La xénophilie
n°03
A Tbilissi et Erevan, l’éclat des voix du Caucase Les Huguenots de retour à Genève Voyage vers l’espoir, du grand écran au Grand Théâtre Robert Walser mon héros, par Thomas Hirschhorn
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Édito de Caroline et Éric Freymond, du Cercle du Grand Théâtre et de la Fondation Yves et Inez Oltramare
UN NOUVEAU MAGAZINE PUBLIÉ AVEC LE SOUTIEN
Genève, cité d’accueil ? Le grand opéra Les Huguenots, créé en 1836 à Paris, traite des guerres de religion et du schisme entre catholiques et protestants qui provoqua la fuite de ces derniers vers Genève et la Suisse. L’opéra Voyage vers l’espoir, inspiré du film oscarisé de 1990 de Xavier Koller, est une création mondiale. Il raconte l’histoire d’une famille kurde qui abandonne sa terre pour tenter de se construire une nouvelle existence en Suisse, et sera abandonnée par un passeur au Splügenpass. Ces deux œuvres, l’une du répertoire et l’autre nouvelle, posent la question des migrations et de son corollaire : l’accueil – ou non – des étrangers. Ce numéro de votre magazine interroge ainsi la notion de xénophilie – la sympathie pour les étrangers –, en particulier à Genève. Selon les chiffres récents, 37º/º de la population genevoise est étrangère, 36º/º est binationale et 27º/º suisse. 189 nationalités sont représentées sur le territoire genevois, le plus cosmopolite de Suisse. Cette mixité commence au XVIe siècle avec l’arrivée des protestants français, italiens ou anglais persécutés, se poursuit avec le « second refuge » français à la fin du XVIIe, puis au XIXe avec l’accueil des rescapés des révoltes françaises et européennes. L’étranger est alors plutôt prestigieux, il est admis parce qu’il le mérite. L’accueil qui se met en place est ainsi sélectif. Avec le CICR, créé en 1863, la Société des Nations en 1920, le siège européen de l’ONU en 1946 et le HCR en 1951, année de l’adoption de la Convention de Genève relative au statut des réfugiés, cette ville rayonne sur la scène internationale. Simultanément, les saisonniers du Sud bâtissent la ville qui s’étend, tout en vivant dans des conditions fragiles qui durent encore aujourd’hui pour certains requérants d’asile. Alors oui, les étrangers sont bienvenus à Genève, mais leur traitement diffère s’ils apportent la prospérité ou s’ils tentent, dans la précarité, de se construire une nouvelle vie. Quels rôles l’art et la culture peuvent-ils jouer pour ces questions ? De nombreux festivals de cultures étrangères rythment l’année à Genève. Le respect et la mise en perspective des droits humains guident des manifestations comme le FIFDH. Des actions de terrain sont développées par des associations telles que la Marmite, mouvement artistique, culturel et citoyen. Il est essentiel que cette cohésion entre les arts et les personnes défavorisées, dont font parfois partie les étrangers, garde une portée culturelle exigeante et de haut niveau. La collaboration que le Grand Théâtre développe avec l’Hospice général et l’association Antidote pour inviter des requérants à participer à l’opéra Voyage vers l’espoir est à ce titre exemplaire. Le dossier explore l’histoire des étrangers à Genève, le rôle des Juifs à l’Opéra, les convictions de Xavier Koller et propose une carte inédite de Genève, en faisant appel à des journalistes, un universitaire et des artistes. Quant aux rubriques, elles vous font découvrir des voix, des écrits, des costumes et des scénographies. Pour vous accueillir dans ce numéro et dans le dossier, nous vous proposons des œuvres de l’artiste sud-coréenne Kimsooja, acclamée de Venise à New York. Elle met en scène les bottaris, ces baluchons de nomades, avec lesquels elle rend hommage aux migrants du monde entier. Bonne lecture, bon voyage.
Olivier Kaeser
Olivier Kaeser est historien de l’art, commissaire d’expositions d’art contemporain et de projets pluridisciplinaires. Il a codirigé le Centre culturel suisse de Paris pendant dix ans, après avoir mené en duo l’espace d’art indépendant attitudes, à Genève et ailleurs. Il a coédité de nombreux livres d’artistes et autres publications culturelles.
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Image de couverture
D OSSI ER XÉN OPH I L I E
RUB RI QUES
Kimsooja, Cities on the Move 2727 kilometers Bottari Truck, 1997. Voyage de 11 jours à travers la Corée. Photo Lee Sang Gil.
Édito 3 par Olivier Kaeser Mon rapport à l’opéra 6 Massimo Furlan, par Olivier Kaeser
Kimsooja, Bottari Truck – Migrateurs, 2007, commande et installation, MAC VAL, Vitry-sur-Scène, 2008. Autorisation de Kewenig Gallery et de l’artiste. Photo Thierry Depagne.
Visite d’atelier 22 Anna Viebrock. L’espace transformé, par Stephan Müller
Le penseur qui me guide 8 Thomas Hirschhorn sur Robert Walser
Rendez-vous 42 par Olivier Gurtner et Olivier Kaeser
Ailleurs 10 L’éclat des voix du Caucase, par Salomé Kiner
Le tour du cercle 46 Antoine Khairallah / Catherine de Marignac, par Serge Michel
Duel 16 La religion peut-elle sauver le monde ? par Olivier Gurtner
A vos agendas ! 48 par Olivier Gurtner
Reportage littéraire 3/4 18 Les bons offices, par Max Lobe
Que serait Genève sans les étrangers ?, par Joëlle Kuntz 24 Les Juifs à l’Opéra, par David Conway 30 Xavier Koller, du grand écran au Grand Théâtre, par Serge Michel 32 Un opéra vers l’espoir, par Laure Gabus 34 Insert, sérigraphie d’Émilie Gleason, Jeanne Gillard et Nicolas Rivet, par Olivier Kaeser 38 Sur le fil de la xénophilie, par Clara Pons 40
Éditeur Grand Théâtre de Genève, Partenariat Heidi.news
Directeur de la publication Aviel Cahn Rédacteur en chef Olivier Kaeser Édition Serge Michel, Florence Perret Responsable éditorial Olivier Gurtner Comité de rédaction Aviel Cahn, Olivier Gurtner, Olivier Kaeser, Serge Michel, Stephan Müller, Clara Pons Direction artistique Jérôme Bontron, Sarah Muehlheim Relecture Patrick Vallon
Promotion GTG Diffusion 38 000 exemplaires dans Le Temps Parution 4 fois par saison Tirage 45 000 exemplaires ISSN 2673-2114
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Massimo Furlan, Arsenic, Lausanne, 2012 © Pierre Nydegger
Mon rapport
à l’opéra Tree of Codes Opéra de Cologne, 2016 © Paul Leclaire
Artiste imprévisible, Massimo Furlan puise la matière de ses projets dans son enfance et son adolescence d’émigré italien qui a grandi en Suisse romande. Sa matière première est la mémoire, d’où il fait surgir des souvenirs anodins, des images oubliées. Il a rejoué intégralement l’Eurovision 1973 ou traversé le tunnel du Grand-Saint-Bernard en courant. En 2019, il a créé Les Italiens et Le Concours Européen de la Chanson Philosophique.
Quel est le rapport à l’opéra de Massimo Furlan, artiste-performeur-metteur en scène qui a conçu des œuvres sur des terrains de football, sur la piste de l’aéroport de Genève ou le long de voies de chemins de fer ?
You Can Speak, You Are an Animal Les Subsistances, Lyon, 2009 © Pierre Nydegger et Laure Ceillier
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Entretien conduit par Olivier Kaeser
Quel a été votre premier contact avec l’opéra ?
MF — Enfant, j’entendais mon père chanter quelques airs d’opéra. Une fois, il était allé voir Madame Butterfly, et le lendemain il a raconté la pièce avec beaucoup d’émotions, ça m’a touché. Une de mes tantes, Zia Laura, était chanteuse d’opéra. Elle était sympa, joyeuse, drôle, je l’aimais beaucoup. Parfois, elle donnait des récitals à l’étranger, c’était un peu un mystère pour moi. Je ne l’ai entendu chanter qu’une fois, et elle m’a ému. Adolescent, j’écoutais du post-punk, très loin des chants lyriques ou de la musique classique. On a souvent qualifié « d’images longues » certains de vos projets scéniques. En 2016, vous avez mis en scène un opéra, Tree of Codes. Comment a débuté cette aventure ?
Par rapport à ces spectacles « d’images longues », qui étaient comme des « tableaux vivants » sur scène, éloignés de tout répertoire, mais imprégnés de musique et visant à mettre en valeur les corps, certaines personnes m’avaient parlé d’opéra. Pour Tree of Codes, j’ai été contacté par Barbara Damm, programmatrice musique au Hellerau à Dresde. Elle avait vu You Can Speak, You Are an Animal, pièce créée à partir de la musique de Killing Joke. Elle m’a proposé de mettre en scène Tree of Codes, d’après le livre éponyme de Jonathan Safran Foer, lui-même inspiré de Street of Crocodile du polonais Bruno Schulz, et basé sur la création musicale de Liza Lim, qui a aussi rédigé le livret avec Claire de Ribaupierre. Comment avez-vous collaboré avec Liza Lim et avec l’ensemble Musikfabrik ?
J’étais devant des terrains inconnus. J’ai dû apprendre à lire des partitions, à me familiariser avec la musique contemporaine. J’ai rapidement souhaité mettre les dix-sept musiciens de Musikfabrik sur scène, y compris le chef Clement Power, et non dans la fosse. Mais cela a été très complexe, au niveau technique, acoustique, et pour la visibilité indispensable entre le chef et les musiciens. Au final, l’objet est très abstrait. Quels ont été les aspects les plus stimulants du projet ?
C’est passionnant d’expérimenter, de travailler de manière inédite, de dialoguer avec de nouvelles personnes. Cela prend une énergie folle. C’était aussi un challenge de faire jouer des performeurs de ma compagnie avec les chanteurs et les musiciens. Étant à l’opéra, j’avais envie de faire le projet le plus compliqué qui soit ! Au final, lorsque tout fonctionne en même temps, quand on voit sortir quelque chose de fort et puissant, c’est magique !
Et les contraintes ?
Elles sont énormes et nombreuses ! Moi qui aime les objets ouverts, la possibilité de les sculpter jusqu’au dernier moment, de maîtriser le sens, la durée, le rythme… cela est aux antipodes du fonctionnement de l’opéra. Certes j’étais metteur en scène, mais quand la machine de production se met en route, avec le planning, avec les différents corps de métier, c’est comme un paquebot lancé, le cap est décidé tôt, et le modifier est extrêmement difficile. La gestation du projet a duré environ quatre ans. Est-ce que la musique est le point de départ d’autres réalisations ?
Oui, You Can Speak, You Are an Animal est basé sur la musique de Killing Joke. La pièce Les Italiens est construite en actes, avec des ouvertures musicales de Verdi, La Traviata, Rigoletto. L’opéra est très populaire en Italie, il véhicule une force émotionnelle d’une intensité incroyable. Et Verdi, c’est une machine à tubes ! Dans les Travelling, des « spectacles » qui se vivent en train ou en car, les spectateurs regardent le paysage dans lequel apparaissent des figurants ou des situations surprenantes, et portent des casques qui diffusent des musiques d’Erik Satie, Philip Glass, Felix Mendelssohn ou Thom Yorke. On connaît votre amour pour le football, par la performance Foot que vous jouez depuis 2002. Voyez-vous un lien entre football et opéra ?
Dans le football, j’aime le jeu. Avec Foot, je joue dans des stades ma version rêvée, fantasmée et burlesque de ce sport que je n’ai pratiqué que dans ma chambre d’enfant et d’adolescent. Les stades de foot surdimensionnés me paraissent proches des bâtiments d’opéras. L’espace dévolu au public – les gradins – et celui destiné au spectacle – la scène, la pelouse – sont énormes. Depuis longtemps, l’opéra fonctionne avec sa composante artistique et sa dimension de rencontres, notamment dans les salons où, à l’entracte, on parle affaires. Aujourd’hui, tous les stades contiennent des loges, le monde du foot a aspiré un certain mécanisme des affaires. Entre l’entracte et la mi-temps, entre le salon et la loge, les affaires se font et se défont à l’opéra comme au stade. Si on vous proposait de créer un opéra, quels seraient vos premiers élans ?
Une loge VIP d’un stade de football occupe la scène. Le match se déroule au loin. Les protagonistes sont des capitaines d’entreprise, peut-être mêlés à des politiciens. Échange de mots, jeu de regards, stratégie d’influences… Les élites sont à l’œuvre, ce qui d’habitude se trame en privé est ici joué en pleine lumière, et en musique !
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Le penseur
qui me guide
Par Thomas Hirschhorn
Pourquoi Robert Walser est-il un héros ?
