1819 - Programme opéra - n° 66 - Carmen - 09/18

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Opéra | Carmen | Bizet

Georges Bizet

Grand Théâtre de Genève

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Passion et partage La Fondation de bienfaisance du groupe Pictet est fière de soutenir le projet «Les jeunes au cœur du Grand Théâtre». En participant à ce programme de formation, nous nous engageons en faveur de la génération à venir. Nous sommes

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particulièrement heureux de pouvoir offrir aux talents de demain l’opportunité de découvrir les joies de l’opéra et du ballet, et peut-être même de susciter des vocations. Les associés du groupe Pictet vous souhaitent une très belle saison 2018-2019.

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SUBVENTIONNÉ PAR LA VILLE DE GENÈVE

AVEC LE GÉNÉREUX SOUTIEN CERCLE DU GRAND THÉÂTRE DE GENÈVE

ASSOCIATION DES COMMUNES GENEVOISES

MÉCÈNES

MADAME ALINE FORIEL-DESTEZET

PARTENAIRES DU PROGRAMME PÉDAGOGIQUE

PARTENAIRE DES RÉCITALS

FONDATION VALERIA ROSSI DI MONTELERA

DONATEURS

FONDATION PHILANTHROPIQUE FAMILLE FIRMENICH

MADAME EVA LUNDIN

FONDATION OTTO ET RÉGINE HEIM

PARTENAIRES MÉDIA

PARTENAIRES DU GENEVA OPERA POOL CARGILL INTERNATIONAL SA

HYPOSWISS PRIVATE BANK GENÈVE SA

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© ALINARI ARCHIVES / BRIDGEMAN IMAGES

Jeune Tzigane dans le quartier Mandrione à Rome Maria Orioli, 1963 Collection Fratelli Alinari, Florence, Italie Photographie

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Carmen Georges Bizet

Opéra-comique en 4 actes Livret d'Henri Meilhac et Ludovic Halévy, d'après la nouvelle Carmen de Prosper Mérimée. Créé à Paris le 3 mars 1875, à l'Opéra Comique Alkor- Edition, Kassel

avec la participation de l’Orchestre de la Suisse Romande

Chanté en français avec surtitres anglais et français Durée : approx. 3 h 10 (incluant 1 entracte) Avec le soutien de

Fondation Otto et Régine Heim

Diffusion samedi 13 octobre 2018 à 20 h dans l’émission À l’opéra. Une production de Serene Regard et Martine Guers Fréquences FM 100.1 et 100.7

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Direction musicale

John Fiore

Mise en scène & scénographie

Reinhild Hoffmann Costumes Lumières Carmen Don José Escamillo Micaëla Mercédès Frasquita Le Dancaïre Le Remendado Zuniga Moralès Lillas Pastia Le Couple Une marchande Un bohémien

Andrea Schmidt-Futterer Alexander Koppelmann Ekaterina Sergeeva (10 | 14 | 16 | 18 | 20 | 24 & 26.09) Héloïse Mas (12 | 22 & 27.09) Sébastien Guèze (10 | 14 | 16 | 18 | 20 | 24 & 26.09) Sergej Khomov (12 | 22 & 27.09) Ildebrando D’Arcangelo Mary Feminear (10 | 14 | 16 | 20 | 24 & 26.09) Adriana González (12 | 18 | 22 & 27.09) Héloïse Mas (10 | 14 | 20 | 24 & 26.09) Carine Séchaye (12 | 16 | 18 | 22 & 27.09) Melody Louledjian Ivan Thirion Rodolphe Briand Martin Winkler Jérôme Boutillier Alonso Leal Morado Brigitte Cuvelier & Jean Chaize Marianne Dellacasagrande Wolfgang Barta

Orchestre de la Suisse Romande Chœur du Grand Théâtre de Genève Direction

Alan Woodbridge

Maîtrise du Conservatoire populaire de musique, danse & théâtre Direction

Magali Dami & Fruzsina Szuromi

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DE VISU-REIMS

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L8’ A GRAND B U STHÉÂTRE D ’ ADE GENÈVE L C O •OCARMEN L E |SN°66T D A N G E R E U X P O U R L A S A N T É . À C O N S O M M E R A V E C M O D É R A T I O N . GTG1819_Carmen_Programme_66_C1.indd 8

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DE VISU-REIMS

SOMMAIRE

Prélude Introduction Argument Synopsis Le clair-obscur de Reinhild Hoffmann un entretien par Daniel Dollé Un odor di femina par Daniel Dollé Preciosa, la gitanilla de Miguel de Cervantes L'Espagne de Prosper Mérimée extrait de sa nouvelle Carmen Carmen, c'est moi ! extrait de Carmen de Prosper Mérimée Des essaims de guêpes – les Gitanos de George Borrow Parle-moi de ma mère par Michel Schneider Le trouble, la gitane et la pétroleuse par Marc Dumont Une œuvre pareille vous rend parfait ! de Friedrich Nietzsche Le plus léger avec le plus profond de Theodor W. Adorno Carmen ou l'opéra par excellence de René Leibowitz Un merveilleux sujet d'opéra de Piotr Illitch Tchaïkovski Carmen au cinéma Les cigarières de Séville de Théophile Gautier

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Références Cette année-là, à Genève en 1875 Les Carmen au Grand Théâtre

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Production Biographies

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Informations pratiques Billetterie du Grand Théâtre Mécénat & partenariat Fondation du Grand Théâtre Cercle du Grand Théâtre Le Grand Théâtre : l’équipe

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Prochainement

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GRAND THÉÂTRE N°66 1816 | G E DE N ÈGENÈVE V E . •ZCARMEN Ü R I C|H . L A U S A N N E . PA R I S . LY O N . A N N E C Y. D U B A Ï . H O N G K O N G | B C G E . C H

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PRÉLUDE par Tania Rutigliani

L’œuvre

En 1872, les deux directeurs de la salle Favart offrent à Bizet de composer un opéra. Différents sujets sont proposés, cependant le compositeur impose Carmen d’après la nouvelle de Prosper Mérimée (1845), malgré les réticences de la direction de l’Opéra Comique. Meilhac et Halévy, librettistes de Jacques Offenbach, enthousiasmés par le projet, proposent à Bizet un livret dont le premier défi consistait à être accepté par le public de l’époque. En effet, les Français, encore traumatisés par la victoire de l’Allemagne lors de la bataille de Sedan, allaient à la salle Favart pour se divertir et étaient habitués à des œuvres légères, à la fin heureuse. D’autre part, les modifications des librettistes ont également déçu les passionnés de l’œuvre littéraire. En effet dans la nouvelle de Mérimée, l’ambiance est particulièrement sombre et sulfureuse. L’un des changements notables est l’insertion du personnage de Micaëla, qui incarne la pureté et qui est un personnage essentiel à la narration chez Bizet. Parmi les éléments qui choquent également le public, il y a les cigarières qui se battent et fument sur scène et surtout le rôle-titre qui meurt à la fin – qui entraînera d’ailleurs la démission de l’un des directeurs de l’Opéra comique). La Première du 3 mars 1875 s’avéra être un fiasco. Mais cette Première aux accents de désastre n’ombrage en rien le succès à venir de la pièce. Carmen reste l’un des opéras le plus souvent représenté du répertoire et a dépassé les frontières du lyrique.

L’intrigue

À Séville, dans une manufacture de tabac, une rixe éclate entre les cigarières. Don José, un brigadier, est chargé par ses supérieurs d’arrêter les belligérantes. Carmen, l’une des cigarières, une bohémienne bien connue et courtisée, est au cœur de la querelle. Lors de son arrestation, elle remarque le brigadier Don José (qui semble l’ignorer) et lui promet de l’aimer s’il l’aide à s’évader. Don José, fiancé à Micaëla, tombe sous le charme de la jeune femme, la libère et se fait jeter aux fers à sa place. Deux mois plus tard, le brigadier libéré

retrouve Carmen dans la taverne de Lillas Pastia. Pour posséder Carmen, Don José la rejoint dans la clandestinité parmi les contrebandiers et devient un déserteur. Pourtant les querelles s’enveniment entre les deux amants : la jalousie de Don José prenant le pas, Carmen le repousse. Micaëla intervient alors et arrache Don José des griffes de la bohémienne pour le ramener au chevet de sa mère mourante. Dans les Arènes de Séville, Carmen parade avec Escamillo, son nouvel amant. Fou de jalousie, Don José tente de la convaincre de commencer une nouvelle vie avec lui. Elle refuse. Don José la menace… et la tue – au moment où Escamillo achève le taureau.

La musique

La musique de Carmen se démarque par l’alternance entre des éléments d’un vaudeville léger, et des scènes tragiques et sentimentales au réalisme fort. Avec sa partition, Bizet restitue une partie de la noirceur de la nouvelle de Mérimée. C’est avant tout l’insertion d’éléments chromatiques qui innove et qui lui permettent d’aller au-delà du portrait édulcoré des deux librettistes. Ce chromatisme dépeint certaines scènes avec un réalisme très sombre, par exemple le trio des cartes. À la richesse mélodique, harmonique et orchestrale de la partition – ponctuée par du lyrisme à la Gounod – s’ajoute une forme d’exotisme, qui laisse malgré tout transparaître la structure sous-jacente d’un opéra-comique. Bizet réinvente l’Espagne, alors qu’il ne s’y est jamais rendu. Il s’inspire de chants espagnols existants et s’approprie rythmes de danses typiques – à l’exemple du célèbre « L’amour est un oiseau rebelle » une Habanera qu’il emprunte à Sebastián Iradier ; ou de la Séguedille « Près des remparts de Séville ». Le succès de la partition s’explique également par son accessibilité pour un large public – entre autres grâce aux récitatifs composés posthume par un ami proche de Bizet, Ernest Guiraud. La musique de Carmen alterne ainsi entre couleur locale folklorisante, et thèmes chromatiques et tragiques au lyrisme très porté sur la mélodie ; il n’en faut pas moins pour dépeindre les différentes facettes de cette bohémienne.

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Grand Théâtre de Genève / Photo : Carole Parodi

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INTRODUCTION By Tania Rutigliani

The work

In 1872, the two directors of the Salle Favart invited Bizet to compose an opera. Various subjects were considered, but the composer imposed Prosper Mérimée’s novel Carmen – in spite of the reservations of the Opéra Comique’s directors. Meilhac and Halévy – Offenbach’s librettists – were enthusiastic about the idea, and offered Bizet an original libretto. The first challenge was to make this subject acceptable to the audience. Indeed, French people, still traumatised by the German victory at the Sedan battle, went to the Salle Favart to be entertained and were used to the comic operas with happy endings. On the other hand, the librettists’ modification did also disappoint the admirer of the literary work. Mérimée’s novella is particularly dark and sulphurous. One of the biggest changes is the insertion of Micaëla – embodying purity and an important character to Bizet’s narrative. Other shocking elements: cigarette factory workers who fight and smoke on stage and, of course, a character in the title role that dies (which will cause the resignation of one of the directors of the Opéra Comique). The premiere on 3 March 1875 was, by all accounts, disastrous. But, this poor reception of Carmen doesn’t shade the success it will have in the future. Carmen was, and continues to be, one of the most frequently performed opera in the repertoire – and even crossed the confines of opera.

The plot

Grand Théâtre de Genève / Photo : Carole Parodi

In Seville, in a tobacco factory, a brawl starts between the factory workers. Don José, a soldier, is charged by his superiors to arrest the belligerents. Carmen, one of the factory workers, a gipsy girl well-known and courted in the streets of Seville, is at the heart of the quarrel. During the arrest, Carmen notices Don José (ignoring her). She promises that she will love him if he will help her to escape. Don José, who is engaged to Micaëla, falls under Carmen’s spell, frees her and is imprisoned in her place. Two months later, freed, he finds her once again in Lilas Pastias’ tavern. Don José’s passion for Carmen leads

him to join her in hiding among the smugglers, deserting from the army. However, the lovers’ quarrels become poisonous. Don José’s jealously has become unhealthy, and Carmen rejects him. Micaëla then intervenes, extracting Don José from the claws of the gipsy girl and taking him to his mother’s deathbed. Carmen parades in the Seville Arena with her new lover Escamillo. Mad with jealousy, Don José tries to convince her to come back to him. She refuses. Don José threatens her... and kills her (at the same time, Escamillo kills the bull in the Arena).

The music

Carmen’s music stands out for its alternating vaudeville moments and tragic and sentimental scenes with strong realism. In composing the score, Bizet reintroduced some of the darkness of Merimée’s novel. The chromatic elements Bizet introduces in the score are very innovating and allow him to go beyond the librettists’ toneddown portrayal. He also uses his chromatic music to paint some of the scenes with a realism that is very dark – for example the Trio des cartes. To the melodic, harmonic and orchestral richness of the score, punctuated with lyricism in the style of Gounod, he adds something exotic, which allows the underlying structure of a comic opera to appear in spite of everything. Bizet reinvents Spain, though he never went there. He takes inspiration from existing Spanish songs and makes use of typical rhythms and dances, such as the well-known Habanera “L’amour est un oiseau rebelle”, borrowed from Sebastián Iradier, or the Seguidilla, “Près des remparts de Séville”. The success of the score can also be explained by his accessibility for a larger audience (the posthumous composed recitatives by Bizet’s friend Ernest Guiraud did also help to spread the opera worldwide). The music of Carmen thus alternates between local colour drawing on folk music and highly melodic lyricism in chromatic and tragic themes. Nothing less would suffice to depict all the different facets of this gypsy girl.

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ARGUMENT Acte I Sur une place de Séville, une compagnie de soldats s’ennuie en attendant le changement de la garde. Une jeune femme, Micaëla, vient les trouver, elle est à la recherche de Don José, son ami d’enfance devenu brigadier. Sa compagnie n’est pas encore de garde. Les soldats l’invitent à rester mais la jeune femme se sauve. À l’heure de la relève José prend faction. Il apprend au lieutenant Zuniga que leur compagnie stationne devant la manufacture de tabac dans laquelle des centaines d’ouvrières travaillent. C’est l’heure de la pause, elles sortent du grand bâtiment. L’une d’entre elles est très populaire auprès des soldats, c’est Carmen. Parmi tous les hommes qui se pressent autour d’elle, Carmen remarque Don José, qui semble l'ignorer, elle le lui fait savoir de manière cinglante. Les ouvrières retournent au travail. Micaëla revient et peut enfin remettre à José une lettre de sa mère, celle-ci lui conseille d’épouser la messagère, mais avant qu’il ait pu rendre sa réponse, Micaëla repart en promettant de revenir. Une violente rixe éclate alors dans la manufacture et José doit arrêter la fauteuse de trouble, Carmen. Elle est sous sa garde le temps de rédiger l’ordre d’emprisonnement. Carmen convainc José de la laisser s’échapper. Il s’exécute. Il est dégradé et mis aux fers par Zuniga. Acte II Carmen, Fraquista et Mercédès sont dans l’auberge de Lillas Pastia où le célèbre toréador Escamillo fait son apparition. Ce dernier remarque aussitôt Carmen qui ne lui rend pas ses avances. Lillas Pastia met tout le monde dehors mais retient les trois femmes, le lieutenant Zuniga prévient alors Carmen qu’il reviendra la chercher. L’auberge fermée est le lieu de rendez-vous des contrebandiers Dancaïre et Remendado. Frasquita, Mercédès et Carmen sont de la partie. Une affaire est en cours, mais Carmen refuse d’y participer. Elle attend Don José qui vient de sortir de prison. Les comparses s’éclipsent et Don José arrive enfin. Les retrouvailles des amants sont brèves : on sonne l’appel, Don José doit retourner dans sa caserne. Carmen l’accable de sarcasmes et met en doute

son amour. Zuniga surgit au moment où Don José est prêt à partir. Les deux hommes s’affrontent, Carmen appelle les contrebandiers qui s’emparent de Zuniga et le font prisonnier. José est contraint de rejoindre la bande... Acte III Acheminant leurs marchandises dans la montagne, les contrebandiers font halte. Il faut s’assurer du passage dans la ville. La contrebande peut passer à condition que Carmen et ses comparses charment les douaniers. La jalousie de José éclate à nouveau et on lui ordonne de rester pour surveiller le campement. Micaëla, partie à la recherche de Don José, est sur le point de le rejoindre lorsque des coups de feu éclatent : Don José a manqué de tuer Escamillo qui approchait. Apprenant que celui-ci cherche Carmen, José provoque Escamillo en duel. Le duel tourne à l’avantage du hors-la-loi mais Carmen et le reste de la bande arrivent à temps pour séparer les deux hommes. Avant de repartir, Escamillo donne rendez-vous à Carmen aux prochaines corridas de Séville. On découvre soudain Micaëla qui s’était cachée non loin de là. Elle conjure José de la suivre et lui annonce une terrible nouvelle : sa mère se meurt et voudrait le revoir. José part non sans avoir menacé Carmen de la retrouver. Acte IV Devant les arènes de Séville, la foule en liesse acclame le paseo et son héros : Escamillo. Celui-ci paraît, Carmen à ses côtés. Il lui déclare son amour avant d’entrer sur la piste. Fraquista et Mercédès mettent alors Carmen en garde car on a vu rôder Don José. Avant que Carmen ait pu rejoindre sa place parmi les spectateurs, José surgit. Il la supplie de partir avec lui, prêt à faire tout ce qu’elle voudra du moment qu’ils soient ensemble. Il la menace, mais rien n’y fait : Carmen ne cède pas, elle préfère mourir plutôt que d’obéir. On entend exulter le public de l’arène quand Escamillo porte l’estocade au taureau. Au même instant José poignarde Carmen et la tue.

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Melody Leloudjian (Frasquita) et Héloïse Mas (Mercédès) pendant les répétitions sur le plateau de l’Opéra des Nations en août 2018.

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SYNOPSIS

© GTG / MAGALI DOUGADOS

Act I In a square in Seville, a group of soldiers is relaxing, awaiting the changing of the guard. A young woman, Micaëla, comes to find them, as she is looking for her childhood friend, Don José, who is now a corporal. His company is not yet on guard duty. The soldiers invite her to stay, but she leaves. At the changeover, José takes over the watch. He informs Lieutenant Zuniga that their company is stationed in front of a tobacco factory employing hundreds of female employees. At break time, they come out of the large building. One of them, Carmen, is very popular with the soldiers. Among all the men who are crowding around her, Carmen notices Don José who is paying no attention to her and lets him know in a scathing manner. The workers return to work. Micaëla comes back and finally gives José a letter from his mother, in which she advises him to marry the messenger. However, before he can reply Micaëla goes off again, promising she will return. A violent scuffle breaks out in the factory and José has to arrest the troublemaker, Carmen. She remains in his charge, while Zuniga drafts her prison order. Carmen convinces José to let her escape. He agrees and, as a result, is demoted by Zuniga and clapped in ins. Act II Carmen, Fraquista and Mercédès are in Lillas Pastia’s tavern, two months have passed, and the famous toreador, Escamillo, makes his entrance. He notices Carmen straight away, but she does not return his advances. Lillas Pastia ushers everyone to the door, but keeps back the three women, and then Lieutenant Zuniga warns Carmen that he will come back to fetch her. After hours, the tavern becomes the meeting place of the smugglers Dancaïre and Remendado. Frasquita, Mercédès and Carmen are still there. A deal is being discussed, but Carmen refuses to be part of it. She is awaiting Don José who has just got out of prison. The others present all leave and finally Don José arrives. The lovers’ reunion is short-lived. A distant bugle call sounds and so Don José has to go back to his barracks. Carmen mocks him scornfully throwing his love for her into doubt. Zuniga

arrives when José is about to leave. The two men confront each other, Carmen calls in the smugglers who overpower Zuniga and take him prisoner. José is forced to join their band... Act III The smugglers are carting their booty in the mountains, but stop on the way, as they need to ensure their passage into town. The contraband will be able to get through, as long as Carmen and her friends distract the customs guards. José’s jealousy wells up again and he is ordered to stay and guard the camp. Micaëla, off in search of Don José, has almost reached him, when shots ring out: Don José has almost killed Escamillo who was approaching. When José found out that he was looking for Carmen, he challenged Escamillo to a duel. The duel turns in favour of the outlaw, but Carmen and the rest of the band arrive in time to separate the two men. Before leaving again, Escamillo invites Carmen to the next bullfight in Seville. Suddenly Micaëla appears, who had been hiding nearby. She begs José to go with her and announces some terrible news: his mother is dying and would like to see him again. José leaves, but not before threatening Carmen that he will find her again. Act IV In front of the Seville Arenas, the jubilant crowd calls for its hero, Escamillo, to present himself. He does so with Carmen at his side. He declares his love for her and then goes into the arena. Fraquista and Mercédès warn Carmen that Don José has been seen prowling around the area. Before Carmen can take her place among the spectators, José jumps out. He begs her to leave with him, promising he will give her whatever she wants once they are together. He threatens her, but it makes no difference. Carmen does not give in, preferring to die rather than do what he asks. The sound of the rapturous spectators can be heard inside the arena, when Escamillo delivers the death- blow to the bull. At that same moment, José stabs Carmen and kills her.

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Bohémienne au panier Boleslaw Szankowski, 1910 Collection privée, Varsovie, Pologne Huile sur toile

« Cette œuvre délivre ! [...] J’envie Bizet d’avoir eu le courage de cette sensibilité plus méridionale, plus brune, plus brûlée... Enf in l’amour, l’amour re-transposé dans la nature originelle... L’amour dans ses moyens de guerre, dans son principe de haine mortelle des sexes. » FRIEDRICH NIETZSCHE, LETTRES À PETER GAST

Un odor di femina Un parfum de scandale par Daniel Dollé

© AGRA ART, WARSAW, POLAND / BRIDGEMAN IMAGES

M

ême celles et ceux que l’opéra agace connaissent des airs de Carmen – qui met en scène un personnage hors normes. Le music-hall et le cinéma se sont accaparés le personnage et même la publicité n’a pas épargné la Sévillane devenue experte en tâches ménagères, ou maman attendrie, jusqu’au Muppet Show qui s’est approprié la célébrissime Habanera – le credo de Carmen : « L’amour est un oiseau rebelle ». Et pourtant le 3 mars 1875 rien ne laissait présager un tel succès, une telle popularité. Carmen constitue un tournant dans l’histoire de la Salle Favart. Jusque-là, on y présentait des vaudevilles lyriques qui n’offensaient ni la morale, ni la pudeur bourgeoise. Et qu’ose offrir Bizet ? Un déserteur, cinq ans après la débâcle de Sedan, qui se lie avec des contrebandiers en s’acoquinant avec une sorcière qui va au bout de son destin. En résumé, tout ce qu’on s’efforçait d’occulter : le mal, les marginaux, etc. Bizet et ses librettistes le mettent en scène. L’Opéra Comique, le théâtre des familles, des entrevues matrimoniales, le Meetic du XIXème siècle, était-il le lieu idéal pour présenter la femme

fatale ? Pourtant Meilhac et Halévy, les librettistes des Jacques Offenbach, avaient adouci la Carmen de Prosper Mérimée, et ce faisant, avaient déçu celles et ceux qui avaient lu la nouvelle et qui s’attendaient à un ouvrage sulfureux. Il semble cependant évident que le compositeur n’a pas voulu créer une œuvre politique, voire polémique en remettant en question la morale bourgeoise de l’époque. Ce qui est certain, Bizet ouvre de nouvelles perspectives esthétiques en estompant les limites avec le Grand Opéra, il met en place les chemins qui mèneront aux personnages de Salomé, Lulu ou encore Marie de Wozzeck. Mais les critiques et le public ne le voient pas ainsi, et le 3 mars 1875, les spectateurs quittent la salle acte après acte. La Première est un bide. C’est un nouvel échec pour le compositeur qui vient de recevoir l’ordre de la Légion d’honneur. Désespéré, il part errer dans les rues de Paris, au bras de son ami Ernest Guiraud, celui qui composera les récitatifs qui permettront à l’œuvre d’être présentée sur toutes les scènes internationales. Le lendemain de la création, tout le monde, à l’Opéra Comique, tourne le dos à Bizet, depuis le

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Mais le public a-t-il vraiment changé ? Admet-il plus facilement les innovations, les nouveaux regards ? Estil vraiment ouvert à de nouvelles perspectives ? [...] Le 1er janvier 1982, lorsque l’ouvrage est créé à Pékin, il est jugé scabreux et subversif. En 2014, Carmen est censuré et déprogrammé à l’Opéra de Perth, en Australie. Son héroïne est jugée unhealthy, car elle rend la cigarette glamour. [...] Parce qu’on ne peut pas applaudir le meurtre d’une femme, le metteur en scène réinvente un autre final pour le Teatro del Maggio Musicale Fiorentino. Don José est tué par Carmen. Mais en sauvant Carmen de la mort, c’est elle qu’on assassine... 24

concierge jusqu’à la direction. Parmi les nombreuses critiques, on peut lire : « C’est une Carmen absolument enragée. Il faudrait la bâillonner et mettre un terme à ses coups de hanche effrénés en l’enfermant dans une camisole de force après l’avoir rafraîchie d’un pot à eau versé sur la tête. », et La Patrie surenchérit, stigmatisant « la véritable prostituée de la bourbe et du carrefour (…) , la fille dans la plus révoltante acception du mot ». La critique se focalise sur l’absence de morale et le public est choqué par l’indécence de l’héroïne, ainsi que par son indépendance totale. Les auteurs du projet avaient pressenti l’échec et Ludovic Halévy raconte, trente ans plus tard, les réticences d’Adolphe de Leuven, co-directeur de l’Opéra Comique, qui démissionna indigné par le meurtre de l’héroïne. Dans un article intitulé La millième de Carmen, il rapporte les propos de Leuven : « Carmen ! la Carmen de Mérimée !... Estce qu’elle n’est pas assassinée par son amant ?... Et ce au milieu de voleurs, de bohémiennes, de cigarières !... À l’Opéra Comique !... le théâtre des familles !... le théâtre des entrevues de mariage !... Nous avons, tous les soirs, cinq ou six loges louées pour ces entrevues... Vous allez mettre notre public en fuite... c’est impossible ! (...) Je vous en prie, tâchez de ne pas la faire mourir. La mort à l’Opéra Comique !... cela ne s’est jamais vu... entendez-vous, jamais ! ... Ne la faites-pas mourir ! ... Je vous en prie mon cher enfant... » Mais d’autres voix s’élèvent, Tchaïkovski annonce en prophète que « d’ici dix ans, Carmen sera l’opéra le plus célèbre de toute la planète », Brahms assiste une vingtaine de fois aux représentations, et Saint-Saëns écrit à son grand ami pour le féliciter. Cinq jours après la création, le 8 mars 1875, dans Le National, Théodore de Banville approuve la disparition de « ces jolies poupées bleu ciel et rose qui firent la joie de nos pères au profit de vrais hommes et de vraies femmes, éblouis et torturés par la passion ». Gustav Mahler loue la perfection absolue de l’ouvrage et Friedrich Nietzsche ne tarit pas d’éloges sur Carmen en médisant sur les brumes wagnériennes : « Cette œuvre vaut pour moi un voyage en Espagne. [...] C’est un exercice de séduction, irrésistible, satanique, ironique-

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ment provocant. C’est ainsi que les anciens imaginaient Eros. Je ne connais rien de semblable en musique ». Il convient cependant de relativiser les propos du philosophe qui voyait dans l’œuvre une façon de réactiver un vieux conflit entre Germains et Latins, comme le souligne Philippe LacoueLabarthe, dans L’Anithèse ironique, lors d’une émission sur France-Culture, consacrée à Nietzsche et la musique. Le 23 décembre 1904, à l’occasion de la millième de Carmen, Gustave Charpentier écrit : « En présence du triomphe universel de Carmen, qui soupçonnerait l’espèce d’échec que ce chefd’œuvre eut d’abord à subir ? Le soir de la première représentation la salle se montra de glace ; les plus belles scènes ne parvinrent pas à l’échauffer – et le lendemain, de la part des critiques, ce ne fut qu’un chœur pour crier haro ! Carmen dut faire un effet bien étrange ; c’était un drame gonflé de vie, impétueux, comme une formidable éruption de lave. Comment ne se serait-on pas écrié à la vulgarité et à l’inspiration grossière ? Dans le futur théâtre du peuple, dont rêvent depuis cent ans tous les esprits noblement généreux, il faudra des tragédies de pure ligne, grouillantes de vie, et se déroulant sans aucun miracle entre des personnages vrais. » Le public est choqué par le décalage entre le genre de l’opéra, un opéra-comique, et son contenu dramatique. Les critiques musicales dénoncent, elles, les ratés ayant émaillé l’exécution musicale et la mise en scène lors de la création ainsi qu’un langage chromatique peu accessible. Ce que retient le public de la création c’est le scandale et la rupture avec la tradition. Mais le public a-t-il vraiment changé ? Admet-il plus facilement les innovations, les nouveaux regards ? Est-il vraiment ouvert à de nouvelles perspectives ? Cette Carmen fière, absolue et fataliste qui cristallise le mélange Eros et Thanatos, un mélange fortement scandaleux qui paralyse et séduit. Certaines n’ont-elles pas rêvé d’être Carmen et d’autres Escamillo ou Don José ? Plus près de nous, le 1er janvier 1982, lorsque l’ouvrage est créé à Pékin, il est jugé scabreux et subversif. En 2014, Carmen est censuré et déprogrammé à l’Opéra de Perth, en Australie. Son héroïne est jugée unhealthy, car elle rend la cigarette glamour.

