. Certaines et certains d’entre vous trouveront les modifications superflues, voire inappropriées, mais nous sommes persuadés qu’elles sont indispensables pour garder une structure vivante et éviter la sclérose, de même qu’un nouveau regard sur une œuvre du passé lui redonne une nouvelle vie et un nouvel écho dans le monde actuel.
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What else Mister Woodbridge?
Mais que serait le plus sublime des spectacles sans vous ? Vous nous rejoignez de plus en plus nombreux et vous témoignez votre attachement à l’institution. Grâce à vous, grâce à nos partenaires, grâce aux efforts de la Ville de Genève, et nous espérons bénéficier pro-
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chainement du soutien du Canton, le vaisseau de la place de Neuve poursuit sa course, en résistant aux intempéries diverses.
Une saison qui va faire un tabac auprès du jeune public
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Ensemble nous allons aborder une nouvelle saison, relever avec passion de nouveaux défis et aller vers de nouvelles aventures. La Ville de Genève consent de gros efforts pour rendre conforme le bâtiment de la place de Neuve sans pour autant hypothéquer la vie
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lyrique de la Cité. Afin de réussir tous ces paris, le Grand Théâtre a besoin de vous, de votre fidélité et de votre soutien. Excellente saison artistique !
Tobias Richter, directeur général
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Elīna Garanča et Aleksandra Kurzak : deux stars au firmament du bel canto En couverture
Les quatre jeunes solistes d'Eugène Onéguine Photo : Samuel Rubio Direction artistique : Aimery Chaigne
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11, bd du Théâtre - CP 5126 - CH-1211 Genève 11 T +41 22 322 50 00 F +41 22 322 50 01 grandtheatre@geneveopera.ch www.geneveopera.ch
Directeur de la publication Responsable éditorial Responsable graphique & artistique Ont collaboré à ce numéro Impression
Tobias Richter Mathieu Poncet Aimery Chaigne Kathereen Abhervé, Bienassis, Gisèle de Neuve, Daniel Dollé, Sandra Gonzalez, Frédéric Leyat, Wladislas Marian, Benoît Payn, Christopher Park, Mathieu Poncet. SRO-kundig
Parution 4 éditions par année ; Achevé d’imprimer en septembre 2014. 6 000 exemplaires
Il a été tiré 40 000 exemplaires de ce numéro encartés dans le quotidien Le Temps.
Prochainement
La Grande-Duchesse de Gérolstein 15 >31/12/14 Patricia Petibon 20/12/2014 Le Petit Prince 06 >10/01/2015 Iphigénie en Tauride 25/01>04/02/2015 Natalie Dessay & Laurent Naouri 28/01/2015 Le procès d'Iphigénie 03/02/2015
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Crédits photos : Ann_Mei, Björn Meyer, ilbusca/iStock — Nejron Photo/Fotolia
IL N’Y A QU’UN PAS
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Cette saison, pour chaque numéro d'ACT-O, nous invitons un intellectuel, un artiste, passionné d'opéra, à proposer avec ses mots
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une déclinaison de notre devise : « Mon opéra, mon amour ». Ce mois-ci, c'est l'historien des sciences Vincent Barras* qui inaugure l’exercice.
xpérience universellement partagée – qui oserait prétendre n’avoir jamais ressenti sa morsure ?– et tout à la fois notion hautement complexe et floue, qu’est-ce au fond que l’« amour » ? Compris comme l’émotion fondamentale, dans son expression la plus pure et immatérielle, faut-il l’entendre, tout au bout d’une évolution de plusieurs millions d’années, comme une sorte de sécrétion psychique indispensable à la reproduction de l’espèce homo sapiens, autrement dit comme le fruit par excellence de cette formidable machinerie cérébrale qui tient lieu d’instance de notre identité individuelle et collective ? Les scientifiques s’attachent aujourd’hui à démêler de façon très précise (et sérieuse) les « bases neurales de l’amour romantique », envisageant sans trembler les conséquences majeures que le déchiffrement de l’anatomophysiologie amoureuse, une fois accompli de bout en bout, pourrait entraîner sur le plan de la compréhension anthropologique de nousmêmes, ainsi que sur nos pratiques, individuelles et sociales, à venir.1
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Crédits photos : Ann_Mei, Björn Meyer, ilbusca/iStock — Nejron Photo/Fotolia
* Vincent Barras est historien des sciences, traducteur, performeur. Il enseigne à l’Université de Lausanne et à la HEAD Genève. Il publie des livres, essais, articles sur la théorie du corps, la médecine et la psychiatrie, la poésie, la musique et l’art contemporain.
musique
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En deçà d’une conception radicalement matérialiste de l’amour, somme toute très contemporaine, l’histoire n’a cessé de façonner, à travers des formes expressives sophistiquées, d’autres énigmes amoureuses, où la part du psychologique dispute sa place à celle du culturel. Celle-ci n’est pas la moindre : par quelles voies l’« amour » se relie-t-il aux domaines de la création artistique, de manière plus particulière encore à la musique et l’art lyrique (en raison peut-être de l’immatérialité du matériau sonore sur lequel celle-ci se fonde), jusqu’à finir par désigner la pulsion d’où jaillirait, comme d’une source, l’œuvre même. Cela tient-il d’une image, d’une métaphore élégante (une métaphore dont l’histoire s’inscrit assurément dans l’idéologie séculaire du « génie artistique »), suggérant l’état émotionnel spécifique, supposé indispensable à l’artiste pour transcrire de manière adéquate au sein de la sphère musicale la passion amoureuse des personnages dictés par son livret ? Combien de fois n’a-t-on pas tenté de lire dans telle œuvre musicale la transcription purifiée, idéalisée, des amours, heureuses ou non, vécues dans la sphère psychologique et mondaine par le compositeur ? On peut aussi se demander si cette analogie ne vise pas, au-delà du simple reflet d’un monde dans l’autre, des parentés plus intimes entre le discours amoureux et le geste compositionnel, des parentés 1
dont l’histoire précise reste à tracer. Notons déjà que, ces dernières décennies, la déclaration d’« amour pour le son » a constitué un argument – aux indéniables accents rousseauistes – volontiers avancé par certains compositeurs pour justifier leur activité de création, parfois en réaction à la musique en tant que système organisé avec tout le poids de conventions que cela suppose. John Cage a parfaitement su résumer cette réaction avec son expression provocante : « Je n’ai jamais écouté un son sans l’aimer : le seul problème avec les sons, c’est la musique. »2. Selon ces compositeurs (pour n’en citer qu’un parmi les plus exemplaires, Morton Feldman, qui reconnaît en Beethoven sa référence en la matière), l’« amour du son », en amont de toute construction sociale, est ce qui devrait constituer l’impulsion fondamentale du travail du compositeur : significatif est le fait que l’expression relie « amour », émotion première, et « son », matière première. Comme si l’un était susceptible de donner forme (ou vie) à l’autre : l’amour, puissance actualisée dans le sonore. Dans cette perspective, il existe comme un frayage entre élan érotique vital et réussite du geste musical, une sorte de décharge quasi organique donnant vie à l’œuvre, lui garantissant son immunité envers l’« artificiel » des conventions dressées contre la liberté créatrice. Telle pourrait être la définition du lyrisme, entendu comme l’élan expressif jaillissant sans entraves d’un sujet créateur, et signifiant ce jaillissement même : l’amour.
amour... Voilà qui permet de résoudre, provisoirement et partiellement, l’aporie de la musique, sa contradiction inhérente, et pourtant son devoir : assurer chez l’auditeur le sentiment d’un surgissement sonore spontané, composé pourtant à partir de matériaux, de procédures, de traditions, d’un art longuement éprouvés. Voilà qui permet aussi, en retournant l’hypothèse matérialiste initiale, de s’assurer que l’amour, tout piégé qu’il puisse être dans les réseaux neuronaux et participant à ce grand projet de nature qu’est la reproduction de l’espèce, est aussi ce que l’histoire apprend à reconnaître dans les figures artistiques léguées par l’histoire. La musique en appelle au lyrisme ; nous le savons bien, dès l’origine, la lyre, lorsqu’Erato, muse de la poésie lyrique et du discours érotique, en effleurait les cordes, était capable de toucher, universellement, chacun de nous dans son for le plus privé, l’amour.
L’article séminal d’Andreas Bartels & Semir Zeki, « The neural basis of romantic love », NeuroReport 11, 2000, pp. 3829-3834, inscrit ce principe, non plus comme énigme, mais comme programme scientifique à part entière.
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Titre de l’une de ses conférences, traduite par Daniel Charles aux éditions La main courante, 2002.
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Edgaras Montvidas (Lenski), Maija Kovalevska (Tatiana) et Irina Shishkova (Olga) : les quatre jeunes chanteurs qui font notre couverture dans les jardins du parc la Grange pourront compter sur l'expérience de la basse ukrainienne Vitalij Kowaljow (à gauche) en Prince Grémine.
le chef-d’œuvre de Tchaïkovski…
Comme à la création en 1879 à Moscou, ce sont quatre jeunes chanteurs de grand talent qui vont éclairer par leurs voix cette production d'Eugène Onéguine mise en scène par Robert Carsen, créée au Met de New York en 1997 et aujourd'hui dirigée par le maestro moscovite Michail Jurowski. Ce sont Vitalij Kowaljow, qui vient d'interpréter Zaccaria dans Nabucco à La Scala et à Covent Garden, ainsi que Raúl Giménez, le ténor argentin réputé, qui encadreront le quatuor des amants malheureux d'Onéguine. par D aniel D ollé
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© GTG / SAMUEL RUBIO /DA : AIMERY CHAIGNE
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Eugène
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(ci-dessus, à droite)
Michael Nagy (Eugène Onéguine),
Les messages cachés dans
…
› Eugène Onéguine Scènes lyriques en 3 trois actes Piotr Ilitch Tchaïkovski Direction musicale
Michail Jurowski
Mise en scène
Robert Carsen
Reprise de la mise en scène
Paula Suozzi Décors & costumes Michael Levine Lumières Jean Kalman Reprise des lumières Christine Binder Chorégraphie Serge Bennathan Madame Larine
Doris Lamprecht
Tatiana
Maija Kovaleska
Olga
Irina Shishkova
Filippievna
Stefania Toczyska
Eugène Onéguine
Michael Nagy Lenski Edgaras Montvidas Le Prince Grémine Vitalij Kowaljow
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Un capitaine
Michel de Souza Zaretski Harry Draganov Monsieur Triquet Raúl Giménez Monsieur Guillot (rôle muet) Iwo van Neumann Chœur du Grand Théâtre de Genève Direction Alan Woodbridge
Onéguine E
Orchestre de la Suisse Romande Au Grand Théâtre de Genève du 9 au 19 octobre 2014
Michail Jurowski nous en livre sa vision... st-il possible d’imaginer un chef plus idéal, plus en symbiose avec le chef d’œuvre, que Michail Jurowski pour diriger Eugène Onéguine, dans une sublime production du Metropolitan Opera de New York ? Il n’est plus un inconnu pour le public du Grand Théâtre car il nous avait déjà offert une très belle vision de L’Amour des trois oranges, au cours de la saison 10-11. Fils d’un compositeur russe, Vladimir Michailovich Jurowski, il est musique et a transmis le virus à ses trois enfants qui font une carrière musicale. Ses deux fils sont également des chefs d’orchestre de renom, l’un d’entre eux, Dimitri avait dirigé la sublime Rusalka pour clore la saison 12-13. Vladimir est, entre autres, le chef principal du London Philharmonic Orchestra. Michail Jurowski a plus de 60 enregistrements à son actif, il est invité par de nombreux orchestres et opéras à travers le monde, le répertoire n’a que peu de secrets pour lui, surtout lorsqu’il s’agit des ouvrages de sa terre natale. Lorsqu’il évoque pour nous sa vision d’Onéguine, son regard s’illumine, que dis-je, non, il s’embrase et ses mots sont remplis de passion qu’il transmet aux artistes, et sans aucun doute au public. Il connaît la partition par cœur et ponctue chacune de ses allégations par une
citation, par un exemple musical, sans jamais ouvrir la partition.