Robert Walser est un héros, parce qu’il s’est égaré lui-même. Il est l’écrivain de la perte existentielle et de l’insécurité existentielle. Avec un courage hors-norme, il s’est tourné vers la précarité. Selon moi, il s’est égaré sur le chemin qui ne mène à aucun but. Il s’est engagé sur le chemin de l’incertain, du non garanti, du fragile et du labile et il a créé un sentier menant à cet abîme : sa langue, qui aujourd’hui nous montre le chemin vers l’égarement. Selon moi, Robert Walser s’est égaré. Robert Walser est un héros parce qu’il a payé le prix fort pour son travail. En faisant le choix radical et non libre de ne plus écrire, il a payé le prix le plus haut. Selon moi, il s’est dissout en tant qu’auteur. Robert Walser s’est, en tant qu’auteur, consciemment élevé au-dessus de son œuvre, et n’est donc pas disparu derrière celle-ci. Robert Walser, qui a payé le prix fort pour son travail est pour moi, pour nous auteur.e.s, poètes.s.es, artistes, philosophes, un exemple. Robert Walser est un héros parce qu’il a décrit le petit, l’ignoré, le faible, le futile et le non-sérieux, parce qu’il l’a pris au sérieux et qu’il s’y est intéressé. Selon moi, encore et encore, il l’a éclairé de sa lumière. Il a, en éclairant l’insignifiant, insisté sur son aspect absolu et ce faisant, l’a rendu important. Il a donné de l’importance au non-observé et a montré par là que rien n’est accessoire, que tout peut être important, que tout est important. Robert Walser est un héros parce qu’il a suivi le chemin Thomas Hirschhorn étudie à Zurich et s’installe à Paris vers l’échec avec une joie rebelle. Il s’est clairement en 1984. Ses œuvres sont faites en carton, papier positionné contre le succès qui ne lui était ni inaccessible aluminium, adhésif, plastique, photocopies ou images ni inconnu. Selon moi, il a été l’exemple vivant de celui découpées, sur lesquels il écrit ses commentaires sur qui résiste dans l’insuccès et répond au succès par la culture, l’économie, la politique ou la religion. la réticence. Avec et au travers de son rejet du succès, Il a exposé à la Documenta à Kassel, à la Biennale de Robert Walser a posé les questions suivantes : Venise, au Palais de Tokyo à Paris ou, l’été dernier, Que signifie le succès ? Et la défaite ? Sommes-nous devant la gare de Bienne. prêt.e.s – suis-je prêt.e – à considérer un travail au-delà de son succès ou de son insuccès ? 8
Thomas Hirschhorn Robert Walser Skulptur, 2019 Place de la Gare, Bienne Autorisation de l’artiste et ESS/SPA Expositions suisses de sculpture Bienne © Enrique Muñoz García
Thomas Hirschhorn a consacré plus de vingt œuvres à Robert Walser depuis 1995, jusqu’à la Robert Walser Skulptur, une micro-cité érigée à Bienne, qui a accueilli des discussions publiques pendant 86 jours en 2019, dont l’essentiel est condensé dans cette « Map ».
Thomas Hirschhorn The Robert Walser-Map, 2020 300 x 450 cm Autorisation de l’artiste
Thomas Hirschhorn Extrait de la publication Les plaintifs, les bêtes, les politiques, 1995 Édite par le Centre genevois de gravure contemporaine, Genève, 1995
Robert Walser (1878-1956) naît à Bienne, vit à Berlin puis en Suisse. Ses textes paraissent sous forme de feuilleton dans de grands journaux germanophones. Il entre à la clinique psychiatrique de la Waldau, à Berne, en 1929, puis à celle d’Herisau, qu’il quitte le jour de Noël 1956 en marchant dans la neige jusqu’à la mort. Certains de ses textes sont adaptés au cinéma, au théâtre et en musique. Ses livres sont édités en français chez Zoé et chez Gallimard.
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Ailleurs
L’ÉCLAT DES VOIX DU CAUCASE
Par Salomé Kiner Photos Julien Pebrel
La Géorgie et l’Arménie, voisines mélomanes, fournissent des ténors et des barytons aux opéras du monde entier. Sur place, après des années de silence, la vie lyrique retrouve sa voix.
Les petits rats du ballet national sont réquisitionnés pour accueillir les spectateurs, le soir du gala de fin d’année. L’orchestre de l’Opéra national de Tbilissi répète le grand medley lyrique de la soirée de fin d’année.
La taille cintrée par un drapé de soie, un béret sur la tête, Irakli Mujiri sautille sur une passerelle entre l’orchestre et le plateau du théâtre Paliachvili de Tbilissi, capitale de la Géorgie. Ce soir, il est Sako, un personnage tiré du premier opéra comique géorgien, Keto et Kote, le Roméo et Juliette du Caucase. Figure type du ménestrel guilleret qui chante les gloires du vin et de la table dans les gargotes de la ville, Sako est le visage du folklore local du XIXe siècle. Dans l’heure et demie que dure cette représentation de fin d’année, Irakli Mujiri aura son solo. Mais son rôle principal, c’est de faire le passe-plat entre les différentes saynètes de la soirée. La Danza de Rossini interprétée par une rangée de pères Noël, une poupée d’Offenbach gonflable, le toreador de Carmen jetant des roses rouges au public et les danseurs traditionnels se bousculent sur la scène de l’opéra dans un grand pot-pourri de tubes lyriques. Plus qu’une démonstration de talent, ce gala est une kermesse populaire, une parenthèse cocasse après les dernières de Macbeth Salomé Kiner est journaliste, en novembre et avant Nabucco en mars. Pour assister à l’exception autrice et critique littéraire. vocale géorgienne, c’est-à-dire à l’objet de ce reportage, il faudra Actuellement à Buenos Aires, attendre la fin du lâcher de ballons, les figurants en file indienne elle s’intéresse aux hôpitaux psychiatriques et aux vies remontant les allées de la fosse en serrant les mains des enfants et des personnes transsexuelles. les femmes en robes pailletées se penchant au balcon pour prendre Elle est l’autrice d’un guide des selfies sous les lustres de cristal. Dans cette période de fêtes subjectif, Journées parfaites en Suisse (Helvetiq, 2016) et et de lumières, l’apparence est plus soignée que l’écoute. Ce n’est a collaboré avec Arnaud qu’après le départ des foules que les chanteurs donneront la pleine Robert pour 50 summers of mesure de leurs ressources, dans le foyer de l’opéra. Débarrassés music : Montreux Jazz Festival (Textuel, 2016). de leurs costumes et de leur maquillage, rassemblés autour d’une pièce montée et de leurs proches, ils s’accordent sur Chakrulo, un classique du répertoire polyphonique connu jusque dans le cosmos depuis l’envoi d’un disque à destination des extraterrestres par le biais de la sonde Voyager en 1977. Le répertoire géorgien compte seulement quatre opéras. Pour Irakli Mujiri (photo de gauche), c’est un plaisir particulier d’interpréter Sako de Keto et Kote de Victor Dolidze.
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Zaal Khelaia raconte l’anecdote en tirant des bouffées coupables sur une cigarette, gourmandise d’après-spectacle. Une heure plus tôt, il était le Docteur Malatesta de Don Pascuale. Sur la terrasse de l’opéra qui surplombe Roustaveli, l’avenue pimpante de Tbilissi où les décorations de fête concurrencent l’éclat des vitrines luxueuses, Zaal Khelaia redevient le baryton salarié de l’opéra depuis vingt ans, témoin direct des soubresauts de son institution, partiellement détruite par le feu en 1973 puis longuement rénovée entre 2010 et 2016 : « Après la chute de l’empire soviétique, nous n’avions ni lumière ni électricité. On répétait emmitouflés, les instruments étaient désaccordés, on donnait peu de représentations. La situation s’est améliorée avec l’arrivée au pouvoir de Mikheil Saakachvili, puis de nouveau dégradée avec le retour des nationalistes. Mais ce soir, malgré les difficultés économiques du public, la salle était comble. Les Géorgiens raffolent d’opéra. » Quelques heures plus tôt, les chairs adipeuses enfoncées dans un fauteuil des loges, le professeur de chant Gocha Bejuashvili retrouvait une ancienne élève, Salomé Jicia. Après de longues études de piano au conservatoire national, la soprano découvre puis développe sa voix, décroche une bourse du ministère de la culture et part étudier à Rome. C’est en Italie qu’elle débute sa carrière, là-bas qu’elle se trouve un agent. Elle s’est produite dans les opéras de Moscou, de Bruxelles, de Lausanne et de Londres. Au printemps, elle fera partie du casting de Marie Stuart à Zurich. Bien que basée à Tbilissi, elle ne se voit offrir que 1% de ses engagements par la Géorgie: « Les solistes sont voués à voyager, il n’y a rien d’anormal là-dedans. Mais les Géorgiens plus que les autres, parce que l’industrie culturelle n’est pas favorable aux carrières. Pourtant, les voix sont là. Dans ce pays, tout le monde chante. » Pas de vie qui ne soit chantée Les voix sont là, même constat pour l’enseignant : les Géorgiens ont des timbres hors norme qui ne doivent rien aux méthodes staliniennes ni à leurs carrures de Zaal Khelaia, baryton de lutteurs. C’est l’omniprésence de leur tradition vocale qui explique leurs facilités. l’Opéra national de Tbilissi. La musique, comme la lecture ou le calcul, fait partie de la formation générale, tous les enfants y passent. À l’église, dans les mariages, au restaurant, en famille, il n’y a pas de vie qui ne soit chantée. Après quarante ans d’enseignement au conservatoire de Tbilissi, Gocha Bejuashvili évoque ce qu’il estime avoir été l’âge d’or de l’opéra géorgien : « Entre les années 1950 et 1990, notre pays a produit des artistes exceptionnels. Sans les restrictions de l’Union soviétique, ils auraient rayonné dans le monde entier. En contrepartie, nous avions davantage de moyens, nous recevions les troupes du Bolchoï et nous allions en Arménie. Aujourd’hui, ces collaborations sont rares. » L’Arménie ? Allons-y ! Depuis la fin de l’URSS, les guerres du Caucase (Haut-Karabakh, Ossétie du Sud, Abkhazie) compliquent les échanges régionaux. Ainsi, les vols directs entre Moscou et Tbilissi sont suspendus depuis les manifestations antirusses de juin 2019. Ces tensions politiques vont parfois jusqu’à l’abrupt baisser de rideau. En janvier dernier, l’agence de la soprano arménienne Ruzan Mantashyan accusait le ténor azéri Yusif Eyvazov d’avoir empêché sa participation au bal de l’Opéra de Dresde. La Géorgie et l’Arménie entretiennent aussi des rapports distants malgré leurs ressemblances : entourés de puissances dominantes, premiers pays au monde à avoir fait du christianisme une religion d’État, ils ont également en commun de fournir les opéras du monde entier en ténors cristallins ravis de s’exporter sur des marchés plus florissants que les leurs. Si la Géorgie a pris dès 2003 des mesures drastiques pour se débarrasser d’une corruption paralysante, en Arménie, la culture s’ébroue seulement depuis la révolution douce de 2018. Cette perspective de renaissance a convaincu Hayk Vardanyan d’interrompre ses carrières de chanteur et de gestionnaire d’entreprise pour prendre la direction de l’Opéra Studio de Erevan. Située dans une aile du conservatoire national Komitas, cette salle d’une capacité de 300 personnes n’a pas résonné depuis sept ans.
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AILLEU RS Le ténor Armaz Darashvili interprète un passage de Carmen.
« Les Géorgiens ont des timbres hors norme qui ne doivent rien aux méthodes staliniennes ni à leurs carrures de lutteurs. C’est l’omniprésence de leur tradition vocale qui explique leurs facilités. »
Gevorg Hakobyan, chanteur (baryton) et professeur de chant à l’Opera Studio d’Erevan.
Les soirs de gala, l’apéritif est offert aux spectateurs. Des décors en carton sont mis à leur disposition pour se prendre en photo.
« Dans un pays où les plaines sont rares, il faut lutter pour cultiver de quoi survivre. Les Arméniens sont des battants. Nos voix sont taillées dans la pierre, d’où la richesse minérale des timbres. »
Hayk Vardanyan, ancien gestionnaire d’entreprises européennes, nouveau directeur artistique de l’Opéra Studio d’Erevan.
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Lusiné Azaryan est très attachée à la transmission. Elle a créé une école en mémoire de sa professeure Arax Davtyan.
Malgré les difficultés économiques, les salles d’opéra de Géorgie et d’Arménie font une bonne billetterie.
AILLEU RS
Les murs ont pris la couleur des jours, les tentures de la fosse bâillent. Les travaux commenceront en 2020. Caché derrière un rideau qui abrite une cuisinette, Hayk Vardanyan prépare du café turc dans une cezve électrique. Sur la couverture de son agenda, en lettres majuscules, le mantra « Never Quit » dit son état d’esprit : Hayk Vardanyan a 33 ans, un diplôme de l’Université française en Arménie, une sœur violoncelliste au Carnegie Hall, un réseau de maestri italiens et des contacts avec les opéras de Paris, de Strasbourg, de Stuttgart et de Tbilissi pour mettre en place des échanges artistiques entre étudiants. Sur les 650 élèves du conservatoire Komitas, 46 fréquentent ce laboratoire dont il veut faire, à court terme, le second opéra d’Erevan. Le premier, mastodonte de 1600 places inauguré en 1933, ressuscite également depuis l’arrivée de son nouveau directeur artistique Constantin Orbelian, chef d’orchestre américain d’origine arménienne. Un soliste y gagne en moyenne 450 euros par mois. Sur une cinquantaine de chanteurs salariés, cinq sont régulièrement sollicités en Europe, où les représentations leur rapportent en moyenne 2500 euros par soirée. Pour Hayk Vardanyan, pas question de former les futurs fonctionnaires de la flotte lyrique du pays. Avec son compte Instagram, sa page Facebook, ses collaborations internationales et du matériel d’enregistrement, l’Opéra Studio veut pallier les limites de l’industrie : « Avant, le potentiel d’un étudiant suffisait pour qu’un agent investisse sur lui et finance ses études chez un bon professeur. Ce système n’existe plus, ils ne prennent plus de risques. Les débutants luttent pour entrer dans le marché. Ils manquent de contrats, ils sont obligés de chanter dans un répertoire qui n’est pas le leur, ils n’épanouissent pas leur voix, et même, ils finissent par la perdre. » La recette secrète ? L’alphabet arménien Cette fameuse voix qui place l’Arménie sur l’atlas du bel canto, c’est essentiellement celle des sopranos ou des ténors dits « spinto », majoritaires en Arménie. À mi-chemin entre le lyrique, plus léger, et les voiles obscurs des ténors dramatiques, les spintos ont Tosca, Madame Butterfly ou Aida au répertoire. Pour expliquer ce dénominateur commun, Hayk Vardanyan s’en remet à l’alphabet arménien : « Avec ses 39 lettres, dont de nombreuses consonnes, il rend la voix plus profonde et plus grave. Le contraire de l’Italie, très marquée par les vocali. » À quelques pas de là, dans son appartement perché au 7e étage d’un immeuble du centre-ville d’Erevan, Lusiné Azaryan, ancienne soliste de l’Opéra de Vienne, propose un argument complémentaire : les montagnes. « Dans un pays où les plaines sont rares, il faut lutter pour cultiver de quoi survivre. Les Arméniens sont des battants. Nos voix sont taillées dans la pierre, d’où la richesse minérale des timbres. » Les inflexions gutturales et la mystique topographique peuvent expliquer une partie des couleurs vocales. Au lendemain du 150e anniversaire de sa naissance, difficile de ne pas vouloir rajouter l’héritage de Komitas dans l’équation lyrique. Né dans la Turquie ottomane, orphelin à 12 ans, Soghomon Soghomonian, de son nom complet, chantait en arménien avant de savoir le parler. Ethnomusicologue, Komitas a sillonné le pays pour recueillir le chant des gardiens de troupeaux, des villageois, des mariages, des funérailles. Ses transcriptions sont les fondements de la musicologie arménienne. Sur la table de sa cuisine sous un saladier de grenades, Lusiné Azaryan déballe les anthologies, les partitions et les disques qu’elle lui a consacrés. À l’opéra, quoi que jamais démonstrative, cette soprano puise dans une voix riche et puissante. Pour interpréter Komitas, elle cherche la simplicité. Le dénuement de ceux qui ne chantent pas pour séduire, mais pour adoucir un labeur ou dire pudiquement leurs joies. Une voix sans éclat, sans technique, mais large, incandescente, telle la paume du paysan qui se libère de son outil. Au fond, c’est aussi parce qu’elles bichonnent leurs racines lyriques que les voix arméniennes et géorgiennes fleurissent dans les grands opéras du monde.