« Dans l’air, nous suivons des yeux la fumée qui vers les cieux monte, monte parfumée », chantent les femmes de la manufacture. Mais les aventures de Carmen ne s’arrêtent pas en si bon chemin. Parce qu’on ne peut pas applaudir le meurtre d’une femme, le metteur en scène réinvente un autre final pour le Teatro del Maggio Musicale Fiorentino. Don José est tué par Carmen. Mais en sauvant Carmen de la mort, c’est elle qu’on assassine. Elle va au-devant de la mort, son destin lui est clairement révélé par les cartes. Un air aimé de Sigmund Freud, comme il le révèle dans sa lettre écrite au retour du Théâtre Quirino, où il a assisté à une représentation de Carmen. Il en parlera plus tard, dans un premier temps au moment de l’Interprétation des rêves, puis dans Le Motif des trois coffrets : celle « des trois relations inévitables de l’homme à la femme (…) la génitrice, la compagne, la destructrice ».   La mort a rendu la gitane immortelle. C’est le prix qu’elle doit payer pour la Liberté et sa soif d’absolu. Bizet n’a jamais franchi les Pyrénées et pourtant les brûlures du soleil, le sable chaud, la corrida, les gitans et les toréadors sont présents à chaque note. La musique du compositeur sublime le sordide. Il réinvente l’Espagne en mêlant des emprunts à la tradition à sa vision de l’exotisme. Chez Mérimée Carmen accompagnait sa danse avec des morceaux d’assiette brisée, chez Bizet apparaissent les castagnettes. Le premier air composé par Bizet ne convenant pas à la créatrice de Carmen, Célestine Galli-Marié, il emprunte à Sebastián Iradier, un compositeur basque espagnol, sa habanera qui s’appelait « El arreglito » (1840). La habanera, la havanaise, une chanson et une danse cubaines étaient très populaires dans l’Europe romantique. Leur origine reste controversée. S’agit-il d’une origine purement afro-cubaine, ou plonge-t-elle également ses racines dans les rythmes espagnols importés lors de la conquête de La Havane ? « L’amour est un oiseau rebelle ; Que nul ne peut apprivoiser ; Et c’est bien en vain qu’on l’appelle ; S’il lui convient de refuser ; Rien n’y fait, menace ou prière ; L’un parle bien, l’autre se tait ; Et c’est l’autre que je préfère ; Il n’a rien dit, mais il me

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plaît (…) L’amour est enfant de bohème ; Il n’a jamais, jamais, connu de loi ; Si tu ne m’aimes pas, je t’aime ; Et si je t’aime, prends garde à toi ; Prends garde à toi ». C’est en ses termes que Carmen se présente pour la première fois au public. À première vue, ce personnage semble avoir des similitudes avec Don Juan, mais elle n’est pas une prédatrice, une collectionneuse et n’a nullement besoin de défier Dieu pour mourrir. Don Giovanni est un aristocrate cynique et collectionneur, Carmen est une cigarière qui fréquente les exclus. Cependant comme lui, elle est devenue un mythe qui toujours inspire et interroge. Elle lit le destin dans les lignes de la main, mais elle ne s’en soucie guère. Carmen n’est pas une libertine, elle est une femme libre qui aime en liberté. Elle refuse d’être l’objet des fantasmes masculins. Don José voudrait la posséder, ce qu’elle ne saurait accepter au nom de l’égalité des sexes. Elle ne sait pas faire rimer amour avec toujours. Lorsque la carte impitoyable annonce la mort, elle poursuit son destin. Elle ne transige pas, elle vit au prix de la mort. Sa mort la rendra immortelle. Don José devra choisir entre le sein maternel tiède et le sein brûlant de Carmen, et cependant il serait faux de considérer l’ouvrage comme une opposition entre la maman et la putain, car on n’achète pas les charmes de la Sévillane qui est en quête d’absolu et ne saurait être réduite à une féministe archétypique. Mourir plutôt que de donner la vie, Carmen seraitelle l’antithèse de la mère ? Une mère incarnée par Micaëla, personnage qui n’existe pas dans la Nouvelle de Mérimée et inventé par les librettistes. Elle est la messagère de la mère de Don José et le rappelle à ses obligations familiales, et à suivre les lois morales. Symbole de l’innocence, de la pureté, la sagesse, la religion, et de la famille, Micaëla incarne l’épouse idéale pour Don José. Mais il y a Carmen et cette fleur qu’elle lui avait jetée. Le sein maternel n’a pas la même saveur que le sexe ardent et le tempérament de la bohémienne que la soif d’absolu place hors normes. Don José fait un choix, mais avait-il la force de l’assumer ? Qu’avait-il comme autre dessein que de posséder une femme

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qui fascine, questionne et ne recule devant rien ? On ne s’étonnera guère de l’intérêt qu’a pu susciter Carmen au royaume de la psychanalyse. Tout d’abord Freud qui avait 24 ans, et peut-être l’âge de Carmen, au moment de la création de l’ouvrage. Ce dernier donne une importance particulière à la sexualité en élargissant considérablement sa définition, ce qui conduit à définir un langage avec de nouveaux termes plus adéquats. Ainsi Lacan parle de sexuation et imagine des formules de sexuation qui demandent une redéfinition préalable de la définition du phallus freudien, signifiant symbolique. Les formules de sexuation lacaniennes rendent compte de ce que le réel de la clinique nous apprend, la rencontre entre deux êtres sexués est toujours ratée. Ce ratage ne signifie nullement la non-existence de relation sexuelle, mais affirme la disparité des logiques et des jouissances et conduit à la dialectique entre amour et désir qui semblent être la source d’un perpétuel malentendu. Carmen incarne l’une des modalités des formules lacaniennes de la sexuation : une hystérique flamboyante, venant défier la superbe du militaire, en le faisant rêver grâce à la fleur, un sinthome de sexualité, pour le jeter dès qu’il a succombé à ses charmes et qu’elle l’a détourné de son devoir, puis elle jette son dévolu sur un autre uniforme : celui du toréador. Carmen est une tragédie lacanienne qui n’obéit qu’à son désir. Elle défie et s’est affranchie de la loi phallique, elle est insaisissable. Tantôt symbolique et tantôt hors symbolique, elle a choisi la liberté au prix de la mort. La rhétorique de Carmen est une érotique qui fait exploser la loi morale. Dès son air d’entrée, elle énonce deux vérités inconciliables : « Si tu ne m’aimes pas, je t’aime ; Et si je t’aime prends garde à toi » qu’il convient de comparer aux mots de Don José : « Ah si je t’aime Carmen, tu m’aimeras » – ces propos mettent en exergue la non-réciprocité. Carmen ne peut entendre la vérité de Don José et réciproquement. Nous laisserons à Jacques Lacan le soin de clore cette incise psychanalytique : « Le désir c’est le désir de l’Autre. » Les sentences sévères de la critique et du public au moment de la création n’ont pas empêché

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l’œuvre de faire le tour du monde, avec ou sans les récitatifs de Guiraud. Oui, Carmen appartient aux grands mythes. Son image de femme fatale, de féministe avant l’heure, reste très forte jusqu’à nos jours où les pays légifèrent sur le harcèlement et où souffle les tornades des #MeToo, un mouvement qui existe depuis 2007, on serait en droit de s’interroger de la place de Carmen dans ce contexte. Qu’adviendrait-il d’elle, si elle s’avisait de jeter une fleur à un simple soldat, après avoir chanté son credo, sur la place publique ? Loin de nous l’idée de fustiger des mouvements, des courants de pensée, ou des lois. Fallait-il toutes ces dénonciations à retardement, tous ces tapages médiatiques pour prendre conscience et remettre au goût du jour le mot respect, un maître mot qui s’applique à celles et ceux qui croient avoir un pouvoir, mais le vrai pouvoir est ailleurs. D’une certaine façon Don José a dit oui à Carmen. En route vers la prison, il s’est laissé bousculer par elle, afin de la retrouver chez Lillas Pastia, où elle dansera pour lui la séguedille. Au départ les Andalouses lui font peur et il évite leurs regards brûlants et le fatum s’abat sur lui. Il garde la fleur pendant des semaines et des mois. Le parfum qu’elle dégage n’est autre que celui de la sensualité envahissante de la bohémienne. Il n’a pas la capacité de résister, sa carapace vertueuse craque dès que la sensuelle gitane le regarde. Laissons à Henry Barraud, compositeur et homme de radio exceptionnel, le soin de conclure : « Bizet ne répète pas, il n’envoûte pas, il saisit. (...) Il fait confiance aussi à son auditeur, et c’est là que nous retrouvons Nietzsche lorsqu’il écrit : « Cette musique suppose l’auditeur intelligent » ; et ailleurs cette phrase étonnante : « À l’entendre, on devient soi-même un chef-d’œuvre ». Carmen est et restera le thriller de Bizet dans lequel les personnages sont mus par des ressorts éternels : l’amour, la jalousie et l’honneur. Carmen est plus qu’une histoire d’amour qui finit mal. L’ouvrage illustre une bataille entre l’ordre et les sentiments, en apparence débridés. Des films, des romans, des centaines de représentations scéniques sont l’expression de sa force sur laquelle la libération de la femme dans les années 60-70 n’a pas eu de prise.

Références bibliographiques Avant-Scène Opéra, N°26 Theodor W. Adorno, Fantasia sopra Carmen, in : Quasi una fantasia, Paris, Gallimard, 1982. Un autre Nietzsche, Lignes, nouvelle série n°7, 2002/1. Francis Cohen, Carmen, la loi de l’amour. L’amour est enfant de bohème qui n’a jamais, jamais connu de loi, Insistance 2006/1 (n° 2). Jacques Lacan, Encore, in : Séminaire Livre XX, 1972-73. Christophe Pierrot, L'opéra Carmen ou le mythe de L’impossible rencontre des sexes. Academia.edu Thierry Tremine, Carmen, Tu, Moi, Figures littéraires du désordre amoureux, Cercle d’études psychiatriques Henri Ey, 2001. Sigmund Freud, Lettres à Wilhelm Fliess. 1887-1904, in : Lettre 132, Paris, 2006.

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© DR

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Jeune Tzigane hongroise au violon Balogh Rudolf, 1930 Collection privée, Budapest Photographie

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Preciosa, la gitanilla de Miguel de Cervantes, extrait de La petite Gitane (La gitanilla), nouvelle qui ouvre son recueil Nouvelles exemplaires (Novelas ejemplares), 1613

I

l semble que Gitans et Gitanes ne soient sur terre que pour être voleurs : ils naissent de pères voleurs, sont élevés pour le vol, s’instruisent dans le vol, et finissent bel et bien voleurs à tous crins ; l’envie de friponner et la friponnerie même sont en eux des accidents dont ils ne se défont qu’à la mort. Une doña de cette nation (vieille gitane dont on eût pu fêter le jubilé dans la science de Cacus) éleva une enfant comme sa petite-fille, lui donna le nom de Preciosa et lui enseigna tous les artifices et modes d’enseigner autrui, plus mille autres gitaneries. Ladite Preciosa devint la plus excellente danseuse qui se pût trouver dans tout le gitanisme et aussi la plus belle et la plus sensée qui se pût trouver, non plus parmi les gitanes, mais parmi toutes les filles belles et sensées que publiait la renommée. Ni les soleils, ni les vents, ni aucune des inclémences du ciel auxquelles, plus que toutes autres, est sujette la gent bohémienne, ne purent délustrer son visage, ni basaner ses mains ; et, qui plus est, l’éducation grossière qu’elle reçut ne découvrit en elle qu’un être d’une naissance supérieure à celle de gitane, car elle était infiniment courtoise et pleine de raison ; avec cela fort désinvolte mais non de façon déshonnête; si bien qu’en sa présence aucune gitane, jeune ou vieille, ne se hasardait à chanter des chansons lascives ou à dire des paroles indécentes. Enfin l’aïeule comprit le trésor qu’elle avait en sa petite-fille : le vieil aigle décida de laisser son aiglon s’envoler et de lui apprendre à vivre de ses serres. Preciosa devint riche de noëls, couplets, séguedilles, sarabandes et autres airs, mais surtout de romances qu’elle chantait avec une grâce particulière ; c’est que sa coquine d’aïeule avait estimé que tous ces aimables talents seraient

un jour, avec le bel âge et la grande beauté de sa petite-fille, de la plus heureuse amorce et accroîtraient le trésor de ses biens. Aussi tâcha-t-elle à se procurer autant de chansons qu’elle put ; il ne manqua point de poètes pour l’en pourvoir ; car il est aussi des poètes qui se plaisent dans l’accointance des bohémiens et leur vendent leurs complaintes, comme d’autres en écrivent pour l’usage des aveugles ; ils leur inventent des miracles et touchent leur part de gains. Il y a de tout dans ce monde et il peut advenir que la faim et ses suites entraînent l’industrie des hommes à des choses qui ne sont pas sur la carte. Preciosa fut élevée en divers endroits de la Castille. Elle avait quinze ans lorsque son aïeule putative la ramena à la capitale et à son ancien rancho, dans les champs de Sainte Barbe, rendez-vous ordinaire des bohémiens. Elle pensait vendre sa marchandise en cette ville où tout s’achète et tout se vend. Et la première entrée que fit Preciosa à Madrid, ce fut pour la fête de Sainte Anne, patronne et avocate de la ville, dans un ballet que composaient huit gitanes : quatre vieilles et quatre jeunes, plus un gitan, excellent baladin, qui conduisait la danse ; et bien que toutes fussent propres et bien attifées, la toilette de Preciosa était telle que, peu à peu, elle commença de rendre amoureux les yeux de tous ceux qui la regardaient. Par-dessus le son du tambourin et des castagnettes et les mouvements du bal, une rumeur s’élevait qui louait à l’extrême la beauté et la gentillesse de la petite gitane, et les garçons accouraient la voir, et les hommes la regarder ; mais lorsqu’ils l’eurent ouïe chanter (c’était une danse mêlée de chant) il fallut voir ! C’est alors que la renommée de la gitane atteignit à son apogée et que du consentement commun les députés de la fête lui donnèrent le prix de la meilleure danse. [...] Traduction française de Jean Cassou,

Collection La Pléiade, Éditions Gallimard.

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© ATELIER LUCIEN CLERGUE

Jeune danseuse gitane aux Saintes-Maries-de-la-Mer Lucien Clergue, 1961 Atelier Lucien Clergue, Arles Photographie

L’Espagne de Prosper Mérimée Extrait de la nouvelle de Prosper Mérimée, Carmen, chap. 4 (p. 101-106), Calmann-Lévy, 1890 Les bohémiens L’Espag ne est u n des pays où se t rouvent aujourd’hui, en plus grand nombre encore, ces nomades dispersés dans toute l’Europe, et connus sous les noms de bohémiens, Gitanos, Gypsies, Zigeuner, etc. La plupart demeurent, ou plutôt mènent une vie errante dans les provinces du Sud et de l’Est, en Andalousie, en Estremadure, dans le royaume de Murcie ; il y en a beaucoup en Catalogne. Ces derniers passent souvent en France. On en rencontre dans toutes nos foires du Midi. D’ordinaire, les hommes exercent les métiers de maquignon, de vétérinaire et de tondeur de mulets ; ils y joignent l’industrie de raccommoder les poêlons et les instruments de cuivre, sans parler de la contrebande et autres pratiques illicites. Les femmes disent la bonne aventure, mendient et vendent toutes sortes de drogues innocentes ou non.

Les caractères physiques des bohémiens sont plus faciles à distinguer qu’à décrire, et lorsqu’on en a vu un seul, on reconnaîtrait entre mille un individu de cette race. La physionomie, l’expression, voilà surtout ce qui les sépare des peuples qui habitent le même pays. Leur teint est très basané, toujours plus foncé que celui des populations parmi les­quelles ils vivent. De là le nom de Calés, les noirs, par lequel ils se désignent souvent. Leurs yeux sensiblement obliques, bien fendus, très noirs, sont ombragés par des cils longs et épais. On ne peut comparer leur regard qu’à celui d’une bête fauve. L’audace et la timidité s’y peignent tout à la fois, et sous ce rapport leurs yeux révèlent assez bien le caractère de la nation, rusée, hardie, mais craignant naturellement les coups comme Panurge. Pour la plupart les hommes sont bien découplés, sveltes, agiles ; je ne crois pas en avoir jamais vu un seul chargé d’em-

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bonpoint. En Allemagne, les bohémiennes sont souvent très jolies ; la beauté est fort rare parmi les Gitanas d’Espagne. Très jeunes elles peuvent passer pour des laiderons agréables ; mais une fois qu’elles sont mères, elles deviennent repoussantes. La saleté des deux sexes est incroyable, et qui n’a pas vu les cheveux d’une matrone bohémienne s’en fera difficilement une idée, même en se représentant les crins les plus rudes, les plus gras, les plus poudreux. Dans quelques grandes villes d’Andalousie, certaines jeunes filles, un peu plus agréables que les autres, prennent plus de soin de leur personne. Celles-là vont danser pour de l’argent, des danses qui ress­emblent fort à celles que l’on interdit dans nos bals publics du carnaval. M. Barrow, missionnaire anglais, auteur de deux ouvrages fort intéressants sur les bohémiens d’Espagne, qu’il avait entrepris de convertir, aux frais de la société Biblique, assure qu’il est sans exemple qu’une Gitana ait jamais eu quelque faiblesse pour un homme étranger à sa race. Il me semble qu’il y a beaucoup d’exagération dans les éloges qu’il accorde à leur chasteté. D’abord, le plus grand nombre est dans le cas de la laide d’Ovide : Casta quam nemo rogavit. Quant aux jolies, elles sont comme toutes les Espagnoles, difficiles dans le choix de leurs amants. Il faut leur plaire, il faut les mériter. M. Barrow cite comme preuve de leur vertu un trait qui fait honneur à la sienne, surtout à sa naïveté. Un homme immoral de sa connaissance, offrit, ditil, inutilement plusieurs onces à une jolie Gitana. Un Andalou, à qui je racontai cette anecdote, prétendit que cet homme immoral aurait eu plus de succès en montrant deux ou trois piastres, et qu’offrir des onces d’or à une bohémienne, était un aussi mauvais moyen de persuader, que de promettre un million ou deux à une fille d’auberge. Quoi qu’il en soit, il est certain que les Gitanas montrent à leurs maris un dévouement extraordinaire. Il n’y a pas de danger ni de misères qu’elles ne bravent pour les secourir en leurs nécessités. Un des noms que se donnent les bohémiens, Romé ou les époux, me paraît attester le respect de la race pour l’état de mariage. En

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général on peut dire que leur principale vertu est le patriotisme, si l’on peut ainsi appeler la fidélité qu’ils observent dans leurs relations avec les individus de même origine qu’eux, leur empressement à s’entraider, le secret inviolable qu’ils se gardent dans les affaires compromettantes. Au reste, dans toutes les associations mystérieuses et en dehors des lois, on observe quelque chose de semblable. Misère... J’ai visité, il y a quelques mois, une horde de bohémiens établis dans les Vosges. Dans la hutte d’une vielle femme, l’ancienne de sa tribu, il y avait un Bohémien étranger à sa famille, attaqué d’une maladie mortelle. Cet homme avait quitté un hôpital où il était bien soigné, pour aller mourir au milieu de ses compatriotes. Depuis treize semaines il était alité chez ses hôtes, et beaucoup mieux traité que les fils et les gendres qui vivaient dans la même maison. Il avait un bon lit de paille et de mousse avec des draps assez blancs, tandis que le reste de la famille, au nombre de onze personnes, couchaient sur des planches longues de trois pieds. Voilà pour leur hospitalité. La même femme, si humaine pour son hôte, me disait devant le malade: « Singo, singo, homte hi mulo. » (Dans peu, dans peu, il faut qu’il meure.) Après tout, la vie de ces gens est si misérable, que l’annonce de la mort n’a rien d’effrayant pour eux. Un trait remarquable du caractère des bohémiens, c’est leur indifférence en matière de religion ; non qu’ils soient esprits forts ou sceptiques. Jamais ils n’ont fait profession d’athéisme. Loin de là, la religion du pays qu’ils habitent est la leur ; mais ils en changent en changeant de patrie. Les superstitions qui, chez les peuples grossiers remplacent les sentiments religieux, leur sont également étrangères. Le moyen, en effet, que des superstitions existent chez des gens qui vivent le plus souvent de la crédulité des autres. Cependant, j’ai remarqué chez les bohémiens espagnols une horreur singulière pour le contact d’un cadavre. Il y en a peu qui consentiraient pour de l’argent à porter un mort au cimetière.

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La bonne aventure J’ai dit que la plupart des bohémiennes se mêlaient de dire la bonne aventure. Elles s’en acquittent fort bien. Mais ce qui est pour elles une source de grands profits, c’est la vente des charmes et des philtres amoureux. Non seulement elles tiennent des pattes de crapauds pour fixer les cœurs volages, ou de la poudre de pierre d’aimant pour se faire aimer des insensibles ; mais elles font au besoin des conjurations puissantes qui obligent le diable à leur prêter son secours. L’année dernière, une Espagnole me racontait l’histoire suivante : elle passait un jour dans la rue d’Alcala, fort triste et préoccupée ; une bohémienne accroupie sur le trottoir lui cria : « Ma belle dame, votre amant vous a trahi. » C’était la vérité . « Voulez-vous que je vous le fasse revenir ? » On comprend avec quelle joie la proposition fut acceptée, et quelle devait être la confiance inspirée par une personne qui devinait ainsi d’un coup d’œil, les secrets intimes du cœur. Comme il eût été impossible de procéder à des opérations magiques dans la rue la plus fréquentée de Madrid, on convint d’un rendez-vous pour le lendemain. « Rien de plus facile que de ramener l’infidèle à vos pieds, dit la Gitana. Auriez-vous un mouchoir, une écharpe, une mantille qu’il vous ait donné ? » On lui remit un fichu de soie. « Maintenant cousez avec de la soie cramoisie, une piastre dans un coin du fichu. Dans un autre coin cousez une demi-piastre ; ici, une piécette ; là, une pièce d’or. Un doublon serait le mieux. » On coud le doublon et le reste. « À présent, donnez-moi le fichu, je vais le porter au Campo-Santo, à minuit sonnant. Venez avec moi, si vous voulez voir une belle diablerie. Je vous promets que dès demain vous reverrez celui que vous aimez. » La bohémienne partit seule pour le Campo-Santo, car on avait trop peur des diables pour l’accompagner. Je vous laisse à penser si la pauvre amante délaissée a revu son fichu et son infidèle. Malgré leur misère et l’espèce d’aversion qu’ils inspirent, les bohémiens jouissent cependant d’une certaine considération parmi les gens peu éclairés, et ils en sont très vains. Ils se sentent une race supérieure pour l’intelli-

gence et méprisent cordialement le peuple qui leur donne l’hospitalité. « Les Gentils sont si bêtes, me disait une Bohémienne des Vosges, qu’il n’y a aucun mérite à les attraper. L’autre jour, une paysanne m’appelle dans la rue, j’entre chez elle. Son poêle fumait, et elle me demande un sort pour le faire aller. Moi, je me fais d’abord donner un bon morceau de lard. Puis, je me mets à marmonner quelques mots en rommani. Tu es bête, je disais, tu es née bête, bête tu mourras... Quand je fus près de la porte, je lui dis en bon allemand : Le moyen infaillible d’empêcher ton poêle de fumer, c’est de n’y pas faire de feu. » Et je pris mes jambes à mon cou. Origines et langue L’histoire des bohémiens est encore un problème. On sait à la vérité que leurs premières bandes, fort peu nombreuses, se montrèrent dans l’est de l’Europe, vers le commencement du XVème siècle; mais on ne peut dire ni d’où ils viennent, ni pourquoi ils sont venus en Europe, et, ce qui est plus extraordinaire, on ignore comment ils se sont multipliés en peu de temps d’une façon si prodigieuse dans plusieurs contrées fort éloignées les une des autres. Les bohémiens eux-mêmes n’ont conservé aucune tradition sur leur origine, et si la plupart d’entre eux parlent de l’Égypte comme de leur patrie primitive, c’est qu’ils ont adopté une fable très anciennement répandue sur leur compte. La plupart des orientalistes qui ont étudié la langue des bohémiens, croient qu’ils sont originaires de l’Inde. En effet, il paraît qu’un grand nombre de racines et beaucoup de formes grammaticales du rommani se retrouvent dans des idiomes dérivés du sanscrit. On conçoit que dans leurs longues pérégrinations, les bohémiens ont adopté beaucoup de mots étrangers. Dans tous les dialectes du rommani, on retrouve quantité de mots grecs. Par exemple : cocal, os, de χόχχαλον ; petalli, fer de cheval, de πέταλον ; cafi, clou, de χαρφί, etc. Aujourd’hui les bohémiens ont presque autant de dialectes différents qu’il existe de hordes de leur race séparées les unes des autres. Partout ils parlent la langue du pays

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couteau. C’est du rommani pur ; tchouri est un de ces mots communs à tous les dialectes. M. Vidocq appelle un cheval grès, c’est encore un mot bohémien gras, gre graste, gris. Ajoutez encore le mot romanichel qui dans l’argot parisien désigne les bohémiens. C’est la corruption de rommané tchave, gars bohémiens. Mais une étymologie dont je suis fier, c’est celle de frimousse, mine, visage, mot que tous les écoliers emploient ou employaient de mon temps. Observez d’abord que Oudin dans son curieux dictionnaire, écrivait en 1640, firli­ mousse. Or, firla, fila en rommani veut dire visage, mui a la même signification, c’est exactement os des Latins. La combination firlamui a été sur-lechamp comprise par un Bohémien puriste, et je la crois conforme au génie de sa langue. En voilà bien assez pour donner aux lecteurs de Carmen, une idée avantageuse de mes études sur le rommani. Je terminerai par ce proverbe qui vient à propos : « En retudi panda nasti abela macha. » (En close bouche, n’entre point mouche.)

Tireuses de cartes André Zucca, 1939 Bibliothèque historique de la Ville de Paris Photographie

© ANDRÉ ZUCCA / BHVP / ROGER-VIOLLET

qu’ils habitent plus facilement que leur propre idiome, dont ils ne font guère usage que pour pouvoir s’entretenir librement devant des étrangers. Si l’on compare le dialecte des bohémiens de l’Allemagne avec celui des Espagnols, sans communication avec les premiers depuis des siècles, on reconnaît une très grande quantité de mots communs ; mais la langue originale, partout, quoiqu’à différents degrés, s’est notablement altérée par le contact des langues plus cultivées, dont ces nomades ont été contraints de faire usage. L’allemand, d’un côté, l’espagnol, de l’autre, ont tellement modifié le fond du rommani, qu’il serait impossible à un Bohémien de la Forêt Noire de converser avec un de ses frères andalous, bien qu’il leur suffît d’échanger quelques phrases pour reconnaître qu’ils parlent tous les deux un dialecte dérivé du même idiome. Quelques mots d’un usage très fréquent sont communs, je crois, à tous les dialectes ; ainsi, dans tous les vocabulaires que j’ai pu voir : pani veut dire de l’eau, manro, du pain, mâs, de la viande, lon, du sel. Les noms de nombre sont partout à peu près les mêmes. Le dialecte allemand me semble beaucoup plus pur que le dialecte espagnol ; car il a conservé nombre de formes grammaticales primitives, tandis que les Gitanos ont adopté celles du castillan. Pourtant quelques mots font exception pour attester l’ancienne communauté de langage. – Les prétérits du dialecte allemand se forment en ajoutant ium à l’impératif qui est toujours la racine du verbe. Les verbes dans le rommani espagnol, se conjuguent tous sur le modèle des verbes castillans de la première conjugaison. De l’infinitif jamar, manger, on devrait régulièrement faire jamé j’ai mangé, de lillar, prendre, on devrait faire lillé, j’ai pris. Cependant quelques vieux bohémiens disent par exception : jayon, lillon. Je ne connais pas d’autres verbes qui aient conservé cette forme antique. Pendant que je fais ainsi étalage de mes minces connaissances dans la langue rommani, je dois noter quelques mots d’argot français que nos voleurs ont empruntés aux bohémiens. Les Mystères de Paris ont appris à la bonne compagnie que chourin, voulait dire

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La Carmencita ? C’est moi ! [...] Un soir, à l’heure où l’on ne voit plus rien, je fumais, appuyé sur le parapet du quai, lorsqu’une femme, remontant l’escalier qui conduit à la rivière, vint s’asseoir près de moi. Elle avait dans les cheveux un gros bouquet de jasmin, dont les pétales exhalent le soir une odeur enivrante. Elle était simplement, peutêtre pauvrement vêtue, tout en noir, comme la plupart des grisettes dans la soirée. Les femmes comme il faut ne portent le noir que le matin ; le soir elles s’habillent a la francesa. En arrivant auprès de moi, ma baigneuse laissa glisser sur ses épaules la mantille qui lui couvrait la tête et, « à l’obscure clarté qui tombe des étoiles », je vis qu’elle était petite, jeune, bien faite, et qu’elle avait de très grands yeux. Je jetai mon cigare aussitôt. Elle comprit

Carmen, c’est moi ! © THE MAAS GALLERY, LONDON / BRIDGEMAN IMAGES

Extrait de la nouvelle de Prosper Mérimée, Carmen, chap. 2 et 3, Calmann-Lévy, 1890

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Jeune femme à la mandoline Harrington Mann, 1901 Collection privée, Londres Huile sur toile

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cette attention d’une politesse toute française, et se hâta de me dire qu’elle aimait beaucoup l’odeur du tabac, et que même elle fumait, quand elle trouvait des papelitos bien doux. Par bonheur, j’en avais de tels dans mon étui, et je m’empressai de lui en offrir. Elle daigna en prendre un, et l’alluma à un bout de corde enflammé qu’un enfant nous apporta moyennant un sou. Mêlant nos fumées, nous causâmes si longtemps, la belle baigneuse et moi, que nous nous trouvâmes presque seuls sur le quai. Je crus n’être point indiscret en lui offrant d’aller prendre des glaces à la neveria 1 . Après une hésitation modeste, elle accepta ; mais avant de se décider, elle désira savoir quelle heure il était. Je fis sonner ma montre, et cette sonnerie parut l’étonner beaucoup. « Quelles inventions on a chez vous, messieurs les étrangers ! De quel pays êtes-vous, monsieur ? Anglais sans doute 2 ? – Français et votre grand serviteur. Et vous mademoiselle, ou madame, vous êtes probablement de Cordoue ? – Non. – Vous êtes du moins Andalouse. Il me semble le reconnaître à votre doux parler. – Si vous remarquez si bien l’accent du monde, vous devez bien deviner qui je suis. – Je crois que vous êtes du pays de Jésus, à deux pas du paradis ». (J’avais appris cette métaphore, qui désigne l’Andalousie, de mon ami Francisco Sevilla, picador bien connu.) – Bah ! Le paradis !.. Les gens. d’ici disent qu’il n’est pas fait pour nous. – Alors, vous seriez Moresque, ou... (Je m’arrêtai, n’osant dire Juive...) – Allons, allons ! Vous voyez bien que je suis bohé1

Anglais, Inglesito. Il en est de même en Orient. À Chalcis,

La fleur que tu m’avais jetée... Elle avait un jupon rouge fort court qui laissait voir des bas de soie blancs avec plus d’un trou, et des souliers mignons de maroquin rouge attachés avec des rubans couleur de feu. Elle écartait sa mantille afin de montrer ses épaules et un gros bouquet de cassie qui sortait de sa chemise. Elle avait encore une fleur de cassie dans le coin de la bouche, et elle s’avançait en se balançant sur ses hanches comme une pouliche du haras de Cordoue. Dans mon pays, une femme en ce costume aurait obligé le monde à se signer. À Séville, chacun lui adressait quelque compliment gaillard sur sa tournure ; elle répondait à chacun, faisait les yeux en coulisse, le poing sur la hanche, effrontée comme une bohémienne qu’elle était. D’abord elle ne me plut pas, et je repris mon ouvrage ; mais elle, suivant l’usage des femmes et des chats qui ne viennent pas quand on les appelle et qui viennent quand on ne les appelle pas, s’arrêta devant moi et m’adressa la parole : « Compère, me dit-elle à la façon andalouse, veux-tu me donner ta chaîne pour tenir les clefs de mon coffre-fort ? – C ’est pou r attacher mon épi nglette, lu i répondis-je. – Ton épinglette ! S’écria-t-elle en riant. Ah ! Monsieur fait de la dentelle, puis­qu’il a besoin d’épingles ! Tout le monde qui était là se mit à rire, et moi, je me sentis rougir, et je ne pouvais trouver rien à lui répondre. – Allons, mon cœur, reprit-elle, fais-moi sept aunes de dentelle noire pour une mantille, épinglier de mon âme ! Et, prenant la fleur de cassie qu’elle avait à la bouche, elle me la lança, d’un mouvement du pouce, juste entre les deux yeux. Monsieur, cela me fit l’effet d’une balle qui m’arrivait...

Φραντζέσος (un « Millord » français).

3

Café pourvu d’une glacière, ou plutôt d’un dépôt de neige. En Espagne, il n’y a guère de village qui n’ait sa neveria.

2

mienne, voulez-vous que je vous dise la baji 3 ? Avezvous entendu parler de la Carmencita ? C’est moi ! » [...]

En Espagne, tout voyageur qui ne porte pas avec lui des échantillons de calicot ou de soieries passe pour un j’ai eu l’honneur d’être annoncé comme un Μιλόρδος

La bonne aventure.

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© YOORS FAMILY PARTNERSHIP COURTESY

Femmes de la communauté de Pulika Jan Yoors, 1930 Yoors Family Partnership, New York photographie

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« Des essaims de guêpes... » Les Gitanos

de George Borrow Extraits de The Zingalis, Gypsies in Spain (Les bohémiens en Espagne) , Londres. 1846. Traduction Odile Demange.

L

es auteurs admettent généralement que les premiers Gitanos sont apparus en Europe en 1417, c’est­à-dire au temps du pape Martin V et du roi Jean II ; d’autres prétendent que Tamerlan les aurait hébergés dans son camp en 1401, et que leur capitaine était Cingo, raison pour laquelle, dit-on, ils se donnent le nom de Cingary. Mais les hypothèses sur leurs origines sont infinies. La première est que ce sont des étrangers, mais les avis sur le pays dont ils seraient issus divergent considérablement. La majorité des auteurs affirment qu’ils viennent d’Afrique et qu’ils sont arrivés avec les Maures quand l’Espagne a été perdue ; d’autres que ce sont des Tartares, des Perses, des Ciliciens, des Nubiens, qu’ils viennent de Basse Égypte, de Syrie, ou d’autres régions d’Asie et d’Afrique, tandis que certains les prennent pour des descendants de Chus, fils de Caïn ; d’autres encore prétendent qu’ils sont d’origine européenne, des bohémiens, des Allemands ou des proscrits d’autres nations de cette région du monde. La seconde opinion, infaillible, est que ceux qui rôdent à travers l’Espagne ne sont pas des Égyptiens, mais des essaims de guêpes et de misérables athées, sans foi ni loi, des Espagnols qui ont introduit cette vie ou secte gitane et qui

y admettent quotidiennement tous les désœuvrés et tous les gens brisés d’Espagne. Certains étrangers voudraient faire de l’Espagne l’origine et la source de tous les gitans d’Europe, car ils disent qu’ils viennent d’une rivière d’Espagne appelés Cija, mentionnée par Lucain ; une opinion dont les érudits ne font cependant guère cas. De l’avis d’auteurs respectables, on les appelle Cingary ou Cinli parce qu’ils ressemblent à s’y méprendre à l’oiseau cinglo, que nous appelons en espagnol matacilla, ou aguzanieve (hochequeue) ; « C’est un oiseau vagabond qui ne construit pas de nid 1 mais couve dans ceux d’autres oiseaux, un oiseau agité et de piètre plumage », comme l’écrit Élien. Les Gitanos sont très nuisibles à l’Espagne Il n’est pas de nation qui ne les tienne pour la plus pernicieuse des racailles ; les Turcs et les Maures eux-mêmes les exècrent ; cette secte vit chez eux sous le nom de Torlaquis 2, Hugimelars et Dervislars, que certains historiens mentionnent, et tous 1 2

Cette affirmation est inexacte. Les Torlaquis « vagabonds oisifs ». les Hadgis (saints) et les derviches (frères mendiants) d’Orient ne sont des Gitans ni d’origine ni d’habitudes, mais sont généralement des gens qui vivent dans l’oisiveté en exploitant la crédulité et la superstition des Musulmans.

