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Louis-Philippe Bovard, baron du chasselas Louis-Philippe Bovard, baron of the Chasselas

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Louis-Philippe Bovard, baron du chasselas

A 85 ans passés, le Vaudois Louis-Philippe Bovard a toujours une idée d’avance pour les vins de Lavaux. Visite à sa Maison Rose du village de Cully. – Texte Pierre Thomas

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On pourrait dresser son portrait comme celui d’un innovateur qui a introduit le sauvignon et le chenin dans les coteaux de Lavaux, comme alternative au chasselas. Ce ne serait pas tout à fait faux! Ex-directeur du Comptoir suisse et de l’Office des vins vaudois, revenu dans le domaine familial (dixième génération) sur le tard, en 1983, Louis-Philippe Bovard a entretenu des relations privilégiées avec les grands chefs qu’étaient le Bâlois Hans Stucki et le Vaudois Frédy Girardet. «Ils m’avaient dit: avec notre cuisine, ce vin d’apéritif ne passe pas.» Alors, dans les années 90, le producteur s’en va sillonner les vignobles français de la Loire et de l’Alsace, à la recherche d’une panacée.

A condition de le planter dans un sol qui lui correspond, le sauvignon donne des vins intéressants. Tirés d’un hectare et demi de vigne, les deux qu’il propose – le Buxus, sur les graves caillouteuses de Cully, et le Ribex – passent en barriques françaises. Quant au chenin (planté sur un demi-hectare), il figure dans trois versions: sec, doux et passerillé (enrichi en sucre par concentration).

Et il arrive parfois à Louis-Philippe Bovard d’abandonner ce qui fut, au départ, une riche idée. Comme ce viognier. Ou alors la viticulture bio: il s’y est essayé sur quelques parcelles, puis y a renoncé dès 2014, en raison de la concurrence négative de l’enherbement pour la vigne, là où le sol est peu profond.

REDONNER DU PEPS AU CÉPAGE

En rouge (un cinquième de sa production), le domaine propose trois assemblages: un pinot-merlot La Pressée, un Dézaley rouge Grande Cuvée, en merlot avec un peu de syrah, et la Cuvée Louis de Saint-Saphorin, à majorité syrah avec une touche de merlot. Le tout élevé en barriques, un parc de 400 fûts. Ces expérimentations en cave, Louis-Philippe Bovard les applique aussi au délicat chasselas. Car, malgré la diversification, son domaine familial de 18 hectares, avec l’apport de la vendange de son frère et de sa sœur, reste dédié au cépage blanc local

à 70%. «Pour garder de l’acidité au chasselas, j’ai proposé de l’Epesses, puis du Saint-Saphorin, sans la deuxième fermentation, la malolactique. Puis, finalement, du Calamin, qui a plus de structure: ce choix ne s’est jamais démenti en trente ans!» C’est l’Illex, élevé de préférence en fûts anciens, tandis qu’un Saint-Saphorin, appelé Fumé, passe en bois neuf.

L’ÉLITE DES VINS SUISSES

Son étiquette phare reste le Dézaley La Médinette, un classique qui fait partie du projet de la Mémoire des vins suisses, rassemblant l’élite des vins du pays. Le «baron du Dézaley» – Louis-Philippe Bovard figurait, en 1994, parmi les fondateurs de La Baronnie du Dézaley, cercle de producteurs attachés à démontrer la qualité des vins de ce balcon sur le Léman – a poussé le bouchon encore plus loin. Le chasselas est suspendu au seul fendant roux, dont la très productive «haute sélection» mise au point en 1945 est issue. «Après son introduction et le gel de 1956, en moins de dix ans, tout le vignoble vaudois a été reconstitué avec du fendant roux.» En soixante ans, les choses ont changé: transformation de la culture du vignoble, baisse des rendements en accord avec le fléchissement de la consommation du vin blanc, réchauffement climatique. «Avec François Murisier, l’ancien patron des essais viticoles à Changins (le Centre de compétences suisse pour la formation des métiers de la vigne et du vin, ndlr), j’avais suivi l’étude des terroirs et des climats. Les scientifiques avaient aussi une collection de vieux plants de chasselas à Pully. En 2008, on a présenté notre projet de Conservatoire du chasselas à un concours des Retraites populaires. Et on a gagné!»

ENCOURAGER LA VARIÉTÉ

Ce fut un tournant majeur dans la recherche de la pérennisation du cépage lémanique. Dix-neuf biotypes ont été plantés au Conservatoire, à Rivaz, et cinq à plus large échelle, vinifiés séparément dès 2012, puis comparés à l’omniprésent fendant roux. Ce travail se poursuit: aujourd’hui, plus de 300 biotypes de chasselas intéressent les chercheurs. Louis-Philippe Bovard en a déjà tiré une application pratique. Les vinifications du Conservatoire, sur six millésimes, ont montré que deux biotypes donnent des résultats intéressants: le bois rouge et le giclet. Le producteur en a donc planté 15 000 pieds de sélection dite massale, directement tirée des essais. Il a mis en bouteille un premier lot de 1500 flacons d’une cuvée bois rouge de Villette 2018. Il devrait doubler la mise avec le 2019. Et proposer le résultat d’un hectare et demi en 2020. «Un chasselas avec fermentation malolactique qui garde toute sa fraîcheur, moi, j’y crois», martèle ce visionnaire, qui a presque tout essayé dans le vignoble de Lavaux. Un «baron» qu’assistent désormais six vignerons dans le terrain et deux Fabio, Penta pour la vinification et Bongulielmi pour la commercialisation et la relance de l’export.

