Le 48 Pages

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remerciements Ce projet culturel n’aurait pas vu le jour ni abouti sans le soutien, la contribution et les conseils de nos interlocuteurs, encadrants et professionnels. Nous adressons nos vifs remerciements à : - Mme Sophie Ratto, notre professeure et référente de notre projet culturel du 48 pages, qui nous a conseillé et introduit auprès de partenaires ; nous espérons que notre travail a été à la hauteur de ses attentes ; - M. Fabien Van Geert qui nous a permis d’assister à la semaine Arts et Médias où nous avons pu faire une première approche avec notre public ; - M. Jean-Fabien Leclanche, spécialiste des nouveaux médias, qui nous a conseillé sur la façon de développer notre communication sur les réseaux sociaux ; - Arthur De Pins et Christian Durieux, artistes reconnus, qui ont gentiment accepté nos demandes d’interview et consacré du temps à répondre à nos questions ; - Mme Veydari Ieng, M. Adam Joinet et Mme Evane Pitié, trois étudiants illustrateurs qui ont accepté de produire des images gratuitement pour les besoins de la Galerie ; - Mme Camille Herbet, pour la création du logo Le 48 pages ; - Nos proches, familles et amis, qui ont partagé leurs expériences, nous ont conseillé et ont su nous accompagner moralement durant cette période particulière.

L'équipe du 48 pages vous remercie.

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l'édito

vous avez dit bd ?

13.

how to commencer à lire des comics ?

le manga oublié

18.

24.

train pour angoulême annulé ? restez en gare !

à la conquête du cyberpunk !

34.

16.

entretien avec arthur de pins

entretien avec christian durieux

26.

8.

30.

promenons-nous dans les rayons

aventure au pays des illustrateurs

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L ' É Q U I P E

AMINA M. MVP Editrice, graphiste & rédactrice Chargée de mise en page et des RS

R E I N A F. Vice-capitaine du navire Chargée de communication sur les RS Graphiste & rédactrice

mANON S. Agent spécial des RS Rédactrice Spécialiste comics

mARIE-ASTRID m. Budgeteuse du tonnerre Rédactrice Historienne de la BD

T H I B A U LT A . Journaliste en herbe Rédacteur Envoyé spécial Angoulême

vICTORIA A. Déléguée à la SAM Rédactrice Envoyée spéciale des librairies

PIERRE M. Déserteur du Mur


L ' É D I T O

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e 48 pages est un projet initié, puis mis en place, par sept étudiants en dernière année de Licence de Médiation Culturelle dans le cadre de leur projet de fin de diplôme.

Il s’agit d’un fanzine autour de la bande dessinée qui englobe les mangas, les comics mais aussi la BD franco-belge. Il a pour but de faire découvrir aux amoureux et aux curieux tous les horizons qu’offre le neuvième art. Ce que vous allez découvrir est l'effort commun d'une équipe divers, au goût varié et complémentaire, mais aussi sa sueur, son sang et ses larmes. Nous espérons que Le 48 pages, dans ce numéro unique, saura vous plaire, et arrivera à vous transmettre ne serait-ce qu'un quart de notre passion.

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V O U S AV E Z DIT BD ? La bande dessinée rencontre un immense succès en France. Selon le Centre National du Livre, 77% des enfants lisent de la BD en 2020, contre 41% des adultes. Cet engouement pour le 9e art est un phénomène relativement récent. Remontons aux sources de la bande dessinée, voyageons dans le temps afin de comprendre comment cet art séquentiel a vu le jour et a pu saisir un lectorat toujours plus ample.

19 0 0 1840

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Les prémisses d’un nouvel art Nous sommes en 1833. Un nouveau genre narratif est inventé en Europe, sous la plume du Suisse Rodolphe Töppfer : le récit en estampes. Il écrit Les Histoires de Monsieur Jabot, histoires illustrées à titre humoristique et satirique qui illustrent des scènes de la vie de société bourgeoise. Dès la seconde moitié du XIXème

siècle, ils sont introduits dans la presse sous la forme de feuilletons journaliers, et couronnés d’un immense succès. A partir de 1890, la popularité de la bande dessinée s’intensifie. Elle devient un médium de masse auquel tous les périodiques européens et américains accordent quelquesunes de leurs pages. La bande dessinée fait désormais partie de la culture populaire.