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s’accordent à reconnaître que ce sont les plus méchantes gens, extrêmement dommageables au pays où on les trouve. Tout d’abord, parce que partout, on les considère comme des ennemis des États dans lesquels ils vagabondent, et comme des espions et des traîtres à la couronne ; ce qui a été prouvé par les empereurs Maximilien et Albert, qui les ont déclarés tels dans des édits publics ; ce que l’on n’a aucune peine à croire, si l’on songe qu’ils s’introduisent facilement dans les pays ennemis et connaissent la langue de tous les peuples. Deuxièmement, parce que ce sont des gens vagabonds et oisifs, qui ne sont d’aucune utilité au royaume ; sans commerce, occupation ni métier d’aucune sorte ; tout au plus fabriquent-ils des crochets et des crémaillères pour sauver les apparences, étant des guêpes qui ne vi­vent qu’en suçant et en appauvrissant le pays, se nourrissant de la sueur des misérables laboureurs, comme l’a dit d’eux un poète allemand : « Quos aliena juvant, propriis habitare molestum, Fastidit patrium non nisi nasse solum. » (Ceux que séduisent les biens d’autrui, il leur est odieux de vivre dans leurs possessions, et il leur pèse de ne connaître que le sol ancestral.) Ils sont encore beaucoup plus inutiles que les Moriscos, car ces derniers ont rendu quelque service à l’État et au trésor royal, mais les Gitanos ne sont ni laboureurs, ni jardiniers, ni mécaniciens, ni marchands, et ne savent, comme les loups, que piller et s’enfuir. Troisièmement, parce que les Gitanas sont des filles publiques, communes, dit-on, à tous les Gitanos, et qui, par leurs danses, leur comportement et leurs chansons obscènes portent un préjudice constant aux âmes des vassaux de votre Majesté. Il est notoire qu’elles ont causé un tort infini dans bien d’honorables demeures en séparant les femmes mariées de leurs époux et en pervertissant les jeunes filles : enfin, dans la meilleure de ces Gitanas, on ne manquera pas de reconnaître toutes les marques de la ribaude relevées par le sage roi ; ce sont des coureuses, des chuchoteuses, toujours à s’agiter dans les coins.

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Quatrièmement, parce qu’on les considère partout comme de fameux voleurs, ce qui inspire des propos étonnants aux auteurs ; nous en avons nous-mêmes fait régulièrement l’expérience en Espagne, où il n’est guère de lieu où ils n’aient commis quelque grave méfait. Le père Martin Del Rio affirme qu’ils étaient tristement célèbres lorsqu’il se trouvait à Lean en 1584 ; ils avaient même tenté de piller la ville de Logrono du temps de la peste, comme l’écrit Don Francisco de Cordoba dans ses Didascalies. Nous voyons de très nombreux exemples de leurs excès dans les procès infinis qui se tiennent dans tous les tribunaux, et plus particulièrement dans celui de la Sainte Fraternité ; leur scélératesse atteignant de tels sommets qu’ils volent des enfants et les emportent pour les vendre en Barbarie ; raison pour laquelle les Maures les appellent en arabe Raso cherany 3 , ce qui signifie « maîtres voleurs » comme l’écrit Andreas Tebetus. Bien qu’ils s’adonnent à toutes sortes de brigandages, ils pratiquent surtout le vol des chevaux et du bétail, ce qui leur vaut d’être appelés dans le droit Abigeos et en espagnol Ouatreros, pratique qui entraîne de terribles maux pour les pauvres laboureurs. Quand ils ne peuvent voler de bétail, ils s’efforcent de tromper par leur moyen, se posant en terceras [tiers], sur les foires et les marchés. Cinquièmement, ce sont des enchanteurs, des devins, des magiciens, des chiromanciens qui lisent l’avenir dans les lignes de la main, ce qu’ils appellent la Buena ventura, et ils s’adonnent en général à toutes sortes de superstitions. Telle est l’opinion qu’ils inspirent universellement, et que l’expérience confirme chaque jour ; et certains pensent qu’on les appelle Cingar y à cause du grand magicien Cineus, dont on dit qu’ils ont appris leurs sorcelleries, et d’où résultent en Espagne (particulièrement chez les gens du commun) de graves erreurs, une crédulité superstitieuse, de puissantes sorcelleries et de grands maux, spirituels et corporels. 3

En arabe mauresque, le sens littéral est « chefs ou capitaines de voleurs ».

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Sixièmement, parce que des hommes très dévots les considèrent comme des hérétiques, et beaucoup comme des idolâtres païens ou des athées sans religion aucune, bien qu’extérieurement, ils s’adaptent à la religion du pays où ils se trouvent, étant Turcs chez les Turcs, hérétiques chez les hérétiques et parmi les Chrétiens baptisant de temps à autre un enfant par pure forme. Le frère Jayme Bleda présente une centaine de signes qui lui permettent de conclure que les Moriscos n’étaient pas des Chrétiens, signes qui sont tous visibles chez les Gitanos ; on en connaît très peu qui baptisent leurs enfants ; ils ne sont pas mariés, mais on croit qu’ils mettent les femmes en commun ; ils n’utilisent pas de dispenses et ne reçoivent pas les sacrements ; ils ne manifestent aucun respect pour les images saintes, les rosaires, les bulles, ils n’écoutent ni messe ni services divins ; ils ne mettent jamais le pied dans une église et n’observent pas le jeûne, le carême ni aucun précepte ecclésiastique ; énormités qui ont été attestées par une longue expérience, de l’aveu de tous. Enfin, ils pratiquent toutes leurs friponneries en parfaite sécurité, parlant entre eux une langue qui leur permet de se comprendre sans être compris d’autrui, qu’on appelle en Espagne Gerigonza, ce qui, selon certains, devrait s’appeler Cingerionza, ou langue des Cingary. Le roi notre seigneur a compris le mal qu’entraîne une telle pratique dans la loi qu’il a promulguée à Madrid en 1566, par laquel le il interdisait l’arabe aux Moriscos, car l’utilisation de langues différentes parmi les sujets de notre royaume ouvre la porte à la trahison et est une source de graves désagréments ; et le cas des Gitanos en témoigne mieux encore que celui de tout autre peuple. Le costume Que peut-on dire du costume gitan, si souvent mentionné dans les lois espagnoles et qui est interdit en même temps que leur langue et leur mode de vie ? Quel qu’il ait pu être jadis, si peu de détails le distinguent du costume de certaines classes sociales espagnoles qu’il est presque

Troisièmement, parce que les Gitanas sont des filles publiques, communes, diton, à tous les Gitanos, et qui, par leurs danses, leur comportement et leurs chansons obscènes portent un préjudice constant aux âmes des vassaux de votre Majesté. Il est notoire qu’elles ont causé un tort infini dans bien d’honorables demeures en séparant les femmes mariées de leurs époux et en pervertissant les jeunes filles : enfin, dans la meilleure de ces Gitanas, on ne manquera pas de reconnaître toutes les marques de la ribaude relevées par le sage roi ; ce sont des coureuses, des chuchoteuses, toujours à s’agiter dans les coins. N°66 | CARMEN • GRAND THÉÂTRE DE GENÈVE

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impossible de décrire la différence. Ils portent généralement un chapeau pointu à bord étroit, une zamarra ou peau de mouton en hiver et, en été, une veste de drap brun ; et dessous, ils aiment à exhiber un gilet de peluche rouge, un peu à la mode des maquignons anglais, avec de nombreux boutons et fermoirs. Une faja, ou ceinture de soie cramoisie, entoure la taille où, bien souvent, sont enfoncées les cachas que nous avons déjà décrites. Des pantalons de gros drap ou de cuir descendent jusqu’au genou ; les jambes sont protégées par des bas de laine ou parfois par une sorte de guêtre, d’étoffe ou de cuir ; de solides bottines complètent la tenue. Tel est le costume des Gitanos dans la plupart des régions d’Espagne. Mais il faut remarquer que c’est également le costume des Chalan [maquignons] et des muletiers, à cette différence près que ces derniers ont l’habitude de porter de larges sombreros pour s’abriter du soleil. Ce costume semble être plus andalou que gitan ; pourtant, il sied davantage au Gitano qu’au maquignon ou au muletier. Il le porte avec une négligence ou une aisance plus désinvolte, ce qui permet de le reconnaître de loin, même de dos. Il est encore plus difficile de définir le costume spécifique des Gitanas ; elles ne portent pas les grandes capes rouges et les immenses bonnets de castor grossier qui distinguent leurs sœurs d’Angleterre ; elles n’ont d’autre coiffure qu’un mouchoir, auquel elles recourent occasionnellement pour se défendre de l’âpreté du temps ; leurs cheveux sont parfois retenus par un peigne mais, le plus souvent, elles les laissent retomber en désordre sur leurs épaules ; elles aiment les grands anneaux d’oreilles, d’or, d’argent ou de métal, ressemblant en cela aux poissardes de France. Il est difficile de les distinguer des femmes espagnoles, sinon par l’absence de mantille, qu’elles ne portent jamais. Les dames à la mode prennent souvent plaisir à s’habiller à la Gitana, comme on dit ; mais comme celle des hommes, cette mode gitane féminine est plutôt, à proprement parler, celle de l’Andalousie, dont le trait le plus marquant est la saya [le Jupon], qui est

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extrêmement courte, avec de nombreuses rangées de volants. Il est vrai que quel qu’il soit, le costume original des Gitanos, hommes et femmes, a peut-être influencé la mode andalouse, en raison de la présence d’un grand nombre de ces vagabonds qui se sont introduits dans cette province à une époque antérieure. Les Andalous sont une race mixte formée de plusieurs nations, Romains, Vandales, Maures ; peut-être y a-t-il quelques gouttes de sang gitan dans leurs veines, et de mode gitane dans leur vêtement. Les Gita ns sont, pour la plupar t, de ta i l le moyenne, et les proportions de leur charpente communique une puissante impression de force et d’activité réunies ; les sujets déformés ou malingres sont rares parmi eux, chez les personnes des deux sexes ; sans doute périssent-ils dans leur plus tendre enfance, incapables de supporter les épreuves et les privations auxquelles leur race reste soumise en raison de sa grande pauvreté ; ces mêmes privations ont prêté et prêtent encore une certaine rudesse et grossièreté à leurs traits, qui sont toujours fortement marqués et expressifs. Leur complexion n’a rien d’uniforme, mais elle est toujours plus sombre que le teint olivâtre commun aux Espagnols ; on rencontre assez souvent des carnations aussi sombres que celles des mulâtres et dans quelques rares cas, ils sont presque aussi noirs que des nègres. Comme la plupart des gens d’origine sauvage, leurs dents sont blanches et fortes ; leurs bouches ne sont pas mal dessinées, mais c’est par l’œil plus que par tout autre trait qu’ils diffèrent des autres humains. Il y a en effet quelque chose de remarquable dans l’œil du Gitano : même si ses cheveux et son teint devenaient aussi clairs que ceux du Suédois ou du Finlandais, et sa démarche sournoise aussi grave et cérémonieuse que celle d’un natif de la Vieille Castille, même s’il s’habillait comme un roi, comme un prêtre ou comme un guerrier, on reconnaîtrait toujours le Gitano à son œil, si les choses restent telles qu’elles sont. L’œil du Gitano n’est ni grand ni petit et sa forme ne présente aucune différence marquée avec les yeux du com-

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mun. Sa particularité consiste essentiellement en une expression étrange et fixe, qu’il faut voir pour s’en faire une idée, et en un mince lustre qui se pose sur lui au repos et semble émettre une lumière phosphorescente. L’effet tout à fait particulier de l’œil gitan est illustré dans la strophe suivante : « L’œil luisant d’un jeune Gitan A percé mon sein jusques au cœur Un exploit que nul regard ici-bas N’avait pu accomplir encore. » La chiromancie Selon la théorie orthodoxe, la chiromancie, ou divination de la main, autorise, à partir du dessin de certaines lignes de la paume, des conclusions sur la qualité des pouvoirs physiques et intellectuels de son possesseur. Toute cette science repose sur les cinq principales lignes de la main, et sur le triangle qu’elles forment sur la paume. Ces lignes, qui portent toutes un nom particulier et spécifique et dont la principale s’appelle « la ligne de vie » sont, si l’on en croit ceux qui ont écrit sur le sujet, reliées au cœur, aux parties génitales, au cerveau, au foie ou à l’estomac et à la tête. Dans son livre étonnant et fort érudit sur la magie 4 , Torreblanca observe : « En interprétant ces lignes, il convient de prêter attention à leur substance, à leur couleur et à leur continuité, en même temps qu’à la disposition du membre correspondant ; en effet, si la ligne est bien et clairement dessinée, si elle est de couleur vive sans être interrompue ni puncturis infecta [infestée de petits points]. cela révèle la saine complexion et vertu du membre correspondant, selon Aristote. Ainsi, si la ligne de cœur est suffisamment longue et raisonnablement profonde, et si elle n’est point traversée d’autres lignes accidentelles, c’est un signe infaillible de la santé du cœur et de sa grande vertu et de l’abondance d’esprits et de sang sain dans le cœur et cela dénote par conséquent l’audace et le génie libéral en toute œuvre. »

De même, la ligne hépatique permet aisément de se faire une idée précise de l’état du foie d’une personne et de ses pouvoirs de digestion, et ainsi de suite pour tous les organes du corps. Ayant exposé toutes les règles de la chiromancie avec la plus grande clarté possible, le sage Torreblanca s’exclame : « Ici s’achèvent les canons de la vraie chiromancie catholique ; en effet, pour ce qui est de l’autre espèce par laquelle certains prétendent deviner les détails de la vie, passés ou à venir, les dignités, la chance, les enfants, les événements, les possibilités, les dangers, etc., cette chiromancie n’est pas seulement réprouvée par les théologiens mais par les hommes de loi et de physique comme une pratique absurde, fallacieuse, vaine, scandaleuse, futile, superstitieuse, qui sent fort sa divination et le pacte avec le diable. » Après avoir mentionné un cer ta in nombre d’hommes érudits et éclairés des trois professions savantes qui se sont élevés par leurs écrits contre ces superstitions ridicules et parmi lesquels il cite Martin Del Rio, il s’en prend ainsi aux Gitanes : « Une pratique dont tirent profit les femmes de cette bande de mécréants débauchés que les Italiens appellent Cingari, les Latins Égyptiens et nous Gitanos qui, alors que les Turcs les ont envoyés en Espagne pour y espionner la religion chrétienne, prétendent errer de par le monde pour accomplir une pénitence qui leur a été imposée, et dont une partie semble consister à vivre de fraude et d’abus. » Il remarque encore : « Et ils ne tirent aucune autorité justifiant une telle pratique de ces paroles de l’Exode « et quasi signum in manu tua » 5 , car ce passage ne traite pas de la chiromancie, mais de la fête du pain sans levain ; dont le respect, dit l’historien sacré afin que les Hébreux ne l’oublient point, doit être comme un signe dans la main ; une métaphore dérivée de l’habitude de ceux qui, quand ils veulent se rappeler quelque chose, nouent un fil autour de leur doigt ou y enfilent un anneau ; et le chapitre de 5

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Torreblanca : de Magia. 1678

Exode, XIII, 9 : « Et ceci sera comme un signe dans ta main. »

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Les Gitanas constituent un type de femme fort singulier ; elles sont bien plus remarquables à maints égards que leurs maris, dont les activités d’escroquerie mesquine et de larcins ne sont guère susceptibles d’exciter l’intérêt ; mais s’il est un être au monde qui, plus que tout autre, mérite le titre de sorcière (et où trouver mot plus romanesque et plus captivant ?), c’est bien la gitane, dans la verdeur et la vigueur de son âge et la maturité de son intelligence – l’épouse gitane, mère de deux ou trois enfants. Citez-moi un domaine de diablerie qui ne lui soit pas familier. 44

Job 6, qui dit : « Qui in manu hominis signat, ut norint omnes opera sua », ne plaide pas non plus en leur faveur car il s’agit là du pouvoir divin prêché aux hommes ici-bas : la main représente en effet le pouvoir et la magnitude, comme dans l’Exode, chap. XIV 7 ; elle incarne aussi le libre arbitre, qui est placé dans la main de l’homme, c’est-à-dire en son pouvoir. Sagesse, chap. XIV, « In manibus abscondit lucem 8 », etc. » Non, non, mon bon Torreblanca, nous savons parfaitement que le livre saint n’encourage pas les sorcières de Multan, qui parcourent l’Espagne et d’autres pays depuis quatre cents ans, lisant l’avenir dans la main et en tirant un profit substantiel ; nous accordons aussi peu de crédit à leur chiromancie qu’à celle que tu dis vraie et catholique et nous croyons que les lignes de la main n’ont pas plus de relation avec les événements de la vie qu’avec le foie et l’estomac, n’en déplaise à Aristote qui, l’oublierais-tu ?, était un païen et n’avait pas davantage connaissance ou souci des Écritures que les Gitanos, hommes ou femmes ; la sanction que leurs pratiques pourraient s’attirer de la part de l’autorité, divine ou humaine, ne les trouble guère, pourvu que cette activité leur permette de pourvoir à l’existence, aussi pauvre et misérable soit-elle, de leurs familles et d’eux-mêmes. Les Gitanas constituent un type de femme fort singulier ; elles sont bien plus remarquables à maints égards que leurs maris, dont les activités d’escroquerie mesquine et de larcins ne sont guère susceptibles d’exciter l’intérêt ; mais s’il est un être au monde qui, plus que tout autre, mérite le titre de sorcière (et où trouver mot plus romanesque et plus captivant ?), c’est bien la gitane, dans la verdeur et la vigueur de son âge et la maturité 6

Aucun chapitre de Job ne contient un tel verset : « Il met un signe dans la main de l’homme afin que tous connaissent ses œuvres. »

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Exode, XIV, 8 : « Mais ils étaient sortis sous la conduite d’une main puissante. »

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Ce verset ne figure pas dans le livre en question « Et dans les mains il a caché la lumière. »

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de son intelligence – l’épouse gitane, mère de deux ou trois enfants. Citez-moi un domaine de diablerie qui ne lui soit pas familier. Elle peut à tout moment, si l’envie l’en prend, se montrer aussi experte en maquignonnage que son mari, ce qui est pourtant le rôle de prédilection de celui-ci qui n’a d’éloquence que pour chanter les mérites de quelque animal. Mais elle peut faire bien davantage : elle est prophétesse, sans croire aux prophé­t ies, elle est médecin, sans jamais goûter à ses propres philtres, elle est entremetteuse, mais ne se vend pas, elle chante des chansons obscènes, mais ne tolérera jamais d’attouchement inconvenant et, bien que personne ne s’accroche avec autant d’obstination au peu qu’elle possède, elle coupe les bourses et vole à l’étalage chaque fois que l’occasion s’en présente. La Bar Lachi ou la Magnétite Si en règle générale, les Gitanos sont sujets à une superstition, c’est certainement à propos de cette pierre, à laquelle ils attribuent toutes sortes de pouvoirs miraculeux. Il ne fait aucun doute qu’en emplissant leurs esprits sans instruction de stupeur, sa propriété singulière d’attirer l’acier a donné naissance à cette vénération, qui dépasse toute mesure et toute raison. Ils croient que quiconque est en sa possession n’a rien à redouter de l’acier ou du plomb, de l’eau ou de feu et que la mort elle-même est sans pouvoir sur lui. Les contrebandiers gitans sont particulièrement désireux de se procurer cette pierre, qu’ils portent sur eux pendant leurs expéditions ; ils disent que s’ils sont poursuivis par les Jaracanallis, les officiers du Trésor, des tourbillons de poussière s’élèveront et les dissimuleront aux yeux de leurs ennemis ; les voleurs de chevaux disent la même chose et affirment qu’ils réussissent toujours, quand ils portent sur eux la pierre précieuse. Mais il paraît que son efficacité ne s’arrête pas là. On raconte des choses extraordinaires sur son pouvoir d’attiser les passions amoureuses. Aussi estelle très demandée par les vieilles Gitanes ; toutes ces femmes sont des entremetteuses et trouvent des personnes des deux sexes assez faibles et assez

perverses pour se servir de leur prétendue science de la préparation de potions et de décoctions d’amour. Dans le cas de la magnétite, en revanche, elles ne feignent pas, car les Gitanas sont convaincues de tout ce qu’elles disent à son égard, et de bien plus encore. On en trouvera la preuve dans l’acharnement qu’elles mettent à se procurer la pierre dans son état naturel, ce qui est parfois difficile. Le musée des curiosités naturelles de Madrid conserve un gros morceau de magnétite qui a été extrait autrefois des mines américaines. Il n’est guère de Gitana de Madrid qui ne le sache et n’aspire à se procurer cette pierre, ou un fragment ; et le fait qu’elle se trouve dans un musée royal ne fait, selon elles, qu’en accroître la valeur. On a plusieurs fois essayé de la voler, mais toutes les tentatives ont échoué. Les Gitans ne sont apparemment pas les seuls à envier à la monarchie la possession de cette pierre. Pepita, la vieille Gitane dont les talents de prédiction ont déjà été mentionnés si élogieusement, m’a informé qu’un prêtre qui était « muy enamorado » (très amoureux) lui avait demandé de voler pour lui la magnétite, lui offrant en cas de réussite tous ses vêtements sacerdotaux : que la curieuse récompense promise n’eût que peu d’attrait pour elle ou qu’elle craignît que sa dextérité ne fût pas à la hauteur de la tâche, voilà ce que nous ignorons, mais apparemment, elle déclina la proposition. Les Gitans disent que la personne amoureuse, si elle veut inspirer la même passion en retour au moyen de la magnétite, doit avaler, in aguardiente, un petit fragment de la pierre pulvérisée, au coucher, en répétant tout bas ces vers magiques : « Sur le mont des Oliviers, un matin me suis caché, / Trois petites chèvres noires devant moi j’ai observé, / Ces trois petites chèvres dans trois charrettes j’ai fait monter, / De leur lait des fromages noirs j’ai faits : / Le premier, je l’offre à la pierre de pouvoir, / Pour qu’elle me sauve de tous les maux qui me menacent, / Le deuxième, je le donne à Maria Padilla / Et à toutes les vieilles sorcières qui vivent avec elle. / Le troisième, je le réserve à Asmodée le boiteux,/ Pour qu’il me cherche tout ce que je nommerai. »

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La Gitane du Sacro-Monte - Grenade Jean Dieuzaide, 1951 Archives Jean Dieuzaide, Toulouse photographie

Parle-moi de ma mère

© ARCHIVES JEAN DIEUZAIDE

par Michel Schneider* [Mai 2001]

Carreau, pique... la mort Apprenant l’insuccès de Carmen, Tchaïkovski fut peut-être sensible, comme son héros de La Dame de pique, à la fascination du chiffre trois, obsédant dans le « trio des cartes » de Carmen, et remarquable dans la vie – et la mort – du compositeur. Bizet mourut à trente-six ans, à trois heures du matin, le 3/6, juste après la trente-troisième représentation de sa dernière œuvre et trois mois exactement après sa création, le 3/3. Tchaïkovski écrit : « Bizet est mort peu après Carmen, encore jeune et en plein épanouissement de ses forces et de sa santé. Qui sait si ce n’est pas cet échec qui a eu un tel effet sur lui ? » On peut en effet penser que son opéra, Carmen, n’est pas étranger à la mort brutale de Bizet après une baignade dans la Seine. Maladie, suicide, dépression ? Cela fut avancé souvent depuis. Quelques éléments biographiques laissent penser à une mort moins accidentelle qu’il y paraît, plus proche de celle de Don José ou de Carmen elle-même. Mourir de manque d’amour, mourir de désir ? Les propos ultimes de Bizet laissent ouvertes les deux possibilités : « Je n’en puis plus... Je suis désolé de partir aussi malhonnêtement... Il ne faut pas claquer sans avoir donné ce qu’il y a en nous1 ». Mais, plutôt que l’échec public, ce 1

Ces éléments sont mentionnés dans l’excellente biographie de Rémy Stricker, Georges Bizet, Paris, Gallimard, 1999, chapitre 11.

qui aurait abattu le musicien, ne serait-ce pas l’absolue réussite de cette œuvre à dire ce qu’elle voulait dire. Mais cela pouvait être difficile à soutenir, même pour celui qui l’avait composée. Bizet n’a-t-il pas été tué par Carmen, comme Don José par Carmen, mis à mort par l’amour, par ce type d’amour qui n’est que désir, répétition, destin ? « Célimène de trottoir, bohémienne griffue, femelles vomies de l’enfer, fureurs utérines de Mlle Carmen et aspirations des ribaudes qui lui font cortège », les critiques moralisateurs de l’époque qui l’accueillirent ainsi ne se trompaient pas sur un point : Carmen n’est pas un opéra de l’amour, mais un drame du sexe. Est-il possible que Bizet ait voulu par sa mort rester fidèle à l’amour sans amour de certain type de femme ? Carmen serait-elle un Don Giovanni au féminin ? Son choix de la mort, plutôt que la renonciation à son désir et à son identité, évoquent pour Bizet la figure tant admirée de celui qui chez Mozart déjà préférait la mort et la damnation à la repentance et au renoncement. Carmen forme avec Don Giovanni l’un des rares opéras hégéliens : les deux héros parviennent à la souveraineté du désir au prix de la mort. Autour d’eux, les autres sont des esclaves de l’amour ; mais eux, s’ils ne sont pas des maîtres du désir, leur désir les rend maîtres de la vie d’autrui. « Pentiti », répète trois fois la statue du Commandeur. Et trois fois Don Giovanni répond : « No! » Il n’est pas besoin d’évoquer ici une réminiscence ou un hommage

* Michel Schneider est écrivain et psychanalyste. Derniers ouvrages publiés : Masques de nuit et Prima donna, Opéra et inconscient, Éditions Odile Jacob.

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Parmi les lettres de Bizet, peu sont écrites à sa femme – la seule femme décente à ses côtés parmi les actuelles putains ou les anciennes courtisanes... On trouve dans la Correspondance de Bizet diverses allusions à la consommation de femmes publiques notamment en Italie, « pour se désennuyer » [...]. Mais près du tiers des lettres de Bizet est adressé à sa mère. [...] Elle fut son agent, gérant sa carrière débutante et s’immisçant dans sa vie au point qu’il dut, à vingt-deux ans réclamer « un appartement séparé du vôtre ». Elle s’appelait Aimée, et le fut au-­delà du raisonnable par Georges. Mais cette mère mourut lorsqu’il avait vingt-trois ans... 48

à Mozart, le mythe tragique du maître et de l’esclave suffit à dicter à Bizet le triple Non de Carmen à l’acte IV : « C’est moi que tu suivras ! Non, non jamais... Pour la dernière fois, démon, veux-tu me suivre ? Non ! » C’est moi qui l’ai tuée Parmi les raisons qui amenèrent Nietzsche à tant aimer Carmen et à lui consacrer de fortes pages en 1888, au-delà de la nécessité polémique de dresser la statue de Bizet comme pendant à celle démolie de Wagner, ou la sotte ambition de « méditerranéiser la musique » , les plus justes tournent autour de la représentation musicale de l’amour et de la sensualité. « Comme sa mélancolie lascive enseigne la satisfaction à nos désirs toujours insatisfaits ! écrit Nietzsche. Enfin l’amour, l’amour ramené à la nature ! Non pas l’amour d’une “noble jeune fille” ! Pas de sentimentalité à la Senta ! Mais l’amour comme fatum, comme fatalité, cynique, innocent, cruel, – et voilà justement la nature ! L’amour dont la guerre est le moyen, dont la haine mortelle des sexes est la base ! – Je ne sais pas de circonstance où l’humour tragique, qui est l’essence de l’amour, s’exprime avec une semblable âpreté, trouve une formulation aussi terrible que dans le dernier cri de Don José, avec lequel l’ouvrage se clôt : “Oui, c’est moi qui l’ai tuée, Carmen, ma Carmen adorée !” Une telle conception de l’amour (la seule qui soit digne d’un philosophe) est rare : elle élève une œuvre d’art au-dessus de mille autres. 2 » Mais amour est-il le mot juste, même si on y entend des échos de guerre des sexes ? Dans le langage de l’époque, désirer se dit aimer. La sexualité de Carmen se parle dans le langage convenu de la passion amoureuse : « Qui veut m’aimer, je l’aimerai. Quand je vous aimerai, ma foi, je ne sais pas, Peut-être jamais, peut-être demain. » Ce qui signifie : « Je prendrai qui veut me prendre. » Quelle conception de l’amour Carmen incarne-t-elle donc ? Une vision désespérée, violente, égoïste. Le psychanalyste Jean-­Claude Lavie 2

Friedrich Nietzsche, Le cas Wagner, in : Œuvres, Paris, Bouquins Laffont, t. 11, p. 903.

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a une formule radicale : « L’amour est un crime parfait » . Il précise : « Il s’extorque autant qu’il se mérite, se mendie ou s’attend. Il ne s’autorise que de lui-même.3 » Quel est le mobile de ce crime ? La haine mortelle entre les sexes ? Ou bien la haine de cette différence entre les sexes qui est la seule source du désir ? Quelle en est la victime, qui l’assassin ? La victime visée est le désir que l’on veut supprimer en l’autre, car ce désir ne va pas forcément vers celui qui aime et même s’il se porte sur lui, c’est toujours en excès, dépassant par son vide incomblable la plénitude des sentiments. Micaëla, par son amour, veut tuer le désir de Don José pour Carmen. Don José veut tuer le désir de Carmen pour Escamillo. Carmen, elle, n’aime pas : elle ne veut pas détruire le désir de Micaëla, de Don José ou d’Escamillo pas plus que de quiconque. Un œil noir te regarde Parmi les lettres de Bizet, peu sont écrites à sa femme – la seule femme décente à ses côtés parmi les actuelles putains ou les anciennes courtisanes comme Céleste Vénard, dite Mogador. On trouve dans la Correspondance de Bizet diverses allusions à la consommation de femmes publiques notamment en Italie4 , « pour se désennuyer » , et c’est peu après la mort de sa mère que naquit Jean, fils qu’il avait eu de Marie Reiter, la bonne de sa mère. Quant à la chanteuse qui incarnait Carmen, Célestine Galli-Marié, elle était probablement sa maîtresse. Mais près du tiers des lettres de Bizet est adressé à sa mère. Elle était musicienne de famille et de métier et si anxieuse de le faire travailler son piano qu’elle habillait le petit Georges sans lui faire quitter son tabouret, dit-on. Ensuite, elle fut son agent, gérant sa carrière débutante et s’immisçant dans sa vie au point qu’il dut, à vingtdeux ans, réclamer « un appartement séparé du vôtre ». Elle s’appelait Aimée, et le fut au-­delà du raisonnable par Georges. Mais cette mère mourut lorsqu’il avait vingt-trois ans, comme Mozart 3

5

Georges Bizet, Lettres, Paris, Calmann-Lévy, 1989.

Sigmund Freud, Un type particulier de choix d’objet chez l’homme (1910). Sur le plus général des rabaissements de la vie amoureuse (1912). Le tabou de la virginité (1918), in : La vie sexuelle, Paris, PUF, 1969.

Jean-Claude Lavie, L ’ A m o u r e s t u n c r i m e p a r f a i t , Gallimard, 1997, p. 33.

