ACT-O N° 23

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N° 23

| Mai - juin - juillet 2015

NEW With English Content

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Le journal du Cercle du Grand Théâtre et du Grand Théâtre de Genève

FIDELIO

Hymne à l'amour et à la liberté « SALUE POUR MOI LE MONDE ! »

Joëlle Bouvier réveille le mythe de Tristan et Iseult SAISON 15-16

De cour à jardin, une saison d'une rive à l'autre

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M A N U FAC T U R E D ’ É T E R N I T É D E PU IS 1 755 260 ans d’histoire ininterrompue reflètent la transmission de notre savoir-faire horloger.

PAT R I M O N Y Q UA N T I È M E P E R P É T U E L

Boutiques Vacheron Constantin à Genève Quai de l’Île 7 - Tél. 022 316 17 20 • Place de Longemalle 1 - Tél. 022 316 17 40

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Alors... oui, mon amour, mon opéra ! Dernière déclinaison de notre devise de saison

4 Fidelio

Un opéra à part Bientôt le rideau tombera sur une saison avec Fidelio et auparavant « Salue pour moi le monde ! », un défi audacieux à partager avec le ballet du Grand Théâtre qui évoque un couple mythique, sur des musiques de Richard Wagner et sous la houlette de Joëlle Bouvier qu’on ne présente plus à Genève où elle avait signé la chorégraphie de Roméo et Juliette. Les succès se sont enchaînés et beaucoup d’entre vous ont plébiscité nos productions. À présent, certains de nos spectacles, grâce au soutien de généreux mécènes, sont visibles en streaming sur différents médias et font l’objet de fréquentes connexions. Tout cela n’est possible que grâce à votre fidélité et votre soutien. Qu’il nous soit permis de vous exprimer notre plus vive et sincère reconnaissance, tout comme à nos équipes qui, sans relâche, relèvent de nouveaux défis et réa-

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« Salue pour moi le monde ! »

Amour, trahison & pardon

lisent de nouveaux projets pour aller au-delà du réel.

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La nouvelle campagne d’abonnement est lancée. Si chaque nouvelle saison constitue une nouvelle aventure, c’est à une aventure peu commune que nous vous convions cette fois-ci. Une

Saison 15-16

D’une rive à l’autre

saison qui se déroulera d’une rive à l’autre. Lorsque nous quitterons la place de Neuve, nous vous donnerons rendez-vous à l’Opéra des Nations, une structure éphémère, à découvrir absolument, sise à proximité des institutions internationales et qui nous accueillera vingt-quatre mois. L’aventure fait peur parfois. Elle nous contraint à changer nos habitudes. Mais que serait une vie sans aventure ? Une lente descente vers la routine, vers la sclérose et la mort ? Depuis des horizons lointains, on scrute ce défi et on nous envie. Mais vous, vous aurez l’occasion d’être au cœur de cette fantastique aventure, née de synergies et de passions communes. Nous vous convions à une saison où la littérature et le théâtre auront la part belle. Rien de plus normal pour un théâtre shakespearien et une structure née pour les besoins de la ComédieFrançaise. Cocteau, Molière, Schiller, Shakespeare et Virgile seront des nôtres, sans oublier

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l’univers féerique de Casse-Noisette, de La Flûte enchantée ou d’Alcina.

Ne soyez pas dubitatifs, laissez vos hésitations et venez retrouver votre fauteuil sur la rive droite dans un lieu qui souhaite vous plaire. Vous hésitez encore, soyez rassurés nous ferons tout notre possible pour rendre votre voyage au Parc Eugène-Rigot agréable et rapide. Il serait dommage que nous ne puissions pas partager cette exceptionnelle aventure. Belle saison estivale et rendez-vous sur les deux rives !

Tobias Richter

Directeur général

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Liederabend Labo-M

La troupe s’en va chantant

11, bd du Théâtre - CP 5126 - CH-1211 Genève 11 T +41 22 322 50 00 F +41 22 322 50 01 grandtheatre@geneveopera.ch www.geneveopera.ch

L’Opéra des Nations

Directeur de la publication Tobias Richter Responsable éditorial Mathieu Poncet Responsable graphique & artistique Aimery Chaigne Ont collaboré à ce numéro Kathereen Abhervé, Bienassis, Daniel Dollé, Sandra Gonzalez, Jean-Michel Lejeune, Wladislas Marian, Gisèle de Neuve, Benoît Payn, Christopher Park, Mathieu Poncet, André Tubeuf. Impression SRO-Kundig Genève

Un opéra côté jardin La couverture

Photo librement réalisée

autour du personnage de Leonore pour l’opéra Fidelio. Photo : Nicolas Schopfer Direction artistique : Aimery Chaigne Mannequin : Audrey-Anne Denis Maquillage : Anaïs Vigliano

Parution 4 éditions par année ; achevé d’imprimer en mai 2015. 6 000 exemplaires Il a été tiré 47  000 exemplaires de ce numéro encartés dans le quotidien Le Temps.

Prochainement

Offre Privilèges Abonnés

Ernani 31/08/2015 Anna Caterina Antonacci 6/09/2015 Guillaume Tell 11 > 21/09/2015 La Belle Hélène/ Les Troyens 14 > 25/10/2015 Opéra de Pékin 31/10 > 1/11/2015

15 % de réduction

Dans le n°24

sur l’achat de places au Grand Théâtre de Genève en catégories A, B, C pour les opéras, ballets et récitals. (Hors tarif jeune

et hors spectacles invités) Pour bénéficier de cette offre, rendez-vous sur www.letemps.ch/offres ou envoyer un courriel à . | privileges@letemps.ch ACT­­- O 23

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MERCI À TOUS LES ABONNÉS DU GRAND THÉÂTRE QUI ONT UTILISÉ

Abonnés au Grand Théâtre ? Les transports publics vous sont offerts deux heures avant et deux heures après votre spectacle. Arrêt Théâtre : 2,19 Arrêt Place de Neuve :

www.unireso.com 2 . ACT­­- O | 23

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Crédits photos : HultonArchives, ilbusca, sitox, soberve/iStockphoto.com

LES TRANSPORTS PUBLICS CETTE SAISON


« Il devait avoir, pensaitelle, un intarissable amour, pour en déverser sur la foule à si larges effluves… Elle eut envie de courir dans ses bras pour se réfugier en sa force, comme dans l’incarnation de l’amour même, et de lui dire, de s’écrier : “Enlève-moi, emmènemoi, partons ! À toi, à toi ! Toutes mes ardeurs et tous mes rêves ! ”. »

llustration pour Madame Bovary de Gustave Flaubert Umberto Brunelleschi, 1953 Collection privée Sérigraphie

Emma Bovary écoutant l’interprète de Lucia di Lammermoor de Donizetti dans le roman de Flaubert

Alors… oui, mon amour, mon opéra !

ui, l’opéra (et oh combien l’opéra romantique !) est bien de l’Amour l’un des modes privilégiés de représentation, et, si on le pense comme totalité, l’une de ses métaphores les plus évidentes. Et sans doute, les amoureux d’opéra la vivent-ils comme telle, cette vérité-là. L’amour et l’opéra – le sentiment amoureux, sa complexité, sa violence (Don Giovanni de Mozart) et sa déraison fiévreuse (Tosca de Puccini) – oui, ces deux-là sont intrinsèquement liés. On va bien à l’opéra pour entendre parler (chanter) d’amour. Le personnage amoureux est une gigantesque personnification du sentiment qu’il exprime (l’opéra baroque ne compte-t-il pas Amour et Cupidon parmi ses personnages ?), au point d’en être parfois la figure. Quelque-chose de la démesure, de la transcendance du sentiment amoureux, s’avère de l’opéra fondateur, sinon essentiel. Oui, à l’opéra, texte et musique –  enlacés l’un dans l’autre, discours littéraire et discours musical constituant un langage propre à l’opéra, chacun prenant de l’autre son sens, chacun, attentivement, portant pour autant qu’il le puisse les enjeux de l’autre  – nous parlent ensemble d’amour, en sont dans leur relation à la fois joueuse et fusionnelle une autre métaphore, et se donnent en spectacle. Le spectacle de l’opéra, la vocalité décuplée en son centre, transcende l’expression du sentiment et en modifie en quelque sorte le régime. L’orchestre, la voix, la scène, le drame – chacun à sa place, dans sa fonction – expriment ensemble, en une sorte d’appareil d’envoûtement, l’immensité de l’amour, son éternité, sa totalité et lui donnent une dimension, mythique, qui vient parfois – c’est l’une des fonctions de l’opéra – dépasser la réalité du sentiment tel qu’il existe dans la vie. Madame Bovary qui écoute Lucia di Lammermoor de Donizetti à Rouen parle au chapitre XV du roman de mensonge.   Nous vient alors l’idée que si l’opéra exprime, et peut-être même plus pleinement que d’autres arts, l’amour, et de l’amour à l’opéra nous disons qu’il transcende la réalité du sentiment pour en exprimer la dimension universelle et mythique au-delà de l’individu… Nous vient alors l’idée que l’opéra contribuerait peut-être un peu à « inventer » l’amour, à inventer de l’amour cette dimension universelle, et que

cette dimension universelle marque sans doute les amours que nous connaissons dans nos vies.  L’opéra, l’amour chanté, viendrait alors, c’est ce que nous proposons, non pas bien évidemment inventer l’amour (qui n’a pas besoin de cela !) mais tout au moins modeler nos amours, donner à l’amour un horizon auquel il n’est pas certain que nous soyons dans la réalité de nos sentiments si étrangers (Flaubert parlant d’Emma Bovary : « La voix de la chanteuse ne lui semblait être que le retentissement de sa conscience, et cette illusion qui la charmait quelque chose même de sa vie »). L’impact de la représentation est tel qu’il arrive au spectateur de tomber amoureux du personnage incarné, et parfois même, au-delà du personnage qu’il incarne, de l’interprète lui-même. À nouveau chez Flaubert (auteur n’est-ce pas d’une certaine Éducation sentimentale), Madame Bovary en parlant de l’interprète : « Il devait avoir, pensaitelle, un intarissable amour, pour en déverser sur la foule à si larges effluves… Elle eut envie de courir dans ses bras pour se réfugier en sa force, comme dans l’incarnation de l’amour même, et de lui dire, de s’écrier : “Enlève-moi, emmène-moi, partons ! À toi, à toi ! Toutes mes ardeurs et tous mes rêves ! ”. » Bien évidemment, la situation semble paradoxale. La dimension spectaculaire de l’amour tel qu’il s’exprime à l’opéra, au théâtre, en public, dans nos maisons d’opéra au centre de nos villes… et qui repose sur un artifice parfois considérable – la machinerie, la lumière, le costume du personnage maquillé, les formes élaborées du texte et de la musique, l’archétype – viendrait alors contribuer à inventer l’amour, à augmenter l’amour, celui que nous vivons dans nos vies, différent dans son essence et sa force pour chacun, alors qu’est adossé au sentiment amoureux le sentiment que se sentir aimer, se sentir aimé, n’appartiendrait qu’à nous, ne serait que de l’ordre de l’individu, emporterait notre avenir, le nôtre.

Dernier invité de

Le spectacle de l’amour joué et chanté contribue à enrichir l’Amour du sentiment de son universalité et à enrichir sa dimension imaginaire. Le sentiment amoureux, alchimique association du sentiment individuel et de l’imaginaire collectif, indissociables, n’y gagne-t-il pas un peu de sa dimension… à l’opéra ?

* Jean-Michel Lejeune, musicien, fondateur et directeur du festival Why Note, directeur artistique de l’Ircam, directeur du Théâtre d’Arras – scène conventionnée musique, fondateur du festival Format-Raisins et directeur artistique du Prieuré – Cité du Mot – Centre culturel de La Charité-sur-Loire.

notre rubrique « Mon opéra, mon amour », JeanMichel Lejeune* nous livre une réflexion inspirée de notre devise de saison.

© DR

O

par J ean -M ichel L ejeune *

Alors… oui, mon opéra, mon amour …. oui, mon amour, mon opéra ! ■

ACT­­- O | 23 . 3


Un opéra Musicologue et critique, André Tubeuf est l’une des plumes les plus

respectées du paysage musical francophone. ACT-O lui a donc proposé de se pencher sur l’œuvre à propos de laquelle Beethoven aurait dit : « De tous mes enfants, c’est bien celui-là qui m’a donné le plus de tracas. »

4 . ACT­­- O | 23


à part

› Fidelio Opéra en 2 actes

Ludwig van Beethoven Direction musicale

Pinchas Steinberg

Mise en scène

Matthias Hartmann

Décors

Raimund Orfeo Voigt Costumes Tina Kloempken Lumières Tamás Bányai Don Fernando

Günes Gürle

par A ndré T ubeuf

Don Pizarro

Detlef Roth

Florestan

Christian Elsner

Leonore

Elena Pankratova

Rocco

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Et combien plus, évidemment, à l’opéra ! Ici, par force, il faut être agréé ; donc se faire agréable ; plaire. Et plaire à l’instant même. Demain, grâce d’ailleurs à Beethoven, on acceptera qu’une œuvre ambitieuse soit en avance sur son temps, que le temps lui donne raison. Mais autour de 1800, un opéra est fait pour plaire aujourd’hui même, et disparaître demain. Or qu’est Beethoven, aujourd’hui ? Vienne l’a connu éblouissant pianiste improvisateur. Son œuvre propre, originale, sonates, quatuors, il n’y a guère que les princes et archiducs, ses dédicataires qui puissent en savoir et apprécier le relief puissant, singulier, et toujours dérangeant. Il est assez connu (sinon populaire et public) pour qu’on soit curieux d’un opéra de lui. Mais quel entrepreneur de spectacles assemblerait ce qu’il faut de moyens (matériels et humains), avancerait les frais d’un opéra pour Beethoven ? Pour ce génie bougon, bourru, facilement mufle, qui ne s’arrange de rien, mais prétend que tout plie à sa lubie ? D’ailleurs que fera-t’il des conventions de l’opéra, qui sont autant de servitudes ? De ces chœurs situés dramatiquement (dans l’action) et physiquement (sur la scène) comme ils peuvent ; de ces numéros musicaux (vocaux) censés dire la vérité (celle des situations, celle des cœurs), et qui ne produisent que du semblant ? Tout cela est obstacle. Et Beethoven, pour les beaux yeux du public d’opéra, se plierait ?

1er Prisonnier

José Pazos

2ème Prisonnier

Romaric Braun

Chœur du Grand Théâtre de Genève Direction Alan Woodbridge

Orchestre de la Suisse Romande Au Grand Théâtre de Genève du 10 au 25 juin 2015

Une œuvre révolutionnaire

© GTG

© GTG / NICOLAS SCHOPFER / DA : AIMERY CHAIGNE

idelio n’est pas l’opéra préféré de ceux qui aiment l’opéra. Fidelio est l’opéra préféré de ceux qui n’aiment pas particulièrement l’opéra ; le seul à vrai dire qu’ils acceptent, avec aussi les drames symphoniques de Wagner, qu’il serait très impropre d’appeler des opéras. Est-ce à cause de l’orchestre, supposé plus intéressant que chez Verdi ou Puccini, au motif sans doute que Beethoven, lui, a fait des symphonies, et plus intéressant en tout cas que les voix, ici privées de ces prouesses d’opéra qui ne sont que pour le plaisir du chant ? Est-ce à cause des idées, très explicites, porteuses d’idéal humain (d’idéologie jamais, comme chez Wagner) ? Elles mettent Fidelio de toute façon plus haut, intellectuellement et moralement, qu’Aida et même Die Zauberflöte. Opéra maladroitement vocal, qui n’a pas en vue le plaisir de l’auditeur, mais son élévation plutôt : c’est assez pour mettre Fidelio à part entre tous opéras. Remontons d’un cran, du côté des causes. Comme Beethoven est isolé entre tous musiciens, ainsi Fidelio est isolé chez Beethoven. Pardon pour la lapalissade : étant son unique opéra, Fidelio y est forcément à part. Mais la singularité est plus profonde. Expliquons-nous. Toute l’énergie de Beethoven est toujours allée à ignorer ou balayer tout ce qui est objet donc obstacle (pour lui c’était le même mot, Gegenstand), le plier à ses exigences, en transgresser tout ce qui fait limite : les formes, les règles, les archets des violonistes, les touches de son piano, les gosiers des chanteurs –  sans oublier les oreilles du public. Face au piano, Beethoven est aussi autonome qu’on peut l’être. À la fois compositeur et exécutant, à lui de concevoir, et de se faire obéir : du piano, et de ses propres doigts. En quatuor c’est relativement simple : ses commanditaires ont payé, et n’ont qu’à le comprendre ; ses instrumentistes sont payés, à eux de se débrouiller pour l’exécuter. C’est à eux qu’il criera son célèbre : « Que me font vos maudits archets ? » La sonate pour piano, le quatuor à cordes, il les a pris tels que Mozart et Haydn les lui ont laissés. Tout son acte sera d’en faire du Beethoven pur. Et très vite : la Waldstein est de 1804, les quatuors Razoumovski de 1806. La symphonie lui pose d’autres problèmes, il n’y arrivera pleinement qu’en toute fin, avec sa Neuvième. Elle demande plus de moyens, plus de personnes, il faut bien que Beethoven s’y arrange des conditions d’exécution collectives et publiques, que les violons y jouent ensemble, et pas les uns contre les autres, dans la stridence, l’affrontement, l’effort. Plus question de crier « Que me font vos maudits archets ? » Il faut penser selon l’ensemble, harmoniser, pas les notes entre elles, mais les exécutants ; renoncer à l’autonomie, l’orgueilleuse suffisance à soi (et indifférence au reste ; aux contingences matérielles ; au public) des quatuors Razoumovski et de la Waldstein. N’être plus uniquement et totalitairement Beethoven, devoir tenir compte de ceci et cela, composer. Cela s’appelle compromis.

