| Septembre / Octobre / Novembre 2016 N° 28
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Le journal du Cercle du Grand Théâtre et du Grand Théâtre de Genève
APRÈS LULU EN 2010 PATRICIA PETIBON EST
Manon MISE EN SCÈNE PAR OLIVIER PY
RÉCITALS
Une rentrée exceptionnelle BA\ROCK
Jeroen Verbruggen, un ange qui passe DER VAMPYR
Un opéra aux grands frissons
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Collier Zip, transformable en bracelet, saphirs de couleur et diamants.
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Le thème de la saison 16-17
Ça vous transporte !
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Manon
Olivier Py revient avec sa Lulu Patricia Petibon Chères lectrices, chers lecteurs, Chères amies et chers amis, C’est avec grand plaisir que nous venons vers vous afin de vous dévoiler les premiers joyaux d’une saison qui se déroulera complètement à l’Opéra des Nations. Nous espérons que vous aurez passé une merveilleuse période estivale et que vous êtes prêts à partager de nouvelles aventures avec nous. Lorsque vous lirez ce nouveau magazine d’ACT-O, nous aurons déjà frappé les trois coups pour marquer le début de la saison 16-17, en accueillant l’enfant terrible des maestri, Teodor
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Der Vampyr
Le vampire retrouve les bords du lac
Currentzis et son ensemble musicAeterna, une entrée en matière exceptionnelle pour une
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nouvelle saison que nous souhaitons fascinante avec des œuvres et des artistes à découvrir ou redécouvrir.
Récitals
Une rentrée exceptionnelle
Il est normal que l’opéra-comique ait une place de choix à l’Opéra des Nations. Mais quel opéra et quelle équipe ! Olivier Py et Pierre-André Weitz retrouvent Patricia Petibon, entourée d’artistes remarquables, sous la baguette de Marko Letonja qui nous avait offert une sublime interprétation de Medea de Cherubini, en avril 2015. Une nouvelle fois, nous n’avons pas voulu faillir à la tradition des récitals qui rencontrent un réel succès depuis plusieurs saisons. Trois récitals, très différents, avec des noms prestigieux qui sont les ambassadeurs du chant à travers le monde. Peut-être serez-vous surpris de voir figurer le tango – le rouge tango – interprété par Erwin Schrott, celui qui est à la fois Don Giovanni,
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Escamillo et Méphisto. Pourquoi ne pas vous laisser surprendre, en laissant vos préjugés au placard. Fin septembre, il fera encore chaud à l’Opéra des Nations.
Adieu
Dimitri, le clown talisman
Le Ballet du Grand Théâtre, après une saison 15-16 remarquable est à l’ouvrage et ne sera pas en reste. Il est déjà de retour de deux tournées en Espagne et en Italie – à Vérone –, où il a interprété Roméo et Juliette de Joëlle Bouvier. Excusez du peu ! Avant de repartir très prochainement, le Ballet vous concocte une soirée Ba\rock, chorégraphiée par le jeune et talentueux Jeroen Verbruggen qui a signé Casse-Noisette, un des grands succès des saisons écoulées. Les œuvres de Scarlatti et de Rameau sont peut-être plus rock que baroques que vous ne l’imaginez. C’est avec un plaisir et un bonheur non dissimulés que nous vous invitons à venir frissonner,
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au mois de novembre, en compagnie du Vampire, théâtre musical inspiré par l’œuvre de
Marschner, le maillon qui relie Weber à Wagner, et qui reste trop méconnu. Une occasion rare de retrouver un personnage, né sur les bords du lac Léman. Une autre façon de fêter le bicentenaire Frankenstein et d’apaiser notre envie de chair de poule, en gardant le sourire.
De nombreux rendez-vous vous sont proposés, vous n’avez que l’embarras du choix. La meilleure façon de ne rien rater, ne serait-elle pas de s’abonner ?
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Ba\rock
L’ange Jeroen Verbruggen
Tobias Richter
CP 5126 - CH-1211 Genève 11 T +41 22 322 50 00 F +41 22 322 50 01
grandtheatre@geneveopera.ch www.geneveopera.ch Directeur de la publication Responsable éditorial Responsable graphique & artistique Ont collaboré à ce numéro Impression
Tobias Richter Mathieu Poncet Aimery Chaigne Bérangère Alfort, Luc Argand, Anne Bisang, Daniel Dollé, Patrick Ferla, Sandra Gonzalez, Petya Ivanova, Isabelle Jornod, Françoise de Mestral, Charles Pictet, Mathieu Poncet, Charles Sigel, Olivier Vodoz FOT Suisse SA
Parution 4 éditions par année ; achevé d’imprimer en août 2016. 5 000 exemplaires.
La couverture Photo réalisée avec Patricia Petibon qui interprète le rôle-titre de Manon mis en scène par Olivier Py
Photo Nicolas Schopfer DA Aimery Chaigne
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Prochainement dans le n°29
Der Vampyr 19 > 29/11/2016 Scènes de la Vie de Bohème 30/11 > 04/12/2016 La Bohème 21/12/2016 > 05/01/2017 Il Giasone 25/01 > 07/02/2017 Christian Gerhaher 27/01/2017
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À l’image des années précédentes, cette chronique vous propose de retrouver des acteurs culturels incontournables de notre cité, et leur donne la liberté
Ça vous transporte! Q
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de disserter sur notre thématique de saison. « En 16-17, Laissezvous transporter à l’Opéra des Nations » offre à Anne Bisang, metteure en scène et directrice de théâtre, l’opportunité d’évoquer le transport sous toutes ses formes.
uel est ce transport ? dit le maître avec son flegme de grand timide, teinté d’un léger accent wallon. Derrière son pupitre, face à la classe, il désigne un élève dissipé qui vient de rompre la quiétude ramollie d’une fin d’après-midi de cycle d’orientation par une gesticulation sonore entraînant une variation d’onomatopées et de sudations adolescentes. Cette expression inattendue nous fait pouffer de plus belle. Cette tournure littéraire au cœur d’une poussive leçon de français m’est restée en mémoire et continue de me faire rire. C’est que je garde aussi le souvenir du visage poupin encadré d’une chevelure au carré noire et raide du professeur rougissant. Depuis, j’aime à mon tour en certaines occasions, employer sa formule : effet garanti. Si le terme « transport » est somme toute assez moche lorsqu’il désigne les mille et un engins et infrastructures qui servent aux déplacements, il devient ludique dans le sens figuré qui le relie au corps. À défaut de pouvoir s’extraire de son enveloppe charnelle lorsqu’elle se fait lourde, carcasse encombrante au fil des ans, offrons-lui des mouvements, des circonvolutions intérieurs ! Être transporté par l’émotion d’une œuvre d’art console la nostalgie de l’enfance perdue : celle de ne plus être porté, transbahuté, chahuté par des bras aimants, solides et sûrs. Face à la scène, espace mystérieux chargé de nos projections collectives, nous nous impatientons de l’instant qui précède le décollage. C’est une présence, une voix, le frottement sensuel d’un costume qui nous vaudra peut-être ce moment d’exaltation, d’emportement furtif qui fera chavirer la soirée hors du temps, loin de nos pensées contraintes par la trivialité du quotidien. Ce sera peut-être aussi une idée, une image volontairement transgressive qui emportera notre voisin dans une effusion volcanique, un transport outré au point de huer l’artiste au moment des saluts. Le théâtre tanguera alors, tout entier secoué par l’enthousiasme des uns et la rage des autres. L’artiste est-il condamné à cela pour prouver sa légitimité : faire sensation ? Sans doute, oui. Doit-il tout mettre en œuvre pour convaincre les récalcitrants au prix de compromis éthiques et esthétiques ? L’industrie du divertissement l’y invite, l’impose même. Et tant pis si son succès recourt à de vieilles recettes déma-
gogiques. Gare aux évangélistes de l’Entertainment qui ne jugent une prestation qu’à l’applaudimètre. Ce sont souvent les mêmes qui, dans le champ politique, n’entendent que la voix du plus fort et confondent populaire et populisme. Le baromètre de l’émotion, tant sacré et consacré à notre époque, s’avère hautement infiable. Faut-il donc se méfier de l’émotion ? Celle qui mène à l’unisson peut se révéler dévastatrice. Aux « holàs » des stades, préférons l’émotion qui divise et renvoie à notre individualité singulière. La stratégie de l’émotion est mise en exergue par ceux qui dénoncent l’abus de son utilisation sur la scène politique et médiatique. Sartre désignait la passivité dans laquelle nous sommes maintenus sous le coup d’une émotion qui s’épuise d’elle-même sans que nous ne puissions l’arrêter 1. L’émotion maintiendrait l’individu loin de la raison. Les réseaux sociaux, grands ventilateurs de réactions émotionnelles tendent à le démontrer. À moins que cette expression foisonnante ne compense la désertion de la pensée, là où elle est essentielle. Si l’émotion a débordé les scènes pour envahir l’espace social, politique et médiatique, c’est que la société du spectacle y a perçu des codes ajustés à sa stratégie d’aliénation des masses. La fiction a traversé les frontières du livre, du scénario, de l’imaginaire pour conquérir l’espace du réel. La mécanique du storytelling est savamment instrumentalisée pour détourner, distraire, séduire le chaland et l’électeur. Sachons retrouver dans l’art, ce que l’émotion offre à la pensée. À l’allégresse surgie d’un autre monde provoquée par l’œuvre d’art, il faut ajouter le plaisir de la transformation, la jouissance d’une mue qui nous allège de nos certitudes pour envisager notre environnement sous d’autres prismes. Il en va ainsi de nos élans de spectateur, de nos transports, comme d’une quête ou d’un voyage dont la finalité ne saurait être mieux décrite que par un de ses plus grands esthètes 2 : « Le voyage se passe de motifs. Il ne tarde pas à prouver qu’il se suffit à lui-même. On croit qu’on va faire un voyage, mais bientôt c’est le voyage qui vous fait, ou vous défait. » 1 Esquisse d’une théorie de l’émotion. Psychologie, phénoménologie et psychologie phénoménologique de l’émotion, Hermann, Paris 1938 (rééd. Le Livre de poche, Paris, 2000) 2 Nicolas Bouvier (L’Usage du monde)
© DR
par A nne B isang *
* Anne Bisang a étudié à l’École Supérieure d’Art Dramatique du Conservatoire de Genève. Elle crée la Compagnie du Revoir et est repérée dès sa première création, WC Dames, par les professionnels romands. Son travail artistique se fonde sur le texte et la créativité des acteurs. Convaincue de la responsabilité de l’artiste et du théâtre dans les affaires du monde, ses choix se portent vers des auteur-e-s vivant-e-s ou des textes méconnus toujours porteurs de problématiques humanistes, sociales et politiques. Elle dirige la Comédie de Genève durant 12 ans au cours desquels elle développe des coproductions, des résidences d’auteurs, plusieurs partenariats et affirme le théâtre comme un lieu de vie et d’échange. Parallèlement, ses créations sont présentées en Suisse romande et en Europe. Elle fonde ensuite sa nouvelle compagnie indépendante anne bisang. Depuis deux ans elle est la directrice artistique du TPR-Théâtre Populaire Romand – Centre neuchâtelois des arts vivants à la Chaux-de-Fonds.