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d’ailleurs perdit tôt la sienne. L’un et l’autre compositeurs moururent jeunes, presque au même âge. L’un et l’autre eurent un père musicien et compositeur. Leopold Mozart et Adolphe Bizet se mirent eux-mêmes au service de leurs fils lorsqu’ils reconnurent la distance qui les en séparait. Ces pères apprirent à leurs fils la musique. Mais qui leur transmit le chant, sinon ces mères disparues ? Wolfgang et Georges aimèrent les femmes plus qu’il n’est permis et les firent chanter à la folie. Bizet connut-il cette division des figures féminines entre « la maman et la putain » que Freud a précisément décrite5 , et qui forme un trait d’époque et de milieu. Les hommes donnaient alors libre cours à leurs appétits sexuels dans les bordels ou parmi les filles vénales non éloignées de la véritable prostitution, grisettes des pièces d’Arthur Schnitzler, almées orientales de Flaubert, filles entretenues de Dumas fils, fleurs fanées de Murger, vraies catins chez Maupassant, âpres cigarières de Carmen ? C’est aussi un trait constant de la sexualité masculine. Les deux héroïnes de Carmen n’en forment qu’une, clivée selon ce que Freud a nommé « le plus com­mun des rabaissements ». D’un côté, la mère, intouchable, chaste et presque vierge, « d’une pureté morale inattaquable » (Micaëla) à qui reste fixé Don José selon son « courant tendre » ; de l’autre, la putain (Carmen, la désirante et désirable) vers qui le « courant sensuel » le porte6. Comme beaucoup d’hommes, et pour une part, chaque homme, José ne peut désirer celle qu’il aime ni aimer celle qu’il désire. Georges, un José qui aurait finalement épousé Micaëla ? Ce n’est qu’en mai 1869 – il a trente et un ans et il lui en reste six à vivre – qu’après bien des péripéties, Bizet se marie avec Geneviève Halévy à laquelle il lui arrive d’adres-

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Sigmund Freud, Sur le plus général des rabaissements de la vie amoureuse, op. cit., p. 47.

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ser des lettres signées : « Ton bébé qui t’aime7 ». Geneviève était certes une femme passionnée, mais une « maman », plus qu’une « putain ». Fille de Fromental Halévy, compositeur et auteur de l’opéra La Juive et cousine d’un des deux librettistes de Carmen, Ludovic Halévy, Geneviève après la mort de Bizet devint, en 1886, madame Émile Straus. Elle fut par la suite – outre l’un des modèles de sa duchesse de Guermantes – une confidente et amie de Marcel Proust8, qui s’éprit aussi du fils légitime, Jacques, à qui il adressera une correspondance enflammée.9 » Dans une nouvelle de jeunesse, L’Indifférent, publiée en 1896, Proust prête d’ailleurs à son héroïne une devise qui est celle de Carmen, mais inversée : « Si je ne t’aime pas, tu m’aimes ». Un semblable renversement préside peut-être aux relations entre Carmen (l’œuvre) et son auteur. De même, lorsque Don José prononce sa propre condamnation : « Vous pouvez m’arrêter, c’est moi qui l’ai tuée », on peut se demander si Bizet n’entendit pas de la bouche de Carmen son arrêt de mort : « Vous pouvez m’arrêter, c’est moi qui l’ai tué » ? Geneviève Halévy ne resta mariée que peu d’années avec Georges Bizet, dont elle se séparait souvent. Le soir de la première de Carmen, elle n’était pas dans la salle de l’Opéra Comique, car elle avait un abcès à l’œil : « L’œil est absolument fermé », écrit alors Bizet, sans aller jusqu’à remarquer que cela n’empêche pas d’entendre. Quand elle mourut, à soixante-dix-sept ans, elle donna les droits de l’œuvre maîtresse de son premier mari à la Fondation Ophtalmologique Rothschild. L’œil noir de l’amour qui regardait Georges depuis son enfance s’était-il détourné après quelques 7

Lettre citée in : Rémy Stricker, Georges Bizet, Gallimard, 1999, p. 17.

8

Geneviève Straus survécut quatre années à Proust, et mourut en 1926. Elle était un personnage d’opéra et Proust ne s’y trompe pas, qui lui écrit en 1907 : « Et puis,

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Les réponses amères Dans la bouche de Don José, donnée rime avec damnée, et tuée avec adorée. L’amour est une condamnation de l’autre, l’adoration un meurtre de l’objet. C’est à ces vé­rités inconfortables que nous confronte Carmen, dont la musique est ennemie de tout sentimentalisme. Sensuelle, oui ; sensible, jamais. Sans expression, toujours. « Le destin, écrit Adorno, est sans expression, aussi étranger et aussi froid que les étoiles sur les constellations desquelles les hommes projettent l’ordre inextricable qu’ils créent eux-mêmes inconsciemment11 ». Les chiffres, les cartes, les astres, tels sont les signes par lesquels ceux qui croient à la magie – c’està-dire chacun de nous quand l’autre nous tient et nous marque de son chiffre ou de son sceau – interrogent l’amour : suis-je aimé ? En fait, lorsque l’amour s’affronte au désir, c’est le destin qui a le dernier mot, comme dans la scène où Frasquita et Mercédès annoncent à l’héroïne sa mort prochaine tandis qu’impassible la musique se limite au maigre chant désolé de deux flûtes solistes jouant à un intervalle de tierce. L’écriture musicale de la scène finale utilise pour les répliques de Carmen des lignes excessivement chromatiques, glissantes, imprévisibles ou affolantes. Or, de Monteverdi à Wagner, les dissonances sont toujours associées dans l’harmonie classique à l’errance et au désir, et si Carmen s’achève en Majeur et selon une tonalité retrouvée (Fa dièse), ce retour au diatonique est le 10

Marie Reiter, après avoir été celle de Mme Bizet mère,

la Carmen si gaie, est-ce bien vous ? En vous aussi il y a

deviendra ensuite la bonne des Bizet et restera au ser-

une part de Perdita, d’Imogène. » Marcel Proust, Lettres à

vice de sa veuve.

Mme Straus, Le Livre de poche, 1974, p. 112. 9

années d’un mariage malheureux pour faire place au désir aveugle et lui permettre d’écrire son chefd’œuvre ? De quel œil Geneviève voyait-elle cette Carmen qui lui avait ravi son époux, elle qui l’assista peu dans ses derniers instants, laissant ce rôle de la dernière femme à Marie Reiter, à qui il dit en mourant : « Ma pauvre Marie, j’ai une sueur froide, c’est la sueur de la mort10... » ?

Marcel Proust, Op. cit., p. 112.

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T.W. Adorno, Fantasia sopra Carmen, in : Quasi una fantasia, Paris, Galllimard, 1982, p. 64.

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signe un peu forcé d’un renoncement au diabolique pouvoir des femmes. Comme Adorno encore en fait la remarque à propos de la Habanera 12 de Carmen, les plus belles mélodies semblent dès la première écoute, être des réminiscences 13 . C’est ainsi qu’apparaît l’amour. La première fois n’est jamais la première : on ne voit pas l’être aimé, on le revoit. On ne rencontre pas quelqu’un de nouveau, on retrouve quelqu’un de perdu. On ne découvre pas un étranger, on se rejoint en lui. Redites du sentiment, citations de noms ou de mots mal effacés, ressassement d’anciens airs, cette forme de répétition est admirablement utilisée par Bizet, et ce, dans un chant dont les paroles évoquent l’enfant. De bohème ou d’ailleurs, l’amour touche toujours à l’enfance, et ranime l’enfant qui est en nous. Aimer quelqu’un, c’est lui faire don du pouvoir de blesser, de tuer, ou de faire revivre cet enfant oublié. D’où le caractère de comptine, de refrain 12

À cet air célèbre, Freud fit un sort interprétatif lors de l’analyse d’une patiente : il lie même l’opéra à l’hystérie féminine. Madame P.J. est une chanteuse délaissée par un mari voyageur. Un jour, assise à son piano, prise d’une nostalgie suivie d’une crise d’angoisse avec une oppression précordiale, elle prend peur et craint de devenir folle. Freud présume qu’il s’agit d’une décharge sexuelle muée en angoisse, et causée par le manque de rapports sexuels avec son époux. Quelque chose a dû lui rappeler son mari. Quand elle a eu sa crise d’angoisse, elle était en train de chanter : « Près des remparts de Séville... » Freud l’incite alors à chanter l’air (il parle de la séguedille érotique) de Carmen dont elle ne connaît pas exactement les paroles. Quand elle a fini de chanter, il lui demande à quel moment exact la crise s’est produite. La patiente pense que c’est à la fin de l’air. Appuyant sur sont front, Freud lui demande quelles pensées, quels mots étaient alors présents à son esprit. Elle répond mari et nostalgie. « J’insiste encore, relate-t-il, et elle finit par préciser que cette nostalgie est un besoin de caresses sexuelles. » Lettre de Freud à Fliess, jointe au manuscrit J, datée de fin 1895, in : Sigmund Freud, La Naissance de la psychanalyse, Paris, PUF., 1969, p. 122 et 123.

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T.W. Adorno, Quasi una fantasia, Paris, Gallimard, 1982, p. 29.

Dans la bouche de Don José, donnée rime avec damnée, et tuée avec adorée. L’amour est une condamnation de l’autre, l’adoration un meurtre de l’objet. C’est à ces vé­rités inconfortables que nous confronte Carmen, dont la musique est ennemie de tout sentimentalisme. Sensuelle, oui ; sensible, jamais. [...]« Le destin, écrit Adorno, est sans expression... » Les chiffres, les cartes, les astres, tels sont les signes par lesquels ceux qui croient à la magie [...] interrogent l’amour : suis-je aimé ? En fait, lorsque l’amour s’affronte au désir, c’est le destin qui a le dernier mot, comme dans la scène où Frasquita et Mercédès annoncent à l’héroïne sa mort prochaine... N°66 | CARMEN • GRAND THÉÂTRE DE GENÈVE

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PARLES-MOI DE MA MÈRE MICHEL SCHNEIDER

Et si l’amour, dans sa source et sa destinataire, était toujours maternel, c’està-dire absolu, totalitaire, éradicateur de tout ce qui n’est pas lui ? Les opéras sont presque toujours des opéras de la mère. Carmen est l’opéra de la femme. Le seul peut-­être dont l’héroïne soit non une soprano, mais une mezzo. L’un des rares, très rares, avec Così fan tutte, Traviata, L’ Affaire Makropoulos, et Lulu, à ne pas confondre la femme et la mère, à ne pas réduire la sexualité féminine sous l’amour. Car le désir, lui, n’est jamais maternel. Pour l’homme comme pour la femme, il est un « non » opposé au corps de la mère. 52

de cette phrase : « L’amour est enfant de bohème ». Qui aimes-­tu ? La réponse ultime ou première est toujours : ma mère. Que désires­-tu ? On répondrait le plus souvent, si ce n’était pas si enfoncé dans l’inconscient : la mort. Il est peu d’œuvres lyriques – peut-être le Combattimento di Tancredi e Clorinda, Tristan, Wozzeck – dans lesquelles le désir inconscient, le désir de mort, soit aussi exposé que dans Carmen. « La pure immédiateté de leur existence fait d’eux des êtres étrangers et incompréhensibles à eux-mêmes », disait Adorno des personnages de Carmen 14. Le sexe se fait destin, le plaisir condamne, l’amour répète, chacun cesse de se déterminer par lui­-même, mais littéralement ne sait plus ce qu’il dit et ne veut pas ce qu’il fait. Pourtant, si Carmen est une héroïne non de l’amour, mais du désir, pour qui le mal serait de céder sur son désir et la mort le prix à payer pour s’y tenir, elle n’est pas une prostituée. Elle n’est pas non plus une femme qui aime un homme puis un autre. Elle est simplement une figure tragique, une sorte d’Antigone dont le refus s’opposerait non à la tyrannie de l’ordre politique, mais à la dictature morale de l’amour. Lacan a illustré par le personnage de Sophocle une éthique consistant à ne pas céder sur son désir. Ce qu’il dit d’Antigone (« Elle sait à quoi elle est condamnée – à jouer dans un jeu dont le résultat est connu d’avance15 ») pourrait l’être de Carmen : « Mais si tu dois mourir, si le mot redoutable est écrit par le sort, recommence vingt fois, la carte impitoyable répétera : la mort ! » Un peu plus loin, il précise cette éthique mortelle du désir : Antigone « mène jusqu’à la limite l’accomplissement de ce qu’on peut appeler le désir pur, le pur et simple désir de mort comme tel. Ce désir, elle l’incarne.16 » Cette aspiration illimitée se retrouve encore chez Carmen. « Amour ! », dit Frasquita. « Voyons, que j’essaie à mon tour. 14

T.W. Adorno, Fantasia sopra Carmen, in : Quasi una fantasia, op. cit.

15

Jacques Lacan, Le séminaire, Livre VII, L’Éthique de la psychanalyse, Paris Le Seuil, 1986, p. 325.

16

J. Lacan, op. cit., pp 328-329.

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MICHEL SCHNEIDER PARLES-MOI DE MA MÈRE

Carreau, pique... la mort ! », lit Carmen à l’envers des cartes. Parle-moi de ma mère Et si l’amour, dans sa source et sa destinataire, était toujours maternel, c’est-à-dire absolu, totalitaire, éradicateur de tout ce qui n’est pas lui ? Les opéras sont presque toujours des opéras de la mère. Carmen est l’opéra de la femme. Le seul peut­-être dont l’héroïne soit non une soprano, mais une mezzo. L’un des rares, très rares, avec Così fan tutte, Traviata, L’ Affaire Makropoulos, et Lulu, à ne pas confondre la femme et la mère, à ne pas réduire la sexualité féminine sous l’amour. Car le désir, lui, n’est jamais maternel. Pour l’homme comme pour la femme, il est un « non » opposé au corps de la mère. Dans cet opéra qui n’est que la lutte à mort entre l’amour et le désir, où sont finalement les mères ? Don José, lui, en a une, qui le remplit de nostalgie, d’amour et de culpabilité lorsque Micaëla, non sans quelque double sens, l’invite à ne pas l’oublier. Ce personnage, qui n’apparaissait pas chez Mérimée – non plus que la habanera, tout entière de la plume de Bizet – joue à la mère, joue sur la mère : « C’est votre mère qui m’envoie ». Ainsi croit-elle s’imposer dans l’amour de Don José. Se faire aimer de quelqu’un, c’est toujours occuper dans l’inconscient et l’imaginaire de l’autre la place de sa mère. L’amoureux ne cesse de dire : « Parle-moi de ma mère ». Carmen, elle, ne joue pas ce jeu. Mais Carmen a-t-elle une mère ? Évidemment, dans la naissance, l’enfance, la vie qu’on lui suppose, comme chacun de nous. Mais dans ses représentations, ses images, son chant, dans sa vie affective et psychique ? Elle se le chante à elle-même : « En vain pour éviter les réponses amères, en vain tu mêleras, cela ne sert à rien, les cartes sont sincères et ne mentiront pas ». N’est-elle pas jus­qu’au bout « amère » ? Que désire-t-elle, au-delà de ses hommes de passage ? Elle préfère incarner l’objet du désir de l’autre, au risque de représenter pour son amant non la mère, mais la mort. Carmen moque la vieille opposition laissant aux hommes l’incarnation du désir et aux femmes le devoir d’amour. En ce sens,

elle est bien immorale, puisque l’amour est conçu comme le fondement de toute morale : « Aime et fais ce que tu voudras » dit après Saint Augustin la morale chrétienne. Et, y a-t-il une morale du désir ? L’amour, finalement avec son égoïsme et sa confusion entre souffrir et avoir raison, n’est-il pas plus immoral que le désir, qui ne feint pas de se soucier de l’autre ? Je chante pour moi-même Composant son opéra inachevé La Coupe du roi de Thulé en 1868, Bizet faisait ainsi le portrait de Myrrha, déjà une héroïne intransigeante, qui préfigure Carmen : « Pas de cœur, mais une tête et autre chose... Il faut exprimer cet état maladif, nerveux qui s’appelle l’amour. De la fantaisie, de l’audace, de l’imprévu, du charme, surtout de la tendresse, de la morbidezza. Dans ses yeux, il doit y avoir cette expression glauque, indice certain de sensualité et d’égoïsme jusqu’à la cruauté.17 » Lorsqu’il esquisse ces traits de femme fatale, il vient de rompre avec Geneviève Halévy, et a une liaison avec une autre femme. « L’amour n’est pas aimé », disait saint François. L’amour n’est pas aimant, semble dire Carmen. Il ne donne pas, il prend. Ou plutôt, ce qu’il donne à celui qui le donne, c’est une prise, une méprise et une emprise. « Cette bague autrefois, tu me l’avais donnée, tiens ! », tels sont les derniers mots prononcés par Carmen recto tono. Elle ne chante plus la mort, elle meurt. Carmen ne veut rien donner, certes, mais rien prendre non plus, rien garder, en ce monde et dans l’autre. Carmen, selon sa morale, se détache d’un Don José obéissant à l’appel du clairon puis à celui de Micaëla. Georges Bizet, entre les deux figures de la femme, la maman et la putain, n’a pas su choisir. Ou bien, comme Don José, entre les deux femmes, celle qui l’aime et celle qui ne l’aime pas, il a d’abord choisi l’appel de l’amour, puis rejoint le désir dans le silence et la mort.

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G. Bizet, lettres de juin 1868, in : Lettres, op. cit., pp 165, 168 et 177.

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Les "Pétroleuses" de la Commune de Paris Anonyme, 1871 Collection privée Gravure

Le trouble, la gitane et la pétroleuse par Marc Dumont* [Mai 2001]

I © TALLANDIER / BRIDGEMAN IMAGES

l y a de la sauvagerie dans Carmen. De la transgression aussi. La liberté de cette femme, son érotisme, ses choix personnels – loin de toute contingence sociale, de toute allégeance aux règles d’un monde machiste : tout est sulfureux, tout est trouble. Trouble amoureux et trouble du sacro-­saint ordre public. Inquiétante et menaçante, Carmen est trouble – le contraire de l’ordre.

Un personnage-trouble A-t-on assez remarqué la façon dont cette femme fait irruption sur la scène, sur cette place de Séville ? Par le scandale. Par le trouble, justement – celui qui met en cause la quiétude de la cité. Or le mot lui­-même vient du latin turba qui désigne l’agitation de la foule. Et Carmen par deux fois se trouve au cœur de la foule des cigarières, des soldats et des passants. La première, c’est pour y chanter l’amour libre – provocation sulfureuse dans la France de la très bourgeoise République

de Mac Mahon 1... La seconde, c’est un couteau, un poignard à la main, mégère violente et sûre de son droit, de ses propres lois. Dans les deux cas, elle sidère, fait montre de provocation. Rien ne l’attache, surtout pas l’avoir. L’être seul la fait vivre et choisir. Ni le pouvoir, ni l’argent. Lorsqu’elle rejette la fleur de cassie, cette fleur jaune, c’est l’or qu’elle rejette, symboliquement. Tout est dit ? L’affirmer : les pétroleuses. Impossible que dans « l’inconscient collectif » de l’époque ces deux fracassantes entrées en scène n’aient pas résonné comme un rappel d’autres troubles. Ceux de la Commune de Paris, avec son cortège de peurs, de rêves fracassés, de fantasmes inavoués, de violence extrême. 1

* Marc Dumont est agrégé d’histoire et normalien.Il est producteur à France Musiques. Il aime croiser, au micro, ses passions pour les musiques et l’Histoire.

Le ténor Plácido Domingo, qui a interprété des dizaines de fois le rôle de Don José, dit que « Don José aimerait avoir une vie bourgeoise avec Carmen ; mais Carmen est une femme qui ne connaît pas de loi ; c’est elle qui établit la loi et fait ce qu’elle veut. D’où le choc. Cette femme est presque une sorcière pour Don José. »

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LE TROUBLE, LA GITANE ET LA PÉTROLEUSE MARC DUMONT

La société française est encore sous le choc de l’« année terrible », qui va de la défaite de Sedan, le 2 septembre 1870, à l’écrasement de la Commune en mai-juin 1871. Le souvenir de la Semaine sanglante est bien présent, tout proche. Or les femmes avaient tenu un rôle très particulier dans cette Commune de Paris ; elles étaient souvent à la pointe du combat, social, politique militaire même. De Louise Michel aux pétroleuses comme aux anonymes, elles prennent une place qui n’est pas celle réservée par l’ordre du pater familias triomphant. Héritières de ces femmes, qui en octobre 1789, étaient allées chercher « le boulanger, la boulangère et le petit mitron » au Château de Versailles pour les ramener dans le Paris en révolution, elles sont souvent de condition modeste, petites mains, vendeuses de quatre-saisons, blanchisseuses, ouvrières. Toutes ces femmes jouent un rôle clé dans la révolution communarde. Dès le début et l’épisode des canons du 18 mars : ce sont elles qui s’interposent, qui refusent, qui paralysent la troupe des Versaillais en encombrant les rues, qui appellent à la fraternisation avec les Parisiens. Leur colère résonne dans les rues et les lieux de discussion improvisée, parfois sur les barricades. Elles défendent le Panthéon, la rue Mouffetard, la rue Racine ; 120 d’entre elles tiennent la barricade de la place Blanche. Toutes furent exécutées... Et lorsque le dimanche 28 mai s’achève la Semaine sanglante, l’ordre règne, le massacre redouble. La Terreur exercée par les Versaillais, avec Adolphe Thiers en grand ordonnateur 2, fait de 20 000 à 35 000 victimes dans Paris. Combien de femmes ? Dès janvier 1871, Le Figaro donnait le ton : « Armée du Bien contre armée du Mal. Ordre contre anarchie. Ce ne sera ni long, ni coûteux, ni difficile. Cela 2

« Nos vaillants soldats se conduisent de manière à inspirer la plus haute estime, la plus grande admiration à l’étranger », déclare-t-il à l’Assemblée Nationale, le 24 mai, en pleine Semaine sanglante. Et le lendemain, il pouvait envoyer cette note aux préfets : « Le sol est jonché de leurs cadavres. Ce spectacle affreux servira de leçon. »

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tiendra plus de la battue que de la bataille. On ira là comme à un laisser-courre, car le gibier détalera... en avant contre les Prussiens ! Mais contre les Communaux, en chasse ! » Théophile Gautier écrivait quant à lui : « Le bagne et la ménagerie de Charenton sont logés là. Et les sauvages, un anneau dans le nez, tatoués de rouge, dansent la danse du scalp sur les débris fumants de la société. » Dans le même temps, Alexandre Dumas fils se faisait remarquer par des élans lyriques et nauséeux : « Nous ne dirons rien de leurs femelles, par respect pour toutes les femmes à qui elles ressemblent quand elles sont mortes. » Nous y voilà. Bizet, une aventure peu commune ... Dans la nouvelle de Mérimée, Carmen est une prostituée ; dans l’opéra de Bizet, c’est une ouvrière. Un glissement qui ne tient sûrement pas du hasard. Une différence de taille, une résonance de choix, quatre ans après la Commune. La grande majorité des femmes déférées devant le Conseil de guerre avaient été des ouvrières : 756 exactement, pour 4 institutrices, 33 patronnes de cafés... De plus, c’est bien dans le quartier de la rue de Douai, où Bizet et sa femme Geneviève reviennent habiter début juin 1871, que des ouvrières se sont battues. À deux cents mètres de leur maison, les Versaillais avaient entassé les corps dans l’Élysée-Montmartre. Le fantôme des ouvrières révoltées – et massacrées – rôde sur Carmen. Alors, si jusqu’à la veille de la création de l’œuvre à l’Opéra Comique, Bizet insiste beaucoup auprès des choristes afin qu’elles bougent sur scène, en sortant de la manufacture de tabac, ce n’est sûrement pas là une simple lubie de compositeur sourcilleux. Il veut donner à voir ces ouvrières en mouvement. Symboliquement. Pour autant, Bizet n’a rien d’un communard, bien au contraire. Lui qui campe sur les planches cette femme plus que subversive, écrivait en mars 1871 (avant même le déclenchement de la Commune) : « Si nous devions avoir la douleur de voir encore le sang répandu dans les rues de Paris, l’ordre sortira de cette épreuve plus solide que jamais. » Voilà ce qui s’appelle

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MARC DUMONT LE TROUBLE, LA GITANE ET LA PÉTROLEUSE

Dans la nouvelle de Mérimée, Carmen est une prostituée ; dans l’opéra de Bizet, c’est une ouvrière. Un glissement qui ne tient sûrement pas du hasard. Une différence de taille, une résonance de choix, quatre ans après la Commune. La grande majorité des femmes déférées devant le Conseil de guerre avaient été des ouvrières ... parler en bon bourgeois. Or Bizet est un républicain non sans avoir été un moment ad­m iratif de Napoléon  I II. « Nous ne sommes plus sous cet Empire exécré, où un honnête républicain n’osait tirer sur des émeutiers sans risque de tuer un de ses amis. Nous sommes en République » écrit-il le 3 mars 1871 à son ami Hippolyte Rodrigues. Mais il ajoutait à destination des opposants aux Prussiens et à la Paix de Versailles 3 : « Les émeutiers ne peuvent être que des canailles ou des fous. Nous les tue­rons. Vous savez si j’ai horreur du sang et de la guerre ! Mais vraiment, je suis las de voir la France s’effrayer sans cesse d’une poignée de malhonnêtes gens. Puisque ces malhonnêtes gens sont un obstacle au progrès et à la liberté, aux réformes sociales, à l’instruction, à l’insécurité de tout et de tous, supprimons-les et vivons, et marchons ! » Quinze jours plus tard, c’est l’insurrection des Communards. Très vite, il fuit Paris, fin mars ou début avril. Il prend un train et se retrouve à 3

Signés le 26 février dans la Galerie des glaces du château de Versailles, les préliminaires de la paix prévoient des conditions draconiennes, dont la perte de l’Alsace-Lorraine et le paiement de colossales indemnités. C’est le 18 mai que le traité est définitivement ratifié. Le gouvernement de Thiers gardait ainsi les ressources en hommes et en matériel nécessaires aux opérations militaires à Paris : trois jours plus tard, au petit matin du 21 mai, débutait la Semaine sanglante.

Compiègne, au milieu des camps allemands. « Nous sommes ici en pleine Allemagne. 4 000 Prussiens sont installés à Compiègne. Ils parlent beaucoup d’aller à Paris. Je suis obligé d’avouer que l’attitude de ces ennemis me fait rougir de la conduite de nos frères de Paris. Ici, on respecte les femmes, la famille, la propriété... Je croyais à l’honnêteté de mes concitoyens. Hélas ! tous gredins, fous ou lâches !... »4 Puis, dans une voiture à cheval, il fait le tour du grand Paris par les terres à blé de l’Île de France et arrive au Vésinet où son père avait une maison. Il avait là ses habitudes de travail. Mais il s’agit d’un autre temps ; désormais il regarde Paris depuis les terrasses de Saint-Germain ; avec jumelles et longues-vues. Il faut imaginer ce lieu bruissant de robes d’été, de rumeurs inquiètes, de propos murmurés ou d’éclats de colère des bourgeois réfugiés loin de la ville en perdition. Pendant la Semaine terrible, on scrute les incendies. Bizet tente de repérer si les maisons de sa belle-famille, rue Le Peletier et rue de la Victoire, tout comme la sienne, rue de Douai, sont en proie aux flammes ... Comme il habite sur les flancs de Montmartre, que sa belle-mère possède une maison pas très loin, lui aussi scrute attentivement, inquiet : « Nous passons notre vie à monter sur les toits, terrasses, coteaux, belvédères et autres 4

Lettre à Hippolyte Rodrigues.

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LE TROUBLE, LA GITANE ET LA PÉTROLEUSE MARC DUMONT

« L’homme a fait verser tous les droits de son côté et tous les devoirs du côté de la femme. De là un trouble profond. De là la servitude de la femme. Dans notre législation, la femme ne possède pas, elle n’est pas en justice, elle ne vote pas, elle ne compte pas, elle n’est pas. Il y a des citoyens, il n’y a pas de citoyennes. C’est là un état violent ; il faut qu’il cesse. » VICTOR HUGO

lieux élevés. Nous cherchons, la carte à la main, à nous orienter et à deviner ce qui peut advenir de nos pauvres bibelots », écrit-il le 29 mai. Début avril, il écrivait déjà à Hippolyte Rodrigues : « Que vont devenir nos livres, nos bibelots ? Que va devenir Paris ? On va faire sauter plusieurs maisons dans chaque rue, au moyen de la dynamite, afin de faire des barricades promptes et solides ! » Mais l’anti-communard n’est pas pour autant rallié aux Versaillais de Monsieur Thiers. Il écrit même : « Tous ces escrocs, ces vendus, ces proxénètes de tout genre font singulier effet chez le Roi-Soleil ! Quel gâchis ! » En fait, il redoute une réaction royaliste et cléricale : « L’insurrection vaincue, et ce ne peut être long malgré la faiblesse intellectuelle de certains généraux, tout sera remis en question. Les cléricaux auront de grosses vengeances à exercer. Et la cruauté de ces messieurs est connue ! Entre les fureurs des Blancs et des Rouges, il n’y aura plus de place pour les honnêtes gens. La musique n’aura plus rien à faire ici ». 5 Puis les canons se taisent. « Les soldats sont furieux et fusillent un peu à l’aventure », écrit-il le 27 mai. Le lendemain, il confie à sa belle-mère Léonie Halévy : « Les crimes commis sont assez épouvantables. » Quelques jours après, le 6 juin, de retour dans la capitale, il note pourtant : « L’armée a été plus que victorieuse : elle a été modérée. » Est-ce si sûr ?... D’autant qu’il fait 5

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Lettre à Léonie Halévy, le 19 avril.

parvenir à Madame Halévy des photographies des suppliciés – ces fameuses et terribles photos de communards dans leur improbable cercueil de planches – pour lui montrer quelles têtes de sauvages pouvaient avoir ces révoltés, la lie du genre humain. Bizet n’a donc rien d’un thuriféraire de l’œuvre de la Commune de Paris. Il est de ce parti des « honnêtes gens » épris de l’ordre social où chacun reste à sa place – le bourgeois possédant, l’ouvrier se taisant. Pourtant, lorsqu’il compose sa Carmen, il orchestre aussi Patrie, une ouverture pour laquelle, à l’origine, il pense à « l’année terrible » . Le contexte est bien là, et mettre sur scène un personnage comme Carmen n’est décidément pas innocent, alors que Mérimée était ami de l’impératrice Eugénie et que Ludovic Halévy était, lui, nostalgique des Orléans... Femmes libres 1871, donc. L a ha ine de cla sse atteint son paroxysme : les communards sont des sauvages et leurs femmes des « femelles » . Des bêtes et des esclaves. « Il est douloureux de le dire, dans la civilisation actuelle, il y a une esclave. La loi a des euphémismes ; ce que j’appelle une esclave, elle l’appelle une mineure. Cette mineure selon la loi, cette esclave selon la réalité, c’est la femme » écrit Victor Hugo (Depuis l’exil) Il ajoutait : « L’homme a fait verser tous les droits de son côté et tous les devoirs du côté de la femme. De là un trouble profond. De là la servitude de la femme. Dans notre

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MARC DUMONT LE TROUBLE, LA GITANE ET LA PÉTROLEUSE

législation, la femme ne possède pas, elle n’est pas en justice, elle ne vote pas, elle ne compte pas, elle n’est pas. Il y a des citoyens, il n’y a pas de citoyennes. C’est là un état violent ; il faut qu’il cesse. » Il semble que ces femmes révoltées de la Commune de Paris se soient emparées des idées de Hugo. En 1870, il y avait environ 120 000 ouvrières à Paris. Dont plus de la moitié travaillaient dans la couture. 6 000 d’entre elles fabriquaient des fleurs artificielles 6. Et puis il y a les institutrices, les brocheuses-relieuses, les bourgeoises déclassées ou en rupture de leur milieu ... Elles font leur cette révolution très particulière – au caractère à la fois patriotique (refus de la défaite et de son cortège d’humiliation) et socialement novateur. C’est leur façon de chercher à acquérir cette égalité affirmée, le 4 septembre 1870, avec la proclamation de la République ; de chercher à devenir réellement citoyennes. Qui se souvient des Maria Deraisme, Marguerite Tinayre, Nathalie Lemmel, Louise Michel ?... Ces deux dernières furent ensemble déportées vers la Nouvelle-Calédonie. Nathalie Lemmel, qui eut une longue vie 7, fonda avec Eugène Varlin La Marmite, une société d’alimentation dont le but était de « fournir aux ouvriers des aliments à bon marché ». Très active dans l’Union des femmes de la Commune, elle fut très présente pendant la Semaine sanglante. D’après un rapport de police « lors de l’entrée des troupes régulières dans Paris à la tête d’un bataillon d’une cinquantaine de femmes, elle a construit la barricade de la place Pigalle... Vous êtes des lâches, disait-elle aux Gardes Nationaux. Si vous ne défendez pas les barricades, nous les défendrons ! » Quant à Louise Michel, fille naturelle d’un châtelain, institutrice qui avait refusé de prêter serment à l’Empire, elle avait ouvert une école libre où elle pratiquait un 6

Comment ne pas y penser en entendant José chanter « La fleur que tu m’avais jetée dans ma prison m’était restée » ?

