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Sans intervention populaire, pas de progrès social et politique possible
Quand la classe ouvrière s’en mêle
Qu’est-ce qui a marqué 1968 dans la conscience du peuple ? C’est d’abord et avant tout le vaste mouvement de grèves et d’occupation des usines, des ateliers, des gares, des ports et docks, des grands magasins. Jusqu’à treize millions de grévistes. Et un patronat et un gouvernement qui, comme en 1936, devant la puissance du mouvement des travailleurs sont obligés de céder sur des revendications fondamentales. Augmentation du salaire minimum, droit syndical dans l’entreprise, augmentation générale des salaires. Comme quoi, quand le peuple descend dans la rue et devient, pour un temps, maître des entreprises, le rapport des forces change.
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Durant la dernière élection présidentielle (2022) un candidat a déclaré, pour opposer la police d’hier à celle d’aujourd’hui, que dans ce grand mouvement de contestation sociale il n’y avait qu’un seul mort (allusion au commissaire de police tué à Lyon alors qu’il participait au démantèlement d’une barricade). S’il n’y a pas eu de morts lors de la répression sauvage et brutale des manifestations étudiantes, on ne saurait oublier et passer sous silence les deux ouvriers de Peugeot tués à Sochaux par les forces de l’ordre au cours d’une manifestation (Pierre Beylot et Henri Blanchet), du jeune militant marxiste-léniniste Gilles Tautin, noyé à Flins lors d’une charge de CRS, comme on ne peut oublier le jeune communiste Marc Lanvin, abattu par des colleurs d’affiches du parti au pouvoir lors des élections de juin.
Quand c’est la classe ouvrière qui occupe les rues et les entreprises, il n’y a pas de cadeau des forces de répression Et les ordres sont donnés au plus haut sommet de l’État
Un an auparavant en Guadeloupe face à un vaste mouvement de révolte contre le racisme et l’État colonial, la police avait ouvert le feu faisant, selon le bilan officiel huit morts. (Mais, selon les organisations de défense des droits de l’homme le nombre de morts serait de 87- jusqu’en 2017 les documents relatifs aux « émeutes » étaient c lassés secret défense et les archives hospitalières ont été détruites.)
Mai 68 c’est d’abord ce formidable éveil de la jeunesse étudiante et lycéenne, six ans seulement après la fin de la guerre d’Algérie. Face aux revendications étudiantes (mixité, résidences universitaires, participation à la vie des universités, démocratisation) le pouvoir gaulliste répond par une répression très forte essayant ensuite, en montrant à la télévision les images de voitures brûlées dans le Quartier Latin, de dresser la province contre Paris. Cette stratégie sera vouée à l’échec. Dans la nuit du 10 au 11 mai la violence de la répression atteint à Paris son paroxysme. La CGT, dirigée alors par Georges Séguy, décide de réunir les forces syndicales (CGT, Fen, Cfdt, Unef) et propose une grève générale et des manifestations dans tout le pays. Cette grève générale aura lieu le 13 mai. On compte 900 000 manifestants à Paris. Le soir la Sorbonne est occupée. Le lendemain l’usine Sud-Aviation de Bouguenais (Loire-Atlantique) sera la première usine occupée, suivie dans la journée même par Renault-Billancourt et Re- nault-Cléon. A partir de là le mouvement gréviste et d’occupation fait tache d’huile.
Bien évidemment ce mouvement n’est pas parti de rien. L’année 1967 avait déjà été marquée par un nombre record de grèves et de manifestation. La direction de Dassault-Mérignac décidera 20 jours de lock-out pour tenter de briser une grève. Le 20 février ce sont les ouvriers de Rhodiaceta Besançon qui arrêtent le travail. La grève durera vingt-deux jours. Le 17 mai, des centaines de milliers de personnes font grève et manifestent dans toute la France, dans l’unité syndicale contre les ordonnances prises par le gouvernement contre la Sécurité sociale.
Un autre événement sera marquant en
1967 : c’est l’unité syndicale, la CFDT de l’époque, qui n’est déconfessionnalisée que depuis trois ans, prend un virage à gauche –qui sera abandonné les décennies suivantes- et signe avec la CGT un accord d’unité d’actions.
Mai-juin 1968 a permis de grandes conquêtes sociales, de l’importance de celles de 1936 ; une plus grande liberté dans tous les domaines, notamment dans ce qu’on appelle les faits de sociétés. Mais, paradoxalement le mouvement s’est aussi traduit, dans un premier temps, par une emprise plus forte encore des grands groupes capitalistes sur le devenir de la société française. Politiquement, la droite a renforcé son pouvoir, parce que les forces démocratiques n’ont pas pu imposer, comme le demandaient le CGT et le PCF un gouvernement populaire. En 1968, ce n’est pas le débouché politique qui a permis aux salariés d’engranger les conquêtes, c’est la force du mouvement social et des grèves massives. En 1936, le mouvement de grève avait débuté après la victoire électorale du Front populaire, mais à cette époque aussi les travailleurs n’auraient pas obtenu les congés payés, la semaine de 40 heures s’il n’y avait pas eu ce vaste mouvement de grèves.
