cahiersjuridiquesoct2021

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Gouvernance numérique

Garantir la souveraineté de la collectivité sur ses données Par Schéhérazade Abboub, avocate, cabinet Parme avocats

Sujet transversal Toutes les compétences exercées par les collectivités sont concernées par le sujet des données : de l’éclairage public à l’arrosage automatique, des services scolaires à l’eau potable, etc.

Enjeu essentiel Le pouvoir d’action sur le territoire passe par une meilleure maîtrise des données, qui devient un enjeu essentiel pour le pilotage des politiques publiques.

Implication La souveraineté de la collectivité sur ses données implique une définition du statut des données, la garantie de leur propriété et une redéfinition de la notion de donnée d’intérêt général.

E

n matière numérique, la question de la souveraineté est souvent mise en avant. Comme le relève ­Jacques ­Priol dans le guide à destination des décideurs locaux (1), issu de la boîte à outils de la Banque des territoires pour la gestion des données territoriales (2), il y a plusieurs manières de comprendre cet enjeu. Au niveau stratégique, l’enjeu de souveraineté publique repose sur le choix des outils qui garantissent à la collectivité qu’elle conserve la maîtrise de son territoire à travers le contrôle de ses propres données et de celles que les acteurs privés (prestataires ou non) génèrent sur ce même ­territoire. Elle doit garantir que les prestataires (éditeurs de logiciels ou délégataires de service public par exemple) ne s’approprient pas les données publiques et donc la connaissance des territoires. Elle doit permettre à la collectivité de discuter d’égal à égal avec l’ensemble des acteurs du ­territoire. Si aucune collectivité n’a un d ­ ispositif « complet » et une stratégie complète de souveraineté sur ses propres données, plusieurs initiatives lancées ces dernières années concernent le sujet de la s­ ouveraineté. D’un point de vue juridique, la souveraineté de la collectivité sur ses données peut être décomposée de la manière suivante : la définition du statut des données publiques ; la garantie de la propriété des données et la redéfinition de la notion de donnée d’intérêt général.

Définition du statut des données publiques Aux termes de la circulaire modifiée du 26 mai 2011 relative à la création du portail unique des informations publiques de l’État « data.gouv.fr » par la mission Etalab et l’application des dispositions régissant le droit de réutilisation des informations publiques, les informations publiques ou données publiques correspondent aux informations contenues dans les documents produits ou reçus dans le cadre de la mission de service public des administrations de l’État, des collectivités territoriales et des personnes publiques ou privées chargées d’une mission de service public.

16 Les cahiers juridiques de La Gazette

N° 240 • Octobre 2021

En outre, l’article L.300-2 du code des relations entre le public et l’administration définit la notion de document administratif des données publiques de la manière suivante : « Sont considérés comme documents administratifs, au sens des titres I, III et IV du présent livre, quels que soient leur date, leur lieu de conservation, leur forme et leur support, les documents produits ou reçus, dans le cadre de leur mission de service public, par l’État, les collectivités territoriales ainsi que par les autres personnes de droit public ou les personnes de droit privé chargées d’une telle mission. Constituent de tels documents notamment les dossiers, rapports, études, comptes rendus, procès-verbaux, statistiques, instructions, cir­culaires, notes et réponses ministérielles, correspondances, avis, prévisions, codes sources et ­décisions ».

À noter Tous les services publics y compris ceux exploités par des opérateurs privés constituent des documents administratifs, des informations ou des données publiques.

Aux termes de ces deux textes, il est expressément indiqué que les données de l’ensemble des services publics des administrations, en ce compris ceux qui seraient exploités par des opérateurs privés, constituent des documents administratifs, des informations publiques ou des données publiques. Ainsi, et contrairement à ce qui a pu être soutenu par certains opérateurs privés, il ne fait pas de doute pour le législateur que les données publiques incluent les données de l’ensemble des services publics, y compris ceux qui seraient exploités par des opérateurs ­privés. Dès lors, les données des contrats de concession ou des marchés publics sont bien des données publiques, dans la mesure où elles ont été produites dans le cadre d’une mission de service public. Bien que ce principe n’ait pas encore été acté au sein de tous les contrats des col­


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