(ci-dessus)
Michail Jurowski songeur
Il voit dans l’œuvre de Pouchkine un miroir de la société russe de l’époque, alors que pour Tchaïkovski, il y a identification. Le compositeur s’identifie avec celles et ceux qui souffrent, jamais avec le Prince Grémine. Toute l’œuvre reflète l’opposition entre une vie à la campagne et la vie des grandes villes. Les personnages vivent d’illusions, ils ignorent ou ne veulent pas accepter la réalité, ce refus peut rapidement devenir une arme fatale et conduire à la mort inéluctable. Tatiana, Lenski et Onéguine deviennent rapidement des victimes de leurs illusions qui conduisent à des déceptions. Ce qui nous amène à penser que les trois déceptions sont les trois moteurs essentiels de l’ouvrage. Lenski, le romantique, l’incarnation de l’amour et de la jeunesse, ne vit pas dans la réalité et s’adonne à ses fantaisies. Tatiana est la deuxième victime, la preuve en est la scène de la lettre. Elle vit comme si tout était accompli, lorsqu’elle se réveille, elle se rend compte que tout est passé et resté dans le rêve. Onéguine est également pétri de certitudes et lorsqu’il prend conscience, il n’est que trop tard. Il s’agit d’un personnage cynique, pragmatique, un enfant gâté que plus rien n’étonne et déçu par tout à l’âge de 24 ans. Lorsqu’il arrive à la campagne, qu’il rencontre Tatiana, il est blasé et persuadé qu’il est dans le vrai. Il s’agit, avant tout, d’un personnage
sous les lumières du plafond du Grand Théâtre.
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OPÉRATION LES MESSAGES CACHÉS DANS EUGÈNE ONÉGUINE
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Michail Jurowski prend sa place au milieu des lutrins de la fosse d'orchestre du Grand Théâtre.
Cette œuvre où l’on chante comme on parlerait conduit à une intimité feutrée, mais elle demeure implacable et sans échappatoire. Au terme d’opéra, le compositeur a préféré « scènes lyriques » qui génèrent des tensions immédiates et qui sont probablement une encyclopédie, ou un miroir, de l’âme russe. Le chant coule des mots et la musique, jamais satirique, recèle de nombreux traits d’humour. Elle fait croiser le romantisme avec la tradition et les usages, sans faire oublier au dandy hagard, resté seul, qu’on ne fait pas revivre le passé. Impossible de rester insensible aux charmes d’une telle partition. Une œuvre profonde de Tchaïkovski qui a su trouver les ambiances, les couleurs justes, la vraie dimension pour exprimer le mystérieux et l’humain. Ne vous tarde-t-il pas déjà de voir vivre ces personnages, si proches de nous, sous la baguette du maestro ? Et pour ne rien vous cacher, de nombreux personnages de l’œuvre seront interprétés par de jeunes artistes de grand talent, comme à l’époque de la création au Théâtre Maly par les étudiants du Conservatoire de Moscou, le 29 mars 1879, sans parler des moins jeunes qui ont déjà acquis une grande notoriété de par le monde.
Memory mixed with desire Ian Burton on Carsen's Onegin
EN RÉSUMÉ Mêlant souvenance et désir Les mots inoubliables au sujet du mois d’avril, au tout début du poème de T.S. Eliot La terre vaine (1922) « il mêle souvenance et désir » décrivent bien la production d’Eugène Onéguine par Robert Carsen, entièrement articulée sur les souvenirs : ceux d’Onéguine et sa détresse devant les occasions ratées de son existence. En retournant aux sources de l’œuvre, le « roman en vers » de Pouchkine, Carsen part « à la recherche du temps perdu », remontant plus loin dans le poème de Pouchkine pour puiser son inspiration scénique et dramatique. Le rituel élaboré de la toilette d’Onéguine, jeune dandy de SaintPétersbourg, y est représenté avec tous les détails du poème : « Il consacrait au moins trois heures / À se parer face au miroir / Et ressortait de son boudoir / Comme Vénus qui, pour un leurre, / Se vêt en homme et va risquer / Son cœur divin au bal masqué. » (I, 25) On remarque ici l’ironie merveilleusement délicate de Pouchkine, imitant le style du Don Juan de Byron, sans la veine sauvagement satirique de ce dernier. Dans un hommage à Pouchkine, Edmund Wilson remarquait que pour les poètes romantiques de sa génération, en Europe bourgeoise comme dans la Russie encore féodale, « il était impossible aux poètes de survivre ». Dans le poème et dans l’opéra, Tatiana et Onéguine sont plongés dans leur passé, alors que Lenski, qui ne rêve que d’un avenir heureux ou héroïque, est ironiquement tué en duel. Eugène Onéguine est rempli des souvenirs d’une jeunesse disparue, de remords aussi, ce qui explique le ton élégiaque de la musique. Pouchkine, parfois ironiquement mais pas toujours, exprime son attachement aux valeurs et aux traditions d’antan. Dans un monde sous l’emprise des modes venues d’Occident, il aime revenir au « bon vieux temps » et digresser sur le passé ou l’avenir. Comme Pouchkine, Robert Carsen est sensible au passage des saisons, une sensibilité que partageait fortement Tchaïkovski. Les saisons s’entrelacent aux personnages. Pouchkine décrit l’éveil de l’amour chez Tatiana comme « le germe dans le champ (qui) s’ouvre à la flamme du printemps », alors que l’amour tardif d’Onéguine est comparé aux « froides pluies d’automne ». « Le plus cruel des mois », avril dans le poème d’Eliot, est le mois où Tatiana tombe amoureuse, mais aussi le mois où Onéguine refuse cet amour. Quelle tristesse de penser que ces puissants symboles du passage des saisons pourraient à jamais disparaître !
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négatif, que, malgré ce qu’il raconte, Tatiana écoute. Son égoïsme, son égocentrisme le conduisent à un rejet de l’amour, à tuer son ami, pour finir dans le désespoir, alors qu’il était si proche du bonheur avec Tatiana. Il ne peut rattraper le temps perdu, des forces destructrices le conduisent aux mots de la fin : « Quelle honte ! Quelle douleur ! Quel sort pitoyable est le mien ! »
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T
by I an B urton , poet, librettist, playwright and close artistic associate of director Robert Carsen
“
To act like Onegin seemed to me heartless and simply inadmissible”, Tchaikovsky wrote to a friend, having decided to marry Antonina Milyukova, who had written him a love letter like Tatyana, and who he then, disastrously, decided to marry.
T.S.Eliot’s unforgettable phrase from The Waste Land , “mixing/Memory and desire” would be a good description for the atmosphere of Robert Carsen’s production of Eugene Onegin. It is a production quite literally based on memory – Onegin’s memory and his anguish at the missed turnings of his life. It is also Robert’s version of Pushkin’s narrator in the poem, sometimes ironic, sometimes tender, who shuffles the time sequence, but without the necessity of the flashbacks and forward of, say, the Prologue and Epilogue of Offenbach’s Tales of Hoffmann. Although most critics have observed that Tatyana is the central figure of the opera, and that we see the events through her eyes, Robert has gone back to Pushkin’s “novel in verse”, and concentrates on the poetic “remembrance of things past” as the structuring device of Tchaikovsky’s “lyric scenes” (the composer’s subtitle for his work). Robert goes back even further to Pushkin’s “First Chapter” for dramatic and scenic inspiration. For example Onegin’s elaborate toilette is presented in all the detail described in the poem, clearly situating Onegin as a young St. Petersburg equivalent of a “Beau Brummell” type dandy: My Eugene, like Chaadaev, fearful Of jealous censure, was most careful About his dress – a pedant or A dandy, as we said before. At least three hours he spent preparing In front of mirrors in his lair, And stepping out at last from there, Looked like a giddy Venus wearing A man’s attire, who, thus arrayed, Drives out to join a masquerade.
(I.25)
Pushkin’s wonderfully delicate irony, not savagely satirical like Byron’s, although clearly modelled on the manner of Don Juan, is present here. Pushkin’s fourteen line stanzas have also been reproduced in our own day in Vikram Seth’s brilliant novel-in-verse The Golden Gate (1986), a social satire of California’s Silicon Valley, and a testament to the surviving vigour of this narrative verse form.
Edmund Wilson writes brilliantly about Pushkin: “It was as if in those generations where Byron, Shelley, Keats, Leopardi and Poe were dead in their twenties or thirties or barely reached forty, where Coleridge and Wordsworth and Beddoes and Musset burned out while still alive, where Lermontov, like Pushkin, was killed in a duel, before he was twenty-seven – it was as if in that great age of the bourgeois ascendancy – and even in still feudal Russia – it were impossible for a poet to survive.” E. Wilson, “In Honour of Pushkin” (1927) This is of course Lensky’s fate in the poem and in the opera. Tatyana and Onegin are immersed in their past, while Lensky thinks only of a happy or heroic future, which ironically he does not live to experience. Lensky’s pen “breathes love, it does not glitter frigidly with wit”. Onegin is full of memories of vanished youth, as well as remorse, and this is surely responsible for the elegiac tone of the music. Pushkin’s recourse to the past is also an attachment to past values, traditions, institutions, sometimes ironically expressed but not always. In a world dominated by Western fashion, Pushkin likes to return to the “good old days”. The digressions in the poem refer either to the past or to the future, to “vanished memories” or future hopes. Another way in which Robert’s production reflects the tone and atmosphere of Pushkin’s original, to which Tchaikovsky was also peculiarly sensitive, is the passage of the seasons, which also structures the chronology of the poem. The seasons intertwine with the characters. Naturally Tatyana falls in love in Spring, while Onegin’s belated passion is compared with the “cold and ruthless storms of Autumn”: Love is for every age auspicious, .................................................... And life, empowered, sends up shoots Of richest blooms and sweetest fruits. But at a late age, dry and fruitless, The final stage to which we’re led, Sad is the trace of passions dead: Thus storms in autumn, cold and ruthless, Transform the field into a slough, And strip the trees from root to bough. (8, 29)
The “cruellest month” of April in Eliot’s poem is the month in which Tatyana falls in love, and the month that Onegin rejects it. It is sad to think that these commanding symbols of the seasons may soon be lost forever!
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LES MESSAGES CACHÉS DANS EUGÈNE ONÉGUINE
OPÉRATION
Michel de Souza entre Petrópolis et Pétersbourg par C hristopher P ark
pas sa passion pour le chant. Elles le mènent à une formation supérieure en voix à la Royal Scottish Academy of Music and Drama de Glasgow. Sans quitter les bords de la Clyde, il intègre le programme Emerging Artists du Scottish Opera, s’aguerrit aux grands et petits rôles de son Fach, à l’oratorio et au lied. Sa présence scénique énergique et attachante lui vaut d’être enrôlé en 2012 dans le Young Artists Programme de Covent Garden. Outre ses nombreuses prestations de comprimario, il y doit assurer la doublure de rôles comme Belcore ou Papageno, tout en poursuivant des classes de chant. Comment Michel de Souza se trouve-t-il au Grand Théâtre ? « C’est bien plus calme ici : je n’ai plus de leçons et beaucoup moins de répétitions », commente-t-il avec un sourire.