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« enseignement républicain » qui dès l’époque préfigurait les méthodes actives d’aujourd’hui. Elle envoyait ses poèmes à Victor Hugo. Populaire dans le 18ème arrondissement, elle y fut élue présidente du Comité de Vigilance. Et le 18 mars, elle appelle Montmartre aux armes. Elle-même tour à tour propagandiste des idées communardes les plus féministes, ambulancière et soldat, se battra avec rage. Lors de son procès en Conseil de guerre, elle déclare à ses juges militaires : « Puisqu’il semble que tout cœur qui bat pour la liberté n’a droit qu’à un peu de plomb, j’en réclame ma part. Si vous me laissez vivre, je ne cesserai de crier vengeance, et je dénoncerai à la vengeance de mes frères les assassins de la commission des grâces. J’ai fini ! Si vous n’êtes pas lâches, tuez-moi ! » 8 On peut penser à ces derniers mots de Carmen : « Frappe-moi donc ou laisse-moi passer ! »... Car le mot d’ordre pour ces femmes semble le même : l’affranchissement ou la mort. Rien de moins. En 1860, le livre de Jenny d’Héricourt avait fait date dans le mouvement d’émancipation féminine : La Femme affranchie. Ce titre-slogan résonne dans les mesures prises par le gouvernement de la Commune, comme la reconnaissance implicite de l’union libre. Le communard Benoît Malon, ouvrier teinturier socialiste, parlait ainsi : « La femme et le prolétaire, ces derniers opprimés de l’ordre ancien, ne peuvent espérer leur affranchissement qu’en s’unissant fortement contre toutes les forces du passé. » Femmes révoltées, femmes exemplaires, femmes repoussoirs ? L’image des pétroleuses vient surexposer les passions, en caricaturant ces « femelles » . Réalité ou légende que ces guerrières allant porter l’incendie avec leur bidon de pétrole ?... « Toute femme mal vêtue ou qui porte une boîte à 8

Elle avait 41 ans. Elle fut condamnée à la déportation. Graciée, elle revint à Paris le 9 novembre 1880, accueillie à Saint-Lazare par une grande foule. Jusqu’à sa mort en 1905 – à Marseille, lors d’une tournée de conférences –

Née en 1827, elle fut graciée en 1879, regagna Paris et tra-

elle ne cessa de faire vivre le souvenir et les idées de la

vailla dans le journal L’Intransigeant. La fin de cette vie

Commune. Son cortège funèbre, de la gare de Lyon au

de femme libre fut misérable : aveugle, elle fut admise à

cimetière de Levallois, rassembla des dizaines de mil-

l’hospice d’Ivry en 1915. Elle mourut en 1921, à 94 ans.

liers de personnes.

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LE TROUBLE, LA GITANE ET LA PÉTROLEUSE MARC DUMOND

Si Carmen met le feu aux cœurs et aux corps, est-il besoin de préciser qu’elle n’a rien d’une hypothétique « pétroleuse » ? Mais c’est une gitane, une étrangère qui n’a « pas de loi » – ou du moins pas les mêmes. L’étrange étrangère au ban de la société. lait, une bouteille vide, peut être dite pétroleuse. Traînée en lambeau contre le mur le plus proche, on l’y tue à coup de revolver », écrivit Lissagaray dans son Histoire de la Commune en 1876. Mais l’historien Maxime Du Camp, violemment anti-communard, précisait : « On racontait que les femmes se glissaient dans les quartiers déjà délivrés par nos troupes, qu’elles jetaient des mèches soufrées par les soupiraux, versaient du pétrole sur le contrevent des boutiques et allumaient partout des incendies. Cette légende était absolument fausse ; nulle maison ne brûla dans le périmètre occupé par l’armée française. » 9 Si Carmen met le feu aux cœurs et aux corps, estil besoin de préciser qu’elle n’a rien d’une hypothétique « pétroleuse » ? Mais c’est une gitane, une étrangère qui n’a « pas de loi » – ou du moins pas les mêmes. L’étrange étrangère au ban de la société. 9

Il reste que la vision de l’engence féminine développée

Ce qui ramène à nouveau vers la Commune. Car ce fut le seul moment de l’histoire de France où un gouvernement – le Comité Central Républicain - fit une place à des étrangers. C’est le cas du Hongrois Léo Fränkel 10. Sans parler des Polonais Dombrowski et Wroblewski, qui furent parmi les meilleurs généraux de la Commune. Durant la Semaine sanglante, Le Figaro recommanda le massacre de « tous les Polonais interlopes ». Des étrangers au gouvernement, réfléchissant aux réformes, proposant, élaborant, se battant pour des idées de fraternité et d’égalité ? C’est difficilement pensable dans la France de 2001, alors à l’époque ! La réaction versaillaise a brandi cela comme un repoussoir, alimentant la xénophobie. Quatre ans plus tard, mettre le monde tzigane de Carmen sur la scène de l’opéra n’est décidément pas sans résonances dans les mentalités, les enjeux et les espoirs du temps …

par les Versaillais résonne clairement. Ainsi que l’énonce le capitaine Jouenne, Commissaire du gou-

10

Avait-il des origines tziganes ? Ouvrier orfèvre de 27 ans,

vernement lors de l’Audience du 4ème Conseil de guerre

il fut successivement membre de la Commission du tra-

de Versailles, le 5 septembre 1871: « Voilà où conduisent

vail (29 mars), de la Commission des Finances (5 avril),

toutes les dangereuses utopies : l’émancipation de

puis délégué au travail, à l’industrie et à l’échange (20

la femme prêchée par les docteurs qui ne savent pas

avril) et à la Commission exécutive. Blessé sur les barri-

quel pouvoir il leur était donné d’exercer et qui, aux

cades, il fut condamné à mort par contumace.

heures de soulèvement et de révolution, voulaient se recruter de puissants auxiliaires ! N’a-t-on pas tout fait

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Références bibliographiques

pour tenter ces misérables créatures ? fait miroiter à

Rémy Stricker : Georges Bizet, Gallimard, 1999.

leurs yeux les plus incroyables chimères ! Des femmes

Hervé Lacombe : Georges Bizet, Fayard, 2000.

avocats ! Magistrats ! Membres du bareau ! Ou députés

Bernard Noël: Dictionnaire de la Commune, Flammarion, 1978.

peut-être ? Et que sait-on ? Des commandants ! Des

Jacques Rougerie: Paris insurgé - La Commune, Gallimard.

généraux d’armée... »

Georges Soria: Grande Histoire de la Commune, Robert Laffont, 1971.

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Jeunes filles Sinté avec un bébé Anonyme, 1928 Archives fédérales d'Allemagne, Coblence Photographie

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Carmen Miguel Muntanet, XXème Collection privée Huile sur toile

Une œuvre pareille vous rend parfait ! de Friedrich Nietzsche in: Le cas Wagner, 1888.

J

’ai entendu hier – me croirez-vous ? pour la vingtième fois le chef-d’œuvre de Bizet. De nouveau, j’ai, dans un doux recueillement, persévéré jusqu’à la fin, de nouveau, je n’ai pas pris la fuite. Cette victoire sur mon impatience me sur prend. Comme une œuvre pareille vous rend parfait ! À l’entendre, on en devient soi-même un « chef-d’œuvre »... Et, en vérité, chaque fois que j’ai entendu Carmen, il m’a semblé que j’étais plus philosophe, meilleur philosophe qu’en temps ordinaire : je devenais si indulgent, si heureux, si hindou, si rassis... Rester assis pendant cinq heures : première étape vers la sainteté ! Oserai-je dire que l’orchestration

de Bizet est à peu près la seule que je supporte encore ? L’autre orchestration qui est aujourd’hui en vogue, celle de Wagner, à la fois brutale, artificielle et naïve, ce qui lui permet de parler en même temps aux trois sens de l’âme moderne – comme elle me fait du mal, cette orchestration wagnérienne ! Je la compare à un sirocco. Une désagréable sueur se répand sur moi. C’en est fini, alors, pour moi, du beau temps ! Cette musique de Bizet me semble parfaite. Elle approche avec une allure légère, souple, polie. Elle est aimable, elle ne me fait pas transpirer. « Ce qui est bon est léger, tout ce qui est divin court d’un pied délicat » : premier principe de mon Esthétique. Cette

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UNE ŒUVRE PAREILLE VOUS REND PARFAIT ! FRIEDRICH NIETZSCHE

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bonheur ! Et que la danse mauresque nous semble apaisante ! Comme sa lascive mélancolie parvient à assouvir nos désirs toujours insatisfaits !... C’est enfin l’amour, l’amour remis à sa place dans la nature originelle ! Non pas l’amour de « la jeune fille idéale » ! Pas l’amour d’une « Senta sentimentale » ! Au contraire, l’amour dans ce qu’il a d’implacable, de cynique, de candide, de cruel, – et c’est en cela qu’il participe de la nature ! L’amour dont la guerre est le moyen, dont la haine mortelle des sexes est la base. Je ne connais aucun autre cas où l’esprit tragique qui constitue l’essence de l’amour s’exprime avec une semblable âpreté, revête une forme plus terrible que dans ce cri de Don José qui termine l’œuvre : « C’est moi qui l’ai tuée, ma Carmen, ma Carmen adorée ! » Une telle conception de l’amour (la seule qui soit digne du philosophe) est des plus rares : elle distingue une œuvre d’art entre mille. Car les artistes, en général, font comme tout le monde, et même pire; ils prennent l’amour à contresens ! Ce contresens, Wagner, lui aussi, n’y a pas échappé. Ces gens croient être désintéressés en amour, parce qu’ils souhaitent le bonheur d’un autre être, souvent contre leur propre bonheur. Mais cet être, ils voudraient en échange le posséder... Dieu lui-même ne fait pas ici exception. Il est loin de penser : « Si je t’aime, ce n’est pas ton affaire ! » – il devient terrible quand on ne l’aime pas en retour. « L’amour (et cette maxime s’applique aux dieux comme aux hommes) est de tous les sentiments le plus égoïste, et par conséquent lorsqu’il est blessé, le moins généreux » (Benjamin Constant).

Carmen à la fin de l'acte III Antonio Bonamore, 1883 Bnf, Paris Gravure

© BNF / GALLICA

musique est méchante, raffinée, fataliste : elle demeure pourtant populaire – son raffinement est celui d’une race, non pas d’un individu. Elle est riche. Elle est précise. Elle construit, organise, achève : elle forme ainsi un contraste avec ce véritable polype musical qu’est la « mélodie continue ». A-t-on jamais entendu sur scène des accents plus douloureux, plus tragiques ? Et comment sont-ils obtenus ? Sans grimaces ! Sans supercherie ! Sans le mensonge grand style ! Enfin, cette musique suppose l’auditeur intelligent, même s’il est musicien – et, en cela aussi, elle est antithèse de Wagner, qui, quel qu’il soit quant au reste, était, en tout cas, le génie le plus impoli du monde (Wagner nous prend en somme pour des... Il répète la même chose tant de fois que l’on n’en peut plus, que l’on finit par y croire... ). Et, encore une fois : je me sens devenir meilleur quand ce Bizet s’adresse à moi. Meilleur musicien, aussi, et meilleur auditeur. Est-il possible d’écouter encore mieux ?... Mes oreilles fouillent cette musique, j’en perçois les origines. Il me semble que j’assiste à sa naissance – je tremble devant les dangers qui accompagnent une hardiesse, je m’enchante des trouvailles dont Bizet est innocent... [...] L’œuvre de Bizet, elle aussi, est rédemptrice. Wagner n’est pas le seul « libérateur ». Elle vous emporte loin du Nord humide, de toutes les brumes de l’idéal wagnérien. L’action, à elle seule, suffit à nous en délivrer. Elle tient encore de Mérimée la logique dans la passion, la ligne droite, l’implacable rigueur ; elle possède avant tout ce qui est propre aux pays chauds, la sécheresse de l’air, sa limpidezza. Nous voici, à tous les égards, sous un autre climat. Une autre sensualité, une autre sensibilité, une autre sérénité parlent ici. Cette musique est gaie, mais pas d’une gaîté française ou allemande. Sa gaîté est africaine. La fatalité plane au-dessus d’elle, son bonheur est bref, soudain, sans merci. J’envie Bizet d’avoir eu le courage de cette sensibilité, qui, jusqu’à présent, n’avait pas trouvé d’expression dans la musique européenne civilisée, cette sensibilité méridionale, cuivrée, ardente... Quel bien nous font les après-midi dorés de son court

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La danseuse gitane Stanley Meltzoff, 1954 Illustration pour la couverture du magazine américain The Atlantic

Le plus léger avec le plus profond de Theodor W. Adorno In: Quasi una fantasia, Gallimard, 1982.

© NATIONAL GEOGRAPHIC CREATIVE / SILVERFISH PRESS/NATIONAL GEOGRAPHIC CREATIVE / BRIDGEMAN IMAGES

T

ous les personnages, sur scène, savent d’entrée de jeu que Carmen est l’héroïne, comme s’i ls conna issa ient déjà l’opéra : quand les cigarières, au moment de midi, quittent la manufacture, les jeunes gens rassemblés là s’enquièrent de la Carmencita, et, au milieu des jolies filles volages, ils n’ont d’yeux que pour elle, qui aujourd’hui, par pure soif de liberté – le contraire de la vertu – désire que l’amour la laisse en paix. La convention d’opéra qui veut que le personnage principal soit clairement désigné dès le départ de ses partenaires – dans le même esprit que le chroniqueur de l’Élu se console et console ses lecteurs des pertes légères survenues au cours de la bataille en disant qu’il ne s’agit que de personnages secondaires –, cette convention met en lumière tout à fait innocemment, en s’inspirant avant tout de la commodité dramaturgique et sans s’embarrasser d’intentions métaphysiques, cette hiérarchie de l’essence et du phénomène que d’ordinaire l’œuvre masque soigneusement : ce n’est que dans le ciel des Idées, derrière le bleu profond de l’autre, que la Carmencita est plus importante que les camarades qui lui ressemblent. Il est vrai qu’elle n’importune personne avec son incognito : au milieu des cigarières déjà peu discrètes, elle ne fait rien pour passer inaperçue. Quand on l’interroge, elle chante au lieu de répondre, et elle ne doit là encore qu’à la bienveillance de l’opéra de ne pas s’attirer ainsi

plus d’histoires. Son effronterie gouailleuse a fait hommage au répertoire bourgeois de l’antique fierté des courtisanes, et aujourd’hui encore un usage vénérable – généralement fatal au charme non moins instamment requis – veut que Carmen lève ses jupes et bouscule de façon provocante le sergent du Nord désemparé. Elle attire l’attention sur elle par son attitude d’exclue, de créature mal domestiquée, et quand le chœur affirme qu’ « elle a porté les premiers coups », on peut s’en remettre à son jugement : la lutte a commencé, la bagarre puérile et anarchique, l’explosion destructrice qui déclenche des événements dont on pourrait déjà prédire l’issue tragique. Carmen, en effet, est bohémienne. Au départ, on n’attache pas trop d’importance à cela, en dehors du fait que Carmen sait justement mieux chanter et danser que la population indigène de Séville, et que sa liberté d’allure monte à la tête du sergent sur qui elle a jeté son regard possédé. La scène des bohémiens du second acte de l’opéra relève elle-même de cette convention, qui, depuis Preciosa, trouve dans des chœurs de bohémiens un plaisir sans cesse renouvelé, tant suscite d’envie l’existence libre et colorée de ceux qui, dans le monde bourgeois du travail, sont mis au ban de la société et condamnés à la faim, aux haillons, et chez qui ce monde pressent pourtant tout le bonheur dont la déraison de sa raison le contraint à s’imputer. Carmen fait également

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LE PLUS LÉGER AVEC LE PLUS PROFOND THEODOR W. ADORNO

La musique ne tergiverse pas : là où le Ring vaticine longuement au sujet de la roue qui s’est mise en mouvement, une figure de cordes se met ici à rouler allegretto à la manière d’une bille, sans qu’un seul mot vienne commenter ce qui se passe. Une fois atteinte la tonalité de La mineur, la musique dessine un cercle magique, qu’elle ponctue de quelques accents coupants, tout comme on parle de « couper » un jeu de cartes. Elle connaît l’affinité des cartes avec le persiflage comme façon de provoquer le malheur, qui n’est pas autre chose que la roue du hasard, que l’aveuglement même du destin. 68

partie des ces opéras de l’exogamie dont la série va de La Juive et de l’Africaine, à la Lulu de Berg, en passant par Aïda, Lakmé, Madama Butterfly, et qui tous, glorifient l’évasion hors de la civilisation et dans l’inconnu. C’est ainsi que Nietzsche a entendu Carmen : « Et comme la danse mauresque sait nous apaiser ! Comme, dans sa mélancolie lascive elle-même, notre instabilité apprend pour une fois la satiété ! – Enfin l’amour, l’amour retraduit dans la nature ! Non pas l’amour d’une “demoiselle de bonne famille”. » Il a cerné là, sans le dire expressément, ce qui le sépare le plus profondément de ce monde qui est l’antipode du sien et de celui de Bizet : le monde wagnérien de l’inceste et de la communauté du Graal, dans lequel l’amour n’aime que le Même, au fond n’aime que lui-même et donc n’aime pas, et livre justement la nature à la machine infernale de la société, que l’œuvre, tout à la fois, conjure symboliquement et glorifie. Ce costume de bohémienne ne prend valeur d’image qu’au moment où l’action se précipite, au troisième acte, après que Carmen a refusé à son amant mécontent, qu’elle a traîné au milieu des brigands, de se réconcilier avec lui, et que sur sa question de savoir si elle ne l’aime plus, elle a expliqué avec une précision latine qui donne à chacune de ses phrases l’acuité d’un protocole pour on ne sait quel tribunal, que « ce qui est sûr, c’est qu’elle l’aime beaucoup moins qu’autrefois, et qu’elle finira par ne plus l’aimer du tout » s’il ne la laisse pas libre de « faire ce qu’il lui plaît » ; à quoi elle ajoute qu’elle se moque de ce qui en résultera. À peine le dialogue a-t-il tourné court, que les deux camarades de contrebande de Carmen, qui sont aussi ses compagnes de race, étalent déjà les cartes devant elles, et que toutes trois s’apprêtent à se prédire l’avenir à elles-mêmes. La musique ne tergiverse pas : là où le Ring vaticine longuement au sujet de la roue qui s’est mise en mouvement, une figure de cordes se met ici à rouler allegretto à la manière d’une bille, sans qu’un seul mot vienne commenter ce qui se passe. Une fois atteinte la tonalité de La mineur, la musique dessine un cercle magique, qu’elle ponctue de

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THEODOR W. ADORNO LE PLUS LÉGER AVEC LE PLUS PROFOND

quelques accents coupants, tout comme on parle de « couper » un jeu de cartes. Elle connaît l’affinité des cartes avec le persiflage comme façon de provoquer le malheur, qui n’est pas autre chose que la roue du hasard, que l’aveuglement même du destin. Tout cela s’enchaîne sans la moindre coupure, sur le modèle du « péplum mobile », et seul le mouvement chromatique des basses vient peindre une sombre toile de fond à ce tourbillon incessant. Un refrain des deux sœurs d’infortune lui répond en Fa Majeur. Elles ne chantent pas du tout comme des Nornes, mais sur le mode du vaudeville, et sans doute est-ce à elles qu’a pensé Nietzsche lorsqu’il dit de cette musique, qu’il vante comme étant « méchante, raffinée, fataliste » : « Elle reste néanmoins populaire – elle a le raffinement d’une race, et non d’un individu. » Nietzsche a seulement sous-estimé encore, si c’est possible, le raffinement du chef-d’œuvre de Bizet. Car lorsqu’il arrive à Carmen – tout en conservant du reste la plus grande vigilance sur le plan de la composition – de frayer avec l’opérette, cette concession obéit elle-même à un principe de stylisation, et sert de fond à un sérieux qui n’a pas besoin de s’outrer, le moindre changement de ton, sur cet arrière-plan de frivolité, suffisant à modifier l’horizon ; c’est probablement ce procédé, et non tel compositeur moderne, qui a inspiré à Adrian Leverkühn, pour qui la dissonance est l’expression de ce qui est élevé et spirituel, alors que les sons harmonieux de la musique tonale, comme monde de la banalité et du lieu commun, sont réservés à l’enfer : « Les timbres de l’impressionnisme français, tournés en dérision, la musique de salon bourgeoise, Tchaïkovski, le music-hall, les syncopes et les culbutes rythmiques du jazz -tout cela tourbillonne comme un carrousel dans un scintillement de couleurs : et cela sur le fond du langage sérieux, sombre et difficile de l’orchestre principal, qui affirme avec une rigueur implacable le niveau spirituel de l’œuvre. » Rien, il est vrai, n’est plus étranger à Bizet que la « fade pétulance de l’enfer » ou que ce côté « sombre et difficile ». Contrairement au musicien atonal qui a besoin des contrastes les plus

violents, il lui suffit encore de faire appel, précisément, au cliché « chants et danses » pour distinguer ce qui est élevé de ce qui est inférieur. On ne pouvait être mieux inspiré ; au lieu de sonner comme tel, le destin fait penser à la petite fille vêtue de rouge et munie d’un tambourin qu’on voit dans les réunions d’enfants du Mardi Gras. Le destin est sans expression, aussi étranger et froid que les étoiles sur les constellations desquelles les hommes projettent l’ordre inextricable qu’ils créent eux-mêmes inconsciemment ; le destin est la réification absolue, et la musique qui emprunte sa voix doit commencer par se réifier elle-même, plutôt que de se donner comme remplie de cette « humanité » dont la protestation marque une limite à l’enchaînement du destin. De la même façon que Frasquita et Mercédès grisollent sans âme lorsqu’elles veulent connaître les « nouvelles de l’avenir », comme si elles allaient les lire dans un journal à sensation, Adrian manque d’âme, lui aussi, en se sacrifiant pour imiter la voix qui n’est pas celle de Dieu. Lorsqu’enfin, au quatrième acte, les deux figures mythiques entreprennent – en pure perte – d’avertir l’héroïne de sa mort prochaine, la musique atteint un degré extrême d’impassibilité, grâce à deux flûtes solistes jouant à intervalle de tierce, comme on en entend si rarement chez le Wagner de la maturité, et qui représentent l’antithèse absolue de cette dissonance, au demeurant sublime, par laquelle les Filles du Rhin offrent à Siegfried sa dernière chance, qu’il laisse également passer. Il y a dans Carmen une couche dans laquelle la lumière se confond avec la nuit, le plus léger avec le plus profond, couche dont la musique expressive, si complexe qu’elle puisse être sur le plan technique, n’égale qu’avec peine la complexité spirituelle ; le thème de la grande musique de ballet, et surtout l’énigmatique intermezzo qui suit le second acte appartient à cette couche. Cette frivolité insondable, ce mélange d’illusion et de désillusion, proviennent peut-être de ce que le destin lui-même, le mythe, est une illusion, aussi fragile que le pouvoir du sphinx, qui sombre dans l’abîme dès qu’il entend le nom de l’homme.

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Célestine Galli-Marié Achille Lemot (Uzès), 1875 Album rose. La comédie illustrée Estampe

Carmen ou l'opéra par excellence de René Leibowitz in: Extrait de Histoire de l’opéra, Éd. Buchet-Chastel, Paris, 1957.

[...] Carmen constitue une véritable synthèse de l’art lyrique du XIXème siècle. Nous pouvons dire que cette œuvre nous apparaît d’abord comme l’aboutissement d’une tradition artistique, les éléments pr incipau x de cette tradition s’épanouissant et se métamorphosant ici en des éléments nouveaux. Carmen remplit son véritable rôle de synthèse en « fermant » un passé au même degré qu’il « ouvre » l’avenir. En discutant les différentes composantes de notre œuvre – que ce soit son livret, son écriture ou sa distribution voca les, son a r t ic u l at ion for me l le ou ses particularités stylistiques – nous nous sommes constamment trouvés dans l’obligation de les expliquer à la fois par des données traditionnelles autant que par cette altérité dont elle témoigne à l’égard de ces données. C’est en cela qu’il nous a semblé possible de déceler l’équivoque et l’ambiguïté fondamentales de Carmen et c’est certainement cela qui lui donne sa physionomie si originale et si particulière. La situation

historique de Carmen est, en ce sens, tout à fait idéale. Survenant après la grande période de l’opéra-bouffe et se servant encore de certains de ses éléments les plus valables, encadrée des deux côtés par les deux géants Verdi et Wagner et ayant appris à utiliser bientôt Puccini, Mascagni et Leoncavallo et annonçant déjà certaines de leurs acquisitions les plus importantes, cette œuvre se trouve bien dans une situation privilégiée qui fait penser à un carrefour peut-être unique dans l’histoire de l’opéra, à une sorte d’astre qui rayonne dans toutes les directions, chargé de la lumière la plus éclatante et chargeant à son tour du sens le plus profond tout ce qu’il éclaire. Quoi d’étonnant dès lors si, aujour­d’hui encore, malgré toutes les contradictions qu’elle contient et malgré tout le « rabâchage » dont elle a été l’objet au cours d’un nombre déjà infini de représentations plus au moins authentiques, la partition de Carmen nous apparaît comme l’opéra par excellence ?

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Affiche de la première de Carmen en 1875 Henry Leray, 1875 Collection privée Gravure

« Un merveilleux sujet d’opéra ! » de Piort Illitch Tchaïkovski Lettre à Madame von Meck, 18-19 juillet 1880.

H

ier soir, afin de me reposer de ma propre musique [...] j’ai joué du début jusqu’à la fin Carmen de Bizet. À mon sens, c’est un chef-d’œuvre, c’est-àdire un des rares ouvrages destinés à refléter au plus fort toutes les tendances musicales d’une époque. Il me semble que l’époque que nous vivons se distingue des précédentes par ce trait caractéristique que les compositeurs courent (je dis bien, ils courent, ce que ne faisaient ni Mozart, ni Beethoven, ni Schubert, ni Schumann) après des effets jolis et piquants. [...] Quant à l’idée musicale elle-même, elle est passée au second plan ; elle est devenue non pas une fin mais un moyen, un prétexte pour l’invention de telle ou telle combinaison sonore. Avant, on composait, on créait, aujourd’hui (à de très rares exceptions près) on recherche, on invente. Cette manière de penser la musique est évidemment purement cérébrale, et c’est pour cela que la musique contemporaine, tout en étant très spirituelle, piquante et curieuse, n’est jamais réchauffée par le sentiment. Et voilà qu’apparaît un Français chez lequel tous ces effets piquants et épicés ne sont pas le résultat d’une invention mais s’écoulent librement et flattent l’oreille, tout en réussissant à toucher et à émouvoir. C’est comme s’il nous disait : « Vous ne

voulez rien de monumental, de fort ni de grandiose, vous voulez quelque chose de joli, eh bien ! voici un opéra qui est joli. » Et effectivement, je ne connais rien en musique qui mérite mieux le droit de représenter l’élément que j’appellerais le joli. C’est enchanteur et charmant du début jusqu’à la fin. Il y a une multitude d’harmonies piquantes, d’effets totalement nouveaux, mais cela ne représente jamais un but exclusif. Bizet est un compositeur qui paie le tribut à son siècle et au monde contemporain ; mais qui est aussi animé d’une inspiration authentique. Et quel merveilleux sujet d’opéra ! Je ne puis jouer sans larmes la dernière scène : d’un côté la liesse populaire et la joie grossière de la foule qui regarde la corrida ; de l’autre côté, une terrible tragédie et la mort des deux personnages principaux qu’un destin cruel, le fatum, a fait se rencontrer et qu’il a conduits, à travers toute une succession de souffrances, vers une fin inéluctable. Je suis persuadé que d’ici une dizaine d’années Carmen sera l’opéra le plus populaire du monde. Mais nul n’est prophète en son pays, Carmen n’a pas eu de véritable succès à Paris. Bizet est mort peu après sa création, encore jeune et en plein épanouissement de ses forces et de sa santé. Qui sait si ce n’est pas cet échec qui a eu un tel effet sur lui.

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Carmen au cinéma Carmen (1905, us) prod. : Studios Édison

The Idol of Seville (1932, us) court (21') de Howard Higgin avec Rene Denny

Carmen (1906, fr) phonoscène avec Alice Guy

Gipsy Blood (1932, uk) un film de Cecil Lewis, avec Margaret Namara

Carmen (1907, uk) court (12') d'Arthur Gilbert Carmen (1908, us) court d'Otis Turner

Carmen (1934, al) théâtre d’ombres filmé d'Otte Reiniger

Carmen, Aria do toreador (1908, br) court (4') de William Auler Carmen (1909, it) un film de Ugo Fanela

Andalusische Niichte (1938, al) un film de Herbert Maisch, avec Imperia Argentina 1

Carmen (1910, fr) Prod. : Pathé, avec Victoria Lepando Carmen (1910, fr) court (16') d'André Calmettes, avec Régine Badet Carmen (1911, fr) court (11') de Jean Durand Carmen, la hija del bandido (1911, es) court (25') de Enrique Santos Zigeunerblut (1912, al) un film de de Urban Gad Carmen (1913, us) un film de S. taylor, avec Marion Leonard

Carmen (1943) un film de Luis Cesar Amadori Carmen (1945) un film de Dave Gould 2

The Loves of Carmen (1948, us) un film de Charles Vidor, avec Rita Hayworth et Glenn Ford

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Carmen Jones (1954, us) un film d'Otto Preminger, avec Dorothy Dandridge et Harry Belafonte

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Carmen la de ronda (1959, es) un film de Tulio Demicheli, avec Sara Montiel et Maurice Ronet

Der Tod in Sevilla (1913, al) court d'Urban Gad, avec Asta Nielsen

Carmen (1961, it) un film de Luigi Vanzi, avec Marta Rose Carmen (1963) un film de Carmine Gallone

Carmen (1913, us) un film de Lucius J. Henderson, avec Margaret Snow Carmen (1914, fr) avec Régina Badet Carmen (1914, es) un film de Giovanni Doria et Augusto Turchi Carmen (1915, us) un film de Cecil B. DeMille, avec Geraldine Farrar Carmen (1915, us) un film de Raoul Walsh, avec Theda Bara Charlie Chaplin’s Burlesque on Carmen (1916, us) un film de Charlie Chaplin, avec Edna Purviance Zigeuner Blut (1918, al) un film de Ernst Lubitch, avec Pola Negri Carmen (1922, uk) un film de George Wynn, avec Patricia Fitzgerald Carmen (1926, fr) un film de Jacques Feyder, avec Raquel Meller Cameo Operas (Carmen) (1927, uk) un film de H. B. Parkinson The Loves of Carmen (1927, us) un film de Raoul Walsh, avec Dolorès Del Rio The Campus Carmen (1928, us) court (20') de Mack Sennett

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Carmen (1943, fr) un film de Christian Jaque, avec Viviane Romance et Jean Marais

Carmen Story (1983) un film de Carlos Saura La tragédie de Carmen (1983) 3 films de Peter Brook 5

Prénom Carmen (1983) un film de Jean-Luc Godard, avec Marushka Detmers Carmen Nuda (1983) un film d'Alberto Lapez

6

Carmen (1984) un film de Francesco Rosi Karmen Geï (2001) un film de Joseph Gaï Ramaka Première adaptation africaine de Carmen. Carmen, a hip hopera (2001) un film de Robert Townsend et Michael Elliot avec Beyoncé... Carmen (2003) un film de Vicente Aranda Carmen (2003) Captation de la production des Arènes de Vérone mis en scène par Franco Zeffirelli avec Marina Domaschenko Carmen de Khayelitsha (2004) un film de Mark Dornford-May Car Men (2006) un film de Boris Paval & Jiří Kylián Carmen (2006) Captation de la production du Staatsoper Berlin avec Marina Domaschenko et Rolando Villazon

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Carmen (1909, fr) court (14') de Gerolamo Lo Savio

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Reinhild Hoffmann pendant les répétitions sur le plateau de l’Opéra des Nations en août 2018.

