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IMPLANTS MAMMAIRES OÙ EN SOMMES-NOUS ?
Qu’elle soit esthétique ou reconstructive, la pose de prothèses mammaires est devenue une pratique des plus courantes en matière de chirurgie plastique mais qui suscite toujours certaines interrogations de la part de celles qui souhaitent harmoniser leur silhouette. Quelles sont les prothèses autorisées aujourd’hui? Existe-til des risques associés au port d’implants? Quelles sont les nouvelles techniques permettant de se rapprocher d’une poitrine parfaite? Le Dr Chakib Lkah, chirurgien esthétique spécialisé en microchirurgie et reconstruction mammaire, nous aide à y voir plus clair.
CAROLINE DELAJOUX
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Lorsque l’on s’intéresse aux opérations pratiquées sur le corps, l’augmentation mammaire avec implants trône désormais en première place des interventions esthétiques, selon les données dévoilées dans le dernier rapport de la Société internationale de chirurgie esthétique et plastique (ISAPS), principal organe professionnel mondial des chirurgiens plastiques et esthétiques agréés. Malgré une diminution de 3,6 % du nombre d’interventions au cours de l’année 2019, la pose d’implants mammaires représenterait désormais 15,8 % des procédures les plus courantes pratiquées chez la femme devant la liposuccion, la chirurgie des paupières, l’abdominoplastie et la rhinoplastie. Si la chirurgie mammaire est aujourd’hui l’intervention la plus pratiquée, elle a néanmoins souffert d’une mauvaise réputation pendant plusieurs années, accusée de provoquer certaines formes de cancer. Cependant, comme l’explique le Dr Chakib Lkah, chirurgien spécialisé en micro-chirurgie et notamment en reconstruction mammaire, diplômé du Collège français de chirurgie plastique, esthétique et reconstructrice de Paris, il faut tout d’abord replacer les choses dans leur contexte : “Au début des années 2000, on a commencé à dire que les patientes porteuses de prothèses développaient davantage de cancers. Cependant, après étude, il s’est avéré que les patientes porteuses d’implants mammaires se surveillaient davantage que celles qui n’en avaient pas. En effectuant des contrôles plus réguliers, cela leur permettait en effet de déceler d’éventuels cancers à un stade plus précoce. De ce fait, la prothèse joue plutôt un rôle protecteur puisqu’elle oblige à faire des contrôles plus réguliers et permet donc de se rendre compte plus tôt du développement d’une maladie, si maladie il y a”. Il convient par ailleurs de noter que le silicone médical est un matériau incontournable et irremplaçable dans les dispositifs médicaux puisqu’il entre dans la constitution de plusieurs consommables tels que les sondes, les tubes, les implants et cela concerne plusieurs spécialités : cardiologie, orthopédie et bien sûr la chirurgie esthétique.
L’AUGMENTATION MAMMAIRE COMPORTE-TELLE DES RISQUES?
Si les données actuellement disponibles montrent que les
femmes porteuses d’implants n’ont pas de risque accru de développer un cancer du sein (adénocarcinome) par rapport à celles qui n’en ont pas, les prothèses mammaires sont néanmoins considérées comme des dispositifs médicaux à risque et font l’objet d’une surveillance particulière assurée par le ministère de la Santé et la Société marocaine de chirurgie plastique reconstructrice et esthétique (SMCPRE). Il faut en effet remonter à mars 2010 pour comprendre ces risques, lorsque la société française Poly Implant Prothèse (P.I.P.), suite à un taux de rupture anormalement élevé des implants qu’elle fabrique, est mise en liquidation judiciaire et reconnaît avoir produit des prothèses emplies de silicone industriel, au mépris des normes sanitaires, favorisant les fuites et de possibles épanchements de silicone non médical à l’intérieur du corps des patientes. Depuis, les prothèses P.I.P. ont été interdites et retirées du marché. Le gouvernement français a pris en charge le remplacement de toutes les prothèses en France, mais pas dans le reste du monde. L’affaire est aujourd’hui close. Plus récemment, devant l’apparition de certains cas de lymphomes localisés au niveau du sein aux États-Unis et en France, de larges études ont été menées afin de préciser le rôle déterminant du silicone dans cette pathologie. Le lymphome anaplasique à grandes cellules, explique le Dr Lkah, est un type particulier de cancer qui est dû à une réaction inflammatoire localisée type à corps étranger. La question était de déterminer si la réaction inflammatoire est due au fait que le corps considère la silicone comme un corps étranger ou pas. En réalité, celle-ci a été discriminée, le silicone n’a pas été mis en cause. Par contre, nous avons découvert qu’il s’agissait d’une réaction inflammatoire excessive avec production accrue de lymphocytes autour de l’implant en rapport la texturation de la prothèse. Il s’est avéré que les implants macro-texturés (qui présentent une texture rugueuse) étaient plus susceptibles de provoquer ce genre de complication. En