Albert Dohmen Marzelline Siobhan Stagg Jaquino Manuel Günther

Mais l’Histoire vient de changer la donne, avec la mort de l’Ancien Régime, ce passionné bouillonnement d’idées, l’ordre nouveau à inventer. Plus rien ne sera pareil, même le numéro du siècle est neuf. Beethoven est l’homme de ce temps précisément, il peut se dire : « cette rupture, c’est moi, je suis l’homme nouveau, un homme qui veut ; autonome ». Est-ce se vouloir démocrate ou républicain ? Pas vraiment. Mais homme tout court, assez pleinement homme pour ne prendre de directives d’aucun maître ou roi. Un homme souverain. Mais attention, son génie ne le fera pas surhomme, surtout ! Ce qui l’élève au dessus de sa propre condition d’homme, c’est sa vertu ; c’est le soin, la responsabilité, l’autonomie et le jusqu’auboutisme avec lesquels lui-même va gérer le génie qu’il a reçu en don, et qu’il doit à ses frères humains. Générosité, noblesse, c’est cela qui met l’homme au dessus de lui-même. Si quelqu’un en cela est cousin de Beethoven, ce n’est pas Nietzsche, c’est le meilleur Goethe. Et ce serait peutêtre Napoléon, si Napoléon avait su rester Bonaparte. Gluck, grand comme il était, a dû chercher son Iphigénie, son Alceste dans l’Antiquité et la légende : et voilà le spectateur mis à distance presque infinie de ses héros et modèles. Beethoven est bien le premier (il est resté sans doute le seul) à avoir trouvé aussi grand, et pas dans l’Antiquité ou la légende, mais dans l’Histoire comme actualité, dans le fait divers. Le héros est un homme sorti du rang, notre semblable à tous. Le temps est tout proche encore où la Révolution, la guerre, ont fait des héros exemplairement héroïques. Il a suffi qu’ils aient en eux la vertu. Cette étincelle de feu, chacun la porte en soi, au moins virtuelle (éducable) ; car les circonstances, hélas, tout le monde peut devoir les souffrir jusqu’à ne pouvoir faire autrement que tenter l’impossible. C’est dans cette capacité d’être des héros que tous les hommes sont authentiquement frères ; c’est cela qui fait que la république peut être la république. « Ô soldats de l’An deux ! »… L’actualité a eu ses faits divers et c’est la condition humaine la plus commune que Fidelio va mettre en scène. Leonore, au mépris de sa condition de femme, (« Que me fait ma maudite fragilité de femme ? ») ne se veut plus d’autre identité que sa vertu, et se fait appeler Fidelio. Recrutée comme gardien de prison, elle pourra approcher Florestan, son époux captif, le délivrer. Elle n’a à appeler à son secours que l’espérance (nom que prend la Foi pour affronter l’avenir). « Komm, Hoffnung! » Mais partout désormais au monde cette faible force, portée par des mains de femme, va ouvrir les portes des prisons. Tel est le fait divers, vrai.

[ci-contre]

Maquette de la scénographie de Fidelio présentée en 2014.

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OPÉRATION UN OPÉRA À PART

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Liberté et surtout, espérance

la prison et on pourrait dire qu’elle en naît : qu’elle naît de ce cri à la fois sourd et immense par lequel Florestan prisonnier affirme qu’il ne l’est pas, que l’espérance est plus forte. La liberté dans Fidelio, c’est que Leonore ait refusé, nié, rejeté la prison (l’objet, l’obstacle) que lui fait sa fragilité de femme, et ait trouvé en elle cette capacité de se faire plus forte qu’elle même. La liberté dans Fidelio ce n’est pas que tout homme puisse sortir de la geôle où d’autres hommes iniquement l’ont jeté. C’est que tout homme (et femme) à tout instant, dans toute circonstance, sache se faire (se vouloir) plus libre et meilleur que sa nature, l’Histoire aussi, le font. Ce message n’est pas politique principalement, ni partisan. Mais moral, et d’autant mieux, universel. C’est la meilleure et plus vraie Allemagne, celle de Bach et de Kant, celle de Goethe et Beethoven, qui pense et affirme ainsi. Aux heures les plus brunes du siècle dernier – et c’est peut être bien à cet acte de résistance qu’il a dû son éclatante réhabilitation et résurrection, Fidelio a été cette voix libre, hors idéologie, incontestable, imbâillonnable, qui parle pour personne, seulement contre toutes les tyrannies. Ces quelques saisons-là, quand Bayreuth proclamait une musique allemande qui peut s’arranger d’une idéologie, à Salzbourg avec Fidelio Arturo Toscanini et Bruno Walter exclus d’Allemagne ne proclamaient que l’espérance, propriété d’aucun camp, ressort ultime en tout homme, et dont tous vivent et vibrent. Fidelio est cet opéra à part, et qui pour être sacré certes n’a pas besoin des encens de Parsifal. ■

Ce ne va pas être de l’opéra, du semblant. Dans la salle nous tous sommes concernés. La guerre est aux portes de Vienne, pas une guerre d’opéra. Et le tyran menace, Pizarro, à qui longtemps on a mis le bicorne de Napoléon, et mettra le jour venu la casquette d’un Führer. Qu’il sera bon alors, et vrai, pour une fois, que ces choristes, ces prisonniers, clament « O Freiheit! O Freiheit! » de toute leur voix devenue leur âme. Comment ne pas vibrer à cela ? Seul parmi les opéras, Fidelio y a vocation, expressément. Mais voilà : la guerre – cette guerre là– a été bientôt finie, oubliée. Et de nouveau le public d’opéra ne voudra plus qu’une chose : qu’on lui parle d’amour. Fidelio le faisait, nommément. Mais c’est d’amour conjugal, Eheliebe. Et du coup pour un seul livret d’opéra cela fait trop de devoirs, le moral déjà, le conjugal maintenant ! L’essentielle frivolité du public d’opéra se dérobe. De cette morale héroïque il a assez, et ce « Parlez moi d’amour »-là n’est pas celui qu’il aime qu’on lui chante. Et voilà Fidelio admiré (c’est du Beethoven, quand même : et on a une chance d’entendre la Leonore III au milieu, depuis que Mahler l’y a mise), mais malaimé. Sauf de ceux, rares naguère, moins rares désormais, qui mettent au dessus de tout sa sublime et gigantesque exception, son abstraction grandiose, hapax lyrique météorique atterri sur une scène d’opéra où il est, Beethoven oblige, toujours essentiellement déplacé. Paradoxe de plus, qui ne dérange pas moins. La liberté dans Fidelio, ce n’est pas sortir de prison. La liberté dans Fidelio commence dans

Tobias Richter : « Fidelio est un cri, un hymne à la liberté » Trois questions à T obias R ichter

Why did you choose Matthias Hartmann as director? With his high profile in Germanspeaking theatre and experience both in prose and musical theatre, Matthias is the best man for Fidelio. He’s used to dealing with big stages like ours and a master at the kind of intimate actors drama that is relevant to many aspects of Fidelio. His set designer R.O. Voigt is a promising young artist, with many daring achievements under his belt. And why Pinchas Steinberg as conductor? In this case, I first chose the conductor, and then the director and cast most suited to Beethoven’s uniquely powerful work. I know Maestro Steinberg from my days as General Manager of the Bremen opera house in the 1980s. He may not be the easiest person to get along with but I believe he has the musical gifts and affinities with the piece needed to direct Fidelio.

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Kammerspiel, une tradition qui se concentre sur le jeu d’acteurs et qui s’applique également à certains aspects du sujet de Fidelio. Pour son premier projet à Genève, il sera associé à Raimund Orfeo Voigt, un jeune scénographe qui a fait parler de lui ces dernières années avec des réalisations audacieuses et intelligentes et à Tina Kloempken qui signe les costumes.

Iphigénie en Tauride, Medea et Fidelio sont trois tragédies archétypiques, qui constituent une suite logique dans la saison. Si les deux premières trouvent leur origine dans l’antiquité parmi les grands mythes de l’humanité, la troisième n’a pas de racines mythiques, mais pourrait être considérée comme un mythe contemporain. Fidelio est un cri de liberté, un hymne à la liberté. Une nouvelle fois, une tragédienne en constitue le pivot central. Leonore certes provient d’un univers fictif mais sa situation nous paraît rapidement, sur le plan social et politique, d’une grande actualité et d’une grande modernité. Il s’agit d’une histoire qui pourrait tout à fait se produire de nos jours, alors que de nombreux systèmes totalitaires défrayent la chronique. Iphigénie est la protagoniste d’une métaphore, Medea, une tragédienne aux relents psychanalytiques, Fidelio est, pour conclure ce tryptique, un rappel à la réalité. Grand admirateur de Luigi Cherubini et de Medea, Beethoven est à plus d’un titre le lien entre la période classique du XVIIIème siècle et l’ère romantique du XIXème siècle. Le modernisme et le côté novateur de l’œuvre réside dans le fait que ce n’est plus un sujet tiré d’une œuvre littéraire majeure ou de la mythologie. Il s’agit d’un drame à échelle humaine qui se concentre sur l’individu, tel qu’on le retrouve plus tard dans les pièces de Strindberg. Cette focalisation sur la personne est apparue avec les réformes de Gluck. Durant les trois prochaines saisons et dans le cadre des saisons hors les murs à l’Opéra des Nations, nous allons nous tourner vers un répertoire plus classique et plus baroque. Les voies ouvertes au Grand opéra par Beethoven se mettront en veille pour un temps, mais ce n’est pas pour autant que le XIXème siècle disparaîtra complétement de notre programmation. Nous mettrons l’accent sur le repertoire de l’opéra-comique. En programmant Fidelio, nous marquons un tournant et nous ouvrons une nouvelle page d’histoire du Grand Théâtre de Genève, mais il sera toujours question de pouvoir, d’Éros et de Thanatos qui accompagnent l’histoire de l’humanité.

Et pourquoi Pinchas Steinberg à la direction musicale ? J’ai commencé par choisir le chef d’orchestre, puis je me suis penché sur le choix de l’équipe de production et des chanteurs qui pouvaient, avec le maestro, rendre la puissance de cet unique chefd’œuvre lyrique beethovénien. Pinchas Steinberg est un personnage que j’apprécie énormément et que je connais très bien puisque je l’avais appelé à travailler avec moi comme directeur musical dans les années 80 lorsque j’étais directeur général à l’opéra de Brême. Ce n’est pas forcément quelqu’un de facile mais je connais ses qualités musicales et je crois savoir qu’il a une grande affinité pour les thématiques de Fidelio. Ce sera l’occasion pour lui de revenir à Genève après les quelques années qu’il a passé à la tête de l’Orchestre de la Suisse Romande. ■

Pourquoi Matthias Hartmann à la mise en scène ? Cela faisait déjà un certain temps que je souhaitais inviter Matthias Hartmann, metteur en scène bien connu des scènes germanophones. D’ailleurs, il a été le directeur artistique du Schauspielhaus de Zurich de 2005 à 2009. De par son expérience des scènes lyriques et pour le théâtre de prose, il a, à mon avis, le profil idéal pour Fidelio. On a tendance à oublier que les dimensions de la scène du Grand Théâtre exigent une bonne maîtrise du grand format, ce qui est le cas de Matthias Hartmann. Mais il est à la fois un habitué du

© GTG / NICOLAS SCHOPFER

Tobias Richter, why choose Fidelio? After two Greek tragedies (Iphigenia and Medea), I wanted to follow with a modern mythological archetype: Fidelio, Beethoven’s hymn to liberty. Leonore may be a fictional heroine, but as the victim of political totalitarianism, she is absolutely contemporary. After cultural metaphors in Iphigenia, and psychoanalytic drama in Medea, Fidelio is a harsh reality check. Beethoven’s choice of a non-mythical, non-literary human drama is a very modern, almost Strindbergian, recentring of opera on the individual. At the Opéra des Nations, our focus will shift from the blockbusters of grand opera to earlier works and 19th century opéra comique, so staging Fidelio is also a way to turn a page.

Pourquoi Fidelio ?

© GTG / NICOLAS SCHOPFER / DA : AIMERY CHAIGNE

IN SHORT


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t n E A Amour, En trahisont Ə Ə

Après son Roméo et Juliette (2009) sur la

célèbre musique de Prokofiev, œuvre qui fait

désormais partie du répertoire de tournée

du Ballet du Grand Théâtre, la chorégraphe

neuchâteloise Joëlle Bouvier revient avec une nouvelle création :

« Salue pour moi le monde ! », hommage chorégraphique à l’opéra de Richard Wagner, Tristan und Isolde. Joëlle Bouvier et Daniel Dollé, conseiller artistique et dramaturge au Grand Théâtre, évoquent pour les lecteurs d’ACT-O l’immense défi de traduire le monument lyrique moderne de Wagner en une heure et demie de danse et s’y situer comme conteuse, créatrice et artiste.

› « Salue pour moi le monde ! »

d’après Tristan und Isolde, sur des musiques de Richard Wagner Chorégraphie

Joëlle Bouvier

Scénographie

Émilie Roy Costumes Sophie Hampe Lumières Renaud Lagier Assistants chorégraphie Emilio Urbina & Rafael Pardillo Ballet du Grand Théâtre de Genève Direction Philippe Cohen

Création mondiale Au Bâtiment des Forces Motrices du 21 au 31 mai 2015

une conversation entre J oëlle B ouvier et D aniel D ollé

Daniel Dollé Joëlle, après avoir chorégraphié Roméo et Juliette il y a six saisons, tu reviens pour « Salue pour moi le monde ! », un spectacle sur des musiques de Richard Wagner, qui s’inspire du Tristan und Isolde du mage de Bayreuth. Ne serais-tu pas une grande romantique ? Joëlle Bouvier Oui, l’amour est un des thèmes qui me plaît plus particulièrement. Toute ma carrière, j’ai travaillé sur les relations amoureuses, les relations entre hommes et femmes, les relations d’entraide entre les hommes aussi. Ce sont des thèmes qui m’intéressent énormément, je ne suis pas dans une danse abstraite ou figurative, ni une tendance narrative. Malgré tout, c’est quand même une danse qui raconte les hommes et leurs relations. Non pas seulement des formes en mouvement chorégraphiques ou abstraites, mais vraiment un travail sur l’être. Voilà ma façon de m’exprimer : j’utilise la danse pour parler des êtres. Évidemment, ce genre de thèmes, comme celui de Roméo et Juliette, correspond aux grandes histoires d’amour, principalement des histoires tragiques. Celle-ci en est une et j’ai essayé de la traiter comme une tragédie antique en expliquant le pourquoi, ce qui se cache derrière l’histoire à laquelle on va assister. DD Mais s’agit-il véritablement d’une histoire tragique ? JB Dans un sens, oui. C’est une histoire tragique, difficile, puisqu’elle se termine mal. Mais d’un autre point de vue, on a affaire à quelque chose de lyrique, de sensible. Ne comprenez donc pas tragique dans le sens où l’on va assister à un désastre durant une heure et demie. J’ai en fait essayé de rester au plus proche de l’histoire de Tristan et Iseult et de la musique de Wagner. Il est important de préciser que je me suis appuyée sur le déroulement chronologique des événements de l’opéra. Ce projet a débuté par le choix des extraits, sélectionnés parmi plus de quatre heures et demi de musique ! J’ai cassé le vase sublime de Wagner pour en reconstituer une forme miniature, un reflet resserré, condensé. Ce fut une étape essentielle de ce défi. J’espère avoir fait les bons choix musicaux, mais en même temps, cela s’imposait de soi-même. Il fallait que l’on puisse danser dessus et que cela s’écoute. Un autre problème s’est manifesté : à l’opéra, les surtitres permettent de suivre l’évolution émotionnelle des personnages alors qu’en danse on ne dispose pas de ce moyen. À moi de faire passer cela par le biais du mouvement. Évidemment, j’ai cassé des choses pour les rendre plus abstraites car je n’ai pas envie de raconter de façon trop narrative et réaliste.

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tt & pardon

Sarawanee Tanatanit et Geoffrey Van Dyck en répétition de «Salue pour moi le monde !» au studio Balanchine du Grand Théâtre de Genève en février 2015.