Ce temps gagné, comment l’emploiet-il ? « Je fais la navette entre Genève et Londres, pour revoir mon coach vocal, et je me livre à ma passion pour la littérature russe. » Outre ses lectures – Dostoïevski, Boulgakov et bien sûr Pouchkine – Michel de Souza s’est également mis à étudier le russe : « Je m’identifie profondément à la sensibilité littéraire russe, et j’espère que cela me permettra de réaliser au mieux mon ambition de chanter un jour le rôle d’Eugène Onéguine ». En attendant de voir le petit chanteur de Petrópolis endosser le costume de dandy de Saint-Pétersbourg, c’est dans le rôle du Capitaine, meneur du bal du deuxième acte d’Onéguine, que le public du Grand Théâtre reverra cet artiste déjà remarqué pour son charismatique Marullo en ouverture de saison.
En signant les deux premières productions de rentrée, Rigoletto et Eugène Onéguine, Robert Carsen est incontournable cette saison à Genève.
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l y a deux « villes de Pierre » dans le monde. La première, c’est la « fenêtre ouverte sur l’Europe » par Pierre le Grand sur les bords de la Néva en 1703. La deuxième fut aussi voulue par un empereur, Pierre II du Brésil, animé par l’ambition plus modeste d’échapper aux chaleurs étouffantes de sa capitale Rio de Janeiro. Depuis 1830, Petrópolis se love dans les montagnes de l’arrière-pays carioca, et c’est là qu’est né le baryton Michel de Souza, qui vient de rejoindre les rangs de la troupe des jeunes artistes en résidence du Grand Théâtre. Son apprentissage du chant se fait dès l’enfance à la maîtrise Os Canarinhos de Petrópolis. Il passe ensuite à des études musicales (orgue, direction d’orchestre) à Rio, n’abandonnant
© GTG / MATHILDE FASSÓ
Michel de Souza vient de rejoindre les rangs de la troupe des jeunes solistes en résidence.
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e n t cl A C e (ci-contre)
Punch and Judy (1968) de Harrison
Birtwistle, mis en scène par
Daniel Kramer, a conquis Anne
Geisendorf au BFM en avril 2011.
« Je vis mon a comme un acte citoyen » © DR
© GTG / VINCENT LEPRESLE
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Mathieu Poncet Avant toute chose, pourriez-vous nous décrire l’itinéraire de mélomane qui est le vôtre.
AG Avant tout les œuvres de Stravinski : Le Sacre du printemps, L’Oiseau de feu, Le Chant du rossignol, Petrouchka, œuvres qu’Ernest Ansermet défendait avec ferveur comme vous le savez. Naturellement j’ai aussi beaucoup apprécié la musique française de Debussy, Ravel et Roussel, mais Stravinski a toujours tenu une place à part pour moi. J’avoue également un vrai plaisir à l’écoute de la musique de Tchaïkovski bien que de nombreux mélomanes la trouvent trop « simple » (elle était décriée dans ma famille). Par contre il est vrai que je me sens moins proche de la musique germanique, et notamment de celle de Beethoven, bien que Bach, Mozart et Wagner m’accompagnent. À ce propos nous ne remercierons jamais assez Tobias Richter de nous avoir fait le cadeau inestimable d’une nouvelle production de la Tétralogie.
Maison de Rousseau et de la Littérature, dans le cadre des Amis de l’OSR, puis au sein du Cercle du Grand Théâtre de Genève. Le soutien à l’art lyrique résonne pour moi comme le souhait de défendre un art souvent attaqué, et je remarque qu’il est parfois dévalorisé par des gens qui ne connaissent pas l’opéra, qui ne sont pas venus voir ce qui se passe de formidable dans cette institution. Fréquemment, seules les considérations financières sont évoquées alors que ce lieu est celui de la défense et de la conservation de l’un de nos patrimoines culturels majeurs. Je pense par conséquent que si une personne se bat pour préserver notre héritage commun, d’autres individus s’y associeront et que le bien commun sera protégé. À ce propos le Cercle offre un accès magnifique à la découverte de ce patrimoine, notamment grâce aux conférences présentant les différents métiers de l’institution. Dans le même domaine, je tiens à relever l’engagement de tout instant de la présidente du Conseil de Fondation du Grand Théâtre qui ne ménage pas sa peine afin d’expliquer l’importance des dépenses nécessaires à l’exploitation de notre maison d’opéra, toujours en quête d’excellence artistique. Enfin, en ce qui concerne la défense de notre institution, je pense que nous devons toutes et tous accompagner l’aventure extraordinaire que le Grand Théâtre est en train de vivre, cette période très particulière marquée par les travaux à venir et par deux saisons extra-muros. C’est dans ces moments-là que chacun doit se dépasser intellectuellement et physiquement. Être meilleur pour faire aussi bien, ce qui – soit dit en passant – a toujours été le lot de la condition féminine dans notre société... Et puisque j’évoque ce lieu d’accueil à venir, j’avoue que je serais ravie que sa jauge plus confidentielle nous donne l’occasion d’apprécier les opéras baroques que j’aime tant.
MP Qu’est-ce qui vous a menée de cet apprentissage du répertoire symphonique à la passion de l’art lyrique ?
MP Est-ce que votre adhésion au Cercle a modifié votre perception de l’opéra et des différentes activités du Grand Théâtre ?
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Anne Geisendorf Je dois vous avouer que dans la famille bourgeoise qui m’a vue naître, la seule sortie qui nous était proposée avant la confirmation concernait les concerts du mercredi soir de l’OSR donnés sous la direction d’Ernest Ansermet. Ce fut une véritable découverte du répertoire, un apprentissage (nous devions notamment rapporter à nos familles un résumé du concert hebdomadaire) qui m’a permis de prendre plaisir à la musique. Après un passage obligé par le solfège je me suis dirigée vers l’étude du violoncelle. Ces expériences m’ont fait prendre conscience de l’importance de l’émotion et de la qualité artistique qui priment totalement sur la performance. Je souhaite de la musique jouée et non pas exécutée. MP Quelles furent les œuvres qui ont alors particulièrement marqué l’adolescente que vous étiez ?
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AG En fait, et comme vous l’avez compris, je fus tout d’abord sensible à la musique orchestrale ainsi qu’à la musique de chambre, là où la proximité avec le musicien est la plus proche. En tant que littéraire, l’interprétation des lieds me pose d’ailleurs parfois problème, tout particulièrement lorsque l’artiste ne transmet pas parfaitement l’émotion du texte. Je me perçois donc plus comme une instrumentiste, et à ce propos j’aimerais dire la parenté que je ressens avec les gestes artistiques que l’on trouve dans la musique baroque, et je veux évoquer ici le plaisir que j’ai à accompagner la démarche de Leonardo García Alarcón et de son Ensemble Cappella Mediterranea. Néanmoins, pour répondre à votre question, ce qui m’a réellement révélé la passion de l’art lyrique c’est le concept d’art total, de Gesamtkunstwerk auquel je suis très sensible. Un dépassement du théâtre et une sublimation des émotions. MP Vous associer au Cercle du Grand Théâtre et participer à ses activités fut alors une suite logique ? AG La volonté de rejoindre le Cercle a été pour moi une évidence citoyenne. J’ai en effet voulu rendre à la Cité ce qu’elle m’a offert. Dans un premier temps comme présidente de l’Espace Rousseau devenu
AG Totalement, alors que j’étais abonnée depuis de nombreuses années au Grand Théâtre, la décennie que je viens de passer au Cercle m’a transformée ! Avant j’étais consommatrice, maintenant je me sens actrice. Le fait de rencontrer les collaborateurs de l’opéra, de découvrir cette multiplicité de métiers, de connaître le nom des gens et de pouvoir s’adresser à eux, d’oser poser des questions, a complétement modifié mon rapport à l’art lyrique. Les dossiers pédagogiques proposés m’ont permis de développer mes connaissances et donc mon plaisir lors des représentations. C’est pourquoi je vais toujours assister aux générales avant la troisième représentation qui elle est celle du Cercle. Ce sont autant de clefs de lecture car il ne faut pas croire que la proximité avec l’opéra s’acquiert du jour au lendemain ! Grâce au Cercle, j’ai également eu le plaisir de loger des artistes, en échange de quoi je leur demandais de pouvoir assister aux répétitions, et là aussi la richesse de ces moments m’a permis de m’épanouir de façon exceptionnelle. Les présentations et les conférences organisées par la direction afin de permettre aux membres du Cercle de rencontrer les équipes artistiques sont également des moments rares. Indépendamment de l’art lyrique pratiqué au Grand Théâtre, j’aimerais aussi ajouter que la qualité du ballet, et naturellement de son
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Anne Geisendorf : itinéraire d'une mélomane... Une entrevue avec A nne G eisendorf , membre du Cercle, par M athieu P oncet
Fondé en 1986, le Cercle du Grand Théâtre s’est donné pour objectif de réunir toutes les personnes et entreprises qui tiennent à manifester leur intérêt aux arts lyrique, chorégraphique et dramatique. Son but est d’apporter son soutien financier aux activités du Grand Théâtre et ainsi, de participer à son rayonnement.
n adhésion » directeur, sont une magnifique chance pour notre Cité. Enfin, je trouve que toutes les propositions offertes aux plus jeunes sont extrêmement réjouissantes, et je pense là tout particulièrement à Labo-M. MP Abonnée puis membre du Cercle depuis plusieurs années, quelles ont été les productions lyriques qui vous ont spécialement marquée ? AG Avant tout des œuvres que je ne connaissais pas, j’aime être surprise si la qualité est au rendez-vous. Je me rappelle d’une Salome de Richard Strauss qui m’avait énormément touchée, elle était dirigée par Horst Stein, mise en scène par Maurice Béjart et le rôle-titre était tenu par Julia Migenes-Johnson. Les Oiseaux de Walter Braunfels m’a aussi laissé une forte impression, sans parler du Lady Macbeth de Mzsensk de Dimitri Chostakovitch dirigé par Armin Jordan, ou De la maison des morts de Leoš Janáček. Et même si cela peut sembler paradoxal, puisque j’ai toujours pensé que je n’aimais pas la musique contemporaine, je garde un souvenir lumineux du Galilée de Michael Jarrell. J’ai profondément aimé la mise en scène de cet opéra, la fidélité au texte brechtien et la musique m’ont fortement impressionnée, notamment l’arrivée progressive sur l’octave, chanté par le Pape au moment où il accepte que Galilée soit jugé. Dans le même ordre d’idée, j’ai tout d’abord été totalement hermétique à la musique du Punch and Judy de Harrison Birtwistle, mais comme j’étais intriguée par cette œuvre, j’ai assisté à presque toutes les représentations jusqu’à finir par être conquise et à devenir très proche des chanteurs dont la performance était incroyable. C’est pourquoi je suis convaincue que seule la curiosité et la profondeur de l’écoute peuvent permettre d’apprécier à sa juste valeur l’excellence des productions qui nous sont proposées. MP Pour terminer cet entretien, et parce que c’est un sujet qui préoccupe aussi bien les professionnels que les citoyens dont vous faites partie, que ressentez-vous face à la paupérisation culturelle et à la difficulté du renouvellement et du rajeunissement des publics ? AG Ce que vous énoncez me parle fortement puisque je me bats depuis longtemps pour la défense du livre et que nous rencontrons les mêmes problèmes que pour la défense de l’art lyrique, les mêmes inquiétudes, les mêmes conditions dramatiques d’acculturation. Que ce soit l’écoute d’une œuvre musicale, le plaisir d’une visite muséale ou la lecture d’un roman, nos concitoyens n’ont pas de temps à y consacrer. Et sans même évoquer les difficultés liées à un milieu socioculturel non stimulant ou à l’absence de connaissances artistiques, notre société qui prône l’immédiateté se trouve en complet décalage avec l’appropriation des œuvres artistiques. En effet, comme nous le disions au début de cet entretien, c’est un effort de se préparer à l’écoute d’un opéra ou à la visite d’un musée. Cela devrait rester un moment exceptionnel et festif. Je ne vais pas à l’opéra comme je vais faire mes courses. Je m’y prépare. Malgré tout essayons d’être quand même optimistes puisque lorsque j’assiste aux générales en compagnie des écolières et des écoliers, je suis frappée par leur calme et par leur attention dans l’ensemble. Espérons donc que la révolution informatique que nous vivons ne débouchera pas sur un désert culturel mais sera un passage vers une société certes différente, mais meilleure ?