La codification de la bande dessinée Depuis le XIXème siècle, la bande dessinée a été méprisée par les cercles intellectuels qui ne la considéraient pas comme de la littérature. Entre 1840 et 1930 le genre se codifie assez spontanément. Ses caractéristiques principales sont : l’humour, les personnages typés aux physionomies prononcées, et le travail de mise en page autour d’une narration séquencée. Au tournant du siècle, cette codification tacite

est enrichie par deux nouveautés : la scénarisation et l’intégration des personnages principaux au patrimoine populaire. Aujourd'hui encore des héros comme le Yellow Kid (1896) de Winsor McCay ou le Tintin (1929) d’Hergé. L’influence du contexte socio-économique de l’époque impacte également sur cette littérature, notamment l’urbanisation des villes, les immenses progrès techniques, et l’essor économique des pays occidentaux.


1910 Une bande dessinée pour enfants Les premiers récits en estampes étaient destinés à un public adulte et bourgeois, mais très vite, la bande dessinée devient une source de divertissement adressée à la jeunesse bourgeoisie européenne. Dès lors, ils sont utilisés pour l'éducation des jeunes garçons et jeunes filles, comme on peut le voir dans Bécassine (1905) ou les Pieds Nickelés (1908). La bande dessinée destinée à un lectorat spécifiquement adulte n'apparaîtra qu’à partir des années 1960.

19 2 0 La bd, un art industriel ? A la fin du XIXème siècle, la bande dessinée devient un art industriel. Aux Etats-Unis, cette notion prend tout son sens suite à la production en masse des comics, les méthodes de travail à la chaîne, la division du post de travail ; où l’on retrouve le dessinateur, le(s) scénariste(s), le crayonneur, l’encreur, le coloriste et le lettreur. La notion d’œuvre d’art ne s’applique pas à la bande dessinée. Elle est pensée comme un produit. L’œuvre n’appartient pas à son auteur mais au distributeur. On considère ses « artisans » interchangeables. Puisque la BD est à présent une création industrielle, elle doit alors être appropriable et transmissible à tous.

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Une bande dessinée de propagande Cette même période voit fleurir des œuvres qui se font le relai d’une propagande omniprésente dans les sociétés occidentales. L’histoire de Tintin au pays des Soviets de Hergé (1929) publiée dans Le Petit vingtième illustre cette propagande européenne anti-communiste. En 1931, Hergé fait la louange du colonialisme avec Tintin au Congo. Après la crise de 29’, la Belgique veut revaloriser ses colonies, y attirer ses citoyens pour mettre un terme à la crise et au chômage qui ravagent le pays.

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DC comics

Marvel comics

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L’ â g e d ’ o r d e s c o m i c s Après la Première Guerre mondiale et le krach boursier, l’arrivée des super-héros renforce le patriotisme américain. Jerry Siegle et Joe Shuster imaginent un univers irréel, encore jamais vu : celui des extra-terrestres (bien avant que la course à la Lune ait même commencé). Ils créent Superman. C’est le début d’un univers super-héroïque porté par deux maisons d'édition : DC Comics et Marvel Comics qui s’implantent durablement dans le paysage culturel américain et l’inconscient collectif. Les comics, c’est aussi l’éclosion d’un art de masse. Les produits dérivés abondent, et ces derniers prennent bientôt une place à l’écran. Ainsi débarque la culture du divertissement.

Dans les années 1960 d'une Amérique raciste, les premiers super-héros noirs font leur apparition. Stan Lee et Jack Kirby dressent un héros en rupture avec les mœurs populaires : Black Panther (La Panthère Noire). La bande dessinée mûrit et sort de l’enfance. Elle se confronte à des problématiques sociétales et explore la frontière narrative entre le réel et la fiction. Au-delà du simple divertissement, les comics book transmettent des messages largement inspirés du climat sociopolitique. La réception ne vise plus un lectorat enfantin mais un public véritablement mature et éveillé.