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La religion peut-elle sauver le monde ? Perte de repères, attentats islamistes, croisade contre le mariage homosexuel, aumône musulmane (zakât), grand pardon (Yom Kippour), amour de son prochain, miséricorde… difficile d’y voir clair entre le bien et le mal des religions. Entre croyance spirituelle, éthique personnelle, morale collective, clergé influent ou pouvoir politique, les religions peuventelles encore sauver le monde ? Tentative(s) de réponse le 5 mars hindouisme au Grand Théâtre de Genève, avec le Duel #3, co-organisé par le Musée international de la réforme (MIR).
Par Olivier Gurtner
islam
judaisme
hindouisme
shinto
druidisme
druidisme
hindouisme
shinto
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Dans la saison 2019-2020 du Grand Théâtre, deux opéras présentent deux regards opposés de la religion : Les Huguenots montrent les conflits, l’opposition catholiquesprotestants, le rejet de l’autre et la meurtrière Saint-Barthélémy ; Saint-François d’Assise fait l’éloge d’un frère pieux, pauvre et à l’écoute des autres. Ces œuvres illustrent la capacité constructrice et destructrice des croyances religieuses.
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Co-fondateur du magazine culturel Go Out !, Olivier druidisme Gurtner est investi dans la vie institudruidisme bahai tionnelle, au Conseil municipal de la Ville et différentes associations, comme le festival LGBT de cinéma Everybody’s Perfect. Fan d’opéra, d’art contemporain et d’architecture, ayant notamment présidé les jeunes amis de l’Orchestre de la Suisse Romande (OSR), il aime aussi la gastronomie ! Au Grand Théâtre, il est en charge des relations publiques et de la presse.
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hindouisme
« L’enfer est pavé de bonnes intentions » Chez les religions « du livre », le judaïsme, le christianisme et l’islam, les valeurs portés par les textes consacrés, notamment le Pentateuque, la Bible et le Coran, défendent une définition du monde organisé sous l’autorité bienveillante d’un Dieu qui récompense les bons et punis les mauvais mais sait aussi pardonner à ces derniers et mettre les premiers à l’épreuve. Ils accompagnent les croyants dans toute leur existence terrestre, et surtout après. shinto
La religion, un pouvoir Au-delà des questions spirituelles, les réponses apportées par les religions se déploient sur terre avec une volonté d’influence et de pouvoir. Curie romaine, clergé chiite, hiérarques judaïques, les religions ont toujours frayé avec la politique, l’aboutissement ultime étant ces états religieux comme l’Iran, Israël, le Vatican. Ce ne sont pas les seuls : en Suisse, le préambule de la Constitution fédérale ne débute-t-il pas par « Au nom de Dieu toutpuissant » ? La loi cantonale valaisanne sur l’instruction dispose d’ailleurs que « [l’école] s’efforce de développer le sens moral, les facultés intellectuelles et physiques de l’élève, de le préparer à sa tâche de personne humaine et de chrétien » (art. 3). Avec 84% de la population mondiale qui se définit comme croyante, les athées constituent une minorité. La prédominance de la religion est donc une réalité dans le monde, mais peut-elle justement le sauver ?
hindouisme
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islam
shinto islam
Convertira ? Convertira pas ?
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druidisme
taoisme
judaisme
judaisme druidisme
christianisme
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Autre caractéristique fondamentale, beaucoup des religions sont prosélytes, afin de convertir les brebis égarées qu’il faut intégrer shinto druidisme druidisme à la bonne communauté des croyants, « pour leur bien » évidemment. Il s’agit de partager ses convictions spirituelles, sa vision du monde druidisme druidisme bahai bouddhisme et au-delà du monde. Problème : cette volonté d’accueillir un maximum d’hommes et de femmes dans la bonne chapelle traduit autant l’ouverture que la fermeture, l’exclusion et la violence.
bahai
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bouddhisme
Élévation individuelle ou destruction collective ? Le pouvoir des religions réside plus dans ses églises que ses textes. Alors, pour que la religion puisse sauver le monde, ne devrait-elle pas faire tomber ses chapelles pour mieux se concentrer sur ses paroles, son message et sa force ? Ou le monde doit-il faire fi de ces mêmes chapelles qui ont causé tant de mal ? Rendez-vous le jeudi 5 mars, au Grand Théâtre de Genève.
Rendez-vous
Au Grand Théâtre de Genève, le 05 mars 2020 — 20h Duel#3 « La religion peut-elle sauver le monde ? » gtg.ch/duels 17
Reportage
littéraire 3/4
Par Max Lobe
LES BONS OFFICES
Dans les ateliers costumes de Sainte-Clotilde © Samuel Rubio
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Tout au bout du lac Léman, en Seigneurie de Genève.
Malaika, ma petite mouette au plumage rose satin vole-vole joyeusement. Juché sur son dos, je vois la ville d’en-haut. La rue du marché glisse jusqu’au port, de l’autre côté du mur qui clôt la ville. Là, sur la grève froide d’hiver, une foule d’artisans, des orfèvres, des chocolatiers, des chapeliers, des lainiers, des teinturiers et bien d’autres pétardiers. Les montagnes ont revêtu leur plus beau manteau ; il est blanc neige et épais. Vaniteuses, ces montagnes contemplent leur reflet dans les eaux calmes du lac. Je les trouve élégantes. À cause de la bise hivernale qui a soufflé sans répit ces derniers jours, les platanes, les marronniers, les tilleuls et les autres arbres ont perdu leurs froufrous-doudous verts. Maintenant, ils sont figés dans de longues robes à franges de glace. Une bande de jeunes mouettons jouent à faire les beaux gosses. Cela nous fait pouffer de rire, Malaika et moi. Je me sens si libre que je me laisse tomber dans le vide. Mon amie me récupère avant que je n’aie mon fond. Et c’est comme ça que je gaspille tous mes morceaux de journée à flâner, à chanter au vent. Je chante ma joie d’avoir lu et relu les Max Lobe est né au Cameroun. textes des Huguenots, les révolutionnaires venus du Royaume de Il est l’auteur de Loin de Douala (2018) France et d’ailleurs. J’ai ouï parler que chez eux, leur tête est mise ou de la Trinité bantoue (2014). La à prix. Rooh ! De gros tablards, de bleu ! J’entends, je les aime bien moi plupart de ses ouvrages sont parus aux éditions Zoé. Cette saison, il explore ces rebelles. Pas toi, ma mouettinina ? Tiens, l’as-tu remarqué ? Depuis en quatre épisodes les coulisses du leur arrivée ici avec leurs lots de réformes dans leur fourre d’escarcelle, Grand Théâtre. Ce troisième reportage les messes anciennes maigrissent. Oooh qu’elle prennent de l’os ! nous conduit au 8 avenuelle SainteClotilde, siège du Père Balthazar, le plus Qui veut encore assister à ces long-longues liturgies mollement grand costumier que la Seigneurie récitées. Patooor noster qui es in coelis sanctificetouur nomen tuum… n’ait jamais connu. Un bêlement. Plus personne n’y va. Enfin, pas grand-monde. Les cygnes, le cou frêle, les oies et les canards ne s’y rendent plus. Même pas pour faire le p’tit clopet à l’ombre. Est-ce que tu sais que le chef Hugo-Hugo s’est enfui ? Après le Royaume de France, voilà maintenant qu’il s’enfuit de notre Seigneurie. Est-ce que tu crois que nous ne l’avons pas bien reçu ? Au moins, avec ces Hugo-Hugo, nous partions à l’école. Ah l’école ! C’est un truc bizarre. On nous enseigne des langues venues de loin. Ah ma Malaika ! Combien loin ? Aucune idée. Mon roille-gosses de maître me plaisait bien, lui. Ces religionnaires sentent la liberté. C’est quoi la liberté ? Lire directement la Parole. La liberté c’est rossignoler. La liberté c’est danser, danser-voler, encore et encorement. Merci au Ciel de m’avoir offert le salut. Comme ça. Gratos. Je l’ai, là, dans un pli de mon tricorne. T’inquiète ma Malaika, mon salut est aussi le tien. Je veux chanter la grâce divine qui m’a été donnée de rêver aussi bien pour les vivants que pour les morts. Pour cela, rien que pour cela, je mérite un costume spécial. Ou bien ? Encore trois battements d’ailes et nous sommes avenuelle Sainte-Clotilde. La bâtisse porte le numéro 8, siège du Père Balthazar, le plus grand costumier que la Seigneurie n’ait jamais connu. Il avait habillé des baronos, des duckos, des rois et reines. Il avait perdu la vue. Il était mort. Il était dans le noir. Malaika et son ami Pépito savent que Père Balthazar vit. Là. Figé dans un tourbillon de fils de mille couleurs. Après de longues salutations, le costumier se lance : « Que puis-je pour toi, mon ’tito Pépito ? » Je lui demande un costume de nobles, de princes, d’ambassadeurs. Je veux un costume de Bon Officier ! Un, deux, trois et hop, voilà que tout se met à danser autour de nous, sur les larges tables. D’abord les ciseaux, des plus gros ou plus minces, les crayons, les épingles. Le fer à charbon rougit de toutes ses braises. Explosion de rubans jaune, seigle, blanc-farine, mauve, rose-carotte. Un morceau de craie coincé au bec et à l’aide d’une équerre, Malaika dessine un croquis sur une large surface de tissu mousse de laine. Père Balthazar danse avec un mannequin à grosse poitrine. Ça pedze ; ils sont trop collés-collés. Des mains, je me recouvre les yeux. Mam’ dit qu’il faut faire comme ça. 19
REP O RTAGE LITTÉRAIRE 3/4
Un bustier ? s’étonne le costumier. Ah nom d’un Huguenot ! Ça lui ira pas, un bustier. En tout cas pas pour bonnofficier. Malaika se remet au travail. Cette fois-ci, c’est une veste à manches crevées. Mais il n’est pas un mercenaire, voyons ! Le costumier dit que c’est une mode de l’ancienne église. Or, lui préfère les réformes des Hugo-Huguenots. J’aide Malaika à tailler le nouveau patron. Tissu mousse de laine et le résultat… Un grand et large manteau à fourrure de loup. Génial ! s’écrit le tailleur de l’au-delà. Les flammes au-dedans des yeux, le voilà qui sautille comme un p’tit ibex dans tout l’atelier. À sa suite, les boutons dorés, argentés, les rouleaux et des roule-rouleaux de tissu à n’en plus finir. Celui-là me plaît beaucoup : c’est du velours, du bien lourd. Comme Père Balthazar sait que ce tissu me plaît, alors il me dit : OK. Mais c’est à moi de choisir la couleur ! D’un claquement de doigts, la teinte verte-sombre vire au bleu. Du bleu royal. Au milieu de tout ce cheni tourbillonnant, je raconte à Père Balthazar que ce matin même, alors que vole-volais au-dessus du lac avec ma mouettinine, j’ai aperçu deux caravelles. Ah bon ? Des caravelles ? Mais oui, que je lui dis. À droite, les voiles rouges frappés de l’effigie d’un énorme Bison Blond. À gauche, un immense Griffon Barbu. Les deux caravelles convergeaient vers l’entrée de la ville, au niveau de la grande Tour-horloge. Ils avaient à peine accosté que déjà une foule de badauds les avaient entourés, les oreilles crochées à leur bouche. Sans que personne ne leur demande rien, les représentants des Bisons Blonds et des Griffons Barbus nous ont servi leur histoire. Épuisés par leurs batailles bobettes, les Bisons Blonds et les Griffons Barbus étaient convenues de se pacifier. Pour que les discussions ne finissent pas en boucherie, et surtout pour que les éventuels accords signés ne soient contestés par aucune partie, fallait se retrouver une drôle de terre. C’est-à-dire un pays libre, rebelle. Un pays d’orfèvres fiers et de comptables-en-banque, museaux cousus. Moustachus. Un pays fort, qu’ils ont dit. Là d’où-ce que le bon Citoyen, dans son tout aussi bon droit, exclut sagement l’étranger des décisions de la cité. Un pays de gens intègres et persuadés de leur salut. Genève. La danse continue. Père Balthazar déroule un tissu dont le blanc correspond en tout point à la pâleur rosée de ma peau. Il balance un autre rouleau que Malaika attrape au vol. La doublure. Le costumier coupe et découpe. Comme s’il gavait des canards, il rembourre mon faux-corps. Une bonne masse sous le menton. Un énorme abdominal. Des bourrelets de chenille. Père Balthazar dit que c’est pour le respect. Pour ça, je comprends pourquoi personne ne me respecte ici : je suis qu’un pauvr’ maigrichon, moi. Malaika vole-vole. Elle dit que l’atelier est en tous points pareil au ciel. Ici, tout est infini ; comme le génie de Père Balthazar. Le costumier continue de valser allègrement. Il plane, il vole, il caquette. Il me lève un bras. Ma tête cherche la voie de secours. Les pieds enfilent des pompes que je ne peux voir. Le lustre de ma parure est un miroir. Un bon officier, c’est avant tout un miroir. Les belligérants admireront ta grandeur et ton humilité. Tu en profites pour leur chanter des rêves. Que le vin coule à flot sur ta fourrure, le gras sur ta tunique, le foutre aussi. Tu serviras de piste de danse. La fête durera jusqu’ààà. Fais seulement. Les vêtements de Père Balthazar ne périssent jamais.