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OPÉRATION MANON
› Manon Opéra en 5 actes de Jules Massenet Direction musicale
Marko Letonja
Mise en scène
Olivier Py
Décors & costumes
Pierre-André Weitz Assist. à la mise en scène & chorégraphie Daniel Izzo Lumières Bertrand Killy Manon Lescaut
Patricia Petibon Le Chevalier des Grieux Bernard Richter
Lescaut
Pierre Doyen Gillot de Morfontaine Rodolphe Briand Monsieur de Brétigny
Marc Mazuir
Le Comte des Grieux
Bálint Szabó
Poussette
Seraina Perrenoud
Javotte
Mary Feminear*
Rosette
Marina Viotti*
* Membre de la Troupe des jeunes solistes en résidence
Orchestre de la Suisse Romande Chœur du Grand Théâtre de Genève Direction Alan Woodbridge
À l’Opéra des Nations du 12 au 27 septembre 2016
Olivier Py revient à Genève après ses premières mises en scène d'opéra à la Place de Neuve, des Contes d'Hoffmann en 2002 à Lulu en 2010. Pour cette Manon qu'il crée pour le plateau de l'Opéra des Nations, il nous livre sa vision du chef-d'œuvre de Massenet. Son Olympia, sa Lulu et maintenant sa Manon est encore la soprano explosive Patricia Petibon.
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Le désir, l’absolu, les larmes, la mort... M
OPÉRATION MANON
Un entretien avec O livier P y par C harles S igel
Patricia Petibon sur le plateau des répétitions en août 2016.
ystère de Manon, « sphinx étonnant », selon le mot de Musset. Y a-t-il plusieurs Manon ? Celle de l’auberge d’Amiens au premier acte « encore tout étourdie » par son premier voyage, puis très intéressée par « les riches toilettes et les parures coquettes » de Poussette et ses amies ; celle que dans sa famille on accuse « d’aimer trop le plaisir » (elle le confesse à Des Grieux, qui s’est enflammé comme l’amadou, mais éprouve, comme souvent, un sombre pressentiment : « On dirait que ma vie va finir ou commence, qu’une main de fer malgré moi m’entraîne devant elle… ») ; celle qui n’est « que faiblesse et fragilité », la faiblesse de se laisser enlever par Guillot et qui abandonne son « pauvre chevalier » ; celle qui au Cours-la-Reine clame : « Je suis belle, je suis heureuse », sur une musique qui n’en est pas si sûre ; celle qui vient reconquérir Des Grieux à Saint-Sulpice : « N’est-ce plus ma main, n’est-ce plus ma voix ? » ; celle qui à l’hôtel de Transylvanie est reprise par « ce bruit de l’or, ce rire et ces éclats joyeux… Qui sait si nous vivrons demain ! » ; celle qui meurt épuisée sur la route du Havre : « Ah, puis-je oublier les tristes jours de nos amours ! ». Quand on demande à Olivier Py, comment il trouve la cohérence de ces différentes Manon, il répond : « Je ne dirais pas qu’il y a plusieurs Manon, je dirais plutôt qu’elle a plusieurs voix. »
© GTG / NICOLAS SCHOPFER
Olivier Py : «J’ai beaucoup réfléchi à ce sphinx étonnant, l’étonnant étant que le sphinx est ici une jeune femme. Mais en même temps, le sphinx, c’est celui qui pose la question fondamentale, puisque la réponse d’Œdipe au Sphinx, c’est l’homme ! Manon, c’est pour tout le XIXème siècle un nom symbolique de la puissance de la sexualité. Dans le roman de l’abbé Prévost, il y a un réalisme cru, très violent, c’est une sexualité nihiliste, qui nie Dieu, on est très près de Sade ; le XIXème jette un voile sur cela ; d’ailleurs je me demande si Massenet a vraiment lu le livre, et j’aime beaucoup son mot à Meilhac, son librettiste, qui lui parle de Manon Lescaut et auquel il répond : «Non, Manon !» C’est donc au mythe qu’il s’intéresse, à l’idée qu’il se fait de cette jeune femme dont on ne sait rien, ni d’où elle vient, ni où elle va, qui ne parle pas, puisque c’est Des Grieux qui raconte l’histoire. Ce qui est assez juste dans le livret, c’est qu’on y voit quelque chose de très violent sur la condition féminine : que la femme au XIXème siècle, qu’elle soit bourgeoise ou prolétaire, n’a pas d’autre sort
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EN BALLET CARMINA BURANA
C’est complexe, ce qui fait un grand artiste lyrique. Ce n’est pas seulement la voix, c’est autre chose… On peut être un grand artiste lyrique avec seulement une voix moyenne. D’ailleurs je dirige les acteurs de théâtre comme des chanteurs d’opéra, j’essaie de trouver avec eux un jeu lyrique. Avec les chanteurs aussi bien sûr, et ça transcende complètement la question du chanté et du parlé : qu’on parle ou qu’on chante, il ne s’agit que de chanter. Quand on s’élève à un certain niveau de sentiment, il n’y a que la musique qui peut l’exprimer. La psychologie quotidienne est dérisoire s’il s’agit d’incarner Médée, il faut que l’actrice aille vers la musique. Mais c’est vrai aussi pour les comiques, et là le rythme compte autant que la musique ! Il faut chasser le naturalisme et atteindre la folie. Il faut jouer comme des fous, pas comme des bourgeois ! Parce que c’est ça qui revient toujours : le théâtre bourgeois, l’ennui ! La bourgeoisie aime s’ennuyer ! Si elle s’ennuie, elle pense que c’est fin, élégant, et que c’est toujours de qualité ! Ils adorent ça… Moi, je n’aime pas m’ennuyer, je n’aime pas ça. Je n’y arrive pas…
que d’être vendue, qu’elle n’est dans ce système qu’un objet, mais qu’elle peut, si elle est forte, comme Manon, tirer son épingle du jeu. Manon comprend cela. Elle le comprend, comme aussi le comprennent Carmen, Nana ou Lulu… De surcroît elle a conscience de la fugacité de la vie, et toujours conscience de la mort. Sa puissance vient du fait qu’elle assume l’instant, qu’elle est à la fois philosophe et hédoniste. Elle le dit dans tous ses airs, quand elle chante « Adieu, notre petite table », chez elle rue Vivienne, ou au Cours-la-Reine quand elle triomphe avant la chute : « Je marche sur tous les chemins et par la beauté je suis reine… et si Manon devait jamais mourir, ce serait, mes amis, dans un éclat de rire, profitons bien de la jeunesse, nous n’avons encore que vingt ans »…
© GTG / CAROLE PARODI
Olivier Py : « Il faut jouer comme des fous »
Eros contre Agapé
On se laisse forcément prendre à Manon. Certes, il y a le côté bibelot, biscuit de Sèvres, faux Louis XV tout-à-fait troisième République. C’est un moment de l’histoire du goût : les Goncourt savent tout des maîtresses du Bien-aimé, le XVIIIème sous Jules Grévy porte la perruque poudrée de la du Barry, les amateurs collectionnent Lancret et Boucher. Et Massenet à sa manière joue, au second degré, les collectionneurs. Et voici des pastiches pour connaisseurs, une entrée alla Rameau, un Magnificat d’un style pur... Et le voilà rendant hommage à toute la bimbeloterie du vieil opéra-comique, à Dalayrac ou Grétry, multipliant les mélodrames, ces parlando derrière lesquels l’orchestre distille de délicates broderies. Bref, il y a dans Manon le nécessaire et le superflu pour en faire une chose surannée, roublarde, impossible... Mais pour nous, dont le XVIIIème est tout autre (Casanova, ce mauvais sujet de Rétif, la cruauté d’un Marivaux, les fantasmes cruels de Sade embastillé...), pour nous, à notre intention dirait-on, Massenet a déposé, au cœur fragile de Manon, ce que nous aimons chez Chardin : le silence (et aussi la fraîcheur de Casanova et la noirceur de Marivaux). Fragiles moments. Tel ce dialogue au troisième acte entre Manon et le Comte : est-il rien de plus mélancoliquement pudique que ce marivaudage, où Manon feint de prendre des nouvelles de Des Grieux qui aima une amie qu’elle avait... L’a-t-il maudite en pleurant ? À l’arrière-plan le menuet déroule ses gentillesses, imperturbable. Réponse du Comte, on ne peut plus bourgeois : «Non, son cœur s’est refermé, il a fait ainsi de votre amie ce que l’on doit faire ici-bas, quand on est sage, on oublie... » En quelques mesures, c’est l’amertume de Violetta face à Germont, ce sont les destins brisés d’Eugène Onéguine... Massenet glisse, n’insiste pas. Entende qui voudra. Et dire que Puccini dédaignait la poudre et i minuetti de Massenet... Et puis il y a Des Grieux, dont le portier de Saint-Sulpice dit : «Il est jeune et sa foi semble sincère… Il a fait grand émoi parmi les plus
belles de nos fidèles ». Olivier Py ne pouvait pas ne pas être touché par cet aspect du personnage… Olivier Py : « J’ai toujours pensé que Des Grieux était un mystique, d’ailleurs je le trouve plus intéressant dans l’opéra que dans le livre, d’abord parce que le personnage de Tiberge a disparu, et qu’il en récupère la conscience morale. Il a conscience qu’il se perd, mais en même temps il veut Manon, parce qu’elle est un absolu. Il veut toujours l’absolu, il veut Manon ou Dieu ou la mort. Mais il ne veut pas ce que lui propose son père, c’est-à-dire la vie bourgeoise, la capitulation spirituelle totale. Il cherche l’amour, en cela c’est un mystique, et je crois qu’à la fin, à ce moment où il n’y a plus aucun Eros, où c’est une morte qu’il a dans ses bras, il a rencontré l’amour. C’est le roman de son apprentissage, et il est un personnage élevé, prêt à tout. Sa foi est sincère, ce n’est pas un repli et je n’aime pas qu’on prenne en dérision la scène à Saint-Sulpice. C’est d’ailleurs un moment très intéressant quand Manon apprend que Des Grieux met sa foi au-dessus d’elle : elle va à Saint-Sulpice pour rivaliser avec Dieu. Elle est reine et voilà qu’il y a quelque chose au-dessus d’elle ! C’est Eros contre Agapé, c’est l’éternelle histoire, c’est toute la question de la littérature française, et sans doute européenne, et c’est en tout cas le sujet central de l’opéra au XIXème siècle : l’Eros ! Et puis en face d’eux, il y des personnages magnifiques, ambigus, il y a Lescaut, et il y a Guillot de Morfontaine ! Lui aussi emblématique du XIXème siècle ! Il lutte contre la vieillesse et la mort en achetant des femmes, il est complètement débridé, c’est un Auguste dont Brétigny serait le clown blanc. Et en même temps cette espèce de Falstaff, c’est lui qui finalement tue Manon pour se venger, il y a dans le rire de Guillot une violence effroyable : il a acheté cette prostituée qu’est Manon, et il s’en débarrasse. J’ai beaucoup axé la mise en scène sur la prostitution. J’ai toujours
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Patricia Petibon en femme fatale lors de la séance photo pour notre magazine en aout dernier. [page de gauche]
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Patricia Petibon, Olivier Py et Bernard Richter lors des premières répétitions sur scène en aout 2016.