Les prémices de Mai-Juin 68
1962
Fin de la guerre d’Algérie. Des manifestations syndicales unitaires contre la guerre réunissant CGT, FEN, UNEF et parfois la CFTC.(1)
1964
La CFTC fondée en 1919 pour contrebalancer l’influence de la CGT), se déconfessionnalise et devient la CFDT. Les minoritaires maintiennent le sigle CFTC.
1966
Pacte d’unité d’action CGT-CFDT. Cet accord met en avant un certain nombre de revendications et surtout appelle à l’unité d’action dans la mise en œuvre de ces revendications. On comptera plus de 2,5 millions de journées de grèves en 1966.
1967
1er février : journée de grève nationale à l’appel de la CGT, de la CFDT et de la FEN. Grèves à la SNCF. Lock-out décidé par la direction de Dassault-Mérignac, suite aux grèves.
28 février : début de la grève chez Rhodiaceta-Besançon.(2)
5 et 12 mars : les élections législatives, coup de semonce pour le gouvernement Pompidou. Les droites n’obtiennent qu’une voix de majorité. On assiste à une progression en nombre de sièges des communistes et de la FGDS. Le PCF obtient 22,46 % et la FGDS
Les conséquences de mai-juin 1968, c’est aussi le départ du général de Gaulle moins d’un an après et le rapprochement entre les partis de gauche qui a conduit à l’élaboration du programme commun.
L’année 1968 c’est l’amplification partout dans le monde de la lutte contre la guerre américaine au Vietnam et la grande offensive de l’armée et de la guérilla vietnamiennes (l’offensive du Têt) qui changera le cours de cette guerre. Mais c’est aussi la répression sanglante des insurrections étudiantes à Mexico, le Printemps de Prague et l’entrée des troupes soviétiques en Tchécoslovaquie ; la contestation qui gagne plusieurs pays de l’Est européen, notamment la Hongrie et la Pologne. Une année décisive donc, tant sur le plan intérieur et international et qui fait irrésistiblement penser au Printemps des peuples de 1848.
La leçon de mai-juin 68 est toujours valable : sans l’intervention décisive du mouvement populaire, en premier lieu dans les lieux de production, il n’y a pas de progrès social et politique possible.
Jacques Dimet
réalise 18,79 %. Le PSU – fondé en 1960 obtenant 2,26 % des voix.
4 mai : le conseil des ministres demande au Parlement d’autoriser le gouvernement à légiférer par ordonnances pour « réformer » la Sécurité sociale.
17 mai : grève générale à l’appel notamment de la CGT et de la CFDT.
Juin : 36e Congrès de la CGT. Georges Séguy est élu secrétaire général, Benoît Frachon devient président.(5)
1968
23, 24, 25 janvier : action des fédérations CGT et CFDT de la métallurgie sur les salaires, les retraites, la durée du travail et les libertés syndicales.
30 janvier : journée d’action revendi- cative à l’usine Saviem de Caen. Affrontements avec la police, 18 blessés et 86 interpellations.(6)
11 février : à Bordeaux, manifestationdes ouvriers des usines Dassault avec la participation des étudiants.
11 mars : à l’appel des organisations départementales CGT, CFDT, CFTC,
CGC et FEN, importantes manifestations pour l’emploi et les salaires dans le Nord. Affrontements à l’usine Garnier à Redon.
22 mars : affrontements à la fac de Nanterre. Les cours sont suspendus. Création du Mouvement du 22 mars.
Avril : la CGT comptabilise 50 dé-
L’étincelle Nanterre
L’année 1968 débute avec l’instauration de la TVA, qui touche directement au pouvoir d’achat, mais surtout par des incidents à la Fac de Nanterre où sont “repérés” sur le campus des policiers en civil. Depuis plusieurs mois la société française est en ébullition. La guerre d’Algérie n’est pas si loin et les étudiants ne veulent plus vivre dans une société corsetée où tout ce qui sort des normes est réprimé. Le pouvoir gaulliste, né sur les décombres de la IVe République, empêtrée dans les scandales et les guerres coloniales, est de plus en plus en déphasage avec la société. Les élections de 1967 n’ont donné qu’une voix de majorité au pouvoir en place. En 1967 les grèves et manifestations se sont multipliées. Du côté étudiant, Nanterre devient le pôle de