Le clair-obscur de Reinhild Hoffmann Entretien avec la metteure en scène et scénographe de Carmen, par Daniel Dollé

© GTG / MAGALI DOUGADOS

A

u cours de la saison 2017-2018, Reinhild Hoffmann était l’invitée du Ballet du Grand Théâtre. Elle offrait à la Compagnie et au public de l’Opéra des Nations, une pièce emblématique du Tanztheater : Callas – que nous nous permettrons de traduire par théâtre dansé, dont elle est et restera une de figures marquantes. Hier, elle nous présentait sa Maria, aujourd’hui, elle nous interpelle avec sa Carmen. Si la chorégraphe, qui a dirigé le Bremer Tanztheater, puis le Tanztheater Schauspielhaus Bochum, nous paraît plus familière, son côté metteure en scène nous est beaucoup moins connu. Et pourtant, elle a porté son regard sur de nombreuses œuvres lyriques, et pas des moindres : La Traviata, Don Giovanni, Ariadne auf Naxos, Macbeth (de Sciarrino), Salome, Tristan und Isolde, Lohengrin, ou encore Dialogues des Carmélites. Très tôt dans sa carrière, elle s’intéresse aux ouvrages lyriques, dès 1993, elle met en scène Il Tabarro (de Puccini) à l’Opéra de Bonn. En 2014, elle met en scène Iphigénie en Tauride de Gluck, et depuis plusieurs mois, elle travaille avec son équipe sur Carmen – qu’elle n’avait jamais abordé et qu’elle ne pensait jamais aborder. Malgré la pression et le stress que peuvent générer de tels ouvrages, elle a accepté de nous livrer quelques clés, quelques réflexions et points de départ de sa mise en scène –

et de la scénographie qu’elle signe également. À près de 75 ans, Reinhild est de ces artistes que la scène fait vivre et anime. Dans ses yeux brillent la passion, le génie créatif. Elle ne cherche pas à présenter une nouvelle Carmen qui choque, qui dérange ou qui soit différente, elle souhaite en toute modestie nous offrir sa vison d’une œuvre apparue sulfureuse à la création et qui, peut-être, l’est encore. Ce qui me fascine dans Carmen ? À la fois la force du personnage et de l’ouvrage. Carmen a une telle force pour vivre jusqu’à la mort, cette mort annoncée au troisième acte dans l’air que chante la cigarière : « La carte impitoyable répétera : la mort ! La mort, toujours la mort ! », par opposition aux aimables babillages de ses deux compagnes, Frasquita et Mercédès, qui donne sa force à la sombre et sobre mélodie de Carmen. Il s’agit d’un air triste qui exprime l’acceptation du fatum auquel on ne saurait échapper. Elle exprime le fatalisme. L’existence humaine suit une marche inéluctable où le cours des événements échappe à la volonté humaine. Pourquoi fuir la mort, ou se battre contre elle ? Elle est inéluctable. Don José, comme Carmen, a peu de prise sur ce qu’il vit, il est réduit, comme tout héros tragique, à atteindre sa fin. Tout semble joué d’avance et la chute semble inexorable. Inflexible et cruelle, Carmen repousse

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LE CLAIR-OBSCUR DE REINHILD HOFFMANN DANIEL DOLLÉ

Don José qui la supplie en la menaçant : « Je sais bien que tu me tueras, mais que je vive ou que je meure, non, non, non, je ne céderai pas. » En lui jetant la bague, que jadis il lui avait donnée, l’héroïne prononce sa propre condamnation à mort. Fou de douleur et de jalousie, Don José la tue au moment où Escamillo porte l’estocade au taureau dans l’arène – sous les vivats de la foule. Ce final, qui a provoqué, entre autre, la démission de l’un des directeurs de l’Opéra Comique, et qui reste au cœur des débats encore aujourd’hui, je le trouve grandiose ! Bizet et ses librettistes ont mis en parallèle la mort du taureau et la mort de Carmen. Elle entre en relation avec le taureau. Certes, il y a l’œil noir, les cheveux noirs, mais il y a surtout leur force, leur puissance qui les condamne à mort. Tous ont perdu : « Vous pouvez m’arrêter… C’est moi qui l’ai tuée ! Ah ! Carmen ! Ma Carmen adorée ! » En la tuant, il se tue lui-même. La mort qui plane dans cet opéra depuis le début est mise plus fortement en exergue : quels que soient les charmes et les plaisirs de la vie, le destin funeste est au rendez-vous. Don José, jouet de la séduction, n’a pas le choix, il tue. N’est-ce pas là un reflet de la réalité ? On tue souvent ce qu’on aime. Un fait divers, un jeu des passions humaines, me direzvous. Le compositeur et ses complices l’ont élevé au rand de la tragédie. Il a sacrifié sa vie, sa carrière, sa conscience pour elle. Elle ne peut appartenir à un autre que lui. La délivrance de l’homme-objet passe par la mise à mort de la cruelle amante sur un fond de liesse populaire. Les vivats et les interventions de la foule constituent un contrepoint aux affrontements des amants, à leur tragédie, et mettent en exergue leur violence. Leurs différences et leur similitude Carmen est un prénom espagnol, il signifie en latin : paroles, chant et prédiction – des sens qui correspondent au personnage. Elle est tout le contraire de l’angélique Micaëla, et Don José lui dira : « Tu es le diable ». Carmen est une femme libre, elle ne possède rien, et ne cherche pas à posséder. Don José la veut sienne, il veut la posséder « Ô ma Carmen ! », répétera-t-il, « Nous nous aimions,

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naguère ! Ah ! Ne me quitte pas, Carmen… » ; ce à quoi la bohémienne répondra : « Libre elle est née, et libre elle mourra ». Carmen est la personnification de l’amour-destin. L’amour de Carmen ce ne sont ni les soldats, ni Don José, ni Escamillo, c’est la vie pleinement vécue qui lui fait ignorer la loi. La légèreté de la musique est le reflet de son insouciance et de l’acceptation de la vie telle qu’elle est. Dans la fameuse habanera, l’héroïne expose sa philosophie de l’amour, sa façon de vivre son désir : elle aime, elle n’aime plus, elle en aime un autre. Chacun semble exprimer son propre désir, mais qui ne rejoint pas le désir de l’autre et qui entraîne l’ignorance de l’autre. Carmen a-t-elle vraiment aimé Don José, ne fusse qu’un moment ? Il y a d’un côté une cigarière charismatique, transgressive et sauvage, désirée par tous les hommes, et qui ne craint pas de les affrontés. Elle appartient à un monde mal connu et qui inspire la peur et la méfiance. De l’autre, un petit brigadier qui espère monter en grade avant de quitter l’armée pour retourner dans son village, retrouver sa mère et épouser la pure Micaëla – qu’il aime d’un amour chaste et éthéré. Les Andalouses l’effarouchent, et il préfère éviter leur regard brûlant. Mais le fatum semble s’abattre sur lui. La sauvageonne jette son dévolue sur lui. « Il n’a rien dit, mais il me plaît ». Y avait-il besoin qu’elle lui jette cette fleur qu’il va garder pendant des mois pour qu’il soit submergé par cette sensualité dont déborde Carmen – que Don José semble découvrir ? Ils appartiennent à deux mondes, à deux sociétés très différentes. Elle prône la vie errante, le ciel ouvert et pour loi la volonté – en d’autres termes : la liberté. Lui, décent et soucieux d’obéir aux lois, devient un amoureux soumis, un hors-la-loi. Balloté entre le sens du devoir et son désir amoureux, son désir de posséder, Don José va devenir une chose de la Carmencita. Sa fragilité contraste avec la force qui émane de la sulfureuse cigarière. Constamment le destin et la mort projettent leur ombre sur les deux amants dont le dialogue est impossible. En s’attachant à l’énigmatique bohémienne, Don José s’auto-condamne. Carmen et Don José appartiennent à deux mondes,

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d’un côté celui des hors-la-loi et de l’autre celui des militaires, ce qui renvoie au conflit ordre et désordre. Il me semble cependant qu’il y a une similitude entre les deux personnages, c’est leur besoin d’aller vers des terres inconnues et de côtoyer le danger. Carmen pourrait se tourner vers les soldats qu’elle a l’habitude de fréquenter lorsque la cloche a sonné, ou dans la taverne de Lillas Pastia, non, elle se tourne vers celui qui n’a rien dit et qui craint le regard brûlant des Andalouses. Don José a Micaëla qui correspond davantage à ses aspirations, à son style de vie, sous ses yeux, chaque jour se déroule un scénario analogue et pourtant il succombe à la sensualité enivrante de la gitane – un univers qui lui était étranger jusqu’alors. Cette rencontre impossible, ces désirs inconciliables vont sceller leur destin. Ils vont connaître la peur qui souvent conduit à des attitudes irrationnelles pendant que Micaëla chante : « Je dis que rien ne m’épouvante… » en se rendant dans la montagne, dans le repère des contrebandiers, pour tenter de ramener Don José, le déserteur, vers le droit chemin. Seule, l’évocation de la mère qui se meurt le décide à partir, à quitter momentanément la fille damnée. Mais ils se reverront… À propos de la scénographie et des costumes Je souhaitais un lieu unique simple avec des éléments, en l’occurrence des tables, qui construisent et de suggèrent des espaces fonctionnels me permettant de raconter ma Carmen. La scénographie épurée m’autorise à donner la véritable importance aux personnages, qui sont l’essence même de ce chef-d’œuvre. Ils sont bien plus importants que le décor. Au sol, des confettis noirs avec des reflets argentés remplacent le sable brûlant de l’arène. Le sol est l’image de ma perception de l’ouvrage avec ses aspects sombres et ses côtés clairs (d’où les reflets argentés). En somme, un sol manichéen qui illustre une dualité omniprésente tout au long de Carmen. Je souhaitais également qu’un éventail soit présent. Cet accessoire, très en vogue en Espagne, est instrument de séduction, à la fois subtil et provocateur, il est connu de toutes

les Espagnoles, particulièrement des Andalouses. Rapidement, il devient synonyme de la féminité et de l’imagination et l’art de s’en servir permet un badinage dans un langage qui lui est propre. Cet éventail est rapidement devenu un défi pour les équipes de construction du Grand Théâtre, auxquels je souhaite rendre hommage ici. Pour les costumes Andrea Schmidt-Futterer a imaginé une ligne qui garde une certaine neutralité et intemporalité, tout en ayant une certaine accroche hispanique. Nous avons essayé de ne pas oublier que nous sommes dans un monde de marginaux et que les sentiments des personnages sont plus importants que leur costume. En résumé, le contenu est plus essentiel que le contenant. Pour conclure Bizet, Meilhac et Halévy donnent la parole à des populations d’ordinaires exclues, à des marginaux. Ils ont réalisé une œuvre qui donne lieu à de nombreuses interprétations et qui interroge des composantes universelles et intemporelles de la vie : le fatum et la liberté, l’amour et la mort, le désir et la loi, sans oublier les rapports homme-femme et la sexualité. Il n’est pas étonnant alors que l’ouvrage continue à séduire et à demeurer l’un des plus joués du répertoire lyrique. Grâce à une écriture claire et nette, à l’emploi de moyens simples. Bizet est un mélodiste et un orchestrateur génial. Les personnages de Carmen se dessinent dans la clarté de ses rythmes et de ses mélodies. Bizet sait créer l’émotion, l’exotisme et l’illusion. Grâce à sa musique, la tragédie suit son cours avec ses doutes, ses moments de désespoir, mais aussi d’espoir. Carmen est un drame musical plus vrai que nature. Bizet a transformé la Carmen de la nouvelle de Mérimée, la Rom en mythe – une gitane qui possède la liberté de choisir son destin, céder ou mourir. Le mythe lui confère une intemporalité et une éternité qui rend la Carmencita, la cigarrera Sévillane, à la fois proche et fascinante, sans la priver de son mystère. J’espère pouvoir vous faire partager ma vision de cette éternelle danse à deux : de l’amour à la mort. Genève, le 8 août 2018

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Cigarreras de Sevilla Ricard Canals i Llambí, 1895 Collection privée Huile sur toile

Les cigarières de Séville de Théophile Gautier in: Voyage en Espagne, Folio classique, 1981

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uisque nous sommes en train de visiter les monuments, entrons quelques instants à la manufacture de tabac qui est à deux pas. Ce vaste bâtiment, très bien approprié à son usage, renferme une quantité de machines à râper, à hacher et triturer le tabac, qui font le bruit d’une multitude de moulins, et sont mises en activité par deux ou trois cents mules. C’est là que sont fabriqués el polvo sevillano, poussière impalpable, pénétrante, d’une couleur jaune d’or, dont les marquis de la Régence aimaient à saupoudrer leurs jabots et dentelle : la force et la volatilité de ce tabac sont telles, que l’on éternue dès le seuil des salles dans lesquelles on le prépare. Il se débite par livre et demi-livre dans des boîtes de fer-blanc. L’on nous conduisit aux ateliers où se roulent les cigares en feuilles. Cinq ou six cents femmes sont employées à cette préparation. Quand nous mîmes le pied dans leur salle, nous

fûmes assaillis par un ouragan de bruits : elles parlaient, chantaient et se disputaient toutes à la fois. Je n’ai jamais entendu un vacarme pareil. Elles étaient jeunes pour la plupart, et il y en avait de fort jolies. Le négligé extrême de leur toilette permettait d’apprécier leurs charmes en toute liberté. Quelques-unes portaient résolument à l’angle de leur bouche un bout de cigare avec l’aplomb d’un officier de hussards ; d’autres, ô muse, viens à mon aide ! d’autres... chiquaient comme de vieux matelots, car on leur laisse prendre autant de tabac qu’elles en peuvent consommer sur place. Elles gagnent de quatre à six réaux par jour. La cigarrera de Séville est un type, comme la manola de Madrid. Il faut la voir, le dimanche ou les jours de courses de taureaux, avec sa basquine frangée d’immenses volants, ses manches garnies de boutons de jais, et le puro dont elle aspire la fumée, et qu’elle passe de temps à autre à son galant.

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[de gauche à droite et de haut en bas]

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Ekaterina Sergeeva (Carmen) et Jean Chaize (L’Homme) ; Brigitte Cuvelier (La Femme) et Héloïse Mas (Mercédès) ; Ekaterina Sergeeva (Carmen), Sébastien Guèze (Don José) et le Chœur du Grand Théâtre ; Ekaterina Sergeeva (Carmen) et Sébastien Guèze (Don José) à l’écoute de Reinhild Hoffmann ; Jean Chaize (L’Homme) et Ildebrando D’Arcangelo (Escamillo) ; Ekaterina Sergeeva (Carmen), Melody Louledjian (Frasquita) et Ildebrando D’Arcangelo (Escamillo) ; Martin Winkler (Zuniga) et Ekaterina Sergeeva (Carmen) pendant les répétitions sur le plateau de l’Opéra des Nations en août 2018.

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RÉFÉRENCES À LIRE

O À ÉCOUTER

L’Avant-Scène Opéra N° 26 Paris, 1998. Georges Bizet, sa vie, son œuvre Camille Bellaigue Delagrave, Paris, 1890. La millième de Carmen Gabriel Fauré In : Le Figaro, Paris, 1904. The Fate of Carmen Evlyn Gould Baltimore, 1996 Bizet et l’Espagne Raoul Laparra Paris, 1935 Carmen, les racines d’un mythe Dominique Maingueneau Paris, 1984 Bizet : Carmen Susan McClary Cambridge University Press, 1992. Carmen Prosper Mérimée Paris, 1846. Bizet after 100 Years Dean Winton In : The Musical Times, vol 116, 1975.

Ordre de distribution : Carmen Don José Escamillo Micaëla

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Herbert von Karajan (DM) Scala de Milan, 1955 Cetra Opera Live, G. Simionato G. Di Stefano M. Roux R. Carteri Orchestre et Chœur de la Scala de Milan Georges Prêtre (DM) Opéra de Paris, 1964 EMI M. Callas R. Massard J.-P. Vauquelin A. Guiot Orchestre et Chœur de l’Opéra de Paris Claudio Abbado (DM) Londres, 1978 Deutsche Grammophon T. Berganza P. Domingo S. Milnes I. Cotrubas London Symphony Orchestra Ambrosian Singers

À REGARDER James Levine (DM) Franco Zeffirelli (MS) Metropolitan Opera, 1987 Deutsche Grammophon A. Baltsa J. Carreras S. Ramey L. Mitchell Metropolitan Opera Orchestra and Chorus

Antonio Pappano (DM) Francesca Zambello (MS) Covent Garden 2006 Decca A. C. Antonacci J. Kaufmann I. D’Arcangelo N. Amsellem Orchestra and Chorus of the Royal Opera House

Philippe Jordan (DM) David McVicar (MS) Glyndebourne Festival, 2002 Opus Arte A. S. von Otter M. Haddock L. Naouri L. Milne London Philharmonic Orchestra

Yannick Nézet-Séguin (DM) Richard Eyre (MS) Metropolitan Opera, 2010 Deutsche Grammophon E. Garanča R. Alagna T. T. Rhodes B. Frittoli Orchestra and Chorus of the Metropolitan Opera

Herbert von Karajan (DM) studio, 1982 Deutsche Grammophon A. Baltsa J. Carreras J. van Dam K. Ricciarelli Berliner Philharmoniker Chœur de l’Opéra de Paris Michel Plasson (DM) studio, 2002 EMI Classics A. Gheroghiu R. Alagna T. Hampson I. Mula Orchestre national du Capitole de Toulouse Chœur « Les Éléments »

POUR LES INTERNAUTES

1

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1

La partition imslp.org/wiki/Carmen_(Bizet,_Georges)

2

Le livret opera.stanford.edu/Bizet/Carmen/acte1.html

3

Carmen pour les nuls www.linflux.com/arts-vivants/carmen

4

Maria Callas chante « L’amour est un oiseau rebelle » www.youtube.com/watch?v=lspRhX5Vhhg

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À propos de Carmen sur Grove Music Online doi.org/10.1093/gmo/9781561592630.article.O008315

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CETTE ANNÉE-LÀ... GENÈVE EN 1875 par Gérard Duc (Prohistoire*)

Des églises qui changent de mains Le 13 mai, un détachement de gendarmes embarque à la gare de Cornavin dans le train de 10 heures 40, en compagnie de M. Comte, secrétaire du Département de l’intérieur et du commissaire Duvillard. À Meyrin, ils quittent le convoi. Les gendarmes demeurent au poste du village, alors que Comte et Duvillard, rejoints par le président du Conseil de paroisse de Meyrin, se rendent chez M. Caillat, maire. Arrivés chez le maire, ils exigent que leur soit remise la clef de l’église. Caillat les reçoit aimablement, leur offre un verre de vin, mais refuse d’accéder à la demande, évoquant un vote en ce sens du conseil municipal de Meyrin, sans ignorer toutefois que celui-ci a été aussitôt annulé par le Conseil d’État, dominé par l’anticlérical Antoine Carteret. Le détachement quitte le domicile du maire, se dirige vers l’église. Là, un serrurier force la porte. Dumont fait un rapide inventaire des biens de l’église et le serrurier remet au président du Conseil de paroisse la clef de la nouvelle serrure de l’église. Le village est demeuré paisible, le détachement de gendarmes n’a pas dû intervenir. En 1875, cette scène, consistant à inventorier les biens des églises et à transférer leur propriété aux communes conformément à la loi sur le culte catholique de 1873, se répète des dizaines de fois, notamment dans les communes réunies, mais également à l’église Notre-Dame, en ville. Les prêtres refusant généralement de prêter serment de fidélité au Conseil d’État, tel que l’exige la loi de 1873, on procède à l’expropriation des lieux de culte en faveur de l’Eglise catholique-chrétienne. Les échauffourées sont fréquentes. En début d’année, un détachement de cinq-cent hommes est envoyé à Compesière pour permettre à un curé catholique-chrétien de procéder à un baptême. L’épisode est demeuré célèbre sous le nom de « baptême à la baïonnette ». En octobre à Corsier, lors de l’installation du curé catholique-chrétien, la quarantaine de participants à la messe sont attendus à la sortie par plus de deux-cent personnes, dont quelques maires de communes réu-

nies. La foule hue et traite d’intrus et de voleur d’église le nouveau curé, protégé par une quinzaine de gendarmes.

* Prohistoire est un

Un quartier de Saint-Jean défiguré par l’industrie Avant l’inauguration de l’usine de la Coulouvrenière en 1882 et du réseau d’eau sous pression, fournissant aux industriels une énergie peu chère à domicile, le Rhône joue le rôle de moteur. Dans ce que l’on appelle alors le « creux de Saint-Jean », soit les pentes aboutissant depuis le rue de Saint-Jean à l’actuel quai du Seujet et à Sous-Terre, s’entassent meuneries, brasseries, glacières et autres industries, le tout agrémenté d’une intense circulation de chars. En 1875, un habitant ulcéré par la laideur de ce quartier, alors que partout ailleurs la ville s’embellit, offre un état des lieux digne d’Émile Zola : « Loin d’y trouver des trottoirs pour se garer des chevaux, les passants y trouvent, en quantité, des chars de meunier qu’on charge, des chars de brasseur dont l’allure ordinaire est la grande vitesse, des chars de paysan venant chercher le son de bière, des bosses qu’on roule et qu’on goudronne à feu, des chaudières de bateau à vapeur qu’on travaille à grand bruit, des charpentier, des scieurs de long et bien d’autres. » Auparavant, un observateur du quartier avait regretté le barrage de la voie ferrée, coupant depuis quelques années Saint-Jean, telle une fosse de fortification. Qu’elle semble alors loin cette belle campagne que Voltaire avait baptisé les « Délices », un peu plus d’un siècle auparavant.

Gérard Duc et

Les chiens pullulent En 1875, on compte plus de 1200 chiens en ville de Genève. L’année précédente, les autorités avaient abattu plus de 1300 chiens errants dans le canton. On soupçonne qu’une bonne partie d’entre eux avait un propriétaire en ville qui les avaient abandonnés.

Suisse. Un

atelier d’écriture de l’histoire créé en 2006 par Olivier Perroux, deux historiens indépendants issus du milieu académique. Prohistoire a participé à l’élaboration d’expositions, à la rédaction d’ouvrages historiques, dont une Histoire des énergies à Genève et à plusieurs projets historiques, notamment pour la Banque Lombard Odier & Cie. En 2015, dans le cadre des festivités du bicentenaire de l’entrée de Genève dans la Confédération suisse, Prohistoire a conçu l’exposition Genève et la bicentenaire en 200 chroniques, pour le compte de l’Association GE200.CH. Cette exposition a été présentée entre mai et fin juillet 2015 sur le quai Wilson.

www.prohistoire.ch

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LES CARMEN AU GRAND THÉÂTRE...

Renée Gilly Mars 1935 et avril 1945

Denise Scharley Mai 1953, octobre 1954, février 1957 & octobre 1959 au Grand Casino

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Lucienne Anduran Octobre 1948 & octobre 1950

Rosalind Elias Septembre 1964

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Ruza Baldani Avril 1977 Direction musicale : James Lockhart Mise en scène : Vaclav Kaslik © ARCHIVES GTG / MARCEL IMSAND

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Tatiana Troyanos Octobre 1970

Regina Sarfaty Octobre 1970

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Thomas Hampson (Don Giovanni) Della Jones (Zerlina) Grand Théâtre de Genève, saison 90-91 Direction musicale : Armin Jordan Denyce Graves Mise en scène : Matthias Langhoff Septembre 1993 © GTG / CAROLE PARODI Direction musicale : Gray Bertini Mise en scène : Adolfo Marsillach © ARCHIVES GTG / MARC VAN APPELGHEM

Sara Fulgoni avec John Ketilsson (Don José) Décembre 2000 Direction musicale : Alain Lombard Mise en scène : Christian Räth © ARCHIVES GTG / NICOLAS LIEBER

La première représentation de Carmen au Grand Théâtre de Genève a eu lieu le 30 mars 1880. Extrait du Journal de Genève du 30 mars 1880 : « Nous rappelons que c’est aujourd’hui qu’a lieu la représentation au bénéfice de M. Bergalonne (Chef d’orchestre, Ndlr). Nous sommes assurés qu’elle aura le succès des précédentes [...] M. Bergalonne nous apporte en outre une œuvre nouvelle pour Genève, Carmen, qui a obtenu partout un grand succès, et qui, dit-on, est montée avec un grand soin [...] ». et un autre extrait du 4 avril : « Mlle Lacourière a obtenu un beau succès pour sa représentation à bénéfice, vendredi. Une pluie de bouquets et de cadeaux a accueilli son entrée, saluée par un public nombreux. Carmen est un opéra qui gagne à être entendu plusieurs fois ; il renferme une foule de mélodies originales et une orchestration brillante [...] » De grandes interprètes du rôle sont également passées par Genève avant 1945 : la créatrice du rôle Célestine Galli-Marié, ainsi que Clotilde Bressler-Gianolli, Cécile Ketten, Marguerite de Nuovina, Geneviève Vix, Maria Gay ou encore Germaine Pape...

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PRODUCTION Orchestre de la Suisse Romande

Chefs de chant Todd Camburn Xavier Dami Assistant à la mise en scène Marcello Buscaino Assistant à la direction musicale Sébastien Bagnoud Assistante aux décors Annabel Lange Assistante aux costumes Monique Bertrand Assistants à la chorégraphie Brigitte Cuvelier Jean Chaize Régisseur de production Jean-Pierre Dequaire Chef de plateau Gabriel Lanfranchi Régisseur Valérie Tacheron Régie lumières Sylvain Kuntz Réalisation des surtitres Richard Neel Régie surtitres Joëlle-Anne Cavat Roulin

Premiers violons Svetlin Roussev Bogdan Zvoristeanu Abdel-Hamid El Shwekh Medhat Abdel Salam Yumiko Awano Caroline Baeriswyl Linda Bärlund Elodie Bugni Theodora Christova Yumi Kubo Dorin Matea Florin Moldoveanu Bénédicte Moreau Muriel Noble Hisayuki Ono Yin Shen

Seconds violons Sidonie Bougamont François Payet-Labonne Claire Dassesse Rosnei Tuon Kerry Benson Florence Berdat Gabrielle Doret Véronique Kümin Ines Ladewig Claire Marcuard Eleonora Ryndina François Siron Claire Temperville-Clasen David Vallez Cristian Vasile Altos Frédéric Kirch Elçim Özdemir Emmanuel Morel Barry Shapiro Hannah Franke Hubert Geiser Stéphane Gontiès Denis Martin Béatrice Nachin Verena Schweizer Catherine Soris Orban Yan Wei Wang Violoncelles Cheryl House Brun Hilmar Schweizer Jakob Clasen Laurent Issartel Yao Jin Olivier Morel Caroline Siméand Morel Silvia Tobler Son Lam Trân

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Contrebasses Héctor Sapiña Lledó Bo Yuan Jonathan Haskell Alain Ruaux Mihai Faur Adrien Gaubert Gergana Kusheva Trân Ivy Wong

Trombones Matteo De Luca Alexandre Faure Vincent Métrailler Andrea Bandini Laurent Fouqueray

Flûtes Sarah Rumer Loïc Schneider Raphaëlle Rubellin Ana Naranjo Jerica Pavli

Timbales Arthur Bonzon Olivier Perrenoud

Flûtes piccolos Ana Naranjo Jerica Pavli Hautbois Nora Cismondi Vincent Gay-Balmaz Alexandre Emard Sylvain Lombard

Tuba Ross Knight

Percussions Christophe Delannoy Michel Maillard Michael Tschamper Harpe Notburga Puskas

Clarinettes Dmitry Rasul-Kareyev Michel Westphal Benoît Willmann Camillo Battistello Guillaume Le Corre Bassons Céleste-Marie Roy Afonso Venturieri Francisco Cerpa Román Vincent Godel Katrin Herda Cors Jean-Pierre Berry Julia Heirich Isabelle Bourgeois Alexis Crouzil Pierre Briand Clément Charpentier-Leroy Trompettes Olivier Bombrun Stephen Jeandheur Gérard Métrailler Claude-Alain Barmaz Laurent Fabre

Pratique d’orchestre (Étud. DAS) Clémentine Leblanc, violon Juliette Kowalski, alto Agnès Chopin, cor Pascal Martin, percussions

Directeur musical & artistique Jonathan Nott Administratrice générale Magali Rousseau Production Guillaume Bachellier (délégué) Régie du personnel Grégory Cassar (principal) Mariana Cossermelli (adjointe) Régie technique Marc Sapin (superviseur & coordinateur) Vincent Baltz (coordinateur adjoint) Frédéric Broisin (régie de scène) Aurélien Sevin (régie de scène)

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Chœur du Grand Théâtre de Genève Sopranos Fosca Aquaro Magali Duceau Chloé Chavanon Floriane Coulier* Gyorgyi Garreau Oihane Gonzalez* Nicola Hollyman Victoria Martynenko Iana Iliev Martina Möller-Gosoge Iulia Elena Preda Cristiana Presutti

Altos Vanessa Beck-Hurst Audrey Burgener Marianne Dellacasagrande Varduhi Khachatryan Mi-Young Kim Céline Kot Stéphanie Mahue* Coralie Quellier* Marie-Hélène Ruscher* Céline Soudain* Mariana Vassileva Chaveeva

Ténors Jaime Caicompai Yong-Ping Gao Rémi Garin Omar Garrido Shangun Lee Lyonel Grelaz Valerón Nauzet José Pazos Terige Sirolli Georgi Sredkov Bisser Terziyski

Basses Krassimir Avramov Wolfgang Barta Romaric Braun Nicolas Carré Phillip Casperd Aleksandar Chaveev Peter Baekeun Cho Christophe Coulier Harry Draganov Rodrigo Garcia Seong-Ho Han Dimitri Tikhonov

* Chœur complémentaire

Maîtrise du Conservatoire populaire de musique, danse & théâtre Garçons Luca Barrillier Simon Berrebi Geroge Birbeck Yan Bossi Maxence Eggly Remi Ferreira Luke Moreno

Filles Kimia Besse Calypso Blame Lucia Brulhart Guilan Farmanfarmaian Héloïse Lubomirski Anna Manmzoni Astrid Pfyffer Leni Ramseier Gaelle Saliou Stella Signoretti

Figuration Hommes Alexandre Alvarez Alexandre Juillet Yon Costes     Harutyun Andoyan Youri Joly  Fabio Bergamaschi

Personnel technique auxiliaire Technique de scène Éclairage Yannick Bayala Jean-Claude Héritier Juliette Ricabonni Lionel Rocher Romain Toppano Cédric Valla Alessandra Vigna Son & vidéo Alexandre Averty Youssef Kharbouch

Perruques-maquillage Carole Schoeni (co-responsable) Nicole Chatelain Delfina DeGiorgi Nicole Hermann-Babel Christina Simoes Séverine Uldry Habillage Valentin Dorogi Anne-Laure Futin Sylviane Guillaume Célia Haller Ljubica Marcovic

Ateliers costumes Couture Yulendi Ramirez

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BIOGRAPHIES John Fiore

Reinhild Hoffmann

Né à New York, John Fiore débute à l’âge de 14 ans comme pianiste et répétiteur lors de la nouvelle production du R i n g au Seattle Opera. En 1986, il devient l’assistant de Zubin Mehta au Maggio Musicale de Florence et de Daniel Barenboim au Festival de Bayreuth. Il commence sa carrière de chef d’orchestre en 1986 au San Francisco Opera avec Faust de Gounod, puis fait ses débuts aux opéras de Santa Fe, Chicago et au Metropolitan. Entre 1999 et 2009, il est Chefdirigent du Deutsche Oper am Rhein et aussi Generalmusikdirektor des Düsseldorfer Symphoniker. Il dirige des orchestres tels les Boston Symphony, Minnesota Orchestra, Staatskapelle Dresden, Toronto Symphony, Bamberger Symphoniker, Gürzenich-Orchester et de l’Accademia Santa Cecilia. Parmi les temps forts de sa carrière, citons : Rusalka au Metropolitan en 1993, Les Troyens à Sydney en 1994 et le premier Ring depuis la guerre à Prague en 2005, coproduit avec le Deutsche Oper am Rhein. Il participe aussi à plusieurs créations mondiales, dont Madame Mao de Bright Sheng à Santa Fe et Vipern de Christian Jost à Düsseldorf. De 2009 à 2015, il est le directeur musical de l’opéra d’Oslo, où il dirige notamment Ariadne auf Naxos, Tosca, Lulu, Tristan und Isolde, Peter Grimes, Salome, Le Grand Macabre, Lohengrin, Madama Butterfly et Der fliegende Holländer. Parmi ses engagements récents : La Bohème, Les Troyens et Otello au Sächsische Staatsoper, Der fliegende Holländer et Tosca au Deutsche Oper Berlin, Aida au Seattle Opera et Madama Butterfly au Santa Fe Opera. Projets : Der fliegende Holländer à Dresde, Turandot à Berlin et Tosca à Barcelone.