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19 6 8 la rébellion mai 68 La bande dessinée est un genre non-académique. Dès les années 1960, elle se transforme en un outil de rébellion pour critiquer la société contemporaine. En 1968 c’est un immense bouleversement, la BD est le fer de lance des révoltes estudiantines. Elle est valorisée par les auteurs et le système universitaire, et refuse le statut de non-culture au profit de celui de contre-culture. Christin et Mézières incarnent ce tournant du Neuvième art suite à Valérian et Laureline (1967). Ils introduisent l’une des premières héroïnes féminines qui s’ajoute aux côtés de Wonder Woman de William Moulton Marston et H.G. Peter. Ils transmettent dans les aventures du binôme des idées de libération sexuelle, d’écologie, mais aussi un refus des appartenances, comme dans La Cité des eaux mouvantes (1970). Ils vont inspirer Georges Lucas pour son intemporel Stars Wars. Désormais, la culture populaire intègre pleinement la bande dessinée.

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et les mangas alors ? Il est difficile de comparer l’évolution des mangas à celle des bandes dessinées européennes. Les premiers rouleaux narratifs japonais (emakimono) remontent à l’époque de Nara, au VIIIème siècle de notre ère. Au XVIIème siècle, les Japonais inventent les estampes à lire. Au début du XIXème siècle, Hokusai donne son nom au terme manga qui signifie « croquis rapide » en référence aux nombreuses caricatures qu’il publie entre 1814 et 1834. Avec l’arrivée du Japonisme en Occident, les cultures européennes et japonaises

s’entremêlent ; les auteurs de BD empruntent la ligne claire tandis que les mangaka s’inspirent de l’art nouveau. Dans les années 1870, l’influence mutuelle entre le Japon et l’Europe est à son apogée. Comme la bande dessinée, le manga sert d’arme de propagande. Puis avec l’occupation américaine, il adopte l’expressivité et le dynamisme de Walt Disney et des comics américains, dont Osamu Tezuka (Astro Boy, 1952) en est le représentant.

Après 68’, la bande dessinée se voit enfin récompensée du titre qui lui revient : un genre de littérature. En 1991, c’est l’ultime acte de reconnaissance qui lui est rendu par l’Académie Française qui cherche à démocratiser la culture. La bande dessinée entre dans l’espace littéraire. L’année suivante, le prix du meilleur livre de l’année est décerné à Enki Bilal pour le bouleversant Froid Équateur.

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2020

Aujourd'hui la bande dessinée tient une place majeure dans la littérature française et internationale. En effet, sur les 59 millions de Français qui se déclarent lecteurs en 2019, 51% d’entre eux lisent des bandes dessinées, des comics ou des mangas, ce qui hisse ce genre littéraire au deuxième rang des littératures les plus lues après les romans. Pourtant, elle reste un objet mystérieux, difficile à définir en raison de son histoire littéralement « horsnorme » et son caractère « bâtard », à la fois image et texte.

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la consécration


Vous avez déjà regardé un film ou une série de superhéros et vous vous êtes dit que vous aimeriez bien lire les comics mais vous ne savez pas par où commencer ? Alors cet article est fait pour vous !

H OW TO # 1

comment commencer à lire des comics ? D I S C L A I M E R Cet article ne sert qu'à vous aiguiller dans votre recherche. Nous allons simplement vous donner des conseils et des recommandations. Libre à vous de les suivre ou non. Vous pouvez tout aussi bien vous rendre en librairie, prendre le premier comics qui tombe entre vos mains et dévorer ce qui vous semble intéressant !

quelques informations générales concernant les comics 1 . Pour commencer, il est important de déterminer ce qu’est un run, c'est-à-dire la période durant laquelle un scénariste ou une équipe artistique a travaillé sur une série de numéros. Cela peut aussi définir un arc narratif. Les comics DC et Marvel fonctionnent avec ce procédé. 2 . Les comics sont publiés sous deux formats principaux : - Le format kiosque aux ÉtatsUnis ; c’est une sortie mensuelle d’environ 30 pages qui correspond à un chapitre d’une série, on parlera d’un numéro dit « single ». En France, on regroupe généralement 4 singles (4 chapitres) d’une série.