© GTG / GREGORY BATARDON

IN SHORT Joëlle Bouvier’s dance is about relationships: love, cooperation, genders, being. For her, dance is not only an abstract composition of form in movement; it is a discourse on being. Hence her interest in the love stories behind the great tragic tales, like Roméo et Juliette (her last commission at the Grand Théâtre in May 2009). Her new piece for the Geneva Ballet, based on Wagner’s Tristan und Isolde, seeks to go beyond the obvious tragedy. She breaks the vessel of Wagner’s sublime, sensitive lyricism to reshape it into a miniature, choosing one and a half hour of musical excerpts herself, to be danced, but also listened to. With no surtitles to follow the plot, as in opera, the audience can only rely on Bouvier’s dance to follow her version of Tristan und Isolde, pared down to its most abstract, dreamlike elements and main themes: star-crossed love, betrayal, resentment and forgiveness. As unbelievable as it may seem, Tristan and Isolde’s story still resonates in today’s world. In India, for instance, a similar code of honour punishes out-of-caste marriages. All the ancient legendary tragedies are stories that could happen to anyone: in the case of Tristan, we are dealing with the adopted son of someone fairly important (King Marke) who is stealing his foster-father’s wife. Stories like this, of love and trust being betrayed forever, are not that uncommon. Of course, there is the question of the love potion ingested – perhaps mistakenly – by the two lovers. Isolde thinks it is a deadly poison and, before giving it to Tristan, asks her maid Brangäne to “Greet the world for [her]!” a line that gives the piece its French title. For Bouvier, the potion translates into a metaphor of intoxication that allows the lovers to love each other more freely, a moment where a door opens onto a realm of oblivion that might be love, or death. Another difficult moment to choreograph is Tristan’s death. He attempts suicide, enters a coma and, when Isolde appears, he dies. Despite its complications and the challenge of remaining faithful to Wagner’s storyline, it offers a meaningful and moving end to the story. Another important challenge for Bouvier is Wagner’s music. In many scenes, such as Tristan’s death, it becomes so intense and complex that dancing to it is impossible. The music can also induce a dramatic action that makes choreography difficult: the first act love duet, for instance. This is hard work for the dancers, as there is no way to beat time into musical periods, in the way dancers and ballet masters usually do. With this piece, they have to get into the mood, listen and appreciate the music and not let other pieces they are rehearsing interfere with their memory of this one. None of them are particularly familiar with Wagner’s music or even opera, even if they all agree it’s a fascinating soundscape, even in fragmented form. Bouvier admits she was no big fan of Wagner either, but when Geneva Ballet manager Philippe Cohen offered her the commission, she gladly took up the gauntlet. Measuring themselves to the music, she and her dancers progressively entered into a state of respect and appreciation for Wagner’s complex, shifting, emotional roller coaster of a score. This is not the kind of music that one can just graft a few gestures to and dance prettily. In fact, Bouvier jokes that she explains herself hoarse to the dancers, telling and retelling the story to be sure they know the meaning of the music and feel and create gestures that are more than simply movement, but also true intention. After the success of Roméo et Juliette in 2009, Philippe Cohen knew he wanted to work with Joëlle Bouvier again but a ballet, like Giselle, seemed less worthy of her than a commission to work on a full-scale opera. With her keen sense of image and space, powerful theatrical intuition and the abundantly lyrical qualities of her dance, she was the ideal person, not to stage but to dance an opera. Tristan und Isolde immediately sprang to mind, as did Tosca, since Philippe Cohen was convinced that a strong, female lead driving the piece was what Joëlle Bouvier would want. Tristan won out, despite her reservations about the music and in 2012, she began to immerse herself in the work and develop a plot and dramaturgical elements for her choreography, selecting the essential dramatic elements that make the tragedy unfold in the relationships between its protagonists.

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EN BALLET AMOUR, TRAHISON & PARDON

suite de la page 8

Je souhaite plutôt aller dans un monde davantage onirique. Et de ce monde ressortiront les grands thèmes de l’œuvre que sont l’amour, l’amour contrarié, la trahison, le mal-être entre deux individus et le pardon. On retrouve donc les grandes couleurs émotionnelles de l’histoire de Tristan et Iseult. DD Cette histoire incroyable de Tristan et Iseult, aussi sublime que le légendaire couple de Vérone, quel est son rapport avec la réalité, avec les passions et les émotions du quotidien ?

© DR

JB Les gens vivent tellement de choses différentes dans le monde. En Inde par exemple, deux individus ne peuvent pas se marier parce qu’ils ne sont pas de la même caste et s’ils cherchent à vivre ensemble en disparaissant dans une grande ville comme Calcutta ou Bombay, ils seront pourchassés pour être ramenés dans leur village et y être punis. Cela existe, il ne s’agit en fait de rien d’autre que des grands thèmes humains. Comme Médée qui tue ses enfants, ou les récits d’incestes et de fratricides qui nous sont parvenus de l’Antiquité. Ce sont les grands drames humains dont on a raconté l’histoire pour être un peu moins solitaire dans ce genre d’expérience. Toutes les tragédies, comme Roméo et Juliette, Tristan und Isolde, Médée ou celle des Atrides, sont des histoires qui arrivent tous les jours et des individus réels sont confrontés à ces mêmes drames. On touche là au fondement des êtres humains, à leur fonctionnement profond. Arrêtonsnous d’ailleurs quelques instants à Tristan : un fils adopté, proche de quelqu’un d’assez puissant (le roi Marke), qui lui vole son épouse (Isolde). C’est un drame qui, je pense, doit arriver tous les jours et qui touche beaucoup de gens, lorsque l’amour est ainsi bafoué et troublé pour toujours par l’ombre de la trahison.

La chorégraphe Joëlle Bouvier.

DD Et la musique de Wagner se prête-elle à la danse ? JB Si l’on prend l’exemple de la mort de Tristan, le personnage meurt dans une action qui d’un point de vue musical n’est pas possible de traiter chorégraphiquement. Cet épisode musical est trop compliqué et physiquement, on ne peut pas rivaliser avec une telle musique. Dans l’opéra, il y a des moments si intenses, si paroxystiques qu’un chorégraphe ne peut pas les exploiter. Seule l’écoute est possible, il serait ridicule de vouloir essayer de faire quelque chose par-dessus. J’ai donc beaucoup coupé ce genre d’épisodes musicaux où manque l’espace nécessaire pour la danse. Je n’en ai gardé qu’un seul, le premier duo entre les amants, qu’il me semblait indispensable de conserver. Cela n’a par contre pas été évident de trouver comment danser sur ce passage. Pour les danseurs, il n’y a pas de compte, on ne peut pas décomposer la période musicale. Or il s’agit de danseurs qui ont énormément l’habitude de travailler de cette façon et les maîtres de ballet reprennent des chorégraphies grâce à cette méthode. Avec cette musique, on n’y arrive pas ! (rires) Il faut se tisser dans le mood de la musique, ce qui est assez beau puisque les danseurs sont obligés d’écouter la musique et de la savourer physiquement pour pouvoir danser. C’est quelque chose d’assez particulier et je ne sais pas comment cela va marcher. Pour l’instant, ils se donnent sans compter pour ce projet, jour après jour, répétition après répétition, mais quand ils auront tout à coup fait une autre pièce et qu’ils reviendront à celle-ci, il leur faudra une mémoire autre que celle du rythme qui puisse les lier à nouveau à la musique.

DD Lorsque l’on parle de Tristan und Isolde, une question revient toujours : le rôle de ce philtre, ce poison qu’Isolde demande à sa suivante Brangäne pour tuer Tristan et qui s’avère être, suite à une erreur – volontaire ou involontaire – de Brangäne, un philtre d’amour. Il faut dire au passage que le titre « Salue pour moi le monde ! » s’inspire de l’épisode où Isolde fait ses adieux au monde, avant d’offrir à Tristan ce breuvage qu’elle croit mortel et d’en boire à son tour. Dans Tristan und Isolde, pourrait-on se passer de ce philtre ou s’agit-il d’un élément dramaturgique incontournable ?

DD Et quelle est la perception de cette musique chez les danseurs ? Ils n’ont peut-être pas eu l’occasion de voir Tristan und Isolde…

JB Ah oui, pour ma chorégraphie, il m’a semblé nécessaire d’accorder de l’importance à ce philtre. Ce ne sont pas juste les deux amants qui prennent une décision mais une sorte d’ivresse les pousse à se livrer l’un à l’autre. Pour moi, c’est un élément un peu plus compliqué, car plus narratif. J’ai essayé de traiter cela par la métaphore. Bien sûr, tout le monde est persuadé des sentiments qui existent entre ces deux personnages et on peut donc se demander pourquoi ils ont besoin de ce philtre, mais le fait de boire ce breuvage leur permet vraiment de s’aimer librement et c’est un moment-clé du récit.

JB Qu’est-ce qu’ils te disent ?

DD Il y a aussi dans ce breuvage un symbole fort : celui de l’oubli, du détachement de la réalité. JB Oui, mais mon rôle est effectivement de faire comprendre qu’à partir de ce moment, une porte s’ouvre. Après qu’il s’agisse de l’oubli, de l’amour ou de la mort, peu importe. Du point de vue chorégraphique, nous n’avons pas là un moment évident… Un autre endroit qui n’est pas simple à mettre en danse se situe au troisième acte, lorsque Tristan se trouve dans une situation comateuse, après s’être offert à l’épée de Melot, son ami qui l’a trahi en dévoilant au roi Marke l’attraction qui agit entre Tristan et Isolde. Au moment où Isolde apparaît, Tristan meurt, une situation qui a des similitudes avec la scène du caveau, dans Roméo et Juliette. Visuellement, voilà une scène pas si évidente à mettre en place. Et c’est pourtant une façon très émouvante et pleine de sens de mettre un terme à ce récit. DD Et qu’est-ce qui t’a empêché de faire mourir Tristan dans les bras d’Isolde ? JB Rester fidèle à l’original me semble la démarche la plus intéressante pour ce spectacle. L’intérêt c’est de relever ces défis, certes emprunter une voie moins évidente mais conserver ce qu’a tracé Wagner, garder ce lien. Dans Roméo et Juliette, j’avais créé une introduction qui n’existait pas, pour générer un épisode où le groupe social se rend compte que c’est lui qui a tué les amants alors que des membres de ce groupe tentent de réveiller les amants. C’était donc tout à fait plausible de prendre la fin pour la déplacer au début du ballet. Dans le cadre de ce nouveau projet, c’est stimulant de devoir autant chercher pour pouvoir se conformer à une autre vision tout en superposant la mienne, car je 10 . ACT­­- O | 23

n’ai pas envie d’être tout simplement une suiveuse. J’essaie d’inventer, mais à partir de la construction de Wagner.

JB Je crois que c’est un univers qui ne leur est pas du tout familier. Et c’est un monde difficile pour quelqu’un qui ne connaît pas l’opéra. DD On peut s’en douter. Mais comment le vivent-ils au quotidien ? Je les vois régulièrement et ils me parlent toujours un peu de leur expérience avec la musique de Wagner.

DD Ils m’expliquent qu’ils ne sont pas habitués mais qu’ils trouvent que c’est un univers tout à fait fascinant, même s’ils n’ont affaire là qu’à des bribes. JB Oui c’est une vision totalement fragmentée. Ce qui n’empêche pas que les gens qui aiment l’opéra, les amoureux de la musique seront très intéressés par ce projet. Personnellement, je n’étais pas amoureuse de Wagner. Quand Philippe Cohen m’a proposé le projet, j’ai relevé le défi parce que je sentais que cela allait être difficile. Mais je n’étais pas une fan qui allait d’emblée s’enthousiasmer, même s’il est vrai que dans le passé, j’ai utilisé le prélude du 3ème acte dans un court-métrage et j’ai sélectionné des extraits de Die Walküre. Je ne me suis jamais vraiment confrontée à l’écriture de Wagner jusqu’à présent. Et j’ai appris à apprécier ce compositeur, c’est d’ailleurs un processus progressif que je constate également auprès des danseurs. Plus on rentre dans la musique, plus on en saisit la complexité, plus on ressent le voyage des sentiments : c’est une musique qui bouge sans cesse, d’une émotion à l’autre, d’une humeur à l’autre. Beaucoup d’écoutes sont nécessaires pour bien saisir cela et j’espère que le spectateur pourra entrer du premier coup dans ce voyage. Je dois dire que j’ai aimé faire ce travail, enfin je suis en plein dedans et j’en ai perdu la voix [NDLR : le jour de cet entretien, la voix de Joëlle Bouvier était effectivement enrouée], c’est dire si c’est difficile. Il ne suffit pas de mettre des mouvements dessus et d’être un tout petit peu intelligente pour ne pas juste dansoter sur la musique. C’est difficile car il faut que moi aussi je sois réceptive à la musique de Wagner et je dois ensuite transmettre mon ressenti et mon intention aux danseurs. J’essaie de les nourrir pour que lorsqu’ils se déplacent sur le plateau ou qu’ils commencent un mouvement, ils sachent à quoi ils doivent penser et ce qu’ils doivent transmettre. Il ne faut pas qu’ils me fassent juste un mouvement de bras, mais que celui-ci soit empli d’une intention claire. Je reviens donc tout le temps à cette histoire envoûtante et la leur raconte encore et encore… ■


OPÉRATION

Philippe Cohen : « J’ai d’emblée pensé à Tristan und Isolde car pour Joëlle, il faut qu’une femme soit le moteur de l’œuvre. Un rôle féminin fort, une héroïne d’envergure... »

T

début, elle m’avait proposé La Traviata car je pense que musicalement elle se sentait moins en danger. Lorsqu’elle me demanda ce que j’avais en tête, je lui ai dit Tristan und Isolde. Elle a ensuite accepté. J’en ai parlé avec Daniel Dollé, notre dramaturge, pour qu’il puisse lui apporter certaines clés au sujet de l’œuvre. Elle a également pu rencontrer un ami spécialiste de Wagner qui lui a présenté des archives et des vieux enregistrements datant des années trente. Tout cela pour lui fournir des outils qui lui permettent de trancher dans le vif et mettre au point un programme dont la durée permettra à l’action de se concentrer sur le drame qui se joue entre les protagonistes. ■ © GTG / GREGORY BATARDON

out de suite après Roméo et Juliette, donc en 2009, je savais déjà que j’avais envie de travailler à nouveau avec Joëlle. Comme souvent, j’attendais le bon projet. Même si l’on en a jamais parlé ensemble directement, je savais qu’elle aurait eu envie de faire une production de Giselle. Repartir sur une relecture de ballet, cela aurait probablement aussi été intéressant, mais… Je connais Joëlle depuis 35 ans, je l’ai vu débuter puis ai pu suivre toute son évolution. Très rapidement, je me suis demandé pourquoi on ne lui proposait pas la mise en scène d’un opéra. Je trouve qu’elle a un sens de l’image et de l’espace, un sens de la dramaturgie que peu de chorégraphes ont. Voilà l’un de ses atouts, d’autant plus qu’elle fait beaucoup de vidéo et de films. Compte tenu de son intuition théâtrale et de son lyrisme débordant, l’idée m’est venue de la faire travailler sur un opéra, non pas une mise en scène mais une mise en danse. J’ai d’emblée pensé à Tristan und Isolde car pour Joëlle, il faut qu’une femme soit le moteur de l’œuvre. Un rôle féminin fort, une héroïne d’envergure : Isolde semblait faite pour elle. J’ai aussi pensé à Tosca, dans un genre différent mais qui est aussi extrêmement puissant. À mes yeux, Tristan correspondait plus à Joëlle. Par contre, tout le monde n’est pas féru de Wagner. Cette question de la musique fut abordée lorsque je lui ai fait ma proposition, en 2012. C’est une chose de faire Roméo et Juliette : un an de préparation suffit puisque l’histoire et la musique sont déjà là. Tandis que pour Tosca ou Tristan, il faut réécrire un argument, repenser une dramaturgie. Encore une fois, le but n’était pas de rechorégraphier l’œuvre entière, elle avait surtout besoin de temps pour s’approprier l’œuvre, se nourrir et mettre au point le plan musical de sa chorégraphie. Au

[en haut]

Sarawanee Tanatanit et Geoffrey Van Dyck en répétition de «Salue pour moi le monde !» au studio Balanchine du Grand Théâtre de Genève en février 2015. [ci-dessous]

Roméo et Juliette, la première création de Joëlle Bouvier pour le Grand Théâtre de Genève en 2009 fait partie du répertoire des tournées internationales du Ballet du Grand Théâtre.


