TEXTE : ARNAUD DEMAISON
MENS SANA
tendance
DROIT AUX ORIGINES À L’ÉPREUVE DE LA CULTURE DU SECRET
Il n’est plus possible en Suisse de donner son sperme de manière anonyme. La loi sur la PMA permet en effet à tout individu issu d’un don de connaître l’identité du donneur à sa majorité. Mais rares sont ceux qui en font la demande.
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L’ÈRE DE L'ALTRUISME
haque année en Suisse, ce sont en moyenne 250 enfants qui naissent par don de gamètes, selon les chiffres de l’Office fédéral de la santé publique (OFSP). En 2019 et 2020, les deux premières générations en droit de demander le nom du donneur à l’origine de leur conception ont atteint la majorité. Mais une seule demande d’identité a été comptabilisée par l’OFSP pendant cette période. Un chiffre faible, mais cohérent en comparaison internationale : une étude lancée par la Suède en 2021 et menée sur dix-sept ans recense que seuls 7% des ayants droit font cette démarche. « C’est étonnant au regard des revendications très fortes et largement médiatisées pour garantir ce droit aux origines », remarque Nicolas Vulliemoz, responsable de la médecine de la fertilité au CHUV. Il observe que, dans certains cas, le fait qu’une personne sache qu’elle a accès à cette information est suffisant, et qu’elle n’éprouve donc pas le besoin de mener l’enquête jusqu’au bout.
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Historiquement, l’anonymat des donneurs offrait avant tout une protection juridique. Il permettait d’échapper à d’éventuelles poursuites qui auraient entraîné la reconnaissance légale et donc l’entretien financier d’un ou plusieurs enfants. La loi sur la PMA de 2001 protège le donneur contre toute poursuite pour reconnaître l’enfant issu de son don. Cette modification a eu des conséquences sur le profil et les intentions des donneurs. Nicolas Vulliemoz note que «le cliché de l’étudiant qui donne son sperme pour toucher le défraiement (entre 100 et 150 francs)» n’a plus lieu d’être. Il constate une évolution dans les motivations des donneurs. Il remarque «un virage altruiste, avec une volonté désintéressée d’aider à créer des familles».
Pour lui, c’est un autre facteur qui justifie ces chiffres. « Il n’est jamais facile de devoir faire appel à un donneur lorsqu’on essaie d’avoir un enfant. Il y a encore énormément de gêne à parler d’infertilité avec son entourage. » Cet important tabou pourrait expliquer pourquoi un certain nombre de ces enfants ne savent simplement pas qu’ils sont issus d’un don, et par conséquent ne cherchent pas à obtenir l’identité du donneur.
« Il n'est jamais facile de devoir faire appel à un donneur lorsqu'on essaie d'avoir un enfant »