Rendez-vous
Au Grand Théâtre de Genève Les Huguenots 26 février au 08 mars 2020 gtg.ch/les-huguenots 20
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Visite
d’atelier
Par Stephan M¨üller
Pour chaque discipline artistique, il existe un lieu de « fabrication » de l’œuvre : l’atelier, le studio, la cuisine, là où les choses se projettent, s’essayent, se construisent, se ratent, se transforment, aboutissent… ou pas. Chaque numéro permet d’explorer l’atelier d’un artiste, de situer son travail et aussi de voyager un peu dans sa tête. Dans cette édition, c’est au tour d’Anna Viebrock, qui signe les décors des Huguenots, opéra de Meyerbeer présenté au Grand Théâtre.
L’ESPACE TRANSFORMÉ
Anna Viebrock dans son atelier, Berlin, 2019. © Anna Viebrock
Rendez-vous
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ANNA VIEBROCK
Au Grand Théâtre de Genève Les Huguenots 26 février au 08 mars 2020 gtg.ch/les-huguenots
Scénographie de la Sonnanbula, mise en scène Jossi Wieler et Sergio Morabito, Deutsche Oper Berlin, 2019 © Bernd Uhlig Scénographie de 44 Harmonies from Apartment House 1776, mise en scène Christoph Marthaler, Schauspielhaus Zurich, 2018 © Tania Dorendorf
Stephan Müller est metteur en scène d’opéra et de théâtre. Il a codirigé le Theater am Neumarkt à Zurich, a été metteur en scène et dramaturge au Burgtheater à Vienne et a travaillé ailleurs en Europe, aux ÉtatsUnis et en Chine. Il est actuellement conseiller artistique du Grand Théâtre et professeur émérite de la ZHdK (Performing Arts).
« On a parfois aussi envie d’être seule. »
Anna Viebrock © Lisa Rastl
Plus une artiste a de succès et plus elle devient nomade. Qu’elle le veuille ou non. Cela fait plus de quarante ans qu’Anna Viebrock se promène de scène en scène et de lieu en lieu, à travers toute l’Europe et dernièrement aussi à Hong Kong. Pour un travail aussi largement répandu, elle a actuellement besoin de trois ateliers : un à Berlin, un à Vienne et un dans l’Eifel. C’est à l’écart de tout dans ce massif montagneux de l’Allemagne que se trouve le camp de base de sa créativité : « On a parfois aussi envie d’être seule. » Anna Viebrock est restée fidèle au mode analogue ; elle dessine encore à main levée ses esquisses et projets, elle prend encore des photos qu’elle sélectionne en les épinglant au mur, pour développer un concept qui émerge du jeu de contrastes de multiples idées qui se contredisent. On la connaît pour ses espaces emboîtés, comme ceux réalisés pour le Faust de Goethe à Hambourg, mis en scène par Christoph Marthaler, avec ses scènes de laboratoire, de café du village, d’église, de superpétrolier et d’alcôve de motel. Ses mondes sont toujours un mélange d’éléments spatiaux familiers, mais combinés de manière à ce qu’ils paraissent étrangers à notre regard. Le domicile physique s’y unit à l’itinérance métaphysique. Ses espaces consistent en de puissantes ambiances de sécurité, de pauvreté, de solitude, de désarroi ; ils se distinguent par leur air de brocante dont on aurait exclu tout facteur de kitsch. Ce sont des espaces qui nous donnent une idée des catastrophes à venir. La devise créative d’Anna Viebrock pourrait être : « L’art est l’adversaire absolu du bien-être. » (Oswald Wiener) Elle travaille actuellement pour le Grand Théâtre de Genève, pour l’opéra de Zurich et comme enseignante à la Wiener Akademie. Pour Genève, elle réalise la scénographie des Huguenots de Meyerbeer (mise en scène de Jossi Wieler et Sergio Morabito) et pour Zurich, celle de l’Orphée et Eurydice de Gluck. Dans chacun de ses projets, Anna Viebrock participe aussi de manière essentielle au concept général et échange volontiers ses idées dramaturgiques et collabore avec enthousiasme à leur mise en œuvre concrète. C’est ainsi qu’elle a aussi signé plusieurs mises en scène de sa propre main, que ce soit à l’opéra ou au théâtre. Lors d’une rencontre au Kunstmuseum de Bâle, nous nous sommes très vite trouvés dans la problématique complexe de la création lyrique d’aujourd’hui : que peut-on raconter aujourd’hui avec une œuvre historicisante comme Les Huguenots ? Quelle forme adopter, quelles références pour mettre l’opéra en relation avec le contemporain ? Quelles thématiques une personne de notre temps peut-elle découvrir dans ce matériel du passé ? Nous avons évoqué la formation de divers types de peur, qui nous affectent et nous hantent tous et toutes, qui sont inscrits de manière essentielle dans chaque œuvre des répertoires lyrique et littéraire. Les quatre formes de base de la peur sont effectivement présentes dans l’opéra de Meyerbeer : la peur de perdre son appartenance sociale, la peur de perdre l’amour, de perdre la vie, tout comme la peur de perdre la raison. La peur, comme le dit Kafka, traverse chaque espace. 23
SOMMES-NOUS VRAIMENT XÉNOPHILES?
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Joëlle Kuntz est journaliste, chroniqueuse et écrivaine. Elle a couvert pour la presse française et suisse des moments clé de la deuxième moitié du XXe siècle, de la Révolution des œillets à Lisbonne à la rétrocession de Hong Kong. Spécialiste de la vocation internationale de Genève, elle a publié une Histoire suisse en un clin d’œil (Zoé, 2006). Dernier ouvrage paru : Genève, une place financière (Slatkine, 2019).
Et d’abord sans les protestants ayant fui la France ? Ils ont apporté prospérité et rayonnement. Et surtout, ils ont fait de la question des réfugiés LA question de Genève. Cela vaudra à la ville le siège du HCR et d’importantes communautés russe, hongroise, arabe ou iranienne, malgré une xénophilie parfois sélective.
DO SSIER XÉN O P HILIE
Par Joëlle Kuntz
Que serait Genève sans les étrangers ?
En 1839, trois ans après l’Opéra de Paris, Les Huguenots de Giacomo Meyerbeer étaient au programme du « Théâtre de Neuve », le prédécesseur du Grand Théâtre. On se presse dans les loges, malgré la méchante critique du Journal de Genève, qui juge orchestre et chanteurs « insuffisants ». Le succès de l’œuvre coïncidait avec la popularité renouvelée de la Saint-Barthélemy à Genève : l’esprit protestant était en effet réveillé par l’arrivée des populations catholiques des communes sardes rattachées au canton depuis le Congrès de Vienne (1815). Le sentiment national genevois prenait appui sur la mémoire entretenue et valorisée des deux vagues de refuge provoquées au XVIe siècle par la répression des adeptes de la nouvelle foi par les puissances catholiques. Le « Premier Refuge » commence dans les années 1548-1550. La ville que Calvin est en train de consolider comme République réformée accueille des protestants français, italiens ou anglais persécutés. En dix ans, ses 10 000 habitants deviennent 20 000. La plupart des réfugiés viennent du nord et de l’est de la France. En 1572, la Saint-Barthélemy amène encore des milliers de huguenots français des mêmes régions, en cortèges de dix à vingt personnes par jour. Tous ne restent pas Par des performances, films, photographies, installations créées à Genève. Beaucoup vont – ou sont conduits – vers les régions avec des textiles, de la lumière germaniques, suisses ou allemandes. Mais ceux qui restent sont enrôlés ou du son, l’artiste sud-coréenne dans la bourgeoisie genevoise avec leur métier, leur argent, leurs talents Kimsooja interroge les conditions humaines, la culture, la politique pratiques et intellectuels. Ils prennent vite le pouvoir sur les « vieux ou l’environnement. Elle utilise les Genevois » du cru. De sorte que le refuge, malheur absolu quand il se bottaris, ces baluchons des nomades mêle à la faim, la peste ou la violence, se transforme, une fois la avec lesquels elle rend hommage aux migrants du monde entier. souffrance surmontée, en facteur de prestige. On se plaît à afficher sa biographie familiale française ou italienne. Qui n’est pas issu d’une lignée de réfugiés peut aller jusqu’à s’en inventer une. Le « Second Refuge », essentiellement français, mais du sud cette fois-ci, est lié à la politique religieuse répressive du régime de Louis XIV. Il culmine avec la Révocation de l’Édit de Nantes en 1685. Les trois ou quatre milliers de protestants qui montent à Genève en provenance du Dauphiné, des Cévennes ou du Languedoc ajoutent à la démographie genevoise une classe d’artisans et de commerçants qui vont accélérer Kimsooja, Bottari Truck - Migrateurs, 2007, commande et installation, l’industrialisation et animer le commerce. Ils deviendront bientôt les marchandsMAC VAL, Vitry-sur-Scène, 2008. Autorisation de Kewenig Gallery banquiers de la République, puis ses banquiers. et de l’artiste. Photo Thierry Depagne.
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L. Bellotti, Assemblée dans le désert, XVIIIe siècle © Musée international de la Réforme, Genève. Durant le « Désert », période entre la révocation de l’Edit de Nantes (1885) et la Révolution française (1789), les protestants de France, privés de liberté de culte, se réunissent loin des villes, cachés dans des forêts ou des garrigues, pour vivre clandestinement leur foi.
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Le réfugié, une figure méritante ! L’élite genevoise tenant ses origines du refuge, elle est naturellement portée à faire du réfugié une figure méritante. À condition bien sûr que ledit réfugié soit capable de prouver sa qualité de persécuté. Car comme l’affirme la Bourse française d’entraide sollicitée lors du « Second Refuge », « quantité de pauvres, soit fainéants, qui ne font que rôder sous le prétexte de religion séjournent en cette ville pour y gueuser de maison en maison, ce qui peut produire de fort mauvaises suites ». Aussi recommandé soit-il, l’accueil ne va pas de soi. Le registre genevois de 1688 évoque un incident entre la veuve de l’ancien syndic Colladon et une réfugiée dauphinoise, Mme d’Esparron, qui s’est mise à sa place à Saint-Pierre, la Colladon « l’ayant fait sortir brusquement, traitée incivilement et même usé de termes de mépris contre les réfugiés en général ». Les pasteurs veillent à maintenir la balance entre le devoir religieux de générosité entre des coreligionnaires et la colère des établis contre la concurrence des nouveaux venus « qui ruinent entièrement le commerce ». Un marchand, Jacques Mallet-Genoud, pétitionne pour empêcher les associations commerciales entre Genevois et étrangers qui permettent justement aux étrangers de contourner les règlements sur le monopole bourgeois du commerce. Il propose que chaque étranger admis à la bourgeoisie s’acquitte d’une caution (énorme) de 3000 à 4000 écus comme gage de fidélité à l’État. Genève fait donc très tôt l’expérience pratique des défis découlant d’une immigration massive. Elle en tire une idéologie, spontanément énoncée par un contemporain du Second Refuge : « Notre ville, plus peuplée, l’établissement des manufactures, le commerce plus étendu et plus florissant, l’argent autrefois si rare devenu tout à coup plus abondant… sont des effets sensibles de l’azile (sic) que nous leur avons accordé. Ne soyons pas des ingrats et rendons avec plaisir aux enfants ce que nous avons reçu de leurs pères ». Genève aime « ses » étrangers Aux XVIe et XVIIe siècles, l’accueil des réfugiés protestants français et italiens est motivé par la solidarité religieuse érigée en devoir moral. Genève est « xénophile » dans la mesure de ses propres passions et intérêts. Elle aime les étrangers qu’elle reconnaît comme siens. Plus tard, au XIXe siècle, c’est une solidarité de même nature, mais républicaine, qui l’amène à accueillir les proscrits de l’Europe antimonarchique. En 1838, le Conseil représentatif de Genève, canton suisse depuis moins de 25 ans, doit se prononcer sur le sort du prince Louis-Napoléon Bonaparte, réfugié en Thurgovie, dont la France de Louis-Philippe réclame l’expulsion. Il est partagé. L’ancien syndic Rigaud, délégué genevois à la Diète, est d’avis qu’il ne faut pas céder à l’arrogance française et d’autant moins que la Thurgovie affirme avoir naturalisé Louis-Napoléon. Dufour défend aussi le prince, qu’il connaît personnellement et dont il partage probablement alors les idées antimonarchistes. Au contraire, les conservateurs Sismondi et Charles Pictet-de-Rochemont réclament l’expulsion : « Le droit des gens nous oblige à écarter un individu qui compromet la tranquillité d’un État voisin si nous voulons vivre en paix avec celui-ci », écrit Sismondi. Le parlement genevois votre contre l’expulsion par 138 voix contre 94. La population genevoise appuie spontanément ce choix et se prépare à la résistance contre l’armée française cantonnée près de Gex. Le conflit n’aura pas lieu, puisque le prince quitte volontairement le territoire suisse. Mais l’épisode représente la trame des menaces et conflits qui occupent tout le XIXe siècle d’une Suisse réputée accueillante au centre d’une Europe en révolution et contre-révolution. Enclavée entre le royaume de France et le royaume de Sardaigne, la Genève des années 1830 est le refuge des anciens bonapartistes ou conventionnels français, des carbonari italiens et des libéraux allemands, entre autres.