trouvé le monde de la prostitution très passionnant, les prostituées ont un discours très politique, elles sont à un endroit de la société où elles comprennent la violence des enjeux. Au XIXème siècle, il n’y a de trans-social que l’art et la prostitution, on le voit encore chez Proust. Et le sort de Manon me fait penser à celui de ces filles qui aujourd’hui arrivent de l’Est, à qui on a fait miroiter qu’elles feraient des études et qui se retrouvent sur un trottoir derrière la gare d’Arras. Finalement peut-être Lescaut n’est-il qu’un entremetteur, qu’un souteneur.
Avoir un destin
De Massenet, il existe un portrait cruel par Léon Daudet, le montrant entrant dans un salon, œil de velours et voix câline, couvrant de fleurs « les vieilles musicophiles», mais cherchant « la jolie et la jeune », charmeur éperdu de séduire, de se rassurer peutêtre, «d’une sensualité d’oiseau-lyre ou de paon», puis contant sa peine au piano : «Là il était incomparable. Ainsi a-t-il donné à sa musique cet accent d’un désir fulgurant et bref, souvent contrarié, qu’on prit pour de la sentimentalité et qui fait le charme durable de Manon ». Le désir fulgurant et bref… Et la mélancolie... « Et ces yeux pour toi jadis pleins de charmes ne brillent-ils plus à travers les larmes »... Les larmes toujours… Le bord des larmes. Larmes de Manon, de Des Grieux, larmes de Massenet. Manon, sœur de toutes les petites femmes d’opéra, Liù, Mimì, Juliette, Zerlina, dévoyée elle aussi, traviata... Et qui ne peut que mourir, évidemment. À quel endroit de lui-même, vers quelle nostalgie d’amours impossibles, un homme aussi secret que Massenet va-t-il chercher cette innocence, cette fraîcheur, ces phrases diaphanes, la ligne aérienne sur laquelle s’envoleront encore ces mots, mais cette fois-ci dits par Des Grieux : «N’est-ce pas ma main ? N’est-ce pas ma voix ?» Olivier Py : «Ils sont jeunes tous les deux… Ils ont quelque chose, qui n’est pas l’innocence, ni la fraîcheur, mais plutôt une frénésie. Ils sont excessifs et frénétiques… Je ne sais si c’est ma propre jeunesse que je projette en eux… Ils sont capables de tout, voulant tout… Poussette, Javotte et Rosette, ce sont les Parques… Il faut dire que par moment l’opéra n’est plus du tout une sorte de drame réaliste, mais vire au conte, et ce n’est pas pour rien que Des Grieux fait très souvent appel au rêve, Manon est comme un rêve, dit-il, et il raconte qu’il a fait un rêve, d’ailleurs prémonitoire, où il voit qu’il la perd. Bien sûr, c’est une histoire qui tourne autour de la prostitution, mais il n’y a rien de trivial dans le couple que forment Manon et Des Grieux, ce n’est pas La Traviata : Manon, c’est une femme qui veut avoir un destin. Et les trois filles représentent selon moi les Parques, ou les Nornes, qui coupent le fil de ce destin.
Patricia Petibon : « Pas besoin de parler avec Olivier, on est en exploration, on observe... » D aniel D ollé s’entretient avec P atricia P etibon
Lorsque Patricia paraît, les nuages se dissipent et la grisaille disparaît. Une rencontre avec elle est bien plus régénérante que toutes les cures de jouvence. Son enthousiasme et son dynamisme sont un pur plaisir. À mi-parcours des répétitions de Manon, celle qui fut une Lulu mémorable sur la scène de la Place de Neuve, Patricia Petibon a accepté de nous parler de l’œuvre, du rôle et de sa grande complicité avec Olivier Py et le Grand Théâtre, avec la générosité, la simplicité et la modestie qui la caractérisent. Il est inutile de lui poser des questions, car spontanément elle parle de cette nouvelle aventure et de sa présence à Genève. Certes, elle a déjà chanté Manon en concert et sur scène, à Vienne, mais avec seulement 2 ou 3 jours de répétitions, « Manon en TGV », dit-elle. Sa vraie prise de rôle, elle la fait à Genève, sur la scène de l’Opéra des Nations, une véritable première pour elle. Ici, elle a le temps d’apprivoiser le rôle et de l’approfondir, dans un théâtre, une ville qu’elle affectionne et où elle revient avec un plaisir inaltéré, depuis sa participation aux Contes d’Hoffmann, avec Olivier Py. Ce fut le point de départ d’une collaboration et d’une alchimie devenues rares et, par conséquent précieuses. Ensemble, ils vont de cime en cime. Cette production n’est pas une production parmi les productions, car les interactions sont fortes. Il convient d’être proche de ce que sont les partenaires, de ce qu’on est. Il y a une humanité, une grande empathie. C’est une chose très rare dans la vie de pouvoir construire dans la durée. Manon est le fruit d’un long chemin parcouru depuis Les Contes, en passant par Lulu en 2010. Une grande confiance s’est installée entre Patricia et Olivier, et cette Manon permet d’aller en profondeur, grâce à tout ce qu’elle a vécu avec Olivier et Pierre-André Weitz. Elle vit la production comme un des moments clés de la vie, où les choses s’encastrent et fusionnent. Pas besoin de parler avec Olivier, on est en exploration, on observe. Le corps ne s’investit pas, mais le mental est omniprésent et actif. Quelques mots d’Olivier suffisent à inspirer la rousse actrice-chanteuse. Il parle comme un conférencier extrêmement brillant. Dans ses propos, il y a une transcendance. Olivier est un poète, « il parlerait mieux que moi des personnages », ditelle. Elle trouve très intéressant qu’Olivier n’ait pas de tabous, il parle de la sexualité, de la force sexuelle, une force vitale de l’être humain. Il est difficile de négliger ce thème, ou de mettre au
placard cet aspect de l’ouvrage. Manon ouvre une boîte de Pandore et libère toutes les composantes de l’être humain, jusqu’à la bête noire. Il y a un tapis de noirceur qu’on passe souvent sous silence, mais lorsque Massenet a composé l’œuvre, il fallait éviter le scandale, le sulfureux. Il faut relire le roman de l’abbé Prévost pour jouir pleinement des trésors de Manon. Patricia adore, chez Olivier, les contrastes et sa manière de les transcender. Sans cesse, il explore la noirceur et la clarté, le trou noir et la supernova. L’intellectuel côtoie la bestialité. L’intellect est fortement lié au ressenti. Trop de mises en scène restent dans le virtuel, la chair est absente et on ne ressent plus les émotions qui sont refroidies. Elles sont devenues antiexpressionnistes et reflètent une société stérile, aseptisée, anesthésiée. Pour Patricia, l’Homo sapiens est en danger, il est quelque peu perdu. Que va-t-il devenir ? Serait-il en voie de disparition ? Ce sont les questions que posent Hubert Reeves et les scientifiques en général. Il est également intéressant de se poser la question dans l’art. Manon est un défi à l’univers, un défi à Dieu. Elle défie tout, mais cela reste un hymne à la vie. Il y a de tout dans Manon, et il faut attendre la fin pour la découvrir un peu. Elle a conscience de la passion qu’elle peut générer chez les autres. Elle n’aime pas la misère et utilise à fond ses passions pour y échapper. Manon et Lulu sont deux personnages complexes, cependant leurs complexités sont bien différentes, mais elles ont également des points communs. On ne sait pas d’où elles viennent et quel est leur passé. Manon a un côté naïf, enfant. Elle fascine et interroge et parle des choses de la vie. Il faut relire le roman de l’abbé Prévost, qui joue un rôle prépondérant dans cette nouvelle production, pour profiter pleinement de ce chefd’œuvre de l’opéra-comique qui parle des pulsions fondamentales. Dans la musique de Jules Massenet, il y a quelque chose de cinématographique, d’enveloppant et d’intemporel. Une demi-heure s’est écoulée, l’heure de la répétition a sonné, Patricia semble intarissable sur le sujet. Manon une femme blessée ? Manon une courtisane, une escort girl ? Ou tout simplement un Être humain dans toute sa complexité, un Être de chair et de sang. On ne résiste pas à Manon.