effet, la fabrication de cette matière nécessite l’utilisation de biocels, ce qui augmente le risque de lymphome”. L’ensemble des implants des différentes marques a alors été soumis à des contrôles, entraînant l’interdiction de plusieurs d’entre eux. Chose rassurante : dans la plupart des cas, le retrait de l’implant suffit à faire disparaître le lymphome et obtenir une guérison totale. Aujourd’hui, seules les prothèses lisses, micro ou nanotexturées sont utilisées. “Cette texturation un peu rugueuse était appréciée du fait qu’elle permettait à l’implant de mieux s’agripper aux tissus et donc de moins glisser, ce qui diminuait le risque de retournement. C’était surtout le cas des prothèses anatomiques en forme de poire. En effet, si une prothèse ronde vient à tourner, le sein conserve la même forme à la différence d’une prothèse anatomique qui donne au sein une forme bizarre en cas de retournement. Ce sont surtout les prothèses anatomiques qui ont été touchées depuis l’interdiction des implants macro-texturés. Bien entendu, celles-ci existent toujours mais sont aujourd’hui lisses et présentent toujours un risque de retournement un peu plus important que les autres”, indique le Dr Chakib Lkah. L’agence américaine FDA (Food and Drug Administration) a par ailleurs publié une liste d’implants bannis comme les prothèses macro-texturées et les enveloppes en polyuréthane. Celles-ci ont été interdites et retirées du marché mondial. Au Maroc, la S.M.C.P.R.E. a alerté le ministère de la Santé pour stopper l’importation des prothèses incriminées. Néanmoins, le changement de principe des prothèses tous les dix ans est désormais un impératif, pour la sécurité des patientes et la pérennité du résultat esthétique.
QUELLE MARQUE CHOISIR ET VERS QUELLES PROTHÈSES SE TOURNER?
Si la majorité des prothèses mammaires sont aujourd’hui de qualité et considérées comme sûres, reste à savoir quelle marque choisir? Cela dépend surtout des habitudes de chirurgien, explique le Dr Lkah. “Au Maroc, nous avons la
chance de disposer des implants Motiva, Eurosilicone ou encore Mentor qui sont des marques américaines et européennes reconnues. Il faut également savoir que la plupart des chirurgiens marocains ont été formés à l’étranger et travaillent avec ce qui se fait de mieux dans le domaine”. Les implants utilisés aujourd’hui contiennent un gel cohésif qui ne coule pas et reste en place en cas de rupture traumatique de la prothèse. “Ce gel est sans aucune conséquence pour la santé, explique le Dr Chakib Lkah, en cas de rupture de l’enveloppe, il suffit de remplacer l’implant”. En outre, les implants mammaires de la marque Motiva disposent de micro-puces de radio-identification, permettant d’assurer au patient un suivi plus efficace en accédant à un ensemble de données : nom du fabricant, modèle de la prothèse, taille, composition et même température de l’implant, permettant de détecter une éventuelle infection en plaçant un petit appareil près du sein.
TECHNOLOGIES ET TECHNIQUES D’AVENIR
En parallèle, de nombreux progrès en matière de techniques chirurgicales ont été réalisés, permettant de se rapprocher de plus en plus d’une poitrine parfaite à l’apparence complètement naturelle, grâce notamment au lipofilling. “Cette technique hybride qui consiste à injecter de la graisse dans le sein au cours de la mise en place d’une prothèse pour la camoufler constitue l’avenir de la chirurgie mammaire. Pour ce faire, on prélève de la graisse sur une autre partie du corps, on la traite pour ne récupérer que les cellules adipeuses puis on les réinjecte dans la poitrine”, explique le Dr Lkah. Le seul écueil de cette technique réside dans l’incertitude du taux de prise. Certaines patientes arrivent à conserver 80 % de la graisse réinjectée tandis que d’autres n’en gardent que 30 à 40 %. On peut néanmoins estimer que le taux de prise moyen est de l’ordre de 50 %. Cependant, une fois que la graisse est prise, elle évolue avec le métabolisme, augmente ou diminue en fonction des prises ou des pertes de poids de la patiente”, précise-t-il. Du côté des nouvelles technologies, le recours au J Plasma (radiofréquence utilisée dans le cas d’une ptôse mammaire, de seins tombant modérément) est maintenant utilisé en chirurgie mammaire. Il s’agit d’une canule que l’on glisse sous la peau des seins, dans le derme et les fibres sous-cutanées afin de chauffer les tissus à 60 °C et obtenir ainsi une rétraction cutanée et un raccourcissement des tissus. “On commence à utiliser cette technique pour rétracter la peau des seins qui tombent un peu. Il s’agit vraiment d’une technique prometteuse qui permet d’éviter dans certains cas bien précis la fameuse cicatrice en T”. Cependant, dans le cas des seins vraiment tombants, suite à une perte de volume, un relâchement cutané dû à une grossesse, un allaitement ou une perte de poids massive, il est souvent inévitable de recourir à un lifting de seins ou une plastie prothèse, qui consiste à réduire l’excédant cutané et installer un implant pour apporter le volume nécessaire.