Genève cité de refuge, bas-relief de Paul-Maurice Baud, 1921, Tour du Molard, Genève. © Yann Forget / Wikimedia Commons
DO SSIER XÉN O P HILIE
Carte du Refuge huguenot © Musée international de la Réforme, Genève.
« Notre ville, plus peuplée, l’établissement des manufactures, le commerce plus étendu et plus florissant, l’argent autrefois si rare devenu tout à coup plus abondant… sont des effets sensibles de l’azile (sic) que nous leur avons accordé. Ne soyons pas des ingrats et rendons avec plaisir aux enfants ce que nous avons reçu de leurs pères ». Un contemporain du Second Refuge
Jean Calvin, Institution de la Religion chrétienne (1e édition), Bâle, 1536 © Musée historique de la Réformation, Genève. Exposé au Musée international de la Réforme, Genève.
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Latifa Echakhch Hospitalité, 2006 Phrase inscrite dans le mur, 29 cm Edition 2/3 et 1 EA © Latifa Echakhch Autorisation de l’artiste et Kamel Mennour, Paris/London
En 1848, après la création de l’État fédéral – la seule révolution démocratique qui a réussi parmi toutes celles qui ont ébranlé l’Europe – la ville est un havre pour les rescapés des révoltes françaises et européennes. Le Genevois Dufour fait entendre sa voix au Conseil national : « Quand un patriote chassé par la tyrannie s’efforce, en prenant notre sol pour point de départ, de reconquérir la liberté pour sa patrie, je trouve cela explicable… Nous ne l’expulserons pas, ce serait injuste », explique-t-il en précisant que le réfugié devra se soumettre aux lois suisses et ne rien entreprendre qui mette la Confédération en danger. Cette double politique d’accueil des réfugiés assortie de leur renoncement à utiliser le territoire suisse comme base d’action politique prévaudra quand arrivent à Genève les réfugiés de la Commune de Paris, puis de toutes les tendances de la lutte russe contre le tsarisme. Lénine y séjourne cinq ans. L’Iskra, sa revue bolchevique, y a son bureau éditorial. La rue de Carouge, peuplée de dizaines de révolutionnaires avec ou sans papiers, est appelée La Karoujka. Que la police surveille, avec plus ou moins d’efficacité. Avec deux tiers d’étrangers en 1893, l’université offre un cadre de solidarité précieux pour les ressortissants des empires travaillés par les révoltes. Mais les « espions » sont aussi dans la place ! Faut-il voir un lien politique, même ténu et tortueux, entre le refuge huguenot du XIVe siècle et la création du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) au XIXe ? Comme un souvenir, entre Calvin et Dunant, qui ferait son chemin à travers le temps, incrusté de l’expérience de l’injustice et du danger ? Peut-être. Toujours est-il qu’à peine sur pied, le CICR est impliqué dans tous les grands conflits de la fin du siècle – guerre franco-prussienne, guerre de Crimée, guerre russo-japonaise – portant très haut une idée genevoise de la sécurité des individus, en l’occurrence des soldats blessés. Le travail du CICR pendant la Première Guerre mondiale, et notamment l’action de l’Agence internationale des prisonniers de guerre, vaut à Genève la reconnaissance des États-Unis et du RoyaumeUni, qui choisissent la ville comme siège de la Société des Nations. Genève, dès lors, est sur la carte du monde. Et la question des réfugiés reste SA question. La révolution russe en 1917, l’écroulement des empires en 1918 et le démantèlement des territoires et des populations du continent mettent des dizaines de milliers de personnes sur les routes, en fuite d’un régime ou chassées d’un pays qui n’est plus le leur. Près de deux millions de Russes sont sans patrie. Un Haut Commissariat pour les Réfugiés voit le jour à Genève sous l’égide de la Société des Nations. Il invente pour les apatrides un titre de voyage qui leur permet au minimum de circuler pour trouver quelque emploi ou situation : le passeport Nansen, du nom de son créateur, le Norvégien Fridtjof Nansen, directeur du Haut Commissariat. Le même passeport est utilisé après la Seconde Guerre mondiale par tous les réfugiés des pays d’Europe de l’Est fuyant l’annexion soviétique ou privés de leur nationalité. En 1951, l’Organisation des Nations Unies, qui a pris la suite de la Société des Nations, adopte une convention sur les réfugiés dite « Convention de Genève », qui énumère les droits et les devoirs des bénéficiaires du statut de réfugié. L’assaut soviétique contre l’insurrection de Budapest Rendez-vous en 1956 et la fuite de près de deux cent mille Hongrois en est une première Au Grand Théâtre de Genève mise en pratique. Nombreux à Genève, les Hongrois y sont suivis par Les Huguenots les Juifs et Arabes rejetés par les nationalismes panarabes, grâce 26 février au 08 mars 2020 auxquels se développent le négoce des matières premières et la banque gtg.ch/les-huguenots proche-orientale, puis les Iraniens après la Révolution islamique de 1979. En 2019, riche de ces apports successifs, internationalisée à l’extrême, la ville a inauguré juste en face du bâtiment du Haut Commissariat pour les réfugiés un parc de baraques plus élégantes qu’à l’ordinaire pour abriter des requérants d’asile, rescapés chanceux des dictatures ou de la pauvreté. Internationalisme oblige. Mais… une dernière information : les banques genevoises (et suisses) n’ont plus le droit d’accueillir les capitaux étrangers qui y trouvaient refuge contre l’impôt. La religion démocratique l’interdit.
DO SSIER XÉN O P HILIE
Latifa Echakhch est née au Maroc, a étudié en France et est basée à Fully (Valais). Son langage visuel oscille entre force et fragilité, politique et poésie, et intègre des éléments surréalistes, conceptuels et symboliques. Son œuvre Hospitalité détourne la phrase « à remplir par l’administration » tirée d’un formulaire de demande de titre de séjour, et transforme l’espace infime proposé à l’étranger en espace excavé dans le mur qui, une fois rebouché, existera toujours.
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Les Juifs à l’Opéra Avant 1800, les Juifs étaient presque complètement absents du monde de la musique savante. Comment se fait-il alors que dans le deuxième quart du XIXe siècle, les deux compositeurs les plus réputés du monde – Mendelssohn et Meyerbeer – étaient tous deux juifs, que les salles de concert étaient pleines de virtuoses juifs et que des Juifs comme Maurice Schlesinger et Henri Heine figuraient au premier plan de l’édition et du journalisme musicaux ?
Caricature antisémite sur les ambitions sociales de Meyerbeer à Paris / OBA
Par David Conway Traduction Christopher Park
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Les réponses à ces questions sont ancrées dans la métamorphose de l’Europe postnapoléonienne. Les arts ne dépendaient plus du mécénat quasi exclusif de l’Église et de l’aristocratie : un mécénat qui excluait les Juifs de l’apprentissage de la musique savante. Les fonctions d’arbitres du goût en matière de musique et d’opéra appartenaient désormais aux théâtres lyriques, aux imprésarios et à leur clientèle, la bourgeoisie émergente. Avec l’émancipation des Juifs d’Europe occidentale de leurs ghettos, acquérir et adhérer à la culture européenne était une manière splendide d’affirmer leur appartenance aux nations qu’ils habitaient. Il ne s’agissait dorénavant que de plaire aux nouveaux publics, qui n’avaient d’autre exigence que le divertissement. Les plus grands talents musicaux parmi les Juifs de France, comme Fromental Halévy, même s’ils venaient de familles pauvres, pouvaient quand même gagner des bourses d’État pour étudier au Conservatoire. De telles opportunités n’existaient pas en Allemagne, où certaines familles juives fortunées étaient néanmoins plus que disposées à payer les meilleurs maîtres de musique pour donner un statut culturel à leur progéniture. Ce n’est donc pas une coïncidence que Mendelssohn et Meyerbeer venaient tous deux de familles immensément riches.
DO SSIER XÉN O P HILIE
Pour les musiciens allemands, la question de l’argent était d’emblée irritante : Wagner avait assez brillamment formulé un triple brocard à l’encontre de Rossini, Meyerbeer et des Rothschild : « [Rossini] n’aurait pas pu rêver qu’un jour, il viendrait en tête aux Banquiers, pour lesquels il avait toujours fait leur musique, qu’ils pourraient la faire faire chez eux. » En même temps, le développement d’un « canon musical » bourgeois évinçait progressivement les compositeurs d’avant-garde aux dépens des gloires mortes du passé et des compositeurs populaires du moment. C’est dans ce contexte que nous devrions situer l’ire de Wagner à l’encontre de publics qui voulaient écouter ce qui leur plaisait (ou qu’on leur conseillait d’écouter pour leur plaisir) plutôt que d’écouter ce que lui pensait être la musique qu’ils devraient écouter pour leur plaisir. Admirer Halévy n’était pas un problème pour Wagner. En tant que Français, ce dernier ne constituait pas une menace pour la musique du Volk allemand. D’ailleurs, Halévy ne professait pas d’attachement particulier à son patrimoine religieux : le choix du sujet de La Juive ne venait pas de lui, il le lui fut imposé par la direction de l’Opéra de Paris. Pour Meyerbeer, c’était une autre paire de manches. Il était un Juif qui se trouvait également être allemand et il se percevait en tant que tel. Meyerbeer ne pouvait pas être à l’aise avec sa judéité comme l’étaient les Juifs français et par conséquent sa correspondance et son journal intime sont remplis d’anxiété, de récriminations et de vexations perçues. En 1839, il écrivait à Heine : « La haine des Juifs ressemble à l’amour dans les romans ou au théâtre : on a beau en faire souvent l’expérience, sous toutes les formes possibles, elle ne rate jamais sa cible si on s’en empare avec efficacité… Que peut-on y faire ? » Par corollaire, la question de l’être-Juif est à la base de tous les grands opéras de Meyerbeer, même si aucun personnage juif n’y figure. Car dans chacun d’eux le héros – Robert, Raoul, Jean, Vasco da Gama – est un marginal de par sa naissance ou son appartenance religieuse, qui lutte pour survivre dans un environnement qui lui est hostile. Avec la fin du XIXe siècle, il était évident que la prééminence continue du nationalisme en Europe allait susciter un nouvel avatar du « problème juif », dans le cadre d’une justification politique et non plus religieuse. La vieille haine des Juifs allait être ressuscitée sous la nouvelle appellation, quasi respectable, presque scientifique, d’« antisémitisme ». La période de l’affaire Dreyfus (1894-1906) coïncida avec la montée du wagnérisme en France et le déclin de popularité des œuvres de Meyerbeer à l’Opéra. En 1890, aucune œuvre de Wagner ne fut jouée à l’Opéra alors qu’il y eut 32 représentations d’œuvres de Meyerbeer. En 1906, il y eut 60 représentations d’œuvres de Wagner et seulement trois de Meyerbeer, toutes des Huguenots. Seuls La Juive et Les Huguenots allaient rester péniblement au répertoire, jusqu’en 1934 et 1936 respectivement. Avec la Deuxième Guerre mondiale, les souvenirs de la suprématie de Meyerbeer sur le répertoire lyrique européen appartenaient déjà aux brumes d’un passé lointain. Dans les décennies qui suivirent, une réévaluation du genre et de la David Conway est Associé de tradition du grand opéra s’est très lentement mise en mouvement, recherche honoraire au University par coïncidence et inévitablement sous l’influence de l’analyse des College à Londres et visiteur au Oxford événements historiques du siècle dernier et leurs conséquences Centre of Hebrew and Jewish Studies. Il a fait sa thèse sur l’entrée juive dans catastrophiques pour les Juifs et en relation particulière avec le débat les professions musicales aux XVIIIe autour de la signification et l’influence de la virulente diatribe de Wagner, et XIXe siècles (Jewry in Music) et a Le Judaïsme dans la musique. Mais même Wagner se rendait compte, contribué à Judaism in Opera et The Oxford Handbook of Faust in ne fût-ce que subconsciemment, qu’il était, comme Meyerbeer, un Music. Il est directeur de la compagnie professionnel qui cherchait à se faire un nom dans un marché fortement d’opéra HGO à Londres, qui œuvre compétitif où il fallait plaire aux publics. Dans son journal intime du 3 avril à la promotion de jeunes chanteurs. 1880, Cosima Wagner écrit : « R. a bien dormi mais a rêvé à Meyerbeer, qu’il a croisé dans un théâtre et qui lui disait : ‘Oui je sais… Mon long nez’, comme si R. s’était moqué de son nez, ce sur quoi R s’est plus ou moins excusé et le public a applaudi leur réconciliation. » Il est intéressant de remarquer que, même dans ses rêves, les excuses de Wagner restent dans le domaine du « plus ou moins ».
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avier Koller,
L’entretien DO SSIER XÉN O P HILIE 32
du grand écran au Grand Théâtre Oscarisé en 1991 pour son film Reise der Hoffnung, le cinéaste suisse n’en a pas fini de dénoncer les passeurs. Le Grand Théâtre de Genève invite Christian Jost à le transformer en opéra citoyen, présenté en première mondiale.
Dites « Umuda yolculuk » en Turquie, on vous répondra « Xavier Koller ». C’est le titre en turc de son film Voyage vers l’espoir, inspiré d’une histoire vraie. En octobre 1988, un passeur du nom de Mustafa Odun a conduit un groupe de migrants kurdes au col du Splügen, entre l’Italie et la Suisse, et les y a abandonnés. Seyt Enhas, un garçon de 7 ans, y a trouvé la mort, de froid et d’épuisement, dans les bras de son père. Le passeur sera reconnu par la mère sur des photos, arrêté avec des complices, dont un Italien, et condamné en 1989 à Milan à cinq ans de prison. Le film de Xavier Koller, lui, sort en 1990, tourné en Turquie et Suisse. Il obtient le Léopard de bronze à Locarno, puis l’Oscar du meilleur film étranger à Hollywood l’année suivante. À ce jour, c’est le seul film suisse à avoir jamais reçu cette distinction. Le réalisateur s’installe alors en Californie et va y passer 28 ans. Il a tourné neuf films après Voyage vers l’espoir, dont plusieurs en Suisse, comme l’adaptation au cinéma en 2015 du livre alémanique pour enfants Schellen-Ursli (Une cloche pour Ursli ), qui fera près d’un demi-million d’entrées. Il est désormais de retour en Europe, en Ligurie pour l’instant, d’où il répond à nos questions.