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OPÉRATION DER VAMPYR
Le vampire [ci-dessus]
Falstaff dans le panier de linge Johan Heinrich Füssli, 1792 Musée des Beaux-arts, Zurich Huile sur toile
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Le prometteur jeune metteur en scène Antú
› Der Vampyr Théâtre musical d'après
Romero Nunes revisite l'opéra romantique
Direction musicale
Heinrich Marschner Ira Levin
Mise en scène
de Marschner dans une version plus
Antú Romero Nunes
Décors
Mathias Koch Costumes Annabelle Witt Lumières Diego Leetz
« granguignolesque » avec des rajouts musicaux de Johannes Hofmann et des
Chorégraphie
Ulrich Lenz
chorégraphies endiablées. Il nous entraîne
Lord Ruthven
Tómas Tómasson Sir Humphrey Davenaut Jens Larsen Malwina Laura Claycomb Sir Edgar Aubry Shawn Mathey George Dibdin Ivan Turšic Emmy Perth Maria Fiselier
au cœur du mythe du vampire dans ses différentes formes d’expression. Il serait dommage de ne pas venir
par D aniel D ollé
Chœur du Grand Théâtre de Genève Direction Alan Woodbridge Orchestre de la Suisse Romande À l’Opéra des Nations du 19 au 29 novembre 2016
© IKO FREESE / DRAM-BERLIN.DE
frissonner à l’Opéra des Nations.
© IKO FREESE / DRAM-BERLIN.DE
A revient chez lui.. u moment où Genève fête le bicentenaire de la naissance de Frankestein – chef-d’œuvre romantique de Mary Shelley, le Grand Théâtre de Genève se devait de présenter un ouvrage inspiré par l’avènement de la science-fiction sur les bords du lac de Genève, au moment où le monde s’interroge sur les craintes et les espoirs de la médecine au XIXème siècle. Le best-seller de Mary Shelley connut un grand succès à sa parution et continue à stimuler les esprits. La nuit du 5 juillet 1816, la météo était particulièrement maussade sur les rives du lac. Lord Byron, sa maîtresse Claire Clairmont,
Malwina sera contrainte d’épouser Ruthven. De fait, le père de Malwina, Lord Davenant, ne peut ou ne veut reconnaître l’identité de celui qu’il a choisi pour devenir l’époux de sa fille. Nous avons tous besoin de frissons. La rencontre avec l’inconnu nous donne la chair de poule. Le vampire représente cet inconnu, il est ni un animal, ni un homme. Il est la variante obscure du prince-charmant, et c’est pourquoi il fascine. Il vient et vous emporte la nuit sur les ailes d’une chauve-souris. Il n’embrasse pas, mais il mord le cou, probablement un acte plus érotique. Il est l’expression de toutes les variantes de la peur. Le vampire ne réjouit pas, il procure le frisson qui nous titille. Il peut éconduire, voler, voir la nuit. Il est libre et autodéterminé et possède de nom-
belle-sœur de Marie Shelley, Mary Shelley et son époux, ainsi que John William Polidori, secrétaire et médecin de Lord Byron, se livrent à une compétition sur le thème du fantastique et c’est ainsi que Frankenstein et Le Vampire naquirent. Le premier, un archétype du scientifique, du savant fou, le second, un mort-vivant. Le vampire reste enfoui dans la culture humaine, il s’adapte à l’évolution des mœurs et reste toujours représentatif de la société dans laquelle il vit. À chaque époque, il prend un visage différent. Depuis Cologny, les romantiques ont introduit le mot vampire dans le langage courant, mais le vampirisme nous vient du fond des âges. De nos jours qui croit encore aux vampires ? Néanmoins, ne sommes-nous pas toujours cernés par des personnes un peu vampire ? On doute de leur existence, mais toujours, ils nous donnent la chaire de poule. Faisant suite au Freischütz, de Carl Maria von Weber, Marschner est à la recherche d’une expression pour les ténèbres et le démoniaque. Il est l’annonciateur de Richard Wagner et du Der fliegende Holländer. Probablement que la notoriété de Wagner et de Weber a fortement pesé sur la célébrité du compositeur de Der Vampyr et de Hans Heiling, entre autres. Antú Romero Nunes, un jeune metteur en scène, très prometteur, prend l’œuvre de Heinrich August Marschner comme point de départ d’un voyage fascinant dans le monde d’horreur du pâle séducteur qui s’enivre avec le sang de jeunes femmes. Avant que son heure ait sonné, le vampire Lord Ruthven doit avoir mordu à mort trois jeunes filles. C’est la condition que lui dicte une armée de morts-vivants afin que Ruthven puisse demeurer un an de plus parmi les vivants. Obligation et plaisir à la fois pour Lord Ruthven : il n’est guère facile de résister aux charmes du séducteur qui exerce son pouvoir hypnotisant sur les créatures féminines. George Dibdin doit assister, impuissant, au sort de sa bien-aimée Emmy succombant au sinistre Ruthven. Quant à Edgar Aubry, il est au bord de la folie car il ne voit aucune issue à son dilemme : viole-t-il son serment en trahissant le vampire, il deviendra lui-même vampire, le respecte-t-il, sa bien-aimée
breuses qualités dionysiaques. Nous ne résistons pas à la musique, on peut fermer les yeux, mais pas les oreilles. La tonalité de ré mineur pourrait être celle du frisson, celle que Mozart utilise dans Don Giovanni ou le Requiem, et que l’on retrouve également dans le célèbre quatuor de Schubert, La Jeune Fille et la Mort. Il serait dommage de ne pas vouloir se mesurer aux frissons. L’homme reste un éternel joueur, il aime jouer avec le frisson, la peur, également la sienne. Embarquez-vous dans le train fantôme qui vous entraînera explorer les peurs séculaires, l’univers musical de Marschner et l’imaginaire d’Antú Romero Nunes et de ses complices, le sourire aux lèvres.
Une force me chasse hors du tombeau pour chercher encore les biens dont je suis sevrée, pour aimer encore l’époux déjà perdu, et pour aspirer le sang de son cœur. Et quand celui-ci sera mort, je devrai me mettre à la recherche d’autres, et mes jeunes amants seront victimes de mon désir furieux. « Beau jeune homme, tes jours sont comptés. Tu vas maintenant mourir de langueur en ce lieu. Je t’ai donné mon collier ; j’emporte avec moi ta boucle de cheveux. Regarde-la bien ! Demain tes cheveux seront gris ; dans la tombe seulement ils redeviendront noirs. » wolfgang goethe,
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extrait de la fiancée de corinthe, 1797
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CARNET DU CERCLE
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l y a 30 ans se crée le Cercle du Grand Théâtre sous l’impulsion séduisante d’Hugues Gall, alors directeur de notre Maison. L’époque faisait sérieusement craindre déjà une baisse des ressources destinées à l’Opéra, et susceptible d’affecter la qualité et l’excellence des spectacles présentés. Ces contributions privées devaient permettre d’offrir au directeur les moyens complémentaires laissés à sa discrétion pour relever encore le niveau des productions. Aujourd’hui, 30 ans plus tard, les objectifs et les besoins restent – plus que jamais – identiques. Cependant, par le biais des salles de cinéma et de certaines chaînes de télévision, l’opéra entre désormais en concurrence avec lui-même : 4 salles à Genève relaient en direct les productions des maisons d’opéra les plus prestigieuses. On s’y bouscule, on y fait la queue pour réserver son abonnement, ce qui par ailleurs est tout à fait réjouissant. Ainsi nous avons le privilège, à prix modique, en restant à Genève ou chez soi, de voyager par l’opéra à New York, Londres, Moscou ou Milan par exemple. Cette concurrence nouvelle pousse le spectateur à découvrir, apprécier et comparer les chefs-d’œuvre de l’art lyrique. Tout cela cependant conduit à augmenter les attentes du public genevois, même si les ressources financières de ces différentes maisons étrangères ne sont pas comparables aux nôtres. Bien évidemment, rien ne remplace la représentation vécue dans la salle en direct, et les extraordinaires moments uniques de la performance partagée avec la salle. Le Cercle a donc plus que jamais la vocation de défendre et soutenir la scène de Neuve. Profitons donc du privilège que nous avons de fréquenter cette magnifique Maison, qui nous a tant donné en joie, émotions et découvertes. Quand nous pénétrons dans l’Opéra, qu’il soit de marbre ou de bois, nous savons que nous entrons dans un univers merveilleux, fragile, souvent miraculeux où tant de talents s’emploient et cherchent à nous offrir le meilleur. Que pour les années qui viennent le Cercle poursuive sa mission plus que jamais nécessaire.
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Témoignage d’O livier
30 ans du Cercle
Témoignages de prés
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ejoindre la famille du Comité du Cercle du Grand Théâtre, puis en assurer la présidence a été pour moi un honneur et une expérience très enrichissante car fort éloignée de ce qui caractérise la direction d’une entreprise classique. Au travers de ces nouvelles rencontres empreintes du monde lyrique, j’ai eu la chance de découvrir un univers très différent du mien, composé de personnalités et de sensibilités artistiques partageant une passion commune, la musique, et plus particulièrement l’opéra. Durant mes années de présidence, le Comité a développé de nouvelles activités à l’attention des membres du Cercle telles que la découverte des opéras européens, la création du « Prix du Cercle » qui offre aux lauréats la possibilité d’obtenir un rôle dans un spectacle organisé par le Grand Théâtre et la mise en valeur des nombreux métiers indispensables à la mise sur pied d’un opéra. Le succès remporté par la réception des artistes par certains de nos membres nous a incités à poursuivre cette activité car il nous semblait important que l’accueil genevois permette de faciliter les relations des artistes avec le Grand Théâtre. Tout ce que je viens d’évoquer constitue pour moi des souvenirs forts et enrichissants que j’ai eu grand plaisir à vivre et à partager.