Ǝ

l n n l

D’une rive à Across Dévoilée à la presse le 14 avril dernier, la saison 15-16 vous emmène hors des sentiers battus puisque dès février 2016, le Grand Théâtre de Genève prend ses quartiers au cœur du parc Eugène-Rigot, dans une structure d’accueil temporaire baptisée Opéra des Nations. Les équipes du Grand Théâtre feront donc le grand écart pour passer d’une rive à l’autre ! Au programme de la première partie de saison à la place de Neuve, des ouvrages phares de l’opéra et la reprise d’un des plus beaux ballets de ces dernières années. Et pour la seconde partie, des répertoires peu abordés jusqu’à présent, des œuvres inédites et des propositions de mise en scène et de scénographie qui correspondent davantage aux spécificités de l’écrin de bois de l’Opéra des Nations. Sans oublier les récitals et concerts exceptionnels qui viennent habituellement agrémenter la programmation du Grand Théâtre de Genève. OPÉRA - VERSION CONCERT CÔTÉ COUR

ERNANI

GIUSEPPE VERDI

Une fois n’est pas coutume, la nouvelle saison débute par un concert

exceptionnel : Ernani, une œuvre-clé du début de la carrière du Maestro Verdi. Cet ouvrage, trop rarement donné, sera présenté en version

concert sur la scène de Neuve. Invité de marque pour cette ouverture

de saison, Riccardo Muti s’est entouré de quelques-unes des plus belles

voix verdiennes du moment : le ténor italien Francesco Meli, la soprano

des œuvres les plus singulières du répertoire lyrique, La Voix humaine de Francis Poulenc. Ou quand au long d’un troublant monologue téléphonique, l’on découvre une jeune femme en pleine rupture amoureuse…

After singing Brunehild (Sigurd) and Iphigenia (Iphigénie en Tauride) during the last two Grand Théâtre seasons, Anna Caterina Antonacci remains faithful to her Geneva fans. Along with her favorite accompanist, the

American pianist Donald Sulzen, she is back to perform in a very special recital. Her last solo appearance in Geneva was a memorable evening

dedicated to French art song, showcasing the artist’s expressivity and

poise, her impeccable diction, profound intelligence of the text and, of

Ǝ

sud-coréenne Vittoria Ji Won Yeo, le baryton italien Luca Salsi et la

d’adoption – interprétera des mélodies de Duparc et Fauré, ainsi que l’une

basse russe Ildar Abdrazakov. Le chef d’orchestre italien a fait appel à

son ensemble l’Orchestra Giovanile Luigi Cherubini qu’il créa en 2004 en rassemblant les espoirs musicaux italiens. Tremplin vers le monde

professionnel, cette formation est désormais la coqueluche des festivals

de Ravenne et de Salzbourg. Une œuvre qui préfigure le Verdi de Rigoletto

et de La Traviata, un chef qu’on ne présente plus et la nouvelle génération de chanteurs et musiciens pour une soirée d’exception.

course, her extraordinarily seductive and sensitive instrument: «Divina

Antonacci»  This autumn, the Ferrara-born soprano and now Geneva resi-

dent will be offering works by Duparc and Fauré, as well as one of the most unusual pieces of the French art song repertory, Francis Poulenc’s La Voix humaine, in which, over the course of a gripping telephone soliloquy, the

figure emerges of a young woman in the throes of a disintegrating love affair.

For once, we start our new season with an exceptional concert performance: a key work from Giuseppe Verdi’s early career, Ernani. This

unjustly underperformed piece will be given in concert on stage at the

Grand Théâtre by a host conductor of considerable importance: the great

Riccardo Muti and some of the best Verdian voices of the moment – Italian tenor Francesco Meli, South Korean soprano Vittoria Ji Won Yeo, Italian

baritone Luca Salsi and Russian bass Ildar Abdrazakov. Maestro Muti will be conducting the ensemble he founded in 2004, the Orchestra Giovanile

Luigi Cherubini, for promising young Italian musicians that paves the way

to professional career opportunities and has become quite a hit at summer festivals like Salzburg and Ravenna. With a work that announces Rigoletto and La Traviata, a conductor of universal fame and a new generation of singers and musicians, this Ernani will be an evening to remember.

RÉCITAL CÔTÉ COUR

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OPÉRA CÔTÉ COUR

GUILLAUME TELL GIOACCHINO ROSSINI

Qu’évoque pour vous Guillaume Tell ? Le klaxon des cars postaux sur les routes de montagne (les quatre premières notes de l’ouverture), peut-être ? Le héros légendaire de la Suisse primitive résistant contre l’occupant autrichien, qui visa avec son arbalète une pomme placée sur la tête de son fils, certainement ! Ce grand opéra (dans tous les sens du terme) regorge d’héroïsme, de souffle épique, de musique entraînante, et dans la production de David Pountney, de décors spectaculaires et de costumes magnifiques : une mise en scène qui atteint sa cible avec une précision digne de Tell ! Le dernier opéra de Rossini saisit, émeut, indigne et inspire, dans son récit toujours actuel d’une nation sous occupation étrangère. De magni-

ANNA CATERINA ANTONACCI

fiques costumes traditionnels suisses y contrastent avec les uniformes gris

Brunehild (Sigurd) et Iphigénie (Iphigénie en Tauride) ces deux dernières

baryton canadien Jean-François Lapointe dans le rôle du héros embléma-

saisons, Anna Caterina Antonacci demeure fidèle au public genevois. Elle

tique de l’aspiration irrépressible des Suisses à la liberté. Sur un fond de

revient au Grand Théâtre pour un récital avec son accompagnateur favori,

montagnes troublantes et grandioses, Guillaume Tell démontre comment

le pianiste étasunien Donald Sulzen. Les spectateurs présents lors de sa

un peuple qui prend courage et se soulève peut, à l’instar de la Nature,

dernière apparition en solo, mémorable soirée dédiée à la mélodie fran-

déferler comme une avalanche. Il suffit d’un instant.

çaise, se rappellent certainement de sa prestance et de son expressivité.

What do you know about William Tell? The infectious tune (from the

Diction impeccable, interprétation du texte pleine de justesse, instru-

overture) used as the Lone Ranger theme? Or perhaps the iconic scene in

ment d’une rare sensibilité et au pouvoir de séduction ravageur : « Divina

which Tell, fighting against Austrian occupation, shoots an apple on his

Antonacci! » Cet automne, la soprano originaire de Ferrare – et Genevoise

son’s head. This truly “Grand Opera” offers inspiring heroism on an epic

des Autrichiens. Jesús López-Cobos dirige une distribution menée par le


n n

l’theautre... river, into the garden... une saison présentée par C hristopher P ark & B enoît P ayn

Officially presented to the press and public on April 14th, the Grand Théâtre’s 15-16 season will definitely take you off the beaten path. Starting in February 2016, Geneva’s opera and ballet theatre will stretch across the river and lake to set itself up at the Opéra des Nations, in the charming setting of Parc Eugène-Rigot. The first half of the season still takes place in our historic Place de Neuve venue, presenting key works of the opera repertoire and a reprise of one of the most beautiful ballets of our last few seasons. Our second half features works taken from periods and styles we do not usually perform, lesser-known pieces and a different kind of stagecraft, better suited to the entirely wooden architecture of the Opéra des Nations. Recitals and exceptional concerts, mainstays of the Grand Théâtre’s playbill, will naturally also take the stage in our temporary home in the garden, across the river. scale, uplifting music, spectacular sets and stunning costumes: David

music as conductor of host ensemble, L’Orchestre de Chambre de Genève.

Pountney’s William Tell hits the target with masterly precision. Rossini’s

Director Robert Sandoz returns to the Grand Théâtre with his tongue-

last opera brings together the ever-topical subject of foreign occupation

in-cheek brand of light opera humour, ready to deliver La Belle Hélène’s

with a story that twists, turns and plays with our emotions. Swiss tradi-

famous one-liners and witty repartee with Swiss precision. The French

tional folk costumes are set against stiff, grey Austrian uniforms and

early music diva Véronique Gens joins him as Helen, proving that you can

beautifully choreographed ballet sequences add to the contrast. Jesús

be a big opera star AND an ace at comedy.

López-Cobos conducts a cast led by Canadian baritone Jean-François to freedom. Against the backdrop of a brooding and captivating landscape, Guillaume Tell underlines how a nation once emboldened and aroused, like the natural world, can unfurl like an avalanche. All it takes is a moment.

OPÉRA - VERSION CONCERT CÔTÉ COUR

LES TROYENS HECTOR BERLIOZ

Monument de l’opéra français, Les Troyens s’inspire du même matériau mythologique que La Belle-Hélène. Le choix du Grand Théâtre de Genève

OPÉRA CÔTÉ COUR

LA BELLE HÉLÈNE JACQUES OFFENBACH

Dans la deuxième – et non moins célèbre ! – des très divertissantes satires qu’Offenbach tira de l’Antiquité, l’action se déroule (sans aucun souci de vraisemblance) à une époque antique peu précise dans une Grèce antique improbable. Elle nous raconte l’enlèvement de la belle Hélène par le prince de Troie, grâce à l’aide d’un devin malin qui berne royalement son époux incompétent et toute une palette de héros venus de toute la Grèce. La partition scintille des plus belles mélodies d’Offenbach ; elle provoqua un petit vent de scandale dans le Paris de 1860 avec ses allusions grivoises et son livret coquin, une parodie en cothurnes et chlamydes qui flirte avec le libertinage extrême. Le pianiste de jazz et accompagnateur émérite français Gérard Daguerre s’empare à nouveau de la baguette pour mener l’Orchestre de Chambre de Genève hors des sentiers battus. Le Neuchâtelois Robert Sandoz revient au Grand Théâtre avec son goût malin pour l’opérette, prêt à faire cascader les traits d’esprit et les bons mots célèbres de La Belle Hélène avec une précision toute helvétique ! La soprano Véronique Gens dans le rôle-titre se prépare à nous prouver qu’on peut être une diva au faîte de ses talents ET une excellente comique. In the second - and equally famous - of Offenbach’s highly diverting satires on a well-known legend, the action takes place (without any regard for credibility) in unspecified ancient times in a unlikely ancient Greece, and concerns the abduction of the fair Helen by the Prince of Troy - aided by a wily soothsayer, who outwits Helen’s much deceived husband and an assortment of royal Grecian heroes. The score includes some of Offenbach’s best-loved melodies; it caused a bit of a scandal in Paris in the

de présenter en parallèle ces deux ouvrages lyriques ranime la tradition du théâtre antique qui mêlait toujours tragédie et comédie lors d’une

Consultez notre site internet 1516.geneveopera.ch ou commandez le programme de saison 15-16 en remplissant le formulaire en ligne 1516.geneveopera.ch/opera_424 ou contactez-nous au +41 (0)22 322 50 50

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même soirée. On sait que parmi son vaste répertoire, Charles Dutoit réserve une place toute particulière aux œuvres d’Hector Berlioz, il a d’ailleurs remporté un Grammy Award en 1996 pour son enregistrement des Troyens. Presque vingt ans plus tard, le chef d’orchestre lausannois se produira – pour la première fois au Grand Théâtre ! – en compagnie du Royal Philharmonic Orchestra, la célèbre phalange londonienne dont il est le directeur musical depuis 2009. Épaulée par le Chœur du Grand Théâtre, la distribution d’exception réunie pour interpréter cette œuvre colossale promet déjà des soirées musicales qui marqueront les esprits. This monumental work of French opera originates in the same epic legends of Ancient Greece as La Belle Hélène. Because of this, the Grand Théâtre will be presenting both pieces simultaneously, to rekindle the theatre tradition of Antiquity where tragedy and comedy were both performed on the same day. Among all the composers of his sizable repertory, it is well known that Charles Dutoit has a soft spot for Hector Berlioz (with a 1996 Grammy award under his belt for his recording of Les Troyens). Almost twenty years later, the Lausanneborn conductor is for the first time ever in the Grand Théâtre orchestra pit with the famous London orchestra, The Royal Philharmonic, of which he has been the musical director since 2009. Maestro Dutoit can count on an exceptional cast of soloists and the talents of the Grand Théâtre Opera Chorus to make his maiden performance at the Grand Théâtre an unforgettable one.

SPECTACLE CÔTÉ COUR

OPÉRA DE PÉKIN

JINGJU THEATER COMPANY OF BEIJING ENSEMBLE

1860’s, with its ‘nudge-nudge, wink-wink’ innuendo and suggestive lyrics

Le magnifique Lac de l’Ouest à Hangzhou et son célèbre Pont Cassé sont à

- the height of permissiveness cloaked as a parody of antiquity. French jazz

la Chine ce que le Château de Chillon, émergeant d’un voile de brume sur

pianist and song accompanist Gérard Daguerre brings a fresh twist to the

le Léman par un matin de soleil estival, est aux Suisses. Ce pont (en fait pas

©GTG / AIMERY CHAIGNE

Lapointe in the role of the hero leading the Swiss’ irrepressible aspiration

Pour plus d’informations

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P L E I N F E U X D ’ U N E R I V E À L’A U T R E A C R O SS T H E R I V E R , I N TO T H E GA R D E N

Shakespearian verve flow as her daughter Anna takes the stage in the spoken acrobatic role of Puck and Ezio Toffolutti’s set makes Nature’s bosom swell with midsummer erotic madness for this exciting new production.

BALLET CÔTÉ COUR

CASSE-NOISETTE PIOTR ILITCH TCHAÏKOVSKI

Vous avez aimé le Casse-Noisette de la saison précédente ? Vous en avez ©GTG / NICOLAS SCHOPFER / AIMERY CHAIGNE

peut-être entendu parler et n’avez malheureusement pas pu assister à

cassé du tout) est le lieu où débute l’une des plus belles histoires de la Chine, La Légende du Serpent Blanc (Bai She Zhuan白蛇传). L’esprit du Serpent Blanc, caché dans le corps d’une belle demoiselle, Bai Suzhen, et Xiao Qing, sa jeune camériste et esprit du Serpent Vert, y font la rencontre du beau jeune lettré Xu Xian, après avoir accidentellement avalé des pilules de longévité taoïstes qui font que leurs destinées s’entrelacent. Cette sorte de Tristan und Isolde chinois est le sujet de l’un des grands opéras de Pékin, écrit en 1952 par l’illustre dramaturge (et auteur des paroles de l’hymne national chinois) Tian Han. Assister à un opéra de Pékin, avec ses exigences techniques incroyablement élevées et son jeu d’acteurs unique au monde est une expérience qui vaut en soi d’être vécue, comme si la beauté des costumes et l’intensité de ses grands drames n’étaient pas une raison suffisante pour venir voir le Jingju Theater Company of Beijing Ensemble interpréter deux grandes œuvres de ce répertoire cet automne au Grand Théâtre. Hangzhou’s West Lake and its scenic attractions like the Broken Bridge are to the Chinese what the Castle of Chillon appearing out of a shroud of mist over Lake Geneva on a sunny summer morning is to the Swiss. This (actually unbroken) bridge is the place where The Tale of the White Snake (Bai She Zhuan 白蛇传 ) of one of China’s great folk-tales begins. The White Snake Spirit, hiding in the body of a beautiful maiden, Bai Suzhen, and Xiao Qing, her human maidservant and Spirit of the Green Snake, meet the handsome young scholar Xu Xian at the bridge, following

l’une des dates proposées ? Réjouissez-vous puisque le Ballet du Grand Théâtre de Genève présente cette saison cinq nouvelles représentations du spectacle qui a tant séduit le public et la critique en 2014 ! Pour le grand classique de Tchaïkovski, le jeune chorégraphe belge Jeroen Verbruggen et les créateurs parisiens d’« on aura tout vu » ont usé de leur baguette magique pour mettre au point une féerie comme on n’en a pas vue depuis longtemps. S’ils se sont éloignés des traditionnels CasseNoisette et de leur arbre de Noël, c’est pour mieux nous plonger dans ce troublant monde de rêves et de désirs. Des décors au minimalisme baroque plein de mystères, une danse dynamique et envoûtante et une partition inoubliable : de quoi plaire aux petits comme aux grands. So you enjoyed last season’s Casse-Noisette? Or perhaps you heard the buzz this unconventional Nutcracker was making and couldn’t make it to any of the performance dates? You’re in luck, because the Geneva Ballet has five new performances this season of the show that delighted audiences and critics alike in 2014! A truly magical take on Tchaikovsky’s great classic needs wizards like the young Belgian choreographer Jeroen Verbruggen and Paris couture team “on aura tout vu” to offer their audience a fairytale the likes of which have rarely been seen of late. If they move away from the traditional Nutcracker imagery, with its Christmas trees and Sugar Plum Fairies, it’s only to dive deeper into the work’s unsettling world of dreams and desires. The sets are minimalistic yet baroque and full of mystery, the dancing is fast-paced and alluring, the music simply unforgettable: a show that speaks to adults as well as kids.

RÉCITAL CÔTÉ COUR

BO SKOVHUS

Après le Winterreise de Jonas Kaufmann puis le Schwanengesang de

the accidental ingestion of Taoist longevity pills that cause their destinies

Michael Volle, c’est au tour de Bo Skovhus de poursuivre cette série de

to become entwined. This Chinese Tristan und Isolde story is the subject

grands récitals entamée il y a deux saisons et dédiée au maître du lied,

of one of the great Peking operas, written in 1952 by Tian Han, a famous

Franz Schubert. Au programme de cette soirée d’exception : Die Schöne

modern playwright and author of the lyrics to China’s national anthem.