Voyage vers l’espoir. © Xavier Koller
Propos recueillis par Serge Michel L’opéra, un monde familier ?
Pas du tout ! J’ai vu quelques classiques, avec des chanteurs gros et gras sur scène. Il m’arrive de fermer les yeux, pour ne rester qu’avec la musique. Votre matrice, c’est davantage le théâtre, non ?
Mes parents tenaient une cantine ouvrière dans une cimenterie à Brunnen, dans le canton de Schwytz. Les ouvriers étaient des saisonniers siciliens. Neuf mois par an, ils étaient mes oncles, mes frères, mes amis. J’ai fait un apprentissage de mécanicien, puis une école de théâtre à Zurich. J’ai commencé à jouer à Göttingen, dans les années 1960. Des pièces de Samuel Beckett. On était un groupe engagé, radical. Dans les parages, il y avait Bruno Ganz, Dani CohnBendit, Rudi Dutschke et quelques-uns de la bande à Baader. On passait nos nuits à parler de politique. Depuis votre Voyage vers l’espoir, la mer a pris le relais de la montagne… les migrants meurent aujourd’hui en Méditerranée.
C’est vrai. Mais à l’époque du film, cette histoire de migration semblait être un problème que l’on pouvait résoudre. Et puis les vagues de migrants ont grossi. L’instinct de survie, qui met les migrants sur la route, est trop important, il est au cœur de la nature humaine. Alors c’est comme une inondation. Il n’y a pas de mur, pas de barbelés, pas de fusil, pas de lois pour arrêter l’eau qui coule. C’est aussi pour l’avenir des enfants : les parents veulent un endroit où leurs enfants puissent bénéficier d’une bonne éducation, qu’ils soient libres, qu’ils aient le droit de réussir. Vous présentez encore le film ?
Sans arrêt. J’ai fait restaurer une copie, il y a quatre ans, et cela n’arrête pas. Ce matin, j’ai reçu une demande pour aller le montrer dans une prison en Allemagne, pour éduquer les prisonniers aux dangers de la xénophobie. J’étais récemment au Liban, où cela avait une résonance particulière, vu le nombre de réfugiés syriens dans ce pays. J’ai été très impressionné par la résilience de ce pays, détruit par la guerre, reconstruit, et accueillant aujourd’hui plus d’un million de Syriens. Pourtant, beaucoup de choses ont changé, en 30 ans, dans le domaine de la migration…
C’est vrai, mais je trouve que le film a peu vieilli. Je me souviens du visionnement à Hollywood, devant l’Académie des Oscars : il y a eu un grand silence après les dernières images. C’est une histoire simple, qui touche les gens. D’une certaine manière, cette émotion est encore là.
Cela fait quoi d’être le seul Suisse à avoir jamais gagné un Oscar ?
D’abord, cela m’a donné la chance de pouvoir aider la famille du garçon mort en 1988. Après, il faut bien dire que c’est le film qui a gagné, pas moi ! Je n’étais que le moteur derrière, pour que tout soit fait. L’Oscar, cela a été un moment tellement excitant, ahurissant. C’est un honneur qui est resté avec moi, mais qui n’a pas fait de moi un meilleur réalisateur ! Votre prochain film ?
J’hésite entre deux sujets. Soit un thriller sur les passeurs, des profiteurs éminemment méprisables. À l’époque de Voyage vers l’espoir, leur business représentait des millions. Désormais, ce sont des milliards. Combien sont-ils ? Comment peuvent-ils envoyer des gens à la mort ? Comment viventils avec leur mépris incroyable pour la vie, pour l’humanité ? Comment lutter contre eux, que peuvent faire les gouvernements ? Mais j’ai aussi une idée de comédie sur la lecture que nos sociétés font des migrations, quel est notre problème avec eux, d’où vient notre xénophobie ? Un jour, nous les Suisses d’origine, serons minoritaires en Suisse. Est-ce que nous nous sentons à ce point dépourvus qu’il nous faut porter des extrémistes au pouvoir ? J’aimerais explorer les origines des mouvements « alt-right », aux États-Unis, en Allemagne, en Europe de l’Est. Trump est le meilleur exemple, je n’en peux plus de l’entendre, mais comment se fait-il que ce personnage dirige la planète ? Quand allons-nous retrouver nos esprits ? Vous restez donc très engagé, et plutôt à gauche !
Tous mes films ont un fond politique, mais pour ma part, j’ai toujours été plus émotionnel que politique. De gauche ? Je m’inspire de Walter Mehring, auteur allemand ayant fui le IIIe Reich pour la Suisse et que j’avais rencontré à Zurich durant mes études : « Je ne suis ni de gauche ni de droite, je suis vertical ! » Je déteste les dogmes.
Rendez-vous
Au Grand Théâtre de Genève Voyage vers l’espoir 30 mars au 8 avril 2020 gtg.ch/voyage-vers-lespoir
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Un opéra DO SSIER XÉN O P HILIE
Une quinzaine de requérants d’asile et de réfugiés font partie d’un projet participatif autour de la création mondiale du Voyage vers l’espoir du compositeur Christian Jost. Cette mesure d’insertion socio-professionnelle originale doit permettre aux participants de développer leur confiance en soi, leur insertion dans le tissu social genevois et d’ajouter une belle expérience à leur curriculum vitæ. La voix de la soprano remplit le couloir vide. Elle chante du Mozart renforcé par les mots d’Aslı Erdoğan qui dénoncent l’absolutisme et les abus du pouvoir. C’est la répétition de Die Entführung aus dem Serail. Il faut se faire discret. Guidés par Sabryna Pierre, responsable du développement culturel du Grand Théâtre, Mary, Gebremeskel et Khodadad figent leur respiration et avancent à tâtons sur la moquette rouge. Ils poussent doucement la porte de la loge du premier étage, se muent dans la pénombre et découvrent soudain la scène illuminée, le décor qui tourne sur lui-même, les artistes en mouvement, la sculpture du plafond étoilé et tous ces sièges rouges : les mille cinq cents places du Grand Théâtre. La magie opère. Du 30 mars au 8 avril, la Nigériane de 21 ans, l’Érythréen de 31 ans et l’Afghan de 23 ans monteront peut-être à leur tour sur la scène du Grand Théâtre. Ils font partie de la trentaine de migrants intéressés à être l’un des (quinze) figurants de l’opéra de Christian Jost, Un voyage vers l’espoir, inspiré du film de Xavier Koller. Il y a trente ans, ce film suisse a ému Hollywood au point d’emporter l’Oscar du meilleur film étranger. Tristement atemporelle, l’histoire raconte la trajectoire d’une famille kurde qui abandonne ses proches et sa terre natale pour se rendre à pied vers un paradis imaginé : la Suisse. Au péril de leur vie.
« C’est la première fois que j’entends de l’opéra »
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Ces obstacles naturels et humains, Mary, Gebremeskel et Khodadad les ont surmontés eux aussi, il y a quelques années. Tout cela est désormais derrière eux. Ils ont obtenu l’asile ou une admission provisoire en Suisse et surtout la sécurité. Depuis la loge du Grand Théâtre, les trois migrants essaient maintenant de s’imaginer à leur tour sur la scène de l’opéra de Genève, leur ville d’accueil. Quels mouvements le chorégraphe leur demandera-t-il de faire ? Quels costumes auront été préparés pour eux ? Ils le découvriront très bientôt. « C’est la première fois que j’entends de l’opéra, murmure Mary de Laure Gabus est journaliste. retour dans le hall. D’habitude, j’écoute plus des émissions comme Elle a réalisé plusieurs grands America’s Got Talent. J’aime la musique, nigériane surtout. Davido, reportages en Équateur, en Haïti Simi. Vous connaissez ? Je chante avec ma fille. Elle a 3 ans, elle aime ou en Grèce. Son ouvrage Leros, île au cœur de la crise migratoire la musique comme moi. » Elle montre des vidéos sur son téléphone (Georg, 2016) a obtenu le prix Nicolas et se met à fredonner avec justesse. « Je veux faire cet opéra, travailler Bouvier. Elle a aussi créé le podcast et ne plus rester seule chez moi à penser. » Gebremeskel approuve : e La 4 dimension, une enquête poétique sur le temps à travers « J’ai essayé la musique pendant plusieurs mois quand j’avais 12 ans, la Suisse. cela n’a pas marché. Je suis venue ici pour améliorer mon français, rencontrer des gens. Ici, il y a tant de monde. C’est magnifique. »
vers l’espoir
Mary et Khodadad
Khodadad rêve de devenir comédien ou de travailler dans tout ce qui est lié à l’art, même si en Suisse « c’est compliqué et difficile ». Il avait déjà fait du graphisme en Afghanistan et tenté sa chance à chaque opportunité. Il a ainsi déjà réalisé et monté un court-métrage avec la Fondation Act on Your Future et participe aux Rencontres en scène avec l’association Dance with Me. Le jeune homme a les yeux qui brillent lorsqu’il prononce le mot « opéra » et s’imagine fouler les planches du Grand Théâtre. « En voyant la salle, je prends de l’énergie. C’est si beau. Surtout la vue depuis le balcon du haut. » Un grand sourire fend soudain son visage. Ses soucis s’évaporent un instant.
« Je voulais bâtir le futur dont j’avais envie »
Ces dernières années ont été difficiles. À 18 ans, Khodadad a quitté son village natal de la province de Daykundi au centre de l’Afghanistan. Par Laure Gabus Il a pris la route avec un groupe d’une douzaine d’amis en direction Photos Sylvie Léget de l’Europe. « Chez nous, c’est la guerre. Depuis quarante ans, c’est la guerre. Là où je vivais, il n’y avait aucune sécurité. On pouvait risquer de se faire couper la tête par un taliban en allant à la ville. Daesh était dans la région voisine. Je ne voyais aucun avenir pour moi. Je voulais pouvoir bâtir un futur dont j’avais envie », se souvient-il. Après 15 jours, il est arrêté par la police en Iran, violemment, et renvoyé dans son pays. La partie la plus difficile de son périple. Il se relève et reprend la route direction le Pakistan, à nouveau l’Iran, la Turquie et la Grèce — « on est arrivés par la mer sur une île, on ne savait pas comment elle s’appelait » – puis l’Autriche, la Macédoine, l’Autriche encore puis la Suisse. Khodadad voulait continuer vers l’Allemagne ou la Suède. Ses amis voulaient s’arrêter. Il prendra la même décision qu’eux. « Le voyage avait été très difficile, et je voulais rester avec eux. Les amis, c’est aussi la famille. » 35
Gurhum
DO SSIER XÉN O P HILIE
« Le service militaire, la prison ou partir » Cinq ans se sont aussi écoulés depuis l’arrivée de Gurhum. Son voyage à travers le désert de Libye, la Méditerranée puis l’Italie. Il a traversé toutes ces épreuves avec un seul espoir : celui d’atteindre et de vivre dans un pays pacifique. Et d’être libre. Il est heureux et soulagé d’avoir obtenu l’asile en Suisse. « Ici, je peux me déplacer, connaître différentes régions, apprendre gratuitement le français. Je trouve cela magnifique de pouvoir vivre tranquille. En Érythrée, je ne connaissais que le service militaire, qui est obligatoire et à vie. Si tu refuses, tu vas en prison comme beaucoup de gens. Je n’avais pas le choix, je devais partir. Pour la liberté. »
Le jour où Mary s’est réveillée dans un hôpital italien, elle a réalisé qu’elle avait survécu à la tempête en Méditerranée, au naufrage de son embarcation pneumatique et à toutes les atrocités vécues depuis son départ du Nigéria. Son voyage jusqu’en Suisse a duré plusieurs années. Sa fille est née à Genève, signe d’un nouveau départ. « Je suis heureuse d’avoir enfin une vie meilleure. Maintenant, je veux travailler car j’aime ça. Et j’aime chanter. Cela me change les idées, me fait avancer. Cet opéra est si beau, cela fait rêver. » Anne Nouspikel, directrice de la communication de l’Hospice général, souligne Rendez-vous qu’« il est important de changer le regard que l’on peut avoir à l’égard Au Grand Théâtre de Genève des requérants d’asile, de montrer qu’ils fonctionnent comme nous et Voyage vers l’espoir sont employables comme n’importe qui. » 30 mars au 8 avril 2020 Quant à Huda Backhet, codirectrice d’Antidote, association qui gtg.ch/voyage-vers-lespoir développe des projets sociaux dans le domaine de la culture et qui facilite l’insertion professionnelle et sociale des populations vulnérables ou en marge de la société, voici sa vision du projet. « L’opéra Voyage vers l’espoir traite de l’exil et du voyage intérieur et extérieur qu’il représente. La collaboration entre le Grand Théâtre, Antidote et l’Hospice général vise à permettre à une quinzaine de migrant·e·s de rejoindre l’équipe des figurant·e·s sur le plateau. Des ateliers sont proposés pour travailler la présence sur scène, le mouvement corporel, la prise de parole en public, le ‘story telling’ et le théâtre. Ils sont élaborés avec Refugee Voices, un programme qui vise à améliorer la confiance en soi et à développer des compétences dans l’insertion professionnelle. Cette expérience permettra aux participant·e·s de faire connaissance avec des Genevois.e.s, de participer à un projet culturel d’envergure, d’être rémunérés, de recevoir un certificat de travail et de bénéficier d’une initiation à l’opéra par l’équipe du Grand Théâtre. »
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Šlaura keller / www.laurakeller.ch
Insert,
Émilie Gleason, Jeanne Gillard et Nicolas Rivet, Qui a construit Thèbes aux sept portes ?, sérigraphie, 2019
Dans la longue histoire des étrangers qui ont marqué Genève de leur empreinte, celle des saisonniers reste encore largement occultée. Récemment, Rosa Brux, le Collège du Travail et les Archives contestataires ont présenté au Commun, dans le Bâtiment d’art contemporain à Genève, l’exposition Nous, saisonniers, saisonnières… Genève 1931-2019. Par de nombreux documents papier, des archives audiovisuelles, des films produits pour l’occasion, ils ont rendu un hommage sensible et respectueux à ces hommes et ces femmes de l’ombre. Pour l’occasion, l’illustratrice Émilie Gleason et les artistes Jeanne Gillard et Nicolas Rivet ont dessiné cette étonnante carte de Genève. Son titre, Qui a construit Thèbes aux sept portes ?, cite les mots de Bertolt Brecht dans son poème Questions que se pose un ouvrier qui lit, pour évoquer l’absence dans le récit historique de certaines de ses actrices et acteurs clés. 38
Par Olivier Kaeser
Qu’est-ce que cette carte donne à voir ? Des cités-satellites, des grandes infrastructures telles que Palexpo, la tour de l’aéroport, les Ports Francs, la tour RTS, Uni Dufour ou la Cité Universitaire, de très nombreux hôtels et commerces, ou encore certains sièges des organisations internationales. Tous ces bâtiments en rouge ont été bâtis par des saisonniers, en compagnie de leurs collègues aux statuts moins précaires, souvent immigrés, parfois suisses. Les saisonniers ont ainsi joué un rôle majeur dans la construction de Genève depuis plusieurs décennies, mais aussi dans d’autres secteurs comme l’agriculture, l’hôtellerie et la restauration. Cette carte révèle une sorte de contre-histoire de la ville de Genève.