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Témoignage de F rançoise
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M estral
hers amis du Grand Théâtre, Septembre 1995 : la place de Neuve est en liesse ! Renée Auphan ouvre sa première saison avec Wozzeck d’Alban Berg ! J'y étais ! Coup de maître de la nouvelle directrice de cette œuvre portée au zénith par le grand chef d’orchestre Armin Jordan et les remarquables metteurs en scène Patrice Caurier et Moshe Leiser. Pour moi, c'est une première rencontre et le début d'une longue histoire avec le Grand Théâtre de Genève. Depuis cette mémorable soirée, de belles découvertes dont Natalie Dessay, poignante Ophélie dans Hamlet de Ambroise Thomas errant sur un plateau désert jonché de fleurs éparses et qui chantait l'air « Pâle et Blonde ». Quelle émotion dans la salle ! Je garde aussi un souvenir intense de Nina Stemme dans Ariane à Naxos de Richard Strauss et plus tard dans Lady Macbeth de Mzensk. Trois artistes m’ont particulièrement bouleversée ces dernières années : Jeanne-Michèle Charbonnet dans le spectaculaire Tristan et Isolde d’Olivier Py, programmé par Jean-Marie Blanchard, Nicola Beller Carbone, tragique Salomé et plus récemment © GTG / SAMUEL RUBIO
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Fondé en 1986, le Cercle du Grand Théâtre s’est donné
Témoignage de L uc A rgand
résident du Cercle en exercice depuis 2014, j’ai été confronté au défi de recueillir, entretenir et faire fructifier l’héritage que m’ont transmis mes prédécesseurs, produit de leur temps, de leurs efforts et de l’immense générosité de tous nos membres (personnes physiques ou entreprises), en soutien des activités du Grand Théâtre. Le monde a changé depuis 1986, date de la fondation du Cercle ; d’une manière générale, l’enthousiasme de nos membres n’a jamais faibli, mais l’évolution de la conjoncture a amené certaines périodes à être plus propices que d’autres à la recherche de parrainages financiers. Les contributions du Cercle doivent permettre au directeur général du Grand Théâtre d’améliorer et de magnifier sa programmation. C’est le but essentiel du Cercle. La solidité du tandem CercleFondation est donc une condition cardinale du succès du Grand Théâtre. Les contraintes budgétaires amènent parfois le Cercle à devoir s’éloigner de son but originel, cela a été le cas pendant la saison 14-15 avec la construction de l’Opéra des Nations, structure éphémère de remplacement. Il était alors vital que le Grand Théâtre pût continuer à poursuivre son but qui est d’accueillir des productions de tout premier ordre et de promouvoir la création d’innovations artistiques. À cette occasion l’appui de nos membres et de nos principaux soutiens financiers a été essentiel et je suis fier d’avoir eu à conduire les activités du Cercle dans cette période un peu atypique. L’appui de nos membres s’est révélé décisif.
pour objectif de réunir toutes les personnes et entreprises qui tiennent à manifester leur intérêt aux arts lyrique, chorégraphique et dramatique. Son but est d’apporter son soutien financier aux activités du Grand Théâtre et ainsi, de participer à son rayonnement.
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Rejoignez-nous !
Nous serions heureux de vous compter parmi les passionnés d’ arts lyrique, chorégraphique et dramatique qui s’engagent pour que le Grand Théâtre de Genève conserve et renforce sa place parmi les plus grandes scènes européennes. Adhérer au Cercle du Grand Théâtre, c’est aussi l’assurance de bénéficier d'une priorité de placement, d'un vestiaire privé, d'un service de billetterie personnalisé et de pouvoir changer de billets sans frais. Vous participerez chaque année au dîner de gala à l’issue de l’Assemblée générale et profiterez des cocktails d’entracte réservés aux membres. De nombreux voyages lyriques, des conférences thématiques « Les Métiers de l’Opéra », des visites des coulisses et des ateliers du Grand Théâtre et des rencontres avec les artistes vous seront proposés tout au long de la saison. Vous pourrez assister aux répétitions générales et bénéficierez d'un abonnement gratuit à ce magazine. Vous recevrez également tous les programmes de salle chez vous.
Nos membres
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ésident(e)s
Bureau M. Luc Argand, président M. Rémy Best, vice-président M. Jean Kohler, trésorier Mme Véronique Walter, secrétaire Mme Françoise de Mestral
M. et Mme Claude Demole M. et Mme Olivier Dunant Mme Denise Elfen-Laniado Mme Diane Etter-Soutter Mme Clarina Firmenich M. et Mme Eric Freymond Mme Elka Gouzer-Waechter Autres membres du comité Mme Claudia Groothaert Mme Christine Batruch-Hawrylyshyn M. et Mme Philippe Gudin de La Sablonnière Mme Claudia Groothaert Mme Bernard Haccius Mme Vanessa Mathysen-Gerst M. Alex Hoffmann Mme Coraline Mouravieff-Apostol M. et Mme Philippe Jabre Mme Brigitte Vielle M. et Mme Éric Jacquet M. Gerson Waechter M. Romain Jordan Mme Madeleine Kogevinas Membres bienfaiteurs M. et Mme Jean Kohler M. et Mme Luc Argand M. Marko Lacin M. et Mme Guy Demole Mme Brigitte Lacroix Fondation Hans Wilsdorf M. et Mme Pierre Lardy M. et Mme Pierre Keller M. Christoph La Roche Banque Lombard Odier & Cie SA Mme Éric Lescure M. et Mme Yves Oltramare Mme Eva Lundin M. et Mme Adam Saïd M. Bernard Mach Union Bancaire Privée – UBP SA M. et Mme Colin Maltby M. Pierre-Alain Wavre Mme Catherine de Marignac M. et Mme Gérard Wertheimer M. Thierry de Marignac Mme Mark Mathysen-Gerst Membres individuels M. Bertrand Maus S. A. Prince Amyn Aga Khan M. et Mme Olivier Maus Mme Diane d’Arcis S. A. S. La Princesse Étienne d’Arenberg Mme Béatrice Mermod M. et Mme Charles de Mestral M. Ronald Asmar Mme Francis Minkoff Mme René Augereau Mme Jacqueline Missoffe Mme Véronique Barbey Mme Christine Batruch-Hawrylyshyn M. et Mme Christopher Mouravieff-Apostol Mme Maria Pilar de la Béraudière Mme Pierre-Yves Mourgue d’Algue M. et Mme Philippe Bertherat M. et Mme Philippe Nordmann Mme Antoine Best M. Yaron Ophir M. et Mme Rémy Best M. et Mme Alan Parker Mme Saskia van Beuningen M. et Mme Shelby du Pasquier Mme Françoise Bodmer Mme Sibylle Pastré M. Jean Bonna M. Jacques Perrot Professeur Julien Bogousslavsky M. et Mme Wolfgang Peter Valaizon Mme Christiane Boulanger Mme Clotilde de Bourqueney Harari M. et Mme Gilles Petitpierre M. et Mme Charles Pictet Comtesse Brandolini d’Adda M. et Mme Guillaume Pictet M. et Mme Robert Briner M. et Mme Ivan Pictet M. et Mme Yves Burrus M. et Mme Jean-François Pissettaz Mme Caroline Caffin Mme Françoise Propper M. et Mme Alexandre Catsiapis Comte de Proyart Mme Maria Livanos Cattaui Mme Adeline Quast Mme Muriel Chaponnière-Rochat Mme Ruth Rappaport M. et Mme Neville Cook M. et Mme François Reyl M. Jean-Pierre Cubizolle
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Alexandra Deshorties, époustouflante Medea. En 2014, l'événement à Genève : deux cycles de représentations du Ring programmés par Tobias Richter. Ce dernier confie la mise en scène de cette « œuvre d'art totale » à Dieter Dorn. La Tétralogie, comparable à la Sixtine par ses dimensions, est menée avec clarté et précision et a conquis tous les publics même les plus intimidés par Wagner. Un souvenir chorégraphique entre autres importants ? Le Casse-Noisette virevoltant, version contemporaine et colorée de Benjamin Millepied, invité par le directeur du Ballet Philippe Cohen. Le conte, l'enfance, la fête étaient au rendez-vous en ce mois de décembre et le public rayonnait. J’aimerais aussi évoquer un autre grand moment de joie à Genève en 1998 : la retransmission en direct de Madama Butterfly depuis le Bâtiment des Forces Motrices au Parc des Eaux-Vives où 10 000 personnes assistaient gratuitement au spectacle. Quelle belle et généreuse initiative ! Cruelle demande de modérer mes souvenirs car la liste d’instants précieux à la Place de Neuve, au Bâtiment des Forces Motrices et maintenant à l’Opéra des Nations est longue. Aussi, à toutes les forces vives du Grand Théâtre, à tous les artistes qui partagent leur passion pour nous faire vivre théâtre, histoire et amour, un immense et sincère merci. Joyeux anniversaire le Cercle !
Pour recevoir de plus amples informations sur les conditions d’adhésion au Cercle, veuillez contacter directement : Madame Gwénola Trutat (du lundi au vendredi de 8 h à 12 h) T + 41 22 321 85 77 F + 41 22 321 85 79 cercle@geneveopera.ch Cercle du Grand Théâtre de Genève Boulevard du Théâtre 11 1211 Genève 11
M. et Mme Andreas Rötheli M. et Mme Gabriel Safdié Comte et Comtesse de Saint-Pierre M. Vincenzo Salina Amorini M. Julien Schoenlaub Mme Claudio Segré Baron et Baronne Seillière Mme Christiane Steck M. et Mme Riccardo Tattoni M. et Mme Kamen Troller M. et Mme Gérard Turpin M. et Mme Jean-Luc Vermeulen M. et Mme Julien Vielle M. et Mme Olivier Vodoz Mme Bérénice Waechter M. Gerson Waechter M. et Mme Stanley Walter M. et Mme Rolin Wavre M. et Mme Lionel de Weck
Membres institutionnels 1875 Finance SA Banque Pâris Bertrand Sturdza SA Christie’s (International) SA Credit Suisse SA FBT Avocats SA Fondation Bru JT International SA Lenz & Staehelin MKB Conseil & Coaching SGS SA Vacheron Constantin
Organe de révision : Plafida SA Compte bancaire N° 530 290 MM. Pictet & Cie
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Voilà une suite prometteuse ! Après un très remarqué Casse-Noisette créé pour les spectateurs du Ballet du Grand Théâtre de Genève (repris et acclamé), notre jeune chorégraphe belge poursuit l’aventure suisse en imaginant la soirée Ba\rock. Nous avons eu envie de le rencontrer pour en savoir un peu plus sur les deux pièces qui la composent…et sur lui. Visage angélique et fine silhouette, subtil habillement à mi-chemin entre
› Ba|rock Ballet sur des musiques de
Scarlatti, Couperin & Rameau
Création mondiale Chorégraphie
Jeroen Verbruggen
Scénographie
Émilie Roy Costumes Emmanuel Maria Lumières Rémy Nicolas Piano
Aleksandr Shaikin Ballet du Grand Théâtre de Genève Direction Philippe Cohen À l’Opéra des Nations du 21 octobre au 1er novembre 2016
gothique et futurisme, il s’assoit à nos côtés. Si les anges passent, ce n’est pas dans la conversation.
