- PLEIN AIR -
LE RETOUR DES ENFANTS DE NANIKANA, CE FLEUVE À PROTÉGER RODRIGUE TURGEON
En sommes-nous seulement revenus? La question se pose. De cette descente de Nanikana de tout près de 500 kilomètres en 26 jours, de 300 mètres de dénivelé, d’innombrables rapides en toutes classes, de dizaines de portages, entre autres instruments de mesure, rien n’est moins sûr. De l’aventure sur les plans physique et géographique, peut-être.
odeur des cèdres centenaires bordant tant des kilomètres de rivages, de ces songes nuit après nuit, de cette chaleur du sable blanc sous nos pieds… Nous peinons à dresser un palmarès. Et cela tient possiblement de la métamorphose constante de Nanikana, de sa nature évolutive et changeante au détour de chaque méandre. Rien ne se démarque, quand bien même tout diffère. Et cela va bien au-delà des caractéristiques physiques de Nanikana, qui ne cesse de varier en largeur, en profondeur, en température, en couleur…
Mais du voyage intérieur, pas encore, et probablement jamais.
Voilà qui explique peut-être, du moins en partie, l’âpreté du retour à la « normalité » effrénée et bruyante qui cadence nos vies contemporaines. Celle aux mille contrats sociaux simultanés, hyperconnectés à tout, hormis l’essentiel. D’UNE BEAUTÉ NATURELLE INDESCRIPTIBLE
SÉBASTIEN BRODEUR-GIRARD
Si nous y sommes toujours, c’est probablement aussi en raison des marques indélébiles que portent désormais tous nos sens, renversés que tant de splendeurs puissent encore coexister de nos jours. Rien n’altérera l’empreinte de ces vues époustouflantes de successions de chutes de dix mètres de haut par un kilomètre de large, de ces chants d’oiseaux allégeant nos millions de coups de rame, de ce goût fumé des dorés autrement inatteignables, de cette
SÉBASTIEN BRODEUR-GIRARD
Avancer au rythme du territoire, un mois durant. Là où canoter sur une distance de cinq kilomètres en une journée de dix heures nous apparaît immense, une fois sous la tente, bercés par les sons de la forêt et des eaux vives, encore transis, mais ébahis d’avoir pu cheminer sur ces nuées mouvantes, évanescentes et puissantes de cascades, de rapides, de seuils, de chutes en canyons… Et ce, à répétition, une action à la fois, des semaines durant. Nous étions quatre amis et frères, Gilles Gagnon, Sébastien Brodeur-Girard, Gabriel Turgeon et moi-même.
28 OCTOBRE 2021 L’INDICE BOHÉMIEN