Sur le fil de la xénophilie L’étranger — surface de projection par excellence. L’étranger, c’est ce qu’on ne connaît pas. S’il y a la peur de ce que l’on ne connaît pas, il y a bien sûr aussi la fascination de l’inconnu : et là, quelquefois, le jugement hâtif se suspend un moment.
Clara Pons est metteuse en scène et réalisatrice. Elle travaille à l’intersection entre texte, musique et image. Parmi ses projets récents, un film sur le cycle Harawi d’Olivier Messiaen (2017) ou Lebenslicht (2019) avec la musique de J.S. Bach portée par Philippe Herreweghe et le Collegium Vocale Gent. Elle est actuellement dramaturge au Grand Théâtre.
Les Huguenots
Par Clara Pons
Maquette des décors des Huguenots © Anna Viebrock
Les Huguenots
En abordant Les Huguenots au Grand Théâtre – plus montré depuis 1932 –, on plonge au cœur de la problématique de « l’étranger » au sein d’une même société. Ce grand opéra, genre qui se développe au XIXe siècle avec l’établissement de la bourgeoisie au pouvoir en France – en 1836, nous sommes en plein règne du roi bourgeois Louis-Philippe –, introduit le pluralisme au centre d’une pièce lyrique. Après La Juive de Halévy, créée une année plus tôt, Les Huguenots se sert des mêmes instruments pour interroger les confessions au sein même d’une société qui est tout sauf œcuménique. Ici, c’est la nuit de la Saint-Barthélemy qui sert de trame au récit fictionnalisé d’Eugène Scribe et Emile Deschamps. Nos deux librettistes, feuilletonisme oblige, choisissent l’histoire d’amour de Raoul et Valentine pour cadrer le récit. À travers le prisme narratif de la petite histoire, c’est le désastre de la grande histoire que l’on redécouvre. Évidemment, XIXe siècle aidant, l’historicisme est le cadre de l’épanchement sentimental : ici, l’histoire devient surface de projection de l’imaginaire bourgeois et la différence, religieuse dans le cas de l’opéra, stigmatise la ruine et l’échec dans une société qui, au contraire, est en train de chercher à restaurer un ordre durable. À cette couche historique s’ajoute la décision de l’équipe dramaturgique, Jossi Wieler et Sergio Morabito, de replacer l’action dans un studio hollywoodien du début du siècle. En hommage à Birth d’une identité nationale – et au cinéma muet, le studio permet aux metteurs en scène de montrer les fils invisibles dans la littéralité de l’œuvre ainsi que de mettre en avant la nature intrinsèque et fictive de raconter l’Histoire – et en passant, de rappeler que monter une pièce (opéra ou autre) ne sera jamais qu’une relecture de celle-là. 40
Voyage vers l’espooir
DO SSIER XÉN O P HILIE
Voyage vers l’espoir
Si Meyerbeer a essuyé des années d’oblitération liées à son origine israélite, projection inversée d’une réalité historique, le Grand Théâtre s’essaye lui à représenter le réel sur la scène : choisir pour la création de la saison de thématiser la migration avec le nouvel opéra de Christian Jost Voyage vers l’espoir (lire aussi l’article sur Xavier Koller), c’est justement miser sur le vouloir dire et Maquette de la scénographie de Voyage vers l’espoir montrer ce qui est indicible. Comment raconter le sort des milliers de personnes, qui, comme il y a plusieurs siècles, ont fui la persécution et cherché la liberté de croire ou d’exister, en traversant aujourd’hui monts et mers ? La projection est multiple, d’abord celle du paradis imaginaire, celle d’un monde où tout est possible. Eldorado aveuglant d’espoir, la réalité des pays traversés sur la route est souvent plus proche de l’enfer. Et le paradis imaginé, un labyrinthe bureaucratique déshumanisé. L’autre devient cette réalité projetée du meilleur auquel on n’a pas accès. Tandis que l’autre migrant, le nouvel arrivé, le voyageur errant, l’étranger devient contenant des peurs et des clichés. Privé de la liberté tant recherchée, le voici à la merci du système auquel il peine à s’intégrer. Cette thématique brûlante, Kornél Mundruczó, qui fera la mise en scène de la création, la connaît bien. Il a construit plusieurs de ses œuvres sur elle – ne citons que son dernier film de 2017 La Lune de Jupiter. Comme dans son projet primé à plusieurs reprises Imitation of Life avec lequel Mundruczó et sa compagnie Proton Theatre tournent encore, le Hongrois questionne le monde et sa représentation. Entre le réel et la poésie, l’image (filmée) et la scène (jouée), les voyageurs avancent de frontières en frontières, d’illusions en désillusions sur la route du paradis, ce mirage qui s’éloigne à chaque pas. Projection positive ou négative, l’étranger ne cesse d’être projection que dans l’interaction réelle et concrète. Sur une scène, elle reste du domaine de la représentation et non du réel. Une raison de célébrer l’imaginaire sans oublier néanmoins que cet imaginaire pourrait faire changer le réel.
À l’occasion de cette création, la Cinémathèque suisse projettera la copie restaurée de A Journey of Hope signé Xavier Koller. Rendez-vous à Lausanne le 24 mars à 19h30 en présence du réalisateur, du compositeur Christian Jost et de Kornél Mundruczó. À ce dernier, les Cinémas du Grütli consacre un cycle, avec quatre films : White God, Delta, Johanna et Pleasant Days, du 16 au 22 mars.
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3 • Balla alle catacombe
5 • L’opéra sur Arte
4 • Films et engagements
Rendez
2 • Tate live version Congo, Nigéria et Alaska
1 • Abramović vs Callas
-vous
OPÉRA
DANSE
OPERA / TV
ABRAMOVIĆ VS CALLAS • 1 Figure incontournable de la performance depuis les années 1970, l’artiste serbe Marina Abramović est célèbre bien au-delà du milieu de l’art depuis sa rétrospective au MoMA de New York en 2010. Aujourd’hui, elle rend hommage à un mythe lyrique : Maria Callas. Sur les planches de la Bayerische Staatsoper, elle monte 7 Deaths of Maria Callas. On se souvient de ses décors pour Pelléas et Mélisande (qui viendra bientôt à Genève…) alors on se réjouit de ce nouveau projet. Le compositeur ? Ils sont plusieurs, de Marko Nikodijević à Georges Bizet, Gaetano Donizetti, Giacomo Puccini et Giuseppe Verdi dont on a repris des scènes célèbres.
BALLA ALLE CATACOMBE • 3 La chorégraphe et artiste Eszter Salamon, d’origine hongroise, est la lauréate du Events Arts Prize 2019. Dans la continuité de la série Monuments, sa pièce MONUMENT 0.6 : HETEROCHRONY / Palermo 1599-1920 réunit des traces d’archives musicales siciliennes, des sensations chorégraphiées inspirées des rituels de momification des catacombes capucines de Palerme et des références historiques à la Révolution sicilienne de 1848. L’œuvre, une sorte d’opéra a capella portée par huit performers, imagine un continuum entre la vie et la mort et crée un corps acoustique et dansant.
7 Deaths of Maria Callas
HETEROCHRONY /
L’OPÉRA SUR ARTE • 5 Salué par la critique allemande, hué à la première, adoré à la dernière, accueilli tièdement par les plumes francophones, Die Entführung aus dem Serail présenté au Grand Théâtre est disponible sur Arte Concert. La production événement imaginée par Luk Perceval sur des textes de l’écrivaine et militante des droits de l’homme Aslı Erdoğan est à (re)découvrir, comme une invitation à un voyage intime sur l’existence, la solitude, la mort et l’amour. L’occasion d’apprécier la musique de Mozart magnifiée par Fabio Biondi et les mots du Mandarin miraculeux. La saison Arte Opéra propose des mises en scène d’exception jouées sur les plus prestigieuses scènes européennes.
du 11 au 14 avril 2020
Palermo 1599-1920
Die Entführung aus dem Serail
Opéra d’État de Bavière, Munich
Du 1er au 4 avril 2020,
Production du Grand Théâtre de Genève
staatsoper.de
Théâtre Nanterre Amandiers,
Mise en scène Luk Perceval
Nanterre
avec des textes d’Aslı Erdoğan
Les 8 et 9 avril 2020,
Arte Opéra sur Arte Concert
HAU Hebbel am Hufer, Berlin
Jusqu’au 25 avril 2020
esztersalamon.net
www.arte.tv/fr/videos
PERFORMANCE / EXPO
TATE LIVE VERSION CONGO, NIGÉRIA ET ALASKA • 2 Faustin Linyekula, Okwui Okpokwasili et Tanya Lukin Linklater déploient leurs œuvres à la BMW Tate Live Exhibition, dans The Tanks, la section de la Tate Modern dédiée à la performance, à l’art interactif et aux installations vidéo. Durant 10 jours et 6 nuits, les trois artistes interrogeront le format de l’œuvre d’art, entre installation, danse, théâtre, musique, échanges, communion et réflexions autour de l’histoire, notamment comme les républiques démocratiques du Congo et du Nigéria. BMW Tate Live Exhibition Du 20 au 29 mars 2020 Tate Modern, Londres tate.org.uk
MONUMENT 0.6 :
CINÉMA
FILMS ET ENGAGEMENTS • 4 Le grand écran comme miroir du monde… Le Festival du film et forum international sur les droits humains (FIFDH) respire au rythme de la Genève internationale. Sa directrice Isabelle Gattiker place ainsi les enjeux « Le FIFDH 2020 réunira celles et ceux qui, dans ce monde entré en ébullition, repensent nos certitudes, imaginent un monde plus juste et construisent notre avenir. » Pour cette édition, Ernest Pignon-Ernest est à l’honneur et l’affiche est signée Charlie Hamilton James, photographe collaborant régulièrement avec le National Geographic. Festival du film et forum international sur les droits humains Du 6 au 15 mars 2020 Différents lieux à Genève fifdh.org
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DANSE
HOMMAGE DANSÉ À UNE MILITANTE • 6 Une chorégraphe sur son lit de mort, un chorégraphe plus jeune à son écoute. Avec The Deathbed of Katherine Dunham, l’Américain Trajal Harrell rend hommage à une figure afro-américaine, qui a été la professeure d’Eartha Kitt, James Dean et Marlon Brando, mais aussi une militante des droits civiques ayant entamé une grève de la faim pour défendre les droits des réfugiés. Trajal Harrell avait rencontré cette figure sur son lit de mort en 2006, l’occasion de lui poser des questions, l’occasion manquée d’en poser d’autres. Par cette performance, danse et installation à la Kunsthalle de Zurich, il clôt en avril 2020 sa trilogie « Porca Miseria », qui évoque de grandes figures féminines, après Médée (O Medea créé à Athènes) et Maggie de La Chatte sur un toit brûlant de Tennessee Williams (créé à Manchester).
OPÉRA
FESTIVAL LYRIQUE POUR LES JEUNES • 9 Marre des rangs de perles et des chanteurs aux postures vieillottes et désincarnées ? Réinventer l’opéra passe par interroger ses lignes esthétiques autant que sa place dans la société. Et ça se fera à Amsterdam au Opera Forward Festival, dont la cinquième édition se déroule du 13 au 22 mars 2020. Organisée par le Dutch National Opera, la manifestation vise donc les plus jeunes, avec un billet ne dépassant jamais les 20 € pour les moins de 35 ans. Vieilles rombières, passez donc votre chemin. L’année dernière, Peter Sellars était venu y déclarer « We really cannot confuse money with freedom. » Message reçu ?