Un ange passe... un entretien avec J eroen V erbruggen par B érengère A lfort
Bérengère Alfort Jeroen, parlez-nous de vos débuts. Vous avez commencé en tant qu’interprète classique. Formé à l’École Royale de Ballet d’Anvers, vous vous êtes fait remarquer au Prix de Lausanne en 2000, ce qui vous a ouvert les portes de l’École Nationale du Ballet du Canada. Quels souvenirs gardez-vous de ce départ dans la danse ? Jeroen Verbruggen Au départ, ma danse vient d’un « vouloir bouger ». Mes parents m’ont très vite inscrit à des cours de jazz, car ils avaient vu que dès mon plus jeune âge, j’avais besoin de me mouvoir. Peu à peu, est venue autour de moi l’idée de me faire venir au classique, mais que je détestais au début. J’ai mis trois ans, au Ballet Royal d’Anvers, à me mettre à niveau. Je préférais le jazz, et j’étais bien meilleur dans cette discipline. Or, sans m’en rendre compte, je me suis perfectionné en classique. Je me suis retrouvé à Lausanne en classique sans réaliser ce qui se passait ! En gagnant un prix là-bas, ce fut un déclic. Grâce à la bourse, je suis parti au Canada, où j’ai découvert le style Balanchine. Je me suis dit que l’on pouvait danser autrement, que la danse classique signifiait autre chose. Mais j’ai quand même désiré revenir en Europe, pour la puissance de vie de la danse européenne… BA Chez vous, il est difficile de dissocier la danse en tant qu’interprète et chorégraphe. Vous avez en effet commencé à chorégraphier en 2001, au Ballet Royal de Flandre, alors que votre carrière de danseur débutait. Comment expliquez-vous cela, et que pensez-vous de la vague de ces danseurs qui aspirent de plus en plus, de nos jours, à la chorégraphie ? JV Je n’ai jamais compris le mot « chorégraphie ». Le terme de « création » m’a toujours plu davantage. À l’École Royale de Ballet d’Anvers, je créais déjà, même s’il n’y avait pas tant de danse que de théâtre dans mon travail créatif. Dans ma manière de faire, je foisonnais déjà d’idées ! Je voulais créer un univers sur scène. J’ai quitté le Ballet Royal de Flandre pour aller à Marseille. Je suis ensuite parti à Monaco. Or, j’ai depuis toujours eu du mal à définir mon style. Je dirais que j’expérimente, mais sur l’instant, de façon impulsive, en fonction de mes émotions. Et, même si je crée des pièces, je préfère dire que je suis « jeune chorégraphe » que « chorégraphe » tout court : c’est moins prétentieux. Je progresse de pièce en pièce. J’ai encore besoin de me mettre en danger pour me sentir exister.
BA Juste après votre passage au Ballet d’Europe à Marseille, vous rejoignez la compagnie des Ballets de Monte-Carlo en 2004. L’aventure durera dix ans ! Quelles relations entretenez-vous depuis ces jeunes années avec Jean-Christophe Maillot, chorégraphe et directeur artistique des Ballets de Monte-Carlo ?
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Projet visuel pour Ba\rock lors du lancement de la saison 16-17.
JV Il est comme une présence forte dans ma vie. J’ai grandi à Monaco, de mes 21 à mes 31 ans. J’ai trouvé à Monaco de quoi assouvir ma soif d’être aux côtés d’un être humain qui crée des ballets. Maillot est comme un parrain pour moi, et il m’a donné une chance. Je me dois aujourd’hui d’être loyal envers lui. BA Depuis Kill Bambi, Arithmophobia, jusqu’à récemment L’Enfant et les Sortilèges, à Monaco, votre danse est empreinte de désirs foisonnants, de zones d’ombre et de penchants à la torture de l’angoisse. Diriez-vous que votre Casse-Noisette, commandé par Philippe Cohen et créé à Genève en 2014, s’inscrit totalement dans cette lignée ? JV Déjà, je dirais que mon Casse-Noisette est plutôt atypique – fantasmagorique. La commande fut un défi pour moi, qui suis hors normes. Je suis peut-être angoissé, et je développe une danse qui exprime la peur de la mort. Sans vouloir mettre en exergue mes vécus, je raconte ces faits… Avec Casse-Noisette, je me suis attelé aux ACT- O | 28 . 13
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Jeroen Verbruggen lors des premières répétitions de CasseNoisette au Grand Théâtre, au studio Balanchine, en 2014.
questionnements existentiels du ballet… mais sans sapin et sans neige, même si j’ai gardé les flocons (rires) ! BA Que pouvez-vous nous dire de votre rencontre avec Philippe Cohen, directeur du Ballet du Grand Théâtre de Genève ? Que vous apporte son soutien dans la relation que vous avez avec lui ? JV Philippe et moi entretenons une relation d’exception. À Genève, il y a eu beaucoup de « premières fois » : avec l’orchestre, avec une nouvelle compagnie, un esprit de grand public, et le fait que CasseNoisette ait été repris. Je me dis depuis toujours que notre rencontre est une bonne destinée… BA Quel est votre regard, aujourd’hui, sur votre Casse-Noisette ? Et comment est venue l’idée de poursuivre l’aventure genevoise en créant Ba\rock ? Cette création promet d’être moins narrative, plus ancrée dans l’abstraction de la musique de Scarlatti, Couperin et Rameau… JV Casse-Noisette était déjà une commande. Qui fut un défi – ce que j’apprécie. Philippe Cohen a détecté mes compétences hors narrations. Or, il me faut toujours une notion de narration : j’appelle mes pièces des « poèmes ». J’aime me réinventer à chaque création. Je tâche de ne pas retomber dans quelque chose de préétabli. Pour Ba/rock, il y a le thème de la Commedia dell’arte : il y a là l’art de l’improvisation. Les notions de la jeunesse, la vieillesse, la mort et l’amour sont présentes, sur le mode du cycle de la vie. C’est un pot pourri autour de l’amour pour 22 danseurs (rires) ! BA Comment avez-vous, d’ailleurs, découvert la magie du contrepoint baroque ? Êtes-vous un adepte de longue date de ces musiques du XVIIème siècle ? JV Il y a deux pièces dans la soirée Ba\rock : Vena Amoris et Iris. Ce sont deux moments abstraits. Le thème d’Iris évoque, avec Couperin et Scarlatti, l’illusion d’une perfection inatteignable… C’est une pièce noire. Et Ven Amoris est une suite imaginaire sur Rameau. En fait, je ne suis pas un adepte du baroque depuis longtemps. Ce n’est pas quelque chose qui m’inspire. Même Rubens ne me séduit pas. Vivaldi non plus. Après, tout le monde me qualifie de « baroque ». Je me dirais plus « baroque de notre époque », dans le foisonnement d’idées. L’aspect noir, obscur du baroque me correspond cependant, au sens de celui du Caravage : la nuit, et l’émotion poétique de ce terme. Pour une création, je travaille sur de petits carnets ; j’y note mes images émotionnelles. BA Comment travaillez-vous avec les danseurs en général, et ceux du Ballet du Grand Théâtre de Genève en particulier ? Comment se passe l’acte de création avec ces derniers ? Quelle est leur « marque de fabrique » ?
JV C’est un travail qui évolue. Je prépare énormément l’acte de création en studio. Puis je dirige les danseurs dans l’instant. Il y a un dialogue avec eux. J’amène leur corps contre la technique. Ma danse est très saccadée, dans la mesure où elle est à contre-courant de leurs impulsions. Cela vient de mon côté rebelle : il faut aller contre les systèmes. En travaillant avec les danseurs du Ballet du Grand Théâtre de Genève, je me suis aperçu que je leur donnais des « traces » de mouvements à accomplir. Et ils ont compris mon style mieux que moi-même, ce qui fut extrêmement touchant. J’ai eu du mal à retenir mes larmes devant les preuves qu’ils m’ont données que je peux exister ! Et puis, à Genève, ce fut la première fois que j’ai travaillé sans les pointes. Quelle belle expérience que de voir mon mouvement sans elles ! Il ne faut pas se mettre dans des « boîtes ». C’est ce que j’ai appris à Genève, même si je suis un des plus fervents défenseurs de la pointe à notre époque. BA Dans Ba\rock, il y a « Rock ». Quelles sont vos affinités musicales contemporaines ? Et quel est leur lien, pour vous, avec le grand style du XVIIème ? JV Je suis un « indie » : j’écoute du drum and bass aussi bien que du Mahler ! La scénographie d‘Iris vient d’une pochette de disque de Block Party. J’ai des goûts musicaux extrêmement variés. Ma palette est très large. J’ai fait une création l’an dernier au Pays de Galles, A Mighty Wind, qui a été inspirée entièrement du rock. Il s’agissait de surpasser des épreuves. Le rock s’adapte bien à ce genre de défi. BA Votre danse reflète-t-elle, et cette création en cours notamment, notre époque bouleversée par le terrorisme ? JV Ba\rock a été créée avant cette vague terrible. Mais je prépare une création pour le Ballet du Nuremberg, autour de la peur, des émotions, de l’apocalypse de notre époque. Elle sera inspirée d’un requiem – l’adage de la Neuvième Symphonie de Mahler. BA Aujourd’hui, tout vous sourit, à Genève et dans le monde. Que vous souhaitez-vous pour les dix années à venir ? JV Je vois ma chorégraphie comme une peinture : le peintre prend son temps en créant, dans son atelier. Or il me faut des choses plus compliquées : un studio et des danseurs. Mon rêve et mon plus grand souhait sont de pouvoir continuer à imaginer une danse qui me permette de continuer à exister. J’ai eu beaucoup de chance. Je me sens, par là, en danger. Et dans le devoir de poursuivre ma mission ! Il y a des instants magiques, en studio, avec les danseurs. C’est ma drogue…
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Pour vivre les émotions de Manon, prenez les transports publics !
Les abonnés du Grand Théâtre bénéficient de la libre circulation en transports publics dans le périmètre d’unireso Tout Genève, 2h avant et 2h après le spectacle. Pour l’Opéra des Nations : Arrêt Nations ou Sismondi : Tram 15 - Bus 5, 8,11, 22, 28, F, V et Z.
www.unireso.com ACT- O | 28 . 15
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Une rentrée par D aniel D ollé
Juan Diego Flórez Un ténor d’exception...