Müllerin (La Belle Meunière). Certains des habitués du Grand Théâtre se

Peking opera’s unique stagecraft and incredibly demanding performance

rappellent peut-être du récital du baryton danois, donné en 2005, ou de

skills are in themselves worth witnessing, if the beauty of its costumes

ses incarnations d’Amfortas (Parsifal) et de Don Alfonso (Così fan tutte). En

and the intensity of the drama weren’t reason enough to see two great

concert ou sur scène, il possède ce don de la métamorphose, cette sincérité

pieces of the Peking opera repertoire performed this autumn at the

et ce naturel propres aux artistes les plus émouvants. Avant de chanter

Grand Théâtre by the Jingju Theater Company of Beijing Ensemble.

Beckmesser (Die Meistersinger von Nüremberg) et le bouleversant rôletitre de Lear de Reimann, à l’Opéra national de Paris, il nous emmène au

OPÉRA CÔTÉ COUR

A MIDSUMMER NIGHT’S DREAM BENJAMIN BRITTEN

Sans doute l’une des adaptations lyriques les plus réussies de Shakespeare, l’œuvre séduisante et rutilante de Benjamin Britten, composée en 1960 pour inaugurer le Jubilee Hall rénové d’Aldeburgh, sera représentée pour la première fois sur la scène de Neuve. Ce Songe d’une nuit d’été lyrique se déroule dans une atmosphère magique, pleine de madrigalismes et d’harmonies subtiles. Britten a pris beaucoup de plaisir à transposer avec des couleurs musicales contrastées les différents niveaux d’action et groupes de personnages : harpes, claviers et percussions pour les fées, bois et cordes pour les amants, et pour les artisans-comédiens, les cuivres. C’est aussi l’une des rares œuvres modernes à donner un rôle principal – celui d’Obéron, le roi des fées – à un contreténor. La metteure en scène allemande Katharina Thalbach laisse couler sa verve shakespearienne, tandis que sa fille Anna endosse le rôle d’acrobate parlé que Pears et Britten ont voulu pour Puck et que le décor d’Ezio Toffolutti inspire un souffle érotique estival à une Nature exubérante pour cette nouvelle production très attendue. Possibly one of the most successful operatic adaptations of a Shakespeare play, one of the most beguiling and enchanting of Benjamin Britten’s

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bord du ruisseau pour nous raconter l’histoire de l’apprenti-meunier qui, délaissé par la fille qu’il aime tant, finira par se noyer de désespoir. After Winterreise by Jonas Kaufmann and Schwanengesang by Michael Volle, it is Bo Skovhus’ turn to continue the master recitalists’ series dedicated to the great composer of lieder Franz Schubert. The programme is indeed exceptional: Schubert’s famous song cycle, Die Schöne Müllerin (The Fair Maid of the Mill). Faithful patrons of the Grand Théâtre will certainly remember the Danish baritone’s recital here in 2005, or his performances of Amfortas (Parsifal) and Don Alfonso (Così fan tutte). A truly protean artist, Bo Skovhus is blessed with the sincerity and spontaneity that characterise the greatest performers, whether in concert or on stage. Before he tackles the roles of Beckmesser (Die Meistersinger von Nüremberg) and the extraordinarily moving title role of Reimann’s Lear at the Paris Opera, Bo Skovhus takes us to the banks of the mill-stream to tell us the story of the miller’s apprentice, spurned by the girl he is hopelessly in love with and driven to drown himself in despair.

OPÉRA CÔTÉ COUR

DIE ZAUBERFLÖTE WOLFGANG AMADEUS MOZART

operas comes for the first time to the Geneva opera stage. Composed for

La Flûte enchantée : est-il une œuvre plus représentative de la magie de

the reopening of the refurbished Jubilee Hall in Aldeburgh in 1960, A

l’opéra ? Pour la dernière production présentée sur la scène de Neuve,

Midsummer Night’s Dream creates a spellbinding atmosphere, full of subtle

le Grand Théâtre de Genève offre le plus beau des cadeaux à son public.

harmonies and tone painting. Britten took great pleasure in the various levels

L’ultime chef d’œuvre lyrique de Mozart sera dirigé par le promet-

of action between the comedy’s groups of characters and translated them

teur chef d’orchestre hongrois Gergely Madaras et donné

with strongly differentiated colours: harps, keyboards and percussion for the

dans une mise en scène de Daniel Kramer dont le travail sur

fairies, strings and woodwinds for the lovers and brass for the mechanicals. It

Punch and Judy avait séduit le public genevois. Le metteur en

is also one of the few modern operas to cast a countertenor in the main part,

scène étasunien nous racontera comment le prince Tamino

as Oberon, King of the Fairies. German director Katharina Thalbach lets her

est soumis à différentes épreuves pour délivrer la princesse


P L E I N F E U X D ’ U N E R I V E À L’A U T R E A C R O SS T H E R I V E R , I N TO T H E GA R D E N

Pamina. Pour cette nouvelle production, il s’attaque donc à une œuvre aux mille symboles, dans laquelle s’opposent l’univers du jour régi par Sarastro et celui des ténèbres dominé par la Reine de la Nuit. Deux distributions s’alterneront pour offrir un total de douze représentations qui égayeront la période des fêtes de fin d’année et le début de l’année 2016. Is there anything more typical of the enchantment that opera creates on the stage than The Magic Flute? For its last production on stage at Place de Neuve before renovations begin, the Grand Théâtre has a treat in store for emerging talent Gergely Madaras and staged by Daniel Kramer, whose Punch and Judy proved quite a hit at the BFM in 2011. It will be up to the turbulent American stage director to tell the highly symbolic story of Prince Tamino’s trials and tribulations to bring Princess Pamina out of the world of darkness, ruled by her mother the Queen of the Night, into Sarastro the Wise’s kingdom of daylight. Thanks to a double cast of soloists, no less than twelve performances of this well-loved classic will be on stage through the Christmas holidays and into the New Year.

OPÉRA – VERSION CONCERT VICTORIA HALL

LA FORZA DEL DESTINO GIUSEPPE VERDI

©GTG / NICOLAS SCHOPFER / AIMERY CHAIGNE

its audience, Mozart’s swan song and masterpiece, conducted by Hungarian

with its baroque vocal and instrumental pyrotechnics, ideal music for the intimate acoustics of a wooden theatre, like in the old days? Swiss-Argentine early music whiz Leonardo García Alarcón’s first conducting gig with the OSR at the Grand Théâtre is as eagerly awaited as German thespian wunderkind David Bösch’s staging of this London opera hit from 1734.

Après la Messa da requiem la saison précédente, la présentation en version concert de La Forza del destino correspond à la nouvelle collaboration avec l’Orchestre de la Suisse Romande, fidèle partenaire musical du Grand Théâtre de Genève. Directeur musical de l’Opéra royal de Wallonie à Liège, Paolo Arrivabeni est considéré comme l’un des grands spécialistes du répertoire lyrique de l’Ottocento. Déjà présent pour La Donna del lago et Le Comte Ory, il retrouvera l’OSR et le Chœur du Grand Théâtre de Genève. Il pourra aussi compter sur des stars du chant verdien de la trempe de la soprano hongroise Csilla Boross, des barytons italiens Franco Vassallo et Pietro Spagnoli ou de la basse russe Vitalij Kowaljow. Et si certains critiquent le caractère invraisemblable du livret de La Forza del destino, il n’empêche que la partition regorge d’airs plus sublimes les uns que les autres, à apprécier lors de ces trois concerts. In the wake of last season’s concert presentation of Verdi’s Messa da requiem, the Grand Théâtre’s partnership with its faithful musical companion the Orchestre de la Suisse Romande continues, featuring a concert performance of La Forza del destino, by the same composer. Paolo Arrivabeni is the musical director of the Royal Opera of Wallonia in Liège (Belgium) and considered one of the great specialists of the Italian opera repertoire of the 19th century. After having conducted La Donna del lago and Le Comte Ory in Geneva, he is back with the Grand Théatre Opera Chorus and the OSR, along with a cast of stellar Verdian specialists such as Hungarian soprano Csilla Boross, Italian baritones Pietro Spagnoli and Franco Vassallo and Russian bass Vitalij Kowaljow. La Forza del destino may be one of Verdi’s more implausible plots, but the opera is just one sublime aria after another, and therefore best enjoyed in these three concert performances.

OPÉRA CÔTÉ JARDIN

ALCINA

GEORG FRIEDRICH HÄNDEL Vers 1530, l’Arioste publie sa fantasy épique, Orlando furioso, dans lequel le chevalier croisé Roland perd la raison suite à un rejet amoureux et parcourt le monde pour reconquérir sa belle. Quand, cent ans plus tard,

RÉCITAL CÔTÉ JARDIN

SUSAN GRAHAM

Originaire du Sud-Ouest des États-Unis, Susan Graham ne se produit qu’à de rares occasions hors de son pays natal. Pour preuve, ses prochains engagements seront Didon (Les Troyens) à San Francisco et la Comtesse Geschwitz (Lulu) au Metropolitan Opera, la célèbre institution lyrique newyorkaise où elle chante au moins une fois par saison. Depuis ses débuts à Covent Garden en 1994, celle que l’on présente comme l’« America’s favorite mezzo » mène une brillante carrière internationale : après s’être fait remarquer dans Mozart et Händel, avec des rôles travestis puis d’autres plus virtuoses, elle s’est illustrée dans le répertoire lyrique français. À l’occasion de son récital genevois, elle sera accompagnée par Malcolm Martineau, avec qui elle interprétera des grandes pages de la littérature musicale européenne, dont des œuvres de Schumann, Fauré, Strauss, Grieg, Debussy, Poulenc, Tchaïkovski, Granados et Berlioz. Hailing from the South-Western United States, Susan Graham only very rarely performs abroad. Her next engagements demonstrate this: Dido (Les Troyens) in San Francisco and Countess Geschwitz (Lulu) at New York’s famous Metropolitan Opera, where she appears at least once per season. Since her début at Covent Garden in 1994, “America’s favourite mezzo”, as she is often dubbed, has led a brilliant international career. After beginning with remarkable performances of Mozart and Handel trouser roles, as well as other more virtuoso parts, she successfully took up the French opera repertory. For her Geneva recital, with accompanist Malcolm Martineau, she will be performing some of the greatest items of European music with works by Schumann, Fauré, Strauss, Grieg, Debussy, Poulenc, Tchaikovsky, Granados and Berlioz.

OPÉRA CÔTÉ JARDIN

LE MÉDECIN MALGRÉ LUI CHARLES GOUNOD

on inventa l’opéra, les personnages passionnés et les décors exotiques de

N’étant pas du genre à rester oisif, Charles Gounod mit à profit un fâcheux

l’Arioste lui ont fourni des intrigues juteuses pleines d’amours maudites,

délai pour son Faust (un théâtre parisien occupait alors toute l’attention

de magie noire et de folie. Händel a puisé pas moins de trois sujets d’opéra

du public avec un Faust pour les nuls) pour écrire, en quelques mois, une

dans le Roland furieux : Alcina porte le nom de l’un des personnages les

version lyrique du Médecin malgré lui de Molière. Plus comédie musicale

plus hauts en couleur de l’épopée, reine barbare et puissante sorcière,

que grand opéra, alternant dialogues parlés et numéros musicaux, le

figure tragique d’un amour sincère qui lui fera perdre ses pouvoirs

petit passe-temps de Gounod fut éclipsé par ses autres œuvres, mais il

magiques. Quelle œuvre serait plus digne d’inaugurer la scène de l’Opéra

n’échappa pas à l’attention critique de Berlioz : « Tout cela est joli, frais,

des Nations qu’Alcina avec ses brillances baroques vocales et instrumen-

piquant, facile, plein d’art et de science, il n’y a rien de trop, il ne manque

tales, la musique idéale pour l’acoustique intime d’un théâtre en bois,

rien. » Pour retourner aux origines du théâtre classique français, rien de

à l’ancienne ? On attend beaucoup de la prise de baguette avec l’OSR du

plus juste que de confier cette nouvelle production du Grand Théâtre à

talentueux jeune chef baroque Leonardo García Alarcón, tout comme de la

l’Opéra des Nations à Laurent Pelly, maître émérite de tout ce qui se fait de

première mise en scène genevoise de l’enfant prodige (ou terrible, comme

mieux dans la tradition théâtrale française : esprit, élégance et une verve

vous préférez) du théâtre allemand, David Bösch.

comique qui ne force jamais le trait. Pour l’accompagner dans sa tâche : un

In the early 1500s, Italian Ludovico Ariosto published an epic poem called

autre grand artiste français, en la personne de Marc Minkowski, revient

Orlando Furioso, telling the story of a crusading knight who goes mad over

enfin à Genève faire scintiller l’OSR.

a lost love, then travels the world trying to win her back. When opera was

Not one to dawdle while his project for an opera based on Goethe’s Faust

invented a century later, Ariosto’s passionate characters and exotic settings

was delayed by the performance at a Paris theatre of a drama on the same

provided composers a century or so later, with star-crossed lovers,

subject, Charles Gounod wrote in a few months the music for an operatic

dark magic and madness. George Frederick Handel created

version of Molière’s comedy, The Doctor In Spite of Himself. More musical

three Orlando operas: Alcina is named for one of the epic’s most

theatre than grand opera, alternating spoken dialogues and musical

colourful characters, the wild sorceress queen, a tragic figure who

numbers, Gounod’s little recreation has been eclipsed by his later works,

really is in love and who loses her magic powers as a consequence.

but it didn’t escape Berlioz’s critical attention: “Everything is pretty,

What better piece to open the Opéra des Nations than Alcina,

fresh, piquant, fluent, artful and well-made; nothing is in excess and nothing is wanting.” To go back to the roots of the French theatre classics,

ACT­­- O | 23 . 15


P L E I N F E U X D ’ U N E R I V E À L’A U T R E A C R O SS T H E R I V E R , I N TO T H E GA R D E N

this new Grand Théâtre production for the Opéra des Nations is in the

Simon Keenlyside is the very incarnation of British vocal artistry and

hands of none other than Laurent Pelly, a truly international ambassador

one of the foremost lyric baritones of his generation. When this native

of what France does best on stage: wit, elegance and a comic verve where

Londoner’s Geneva début took place in 1993, as Papageno in Mozart’s

nothing is overblown. The baton of another great French artist, in the

Magic Flute, he was already a household name on the greatest European

person of Maestro Marc Minkowski, is poised to make the OSR sparkle.

stages. His fans in Geneva are lucky to have been able to witness some of the highlights of his brilliant career, namely his performances of the title

RÉCITAL CÔTÉ JARDIN

SARA MINGARDO

Touchante Neris dans la dernière production de Medea, Sara Mingardo a rappelé au public de la place de Neuve qu’elle était bien l’une des plus remarquables contraltos de sa génération, un Fach dont les défenseuses

©BENJAMIN EALOVEGA

se font d’ailleurs rare. Elle nous fait l’agréable surprise de revenir à Genève pour un récital en compagnie de l’altiste allemande Diemut Poppen et du pianiste portugais João Paulo Santos. Connue pour ses interprétations du répertoire baroque, elle abordera lors de ce récital à l’Opéra des Nations des pages du romantisme allemand, en inscrivant notamment au programme les Zwei Gesänger op. 91 de Brahms, les Wesendonck-Lieder de Wagner et les Kindertotenlieder de Mahler. Le public genevois pourra donc apprécier un nouveau penchant musical de la contralto vénitienne qui inaugura d’ailleurs la dernière édition du prestigieux Festival de Lucerne avec… l’Alt-Rhapsodie de Brahms ! With her moving performance of Neris in the Grand Théâtre’s last production of Medea, Sara Mingardo reminded Geneva audiences that she is indeed one of the most remarkable contraltos of her generation. The opportunity to hear great voices in this range is becoming so rare that an evening in her company, as well as that of German viola player Diemut Poppen and Portuguese pianist João Paulo Santos, is a most pleasant surprise. Although Ms. Mingardo is known for her skill in the baroque repertory, her recital at the Opéra des Nations will see

©DR

her performing items from the German Romantic period, such as Brahms’ Zwei Gesänger op. 9, Wagner’s Wesendonck-Lieder and Mahler’s Kindertotenlieder. After opening the last edition of the prestigious Lucerne Festival with Brahms’ Alt-Rhapsodie, the Venetian contralto

tional artist will add Geneva to Brussels, Vienna and London, on his latest performance tour, promising without a doubt one of the most exciting evenings of the Grand Théâtre recital season.