Rejoignez-nous !
Nous serions heureux de vous compter parmi les passionnés d’ arts lyrique, chorégraphique et dramatique qui s’engagent pour que le Grand Théâtre de Genève conserve et renforce sa place parmi les plus grandes scènes européennes. Adhérer au Cercle du Grand Théâtre, c’est aussi l’assurance de bénéficier d'une priorité de placement, d'un vestiaire privé, d'un service de billetterie personnalisé et de pouvoir changer de billets sans frais. Vous participerez chaque année au dîner de gala à l’issue de l’Assemblée Générale et profiterez des cocktails d’entracte réservés aux membres. De nombreux voyages lyriques, des conférences thématiques « Les Métiers de l’Opéra », des visites des coulisses et des ateliers du Grand Théâtre et des rencontres avec les artistes vous seront proposées tout au long de la saison. Vous pourrez assister aux répétitions générales et bénéficierez d'un abonnement gratuit à ce magazine. Vous recevrez également tous les programmes de salle chez vous.
Pour recevoir de plus amples informations sur les conditions d’adhésion au Cercle, veuillez contacter directement : Madame Gwénola Trutat (le matin, entre 8 h et 12 h) T + 41 22 321 85 77 F + 41 22 321 85 79 cercle@geneveopera.ch Cercle du Grand Théâtre de Genève Boulevard du Théâtre 11 1211 Genève 11
Nos membres B ureau M. Luc Argand, président M. Pierre-Alain Wavre, vice-président M. Gabriel Safdié, trésorier Mme Véronique Walter, secrétaire Mme Françoise de Mestral A utres membres du comité S. A. S. la Princesse Andrienne d’Arenberg Mme Vanessa Mathysen-Gerst Mme Brigitte Vielle M. Gerson Waechter M embres bienfaiteurs M. et Mme Luc Argand M. et Mme Guy Demole Fondation de bienfaisance de la banque Pictet Fondation Hans Wilsdorf M. et Mme Pierre Keller Banque Lombard Odier & Cie SA M. et Mme Yves Oltramare Mrs Laurel Polleys-Camus Union Bancaire Privée – UBP SA M. Pierre-Alain Wavre M. et Mme Gérard Wertheimer M embres individuels S. A. Prince Amyn Aga Khan Mme Diane d’Arcis S. A. S. La Princesse Etienne d’Arenberg Mme Dominique Arpels M. Ronald Asmar Mme Véronique Barbey Mme Christine Batruch-Hawrylyshyn Mme Maria Pilar de la Béraudière M. et Mme Philippe Bertherat Mme Antoine Best Mme Saskia van Beuningen Mme Françoise Bodmer M. Jean Bonna Prof. et Mme Julien Bogousslavsky Mme Clotilde de Bourqueney Harari Comtesse Brandolini d’Adda Mme Robert Briner Mme Caroline Caffin M. et Mme Alexandre Catsiapis Mme Maria Livanos Cattaui Mme Muriel Chaponnière-Rochat M. et Mme Julien Chatard M. et Mme Neville Cook M. Jean-Pierre Cubizolle M. et Mme Claude Demole
M. et Mme Olivier Dunant Mme Denise Elfen-Laniado Mme Maria Embiricos Mme Diane Etter-Soutter Mme Clarina Firmenich M. et Mme Eric Freymond Mme Manja Gidéon Mme Elka Gouzer-Waechter Mme Claudia Groothaert M. et Mme Philippe Gudin de La Sablonnière Mme Bernard Haccius Mme Théréza Hoffmann M. et Mme Philippe Jabre M. et Mme Eric Jacquet M. Romain Jordan Mme Madeleine Kogevinas M. et Mme Jean Kohler M. David Lachat M. Marko Lacin Mme Michèle Laraki M. et Mme Pierre Lardy Mme Eric Lescure Mme Eva Lundin M. Bernard Mach Mme France Majoie Le Lous M. et Mme Colin Maltby M. et Mme Thierry de Marignac Mme Mark Mathysen-Gerst M. Bertrand Maus Mme Anne Maus M. Olivier Maus Mme Béatrice Mermod M. et Mme Charles de Mestral Mme Vera Michalski M. et Mme Francis Minkoff M. et Mme Bernard Momméja M. et Mme Christopher Mouravieff-Apostol Mme Pierre-Yves Mourgue d’Algue M. et Mme Trifon Natsis Mme Laurence Naville M. et Mme Philippe Nordmann M. et Mme Alan Parker M. et Mme Shelby du Pasquier Mme Sibylle Pastré M. Jacques Perrot M. et Mme Gilles Petitpierre M. et Mme Charles Pictet M. et Mme Guillaume Pictet M. et Mme Ivan Pictet M. et Mme Jean-François Pissettaz Mme Françoise Propper Comte de Proyart
Mme Ruth Rappaport M. et Mme François Reyl M. et Mme Andreas Rötheli M. Jean-Louis du Roy de Blicquy M. et Mme Gabriel Safdié Comte et Comtesse de Saint-Pierre M. Vincenzo Salina Amorini M. et Mme Paul Saurel M. Julien Schoenlaub Mme Claudio Segré Baron et Baronne Seillière M. Thierry Servant Marquis et Marquise Enrico Spinola Mme Christiane Steck M. André-Pierre Tardy M. et Mme Riccardo Tattoni M. et Mme Kamen Troller M. Richard de Tscharner M. et Mme Gérard Turpin M. et Mme Jean-Luc Vermeulen M. et Mme Julien Vielle M. et Mme Olivier Vodoz Mme Bérénice Waechter M. Gerson Waechter Mme Stanley Walter M. et Mme Lionel de Weck Mme Paul-Annik Weiller M embres institutionnels 1875 Finance SA Banque Pâris Bertrand Sturdza SA Bucherer SA Christie’s (International) SA Credit Suisse SA Fondation Bru Givaudan SA Gonet & Cie, Banquiers Privés H de P (Holding de Picciotto) SA JT International SA Lenz & Staehelin La Réserve, Genève SGS SA Vacheron Constantin
Organe de révision : Plafida Compte bancaire N° 530 290 MM. Pictet & Cie
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Jeroen Verbruggen dans Le Fils prodigue, chorégraphie de George Balanchine, musique de Sergueï Prokofiev aux
En novembre prochain, le Ballet du Grand Théâtre retrouve le public genevois après des
© MARIE-LAURE BRIANE
Ballets de Monte-Carlo.
tournées en Europe et en Afrique du Sud… et une pause estivale bien méritée ! Au programme pour ce premier spectacle de la saison de danse, Casse-Noisette, le chef-d’œuvre de Tchaïkovski. Le Belge Jeroen Verbruggen (à gauche), ancien danseur des Ballets de Monte-Carlo, chorégraphe débordant de talent, fera ses débuts au Grand Théâtre, épaulé par Philippe Béran qui se réjouit de collaborer à nouveau avec l’OSR.
Casse-N Jeroen par B enoît P ayn
entre les mains de
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ill Bambi (2012), la première chorégraphie de Jeroen Verbruggen pour les Ballets de Monte-Carlo, puisait autant dans le dessin animé des studios Disney que dans la chanson des Sex Pistols pour traiter d'un sujet universel : le passage à l’âge adulte. Pour Arithmophobia (2013), son deuxième programme court dans lequel il explore la crainte de mourir par le biais de la peur des nombres, le chorégraphe s’est inspiré de l’épisode biblique de l’Apocalypse et des corps bouleversants et dérangeants des peintures de Jean Rustin. Quel point commun entre ces deux spectacles ? Une danse extrêmement versatile qui bouillonne d’idées novatrices, des univers qui s’écartent de la réalité et une approche originale qui n’hésite pas à emprunter la voie de l’humour pour mieux aborder certaines questions existentielles.
(ci-dessous)
Kill Bambi et Arithmophobia, deux des dernières créations de Jeroen
Verbruggen, ont fait sensation du
© ALICE BLANGERO
© DR
côté de Monte-Carlo.
› Casse-Noisette Ballet-féerie en 3 actes, 3 tableaux et 15 scènes Piotr Ilitch Tchaïkovski Direction musicale
Philippe Béran
Chorégraphie
Jeroen Verbruggen
Scénographies & costumes
Livia Stoianova & Yassen Samouilov (On Aura Tout Vu)
Lumières Ben Ormerod
Ballet du Grand Théâtre de Genève Direction Philippe Cohen
Orchestre de la Suisse Romande Au Grand Théâtre de Genève du 13 au 21 novembre 2014
Lorsque l’on interroge Jeroen Verbruggen sur l’origine de son envie de concevoir des spectacles de danse, celui-ci repense spontanément à son enfance : « Petit, je créais déjà mes propres scénographies en jouant. Voitures, poupées Barbie, lampes de poche, tout autour de moi était susceptible de donner vie à une histoire. » Puis vint le temps de la formation, notamment à l’École royal de ballet d’Anvers puis à l’École nationale de ballet du Canada, et la danse devint une évidence. « Les premières chorégraphies solo que l’on nous demandait de créer me mirent la puce à l’oreille. » Peut-on parler d’un événement-clé ? « En 2001, j’ai présenté mon solo Hyperballad lors du concours de l’Eurovision pour jeunes danseurs à Londres et j’ai remporté le 2ème prix. Cette récompense m’a encouragé à poursuivre et approfondir cette envie. Depuis, je n’ai jamais pensé à autre chose que la création. » Casse-Noisette, le projet sur lequel le jeune Anderlechtois travaille maintenant depuis deux ans, représente une nouvelle étape dans la carrière de ce danseur devenu chorégraphe : « Première soirée entière, premier spectacle avec orchestre, et première commande d’un spectacle tout public. Cela fait beaucoup de première fois ! » Mais Jeroen Verbruggen avoue apprécier se mettre en danger : « la prise de risques me pousse, me nourrit et m’inspire. » Et lorsqu’on lui demande de quelle manière il a abordé cette œuvre que même le spectateur le plus novice a déjà vu au moins une fois dans sa vie, il y voit d’emblée un défi supplémentaire. « Il est vrai que l’on ne compte plus le nombre de Casse-Noisette. C’est un ballet clé de l’histoire de la danse. Le public s’attend forcément à voir des éléments traditionnels que j’apprécie d’ailleurs également ! Tout en conservant ces clins d’œil à la tradition, j’ai essayé de raconter quelque chose de plus profond, qui puisse toucher un maximum de gens. » Et à quoi ressemblera cette version Verbruggen de Casse-Noisette ? « Il faut s’attendre à un Casse-Noisette onirique et fou, mais qui ne perdra pas pour autant de son potentiel suite page suivante émotionnel ! »
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EN BALLET CASSE-NOISETTE ENTRE LES MAINS DE JEROEN VERBRUGGEN
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Benoît Payn Comment avez-vous découvert Jeroen Verbruggen ? Philippe Cohen Je l’ai tout d’abord connu comme danseur aux Ballets de Monte-Carlo, un danseur que j’appréciais en particulier pour sa grande technicité et son talent d’interprétation fou. Puis il y a cinq ou six ans, lors du Monaco Dance Forum, une grande rencontre pour les professionnels de la danse, j’ai assisté à une chorégraphie courte que j’ai trouvée plus qu’intéressante, avec du caractère, une très grande maîtrise et une originalité qui se manifestait aussi bien au niveau de la danse que de l’esprit. Curieux de connaître l’auteur de cette chorégraphie, je m’étais alors tourné vers Jean-Christophe Maillot, le directeur des Ballets de Monte-Carlo, qui m’avait expliqué qu’il s’agissait de la chorégraphie de Jeroen et que c’était bel et bien quelqu’un à suivre. J’ai ensuite eu l’occasion d’observer son travail et ses créations au Forum Grimaldi. J’ai ensuite demandé à son directeur s’il était disponible pour un projet à Genève et voilà maintenant presque deux ans que Jeroen Verbruggen prépare sa première création en compagnie de notre troupe de danseurs.