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Afin d’enrichir l’éventail des récitals proposés à l’Opéra des Nations, le Grand Théâtre de Genève s’est associé avec Caecilia pour accueillir le ténor, natif de Lima, Juan Diego Flórez, qu’on ne présente plus et que seule une pluie de superlatifs pourrait accompagner. L’inaltérable incandescence de l’artiste, devenue légendaire, le suit sur les plus grandes scènes internationales. On ne parle plus de succès, mais de triomphe. D’emblée on tombe sous le charme de son élégance, de la virtuosité de sa technique et du sublime de ses aigus. Avec l’or de sa voix, il a conquis le public. C’est au Rossini Opera Festival de Pesaro, en 1996, qu’il fait ses débuts. D’emblée, il fait l’unanimité grâce à son expressivité et à son agilité vocale. 20 ans plus tard, il est devenu et reste le ténor de choix des plus grandes maisons lyriques. En 2007, il bisse « Ah mes amis, quel jour de fête ! », l’air qui viendra conclure à La Scala de Milan la partie officielle du récital. Un évènement qui ne s’était pas produit pendant 75 ans dans le temple lyrique italien. Remarquablement accompagné par Vincenzo Scalera, il présente un programme reflet de son répertoire et de son immense talent vocal. Pour celles et ceux qui n’ont jamais eu l’occasion d’écouter ce ténor d’exception, le concert du 22 septembre 2016 est un must. Qui saurait rester insensible aux accents d’Orphée, à la douleur de Werther ou à l’émerveillement de Tamino ?
Thomas Hampson Un baryton impérial...
© DARIO ACOSTA
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epuis le 15 décembre 1999, l’artiste n’était pas revenu au Grand Théâtre de Genève, où il avait débuté en 1986 avec l’Orfeo de Monteverdi. Il est de retour la saison suivante pour Marcello de La Bohème, et en 1991, il incarna le séducteur de Séville, Don Giovanni, sans parler de ses quatre récitals. Le 13 septembre 2016, il revient à Genève, à l’Opéra des Nations pour nous plonger dans un moment de pure émotion grâce aux univers romantiques exaltés par Schumann et Mahler. Depuis plus de trois décennies, Thomas Hampson marque l’univers des barytons grâce à sa voix impériale et sa présence scénique exceptionnelle. Grâce à sa patience, en gravissant une échelle naturelle, il est devenu une star du monde du chant, avec plus de 80 rôles à son répertoire. Il passe sans problème de La Veuve joyeuse à la création contemporaine, d’où un répertoire colossal et encyclopédique, de Monteverdi à Henze, le plus connu côtoie des ouvrages à découvrir. Originaire de l’Indiana, le baryton américain excelle à l’opéra, dans les oratorios et les opérettes, mais il a une passion particulière pour le lied romantique allemand. Pas étonnant qu’il s’identifie parfois au Wanderer, une des figures clés de l’imaginaire romantique, muse de Schumann et de Mahler. En Wolfram Rieger, il a trouvé un partenaire idéal qui dépasse largement le cadre de l’accompagnement. Thomas Hampson est habité par la musique. Avec une extrême intelligence il sait théâtraliser, de façon discrète, les textes des mélodies. Difficile de ne pas succomber à sa subtile palette d’expressions et d’émotions sublimes.
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de récitals Erwin Schrott Un autre Don Giovanni...
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Piano
Vincenzo Scalera
Mozart, Rossini, Leoncavallo, Gluck, Donizetti, Massenet Au Victoria Hall Jeudi 22 septembre 2016 à 20 h
› Thomas Hampson Baryton Piano
Wolfram Rieger
Schumann & Mahler À l’Opéra des Nations Mardi 13 septembre 2016 à 19 h 30
› Erwin Schrott Baryton-basse
Federico Lechner Violon Alejandro Loguercio Trombone
Roberto Pacheco Percussions
Jorge Perez Contrebasse
Gina Schwarz ROJOTANGO À l’Opéra des Nations Jeudi 29 septembre 2016 à 19 h 30
› Camilla Nylund Soprano Piano
Helmut Deutsch
Sibelius, Mahler, Strauss, Wagner À l’Opéra des Nations Mercredi 12 octobre 2016 à 19 h 30
Leur derniers CD
Camilla Nylund Une ondine de charme ...
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Italia
DM : Carlo Tenan Filarmonica Gioacchino Rossini Decca, 2015 B011MAXA7G
Rojotango
Arrangeur : Pablo Ziegler Sony Music, 2011 B004I6PW8M
Autograph
© ANNA S.
ans une production de Rusalka, parfois contestée, Camilla Nylund a interprèté une ondine qui ne pouvait pas laisser indifférent, elle n’a pas que séduit le prince, mais également toutes celles et tous ceux qui sont venus découvrir ou redécouvrir le chef d’œuvre de Dvorak. Les nombreuses sollicitations par l’opéra qu’elle adore, car il combine le chant et l’action, font que ses apparitions au récital sont rares. Aussi nous sommes ravis de l’accueillir sur la scène de l’Opéra des Nations dans un programme exigeant, juste reflet de son talent exceptionnel. Accompagnée par Helmut Deustch, qu’on ne présente plus à Genève, ni sur la scène internationale, car il est depuis fort longtemps une des références dans l’accompagnement du lied, elle interprète Sibelius, Mahler et Strauss, avec, entre autres, les Vier letzte lieder, joyau pour les plus grandes artistes, comme Lisa Della Casa qu’elle admire. Dès son plus jeune âge, l’artiste est habitée par le chant. Elle rêvait de devenir une chanteuse pop et connaissait tout le répertoire du célèbre groupe suédois ABBA. L’enseignement la mène vers la musique classique. Elle étudie au Mozarteum de Salzbourg et fait ses débuts sur scène en interprétant Micaela de Carmen, à Hannovre. En 1997, elle est ovationnée et consacrée au Festival de Savonlinna, dans le rôle de Pamina. Au moment de sa visite à Genève, elle chante Leonore de Fidelio, sous la direction de Daniel Barenboim, à Berlin, puis elle retournera dans les contrées nordiques pour interpréter Senta du Der Fliegende Holländer, dirigé par John Fiore, à Helsinki. Elle terminera l’année 2016 avec Fledermaus, en chantant Rosalinde, à la Semperoper de Dresde, où elle fait partie de la troupe. Être à l’Opéra des Nations, le 12 octobre est la promesse d’une soirée qui vous emportera sur les ailes du chant.
Ténor
Bandonéon Claudio Constantini Piano
© SONY MUSIC / JASON BELL
a Scala de Milan, le Met et la Staatsoper de Vienne, entre autres, se souviendront longtemps de son interprétation du séducteur de Séville. Avec un égal bonheur il alterne Don Giovanni et Leporello. Avec plus de 300 représentations, Erwin Schrott est Don Giovanni. Le 29 septembre l’inénarrable Méphisto se souvient de ses racines latino-américaines et nous convie à une soirée de tango raffinée. Lorsque Don Giovanni rencontre le tango, les flammes de l’enfer n’ont qu’à bien se tenir : il s’agit d’un cocktail séduisant, génial et à découvrir, qu’il convient de ne pas manquer. Une soirée hors des sentiers battus. Celles et ceux qui n’avaient pas encore succombé à son élégante silhouette athlétique, se laisseront convaincre par son extraordinaire charisme fait de talent, de charme, de générosité et de sensualité. Grâce à son incroyable technique de baryton, il communique sa passion et sa joie de vivre au rythme du tango. Au programme, des œuvres d’Astor Piazzola, Carlos Gardel, et Pablo Ziegler, mais également des chansons populaires d’Argentine et du Brésil. Lorsque Erwin Schrott apparaît, l’addiction rode. Avec sa passion et sa sensualité sud-américaine, il saura faire fondre les sceptiques, les rigoristes et pourquoi pas les puristes. Il ne courtisera pas Suzanne des Nozze di Figaro ou Carmen. Il sera sur la scène de l’Opéra des Nations avec ses 7 musiciens. Mesdames, attention !!! Une soirée décontractée et métissée aux confins du lyrique. Une soirée très exigeante avec des musiciens exceptionnels. Soyez au rendez-vous ! Il convient de vibrer au diapason du baryton. Vous n’échapperez pas à Besame Mucho.
› Juan Diego Flórez
12 CD Warner Classic, 2015
« C’est une chose merveilleuse lorsque vous jouez et que vous n’avez pas de soucis à vous faire, il vous suffit de chanter et d’avoir du plaisir »
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camilla nylund
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Transfiguration
DM : Channu Lintu Tampere Philharmonic Orchestra Ondine, 2011
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par P atrick F erla
Plus de 60 ans sur scène !
Applaudi sur les plus grandes scènes du monde entier, Dimitri y a exercé son art durant plus de 60 ans. Né à Ascona le 18 septembre 1935, il applaudit à l’âge de 7 ans le clown Andreff au Cirque Knie et décide qu’il sera clown lui aussi ! Après un apprentissage de potier, des années d’études théâtrales, musicales, chorégraphiques et d’acrobatie, ainsi qu’une formation de pantomime, Dimitri rencontre à Paris le mime Marcel Marceau. Sa présence, aux côtés du clown blanc Maïss, dans la piste du Cirque Medrano, marque le début d’une carrière qui l’a vu se produire sur les cinq continents avec son programme de Clown-Solo. À trois reprises, il est en tournée avec le Cirque Knie (1970/73/79). Swiss Award en 2013, Dimitri crée en 1971, à Verscio, avec sa femme Gunda, Il Teatro Dimitri ; quatre ans plus tard, dans un souci de transmission, il ouvre La Scuola Teatro Dimitri. Affiliée à la Haute école spécialisée de la Suisse italienne, l’Accademia Teatro Dimitri dispense une formation de base dans toutes les disciplines du théâtre de mouvement.
aro Dimitri, Que fais-je ici ? « Tu connais tout de moi », disais-tu. Par où commencer après tant d’années d’amitié complice ? Tant d’entretiens, de rencontres, de rires partagés. Avec Gunda, dans le jardin de la Casa Cadanza. Dans les coulisses de cette DimiTRIgénération qui aura été le grand rêve de ta vie : réunir toute ta famille pour un spectacle burlesque et poétique. Trois générations : en chef d’orchestre et accessoiriste inspiré, tu tenais le rôle du nonno, le grand-père ; à tes côtés, tes deux filles, Masha et Nina, ton petit-fils Samuel et la clownesse, partenaire de Nina, Silvana Gargiulo. La veille de ta mort, dans ton petit théâtre de Verscio, tu étais encore sur scène après la tournée triomphale de ce spectacle en Suisse alémanique et en Allemagne1. Le 19 juillet, tu es parti rejoindre les étoiles et les anges dont tu avais, sur terre, le visage. La mort, nous en avons souvent parlé ensemble. Je relis ce que tu m’avais confié pour un petit livre de confidences, Dimitri clown 2 : « Je pense souvent à la mort, je me la rends familière. De toute façon, nous y sommes tous confrontés et je crois qu’il n’est pas inutile de songer à la mort qui est aussi une nouvelle naissance. La mort, c’est une naissance dans le sens contraire : on meurt, on abandonne son corps et voici qu’on renaît pour l’autre monde. C’est très ambigu, la mort, et finalement pas aussi triste que ça.» Pas aussi triste que ça … Et pourtant, caro Dimitri ! Dis-moi, à quoi ressemble cet autre monde ? Y fais-tu de la musique, de la mise en scène, du jonglage, de la peinture ? Y reprendras-tu Mozart, l’une des nombreuses pièces que tu avais inventées en 1989 pour ta
1 DimiTRIgénération devait être représentée en tournée en Suisse romande. Elle le sera… sans Dimitri mais avec son esprit, dans une nouvelle version. À Monthey, au Théâtre du Crochetan (28.10), à Neuchâtel, au Théâtre du Passage (04.10), à Romont, au Bicubic (05.11), au Théâtre de Carouge (25-27.11) et à Corpataux à La Tuffière (17.12). 2 Dimitri Clown est paru aux Éditions Favre en 1979 et en version allemande chez Werner Classen Verlag, Zurich (1980).