Louis-Philippe Bovard, baron of the Chasselas

The 85-year-old Vaudois vintner Louis-Philippe Bovard is always one step ahead when it comes to the wines of Lavaux. We visit his Pink House in the village of Cully.

– Text Pierre Thomas

We could depict him as an innovator who introduced sauvignon and chenin to the hillsides of Lavaux, as an alternative to chasselas. We wouldn’t be far off! Former director of the Swiss Consumer Fair and the Vaud Wine Office, Louis-Philippe Bovard has since 1983 represented the tenth generation at the head of the family estate, and maintained close ties with the great chefs Hans Stucki (Basel) and Fredy Girardet (Vaud). “They told me: with our cooking, this aperitif wine does not pass.” So, in the nineties the producer went travelling across the French vineyards of the Loire and Alsace in search of a panacea. Provided it is planted in the right soil, the sauvignon yields interesting wines. Picked from 1.5 hectares of vines, the grape produces the Buxus, grown in the gravelly soil at Cully, and the Ribex, which goes into French barrels. The chenin, planted on a half-hectare, appears in three versions: dry, sweet and passerillé (Editor’s note: unharvested grapes left to dry under the combined action of the sun and the wind, which dehydrates the grapes and concentrates the sugars). LouisPhilippe Bovard sometimes shelves what was initially a wonderful idea. Like this Viognier, for example, or organic viticulture: he tried it on a few plots, then abandoned it in 2014 because of the negative interaction between the cover crop and the vines, where the soil is shallow.

REVITALIZING THE GRAPE VARIETY

For its red wines (one-fifth of its production), the estate offers three blends: a La Pressée Pinot-Merlot, a Dézaley Red Grande Cuvée, in Merlot with a little Syrah, and a Cuvée Louis Saint-Saphorin, mostly Syrah with a touch of Merlot. All matured in barrels, a stock of 400 casks. Louis-Philippe Bovard also applies these cellar experiments to the delicate Chasselas because, even though the range of its products varies, the family’s 18-hectare estate, which includes contributions to the harvest from Louis-Phillipe’s brother and sister, dedicates 70 percent of its activities to the local white grape. “To keep the Chasselas acidity, I suggested Epesses, then Saint-Saphorin, without the secondary malolactic fermentation. Then, finally, Calamin, which has more structure: this choice has never failed in 30 years!” This is Illex, preferably aged in old barrels, while a Saint-Saphorin, called Fumé, is matured in new wood.

ELITE SWISS WINES

The estate’s flagship label remains the Dézaley La Médinette, a classic that is part of the Inventory of Swiss Wines project, bringing together the elite of local wines. The “Baron du Dézaley” – Louis-Philippe Bovard was one of the founders of the Barony Dézaley in 1994, a circle of producers committed to demonstrating the quality of wines emanating from this terrace overlooking Lake Geneva – pushed the envelope even further. The Chasselas, derived from the very productive “top selection” developed in 1945, was originally known as Fendant, meaning “splitting”, a reference to a particular feature of the Chasselas grape which doesn’t burst but implodes when you press it with your fingers. “After its introduction and the frost in 1956, in less than ten years the entire Vaud vineyard was restocked with Fendant,” Louis-Phillipe says. In 60 years, things have changed: transformation of the vineyard culture, lower yields in line with the drop in consumption of white wine, global warming. “With François Murisier, the former head of viticultural testing at Changins (Editor’s note: the Swiss School of Viticulture and Oenology), I pursued the study of soils and climates. The scientists also had a collection of old Chasselas plants in Pully. In 2008, we entered our Chasselas Preservation Project in a Retraites Populaires competition. And we won!”

PROMOTING VARIETY

It was a major turning point in the search for the sustainability of the Lake Geneva grape variety. Nineteen biotypes were planted at the Conservatory, in Rivaz, and five on a larger scale, vinified separately from 2012, then compared to the omnipresent Fendant. This work continues: today, researchers are interested in more than 300 biotypes of Chasselas. Louis-Philippe Bovard has already extracted a practical application from it. The Conservatory’s vinifications, over six vintages, have shown that two biotypes – the red wood and the giclet – give interesting results. So, the producer planted 15,000 of the finest vine plants, drawn directly from the experiments, and bottled a first batch of 1,500 Villette 2018 red wood cuvées. He should double the number with the 2019 and present the results of 1.5 hectares in 2020. “I believe in a Chasselas with malolactic fermentation that keeps all its freshness,” insists the visionary who has tried almost everything in the Lavaux vineyard. A “baron” now assisted by six winegrowers in the field and two Fabios: Penta for winemaking, and Bongulielmi for marketing and boosting exports.

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