© GTG / CAROLE PARODI
Trois questions à Philippe Cohen BP Et qu’est-ce qui vous a poussé à lui proposer Casse-Noisette ? PC Ce projet est en fait arrivé de façon assez inattendue. À la base, c’était Benjamin Millepied qui devait chorégraphier La Belle au bois dormant pour le premier spectacle de cette nouvelle saison. Or il a entretemps été nommé à la direction du Ballet de l’Opéra national de Paris. Tout était donc à recommencer. Comme l’enjeu de faire une Belle au bois dormant est plus risqué, Casse-Noisette est paru comme une meilleure solution et je me suis dit : « Pourquoi pas Jeroen, son imagination et son inventivité ? » BP Serait-ce donc un nouveau jeune talent qui, à l’image des Millepied, Foniadakis ou Cherkaoui que l’on a vu faire leurs premiers pas à Genève, risque de créer la sensation ? PC Depuis que je suis à la tête du Ballet, j’ai toujours eu à cœur de donner leur chance à des jeunes talents. Je trouve à la fois audacieux et intelligent que Jeroen ait pris la décision cet été d’arrêter sa carrière de danseur pour se consacrer à ses activités de chorégraphe à 100%. Sauter le pas n’est jamais une décision facile à ce stade d’une carrière et il faut saluer ce geste de courage. Quant à savoir si c’est le prochain grand chorégraphe, Benjamin Millepied nous avait fait un Casse-Noisette en 2005 et c’était aussi son premier grand ballet. On va dire que cela lui a plutôt porté chance, donc j’espère qu’il en sera de même pour Jeroen !
Composé un an avant la mort tragique de Tchaïkovski, Casse-Noisette est le troisième et dernier ballet du compositeur, un des sommets du genre avec Le Lac des cygnes et La Belle au bois dormant. Comment expliquer la popularité de ce chef d’œuvre ? Ayant dirigé ce ballet plus de 200 fois, avec les plus grandes compagnies de ballet telles que le New York City Ballet, Philippe Béran a sa petite idée sur le sujet : « Casse-Noisette représente une forme de synthèse et d’aboutissement de l’écriture de Tchaïkovski, un compositeur qui d’autant plus déborde d’imagination : son orchestration est rutilante et les deux actes du ballet sont merveilleusement équilibrés. »
© DR
Une partition féerique
Lorsqu’on l’interroge sur la présence de la féerie du conte de Hoffmann au cœur de la partition, le chef d’orchestre genevois déclare avec beaucoup d’enthousiasme que « cette dimension féerique est présente partout dans la musique ! » Il évoque tout d’abord les nombreux effets instrumentaux qui visent à dénaturer les sonorités originales des instruments et qui élargissent la palette sonore de l’orchestre avec des timbres inédits et surprenants. Des effets comme les « Flatterzünge des flûtes – les flûtistes “roulent” la langue tout en jouant – dont Tchaïkovski est un des précurseurs ». Mais également l’emploi du célesta dans la variation de la Fée Dragée notamment, « un instrument aux sonorités cristallines qu’il découvrit lors d’un voyage aux États-Unis où il venait d’être inventé et dont il fit venir un modèle à Saint-Pétersbourg dans le plus grand secret afin d’être sûr de créer la surprise ». Et s’il ne fallait retenir qu’un seul passage de cette heure et demie de musique ? « Lorsque Clara, après la fête de Noël, redescend au salon pour y chercher, sous le sapin, le cadeau de son parrain Drosselmeyer et que sonnent les douze coups de minuit, annonçant le début de la féerie, la musique de Tchaïkovski devient totalement magique ! C’est l’un de mes passages préférés, non seulement du ballet mais de toute l’histoire de la musique ! »
(ci-contre)
croquis d'un des costumes du Prince Casse-Noisette par On Aura Tout Vu.
Au moment de retrouver l’Orchestre de la Suisse Romande qu’il avait déjà dirigé lors de Cendrillon en 2009 et Giselle en 2012, Philippe Béran se réjouit de se replonger dans une partition de ballet qui a été « l’un des grands fleurons du répertoire de l’OSR à l’époque d’Ernest Ansermet et qui n’a plus été joué depuis. » Autre source de réjouissance, la collaboration avec Jeroen Verbruggen dont « la vision moderne et haute en couleur sera l’occasion de redécouvrir ce classique du ballet ». Conscient de toutes les difficultés spécifiques à la direction de spectacles alliant musique et danse – « la recherche du tempo adéquat, l’articulation et surtout la pulsation qui “lance” la danse » –, le chef d’orchestre espère atteindre en compagnie de son partenaire chorégraphe « cet instant prodigieusement beau où la danse devient la matérialisation de la musique. »
(ci-dessus, de haut en bas)
Pour la production originale de Casse-Noisette au Théâtre Mariinski en 1892 : croquis initial pour les décors de Konstantin Ivanov ; dessin de Ivan Vsevolozhsky, créateur des costumes (ici La Mère Gigogne et les polichinelles) ; photographie de scène où figurent Lydia Rubtsova (Marianne, la cousine de Clara), Stanislava Belinskaya (Clara) et Vassily Stukolkin (Fritz).
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Elīna Aleksandra Deux stars au firmament du Grand Théâtre...
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dans une grande page du bel canto
par D aniel D ollé
Le Festspielhaus de Baden-Baden* et le Grand
Théâtre coréalisent une version concertante de I Capuleti e i Montecchi qui réunit de
grandes stars du moment, dont Elīna Garanča
© GABO / DG
et Aleksandra Kurzak.
Son dernier CD Meditation
Latvian Radio Choir Deutsche Radio Philharmonie DM : Karl Mark Chichon Deutsch Grammophon, 2014 B00K60VA7G
t pourquoi pas Roméo et Juliette ? L’œuvre de Vincenzo Bellini ne s’inspire pas de la pièce de William Shakespeare, alors inconnu en Italie, mais d’une pièce de Luigi Scevola, qui prenait ses sources dans une version de Luigi da Porto, datant de la Renaissance. Tout cela explique le titre décalé et les différences avec l’œuvre du dramaturge anglais. En Italie, Bellini succéda à Rossini lorsque ce dernier partit pour la France. Pacini ayant fait faux bond à Venise, on sollicita Bellini pour écrire un ouvrage en six semaines, sur un livret remanié de Felice Romani, Giulietta e Romeo. Contrairement à la légende, Bellini avait la plume facile, même s’il recycla une bonne partie de la musique de son opéra précédent, Zaira, qui fut un échec. La composition de la troupe de La Fenice amène Bellini à faire porter l’œuvre par les voix de femmes. Le nombre de castrats déclinait, leurs parties étaient chantées par des femmes et de nombreux compositeurs écrivaient le premier rôle masculin dans le registre des contraltos et des mezzo-sopranos de l’époque. Bellini allait offrir aux prime donne un rôle flamboyant et héroïque sans équivalent dans aucun autre opéra romantique italien. Giuditta Grisi créa le rôle de Roméo à La Fenice, le 11mars 1830. La Malibran reprit le rôle à La Scala et Wilhelmine Schröder-Devrient subjugua Richard Wagner, en interprétant Roméo. Ce dernier déclara alors vouloir abandonner la musique allemande au profit de l’art italien.
Elīna Garanča est Romeo * Le Festspielhaus de Baden-Baden fut conçu par l’architecte autrichien Wilhelm Holzbauer et inauguré le 18 avril 1998. Il intègre la plus grande salle de concerts et d’opéra d’Allemagne, avec 2 500 places, et l’ancienne gare de la cité thermale. La programmation s’organise autour de quatre périodes festivalières : Pentecôte, été, automne et hiver. Trois ou quatre fois par an, le Palais des festivals accueille des compagnies de danse de renommée internationale (Mariinski, Bolchoï, Ballet de Hambourg dirigé par John Neumeier). Les plus grandes stars lyriques internationales se produisent dans son acoustique exceptionnelle.
Après un époustouflant concert en 12-13, la mezzo lettone revient au Grand Théâtre, avec Roméo, un rôle qu’elle a gravé au disque sous la baguette de Fabio Luisi en compagnie d’Anna Netrebko. Que de chemin parcouru, que de titres récoltés, que de gloire depuis ses premiers pas au Staatstheater de Meiningen ! En mai 2013, elle est nommée Kammersägerin au Staatsoper de Vienne où elle a chanté plus de 140 représentations et interprété environ dix-huit rôles, depuis ses débuts en 2003, où elle interpréta Lola dans Cavalleria rusticana. Le 10 janvier 2014, naissait sa seconde fille,
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Garanča Kurzak Cristina Sophie et il a fallu attendre le Festival de Salzbourg pour réentendre la sublime diva lettone. Elle chantait Léonor de Guzman, la maîtresse du roi de Castille, Alphonse XI, dans La Favorite de Gaetano Donizetti, en compagnie de Juan Diego Flórez et Ludovic Tézier, sous la direction musicale de Roberto Abbado. Si féminine, elle se sent parfaitement à l’aise dans les rôles de travestis qui offrent un large spectre psychologique, elle avoue cependant que durant son enfance, elle était un garçon manqué. Mais sa voix riche et voluptueuse la prédispose aux rôles féminins, et elle compte fermement aborder Amnéris ou Dalila dans le futur, persuadée que les rôles de travestis ne durent qu’un temps et qu’il faut savoir y renoncer lorsqu’on atteint un certain âge.
› I Capuleti
e i Montecchi
Tragedia lirica en 2 actes Vincenzo Bellini Direction musicale
Karel Mark Chichon
Romeo
Elīna Garanča
Giuletta
Aleksandra Kurzak
Capellio
Krišjānis Norvelis
Lorenzo
Nahuel di Pierro
Chœur du Grand Théâtre de Genève Direction Alan Woodbridge
Deutsche Radio Philharmonie Saarbrücken-Kaiserslautern Au Grand Théâtre de Genève 30 novembre 2014
Artiste incontournable, elle travaille avec les plus grands chefs d’orchestre dans toutes les capitales lyriques du monde et est devenue artiste exclusive de la maison de disques Decca.
IN SHORT This exclusive concert performance of Vincenzo Bellini’s bel canto masterpiece, I Capuleti et I Montecchi, is a co-production by the Grand Théâtre and the BadenBaden Festspielhaus.
Soirée unique, certes, mais quelle soirée ! Une occasion rare d’entendre une œuvre relativement méconnue et de se laisser séduire par deux prime donne, capables de faire pâlir les qualificatifs les plus élogieux. Rendez-vous dès à présent à la billetterie du Grand Théâtre. Le 1er décembre, il sera trop tard… Accompagnés de grands talents, vous plongerez dans l’univers du bel canto qui raconte l’histoire des amants éternels de Vérone, un des plus beaux mythes du monde occidental.