On déconseille ce format aux débutants car il est difficile de suivre une série de numéros de cette façon puisqu’elle est moins courante en France. - Le format librairie ; optez pour le format Trade Paperback (TDB), Hardcover ou Absolute. Il s’agit d’un format relié et cartonné, publié lorsqu'un arc ou une série en singles sont terminés. Il est plus courant, et donc plus accessible pour débuter. 3 . Les comics Marvel sont publiés en français chez Panini Comics et les comics DC chez Urban Comics.

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LES COMIC BOOKS MARVEL

Par où commencer ? Le mieux est de choisir un personnage qui vous intéresse (Thor, Spider-Man, Black Panther, etc.) puis de sélectionner un run. Ici, il est plutôt conseillé de choisir un scénariste qui a travaillé sur une série de numéros, par exemple : le run d'Ed Brubaker pour Captain America, qui a inspiré The Winter Soldier, ou encore Thor de J. Michael Straczynski et Olivier Coipel. Vous pouvez également commencer par une anthologie qui regroupe en un seul tome les histoires les plus marquantes d’un personnage, ce qui vous permet d’avoir une vue d’ensemble de ses aventures. Pour cela il y a une excellente collection d’une centaine de pages chez Panini Comics nommée Marvel-Verse à 6,95€. C’est donc une bonne solution économique pour débuter ! Vous avez également les Marvel Anthologie. Ils sont plus onéreux (26€) mais plus complets, environ 300 pages. Une autre possibilité est de commencer par un événement marquant de l'univers, comme la série Secret War par Brian Michael Bendis et Gabriele Dell'Otto, ou bien Civil War par Mark Millar et Steve McNiven.

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Sinon, vous pouvez vous fier aux relaunch de Marvel. Ce sont des relances de séries déjà existantes depuis le premier numéro. Publiées régulièrement, elles permettent aux nouveaux lecteurs d’entrer plus facilement dans l’univers des comics. L’une des plus récentes, Marvel NOW, a été lancée en 2012 chez Panini Comics, mais il y a aussi la collection All-New, All-Different Marvel depuis 2015. Enfin, attaquer par un one-shot est probablement l'option la plus simple pour se lancer. Quelques exemples : Magnéto Le Testament par Greg Pak et Carmine Di Giandomenico ; Spider-Man : L’histoire d’une vie par Chip Zdarsky et Mark Bagley, ou encore Loki : Votez Loki par Langdon Foss et Christopher Hastings, paru récemment.


les dc comics Rassurez-vous, il est beaucoup plus simple de s’embarquer dans la lecture des DC comics que des Marvel, et cela pour deux raisons : l’éditeur français de DC, Urban Comics, est bien mieux organisé que Panini Comics, qui édite les Marvel. En 2011, DC comics a lancé un événement qui a permis de mettre pratiquement tout son univers à zéro. Or, seules les histoires de Green Lantern et Batman n’ont pas eu de reboot. Il s’agit de la Renaissance DC, soit New 52 (2011) puis DC Rebirth (2016) en anglais. Il est alors plus simple de commencer par ici. Il est recommandé de débuter par la série Justice League, scénarisée par Geoff Johns et dessinée par Jim Lee. Excellent point d’entrée dans l’univers, cela vous donnera un bon panorama des différentes histoires et des personnages présents chez DC. Vous pouvez aussi lire Flashpoint, puisqu’il s’agit de l’événement qui annonce le reboot de DC comics pour New 52 et DC Rebirth. Pour les futurs lecteurs fans de Batman, La Cour des Hiboux est une parfaite réintroduction après un temps d’absence. Bruce Wayne reprend le costume de Batman afin de poursuivre un assassin aux allures d’Hiboux. Tout comme pour les comics Marvel, les one-shots marquent un bon point de départ, par exemple : Harleen de Stjepan Sejic est un one-shot sombre et mature qui nous conte les origines de Harley Quinn.

D’une façon générale, il faut vous préparer à rencontrer des personnages inconnus. Vous serez peut-être égaré au début, mais cela ne freine en rien la compréhension de l’histvoire. Si vous souhaitez commencer à lire des comics parce que vous êtes déjà amoureux des univers cinématographiques DC et Marvel, alors vous avez déjà une bonne base pour comprendre les comics.