BALLET CÔTÉ JARDIN

CARMINA BURANA CARL ORFF

Carmina Burana, œuvre à la puissance viscérale et au charme ensorcelant, a souvent été chorégraphiée depuis sa création en 1937. Cette musique balance, ondoie, heurte, elle varie dans son tempo et dans son allure ; les prémices du mouvement sont là, sous notre enveloppe charnelle. La poésie médiévale, tantôt truculente, tantôt exaltée, des Carmina Burana tourne avec la roue de la Fortune et fait contrepoint avec les corps que remue ce drame ancien, humain, éternel. Depuis plus de trente ans, Claude Brumachon crée des œuvres qui allient une indéniable puissance du mouvement, une certaine sensualité du geste et une humanité sincère et profonde. Entre structuration de l’espace et déstructuration des corps, les créations de Brumachon s’inspirent du vivant, de l’être, de ce que nous montre l’Homme dans sa relation à l’autre et dans la réminiscence des émotions. À l’Opéra des Nations, le Chœur du Grand Théâtre dressera en scénographie la partition de Carl Orff que le Ballet du Grand Théâtre dansera. On retrouvera à la tête de l’OSR le talentueux Kazuki Yamada, chef invité principal de l’ensemble lémanique . Premiered in 1937, Carmina Burana – a work of deep-seated emotional

JEUNE PUBLIC CÔTÉ JARDIN

embodies the beginnings of movement that are pulsating under our mortal

piece. Its music fluctuates, collides, swings and varies in tempo and pace; it

BARBE-NEIGE

flesh. With its earthy and exalted Mediaeval poetry, Carmina Burana spins

À y regarder de plus près, les contes donnent à voir des univers bien figés.

choreographer Claude Brumachon’s work has brought together the power

et les rencontres amoureuses se déroulent selon des règles bien établies. Mais que se passerait-il si la Belle au bois dormant ne se réveillait pas, si Cendrillon ne retrouvait pas sa pantoufle et si Blanche-Neige était noire ©BENJAMIN EALOVEGA

Dichterliebe and a selection of art songs by Fauré and Ravel. This excep-

power and and bewitching charm, has often been performed as a dance

La morale y règne en grande maîtresse, on célèbre le culte de la beauté

? La chorégraphe Laura Scozzi, qui a collaboré la saison passée à La Grande-Duchesse de Gérolstein, se joue des codes du genre, balaie clichés et références pour réinterpréter quelques-uns des classiques du conte, à coup de bâtons de dynamite ! À la croisée de la danse, du mime et du théâtre, ce spectacle se veut populaire et sans complexe. Servi par huit formidables danseurs de hip-hop, Barbe-Neige et les Sept Petits Cochons au bois dormant séduira petits et grands ! Fairy-tales, when you look at them closely, are usually set in a pretty conventional universe. Morality reigns supreme, beauty is celebrated and love affairs are conducted according to time-honoured rules. But what if Sleeping Beauty never woke up? And what if Cinderella never found her glass slipper? And what if Snow White were Snow Black? Choreographer Laura Scozzi, whose contribution to La Grande-Duchesse de Gérolstein was applauded on stage last season, makes light of gender codes, sweeps aside archetypes and clichés to offer a radical reinterpretation of the fairy-tale classics. At the crossroads of dance, mime and theatre, her show is unabashedly accessible to all audiences. With its cast of eight fantastic hip-hop dancers, Snow Beard and the Sleeping Seven Little Pigs

©DR

is bound to please both kids and grown-ups!

RÉCITAL CÔTÉ JARDIN

©DR

was back in 2010 as a recitalist, offering a moving rendition of Schumann’s

reveals an unexpected aspect of her talent to music lovers in Geneva.

ET LES SEPT PETITS COCHONS AU BOIS DORMANT

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roles of Hamlet in 1996 and Pelléas et Mélisande in 2000. More recently, he

the goddess Fortuna’s wheel in counterpoint with the bodies she stirs in an ancient, human, eternal drama. For more than thirty years, French of movement, the sensuality of gesture and a profound sense of humanity. Brumachon’s dance pieces move between structured space and destructured bodies, taking their inspiration from life and being, from the connections between human beings and from the rekindling of emotions through memory. On stage at the Opéra des Nations, the Chorus of the Grand Théâtre makes Carl Orff’s score into a set for the Geneva Ballet Company to dance before.The OSR will be placed under the baton of the gifted Kazuki Yamada, principal guest conductor of the Swiss French ensemble.

OPÉRA CÔTÉ JARDIN

FALSTAFF GIUSEPPE VERDI

La saison 15-16 du Grand Théâtre de Genève se conclut un peu comme Giuseppe Verdi a mis un point final à sa carrière lyrique : par un dernier grand éclat de rire. Retraçant les aventures de Sir John Falstaff, chevalier à la bedaine, Falstaff rejoint Le Nozze di Figaro et Il Barbiere di Siviglia au rang des œuvres lyriques comiques les plus réussies. On retrouve dans la fosse le chef d’orchestre étasunien John Fiore, invité régulier du Grand Théâtre de Genève (Parsifal, Andrea Chénier et Nabucco), tandis que la mise en scène sera confiée à Lukas Hemleb. Après s’être attaqué à l’Iphigénie en Tauride de Gluck, le metteur en scène allemand se mesure cette fois à l’humour shakespearien et au génie tant musical que dramatique de la paire Verdi-Boito. La scénographie est signée Alexander Polzin, artiste plasticien de renom pour qui la scène lyrique représente depuis plusieurs années un

SIMON KEENLYSIDE

champ d’expression privilégié.

Simon Keenlyside ou l’art du chant British : le baryton anglais compte

way Giuseppe Verdi concluded his career as a composer: with a huge,

parmi les grands interprètes lyriques de sa génération. En 1993, lorsque

hearty peal of laughter. His last opera tells the story of Sir John Falstaff,

le chanteur londonien faisait ses débuts au Grand Théâtre de Genève en

Shakespeare’s «huge hill of flesh», and is as great a comic opera as The

Papageno (Die Zauberflöte), il avait déjà conquis les plus grandes scènes

Barber of Seville and The Marriage of Figaro. American conductor John

européennes. Au Grand Théâtre, nous avons eu la chance d’assister à

Fiore, a regular at the Grand Théâtre, will be in the pit at Opéra des

plusieurs temps forts de sa fulgurante carrière : notamment ses incarna-

Nations, with Lukas Hemleb tackling his first Verdi after his remarkable

tions des rôles-titres d’Hamlet et de Pélléas et Mélisande, respectivement

Iphigenia in Tauris by Gluck last season in Geneva. Quite a challenge for

en 1996 et en 2000, mais également ce dernier récital en 2010 au cours

the German stage director, as this pillar of the Italian opera repertory not

duquel il avait livré une interprétation très émouvante des Dichterliebe

only features all of Shakespeare’s wit and wisdom, but also the dramatic

de Schumann et d’une sélection de mélodies de Fauré et Ravel. Après

and musical genius of one of the greatest teams in musical history: Arrigo

Bruxelles, Vienne et Londres, cet artiste d’exception fera escale à Genève

Boito and Giuseppe Verdi. With him, Alexander Polzin, a visual artist of

pour une soirée qui s’annonce d’ores et déjà comme l’un des temps forts

note in the Berlin arts scene, will be furthering his keen interest in opera

de cette nouvelle saison de récital.

by proposing a set design for Hemleb’s Falstaff. ■

The Grand Théâtre’s 15-16’s season comes to a close in much the same


e n t cl A C e

un entretien mené par M athieu P oncet

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Un opéra côté jardin

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En charge du projet de construction de l’Opéra des Nations, Sophie Bourgeois, Mathias Buchi, et Claus Hässig ont répondu à quelques questions qui permettront aux lecteurs d’ACT-O d’en savoir un peu plus sur ce qui sera la structure d’accueil temporaire des productions lyriques et chorégraphiques du Grand Théâtre de Genève. Mathieu Poncet Pourriez-vous nous évoquer les paramètres qui ont défini le profil du futur Opéra des Nations (OdN) ?

Comédie Française, dans la cour du Palais Royal, quasiment enchâssé entre les colonnes de Daniel Buren.

Sophie Bourgeois  Avant tout il faut dire que Tobias Richter, directeur général du Grand Théâtre de Genève, était très sensible à l’idée d’un théâtre en bois. Théâtre dont l’apparence et l’ambiance ne seraient pas éloignées du Théâtre de Mézières ou de la Grange d’Évian. Les éléments du Théâtre Éphémère offraient l’occasion de se diriger vers une démarche de simplicité qui permette de passer d’un lieu dévolu au théâtre parlé à une scène lyrique. La structure initiale en bois s’adaptant à un découpage puis à un agrandissement de ce futur théâtre afin de le transformer selon nos besoins, notamment en augmentant la jauge à 1 100 places et en installant une fosse d’orchestre.

MP De quelle façon avez-vous prospecté pour trouver la structure adaptée aux besoins du Grand Théâtre ?

Mathias Buchi  Au niveau architectural, j’aimerais dire que l’un des enjeux de ce projet est aussi de repenser ce théâtre alors qu’il a été initialement conçu pour s’appuyer sur les structures en pierre de la

Claus Hässig : secrétaire général du Grand Théâtre et directeur du projet délégué par le Conseil de Fondation du Grand Théâtre de Genève. Sophie Bourgeois : directrice du bâtiment de la Comédie-Française, conceptrice du Théâtre éphémère qui sert de base à l’Opéra des Nations et consultante auprès du Grand Théâtre de Genève. Mathias Buchi : architecte mandataire du projet et associé de l’atelier br architectes associés sa à Carouge.

CH Il faut se rappeler qu’initialement le Grand Théâtre devait être fermé pour sa rénovation pendant une période d’un an. À cette époque, le Conseil de Fondation du Grand Théâtre et Tobias Richter ont prospecté les salles genevoises existantes afin de mettre sur pied une programmation qui se déroule en plusieurs lieux. La nouvelle salle de l’Alhambra, le Victoria Hall, et tout particulièrement le Bâtiment des Forces Motrices étaient retenus. Dès que notre direction a compris que les travaux à la place de Neuve allaient se dérouler pendant deux ans, elle a pris la mesure de la nécessité d’avoir une scène entièrement dévolue au Grand Théâtre. C’est ainsi que grâce à l’opportunité d’acquérir les éléments démontables du Théâtre Éphémère, la décision de les adapter à nos besoins acoustiques et scénographiques dans un cadre budgétaire équilibré est devenue évidente. SB Il est clair que l’adaptation des éléments parisiens de notre théâtre était la meilleure façon de répondre aux attentes du Grand Théâtre, et je veux dire que cette démarche est novatrice. À part le Théâtre des Haras d’Annecy, je ne crois pas qu’un tel type de scène existe actuellement, et il faut préciser que le Théâtre des Haras n’est lui pas totalement en bois puisque bâti sur une structure métallique.

© GTG /  SAMUEL RUBIO

Claus Haessig L’un des paramètres essentiels de cette entreprise, et qui a été immédiatement défini, était de créer un lieu qui fidélise la multiplicité de nos publics, et tout particulièrement nos abonnés. Offrir une structure qui accueille l’art lyrique dans les standards d’excellence qui sont les nôtres. Un lieu où nos traditions sont magnifiées et où la programmation de nos saisons peut être maintenue avec continuité, tout en s’inspirant de la spécificité de cette nouvelle scène.

[de gauche à droite]

R ACT­­- O | 23 . 17


LE CARNET DU CERCLE UN OPÉRA CÔTÉ JARDIN

18 . ACT­­- O | 23

MP Quelles ont été les difficultés et les enjeux liés à la recherche du lieu dévolu à l’implantation de cette nouvelle scène ?

Collège Sismondi et la Maison de la Paix, s’inscrit totalement dans la volonté de ce mécénat, malgré son caractère éphémère.

CH Pour bien comprendre la situation politique et économique dans laquelle s’est déroulée la recherche d’un lieu adapté puis l’implantation de l’OdN, il faut savoir que la très grande implication des pouvoirs publics aux coûts des travaux du Grand Théâtre, et tout particulièrement de la Ville de Genève, nous a obligé à nous tourner vers un financement constitué de fonds privés pour notre bâtiment d’accueil éphémère. C’est la généreuse participation de nombreux mécènes – aux avantpostes desquels se trouvent les membres du Cercle – qui a permis de mettre en place le budget nécessaire à ce projet piloté par la Fondation du Grand Théâtre. Par-delà les contraintes légitimes liées aux autorisations de construire, le véritable enjeux culturel et social a été de trouver le terrain d’accueil adapté à nos besoins artistiques et organisationnels, qui satisferait nos publics actuels et qui nous permettrait d’attirer de nouveaux types de mélomanes.

MP De quels types ont été les transformations nécessaires à la nouvelle utilisation des éléments du Théâtre Éphémère ?

MB Malgré la possibilité d’envisager d’autres lieux, le parc EugèneRigot s’est rapidement montré le plus adapté. Ce site protégé et de verdure, qui fait écho à notre démarche foraine d’un bâtiment en bois, possède grâce à la présence de sa maison de maître un bel encrage urbanistique historique. Il offre également à la rive droite de notre Cité une institution culturelle de grand format qui séduira de nouveaux publics de la Genève internationale, ainsi que ceux vivant sur cette rive ou sur le canton de Vaud. Cela me semble être une démarche forte et symbolique d’associer l’espace vert du parc Eugène-Rigot à l’urbanité de la place des Nations, de conjuguer les bâtiments de l’OMPI ou de la Maison de la Paix avec notre opéra en bois. CH J’aimerais aussi ajouter que le souhait de la Fondation Rockefeller, lorsqu’elle a fait don de ce terrain, était de créer un lieu d’échanges intellectuels et culturels entre la Genève locale et celle internationale, un lieu de pédagogie aussi. L’OdN, inséré entre le

MB Trois paramètres majeurs ont dicté notre démarche. Il faut avant tout respecter avec la plus grande rigueur le cadre budgétaire défini, sans envisager un quelconque dépassement. Ensuite nous devrons travailler sur un emplacement vierge et en pente. Enfin nous devrons impérativement rendre en 2018 un terrain en l’état, ni pollué ni défiguré. Comme je l’ai mentionné précédemment, là où le Théâtre Éphémère de la Comédie-Française s’appuyait sur des fondations et des murs en pierre, nous devons nous poser sur un plateau à créer, en cours de réalisation actuellement. La spécificité de notre démarche a donc été d’imaginer un sol en bois positionné sur de nombreux pieux fait d’arbres de la forêt genevoise. À notre départ nous ferons place nette, les pieux se putréfiant de façon naturelle aux cours des années. Les transformations de ce théâtre qui est en bois de son sol à son faîtage, concernent essentiellement son agrandissement qui permet de passer d’une jauge de 750 à 1 100 places, la réalisation d’une fosse d’orchestre accueillant jusqu’à 70 musiciens, et la création des espaces et des systèmes spécifiques aux productions lyriques. SB Par-delà le projet d’installation de ce théâtre dans un jardin, et toutes les questions liées au choix de l’implantation la moins perturbante pour la flore, ce sont les spécificités liées à la production d’opéras qui ont guidé notre travail et nos transformations. Nous avons respecté les attentes des corps de métiers tout en sachant néanmoins que le nombre d’intervenants sur le plateau de l’OdN ainsi que la complexité et la taille des décors seraient moindres que sur la scène de la place de Neuve. Nous avons dû par conséquent proposer des solutions simples s’adaptant à la volumétrie de l’OdN et aux spécificités acoustiques induites. MB Conjuguer les besoins et les contraintes dues au plus grand nombre d’intervenants d’une production lyrique (par opposition au théâtre parlé) nous a obligé à fortement réfléchir aux problèmes de circulation et de logistique qui surgissent dans le cadre de ce théâtre forain. CH J’aimerais à ce propos rendre hommage à la créativité de Sophie Bourgeois et de Mathias Buchi, qui partant d’une structure existante, ont réussi à se projeter vers un nouveau théâtre qui assimile toutes nos attentes et n’est pas entravé par sa précédente affectation. MP Cette nouvelle scène genevoise est-elle unique ?

© BRODBECK ROULET ARCHITECTES ASSOCIÉS SA

The idea of using a wooden theatre as a temporary venue during the two year-long renovations project at Place Neuve was very appealing to the General Manager, Tobias Richter, but the Comédie-Française’s original structure – structurally designed to be built into the architectural features of the Palais Royal courtyard in Paris – needed to be cut open and expanded if the future venue was to attain a capacity of 1’100 seats and feature an orchestra pit. This new building also had to meet the standards of excellence our audience members expect. Despite the presence of alternative theatrical venues in Geneva, the extent and duration of renovations made it very clear that the Grand Théâtre would need to invent its own space during that period. Adapting the Comédie-Française’s theatre to our acoustic and dramatic needs, within a balanced budget, simply made a lot of sense. Challenges arose at first in terms of financing this project, as the Grand Théâtre’s main sponsor, the City of Geneva, was already fully engaged in supporting the renovations. In the absence of public funding, an appeal was made for private support – most notably that of individual patrons and members of the Cercle – and generously granted. Of all the physical venues considered, the Parc Eugène-Rigot, part of the Rockefeller Donation, was obviously ideal: a green space near a heritage property with a cultural and humanitarian vocation, in the midst of the international organisations. Not only is the location highly symbolic, it is also practical: the new venue places one of Geneva’s major cultural institutions on the Right Bank and becomes accessible to patrons on that side of the lake, notably those living in Vaud. Further challenges included a strict respect of budgetary limits, the natural declivity of the plot and the need to vacate it fully and without any trace of occupation in 2018. Wooden posts sourced from local woodland will be driven into the soil, supporting a platform on which the entirely wooden building is constructed. When the entire venue is dismantled, the posts will eventually rot away in the ground. By expanding the building’s size, increasing its seating capacity from 700 to 1’110 seats and adding an orchestra pit for 70 musicians, as well as audience facilities, Paris’ Théâtre Éphémère becomes Geneva’s Opéra des Nations. The building will function like an opera house in a beautiful garden and all the technical and dramatic requisites have been factored into its design, with necessary allowances made in terms of the new opera house’s reduced size and volume. As a theatre, its simplicity, holistic acoustics and full-frontal house perspective call for a new vision of stagecraft and a different relationship of the audience to the performance. Once its two-year term of use is over, the Grand Théâtre is contractually bound to dismantle the Opéra des Nations; the Grand Théâtre Board of Trustees and general management are already looking for potential acquirers in 2018. All parties involved, from the project’s original architect Sophie Bourgeois, to the Swiss practice transforming the theatre into an opera house, along with the Grand Théâtre administration are thrilled to take part in this exciting project, in which contemporary values of sustainability and upcycling are at the service of the living arts and the community.