Reinhild Hoffmann appartient à la génération pionnière du Tanztheater allemand. Elle est formée à la Folkwang- Hochschule d’Essen, sous la direction de Kurt Joos. En 2017, elle a présenté C a l l a s , une de ses pièces chorégraphiques emblématiques, avec le Ballet du Grand Théâtre de Genève. Dès 1978, lorsqu’elle prend la direction du Bremer Tanztheater, ses chorégraphies se transforment en « pièces » qui racontent un thème. En tant que directrice à Brême, elle confronte chorégraphie et œuvres du répertoire lyrique ; « l’artificialité » du mot chanté devient la référence pour le mouvement à imaginer. En 1992, elle signe sa première mise en scène d’opéra à Bonn avec Il Tabarro de Giacomo Puccini, ne travaillant qu’avec des chanteurs. Sa tendance, à utiliser son langage chorégraphique pour le théâtre musical, se développe dans les œuvres suivantes. À Francfort, en 1995, pour Idomeneo de Mozart, à chaque chanteur correspond un double, un danseur qui devient une expression corporelle strictement développée à partir de la musique. Pour les quatre productions qu’elle réalise à Lucerne, entre 1999 et 2002, Die tötliche Blume de Salvatore Sciarrino, Kafka-Fragmenten de György Kurtág, Don Giovanni et Betulia liberata de Wolfgang Amadeus Mozart, Reinhild Hoffmann utilise les structures musicales et dramaturgiques des œuvres de manière très différente. En 2003, elle met en scène la création mondiale de Beat Furrer, Begehren, présentée à la Ruhrtriennale et qui est nommée « meilleure création de l’année 2003 » par le magazine Opernwelt. Parmi les autres opéras, on peut citer : Ariadne auf Naxos au Staatsoper de Berlin, Iphigénie en Tauride, Dialogues des carmélites, Lohengrin, Tristan und Isolde, ou encore Macbeth de Salvatore Sciarrino. Au Grand Théâtre de Genève, elle signe sa première mise en scène de Carmen.

Au Grand Théâtre de Genève : Parsifal 09-10, Andrea Chénier 11-12, Nabucco 13-14, Falstaff 15-16, Norma 16-17.

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© BETTINA STOESS

Mise en scène & scénographie

© JOCHEN QUAST

Direction musicale

Au Grand Théâtre de Genève : Callas 17-18.

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Lumières

Née à Mannheim, Andrea Schmidt-Futterer est engagée à la Schaubühne de Berlin de 1980 à 1984, puis au Schauspielhaus de Bochum de 1986 à 1995 et, comme professeur, à la Hochschule für bildende Kunst de Hambourg de 1992 à 1999. Elle travaille avec des metteurs en scène tels Peter Mussbach (De la maison des morts à Bruxelles, Lulu et Doktor Faust à Salzbourg, Macbeth et Der ferne Klang à Berlin, Arabella au Châtelet, La Traviata à Berlin et à Aix-en-Provence, Wozzeck et Carmen à Zurich), Nikolaus Lehnhoff (Parsifal à l’English National Opera, Der fliegende Holländer à Chicago, Turandot à Amsterdam et Tristan und Isolde à Glyndebourne, Dialogues des Carmélites à Hambourg) et Lukas Hemleb (La Scala di seta à Mannheim, Giulio Cesare à Dortmund, Niobe, Regina di Tebe à Luxembourg et à Londres, Turandot à Milan). Elle crée les costumes de Saint François d’Assise et Der fliegende Holländer à San Francisco, Perelà de Dusapin et La Fanciulla del West à Paris (Opéra national), Les Troyens à Amsterdam, Moses und Aron, La Traviata et Ariadne auf Naxos à Berlin (Staatsoper), Arabella à Londres (Covent Garden), Wozzeck à Tokyo (Saito Kinen), Billy Budd et Manon Lescaut à Munich (Staatsoper), Salome, Amadis de Gaule, Il Barbiere di Siviglia et Salome à Dresde, Pelléas et Mélisande à Essen, Der fliegende Holländer à Los Angeles et à Strasbourg et Stiffelio à Mannheim. Récemment, elle signe les costumes de South Pole à Munich, Mitridate et Il Barbiere di Siviglia à Mannheim, La Traviata et Don Giovanni à Wiesbaden, Guillaume Tell à New York (Met), Orest à Zurich, Ariadne auf Naxos à Berlin, Aida à Bruxelles et Lucio Silla à Bâle. Projet : Rigoletto à Wiesbaden.

Basé à Berlin, Alexander Koppelmann est engagé en 1981 en tant que temporaire à la Schaubühne de Berlin, alors qu’il passe un doctorat en économie. Il choisit ensuite d’orienter sa carrière vers le théâtre et, dès 1985, travaille à la Schaubühne en tant qu’employé fixe, et y crée les lumières de spectacles dès 1989. Il débute à l’opéra avec Salome au Festival de Salzbourg en 1992. Il travaille en tant qu’indépendant dès 1998 dans les majeurs théâtres, opéras et festivals en Allemagne, en Europe, aux États-Unis, au Brésil et au Japon, avec des metteurs en scène tels Luc Bondy, Andrea Breth, Nicolas Brieger, Peter Mussbach et Nikolaus Lehnhoff. Parmi ses dernières réalisations figurent : L’Orfeo, Il Ritorno d’Ulisse in patria et L’Incoronazione di Poppea de Monteverdi avec Barrie Kosky au Komische Oper de Berlin, Madama Butterfly avec Àlex Ólle et La Fura dels Baus à l’Opera Australia, Bluthaus avec Peter Mussbach aux Wiener Festwochen, Medée avec Nicolas Brieger au Theater Basel, Macbeth et Manon Lescaut au De Nederlandse Opera d’Amsterdam, Jacob Lenz à l’Oper Stuttgart, à La Monnaie de Bruxelles et au Staatsoper Berlin, Barbe-Bleue aux Wiener Festwochen, Il Prigioniero et Das Gehege à La Monnaie et à l’Oper Stuttgart dans des mises en scène d’Andrea Breth.

© DR

Costumes

Au Grand Théâtre de Genève : Die tote Stadt 05-06, Salome

Au Grand Théâtre de Genève : The Turn of the Screw 02-03,

08-09, Nabucco 13-14, Iphigénie en Tauride 14-15, Falstaff 15-16.

Die tote Stadt 05-06, Salome 08-09, Falstaff 15-16, Callas 17-18.

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Andrea Schmidt-Futterer Alexander Koppelmann

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BIOGRAPHIES

Ekaterina Sergeeva

Héloïse Mas

Ekaterina Sergeeva a chanté de nombreux rôles au Mariinski comme Niklausse / la Muse (Les Contes d’Hoffmann), Pauline (La Dame de pique), Olga (Eugène Onéguine) et, plus récemment, Dulcinée (Don Quichotte) et Mademoiselle Blanche (Le Joueur). Elle est invitée au Bolchoï pour y chanter Un pâtre / l’Écureil / le Chat / la Bergère Louis XV (L’Enfant et les Sortilèges) en 2014 et 2015. Elle interprète Olga au Festival de Glyndebourne, au Bayerische Staatsoper, au théâtre Mikhailovsky de Saint-Pétersbourg et au Deutsche Oper Berlin. Plus récemment, elle est Mademoiselle Blanche à l’Opéra de Monte-Carlo, Laura du Convive de pierre de Dargomyjski au Bolchoï, Olga au Sommerfestspiele de Baden-Baden, Carmen au théâtre Novat de Novosibirsk et Flosshilde de Das Rheingold à la Cité de la Musique à Paris.

Après avoir étudié le piano et l’orgue, Héloïse Mas intègre le Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Lyon où elle obtient son Master en chant en 2015, mention très bien à l’unanimité avec les félicitations du jury. Choisie par l’ADAMI comme « Révélations Talents Classiques 2014 », elle participe au festival Pablo Casals de Prades en 2014, et fait partie du concert des Révélations aux Chorégies d’Orange en 2015. Elle fait ses débuts londoniens en 2015 lors du Concert pour le Jour de l’Europe, à Saint John Smith Square. Elle est rapidement invitée à se produire sur scène et fait, en 2013, ses débuts à l’Opéra national de Lyon dans le rôle de Sœur Mathilde des Dialogues des Carmélites, période pendant laquelle elle participe à l’enregistrement de l’album de Joyce DiDonato, Stella di Napoli. En 2014, elle fait ses débuts à l’Opéra national de Montpellier en Lazulli (L’Étoile) et participe à la production 2014 du European Opera Centre à Liverpool, où elle chante Dorabella (Così fan tutte). On a pu l’entendre dans Roméo et Juliette (Stéphano) à Oman avec l’opéra de Monte-Carlo, Orlando paladino (Alcina) à Fribourg et Lausanne, La Périchole (rôle-titre) au festival de Saint-Céré et d’Antibes, Don César de Bazan (Lazarille) avec les Frivolités Parisiennes, à Compiègne et Reims, lors d’une invitation du Morocco’s Solar Festival et un récital Duparc à Mont-de-Marsan, dans Rigoletto (Maddalena) à Nice, dans la création Why should I give up my fun ? de Susannah Self à Vienne, dans Faust (Siebel) à Monte-Carlo et Le Roi Carotte (Robin Luron) à Lille. Parmi ses projets : BarbeBleue (Boulotte) à Lyon.

Carmen • Mezzo-soprano

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Carmen / Mercédès • Mezzo-soprano

Au Grand Théâtre de Genève : Fantasio (Flamel) et Figaro-ci, Débuts au Grand Théâtre de Genève.

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Figaro-là (Artiste lyrique) 17-18.

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BIOGRAPHIES

Sébastien Guèze

Sergej Khomov

Sébastien Guèze est originaire des montagnes ardècheoises, il étudie le chant à Nîmes, en parallèle d’une Maîtrise à l’université de Montpellier. Il intègre le CNSM de Paris, d’où il sort premier avec les félicitations du jury. Il est nommé aux Victoires de la musique et obtient le Grand Prix du public ainsi que le 2ème prix du Concours Plácido Domingo – Operalia. Son premier Rodolfo à Athènes par Graham Vick, lui ouvrira les portes d’une carrière internationale, rôle qu’il chantera fréquemment (La Fenice, La Monnaie, Helsinki, Liège, Cologne, Bordeaux…). Il interprète Alfredo (La Traviata) à Dresde, Bruxelles et Varsovie, Roméo à HongKong, Amsterdam et Miami, Hoffmann (Les Contes d’Hoffmann) à Essen, Bonn et Wiesbaden, Nemorino (L’Elisir d’amore) à São Paulo, Il Duca (Rigoletto) à Guadalajara, Faust à Toulon et  Wroclaw, Pinkerton (Madama Butterfly) en Avignon, Pelléas à Nice, Nadir (Les Pêcheurs de perles) à Strasbourg, Le Chevalier de La Force (Dialogues des Carmélites) à Lyon, Werther à Metz et Reims, Le Chevalier Des Grieux (Manon) à Marseille. Il participe à la redécouverte du répertoire français, interprétant des rôles comme Gaston (Jerusalem) à Bonn, Fabrice Del Dongo (La Chartreuse de Parme) à Marseille, Pyrrhus (Andromaque) au théâtre des Champs-Élysées, Mylio (Le Roi d’Ys) à l’Opéra Comique de Paris, Christian (Cyrano) à Detroit et Miami. Récemment, il est Hoffmann au Semperoper de Dresde et Maurizio (Adriana Lecouvreur) à Saint-Étienne, grandement salué par la critique. Ses projets le porteront aux États-Unis à Charlotte pour Lensky (Eugène Onéguine), en France pour Madama Butterfly et pour ses débuts à Vienne dans La Vestale.

Sergej Khomov étudie le chant dans sa ville natale Odessa au conservatoire Nezhdanova auprès de Nikolaï Ogrenitch. Dès 1991, il se produit sur des scènes comme le Bolchoï, le Mariinski, le Teatro Colón, La Fenice, le Berliner Staatsoper, le Wiener Volksoper, les opéras de Lisbonne, Lyon, Gênes et Amsterdam. Dès la saison 1996-1997, il fait partie de la troupe du Deutsche Oper am Rhein. À son répertoire figurent des rôles comme Alfredo (La Traviata), Lensky (Eugène Onéguine), Des Grieux (Manon), Edgardo (Lucia di Lammermoor), Julien (Louise de Charpentier), Méphistophélès / Agrippa von Nettelsheim (L’Ange de feu), le Prince (Rusalka), les rôles-titres de Don Carlos, Les Contes d’Hoffmann et Werther. En 2010, il est salué au Theater Basel en Radamès dans une mise en scène de Calixto Bieito d’Aida. Il travaille régulièrement avec des chefs tels que Marc Minkowski et Daniel Barenboim. Durant la saison 2017-2018 du Deutsche Oper am Rhein, il interprète notamment Hoffmann, Radamès, Riccardo (Un ballo in maschera) et Turiddu (Cavalleria rusticana). Parmi ses projets : Grigori (Boris Godounov) au Grand Théâtre de Genève, Grimaldi (Schade, dass sie eine Hure war), Agrippa von Nettelsheim et Hermann (La Dame de pique) au Deutsche Oper am Rhein.

Don José • Ténor

Au Grand Théâtre de Genève : La Bohème (Rodolfo) 16-17.

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Don José • Ténor

Débuts au Grand Théâtre de Genève.

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BIOGRAPHIES

Micaëla • Soprano

Né à Pescara, il étudie le chant auprès de Maria Vittoria Romano, puis à Bologne auprès de Paride Venturi. Il est lauréat des concours Toti Dal Monte en 1989, où il chante Masetto (D o n G i o v a n n i ) et Don Alfonso (Così fan tutte) et Premio Abbiati en 2002. Il obtient le titre de Kammersänger au Wiener Staatsoper en 2014. Parmi les temps forts de sa carrière figurent : Don Giovanni au Festival de Salzbourg et au Los Angeles Opera, Fiesco (Simon Boccanegra), Alidoro (La Cenerentola) et le Comte Almaviva (Le Nozze di Figaro) au Wiener Staatsoper, Méphistophélès (La Damnation de Faust) à l’Opéra royal de Wallonie, Don Pasquale au Lyric Opera of Chicago, Attila aux opéras de Bilbao et Bologne, Selim (Il Turco in Italia) à Covent Garden, Méphistophélès (Faust) au Deutsche Oper Berlin, Almaviva au Staatsoper Berlin, Escamillo (Carmen) et Figaro (Le Nozze di Figaro) au Bayerische Staatsoper. Récemment, il interprète Mephisto (Faust) au Deutsche Oper Berlin, Selim (Il Turco in Italia) au Bayerische Staatsoper, Dulcamara (L’Elisir d’amore) au Metropolitan Opera, Banco (Macbeth) au Los Angeles Opera et au Teatro Real, Filippo II (Don Carlo) au Deutsche Oper Berlin, Leporello (Don Giovanni) au Royal Opera House, Don Giovanni au San Francisco Opera et Hessisches Staatstheater. De sa vaste discographie, citons : Don Giovanni, Le Nozze di Figaro, L’Elisir d’amore, Anna Bolena, un album solo d’airs de Händel et de Mozart (Deutsche Grammophon), Carmen et I Puritani (Decca) et le Stabat Mater de Rossini (Warner Classics), tous salués par la critique. Parmi ses projets : Almaviva à Berlin, Don Giovanni à Bologne et Dresde, Méphisto à Liège, Alvise Badoero (La Gioconda) à Barcelone.

Native d’Auburn dans l’Alabama, Mary Feminear est diplômée de l’université Columbia et de la Juilliard School. Elle a ensuite été sélectionnée pour participer à l’Internationale Meistersinger Akademie à Neumarkt. Elle est engagée pour La Descente d’Orphée aux enfers dans une production du Gotham Chamber Opera et dans le rôle de Polinessa dans Radamisto de Händel, sous la direction de Julian Wachner et mis en scène par James Darrah. Elle se produit dans La Resurrezione (Maria Maddalena) de Händel, sous la direction de William Christie et dans la Passion selon saint Mathieu à l’Alice Tully Hall sous celle de Gary Thor Wedow. Durant la saison 2014- 2015, elle interprète Pamina dans une production du Pacific MusicWorks de Die Zauberflöte, dirigée par Stephen Stubbs. Elle fait ses débuts au Seattle Opera avec le rôle-titre de Semele de Händel, sous la direction de Gary Thor Wedow. En 2015-2016, elle fait aussi ses débuts à l’Opera Omaha en Semele, avec Stephen Stubbs à la direction d’orchestre et James Darrah à la mise en scène. Récemment, elle est Messaggiera (L’Orfeo de Monteverdi) au Pacific MusicWorks et Amore (Il Giasone) à l’Opéra royal de Versailles (dans la production du Grand Théâtre de Genève).

© UWE ARENS

Escamillo • Baryton-basse

© KRISTIN HOEBERMANN

Ildebrando D’Arcangelo Mary Feminear

Au Grand Théâtre de Genève : A Midsummer Night’s Dream (Helena), Die Zauberflöte (Papagena), Falstaff (Nanetta) 15-16, Manon (Javotte) 16-17, Scènes de la vie de bohème (Mimì), La Bohème (Musetta), Il Giasone (Amore), Orleanskaya Deva

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Au Grand Théâtre de Genève : Don Giovanni (rôle-titre) 09-10,

(Agnès Sorel) 16-17, Il Barbiere di Siviglia (Berta), Don Giovanni

Le Nozze di Figaro (Comte Almaviva) 17-18.

(Zerlina) 17-18.

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BIOGRAPHIES

Adriana González

Carine Séchaye

Adriana González est née en 1991 au Guatemala. En 2009, elle remporte le New Upcoming Artist Award à la Hemeroteca Nacional de Guatemala. Elle poursuit ses études à l’Universidad del Valle où elle obtient en 2012 un « Bachelor of Arts ». En 2014, elle fait parti de l’Atelier lyrique de l’Opéra national de Paris où elle incarne Zerlina (Don Giovanni), Diane et la 1ère Prêtresse (Iphigénie en Tauride), Despina (Così fan tutte), Sapho et Iphise (Les Fêtes d’Hébé). Elle donne des récitals à l’Auditorium du Louvre, ainsi que des concerts à l’Amphithéâtre de l’Opéra Bastille, le Teatro de la Zarzuela et au Teatro Real de Madrid. Avant de terminer son engagement à l’Atelier lyrique, elle reçoit le Prix Lyrique 2017 du Cercle Carpeaux. En 2016, elle remporte le 3 ème prix à la Veronica Dunne International Singing Competition, elle remporte le 1er prix à la Otto Edelmann Competition, ainsi que le prix du Oper Burg Gars, lui valant d’interpréter Pamina (Die Zauberflöte) en 2017. Cette même année, elle remporte notamment le 2ème prix au concours Francisco Viñas au Grand Teatre del Liceu, où plus tard elle interprètera Corinna (Il Viaggio a Reims). En 2017-2018 elle fait parti du IOS de l’Opernhaus Zürich où elle interprète Berta (Il Barbiere di Siviglia), Erstes Blumenmädchen (Parsifal), Annina (La Traviata) et Alice (Le Comte Or y). Elle fait ses débuts à l’Opéra de Nancy avec Lia (L’Enfant Prodigue). Parmi ses projets : Gianetta (L’Elisir d’amore) à l’Opéra Bastille et au Teatro Real de Madrid, Brigitta (Iolanta) au Palais Garnier, Liù (Turandot) à l’Opéra de Toulon, Tebaldo (Don Carlo) au Teatro Real de Madrid, Micaëla à l’Opernhaus Zürich et Mimì (La Bohème) au Grand Teatre del Liceu.

Ca r i ne Séc h aye est née à Genève où elle obtient ses diplômes de chant et de comédienne au Conservatoire. Elle se perfectionne ensuite à l’Opéra Studio de Zurich. Elle est l au ré at e d e s co n co u r s Voix d’or (3ème prix), Ernst Haefliger (prix du meilleur candidat suisse), Operalia Plácido Domingo (prix Zarzuela) et Toulouse Mélodie française (2 ème prix). Elle fait ses débuts à Zurich puis à Lausanne et part en tournée au Japon en interprétant Mercédès (Carmen). Parmi ses engagements : l’Enfant (L’Enfant et les Sortilèges) à MonteCarlo, la Périchole à Limoges, Sélysette (Ariane et Barbe-Bleue) à Dijon, le rôle-titre de L’Aiglon à Lausanne et à Tours, rôle dans lequel elle obtient un immense succès. Elle est réinvitée à Lausanne pour chanter Hänsel und Gretel (Hänsel) et Faust (Siébel) et se produit dans Andrea Chénier (Bersi) à Zurich, La Scala di seta (Lucilla) à Paris (Théâtre des Champs-Élysées), Così fan tutte (Dorabella) à Tours, Roméo et Juliette (Stéphano) à Monte-Carlo et en tournée à Oman. L’opéra de Darmstadt lui confie les rôles de Mélisande et du Chevalier à la rose. Dernièrement, elle était Boulotte dans Barbe-Bleue à Nantes, Angers et Rennes, Carmen à Bienne/Soleure, Berta dans Il Barbiere di Siviglia à Avenches, Die Zauberflöte (2ème Dame) à Nice et Don Carlo (Tebaldo) à Marseille. Carine Séchaye se produit aussi dans de nombreux concerts et récitals. Ses projets : Annina (La Traviata) à Marseille, Wellgunde (Das Rheingold) au Grand Théâtre de Genève, Dido (Dido and Æneas) à Bienne.

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Mercédès • Mezzo-soprano

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Micaëla • Soprano

Au Grand Théâtre de Genève : Salome (Le Page d’Hérodias) 08-09, La Petite Zauberflöte (2 ème Dame), L’Amour des trois oranges (Sméraldine), Il Barbiere di Siviglia (Berta) 10-11, Elektra (3ème Servante), 10-11, Mignon (Frédéric), La Petite Zauberflöte

Débuts au Grand Théâtre de Genève.

(2ème Dame), Andrea Chénier (Bersi) et récital 11-12.

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BIOGRAPHIES

Melody Louledjian

Jérôme Boutillier

Après un 1er prix de piano, puis de chant au CNSM de Lyon, ainsi qu’à la Hochschule de Vienne, elle débute sa carrière au Grand Théâtre de Bordeaux en 2009 dans Le Balcon de Péter Eötvös. En juin dernier, elle incarne sa première Violetta / La Traviata à l’Opéra de Ténérife. Elle chante des rôles comme Musetta (La Bohème), le Feu, le Rossignol (L’Enfant et les Sortilèges), Elvira (L’Italiana in Algeri), Eurydice (Orphée aux Enfers), Woglinde (Das Rheingold), Wald-vogel (Siegfried), la 5 ème Servante (Elektra), Adèle (Die Fledermaus), Naïade (Ariadne auf Naxos), Élise (Le Dilettante), Ciboulette, la 1 ère Servante ( L e N a i n ) , O b e r t o ( A l c i n a ) , D a s  F r ä u l e i n (Die Gespenstersonate), Gabrielle (La Vie parisienne), Bergère (La Pastorale), Girandole (La Cour du roi Pétaud) et les Carmina Burana, sur des scènes comme le Grand Théâtre de Bordeaux, l’Opéra Comique, le Bayerische Staatsoper, les opéras de Paris, Nice, Lausanne, Avignon, Nancy, St-Étienne, Vichy, Reims, les théâtres du Châtelet, de Reggio Emilia, de Luxembourg, les Chorégies d’Orange, l’Auditorium de Lyon, la Philharmonie de Paris et de la Radio Suisse Romande. Très à l’aise dans le répertoire contemporain, elle chante dans de nombreux festivals internationaux ; elle est régulièrement invitée par des ensembles comme, l’Intercontemporain, Contrechamps, Ensemble Modern, Klangforum... Parallèlement à sa carrière de soliste, elle donne régulièrement des classes de maître à la HEM Genève, ainsi que dans plusieurs conservatoires en France.

Révélation classique de l’ADAMI 2016, Jérôme Boutillier est diplômé du Pôle supérieur d’enseignement artistique Paris Boulogne-Billancourt. Il y a interprété le rôle d e   F i g a r o  ( I l B a r b i e r e di Siviglia) mis en scène par Alain Garichot. Finaliste du concours international de chant de Clermont-Ferrand en 2015, il a chanté en 2015 Escamillo (Carmen) à la Salle Ravel de Levallois avec le Jeune Orchestre Symphonique Maurice Ravel. On le retrouve au Concert des Révélations classiques au Théâtre des Bouffes-du-Nord à Paris en 2016. En 2017, il chante Don Sanche (Le Cid ou Chimène d’Antonio Sacchini), dans une coproduction de l’ARCAL et du CMBV, avec le Concert de la Loge Olympique sous la direction de Julien Chauvin, création en Île-de-France et en tournée dans toute la France, et remporte le 2ème prix au Concours international de chant de Marmande. En 2018, il interprète le Roi dans Le Tribut de Zamora de Gounod avec le Palazzetto Bru Zane au Prinzregententheater de Munich et Valentin dans Faust aux Nuits lyriques de Marmandais. Parmi ses projets : Tarare (Urson / Un esclave / Un prêtre) au Theater an der Wien en 2018, Dante (Bardi) et Cendrillon (le Précepteur Alidor) à l’Opéra Théâtre de Saint-Étienne et Maître Péronilla (le Corrégidor / Bridoison) au Théâtre des Champs-Élysées en 2019.

© BÉRANGÈRE LUCET

Moralès • Baryton

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Frasquita • Soprano

Au Grand Théâtre de Genève : concert autour d’Arthur Honegger 12-13, Le Nozze di Figaro (Barbarina) 16-17, Fantasio (La princesse Elsbeth), Le Baron Tzigane (Arsena), Cavalleria rusticana (Lola) 17-18.

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Débuts au Grand Théâtre de Genève.

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BIOGRAPHIES

Martin Winkler

Ivan Thirion

Originaire de Bregenz, Martin Winkler a étudié à l’Universität für Musik und Darstellende Kunst de Vienne. Il fait des débuts remarqués dans le rôle de Klingsor (Parsifal) en 2011 à Tallinn, avant de reprendre le rôle à Stuttgart dans une production de Calixto Bieito, sous la direction de Sylvain Cambreling. En 2009, il entre dans la troupe du Wiener Volksoper, où il chante des rôles comme Bartolo (Il Barbiere di Siviglia), Frank (Die Fledermaus), Kaspar (Der Freischütz) ou Keçal (La Fiancée vendue). Ces dernières saisons, on a pu l’entendre dans le rôletitre de Gogol de Lera Auerbach au Theater an der Wien, dans celui du Grand Macabre au Komische Oper Berlin, Simone d’Eine florentische Tragödie à Lyon, le Père de Hänsel und Gretel à Prague, Alberich du Ring au Festival de Bayreuth 2013, rôle qu’il reprend au Festival Enescu à Bucarest. Il est à nouveau Klingsor à l’opéra royal de Stockholm, puis interprète Orest (Elektra) à Varsovie, Graf Waldner (Arabella) au Metropolitan, Mamma Agata (Viva la mamma) et Don Pizzaro (Fidelio) au Wiener Volksoper, Wozzeck au Festival George Enescu et à Graz, le Dompteur et l’Athlète (Lulu) au Bayerische Staatsoper et au Metropolitan Opera, Alberich à Nuremberg, Doctor Mors (Maskarade) et Platon Kuzmich Kovalev (Le Nez) à Covent Garden, Brighella (Das Liebesverbot) et Der Lautsprecher (Der Kaiser von Atlantis) au Teatro Real, Dr Wilhelm Reischmann (Elegie für junge Liebende) au Theater an der Wien, Alberich au Theater an der Wien, au Wiener Staatsoper et Deutsche Oper am Rhein et Bartolo au Wiener Staatsoper. Parmi ses projets : Gianni Schicchi au Wiener Volksoper, Graf Waldner et Keçal au Sächsische Staatsoper, l’Archevêque (La Pucelle d’Orléans) au Theater an der Wien et Alberich à l’Oper Leipzig.

Né en 1990, Ivan Thirion étudie au Conservatoire royal de Bruxelles et à la Haute École de Musique de Genève auprès de Gilles Cachemaille, où il obtient son Master en chant en 2013. Dès 2008, l’Opéra royal de Wallonie l’accueille pour ses débuts professionnels, avec Papageno, puis l’Ogre (La Forêt bleue d’Auber) et Don Gazella (Lucrezia Borgia). En 2015, il est sélectionné pour le Young Singers Project du Festival de Salzbourg, où il incarne notamment Bartolo (Il Barbiere di Siviglia) ; il se produit aussi en concert avec l’orchestre du Mozarteum et participe à leur tournée en Chine. Entre 2014 et 2016, il est membre de l’Opera Studio de l’Opernhaus Zürich, où il chante des rôles comme Ping (Turandot) aux côtés de Nina Stemme, Rodomonte (Orlando Paladino) et Coryphée (Le Comte Ory} aux côtés de Cecilia Bartoli. Il interprète aussi Tomaso (Un ballo in maschera), Marcello (La Bohème), Lord Enrico Ashton (Lucia di Lammermoor), Lord Guglielmo Cecil (Maria Stuarda) et Don Carlo di Vargas (La Forza del destino) à Liège, Franck (Die Fledermaus) à Marseille, Maharadjah (L’Amour masqué) en Avignon, Figaro (Le Nozze di Figaro) à Montpellier, Nîmes et Perpignan. Parmi ses engagements récents figurent : L’Ange de feu (Matthias/ l’Aubergiste) à l’Opéra national de Lyon, dirigé par Kazushi Ōno, Médée (Oronte) à l’Opernhaus Zürich, dirigé par William Christie, Gerusalemme (Comte de Toulouse) à l’Opéra royal de Wallonie, L’Elisir d’amore (Belcore) à l’Aalto-Musiktheater Essen, Albert (Werther) à l’Opera Zuid de Maastricht et le Dancaire (Carmen) à l’Opéra national de Montpellier. Projets pour 2018-2019 : Sparck (Fantasio) aux Pays-Bas et un récital au Festival d’Aix-en-Provence.

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Le Dancaïre • Baryton

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Zuniga • Baryton-basse

Au Grand Théâtre de Genève : King Arthur (Grimbald / Man  3  / Débuts au Grand Théâtre de Genève.

Comus) 17-18.

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BIOGRAPHIES

Rodolphe Briand

Brigitte Cuvelier

Chanteur et comédien, Rodolphe Briand mène dès 1994 une carrière éclectique allant du théâtre à la comédie musicale et l’opéra. Il se perfectionne auprès de Jean-Pierre Blivet et au Centre de formation lyrique de l’Opéra de Paris. Il s’illustre dans le rôle de Guillot de Morfontaine au Teatro Real de Madrid. En 1999, il se voit confier le rôle de Falsacappa (Les Brigands) à Bordeaux et Nancy, puis celui de Sancho (Man of La Mancha de Mitch Leigh) à Liège, Reims, Avignon et Monaco. Il interprète les 4 Valets (Les Contes d’Hoffmann) à Nancy, Strasbourg, Toulouse et Monte-Carlo, Fritz (La Grande-Duchesse de Gérolstein) à Strasbourg, Bardolfo (Falstaff) à Bordeaux, Strasbourg, Lausanne et Monte-Carlo et Trabuco (La Forza del destino) à Paris. Invité régulier de La Scala, il y chante les 4 Valets, Spalanzani, Le Remendado et Guillot de Morfontaine. Jean-Louis Grinda lui confie le rôle de Mime (Das Rheingold) à l’Opéra de Monte-Carlo. L’opérette est un de ses terrains de prédilection, il incarne Ménélas (La Belle Hélène) à Strasbourg, Bordeaux et Montpellier et le rôle-titre de La Cour du roi Pétaud à Paris et en tournée française. Il aime aussi interpréter les chansons de Reggiani et Jean Yanne, notamment à la Péniche Opéra. Récemment, il est notamment Bardolfo, Pompeo (Benvenuto Cellini) à Paris, Bilou (Le Chanteur de Mexico) à Lausanne, les 4 valets à Monte-Carlo, Spalanzani / Nathanaël à Brême. Projets : Bababeck (Barkouf) à Strasbourg, Bardolfo à Monte-Carlo, Altoum (Turandot) à Marseille, Spoletta (Tosca) et Mastro Trabuco (La Forza del destino) à Paris.

Brigitte Cuvelier, née à Bruxelles, est élève du Conservatoire royal de la Monnaie avant de rejoindre le Ballet du XXème siècle sous la direction de Maurice Béjart. Elle sera ensuite artiste chorégraphique dans différents théâtres : Francfort-sur-leMain, Amsterdam et Mannheim. De 1990 à 1999, elle est membre de la troupe du théâtre chorégraphique de Johann Kresnik à Brême et à Berlin. Elle travaille aussi avec de nombreux metteurs en scène : Frank Castorf, Alexis Forestier, Herbert Fritsch, Luca Guadagnino, Ruedi Häusermann, Karin Henkel, Friedrich Lichtenstein, René Pollesch, Christoph Schlingensief, Martin Wuttke et le collectif She She Pop. Parallèlement à son activité artistique, elle enseigne le français aux non francophones.