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L E M A N GA OUBLIÉ l’école emportée 1 9 7 2 , De son nom d'origine, Hyôryû Kyôshitsu est publié dans l’hebdomadaire Shônen Sunday. Le mangaka Kazuo Umezu, surnommé le « Dieu du manga d’horreur » est peu connu en France. Il est temps de changer ça.

Une école, des adultes et des enfants qui s’y rendent. Un énorme tremblement de terre… et POUF ! L’école a disparu, les professeurs ont disparu, les élèves ont disparu. Tout a disparu. Où est-ce que l'école Yamato a-t-elle bien pu être emportée ?

l’imaginaire cauchemardesque de kazuo umezu Les générations qui l’ont connu n’étaient pas prêtes à côtoyer d’aussi près l’horreur que vivront les élèves de primaire Yamato. Après un fort tremblement de terre, l’école atterrit au milieu d’un désert infertile sous un ciel obscur ; un monde dépourvu de vie. Comment se nourrir lorsque la seule limite est le stock alimentaire de l’école ? Les 862 disparus ont un seul espoir, celui de dire à leur famille : « Je suis rentré ». Les enfants, s’ils en sont encore, doivent survivre parmi la violence, la peur et le suicide. Si le sort des élèves est au premier plan de l’intrigue d’Umezu, la question de l’écologie a égalment toute signification dans ces pages.

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« Kazuo Umezu. Il a toujours peur de la nuit, toujours peur des ténèbres. Quand l’inquiétude l’envahit, son imagination amplifie encore plus ses angoisses, et il devient finalement la proie de ses propres cauchemars. »

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va ! Ce manga ment warning s allez telle

tête ! Vou nts de retourner la tion les enfa c e ff a n e re op tard prend vous sera tr l ’i u q to a m ous allez l’école Ya du manga. V te tê la r rti mot. de so uvais jeu de a m s n sa r, dé-gu-ste

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A RT H U R DE PINS co nt in ue d e ma rq u e r une g é nér ati o n EN TR ET IEN E XC LU S IF

Arthur de Pins croise d’abord les bancs des Arts Décoratifs où il étudie l’animation avant de se tourner vers la bande dessinée. Son envie ? Raconter des histoires, mettre en scène et surtout faire vivre ses personnages. Un univers drôle et monstrueux : Zombillénium, ça vous parle ?

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Vo u s a v e z fait des ét udes dans l'animation, qu ’ e s t - c e q u i vo us a o r ient é ver s la bande d es s i n é e ? L’animation prend beaucoup de temps, d’argent et énormément de personnes pour travailler dessus. Il m’est arrivé pour certains de mes courts-métrages d’avoir passé tellement de temps à chercher des financements qu’une fois que le producteur a dit : « C’est bon, on peut faire le film ! » et bien je n’étais plus dedans, je n'avais plus envie de le faire. Puis j’ai fait de l’illustration et je suis arrivé à la BD. J’ai toujours eu le désir de raconter des histoires. Je me suis rendu compte que c'était bien plus spontané. Pour la BD, il faut uniquement une feuille et un crayon, et on peut démarrer ! Après, je travaille sur ordinateur mais disons que le chemin entre l’idée et la réalisation est plus simple alors que l’animation nécessite énormément de temps. Bien sûr, j’aime toujours l’animation et j'aimerais beaucoup faire un long-métrage d’animation mais j’essaye plutôt d'alterner entre les deux. Nous sommes un grand nombre à faire comme ça. Quand j’étais aux Arts Déco de Paris, j’avais une spécialité Animation. Dans ma session, il y avait Merwane Chabane (Mécanique Céleste), Pénélope Bagieu (Culottées) et finalement beaucoup ont bifurqué vers la BD, pour les raisons que je viens d’évoquer.