Fidelio, mise en scène
Opera Forward Festival
par Christoph Waltz
Du 13 au 22 mars 2020
Du 15 au 27 mars 2020
Dutch National Opera, Amsterdam
Theater an der Wien
operaballet.nl
theater-wien.at
LIFESTYLE
The Deathbed of Katherine Dunham Du 1er au 4 avril 2020 Production du Schauspielhaus Zurich, co-commande du Whitney Museum of American Art à New York, présentée à la Kunsthalle Zurich neu.schauspielhaus.ch
MULTIMÉDIA
LA CHUTE EN CHANSONS • 8 « Ce qui est important, ce n’est pas la chute, c’est l’atterrissage », annonce le prologue de La Haine. Chez Laurie Anderson, la chute prime, avec The Art of Falling, une nouvelle création multimédia présentée en mars 2020 à la Philharmonie de Paris. Aux côtés du violoncelliste Rubin Kodheli, elle déroulera ses saynètes autour de la chute. La New-Yorkaise fera montre de son talent expressif et musical cultivé dès les années 1970, elle qui a signé des jalons de la musique électronique, notamment avec son album Big Science en 1982. Jusqu’ici tout va bien. The Art of Falling 21-22 mars 2020 Philharmonie de Paris philharmoniedeparis.fr
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OPÉRA
WALTZ DE TARANTINO À BEETHOVEN • 7 Christoph Waltz passe du grand écran à l’opéra. Après son Rosenkavalier à l’Opera Ballet Vlaanderen, l’acteur doublement oscarisé transforme l’essai avec Fidelio de Beethoven, dont on fête les 250 ans de sa naissance. L’opéra humaniste et antiautoritaire évoque le combat d’une femme, Leonore, déguisée en Fidelio pour sauver son homme Florestan emprisonné à tort. La situation ferait presque sourire, quand on connaît les rôles incarnés par Waltz pour Tarantino… Le Singspiel de Beethoven sera présenté dès le 16 mars au Theater an der Wien, avec en fosse d’orchestre un ancien violon des Wiener Philharmoniker, Manfred Honeck.
LE MUSC, UN MUST ! • 10 Fraîchement rénové, le Théâtre du Châtelet à Paris reprend l’usine à rêves et souvenirs. On pourra repartir du spectacle avec une image, mais aussi un parfum, « Odeur du Théâtre du Châtelet, acte I ». La maison Comme des Garçons a créé une fragrance dédiée à la mythique scène parisienne, entre senteurs de musc, fleur d’oranger, ambrette, rose oxydée. Odeur du Théâtre du Châtelet, acte 1 Comme des Garçons – parfums comme-des-garcons-parfum.com
8 • La chute en chansons
9 • Festival lyrique pour les jeunes
-vous
Rendez 10 • Le musc, un must !
9 • Opera Forward Festival
7 • Waltz de Tarantino à Beethoven
6 • Hommage dansé à une militante
Le tour
du cercle
Dans chaque numéro de ce magazine, deux portraits de membres du Cercle du Grand Théâtre Par Serge Michel
Antoine Khairallah La lumière basse de cet après-midi d’hiver donne un ton chaud aux bâtiments du quai du Mont-Blanc, qui seront légèrement surexposés sur la photo. On hésite un instant. Cela pourrait être Beyrouth, mais c’est Genève. « C’est ma ville, dit aussitôt Antoine Khairallah, c’est ici que
mon cœur bat quand l’avion se pose .»
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Il se pose souvent, car cet avocat d’affaires, installé à Genève depuis les années 1980, voyage beaucoup, pour son travail et parfois pour l’opéra. Premiers souvenirs ? À 6 ans, sa grand-mère libanaise qui emmène tout le monde à Gstaad, via Genève. « Le paysage féerique du lac Léman, derrière les vitres de la voiture… », sourit Antoine. Et puis les années 1980, quand la guerre civile se durcit et les oblige à fuir Beyrouth où leur © 2020 Nicolas Lieber vie, plusieurs fois, n’a tenu qu’à un fil. La mère, très croyante, voudrait poursuivre jusqu’à Rome. Mais elle peine à quitter Genève. Elle finira par y prendre racine. Une maronite chez les calvinistes ? « Cela va bien ensemble », s’amuse Antoine Khairallah. Sa famille possède de grandes terres dans la Vallée sainte, au nord du Liban, refuge des maronites comme Genève fut celui des huguenots. « Les moines y cultivent la terre. Il a fallu se défendre. Tout est rude, d’une rigueur extrême. On est loin des fastes catholiques ! » C’est dans ces montagnes qu’il reçoit de sa mère une leçon d’humilité qui lui servira toute sa vie. « Un soir d’été, les paysans sont montés au domaine, portant des corbeilles d’œufs, de fruits, de fromages frais et de poulets plumés. Ma mère leur ordonne de laver leurs mains calleuses et de nous rejoindre à table. Elle était la dame, l’aristocrate de la vallée. J’ai 7 ans, je suis fier de ma famille, de ses richesses. Je fais une remarque un peu orgueilleuse. Ma mère se fâche. « Sans eux, vous ne seriez personne, dit-elle. Ils assurent votre bien-être. Vous devrez toujours les protéger, toujours leur tendre la main et leur prodiguer votre affection. » Je m’en souviens comme si c’était hier. Plus tard, après des études de droit musulman à Beyrouth, qui allaient être le secret de son succès professionnel, puis un doctorat à Paris avec le grand professeur Jean-Marc Mousseron, prolongé par un séjour aux États-Unis, il se retrouve à Genève et ne s’y sent pas étranger. « J’ai vécu mon enfance dans cette ambiance de saine austérité de la montagne libanaise. J’ai retrouvé en Suisse une partie de ma vie. » Et cela d’autant qu’à sa grande surprise, Genève accueille Antoine Khairallah, qui n’est pas encore le grand avocat, le mécène, le collectionneur d’art contemporain suisse qu’il est devenu. Quelques mois après son arrivée, il reçoit une invitation à dîner dans un hôtel particulier de la vieille ville. Et se retrouve à la table de la maîtresse de maison, en compagnie de l’ambassadeur de France et du ministre britannique des Affaires étrangères de l’époque. « Cela m’a beaucoup impressionné, dit-il, et je me suis soudain senti chez moi. Cette ville a la réputation d’être fermée. Ce n’est pas vrai, elle est d’une bonté intelligente. Je n’étais personne, à l’époque ! »
Serge Michel est journaliste, prix Albert Londres de reportage en 2001 pour son travail en Iran. Il a notamment travaillé pour Le Temps, Le Figaro et Le Monde, dont il a été directeur adjoint. Il est co-fondateur du nouveau média suisse Heidi.news
moins de poids sur les épaules, car on n’a pas passé des générations à tout interdire. » Elle le rejoint pourtant sur la question de la responsabilité :
« Rien ne m’énerve plus qu’un catholique qui fait une bêtise et va à la confesse. »
Madame Elfen était la présidente des Amis des Sommets Musicaux de Gstaad jusqu’en 2018 et non des Sommets Musicaux de Gstaad. Par ailleurs, aucun lien n’est à établir entre la disparition du directeur en 2014 et le départ d’un important sponsor.
Un après-midi, il y a dix ans, Catherine de Marignac parcourait les rayons des grands magasins Globus, à Genève. Elle s’arrêta un instant, intriguée, devant un photographe qui avait posé là ses flashs et recrutait de jeunes mannequins. Mais c’est vers elle que se dirige la directrice de l’agence zurichoise responsable de l’opération. « Vous m’intéressez ! », lui souffla-t-elle. « Vous plaisantez ! », répondit Catherine de Marignac, avocate spécialisée en droit commercial, présidente des amis du Verbier Festival, bénévolement engagée au Musée international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge ainsi qu’à l’école Brechbühl, dont la publicité affirme que l’établissement est moderne tout en étant « resté fidèle aux valeurs protestantes », © Andre Rau notamment de travail et de responsabilité. Elle décide d’explorer le « côté fun » de la vie, mais c’est par des rires moqueurs que la nouvelle sera accueillie à la maison. « C’est pourtant bien ainsi que j’ai été découverte à 55 ans comme mannequin, sourit l’intéressée, modeste. J’avais l’âge et la silhouette qu’il fallait et cela tranchait avec les mannequins classiques ». Cela tranche tellement qu’elle se retrouve, candide, dans des défilés impitoyables où elle pourrait être la maman de tout le monde. « Ce que je préfère, ce sont les shootings, dit-elle, parce qu’un vrai échange avec le photographe peut avoir lieu ». En ce début 2020, elle a bouclé une campagne pour Gérard Darel, une autre pour les produits de maquillage de Dolce & Gabbana, et surtout le dernier défilé de Jean-Paul Gaultier, fin janvier, un couturier « éminemment sympathique et d’une grande humilité » à qui elle s’est attachée plus qu’à d’autres. « Ce sont à chaque fois des prises de rôle, dit-elle, et cela m’a rapproché des artistes dont j’ai mieux compris la vie. » Et la musique dans tout ça ? Catherine grandit à Genève : mère protestante ayant une oreille intégrale, père libre penseur, un oncle qui joue de la clarinette. À la maison, liberté musicale totale et choix éclectiques : du jazz, du rock et beaucoup de classique. Des années plus tard, cela donne quatre enfants ayant fait solfège et un instrument, la mission du Verbier Festival et surtout trois abonnements à l’année à Genève : OSR, Grand Théâtre et les grands interprètes du Victoria Hall. « Les collections d’art, c’est en Suisse allemande, dit-elle. Sans doute parce qu’à Genève, en raison des lois somptuaires de Calvin, on ne pouvait rien montrer de sa richesse. La musique était le seul luxe autorisé. » Calvin, Catherine de Marignac y songe parfois en raison de son mari, issu d’une famille calviniste des Cévennes alors que, d’origine bernoise, elle se réclame davantage de Zwingli : « C’est plus relax, moins de frustrations émotionnelles,
ERRATUM —Une erreur s’est glissée dans GTM n°2
Catherine de Marignac
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À vos Agendas Du fond, des interviews, des portraits, des réflexions, et maintenant des dates, plein de dates. Il faut bien les monter ces marches de la place de Neuve. En voici plein de raisons. Par Olivier Gurtner
« À TOI LA GLOIREUHHHH… » Ô apéro, ouvre-nous les portes des Huguenots. Pour déchiffrer l’œuvre monumentale de Meyerbeer, on passe du paquebot orchestral à un duo épuré, sobre, retenu, donc protestant ? Lea Desandre fera résonner son timbre capiteux de mezzo-soprano et Thomas Dunford fera sonner les cordes de son théorbe le 27 février pour cette soirée Autour des Huguenots. Le jeudi 27 février 2020 à 18h30
VOYAGE, VOYAGE On tente l’aventure insensée et sensible d’une création mondiale autour du refuge : Voyage vers l’espoir. Pour approcher ce projet, un Apéropéra Autour du voyage invite le cinéaste et écrivain syrien réfugié en Finlande Sherwan Haji, qui vient dérouler ses anecdotes réelles et fictives de son « voyage vers l’espoir ». À ses côtés, trois musiciens finlandais renommés, le chanteur Saku Kuosmanen aka Sakari, l’accordéoniste Petri Ikkelä (au bandonéon) et le guitariste Peter Engberg.
gtg.ch/aperopera
Au Grand Théâtre de Genève
Au Grand Théâtre de Genève
En partenariat avec le Festival Archipel
LES BONNES INVENTIONS PAVENT-ELLES LA VOIE DE L’ENFER ? À bras ouverts ou poings fermés. Faut-il se lancer les grands textes monothéistes au visage pour tirer le bon grain de l’ivraie ? Faut-il tous les passer au feu et penser en humains existentialistes ? Croisades, pédophilie d’état, attentats terroristes islamistes, violences bouddhistes en Birmanie, épanouissement personnel, communauté spirituelle, réponses aux questions fondamentales, la religion peut-elle (vraiment) sauver le monde ? C’est la question qu’on se posera le 5 mars, à l’occasion du Duel #3, co-organisé avec le Musée international de la Réforme.
Le 26 mars 2020 à 18h30
Le jeudi 5 mars 2020 à 20h
RÊVES ÉCLECTIQUES Recette : mettez Contrechamps, Am Stram Gram et Grand Théâtre dans un récipient, le tout mélangé au fouet par Mathew Schlomowitz et vous obtenez une création suisse : Electric Dreams. Ce plat de résistance donné pour la première fois à la table helvète sera dressé et mis en scène par Sara Ostertag. Am Stram Gram servira ce chef-hors-d’œuvre sur son plateau. Le menu évoque l’initiation d’un adolescent entre les saveurs doucesamères du monde connecté et désincarné, entre arômes eighties, wagnériens, pop et contemporains. Vous réservez votre table pour combien de personnes ?
GTG & Musée international de la Réforme (MIR)
Electric Dreams
gtg.ch/duels
Au théâtre Am Stram Gram
La religion peut-elle sauver le monde ?
Du 22 au 26 avril 2020
UN HOMME DE GOÛT Une star, la coqueluche des barytons : le français Stéphane Degout semble né sous une bonne étoile, remportant le 2e prix Operalia en 2002 et le trophée d’artiste lyrique de l’année aux Victoires de la musique, par deux fois (en 2012 et 2019), ainsi que l’Opera Award 2019 pour son album Enfers. Il descend de sa voie lactée pour une balade intime, le 15 mars au Grand Théâtre. Avec Simon Lipper, ils feront briller leur galaxie avec Fauré (La bonne chanson), Tchaikovsky (Nuit de folie, nuit blanche, Une larme tremble …) et Schumann et ses Dichterliebe. Vous mettrez-vous en orbite pour apprécier la galaxie émotionnelle ? Récital Stéphane Degout (baryton) et Simon Lipper (piano) Au Grand Théâtre de Genève Le dimanche 15 mars 2020 à 15h gtg.ch/stephane-degout
gtg.ch/electric-dreams
NATALIE DESSAY Il y a le Tanztheater, cette danse où le jeu compte beaucoup. Avec Natalie Dessay, on pourrait parler de Sangtheater, tant sa présence scénique est forte. L’incandescente française, qui a fait les très grandes heures de la Reine de la Nuit (la mise en scène de Benno Besson !), viendra au Grand Théâtre inviter le spectateur à « l’âme solitaire et au cœur amoureux ». Avec Philippe Cassard au clavier, Natalie Dessay prêtera sa voix à quelques raretés d’Hugo Wolf, un extrait de La sonnambula avec lequel elle mit souvent feu au Met. Mais surtout, la seconde partie de soirée est un hymne ibérique, avec des œuvres d’Enrique Granados, une vocalise en forme de Habanera de Ravel et une chanson espagnole de Léo Delibes d’après Musset, entre autres. Autour d’un verre de manzanilla ? Récital Natalie Dessay et Philippe Cassard (piano) Le 26 avril 2020 à 20h gtg.ch/natalie-dessay
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espace2.ch
Espace 2 s’écoute en DAB+ et sur 49