© BRODBECK ROULET ARCHITECTES ASSOCIÉS SA

IN SHORT

SB La singularité de cette nouvelle scène, c’est certainement sa simplicité. Nous nous trouvons dans un théâtre frontal, sans cintres et sans dessous, ce qui induit une nouvelle réflexion liée à la mise en scène. Cette frontalité offre à toutes les places une visibilité unique, et l’acoustique y est également totalement homogène. La perception des spectateurs est ici différente à celle que l’on éprouve dans un


Fondé en 1986, le Cercle du Grand Théâtre s’est donné pour objectif de réunir toutes les personnes et entreprises qui tiennent à manifester leur intérêt aux arts lyrique, chorégraphique et dramatique. Son but est d’apporter son soutien financier aux activités du Grand Théâtre et ainsi, de participer à son rayonnement.

© CHRISTOPHE RAYNAUD DE LAHE

Rejoignez-nous !

théâtre à l’italienne. Je veux également rappeler que souvent les théâtres européens ferment le temps de leur rénovation, alors qu’ici l’enjeu est de réaliser autant de productions qu’à la place de Neuve, en s’adaptant évidement à un lieu particulier, mais dans un même souci d’excellence ; ceci est unique. MB L’unicité réside aussi dans le fait que cette salle n’est conçue que pour une durée de vie genevoise de deux ans. Nous déplaçons ainsi ce concept parisien pour l’adapter au territoire genevois dans un soucis de confort et de qualités artistiques maximales. Ce type de projet est une première dans notre Cité. CH Sans vouloir vous contredire, je rappelle néanmoins que pour les festivités dédiées au centenaire de l’entrée de Genève dans la Confédération en 1915, une salle en bois de 3 000 places avait été érigée au parc Mon Repos. Je trouve vraiment réjouissant que le passé de notre République et notre vision du futur du Grand Théâtre se rejoignent sur des projets voisins. MP L’OdN aura-t-il un futur après 2018 ? CH Il est tout à fait clair que la volonté du Grand Théâtre de Genève est de retrouver son bâtiment historique de la place de Neuve en 2018. Le contrat qui nous lie à nos tutelles est explicite, l’OdN sera démonté à la fin de notre exploitation et le parc Eugène-Rigot rendu à sa destination initiale. La Fondation du Grand Théâtre et notre direction générale s’occupent déjà de trouver une institution intéressée à acquérir cette structure démontable en 2018. MB Les transformations que nous avons conçues permettent à cette structure d’être parfaitement démontable et réutilisable par un nouvel acquéreur et nous souhaitons tous que ce théâtre puisse maintenir son activité dans divers lieux d’accueil. MP Souhaiteriez-vous ajouter quelques mots de conclusion ? SB J’aimerais conclure en disant que nous sommes réellement en train de vivre une aventure passionnante. Là où nous avions envisagé un théâtre éphémère parisien voué au théâtre parlé, nous l’avons fait se muter en un théâtre lyrique sans en oublier ses qualités premières, et j’espère qu’il continuera plus tard et ailleurs à être un lieu d’accueil culturel et artistique. Une pérennisation de l’éphémère. CH Pour le Grand Théâtre, et malgré la tension intense que la saga liée au déménagement et à l’implantation de l’OdN a générée, je suis persuadé que c’est une aventure enrichissante, commune et solidaire pour nos collaborateurs et pour notre public. Une belle parenthèse sous les frondaisons du parc Eugène-Rigot et à proximité de nouveaux publics et des organisations internationales. Deux saisons où nous proposerons d’autres facettes de l’art lyrique avant de retrouver avec une grande joie notre opéra de la place de Neuve. ■

Nous serions heureux de vous compter parmi les passionnés d’ arts lyrique, chorégraphique et dramatique qui s’engagent pour que le Grand Théâtre de Genève conserve et renforce sa place parmi les plus grandes scènes européennes. Adhérer au Cercle du Grand Théâtre, c’est aussi l’assurance de bénéficier d'une priorité de placement, d'un vestiaire privé, d'un service de billetterie personnalisé et de pouvoir changer de billets sans frais. Vous participerez chaque année au dîner de gala à l’issue de l’Assemblée Générale et profiterez des cocktails d’entracte réservés aux membres. De nombreux voyages lyriques, des conférences thématiques « Les Métiers de l’Opéra », des visites des coulisses et des ateliers du Grand Théâtre et des rencontres avec les artistes vous seront proposées tout au long de la saison. Vous pourrez assister aux répétitions générales et bénéficierez d'un abonnement gratuit à ce magazine. Vous recevrez également tous les programmes de salle chez vous.

Pour recevoir de plus amples informations sur les conditions d’adhésion au Cercle, veuillez contacter directement : Madame Gwénola Trutat (du lundi au vendredi de 8 h et 12 h) T + 41 22 321 85 77 F + 41 22 321 85 79 cercle@geneveopera.ch Cercle du Grand Théâtre de Genève Boulevard du Théâtre 11 1211 Genève 11

Nos membres B ureau M. Luc Argand, président M. Pierre-Alain Wavre, vice-président M. Jean Kohler, trésorier Mme Véronique Walter, secrétaire Mme Françoise de Mestral

M. et Mme Neville Cook M. Jean-Pierre Cubizolle M. et Mme Claude Demole M. et Mme Olivier Dunant Mme Denise Elfen-Laniado Mme Maria Embiricos Mme Diane Etter-Soutter A utres membres du comité Mme Clarina Firmenich Mme Claudia Groothaert M. et Mme Eric Freymond Mme Vanessa Mathysen-Gerst Mme Elka Gouzer-Waechter Mme Coraline Mouravieff-Apostol Mme Claudia Groothaert Mme Brigitte Vielle M. et Mme Philippe Gudin de La Sablonnière M. Gerson Waechter Mme Bernard Haccius Mme Théréza Hoffmann M embres bienfaiteurs M. et Mme Philippe Jabre M. et Mme Luc Argand M. et Mme Eric Jacquet M. et Mme Guy Demole M. Romain Jordan Fondation de bienfaisance de la banque Pictet Mme Madeleine Kogevinas Fondation Hans Wilsdorf M. et Mme Jean Kohler M. et Mme Pierre Keller M. David Lachat Banque Lombard Odier & Cie SA M. Marko Lacin M. et Mme Yves Oltramare Mme Michèle Laraki Mrs Laurel Polleys-Camus M. et Mme Pierre Lardy M. et Mme Adam Saïd Mme Eric Lescure Union Bancaire Privée – UBP SA Mme Eva Lundin M. Pierre-Alain Wavre M. Bernard Mach M. et Mme Gérard Wertheimer Mme France Majoie Le Lous M. et Mme Colin Maltby M embres individuels M. et Mme Thierry de Marignac S. A. Prince Amyn Aga Khan Mme Mark Mathysen-Gerst Mme Diane d’Arcis M. Bertrand Maus S. A. S. La Princesse Etienne d’Arenberg Mme Anne Maus Mme Dominique Arpels M. Olivier Maus M. Ronald Asmar Mme Béatrice Mermod Mme Véronique Barbey M. et Mme Charles de Mestral Mme Christine Batruch-Hawrylyshyn Mme Vera Michalski Mme Maria Pilar de la Béraudière M. et Mme Francis Minkoff M. et Mme Philippe Bertherat M. et Mme Bernard Momméja M. et Mme Christopher Mouravieff-Apostol Mme Antoine Best Mme Pierre-Yves Mourgue d’Algue Mme Saskia van Beuningen M. et Mme Trifon Natsis Mme Françoise Bodmer Mme Laurence Naville M. Jean Bonna M. et Mme Philippe Nordmann Prof. et Mme Julien Bogousslavsky M. et Mme Alan Parker Mme Christiane Boulanger M. et Mme Shelby du Pasquier Mme Clotilde de Bourqueney Harari Mme Sibylle Pastré Comtesse Brandolini d’Adda M. Jacques Perrot Mme Robert Briner M. et Mme Wolfgang Peter Valaizon Mme Caroline Caffin M. et Mme Gilles Petitpierre M. et Mme Alexandre Catsiapis M. et Mme Charles Pictet Mme Maria Livanos Cattaui M. et Mme Guillaume Pictet Mme Muriel Chaponnière-Rochat M. et Mme Ivan Pictet M. et Mme Julien Chatard

M. et Mme Jean-François Pissettaz Mme Françoise Propper Comte de Proyart Mme Ruth Rappaport M. et Mme François Reyl M. et Mme Andreas Rötheli M. Jean-Louis du Roy de Blicquy M. et Mme Gabriel Safdié M. et Mme Adam Saïd Comte et Comtesse de Saint-Pierre M. Vincenzo Salina Amorini M. et Mme Paul Saurel M. Julien Schoenlaub Mme Claudio Segré Baron et Baronne Seillière M. Thierry Servant Marquis et Marquise Enrico Spinola Mme Christiane Steck M. André-Pierre Tardy M. et Mme Riccardo Tattoni M. et Mme Kamen Troller M. et Mme Richard de Tscharner M. et Mme Gérard Turpin M. et Mme Jean-Luc Vermeulen M. et Mme Julien Vielle M. et Mme Olivier Vodoz Mme Bérénice Waechter M. Gerson Waechter Mme Stanley Walter M. et Mme Lionel de Weck Mme Paul-Annik Weiller M embres institutionnels 1875 Finance SA Banque Pâris Bertrand Sturdza SA Bucherer SA Christie’s (International) SA Credit Suisse SA Fondation Bru Givaudan SA Gonet & Cie, Banquiers Privés H de P (Holding de Picciotto) SA JT International SA Lenz & Staehelin La Réserve, Genève SGS SA Vacheron Constantin

Organe de révision : Plafida SA Compte bancaire N° 530 290 MM. Pictet & Cie

ACT­­- O | 23 . 19


D

DIDACTIQUE

En 2002, à l’occasion des 130 années d’existence du groupe en Suisse, BNP Paribas (Suisse) SA a créé sa propre fondation, à l’image de celle de la maison mère à Paris, afin d’inscrire son engagement pérenne dans ses actions. L’ancrage de la banque en Suisse l’a incitée à engager des activités de mécénat dans l’ensemble du pays depuis de nombreuses années. En créant sa fondation – une nouveauté pour une banque étrangère en Suisse –, BNP Paribas marquait ainsi sa volonté d’œuvrer pleinement en faveur de la vie culturelle et sociale helvétique. Aujourd’hui, la Fondation BNP Paribas Suisse est considérée comme un exemple éloquent de mécénat d’entreprise et comme une véritable référence en la matière. La Fondation a pour vocation de développer et soutenir en Suisse des actions concertées dans trois domaines bien définis : la connaissance du patrimoine et l’expression artistique, l’aide sociale à travers des programmes solidaires et pédagogiques et des projets pilotes en faveur de la santé. La Fondation BNP Paribas Suisse encourage également des initiatives régionales et des projets de proximité. Il faut toujours garder à l’esprit que le patrimoine artistique d’un pays est non seulement un précieux témoin de l’histoire, mais aussi une source d’expériences et d’inspiration à laquelle chaque individu doit pouvoir accéder. La Fondation BNP Paribas promeut également les talents artistiques en accompagnant, jour après jour, des créateurs dans le domaine de l’art lyrique...

20 . ACT­­- O | 23

Le Liederabend Labo-M

La troupe s’en va chantant...

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Comique, tragique, gastronomique, jazzique : le Liederabend Labo-M II et ses publics... trop chic !

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par C hristopher P ark

epuis 2008, le club Labo-M offre aux abonnés du Grand Théâtre de Genève qui ont entre 18 et 31 ans un échantillon d’avantages et d’activités pour rendre l’expérience lyrique et chorégraphique plus pertinente et agréable aux jeunes adultes qui constituent le public de demain. Son programme d’activités culturelles conviviales, réservées aux adhérents Labo-M et leurs invités, inclut depuis deux ans le Liederabend Labo-M. Réunissant les membres de la Troupe des jeunes solistes en résidence pour la partie artistique, et les adhérents Labo-M et leurs invités, ce récital intime dans le décor vintage sixties du Bar de l’amphithéâtre du Grand Théâtre a tenu sa deuxième édition le 5 mars dernier. Ahlima Mhamdi (mezzo-soprano), Julienne Walker (soprano), Alexander Milev (basse), membres de la troupe des jeunes solistes en résidence au Grand Théâtre de Genève, en compagnie de Fabrice Farina (ténor, jeune soliste de 2009 à 2012) ont donné au public de Labo-M un avant-goût de la saison 15-16, en interprétant des extraits d’œuvres qui seront au programme à la place de Neuve et sur la nouvelle scène de l’Opéra des Nations. Grâce au soutien de la Fondation BNP Paribas (Suisse), partenaire fondateur de la Troupe des jeunes solistes en résidence, ces artistes peuvent ainsi non seulement se produire devant le jeune public, mais également les rencontrer et sympathiser ensemble autour d’un verre dans une ambiance cordiale et détendue. Les liens qui s’y tissent deviennent les forces vives des passions lyriques de demain ! ■

© GTG /  SAMUEL RUBIO

La Fondation BNP Paribas Suisse


E E D D i i

D ACT Chère Gisèle Savoir-vivre au Grand Théâtre

Q u Qu C A T D G Une chronique de G isèle

de

N euve illustrée par B ienassis

isèle de Neuve adore les nouvelles technologies. Telles de bonnes fées, de grandes innovations se sont penchées sur son berceau : la stéréo hi-fi, les albums LP 33 1/3, la transmission automatique. Adulte, elle a vu débarquer les machines à écrire électriques, les cassettes à bande magnétique, les lecteurs VHS, les CD et les ordinateurs personnels. Dernièrement,

Gisèle s’est mise à dépoussiérer sa collection de vinyles à la cave, pressée par son grand-neveu Kévin-Bénédict qui l’assure qu’elle recèle des trésors. Les résultats de leur recherche de l’album stéréo 1964 Vee Jay LP « Beatles vs the Four Seasons » ainsi que d’autres passionnants éléments du quotidien de votre dévouée Gisèle peuvent être likés à l’envi sur facebook.com/gisele.deneuve. Mais elle ne néglige pas son Cher Public d’ACT-O pour autant. Chère Gisèle, que nous dit votre courrier ?■

Nessun dorma!

Chère Gisèle, J’aimerais faire part à vos lecteurs et vous-même, d’une scène de salle dont j’ai récemment été témoin lors de l’excellente Iphigénie en Tauride que nous a proposé le Grand Théâtre. Étant adhérent Labo-M, je me suis enquis de la disponibilité de sièges mieux placés que mon fauteuil très haut perché habituel à l’amphithéâtre et je me suis retrouvé au premier balcon. Dans un silence remarquable, le noir se fit et commença la pastorale, puis je sentis dans mon dos l’effet infectieux de la tempête sur un genou du rang 23 qui se croyait de toute évidence plus bas dans la fosse au pupitre de la grosse caisse. Les gémissements des prêtresses eurent raison de son agitation, mais avant que Thoas ne vienne manifester ses noirs pressentiments, je sentis une autre vibration, à ma gauche, plus légère : une véritable brise de sérénité, un souffle rythmé, bien délié, sonore sans être gênant. Anna Caterina Antonacci revient, mais le subtil vrombissement ne se laisse pas perturber. J’observe les mâchoires se crisper. Une dame élégante adresse à son mari un regard de connivence, il lui répond par un haussement de sourcil, secrètement envieux des rêves de ce spectateur d’Iphigénie qui rêve peut-être à Orphée. Mon voisin, le menton planté dans le col de sa chemise, se réveillera un peu avant l’entracte. Chère Gisèle, que pensez-vous : eut-il fallu donner un coup de coude accidentel mais discret au vieux monsieur qui dormait, ou ne réveillons pas le chat qui dort ?