Que lle s sont vos influe n ces ? Ma plus grosse influence est l’illustrateur Edmond Kiraz. C’était un illustrateur qui était connu pour Jour de France, il a aussi fait une série de dessins qui s'appelle Les Parisiennes. Il était essentiellement connu pour dessiner des femmes. Au-delà, graphiquement, il faisait un personnage sans trait, sans contour, juste avec des couleurs. C’est à mi-chemin entre dessin, peinture et illustration. Tout ça avec un style et des personnages très stylisés. D’ailleurs Kiraz a influencé Monsieur Z, qui lui aussi m'a influencé. Parce que Monsieur Z est le premier illustrateur à utiliser le dessin vectoriel pour faire de l’illustration.

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Pour Zombillénium, j’ai été très influencé par les films de monstres, mais aussi par le cinéma social anglais. Je cite souvent ce film anglais : Brassed Off (Les Virtuoses). C’est l'histoire de personnes qui travaillent dans une mine, l’un des ingrédients de Zombillénium. Les influences peuvent venir aussi du cinéma. De toute façon, parmi les auteurs de BD, les influences sont assez multiples. Je crois que c’est Ludovic Debeurme qui disait : « Si vous voulez faire de la BD, il ne faut pas voir la BD comme influence, il faut lire beaucoup de livres et regarder beaucoup de films. » Finalement c’est un peu tout ce qui nous arrive.

R é a l i s e r u n e p remière BD s ens uelle , P é c h é s m i g no ns , p uis p as s er à une BD a v e c d e s m o ns t res , q uel a ét é vo tre d é cl i c d 'a rt i s t e p o ur Z o mbil l éniu m ? L’envie de faire une BD de monstres est venue en premier. Les monstres j’en dessinais quand j'étais ado, j’ai toujours adoré ça. C’est un univers que j’ai mis de côté pendant mes études, quand je suis arrivé aux Arts Déco. Les professeurs étaient excellents, j’ai vraiment beaucoup aimé cette école mais disons que les professeurs essayaient aussi de gommer ce côté un peu geek qu’on pouvait avoir. Pendant mes études, les professeurs avaient tendance à nous dire : « Bon, tu es gentil avec tes petits Mickey, maintenant tu vas t'intéresser à des choses un peu plus sociales, un peu plus actuelles et surtout regarder autour de toi ». C’est très bien, je les remercie pour ça, mais cet univers de monstres, je l’ai rangé dans une petite boîte en me disant que je vais plutôt faire des trucs autobiographiques ou des histoires qui parlent du quotidien. Puis, cet univers de monstres est revenu comme un boomerang il y a une dizaine d’années, lorsque le rédacteur en chef de Spirou m’a demandé de faire une couverture spéciale Halloween. D’ailleurs, sur la couverture, on y trouve tous les monstres de Zombillénium. C’est en faisant cette couverture que cet univers m’est revenu. J’ai réalisé que c’était un univers qui m’avait manqué. Par contre, entre temps, j’avais plongé le nez dans des thématiques sociales. J’ai décidé de faire un mélange des deux. Je fais une BD avec des monstres parce que j’aime ça. En revanche la question c’est : qu’est-ce que les monstres pourraient faire de leur journée ? Après tout, ils pourraient travailler. S'ils travaillent, ils ont une entreprise, des syndicats, un DRH, un patron, etc. Finalement, ils ont un peu les mêmes problèmes que nous. Voilà comment est né Zombillénium. Pour moi, c’est plus Péchés Mignons qui était une parenthèse.

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D’où vous vie nt l’insp irat io n po u r vos pe rsonnage s de Zom bil l én iu m ? Bon, il faut que je fasse gaffe à ce que je dis, parce qu’après il ne faut pas que je sois trop vexant. Disons que pour les monstres sympas, bon même si ce n'est pas un monstre : Gretchen est inspiré d’une copine. Francis est inspiré inconsciemment de mon père. En fait, il y a plusieurs années, mon père a eu un poste dans une petite entreprise. Il s’était fait licencié pour se faire remplacer par un manageur avec des dents longues et il est vrai qu’à l’époque je l'avais mal vécu. Je pense que j’ai inconsciemment replacé cet épisode dans Zombillénium. Je ne m’en suis pas rendu compte, ce sont mes frères qui me l’ont dit : « Olala mais c’est incroyable, Francis on dirait papa ! ». C’est une manière de raconter les personnes de mon entourage, des clins d'œil de leur quotidien, que ce soit un personnage de premier plan ou plus secondaire. Je n’arrête pas de mettre des copains dans Zombillénium, c’est une sorte de private joke.