© ANDRZEJ SWIETLIK
Avant d’interpréter le rôle d’Octavian au Deutsche Oper de Berlin, elle fera une nouvelle escale à Genève pour interpréter Roméo, sous la baguette de Karel Mark Chichon, son époux, qui nous avait déjà offert un concert mémorable le 30 janvier 2013.
Aleksandra Kurzak est Giuletta La soprano polonaise fait ses débuts à l’opéra de Wrocław en interprétant Suzanne (Le Nozze di Figaro), au côté de sa mère et professeur, Jolanta Zmurko dans le rôle de la Comtesse. Depuis, elle vole de succès en succès, et comme sa partenaire, toutes les grandes scènes internationales se l’arrachent. Jeune, elle rêvait d’être une ballerine. Elle était tombée amoureuse du Lac des cygnes et grandit dans une famille baignée par la musique et l’art lyrique. Sa mère était cantatrice et son père corniste. Elle étudia le violon et fréquenta assidument l’opéra. Elle se souvient de La Traviata, interprétée par sa mère, ainsi que de Faust, lorsqu’elle était petite. Toutes les conditions étaient réunies pour l’éclosion d’un talent exceptionnel qui considère la scène comme un must, et sa mère comme un modèle absolu. Entre 2001 et 2007, elle est membre de la troupe du Staatsoper de Hambourg, où elle chante de nombreux rôles (la Reine de la nuit, Blonde, Marzelline, Susanna, Nanetta, Gilda, etc.). En 2004, elle fait ses débuts au Met, avec le rôle d’Olympia. La même année, elle est invitée au Royal Opera House, pour interpréter le rôle d’Aspasia (Mitridate, Re di Ponto). Depuis, elle retourne régulièrement dans les deux phares de la scène lyrique internationale, où elle interprète de nombreux rôles.
Son dernier CD
Bel Raggio : Rossini Arias
Sinfonia Varsovia Warsaw Chamber Choir DM : Pier Giorgio Morandi Decca, 2013 B009ZOCO8I
Bellini’s opera tells the well-known story of Romeo and Juliet, but not in William Shakespeare’s version. Bellini used an Italian play written in 1818, based directly on a 1530 text by Luigi da Porta. By recycling material from an earlier flop, he was able to finish the commission he had received from Venice’s La Fenice theatre in only six weeks. The gradual extinction of castrati singers meant that the principal male parts had to be sung by contraltos or mezzos and nearly all the singers at La Fenice were women. This explains the opera’s largely female cast and why the heroic and flamboyant part of Romeo became one of the greatest mezzo roles in Romantic opera. When Wagner heard it, he was tempted to drop everything and start composing Italian opera! After her 2012 recital at the Grand Théâtre, Latvian mezzo Elīna Garanča is once again in Geneva to sing Romeo, a role she recently recorded with Anna Netrebko and conductor Fabio Luisi. After a decade of achievements, over 140 performances at the Vienna State Opera and the birth of her second daughter in January 2014, her brilliant career shows no sign of abating. Ms. Garanča was back on stage this last summer with star tenor Juan Diego Flórez at the Salzburg Festival in Donizetti’s La Favorita. Despite admitting to being a bit of a tomboy in her childhood, she attributes her fondness for trouser roles to the wide range of psychologically complex characters they display. Her velvety and intensely feminine voice will serve her well in roles like Amneris or Dalila when she passes the age to perform in male attire. Polish soprano Aleksandra Kurzak is Giulietta to Garanča’s Romeo. Her exceptional talent was nurtured in a family of musicians, her father a horn player and her mother a lyric soprano whom she remembers singing in La Traviata. With recent performances at the Met in New York and London’s Royal Opera House illustrating her skills in the coloratura repertoire, she has been offered an exclusive contract with the Decca recording label and is performing on all major world stages. Two exceptional prima donnas on stage for one night only at the Grand Théâtre, both ready to tell the eternal story of Verona’s starcrossed lovers. Head to the box office now, on December 1st, it will be too late!
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Un saison d’amour, de passion et de folie...
Une bonne recette pour les jeunes
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Sur la scène de Neuve les saisons se suivent sans jamais se ressembler. Ainsi, après avoir traqué les héros wagnériens dont les actions fantastiques ont enthousiasmé les élèves jusqu’aux plus jeunes, le Grand Théâtre, en invitant cette année l’amour sous toutes ses formes, risque de faire un tabac auprès de la jeunesse pour laquelle ont été concoctés, outre un opéra composé à leur intention, de nombreux projets pédagogiques interactifs. Mais avant de surfer sur la saison prochaine, revenons en quelques chiffres sur la précédente.
©OPÉRA DE LAUSANNE / JULIAN CROUCH
par K athereen A bhervé
e bilan très positif des différentes actions pédagogiques menées durant la saison 13-14 a de quoi réjouir tous les participants de ce projet qui depuis près de quinze ans, s’investissent sans compter auprès des élèves, à commencer par le Département de l’instruction publique, de la culture et du sport de la République et du canton de Genève et la Fondation de bienfaisance du Groupe Pictet sans le soutien desquels rien ne pourrait être possible. Leur précieuse et indéfectible aide logistique et financière permet d’inviter gracieusement chaque année depuis 2001 une cinquantaine de classes de la 6ème primaire à la dernière année de l’enseignement postobligatoire des écoles publiques et privées du canton de Genève, à participer à des parcours pédagogiques élaborés pour la plupart des ouvrages lyriques et chorégraphiques de la saison.
Des chiffres qui parlent
Sur la centaine de classes ayant postulé en septembre 2013, 48 d’entre elles ont été retenues pour des activités pédagogiques spécifiques, ce qui représente plus d’un millier d’élèves et une cinquantaine d’enseignants invités, à l’issue d’un travail préparatoire, à la répétition générale de l’un des six spectacles proposés. Ceci a représenté une moyenne de huit classes par spectacle, soit près de 200 élèves et enseignants qu’il faut placer avec art lors des répétitions générales, aux côtés d’un public pas toujours enclin à supporter des élèves dissipés, bavards ou accros à leur portable. Pourtant les enseignants veillent au grain mais cela ne suffit pas toujours à calmer le bruyant et joyeux troupeau et à surveiller les ados réfractaires... Malgré ces problèmes délicats de voisinage, une cinquantaine de jeunes musiciens des Zamis de l’OSR particulièrement bien préparés et attentifs ont également été invités à deux répétitions générales. Mais ce n’est pas tout puisqu’une dizaine d’enfants du personnel de la Banque Pictet ayant participé à un concours se sont joints à cette joyeuse bande, accompagnés de leurs parents. Plus on est de fous, plus on rit...
Plus de 3 500 places ont été réservées pour les représentations scolaires
Des billets à 10 francs
Zoom sur un projet pédagogique particulier
Toutefois les actions du Grand Théâtre en faveur du public jeune, cette année encore ne se sont pas arrêtées aux répétitions générales, puisque fort du succès des quatre années précédentes, la scène de Neuve programmait à nouveau un spectacle conçu à l’intention de la jeunesse. Après Scènes de la vie de bohème, Le Devin du village, La Petite Flûte enchantée et Le Chat botté, Siegfried ou Qui deviendra le seigneur de l’anneau programmé en mars dernier dans le cadre du bicentenaire de la naissance de Wagner, racontait en 90 minutes les aventures héroïques du jeune Siegfried. Outre deux représentations publiques, une représentation scolaire proposait aux élèves des établissements scolaires, des places à 10 francs. 57 classes de l’école primaire et du cycle d’orientation, soit 1142 élèves accompagnés de leurs enseignants, ont répondu à l’appel du jeune héros. Poursuivant ce même élan en faveur des jeunes, le Grand Théâtre, en accord avec le DIP, avait également réservé pour les élèves 300 places à 10 francs pour la plupart des spectacles de la saison. 160 jeunes ont profité de cette offre exceptionnelle.
Sous les meilleurs auspices
Jamais l’intérêt des enseignants pour les offres pédagogiques du Grand Théâtre n’avait pris de telles proportions qu’en cette rentrée scolaire 2014. Les quelque 250 inscriptions reçues en un peu plus d’une semaine, contre une centaine les années précédentes, ont dépassé toutes les attentes et de ce fait, dépassé les capacités d’accueil de la noble institution. Dans une sorte d’euphorie collective,
du Petit Prince de Michaël Levinas qui se tiendront au BFM en janvier 2015.
les enseignants du primaire et du cycle d’orientation ont plébiscité le ballet Casse-Noisette de Tchaïkovski. Les six autres spectacles de la saison n’ont toutefois pas eu de mal à trouver preneurs et à l’issue d’une sélection difficile, 50 classes ont été retenues pour suivre durant la saison 14-15, une préparation soutenue qui permettra aux élèves de s’initier aux arts lyrique et chorégraphique au cours d’ateliers interactifs animés par artistes professionnels. Autant de portes qui s’entrouvriront pour inciter les jeunes à entrer dans les arcanes et la complexité d’un opéra ou d’un ballet et à éprouver, qui sait, du plaisir à entendre un aria ou à regarder un pas de deux. Par ailleurs, l’engouement des enseignants a redoublé pour les deux représentations scolaires du Petit Prince, un spectacle pour enfants du compositeur français Michaël Levinas programmé au Bâtiment des Forces motrices, qui a affiché à guichets fermés en une poignée de jours avec plus de 3500 billets réservés pour une jauge de 2000 places...
Il arrive parfois qu’au cours d’une saison les répétitions générales soient programmées durant les vacances scolaires, empêchant de ce fait leur accès aux élèves. L’opéra folk américain Porgy and Bess de George Gershwin entrant dans ce cas de figure du fait des vacances d’hiver, a amené la direction générale du Grand Théâtre à offrir 150 places à 10 francs aux élèves intéressés par ce spectacle en escale pour une dizaine de jours sur la scène de Neuve. Impossible en effet d’ignorer la venue du Harlem Theater de New York composé de ces chanteurs noirs américains, seuls habilités à interpréter le chef d’œuvre de Gershwin. Priorité a été donnée aux classes anglophones ou de musique du cycle d’orientation et du postobligatire qui seront invitées à participer à un atelier « expérimental » animé par deux chanteurs (Marie-Camille Vaquié et Fabrice Farina), un pianiste (Xavier Dami) et une metteur en scène (Michèle Heimendinger-Cart). Un extrait de cet opéra a été choisi pour être interprété, en la présence de la soprano (Bess, la belle de Catfish Row), du ténor (Sportin’Life, le dealer) et du chœur (les habitants d’un bidonville imaginaire), par les élèves des six classes retenues, afin de les mettre en situation d’une répétition, aux côtés d’artistes professionnels. Cette expérience exceptionnelle qui sera vécue par les élèves au sein du Grand Théâtre leur donnera, outre l’opportunité d’approcher des artistes, la possibilité d’entrevoir en un peu plus de deux heures, les bonheurs, difficultés et les exigences du travail scénique. Peut-être révélera-t-elle des dons cachés et des talents insoupçonnés...
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Pédagogue, chanteur, pianiste, claveciniste, organiste...
What else Mister Woodbridge? par D aniel D ollé
Dans le précédent numéro, nous accompagnions la « petite Chinoise » de nos meilleurs vœux pour sa nouvelle destination, pour sa nouvelle carrière à l’opéra d’Amsterdam. À présent, il convient de saluer l’arrivée d’Alan Woodbridge, le chef de chœur anglais,
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qui nous vient, en voisin, de l’Opéra national de Lyon. reçoit un Grammy Award pour sa participation, en tant qu’organiste et chef des chœurs à l’enregistrement du Doktor Faust de Busoni, sous la direction musicale de Kent Nagano. Plus récemment, il a participé à l’enregistrement de Diva Divo avec Joyce DiDonato, sous la direction de Kazushi Ono, un disque qui a reçu un Diapason d’or. À la tête du chœur de l'opéra de Lyon, il participe également à un autre disque, avec la mezzo étasunienne, Stella di Napoli, paru le 8 septembre 2014. Ce printemps, Aurélie Filippetti, alors ministre de la culture en France, le nomme chevalier dans l'ordre des Arts et des Lettres.
ne preuve supplémentaire, s’il le fallait encore, que le Grand Théâtre est un espace de cosmopolitisme, où des nationalités multiples se croisent et unissent leurs talents, afin de vous séduire et de vous offrir des plaisirs qu’on ne saurait trouver ailleurs. Ici, on ne connaît ni race, ni couleur, ni nationalité, les maître-mots restent talent et passion commune pour l’art, et plus particulièrement pour celui de l’art lyrique et chorégraphique.