Calaf

Cher Calaf, L’intrusion dans la petite sphère privée qui se constitue dans un fauteuil de théâtre pendant une représentation est toujours délicate. Particulièrement quand il s’agit d’un acte aussi involontaire qu’innocent : la somnolence. Ronfler en restant assis est rare, mais ça peut arriver. Il faut espérer que son voisin a juste besoin d’une sieste express pour rafraîchir sa force d’attention et d’écoute après une longue journée et que ce ne sera qu’un épisode passager. On peut être surpris que la musique ellemême n’ait pas l’effet stimulant requis pour garder les sens en éveil. Je me trouve parfois, quand je reste en ville pendant les beaux jours d’été, dans une situation analogue à la vôtre. Lorsque je déplie ma serviette aux Bains des Pâquis, je me trouve souvent en compagnie de messieurs de ma génération qui, après les courtoisies d’usage et de charmants sourires (je me flatte d’avoir encore des admirateurs à mon âge avancé), se laissent rapidement gagner par la torpeur estivale. L’environnement sonore des jeunes baigneurs et de leurs Jambox qui font plus de bruit qu’un chœur d’enclumes (Wagner ou Verdi, c’est égal) ne couvre hélas pas leurs ronflements. À tel point que je vous envierais les ronronnements de votre voisin d’Iphigénie. Cher Calaf, ne voudriez-vous pas venir leur donner un petit coup d’orteil « accidentel mais discret » en passant me saluer, avant de piquer une tête dans le bassin de water polo ? Histoire de leur rappeler qu’on ne s’endort pas en présence d’une dame. Bon été ! Votre dévouée,

Gisèle de Neuve

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Deux moments forts de la carrière de Kathereen Abhervé au sein du service pédagogique du Grand Théâtre : Les Enfants du Levant en 2004 et La Petite Zauberflöte en 2012.

Un autoportrait par K athereen A

Après onze années d’une intense activité au sein du service pédagogique du Grand Théâtre de Genève, Kathereen Abhervé, rattrapée par certaines obligations liées à l’âge, a dû renoncer à la fin du mois d’avril, à ses nombreuses fonctions. Dame, quand on est née le 21 avril 1951, il faut savoir s’arrêter et passer le flambeau !

©GTG / MATILDE FASSO

P

lus facile à dire qu’à faire pour cette « jeune soixantenaire » débordante d’énergie et d’idées, passionnée d’opéra et fan de ski. Ce qui lui a par ailleurs valu quelques accidents mémorables, dont une main à moitié paralysée avec laquelle elle vient d’achever sa carrière. Mais en l’entendant « raconter » l’opéra (car elle est aussi conteuse !), en la voyant arpenter les coulisses de la maison et ses ateliers à la tête d’enfants, d’adolescents ou d’adultes suspendus à ses lèvres, on comprend que ce métier qu’elle a pratiqué durant plus d’une décennie, soit devenu une véritable passion. Ce n’était pourtant pas gagné lorsque Jean-Marie Blanchard, l’ancien directeur du Grand Théâtre, qui avait certes deviné ses talents de pédagogue, l’engagea suite à la défection de la responsable d’alors. Elle se souvient, non sans une certaine fierté, d’avoir repris au pied levé la préparation d’une centaine d’enfants de 6 à 16 ans engagés pour interpréter Les Enfants du Levant d’Isabelle Aboulker. Ce fut un énorme défi et ce spectacle jeune public représente l’un des plus beaux souvenirs de notre jeune retraitée. Dans un autre registre, elle n’a pas oublié non plus La Petite Flûte enchantée programmée pour les enfants deux saisons de suite. Elle revoit la place de Neuve les jours de représentations scolaires, noire

de quelque 1 300 enfants trépignant avant d’entrer au Grand Théâtre. Et quelle émotion de les entendre chanter à tue-tête sous la baguette d’un Philippe Béran survolté ! Mais la carrière de la bouillonnante médiatrice n’a pas été pavée que d’éclats de bonheur. Elle reparle en riant sous cape du scandale déclenché par une poignée d’apprentis en maçonnerie invités avec d’autres à une répétition générale et qui, peut-être inspirés par les vocalises de la cantatrice, se sont mis à hurler à qui mieux mieux. Elle pensait être renvoyée sur le champ, les dieux en avaient décidé autrement. Avant de refermer son album de souvenirs débordant d’anecdotes drôles ou pathétiques, elle aimerait dire le plaisir qu’elle a eu durant toutes ces années passées si vite, de travailler avec des collègues aussi sympathiques et coopératifs, d’accueillir autant de visiteurs ravis de découvrir un théâtre aussi performant ; elle aimerait parler du succès remporté par ses offres pédagogiques auprès des enseignants comme des élèves, enfin elle aimerait raconter les yeux émerveillés des enfants découvrant que le Grand Théâtre abrite aussi... son fantôme ! Mais si Kathereen Abhervé quitte officiellement le Grand Théâtre, elle n’abandonne pas complètement la partie, et on peut s’attendre à la revoir sur la scène de Neuve ou des Nations, au hasard d’une production en tant que... figurante. ■

✁ Vous avez moins de 30 ans révolus ?

3 ’ 0.30 30 ns

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22 . ACT­­- O | 23

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©GTG / ARIANE ARLOTTI

« Kathy » se raconte... DIDACTIQUE


Vacheron Constantin,

le silence et la création Partenaire du Grand Théâtre de Genève depuis plusieurs années, Vacheron Constantin poursuit

D

son étroite collaboration avec le monde de la danse, si proche de celui de la Haute Horlogerie.

ans une époque assourdissante et excitante à la fois, le silence est souvent vécu comme une expérience aussi rare qu’enrichissante. Rien ne saurait être plus vrai quand il s’agit de création. C’est par le geste, plus que par la parole, que le maître artisan transmet à son apprenti son savoir-faire d’exception. Le pouvoir d’émotion de la danse dit tout, sans paroles, par la seule force d’évocation. Soutenir la compagnie de danse du Grand Théâtre de Genève est l’occasion, pour Vacheron Constantin, de souligner les valeurs communes que cet art et l’univers de la haute horlogerie ont en commun : une exigence de rigueur, une vocation de l’excellence, un profond respect des valeurs mais également une éloquence à travers les formes d’expression où le verbe s’efface.

La transmission, un écho à la tradition Si la Maison Vacheron Constantin s’est engagée avec tant de conviction dans la préservation des Métiers d’art, c’est qu’ils font partie intégrante de son histoire depuis 260 ans, sans interruption. C’est aussi, et surtout, pour redonner de la voix à des savoir-faire menacés

de disparition. L’un des leviers de son action passe par l’importance accordée à la transmission. Dans les ateliers de la Manufacture, les maîtres artisans assurent la relève en enseignant les secrets de techniques qui ont miraculeusement réussi à traverser le temps. Face à son élève, l’horloger, comme le danseur, est passeur de technique comme d’émotion. Sur fond de tic-tac du balancier, le savoir se déroule pour gagner de nouveaux horizons. Alors naissent des prouesses horlogères délicatement décorées, qui battent le rappel du temps dans une chorégraphie précise et régulière.

SAISON1415

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AU BFM

C R É AT I O N C H O R É G R A P H I Q U E M O N D I A L E

B A L L E T D ’ A P R È S T R I S TA N U N D I S O L D E S U R D E S M U S I Q U E S D E R I C H A R D W A G N E R

CHORÉGRAPHIE

SCÉNOGRAPHIE

JOËLLE BOUVIER

La voie de la déraison Vacheron Constantin soutient avec joie des œuvres qui témoignent de la vitalité du Grand Théâtre de Genève. Chaque année, l’aventure se renouvelle et avec elle son lot d’étonnement. En 2015, elle donne naissance à un ballet qui explore les ressorts de la passion. « Salue pour moi le monde ! » ausculte, jusqu’à la folie, un amour dévastateur. Portée par la musique de Richard Wagner, Joëlle Bouvier livre sa vision du mythe de Tristan et Iseult, une sublimation du romantisme, exprimée par le langage muet des corps. Acte de fulgurance, bouclier contre la tiédeur et la modération, nous sommes heureux d’avoir contribué à sa création. ■

ÉMILIE ROY COSTUMES

SOPHIE HAMPE LUMIÈRES

RENAUD LAGIER A S S I S TA N T S C H O R É G R A P H I E

EMILIO URBINA R A FA E L PA R D I L L O

BALLET DU GRAND THÉÂTRE DIRECTION PHILIPPE COHEN

21| 22| 26| 27 | 28 | 29 | 30 . 0 5 . 2 0 1 5 À 1 9 H 3 0 31. 05 . 2 0 1 5 À 1 5 H w w w. g e n e v e o p e r a . c h

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©GTG / VINCENT LEPRESLE

©GTG / CAROLE PARODI

Notre Erda n’est plus...

Maïa Plissetskaïa (1925-2015) Elle était des nôtres lors des représentations d’Anna Karenina par le Ballet et l’Orchestre du Mariinski au Grand Théâtre de Genève. Le ballet fut écrit pour elle par Rodion Shchedrin, son mari. Le cygne, qui a presque dansé cinq décennies avec le Bolchoï, la prima ballerina assoluta de la danse, s’en est allée, définitivement le 2 mai 2015, à la veille de ses 90 ans. Adieu Maïa, toi qui a vécu pour la danse, nous ne t’oublierons jamais !

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de-Haute-Provence en France, un autre artiste qui nous était familier est mort. Oleg Bryjak avait 54 ans, Alberich impressionnant au Festival de Bayreuth en 2014, il avait déjà fait le tour des plus grandes scènes internationales. En 1996-1997, Tobias Richter, directeur général du Grand Théâtre de Genève, alors Generalintendant à Düsseldorf, l’avait engagé dans la troupe du Deutsche Oper am Rhein, où il chantait toujours. Artiste et interprète remarquable, Oleg était une personnalité séduisante et remarquée. Sa gentillesse, sa jovialité, son humour et sa disponibilité faisaient de lui un collègue attachant et apprécié de tous. Son répertoire impressionnant comportait des rôles tels qu’Amonasro, Iago, Rigoletto, Falstaff, Scarpia, Gianni Schicchi, Le Hollandais, Telramund, Klingsor, Alberich, etc. Maria et Oleg nous ne sommes pas prêts de vous oublier… Nos plus chaleureuses pensées vont aux familles et aux collègues d’Oleg et de Maria, et à tous ceux qui ont perdu des êtres chers lors du crash de Germanwings. ■

Un passionné s’en est allé... par D aniel D ollé

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e 24 avril 2015, la maladie a triomphé de Pierre Weiss qui s’était battu avec une volonté et un optimisme à toute épreuve, sans jamais s’avouer vaincu et perdre sa verve et son humour. Alors que la mort rôdait autour de lui et le cernait chaque jour davantage, il continuait à parler de vie, il sentait le bourreau s’approcher et avait adhéré à l’inéluctable à la manière des Stoïciens. Peu à peu, grâce à une force hors norme, il avait réussi à dompter la mort. Sans tomber dans les propos galvaudés dont on fait trop souvent usage, en de telles circonstances, Pierre Weiss, un mortel heureux jusqu’à l’ultime adieu, laissera un grand vide dans tous les milieux qui l’ont connu

©DR

©HANS JOERG MICHEL

e 24 mars 2015, le monde entier découvrait une nouvelle horreur d’un crash d’avion. Un jeune copilote de 28 ans entraînait dans un geste inexplicable, dans un « suicide altruiste », 150 personnes dans la mort, un acte incompréhensible et qui ne laisse personne indifférent. Il nous paraissait important d’évoquer cette catastrophe dans notre magazine et d’exprimer notre plus vive sympathie aux familles endeuillées, d’autant plus que parmi les passagers se trouvaient deux artistes lyriques que nous connaissions bien, la contralto Maria Radner et le baryton Oleg Bryjak. Tous deux revenaient du Gran Teatre del Liceu de Barcelone où ils venaient d’interpréter Erda et Alberich au cours d’une série de représentations de Siegfried de Richard Wagner. Maria Radner avait participé au Ring des Nibelungen au Grand Théâtre de Genève et menait à 33 ans une belle carrière internationale. Née à Düsseldorf, elle a étudié à la Musik Hochschule Robert Schumann de sa ville natale. Elle possédait une voix rare de véritable contralto. Dès 2009 commence une carrière internationale brillante, elle est invitée par le Festival de Salzbourg, La Scala de Milan, le Festival de Bregenz et participe au Ring du Met, mis en scène par Robert Lepage. À la veille de ses 34 ans, une étoile s’éteint au firmament lyrique et avec elle son fils et son mari. Pour nous, elle était plus qu’une chanteuse lyrique, elle était notre élève à la Musik Hochschule de Düsseldorf. Lors du crash du vol Germanwings à Prads-Haute-Bléone, dans les Alpes-

SOURCE: RIA NOVOSTI

par D aniel D ollé & T obias R ichter

et qui ont eu le privilège de son action et de sa passion. Politologue, sociologue, enseignant, chroniqueur, président d’un parti politique et député au Grand Conseil, Pierre Weiss était reconnu et apprécié en tant qu’huma-

niste, rhétoricien et militant pour les causes publiques et politiques. Qu’il nous soit permis de rendre un hommage particulier au passionné d’art lyrique qu’était Pierre Weiss. Il ne manquait jamais une occasion pour manifester son attachement au Grand Théâtre. Il a été le président d’Opéra et Cité, venu soutenir l’institution en maintes occasions. Amoureux du verbe, des langues, du partage et de la musique, il était un homme des Lumières. La maladie a emporté l’homme, mais ce qu’il a été, ses actions resteront gravées dans les mémoires. À la famille, à ses proches et à tous ceux qui pleurent un être cher, le Conseil de Fondation et le Grand Théâtre de Genève expriment leur plus vive sympathie. ■

Le Ring de Genève s’expose à Munich

Le Grand Théâtre fête la musique

par D aniel D ollé

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par D aniel D ollé

À partir du 22 mai 2015 et jusqu’au 18 octobre 2015, le Deutsche Theatermuseum et la Bayerische Akademie der Schönen Künste (Académie bavaroise des Beaux-Arts) présentent le travail de Jürgen Rose, scénographe et costumier mondialement connu, qui a signé les décors et les costumes du Ring des Nibelungen au Grand Théâtre de Genève.

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ne occasion pour découvrir le travail d’un artiste qui a marqué le monde de la danse grâce à sa collaboration avec John Cranko à Stuttgart, dont de nombreuses chorégraphies sont restées légendaires, mais également l’univers de l’opéra et du théâtre notamment par sa longue collaboration avec Dieter Dorn, le metteur en scène du Ring. Ce sera l’occasion de faire la connaissance du travail de Jürgen Rose qui depuis plus de cinq décennies

consacre sa vie à l’amour de l’Art. Parmi les 150 costumes présentés figureront quelques costumes et des accessoires qui vous seront familiers, car ce sont des éléments du Ring du Grand Théâtre, tout comme l’image annonçant l’exposition. C’est l’artiste lui-même, avec la minutie et la rigueur que nous lui connaissons, qui a conçu et réalisé la mise en espace de l’exposition qui donnera un aperçu d’une carrière exceptionnelle entièrement consacrée et remplie par l’univers théâtral. Nul doute, un détour par Munich et

Deutsches Theatermuseum www.deutschestheatermuseum.blogspot.de Ouvert du mardi au dimanche de 10h à 16h

une visite de l’exposition s’imposent. Le Deutsches Theatermuseum est un lieu de mémoire, de souvenirs. Car que reste-t-il lorsque les feux de la rampe s’éteignent ? Le musée est né en juin 1910 grâce à l’engagement et à la donation d’une comédienne célèbre, Clara Ziegler. Le musée ne se contente pas de conserver la mémoire munichoise, mais rassemble également des documents concernant la vie théâtrale allemande. Quelques chiffres : 4,3 millions de photographies, environ 500 000 autographes et quelques 250 000 esquisses… ■

Bayerische Akademie der Schönen Künste www.badsk.de

omme chaque année, lorsque la Ville de Genève connaît une grande animation et une grande effervescence, le Grand Théâtre vous ouvre ses portes et vous accueille afin de partager un moment de passion et d’émotions. Petits, grands, jeunes et moins jeunes sont conviés à la fête afin de découvrir, ou de redécouvrir un monde où règne l’envie de partage, d’évasions et d’oubli d’un quotidien trop souvent pesant et frustrant. En ces jours festifs, la morosité n’a pas droit de cité, alors n’hésitez pas, grimpez quelques marches et venez nous rencontrer. Avant de publier sur notre site et d’afficher un programme complet et détaillé, nous sommes ravis de pouvoir compter sur la collaboration de nombreux artistes du Grand Théâtre, mais également de l’extérieur, qui vous feront partager leur amour de la musique et pas que de l’opéra… Sans vous révéler tous les détails,

nous voulons dès à présent vous annoncer quelques points forts du programme : une visite de l’acte I de Fidelio, l’unique œuvre lyrique de Ludwig van Beethoven qu’il convient de ne pas manquer ; une projection du film sur le making-of du Ring des Nibelungen au Grand Théâtre, un concert de l’Orchestre du Collège de Genève qui vous réservera une surprise en compagnie de Philippe Béran, un autre concert avec les artistes du Chœur du Grand Théâtre de Genève au cours duquel vous pourrez participer, une rencontre avec le rock, des récitals par des artistes du Chœur et des élèves de la HEM de Genève et de Lausanne et une projection de quelques extraits d’opéras filmés au cours de la saison. Persuadés que vous serez à nouveau nombreux des nôtres, comme par le passé, nous vous donnons rendezvous le samedi 20 juin 2015 à partir de 10h et nous vous remercions, dès à présent, pour votre fidélité au Grand Théâtre. ■


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