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compagnie et dans laquelle tu interprétais le double rôle de Mozart et Arlequin ? Dans cet autre monde, joueras-tu, comme tu l’as fait à Brême, à l’invitation de ton ami Tobias Richter, dans La Finta Giardiniera, de Mozart ? Ou seras-tu le diable de L’Histoire du Soldat que tu as représentée un peu partout et au Grand Théâtre de Genève, chez Tobias Richter toujours ? Ou Frosch dans La Chauve-Souris, de Strauss ? En signant, comme d’habitude, les costumes, la scénographie et l’affiche du spectacle ! « Tu connais tout de moi », disais-tu. Ce que je sais, c’est que tu auras été le premier clown à mettre le théâtre au cirque et le cirque au théâtre ; que tu fus un chasseur de rêves, un artisan d’art, messager de beauté et d’absolu ; que tes spectacles témoignaient de la possibilité d’un monde joyeux et fraternel. Ce monde pour lequel tu t’es engagé à plusieurs reprises : en 1973, après le coup d’État de Pinochet, des enfants chiliens orphelins sont accueillis dans votre maison ; en 1996, ambassadeur de l’UNICEF, à Sarajevo, tu découvres une ville détruite par la guerre et, en 2010, te voici au Congo avec l’Organisation mondiale contre la torture et pour le respect des Droits humains. Enfin, plus récemment, ta voix s’élève pour dénoncer la xénophobie rampante qui monte dans notre pays et le sort « réservé » aux étrangers, aux réfugiés. Si le théâtre et l’art du mouvement auront été ta vraie patrie, ils t’auront permis de raconter, dans tes créations de « clown solo », des choses que tu avais vécues ou que tu aurais eu envie de découvrir : « Pendant que je les raconte, le public projette sur mon spectacle ses fantasmes, il laisse courir son imagination, il s’invente des rêves (…) La magie du spectacle, je ne parviens pas à l’expliquer. Peut-être que la magie de la scène tient au fait que c’est un lieu où se crée un monde d’illusion, souvent beaucoup plus réel que la réalité, plus réel que la vie. » Plus réel que la vie à l’image de cette pièce que t’avait commandée le Festival de Berlin en 1978, Il clown è morto, evviva il clown! ou l’histoire d’un clown qui meurt et auquel un autre clown doit succéder pour que ça continue. Lors de notre dernière rencontre, au mois de mai, tu m’avais dit que les clowns ne meurent jamais car ils demeurent dans la mémoire des gens. Oui, c’est cela, Dimitri, à tout le temps.
© LOREDANA MOTTA / JEAN-DANIEL VON LERBER
À Dimitri, le clown C
2 Dimitri Clown est paru aux Éditions Favre en 1979 et en version allemande chez Werner Classen Verlag, Zurich (1980).
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Repères 1935 Naissance à Ascona. 1958 Rencontre Marcel Marceau. 1959 Première version de Porteur . 1969 Dimitri au Cirque Knie. Il y reviendra en 73 et 79. 1971 Avec Gunda, Dimitri crée à Verscio le Teatro Dimitri. 1975 Ouverture de la Scuola Teatro Dimitri. 1978 Dimitri écrit et met en scène Il Clown è morto, evviva il Clown! 1987 Dimitri joue le diable dans L’Histoire du soldat. Première de son nouveau programme-solo Ritratto. 1991 Mise en scène de La finta giardiniera de Mozart. 2000 Inauguration du Museo Comico. 2004 Le clown et les étoiles, exposition de costumes, tableaux et affiches de Dimitri au Musée Alexis Forel, Morges. 2005 Krapp dans La Dernière Bande, de Beckett. 2006 Avec ses filles Masha et Nina, son fils David et son gendre Kai Leclerc, création de La Famiglia Dimitri. 2009 Reçoit le SwissAward culture. 2013 Joue Frosch dans La Chauve-Souris au Grand Théâtre. 2015 Première de DimiTRIgénération. 2016 16 juillet : Sogni di un’altra vita, spectacle de la Compagnia Teatro Dimitri ; 18 juillet : représentation à Verscio de DimiTRIgénération. 19 juillet : mort de Dimitri dans sa maison.
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Le Grand Théâtre se dédouble pour fêter la musique tion du Casse-Noisette de ce chorégraphe. Puis, malgré l’heure tardive et la température plus fraîche, une assemblée de passionnés a revécu avec ferveur, jusqu’au milieu de la nuit, le drame d’Alcina de Georg Friedrich Haendel représenté à l'Opéra des Nations en février dernier. Le dimanche 19 juin 2016, une programmation variée, mélangeant ballet, musique vocale et chorale et musiques improvisées permit à des mélomanes de tous âges et de tous horizons de s’emparer de
l’Opéra des Nations. Après avoir accueilli le ballet Carmina Burana dans une ultime représentation, une salle comble a ovationné le septet de Jazz électrique Out of Law. À la suite de divers récitals, le chœur du Grand Théâtre de Genève fit comme de coutume chanter tout l’auditoire. En fin de soirée le Big-Band de la Suisse Romande et le crooner Ernie Odoom firent résonner les cimaises de l’Opéra des Nations de tous ses cuivres, claviers et percussions. ■
L'opéra italien sous la loupe des étudiants
A
près que notre institution ait participé aux dernières éditions du Festival Musiques et Sciences, coréalisées par l’Université de Genève, la HEM (Haute École de Musique de Genève) et le Grand Théâtre, c’est maintenant au tour de la Faculté des Lettres (Unité d’Italien) de se faire l’écho du monde de l’art lyrique. Tirant parti de notre programma-
tion qui met à l’affiche de la saison 16-17 trois chefs-d’œuvre de l’opéra italien, le séminaire dirigé chaque mercredi matin durant deux heures par Marco Sabbatini, poursuivra un double objectif : étudier la naissance de l’art lyrique en Italie au début du XVIIème siècle ainsi que l’apparition d’un nouveau genre dramatique, le livret d’opéra. Cela en se penchant parallèlement sur trois cas concrets situés à des moments-clefs de l’his-
toire du théâtre lyrique : Il Giasone de Francesco Cavalli (Venise, 1649), Norma de Vincenzo Bellini (Milan, 1831) et La Bohème de Giacomo Puccini (Turin, 1896). Les nouvelles réalisations de ces œuvres à l’Opéra des Nations offriront aux étudiant-es l’occasion d’assister à leurs productions scéniques et d’aborder ainsi les questions esthético-théoriques que posent leurs mises en scène contemporaines. ■
Un parcours de théâtre...
C
’est avec un grand plaisir que les équipes techniques, toutes les collaboratrices et les collaborateurs du Grand Théâtre de Genève ont appris la nomination de la nouvelle directrice technique de notre institution. Ce n’est en effet pas une inconnue du monde théâtral qui reprend la barre de ce département ô combien essentiel à la bonne marche des productions de notre opéra. Le parcours de cette professionnelle aguerrie qui s’adonne à la voile, la lecture, la musique et le trek, est impressionnant et multiple. En effet, Françoise Peyronnet – Chevalier des Arts et des Lettres – était depuis 2010 directrice de production et directrice technique au Théâtre de la Ville de Paris, elle fut auparavant directrice de projets à l’École Nationale Supérieure des Arts Décoratifs (ENSAD) de 1993 à 2010, et de 1992 à 1993, directrice de production au Théâtre de
l’Odéon (EPIC) sous la direction de Lluís Pasqual. Françoise Peyronnet a assumé le rôle de directrice de production au Théâtre des Amandiers de Nanterre sous la direction du regretté Patrice Chéreau entre 1987 et 1992, et de 1981 à 1987, c’est en compagnie d’Antoine Vitez alors directeur, qu’elle assura le poste de directrice technique au Théâtre national de Chaillot. Cette multiplicité de postes de premier plan lui a permis de côtoyer les metteurs en scène et les chorégraphes européens les plus marquants, et notamment : Antoine Vitez, Patrice Chéreau, JeanPierre Vincent, Claude Régy, Olivier Py, Alain Françon, Bob Wilson, Luc Bondy, Heiner Goebbels, Christoph Marthaler, Thomas Ostermeier, Romeo Castellucci, Simon McBurney, Deborah Warner, Peter Stein, Giorgio Strehler, Peter Zadek, Pina Bausch, Merce Cuningham, Angelin Preljocaj, Benjamin Millepied, Anne Teresa De Keersmaeker, Jan Fabre... ■
© GTG / SAMUEL RUBIO / CHLOÉ LOMBARD
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otre volonté de faire partager nos activités et nos rêves à un public toujours plus nombreux et bariolé a trouvé une fois de plus un terrain idéal à l’occasion de la Fête de la Musique genevoise. Le vendredi soir 17 juin 2016, Place de Neuve, un grand nombre des membres du Ballet du Grand Théâtre, ainsi que le chorégraphe Jeroen Verbruggen étaient présents, pour le plus grand plaisir du public, lors de la projec-
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HERMÈS GRANDEUR NATURE
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