Des rêves, des projets, ce passionné d’aviron et de cricket a la tête remplie. Il songe aux chœurs de Parsifal, à celui de Peter Grimes, ou encore à ceux de Der fliegende Holländer, auxquels il a renoncé pour rejoindre le Grand Théâtre et être des nôtres pour une nouvelle saison. Nul doute qu’il parviendra à concrétiser tous ces projets grâce à un enthousiasme hors du commun. Nulle place pour le flegme britannique dans cet homme fait de musique et qui veille au bien-être de chacun des artistes qui lui sont confiés. Il est resté plus de 20 ans à l’opéra de Lyon et a connu trois directions. Espérons qu’il saura rester aussi fidèle à l’institution lyrique genevoise et résistera à l’appel des sirènes, parfois redoutables. Assurément, les augures ne semblent pas s’être fourvoyés lorsqu’ils annonçaient qu’il apporterait un fort tribut à l’écriture de nouvelles aventures du côté de la scène de Neuve. Bienvenue Alan Woodbridge !
À la tête du Chœur depuis le mois d'août, Alan Woodbridge semble avoir déjà les clés du Grand Théâtre en main.
©GTG / AIMERY CHAIGNE
Les privilégiés qui sont venus voir Rigoletto ont pu voir sa grande silhouette et l’applaudir au moment du salut du chœur des hommes. Certains parlent déjà d’une première « sortie bien réussie ». Il reprend le flambeau, mais quel flambeau, afin de rajouter de nouvelles étoiles au firmament choral ! Depuis le début du mois d’août 2014, il hante la salle Dalcroze, la salle où le chœur répète. Avec ses proches collaborateurs, il veille à la bonne préparation de la rentrée des artistes du chœur et de la saison. Rapidement, il a fait sienne la grande dame de la place de Neuve, et les rumeurs vont bon train et assurent qu’il nous réservera de belles surprises. Très vite vous découvrirez qu’il est habité par la passion et que, très jeune, les muses se sont penchées sur son berceau et lui ont appris à aimer le chant, surtout le chant choral. Normal, me direz-vous, lorsqu’on est né à Londres, où la tradition du chant choral connaît un engouement particulier. Le sourire des muses a fait de lui un personnage protéiforme, aux multiples talents, qui ne saurait renier ses origines. Alan Woodbridge commence ses études musicales comme choriste à la cathédrale de Hereford. Ensuite, il entre au Trinity College de l’université de Cambridge et complète sa formation dans le domaine de l’opéra à l’Opera School du Royal College of Music de Londres, où il dirige La Bohème et La Fille du régiment. Il enseigne et devient directeur de l’École de musique de Wells. Au Royal College of Music, il étudie la direction d’orchestre, ainsi que le coaching pour devenir chef de chant, indispensable à toute production lyrique. Parmi ses rencontres marquantes, celle avec Peter Pears, le célèbre ténor britannique, le compagnon et l’inspirateur de Benjamin Britten, avec qui il fonda l’English Opera Group et le Festival d’Aldeburgh. Pears était organiste et membre des BBC Singers. Rapidement, Alan Woodbridge devient un personnage incontournable du paysage lyrique et choral du Royaume-Uni, mais sa réputation ne tardera pas à franchir les frontières. Chef de chant à l’English National Opera (ENO) et à l’Opera North de Leeds, il enregistre des œuvres pour la BBC et rencontre Mark Elder qui fit ses grands débuts internationaux en dirigeant Salome à l’ENO. Pédagogue, chanteur, pianiste, claveciniste, organiste… What else Mister Woodbridge? Excusez du peu… Pas étonnant alors que Kent Nagano, directeur musical de l’Opéra national de Lyon, l’invite en tant que chef de chant, à partir de 1993. En 1995, il devient le chef des chœurs de Lyon et participe à la transformation, à l’évolution et à la modernisation du chœur. Rapidement, il parvient à le hisser au rang des meilleurs grâce à un travail qui conduit à une musicalité exemplaire et à des prestations de haut niveau. La reconnaissance et les éloges ne tardent pas à arriver. Sa modestie dut-elle en souffrir… Il
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Guennadi et
La Fondation Neva
©DR
Elena Timtchenko.
Un engagement familial Une interview d’ E lena T imtchenko
La Fondation Neva est un partenaire de production de nos saisons depuis 2010. Sa présidente Elena Timtchenko nous parle de son engagement de mécène avec son époux. Quelques spectacles du Grand Théâtre soutenus par la Fondation Neva 2011 L’Amour des trois oranges Opéra de Sergueï Prokofiev 2012 Anna Karenina Ballet de Rodion Chtchedrine avec le Ballet et l'Orchestre du Théâtre Mariinski dirigé par Valery Gergiev 2013 Le Chat botté Conte lyrique de César Cui Récital de l’Académie des jeunes chanteurs du Théâtre Mariinski
Elena Timtchenko La mission que nous nous étions fixée lors de la création de la fondation en 2008 – favoriser les échanges culturels, sportifs et scientifiques entre la Russie et la Suisse – a trouvé un véritable écho auprès de nombreuses institutions dans la région et auprès du public romand avant tout. Nous avons vu les projets et les partenariats se multiplier au fil du temps et avons soutenu de nombreuses initiatives. À titre personnel, la fondation m’a permis de rencontrer des gens de grande valeur et de nouer de belles amitiés.
ET En effet, il y a plus de 20 ans que mon époux et moi-même sommes engagés dans des projets caritatifs en Russie. Il y a quelques années, nous avons souhaité donner une structure professionnelle à nos actions et pour ce faire nous avons créé deux fondations en Russie, en plus de la Fondation Neva à Genève. Récemment, toutes nos activités philanthropiques ont été regroupées en une seule structure : la Fondation Elena et Guennadi Timtchenko. Nous souhaitions avoir une meilleure vue d’ensemble sur nos projets et profiter des synergies entre nos équipes. Cependant, la Fondation Neva garde toute son indépendance et ses relations privilégiées avec ses partenaires locaux. Comme la Fondation Neva, la Fondation Timtchenko est organisée par pôles thématiques : la culture, le sport, et le social, avec d’un côté les personnes âgées et de l’autre la famille et l’enfance. Cette organisation nous permet de créer de nouvelles passerelles entre les projets et les régions.
AO Comment la fondation a-t-elle évolué ? ET En termes d’organisation, notre fondation s’est adaptée afin de développer un plus grand nombre de projets. Nous restons néanmoins une toute petite structure familiale. Ceci est notre souhait et nous permet d’être impliqués pleinement dans chacun des projets dans lesquels nous nous engageons. Nous privilégions la qualité à la quantité. La principale évolution de ces deux dernières années est que nous initions désormais nos propres projets afin de réaliser pleinement la mission que nous nous sommes fixée. À l’origine, notre action consistait essentiellement à soutenir des institutions en leur permettant d’accueillir des artistes ou sportifs russes ou en mettant en place des échanges scientifiques. Cette évolution est complémentaire avec nos activités de soutien à des projets extérieurs. Le festival Kino a vu le jour de cette manière en 2013. Nous menons d’autres initiatives, en particulier dans le domaine des échecs, un sport qui nous est cher. Occasionnellement, nos activités s’étendent également à la France.
AO Quels sont les principaux projets à venir de la fondation ? ET Le mois d’octobre sera riche, avec tout d’abord l’opéra Eugène Onéguine de Tchaïkovski présenté au Grand Théâtre de Genève. Et puis bien sûr, la deuxième édition du festival Kino Festival des Films de Russie et d’ailleurs qui ouvrira ses portes le 10 octobre prochain. Nous y attendons de nombreux artistes et espérons que le public romand viendra nombreux. D’autres très beaux projets suivront au cours de l’automne mais je ne souhaite pas en parler trop tôt ! ©GTG / YUNUS DURUKAN /BALLET DU KREMLIN / ALEXANDER GOULIAEV / KEN HOWARD
2014 Les Saisons Russes du XXIème siècle 3 ballets de Michel Fokine par les solistes du Bolchoï et du Théâtre Stanislavski et le corps de ballet et les solistes du Ballet du Kremlin
AO Votre engagement philanthropique remonte à bien avant votre arrivée en Suisse. Pouvez-vous nous en dire plus sur vos fondations familiales ?
ACT-O La Fondation Neva existe depuis maintenant six ans. Estimez-vous qu’elle a trouvé sa place dans le paysage romand ?
2014 marque le bicentenaire des relations diplomatiques entre la Suisse et la Russie, est-ce que la Fondation Neva participe à ces célébrations ? ET Nous avons effectivement soutenu une manifestation sportive en présence de représentants officiels. Cependant, notre vocation est d’honorer et de stimuler tout au long de l’année ces relations entre nos deux cultures. www.neva-fondation.org www.timchenkofoundation.org/en/
(de haut en bas et de gauche à droite)
L'Amour des trois oranges, Shéhérazade pour les Saisons Russes du XXIème siècle, Le Chat botté, Anna Karenina et enfin Eugène Onéguine en octobre 2014.
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Chère Gisèle
Savoir-vivre au Grand Théâtre Une chronique de G isèle
de
N euve illustrée par B ienassis
Gisèle de Neuve a souvent trop chaud au Grand Théâtre. Elle reconnaît qu’un après-midi de soleil sur « sa » place et la présence en salle de 1 500 êtres humains peut rendre une soirée à l’opéra plus éprouvante qu’un sauna finlandais. Citoyenne consciente de « Genève ville propre, verte et durable », Gisèle supporte avec héroïsme l’absence de climatisation, troque son twin-set pour un chemisier de popeline et se munit d’un éventail fort compact qu’elle active avec brio et en silence. C’est ainsi que nul désagrément, petit ou grand, qui fait transpirer notre Cher Public ne lui est indifférent. Chère Gisèle, que nous dit votre courrier ?