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La Femme

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Le Remendado • Ténor

Au Grand Théâtre de Genève : Manon Lescaut (Edmond) 01-02, Tosca (Spoletta) 05-06, JJR (Citoyen de Genève) JJR3 12-13, La Grande-Duchesse de Gérolstein (le Prince Paul) 14-15, Manon (Guillot de Morfontaine) 16-17.

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Débuts au Grand Théâtre de Genève.

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BIOGRAPHIES

Jean Chaize

Alonso Leal Morado

Né à Gap en 1954, Jean Chaize étudie la danse classique à Monaco avec Marika Besobrasova, à Cannes chez Rosella Hightower et à Paris auprès de Youra Loboff. Il travaille en France et en Espagne avec différents chorégraphes, parmi lesquels Georges Golovine, Anne Béranger, Ethéry Pagava, Aline Roux, Lélé de Triana et Luis Ruffo. Parallèlement, il poursuit des études de mathématiques dans les universités de Montpellier, Nice et Paris VII où il se spécialise en logique mathématique. Depuis 1981, il vit et travaille principalement en Allemagne tout d’abord comme danseur classique au Staatstheater de Kassel et au Nationaltheater de Mannheim. Puis il se tourne vers le Tanztheater et travaille de nombreuses années sous la direction de Johann Kresnik à la Städtische Bühne de Heidelberg, au Bremertheater de Brême puis à la Volksbühne de Berlin. Son appartenance à cette scène berlinoise oriente alors nettement son travail vers une activité plus théâtrale que chorégraphique. Il joue, entre autres, sous la direction de Christoph Marthaler, Ruedi Häusermann, Frank Castorf, Reinhild Hoffmann, Friedrich Lichtenstein, Luk Perceval, Alexis Forestier, Martin Wuttke, René Pollesch, Christoph Schlingensief, Karin Henkel et dernièrement du collectif She She Pop. Il enseigne par intermittence les mathématiques au Lycée Français de Berlin.

Alonso Leal Morado travaille comme comédien et acteur depuis dix ans en Suisse, en France et en Espagne. Il se forme au fil des projets de création, des stages et ateliers divers. Comme comédien, il est engagé pour La Savetière prodigieuse, mise en scène par Nathalie Texier à l’Arande de Saint-Julien-enGenevois en 2010, pour En attendant Godot, mis en scène par Marie-Laure Berchtold à La Comédie de Ferney-Voltaire en 2011, pour Peau d’âne, mis en scène par Maurice Gabioud au Théâtre Töpffer à Genève en 2012, pour L’Intruse, mis en scène par Marina Alexandrovskaya au théâtre de l’Oxymore à Cully en 2015, pour Victor et les enfants au pouvoir, mis en scène par Marina Alexandrovskaya au théâtre Contexte-Silo à Renens en 2016, pour Bleu Nuit Hôtel, mis en scène par Guillaume Prin au Théâtre Nuithonie à Fribourg en 2018, puis pour Haldimand…, je me souviens d’Yverdon, mis en scène par Jean-Néville Dubuis en plein air au Parc de la villa d’Entremonts à Yverdon durant tout l’été 2018. Au cinéma, il est acteur dans plusieurs réalisations en Suisse et en Espagne, notamment dans Ispansi et 2 Francos 14 Pesetas du réalisateur Carlos Iglesias, dans Dirty Money de Dominique OtheninGirard, et dans Implosion d’Erwan Gobilliard. À la télévision, il joue dans deux séries, 10 de JeanLaurent Chautems et Les Suisses – G.H. Dufour de Dominique Othenin-Girard, puis dans Sauvons les apparences de Nicole Borgeat, Un africain en hiver de Clément Ndzana et Bloc central de Michel Finazzi.

Débuts au Grand Théâtre de Genève.

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Lillas Pastia

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L’Homme

Débuts au Grand Théâtre de Genève.

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INFORMATIONS PRATIQUES OPÉRA DES NATIONS Horaires des représentations Les représentations ont lieu généralement à 19 h 30 en soirée et à 15 h en matinée. Pour certains spectacles, ces horaires peuvent être différents. Les horaires sont toujours indiqués sur les billets. Ouverture des portes L’accès à la salle est possible trente minutes avant le spectacle. Retardataires Par respect pour le public et les artistes, après le début du spectacle l’accès à la salle se fait à la première interruption et aux places accessibles. Un circuit vidéo permet généralement de suivre le début du spectacle. Aucun remboursement ou échange de billet ne sera effectué en cas de retard. Vestiaires Des vestiaires payants sont à la disposition du public à l’entrée de l’Opéra des Nations (Fr. 2.-). Jumelles Des jumelles peuvent être louées dans tous les vestiaires (Fr. 5.-). Rehausseurs Disponibles aux vestiaires (service gratuit). Enregistrements Il est interdit de photographier, de filmer ou d’enregistrer les spectacles. Tout contrevenant peut être soumis à des poursuites. Surtitrage Les ouvrages font généralement l’objet d’un surtitrage bilingue français-anglais. Le Grand Théâtre remercie vivement la Fondation Hans-Wilsdorf grâce à laquelle ce surtitrage vous est proposé. Programmes Les programmes du spectacle sont en vente sur place auprès du personnel de salle ainsi qu’à la billetterie du Grand Théâtre située à l’Opéra des Nations et au 9, rue du Général-Dufour.

BARS Dès 1 heure avant le spectacle et à l’entracte Les bars du hall d’entrée et de la mezzanine vous proposent boissons et petite restauration.

CONFÉRENCE DE PRÉSENTATION

Trente minutes avant chaque opéra, un musicologue vous donne quelques clés pour mieux apprécier le spectacle.

SUR L’ŒUVRE

Pour chaque opéra et création chorégraphique de la saison 18-19, une conférence très complète sur l’œuvre est organisée quelques jours avant la première représentation, toujours à la même heure, 18 h 15, par l’Association genevoise des amis de l’opéra et du ballet au Théâtre de l’Espérance, 8, rue de la Chapelle, 1207 Genève. www.amisdelopera.ch

Soirées prestige Les entreprises souhaitant organiser une soirée lors d’une représentation à l’Opéra des Nations ou au Grand Théâtre peuvent prendre contact avec Aurélie Élisa Gfeller. T +41 22 322 50 58 mecenat@geneveopera.ch Soirées privées Les personnes souhaitant organiser une soirée privée à but non lucratif dans les espaces de l’Opéra des Nations ou au Grand Théâtre peuvent prendre contact avec Corinne Béroujon. T +41 22 322 50 03 c.beroujon@geneveopera.ch

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BILLETTERIE DU GRAND THÉÂTRE À l’Opéra des Nations (jusqu’en janvier 2019) 40, avenue de France. Du lundi au vendredi de 10 h à 18 h, sauf le lundi, ouverture à 12 h. Les jours de spectacle jusqu’à l’heure de la représentation. Si le spectacle a lieu le samedi ou le dimanche, la billetterie est ouvertes 1 h 30 avant le début de la représentation. Rue du Général-Dufour (jusqu’en janvier 2019) 9, rue du Général-Dufour. Du lundi au samedi de 10 h à 18 h, sauf le lundi, ouverture à 12 h. Fermeture le samedi à 17 h. Par téléphone T + 41 22 322 50 50. Du lundi au vendredi de 10 h à 18 h Par courriel ou courrier Billetterie du Grand Théâtre CP 5126 - CH 1211 Genève 11 billetterie@geneveopera.ch En ligne sur le site www.geneveopera.ch Choisissez vos places et téléchargez vos billets sur votre smartphone ou imprimez-les. Les places réservées sont à régler dans les 48 h. Selon les délais, les billets réservés et payés peuvent être envoyés à domicile (Frais de port : Fr. 4.-). Modes de paiement acceptés : Mastercard, Visa et Amex. Dans le réseau FNAC en Suisse et en France Tarifs réduits Un justificatif doit être présenté ou envoyé pour tout achat de billet à tarif réduit. Remboursement / échange Les billets sont remboursés ou échangés seulement lors d’annulation de spectacle et non en cas de modifications de programmation ou de distribution en cours de saison. Les abonnés et les détenteurs de billets au tarif Flex peuvent échanger librement leur billet pour une autre date du même spectacle, jusqu’à la veille de la représentation à midi. Réservation de groupe Les associations et groupements à but non lucratif peuvent réserver des places de spectacle à tarifs préférentiels durant toute la saison. T +41 22 322 50 50 groupes@geneveopera.ch

TARIFS SPÉCIAUX

TARIF JEUNE (moins de 26 ans) 50 % de réduction sur le plein tarif dans toutes les catégories (sauf Or) dans la limite des disponibilités et sur présentation d’un justificatif. TARIF ÉTUDIANT 25 % de réduction sur le plein tarif, dans toutes les catégories (sauf Or), dans la limite des disponibilités et sur présentation d’un justificatif. TARIF DERNIÈRE MINUTE 30 minutes avant le début de la représentation et en fonction de disponibilités, une sélection de places vous est proposée au tarif de Fr. 50.- pour tous, et de Fr. 30.- pour les moins de trente ans. Attention: en fonction de la fréquentation des représentations, la disponibilité de ce tarif n’est pas garantie. TARIF FLEX En choisissant le tarif Flex au moment de votre commande, vous pouvez échanger gratuitement votre billet pour une autre date du même spectacle. L’échange est possible jusqu’à la veille de la représentation à midi, et dans la limite des disponibilités. CARTE 20 ANS/20 FRANCS Les titulaires de la carte bénéficient d’un rabais supplémentaire de Fr. 2.- par rapport au tarif jeune et reçoivent un programme de spectacle (une pièce d’identité sera demandée pour accéder à la salle). TITULAIRES DU CHÉQUIER CULTURE Réduction de Fr. 10.- par chèque sur l’achat de places de spectacle à la billetterie (chèques cumulables). PASSEDANSE D’une valeur de 20 francs et valable de septembre 2018 à juin 2019, il est offert gratuitement par le Grand Théâtre avec l’abonnement pleine saison et l’abonnement danse. TARIFS PERSONNES EN SITUATION DE HANDICAP Les personnes à mobilité réduite peuvent être placées en catégorie A au premier rang, pour le prix d’un billet de catégorie F. Les personnes malentendantes peuvent être placées en catégorie C pour le prix d’un billet de catégorie H. Les personnes malvoyantes, aveugles ou avec un handicap mental, peuvent bénéficier d’une place gratuite pour leur accompagnant.

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MÉCÉNAT & PARTENARIAT EN SOUTENANT LE GRAND THÉÂTRE DE GENÈVE VOUS ÊTES PARTENAIRE DE L’EXCELLENCE

Depuis plusieurs années, le Grand Théâtre de Genève mène une politique de partenariat évolutive avec les entreprises. Chaque proposition vise à offrir à nos partenaires à la fois un service inédit comportant une large palette d’approches avec les différents secteurs artistiques et techniques inhérents à la vie d’un théâtre, mais également un service utile et flexible tout au long de la saison. En soutenant le Grand Théâtre de Genève vous devenez partenaire de l’excellence. Vous touchez un public large et diversifié – plus de 100 000 spectateurs par saison – et bénéficiez ainsi d’un impact médiatique fort et positif. Vous montrez votre attachement à la diffusion de spectacles des arts vivants et permettez la réalisation de projets culturels innovants.

Contactez-nous pour une offre personnalisée Aurélie Élisa Gfeller T + 41 22 322 50 58 F + 41 22 322 50 98 a.gfeller@geneveopera.ch

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LA FONDATION DU GRAND THÉÂTRE La Fondation du Grand Théâtre de Genève est une Fondation d’intérêt public communal, subventionnée par la Ville de Genève, dont l’objet est artistique et culturel. Le but de la Fondation est d’assurer l’exploitation du Grand Théâtre de Genève, notamment en y organisant des spectacles d’art lyrique, chorégraphique et dramatique. Le Statut de la Fondation a fait l’objet d’une loi cantonale de 1964. La Fondation est composée de quatorze membres désignés par le Conseil municipal et le Conseil administratif de la Ville de Genève. Le Bureau compte cinq membres du Conseil de Fondation. Conseil de Fondation (au 01.05.2016) Mme Lorella Bertani, présidente M. Guy-Olivier Segond, vice-président M. Pierre Conne, secrétaire M. Claude Demole M. Sami Kanaan M. Rémy Pagani M. Manuel Tornare M. Jean-Pierre Jacquemoud M. Pierre Losio Mme Danièle Magnin Mme Françoise de Mestral M. Albert Rodrik M. Pascal Rubeli Mme Salika Wenger M. Guy Demole, président d’honneur M. Jean-Flavien Lalive d’Epinay, président d’honneur †

Secrétariat Cynthia Haro T +41 22 322 51 71 F +41 22 322 50 01 c.haro@geneveopera.ch

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LE CERCLE DU GRAND THÉÂTRE Fondé en 1986, le Cercle du Grand Théâtre s’est donné pour objectif de réunir toutes les personnes et entreprises qui tiennent à manifester leur intérêt aux arts lyrique, chorégraphique et dramatique. Son but est d’apporter son soutien financier aux activités du Grand Théâtre et ainsi, de participer à son rayonnement. Bureau (février 2018) M. Jean Bonna, président M. Rémy Best, vice-président et trésorier Mme Brigitte Vielle, secrétaire Mme Françoise de Mestral Autres membres du Comité (février 2018) Mme Christine Batruch Mme Claudia Groothaert Mme Coraline Mouravieff-Apostol Mme Beatrice Rötheli M. Rolin Wavre Membres bienfaiteurs Mme René Augereau M. Jean Bonna Fondation de bienfaisance du groupe Pictet M. et Mme Pierre Keller Banque Lombard Odier & Cie SA M. et Mme Yves Oltramare Union Bancaire Privée – UBP SA M. et Mme Gérard Wertheimer

Membres individuels S. A. Prince Amyn Aga Khan Mme Diane d’Arcis M. et Mme Luc Argand M. Ronald Asmar Mme Christine Batruch-Hawrylyshyn Mme Maria Pilar de la Béraudière M. et Mme Philippe Bertherat Mme Antoine Best M. et Mme Rémy Best Mme Saskia van Beuningen Prof. Julien Bogousslavsky Mme Clotilde de Bourqueney Harari Comtesse Brandolini d’Adda M. et Mme Yves Burrus Mme Caroline Caffin Mme Maria Livanos Cattaui Mme Muriel Chaponnière-Rochat M. et Mme Claude Demole M. et Mme Guy Demole M. et Mme Olivier Dunant Mme Denise Elfen-Laniado Mme Diane Etter-Soutter Mme Catherine Fauchier-Magnan Mme Clarina Firmenich M. et Mme Eric Freymond Mme Elka Gouzer-Waechter Mme Claudia Groothaert M. et Mme Philippe Gudin de La Sablonnière Mme Bernard Haccius M. et Mme Philippe Jabre M. et Mme Éric Jacquet M. Romain Jordan Mme Madeleine Kogevinas M. et Mme Jean Kohler M. Marko Lacin Mme Brigitte Lacroix M. et Mme Pierre Lardy M. Christoph La Roche Mme Éric Lescure Mme Eva Lundin M. Bernard Mach M. et Mme Colin Maltby M. et Mme Thierry de Marignac Mme Mark Mathysen-Gerst

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M. Bertrand Maus M. et Mme Olivier Maus Mme Béatrice Mermod M. et Mme Charles de Mestral Mme Jacqueline Missoffe M. et Mme Christopher Mouravieff-Apostol Mme Philippe Nordmann M. et Mme Alan Parker M. Shelby du Pasquier Mme Sibylle Pastré M. Jacques Perrot M. et Mme Wolfgang Peter Valaizon M. et Mme Gilles Petitpierre M. et Mme Charles Pictet M. et Mme Guillaume Pictet M. et Mme Ivan Pictet M. et Mme Jean-François Pissettaz Mme Françoise Propper Comte de Proyart M. et Mme Christopher Quast M. et Mme François Reyl M. et Mme Andreas Rötheli M. et Mme Gabriel Safdié Marquis et Marquise de Saint Pierre M. Vincenzo Salina Amorini M. Julien Schoenlaub Baron et Baronne Seillière Mme Charlotte de Senarclens Mme Christiane Steck M. et Mme Riccardo Tattoni M. et Mme Kamen Troller M. et Mme Gérard Turpin M. et Mme Jean-Luc Vermeulen M. et Mme Julien Vielle M. et Mme Olivier Vodoz Mme Bérénice Waechter M. Gerson Waechter M. et Mme Stanley Walter M. et Mme Rolin Wavre

Membres institutionnels 1875 Finance SA Banque Pâris Bertrand Sturdza SA FBT Avocats SA Fondation Bru International Maritime Services Co. Ltd. JT International SA Lenz & Staehelin Schroder & Co banque SA SGS SA

Inscriptions Cercle du Grand Théâtre de Genève Mme Gwénola Trutat 11, boulevard du Théâtre • CH-1211 Genève 11 T +41 22 321 85 77 F +41 22 321 85 79 du lundi au vendredi de 8 h à 12 h cercle@geneveopera.ch Compte bancaire N° 530 290 Banque Pictet & Cie SA Organe de révision Plafida SA

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LE GRAND THÉÂTRE L’ÉQUIPE DIRECTION GÉNÉRALE Directeur général Tobias Richter Adjointe administrative Sandrine Chalendard SECRÉTARIAT GÉNÉRAL Secrétaire général Claus Hässig Secrétaire Cynthia Haro ARTISTIQUE Conseiller artistique & dramaturge Daniel Dollé BALLET Directeur du Ballet Philippe Cohen Adjoint Vitorio Casarin Coordinatrice administrative Émilie Schaffter Maîtres de ballet Grant Aris, Grégory Deltenre Pianiste Serafima Demianova Danseuses Yumi Aizawa, Céline Allain, Angèle Coulier, Ornella Capece, Diana Dias Duarte, Léa Mercurol, Tiffany Pacheco, Mohana Rapin, Sara Shigenari, Lysandra Van Heesewijk, Madeline Wong Danseurs Valentino Bertolini, Zachary Clark, Andrei Cozlac, Armando Gonzalez, Xavier Juyon, Juan Perez Cardona, Adelson Carlos, Simone Repele, Sasha Riva, Geoffrey Van Dyck, Nahuel Vega TECHNIQUE DU BALLET Directeur technique du ballet Philippe Duvauchelle Régisseur lumières Alexandre Bryand Régisseur plateau Mansour Walter Service médical Dr Jacques Menetrey HUG Physiothérapeute Thomas Meister Ostéopathe Bruno Soussan TROUPE DES JEUNES SOLISTES EN RÉSIDENCE Migran Agadzhanyan, Melody Louledjian

CHŒUR Chef des chœurs Alan Woodbridge Assistant/pianiste Roberto Balistreri Pianiste répétiteur Réginald Le Reun Régisseur et chargée de l’administration Marianne Dellacasagrande Sopranos Fosca Aquaro, Chloé Chavanon, Magali Duceau, Györgyi Garreau-Sarlos, Nicola Hollyman, Iana Iliev, Victoria Martynenko, Martina Möller-Gosoge, Iulia Elena Preda, Cristiana Presutti Altos Vanessa Beck-Hurst, Audrey Burgener, Céline Kot, Marianne Dellacasagrande, Lubka Favarger, Varduhi Khachatryan, Mi-Young Kim, Mariana Vassileva Chaveeva Ténors Jaime Caicompai, Yong-Ping Gao, Omar Garrido, Rémi Garin, Lyonel Grélaz, Sanghun Lee, José Pazos, Terige Sirolli, Georgi Sredkov, Bisser Terziyski, Nauzet Valerón Basses Krassimir Avramov, Wolfgang Barta, Romaric Braun, Nicolas Carré, Phillip Casperd, Aleksandar Chaveev, Peter Baekeun Cho, Christophe Coulier, Harry Draganov, Rodrigo Garcia, Seong-Ho Han, Dimitri Tikhonov PRODUCTION ARTISTIQUE Chargé de production artistique Markus Hollop Assistante & Respons. figuration Matilde Fassò Resp. ressources musicales Éric Haegi Pianistes / Chefs de chant Todd Camburn, Xavier Dami, Réginald Le Reun RÉGIE DE SCÈNE Régisseure générale Chantal Graf Régisseur de scène Jean-Pierre Dequaire

MARKETING ET COMMUNICATION Resp. marketing & communication Alain Duchêne Responsable presse & actions de communication Olivier Gurtner Responsable des éditions et de la création visuelle Aimery Chaigne Assistante communication Corinne Béroujon Assist. presse & communication Isabelle Jornod Concepteur communication web Wladislas Marian Chargée du mécénat et des partenariats Aurélie Élisa Gfeller Chargé des actions pédagogiques NN Archiviste Anne Zendali Dimopoulos ACCUEIL ET PUBLICS Responsable de l’accueil des publics Pascal Berlie Personnel d’accueil Ludmila Bédert, Herminia Bernardo Pinhao, Patrick Berret, David Blunier, Karla Boye, Nguyen Phuong Lé Bui, Aude Burkardt, Michel Denis Chappellaz, Chantal Chevallier, Patricia Diaz-Shmidt, Pouyan Farzam, Stephen Hart, Feka Iljaz, Teymour Kadjar, Nelli Kazaryan Peter, Tamim Mahmoud, Marlène Maret, Sophie Millar, Lydia Pieper, Lucas Seitenfus, David von Numers, Quentin Weber, Céline Steiger Zeppetella TECHNIQUE Directrice technique Françoise Peyronnet Adjointe administrative Sabine Buchard Ingénieur bâtiment et sécurité Pierre Frei Chargée de production technique Catherine Mouvet Responsable d’entretien Thierry Grasset Technicienne/production vidéo NN LOGISTIQUE Responsable logistique Thomas Clément Chauffeur Dragos Mihai Cotarlici Alain Klette,

BUREAU D’ÉTUDES Ingénieur bureau d’études Alexandre Forissier Chargé d’études de productions Fabrice Bondier Assistant Christophe Poncin Dessinateurs Stéphane Abbet, Denis Chevalley, Antonio Di Stefano SERVICE INTÉRIEUR Huissier responsable Stéphane Condolo Huissier-ère-s Bekim Daci, Antonios Kardelis, Michèle Rindisbacher Huissiers / Coursiers Valentin Herrero, Cédric Lullin Coursier Bernard Thierstein TECHNIQUE DE SCÈNE Adjoint-e au directeur technique NN Chefs de plateau Gabriel Lanfranchi, Stéphane Nightingale MACHINERIE Chef de service Patrick Savariau Adjoint planificateur Olivier Loup Sous-chefs Juan Calvino, Stéphane Desogus, Yannick Sicilia Sous-chef cintrier Patrick Werlen Brigadiers Killian Beaud, Henrique Fernandes Da Silva, Sulay Jobe Sous-brigadiers Stéphane Catillaz, Manuel Gandara, Johny Perillard Machinistes cintriers Vincent Campoy, Stéphane Guillaume, Alfio Scarvaglieri, Nicolas Tagand Machinistes Philippe Calame, Vincent de Carlo, Éric Clertant, Sedrak Gyumushyan, Michel Jarrin, Daniel Jimeno, Julien Pache, Hervé Pellaud, Alberto Aranjo Quinteiro, Damien Villalba Menuisier de plateau & chargé de l’entretien Jean-François Mauvis SON ET VIDÉO Chef de service Michel Boudineau Sous-chef Claudio Muller Technicien-ne-s Amin Barka, Jean-Marc Pinget, NN

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ÉCLAIRAGE Chef de service Simon Trottet Sous-chefs de production Marius Echenard, Robin Minkhorst Sous-chef opérateur lumières et informatique de scène Stéphane Gomez Coordinateur de production Blaise Schaffter Technicien-ne-s éclairagistes Serge Alérini, Dinko Baresic, Salim Boussalia, Stéphane Estève, Camille Rocher, Juan Vera Electronicien Jean Sottas Opérateurs lumière et informatique de scène Clément Brat, Florent Farinelli, David Martinez Responsable entretien électrique Fabian Pracchia ACCESSOIRES Chef de service Damien Bernard Sous-chef Patrick Sengstag Accessoiristes Vincent Bezzola, Joëlle Bonzon, Françoise Chavaillaz, Cédric Pointurier Solinas, Anik Polo, Padrut Tacchella, Cécilia Viola, Pierre Wüllenweber ELECTROMÉCANIQUE Chef de service Jean-Christophe Pégatoquet Sous-chef José-Pierre Areny Electromécaniciens Fabien Berenguier, David Bouvrat, Stéphane Resplendino, Christophe Seydoux, Emmanuel Vernamonte HABILLAGE Cheffe de service Joëlle Muller Sous-chef-fe Sonia Ferreira Gomez Responsable costumes Ballet Caroline Bault Habilleur-euse-s Raphaële Bouvier, Gloria Chappuis, Cécile Cottet-Nègre, Angélique Ducrot, France Durel, Philippe Jungo, Olga Kondrachina, Christelle Majeur, Veronica Segovia, Lorena Vanzo Pallante, NN

PERRUQUES ET MAQUILLAGE Cheffe de service Karine Cuendet Sous-cheffe Christelle Paillard Perruquières et maquilleuses Cécile Jouen, Alexia Sabinotto, Lina Frascione Bontorno ATELIERS DÉCORS Chef des ateliers décors Michel Chapatte Assistant Christophe Poncin Magasiniers Marcel Géroudet, Roberto Serafini MENUISERIE Chef de service Stéphane Batzli Sous-chef-fe NN Menuisiers Pedro Brito, Giovanni Conte, Ivan Crimella, Frédéric Gisiger, Philippe Moret, Manuel Puga Becerra, German Pena SERRURERIE Contremaître Serge Helbling Serruriers Patrick Barthe, Yves Dubuis, Patrice Dumonthey, Marc Falconnat PEINTURE & DÉCORATION Chef de service Fabrice Carmona Sous-chef Christophe Ryser Peintres Gemy Aïk, Ali Bachir-Chérif, Stéphane Croisier, NN TAPISSERIE-DÉCORATION Chef de service Dominique Baumgartner Sous-chef Philippe Lavorel Tapissier-ères-s et décorateur-trice-s Pierre Broillet, Fanny Silva Caldari, Daniela De Rocchi, Raphaël Loviat, Dominique Humair Rotaru ATELIERS COSTUMES Cheffe des ateliers costumes Fabienne Duc Assistant-e-s Armindo Faustino-Portas, Carole Lacroix

ATELIER DE COUTURE Chef de service Khaled Issa Costumier-ère-s Amar Ait-Braham, Caroline Ebrecht Tailleur-e-s Lurdes Do Quental Couturier-ère-s Sophie de Blonay, Ivanna Costa, Julie Chenevard, Marie Hirschi, Gwenaëlle Mury, Léa Perarnau, Xavier Randrianarison, Ana-Maria Rivera, Soizic Rudant, Liliane Tallent, Astrid Walter ATELIER DE DÉCORATION & ACCESSOIRES COSTUMES Cheffe de service Isabelle Pellissier-Duc Décoratrices Corinne Baudraz, Emanuela Notaro

RESTAURATION Responsable restauration, Christian Lechevrel Cuisinier Olivier Marguin Collaborateur-trice-s Norberto Cavaco, Maria Savino RESSOURCES HUMAINES Responsable des ressources humaines Juriste Lucienne Ducommun Assistante Priscilla Richon Gestionnaires ressources humaines Valérie Aklin, Marina Della Valle, Luciana Hernandez

ATELIER CUIR Chef de service Michel Blessemaille Cordonnières Salomé Davoine, Catherine Stuppi SERVICE FINANCIER Chef de service Philippe Bangerter Comptables Paola Andreetta, Andreana Bolea-Tomkinson, Chantal Chappot, Laure Kabashi, NN BILLETTERIE Responsable du développement des publics et billetterie NN Responsable adjointe de la billetterie Carine Druelle Responsable adjointe et développement des publics Audrey Peden Collaborateurs-trice-s billetterie Hawa Diallo-Singaré, Bernard Riegler, Maxime Semet INFORMATIQUE Chef de service Marco Reichardt Administrateurs informatique & télécoms Lionel Bolou, Ludovic Jacob

PERSONNEL SUPPLÉMENTAIRE TEMPORAIRE SAISON 18-19 Direction générale Valentina Salinas Welsh (assistante) Technique de ballet Arnaud Viala Marketing & communication Renate Cornu (Mécénat) Noémie Creux Tania Rutigliani (Dramaturgie) Création visuelle & édition Leandro Garcimartin (apprenti) Service pédagogique Sébastien Brugière (actions pédagogiques) Fabrice Farina (collaboration artistique) Technique de scène Simon Isely (apprenti) Son & vidéo Benjamin Vicq Accessoires Julio Bembibre Habillage Alain Bürki Billetterie Lucille Carre, Fanny Clavaz, Julien Coutin, Emma Elmay, Luis Ferreira, Marjorie Horta, Kiyan Khoshoie, Silvia Taboada, Charlotte Villard Ressources humaines Joëlle Messerli

Situation au 01.09.2018

N°66 | CARMEN • GRAND THÉÂTRE DE GENÈVE

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PROCHAINEMENT À L’OPÉRA DES NATIONS OPÉRA

OPÉRA

The Beggar’s Opera Boris Godounov Ballad opera en 3 actes de Johann Christoph Pepusch Nouvelle production En coproduction avec le Théâtre des Bouffes-du-Nord 3, 4, 5, 6 octobre 2018 à 19 h 30 7 octobre 2018 à 15 h Conception & direction musicale William Christie Mise en scène & lumières Robert Carsen Dramaturgie Ian Burton Décors James Brandily Costumes Petra Reinhardt Chorégraphie Rebecca Howell Lumières Peter Van Praet Avec Robert Burt, Beverley Klein, Kate Batter, Benjamin Purkiss, Kraig Thornber, Olivia Brereton, Emma Kate Nelson, Sean Lopeman, Gavin Wilkinson, Tate-Elliot Drew, Wayne Fitzsimmons, Dominic Owen, Natasha Leaver, Emily Dunn, Louise Dalton, Jocelyn Prah Les Arts Florissants Conférence de présentation 1 par Pierre Michot Au Théâtre de l’Espérance 8, rue de la Chapelle, 1207 Genève Mercredi 26 septembre 2018 à 18 h 15

Opera en 7 scènes et un prologue de Modeste Moussorgski Nouvelle production

28 octobre & 3, 7, 9, 13, 14, 15 novembre 2018 à 19 h 30 11 novembre 2018 à 15 h Direction musicale Paolo Arrivabeni Mise en scène Matthias Hartmann Décors Volker Hintermeier Costumes Malte Lübben Lumières Peter Bandl Avec Mikhail Petrenko, Alexey Tikhomirov, Melody Louledjian, Marina Viotti, Serghei Khomov, Vitalij Kowaljow, Andreas Conrad, Roman Burdenko, Oleg Budaratskiy, Andrei Zorin Orchestre de la Suisse Romande Chœur du Grand Théâtre de Genève (Direction Alan Woodbridge)

Conférence de présentation 1 par Pierre Michot Au Théâtre de l’Espérance 8, rue de la Chapelle, 1207 Genève Mercredi 24 octobre 2018 à 18 h 15

RÉCITAL

Luca Pisaroni

Baryton-basse Vendredi 2 novembre 2018 à 19 h 30 Piano Malcolm Martineau Beethoven, Reichardt, Schubert

1

En collaboration avec l’Association genevoise des amis de l’opéra et du ballet. Directeur de la publication Tobias Richter Responsable de la rédaction Daniel Dollé Responsable de l’édition Aimery Chaigne Collaborations Isabelle Jornod, Tania Rutigliani, Patrick Vallon Impression Atar Roto Presse SA

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ACHEVÉ D’IMPRIMER EN AOÛT 2018

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Passion et partage La Fondation de bienfaisance du groupe Pictet est fière de soutenir le projet «Les jeunes au cœur du Grand Théâtre». En participant à ce programme de formation, nous nous engageons en faveur de la génération à venir. Nous sommes

“Luck shouldn’t be part of your portfolio.”

particulièrement heureux de pouvoir offrir aux talents de demain l’opportunité de découvrir les joies de l’opéra et du ballet, et peut-être même de susciter des vocations. Les associés du groupe Pictet vous souhaitent une très belle saison 2018-2019.

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Opéra | Carmen | Bizet

Georges Bizet

Grand Théâtre de Genève

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