« Zitti, zitti, piano, piano, non facciamo confusione » Chère Gisèle, Venue au Grand Théâtre pour assister à l’événement exceptionnel que constitue une nouvelle production du dernier bijou de Catalani, mon plaisir d’auditrice d’amphithéâtre a été gâché par une conversation ininterrompue, dans la rangée derrière moi, d’un homme et une femme dont les propos étaient certes sotto voce mais pas assez pour que je ne doive pas faire un réel effort pour ne PAS les entendre. Risquant un méchant torticolis, je me retournais vers eux le doigt sur les lèvres et le regard suppliant. En vain ! Ils étaient penchés l’une à l’oreille de l’autre pour ne pas perdre un mot de leur conversation. À l’entracte, nous avons été plusieurs à leur demander d’arrêter de parler. La dame s’est alors indignée en disant « Nous ne parlions pas, nous partagions nos émotions. Dans notre pays, c’est tout à fait normal de faire cela à l’opéra. » Dites-moi, chère Gisèle, devons-nous sacrifier le plaisir d’une écoute de qualité au nom d’une prétendue exception culturelle ? Die Schweigsame Frau Très chère – et silencieuse – Femme, Ah, les perroquets à l’opéra… Votre opéra éponyme, l’un des derniers bijoux lyriques de Richard Strauss, n’en fait-il pas jacasser un sur scène – et sans musique ! – pour rappeler à quel point les conversations oiseuses peuvent être soûlantes ? Au temps où les salles d’opéra étaient différemment configurées, dans l’intimité d’une loge, on pouvait, telle Cécile de Volanges sur le sein de Madame de Merteuil, se livrer à toutes les confidences du monde sans déranger la représentation. On chuchote même que des entretiens bien plus lestes, voire bruyants, pouvaient même y avoir lieu et c’est l’une des explications historiques du fameux crescendo rossinien. Au Grand Théâtre, les loges du balcon et de la galerie sont suffisamment en retrait et discrètes pour qu’on puisse y confesser ses émotions sans trop perturber le voisinage. Elles sont aussi mises en location individuellement pour les abonnés et l’on n’y dérangera que les personnes qu’on y invite. Invoquer les émotions à fleur de peau et l’âme expansive d’autres nations, ou alors le déclin de la culture de l’attention au profit du chatter, du TDAH et du scoop, c’est bien beau, mais il y a un prix à payer pour le droit au bavardage à l’opéra. Qu’on se le dise. Et avant les premières notes de l’ouverture, s’il vous plaît. Votre dévouée, Gisèle de Neuve
« Was? Ihr wollt klopfen, und ich soll singen? » Chère Gisèle, Les récitals du Grand Théâtre offrent au mélomane en herbe que je suis l’occasion d’entendre de (très) grandes voix sans casser ma tirelire pour un voyage lyrique vers New York ou Baden-Baden. Mais il y a une chose qui m’échappe encore et que vous pourriez peut-être m’expliquer : le moment juste et la manière d’applaudir en salle, AVANT les applaudissements finaux. On applaudit parfois plusieurs fois avant l’entracte, ce qui me laisse souvent dans la confusion. Je ne veux pas avoir l’air ridicule ! Chère Gisèle, au secours ! Il Finto Semplice Cher Finto, Généralement, en concert ou en récital, il est d’usage de ne pas applaudir avant la fin d’une œuvre entière, afin de ne pas briser sa progression et ses contrastes. En récital, cela veut dire attendre la fin d’un cycle de lieds ou d’un groupe de mélodies du même compositeur, même si les interprètes s’interrompent, voire se réaccordent. Osez applaudir pendant un cycle de lieds, comme Winterreise ou Schwanengesang que nous entendrons chanté cette saison par Michael Volle, et allez vous sentir très seul et très détesté. Deux conseils précieux : d’abord, procurezvous les excellents programmes de salle de récital que publie le Grand Théâtre à un prix très modique. Les groupes de mélodies y sont indiqués par l’en-tête au nom du compositeur ; quand vous arrivez à la fin, applaudissez. Ensuite, n’applaudissez jamais pendant la musique. Même dans votre enthousiasme juvénile, ne vous précipitez pas. Il se pourrait que l’interruption que vous croyez être la fin ne soit qu’une longue pause dans le morceau. Le comble du mauvais goût est d’applaudir juste sur la dernière note, pour montrer à la salle que vous connaissez l’œuvre : c’est d’une grossièreté indicible. Votre dévouée, Gisèle de Neuve
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Le renouvellement du public lyrique, désespoir ou espoir ?
Cardiff : Guillaume Tell fait mouche !
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e 20 septembre dernier, la nouvelle production de Guillaume Tell signée David Pountney a conquis le public du Welsh National Opera de Cardiff. Coproduite par le Teatr Wielki de Varsovie et le Grand Théâtre de Genève, la nouvelle production de l’ancien intendant du Festival de Bregenz et désormais directeur de la fameuse maison d’opéra galloise, fait honneur au dernier opéra de Rossini, un joyau du bel canto que l’on a que très rarement l’occasion de voir représenté sur les scènes lyriques. Cette version rossinienne du mythe fondateur helvétique revue par ce metteur en scène anglais à la brillante carrière s’annonce d’ores et déjà comme l’un des temps forts de la saison 15-16 !
par C amille B ontempo
Camille Bontempo, 29 ans, commence sa deuxième saison de bénévolat à la délégation culturelle Labo-M. Musicienne, compositrice, artiste indépendante, issue d’une famille où les goûts ACT-O un court état des lieux de sa perception du rapport qu’ont les jeunes adultes avec le spectacle lyrique et un plaidoyer, expliquant son parti-pris pour une forme de spectacle
©WNO / RICHARD-HUBERT SMITH
lyriques ne sont pas partagés par tout le monde, elle livre à
qui intéresse assez peu sa génération.
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« Pasionaria » d'un combat pour la reconnaissance auprès d'un plus large public du Ballet du Grand Théâtre, Naline Nolf a fondé l'association Au Cœur du Ballet du Grand Théâtre.
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troupe des vingt-deux danseurs. Ces derniers connaissent maintenant très bien cette fine silhouette rieuse qui vient sagement et régulièrement assister aux premières répétitions et qui échange de nombreux instants passionnés avec chacun d’eux.
C’est lors d’une des conférences donnée par le directeur du Ballet Philippe Cohen et du chorégraphe Andonis Foniadakis pour la création de son ballet au Grand Théâtre Glory que la magie s’opère. Sous l’impulsion du responsable de la billetterie de l’époque, Jean-Pascal Cottalorda, luimême ancien danseur, une discussion s’engage sur l’idée d’accompagner le ballet et ses nombreux passionnés. Naline Nolf se rappelle encore combien lui manquait ce manque d’informations au quotidien sur la
L’association existe depuis plus d’un an et suit le Ballet du Grand Théâtre au quotidien. Elle met en valeur toute son excellence et se charge de le faire connaître à un plus large public. Les adhérents profitent d’avantages exceptionnels : ils ont l’opportunité d’assister à des répétitions, de rencontrer les chorégraphes, les danseurs et le directeur du Ballet et également d’accompagner la troupe lors de certains déplacements à l’étranger. Tout au long de la saison sont proposés des évènements festifs, la découverte des différents métiers liés au théâtre ainsi que la visite de ses bâtiments. Naline Nolf peut alors enfin partager et reprendre pour elle la devise de la saison 14-15, « Mon ballet, mon amour ». www.aucoeurduballet.ch
ans ses plus lointains souvenirs, Naline Nolf a le sentiment d’avoir toujours été habitée par une profonde passion pour la danse. Ne manquant jamais une représentation de sa troupe de ballet favorite, cette Genevoise, mère de quatre enfants ne se doutait pas qu’à la fin du printemps 2012, cet engouement allait enfin se concrétiser sous la forme de l’association Au Cœur du Ballet du Grand Théâtre de Genève .
De tels plongeons au cœur de la création ne sont pas donnés à tous les publics ! Et pour la toute première fois, en mai 2014, nous avons eu le plaisir d’un Liederabend, expérience unique et totalement privilégiée, réservée aux adhérents de Labo-M et leurs invités. Soirée musicale entre bel canto et Kurt Weill, se terminant autour du clavier ouvert, avec des improvisations amateur aux accents jazzy et latins. N’en déplaise aux puristes lyriques, la jeunesse aime les mélanges ! Sachez chers amis jeunes adultes et abonnés que pour nous rejoindre il n’est jamais trop tard, et en attendant de vous rencontrer à nos génialissimes sorties Labo-M, nous vous attendons à notre Espace du même nom à tous les entractes des spectacles se déroulant au Grand Théâtre, pour des discussions conviviales et quelques rafraîchissements. Notre petit village d’irréductibles amateurs lyriques résistera encore et toujours à l’envahisseur... après tout, la danse et l’opéra font bien office de potion magique !
©DR
culturels par le jeune public. Mais à Genève, la culture est-elle si financièrement inaccessible ? Pas tant que cela. Le Grand Théâtre fait bien entendu de gros efforts pour rendre ses places accessibles aux jeunes avec des tarifs préférentiels et des formules d’abonnement tout spécialement destinés aux jeunes adultes désireux d’explorer en douceur le monde lyrique. Et puis il y a nous, Labo-M, le club des jeunes abonnés entre 18 et 30 ans, supervisé par notre groupe de délégués culturels, qui reste grandement motivé et désireux de choyer les abonnés aux cheveux encore bien loin d’être gris! Grande visite Labo-M du Grand Théâtre de fond en comble, rencontres avec chorégraphes, metteurs en scène, chanteurs, chefs d’orchestre, mécènes…
Le Barbiere genevois à Bastille
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a nouvelle saison lyrique de l’Opéra national de Paris, désormais entre les mains de Stéphane Lissner, a débuté avec deux des plus fameux opéras transalpins : La Traviata et Il Barbiere di Siviglia. Certains lyricophiles avertis auront peut-être déjà remarqué que la production du chef d’œuvre de Rossini n’est autre que celle que le metteur en scène italien Damiano Michieletto avait créée au Grand Théâtre de Genève. Quelle belle surprise de voir revivre dans l’imposant Opéra Bastille ce très beau spectacle et ce fameux décor, reproduisant un immeuble d’une Séville contemporaine inspirée du cinéma d’Almodóvar, qui plurent tant au public genevois !
©GTG / VINCENT LEPRESLE
L’étude parue en 2009 « Les pratiques culturelles en Suisse » menée par l’Office fédéral de la statistique (OFS) à Neuchâtel nous amène un début de réponse. La musique classique est le deuxième style de musique le plus écouté en Suisse. Mais il est aussi intéressant de noter que ce sont les personnes de 60 ans et plus qui pèsent dans la balance pour ce résultat. 40% d’entre eux la placent en premier choix, contre 21% chez les 45-59 ans, seulement 10% chez les 30-44 ans et un minuscule 3% chez les 15-29 ans. L’étude établit une corrélation forte entre le niveau de formation et l’appréciation de la musique classique, ce qui ne surprendra personne. Nous sommes néanmoins en droit de nous poser cette question : les goûts musicaux changent-ils avec l’âge, ou courons-nous vers un déclin brutal et catastrophique? L’étude n’y répond pas. Je serais plutôt d’avis qu’il s’agit là d’un phénomène de société à considérer dans un contexte historique particulier : le changement des supports et des habitudes musicales. Bien entendu, les comportements et pratiques culturelles diffèrent selon les pays. À Paris, j’observe qu’il est plus courant pour les gens de 18 à 30 ans d’aller occasionnellement à l’opéra, comme on sortirait voir un feu d’artifice. À Vienne, il existe des places debout pour 6€, une aubaine pour les curieux qui n’auraient jamais osé mettre les pieds à l’opéra. L’étude de l’OFS affirme que le prix des places pèse beaucoup dans la balance pour la fréquentation des événements
Mon Ballet, mon amour !
©ATAHĀNA AN'BERT
e vieillissement de la population du public lyrique, c’est un peu comme le réchauffement climatique, il existe de nombreuses théories sur le sujet, et nombreux sont les gens qui soutiennent mordicus qu’il n’existe pas. Une chose est sûre, ceux qui refusent d’y songer, seront un jour forcés de se poser des questions. À l’instar des entreprises qui refusaient jadis l’informatique et qui se prirent de plein fouet le revers de bâton de leur obstination, l’art lyrique est-il condamné à rejoindre la machine à écrire et les cartes perforées dans la catégorie des choses désuètes et surannées? Quel avenir pour l’opéra, à l’ère du MP3, d’Internet, à l’heure où les gens préfèrent se ruiner pour un show de musique pop où l’abus de décibels oblige à porter des protections auditives plutôt que d’aller au théâtre ? Dans les hautes écoles de musique de Suisse, on se pose la question, c’est un sujet d’étude, et pour sûr, chez les jeunes musiciens comme moi, un sujet de préoccupation.
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