O n re m a rq ue t r ès r ap idement dans Zombillénium, que ce s pe rsonnage s ren v o i e nt à une no t io n de hiér archie , e st-ce là votre re pré se ntation de not re soc i é t é ? O u c el a p ro vient - il d’une e xpé rie nce pe rsonne lle e n e ntre prise , u n e exp é r i e n c e s yndic al e ? En fait, cela ne vient pas d’une expérience professionnelle, je n’ai pratiquement jamais travaillé en entreprise. Je l’ai plutôt vécu à travers le récit d’amis. Dans mon entourage, c’était plutôt les vampires (directeurs), des gens qui faisaient de grandes écoles. D’ailleurs après nos études, j’ai vu se métamorphoser, d’une certaine manière, l’étudiant avec qui on partageait des galères. Il mettait un costume, une cravate et tout d’un coup, il se mettait à devenir un manager et parlait bizarrement des gens qui étaient en dessous de lui. Donc, c’est vrai qu’entre les catégories socioprofessionnelles et les monstres, l’idée est venue complètement naturellement. Alors, je précise que ce sont vraiment des catégories socioprofessionnelles et pas que professionnelles, car il ne s’agissait pas d’une question de place dans l’entreprise. Dans Zombillénium, il peut y avoir aussi des zombies qui ont des postes hauts-placés. Pour moi, dans la société, je vois des zombies, des vampires,

des loups-garous et des démons. Parfois il y a des tensions, alors évidemment les démons sont un peu les patrons du CAC 40. Ils vivent complètement dans une autre sphère. Ils sont plutôt vers le bas, puisqu’ils sont dans les Enfers, ils possèdent les âmes des gens, ils possèdent les âmes des autres monstres. C’est encore une analogie avec tous ces patrons qui sont complètement déconnectés de la réalité. En fait, je voulais que dans Zombillénium les gens aient surtout de la sympathie pour les zombies, mais pas que. Il peut y avoir des vampires sympas comme Francis. Mon rêve, c’est que tous les monstres s’entendent bien. tu prends les fables de la Fontaine, ce ne sont pas des monstres mais des animaux, ou même, Zootopie. Moi, c’est les monstres et ça me convient bien. On me dit souvent : « Ah untel, il a les dents qui rayent le parquet, untel s’est fait vampirisé par machin ». Finalement, l’analogie existe dans la vie.

« S’il y a des instituteurs ou institutrices qui nous lisent, ne soyez pas trop méchants avec vos élèves qui dessinent et qui veulent faire du dessin animé ou de la BD plus tard, parce que voilà ce que cela donne. vous allez vous retrouver dans un film et avoir un rôle de méchant. »

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C o m ment vo us êt es - vo us re trouvé à travaille r pour le clip d e S kip T he Us e ? Une c o l laboration pour Zombillénium ? E stc e u ne ex t ens io n de vo t re vision ? Le projet de film Skip The Use est né en 2011 avec mon producteur. Ça remonte quand même, c’était il y a 10 ans. L’une des premières choses que l’on s’est dit, c’est qu’il nous fallait un groupe de rock. Comme c’est un film avec des monstres, on ne pouvait pas faire une soundtrack avec de la harpe. Je n’ai rien contre la harpe mais il nous fallait une musique adéquate. Je connaissais des groupes de rock mais pas connus comme Skip The Use. L’épouse de mon producteur est originaire du Nord et il se trouve, par une espèce de connexion du Nord, qu’elle avait un moyen d’accéder à Mat Bastard de Skip The Use. Nous les avons rencontrés à la fin de l’un de leurs concerts. Tout s’est très bien passé et on s’est tous appréciés. Très tôt, ça devait être en 2012, nous avons proposé à Mat et au groupe de faire la BO, car nous devions faire un pilot pour le film (à noter un pilot, c’est quelques minutes d’animation pour présenter et montrer le style du film). Nous nous sommes dit : « On va faire une pierre deux coups et notre pilote sera le clip de Nameless World ». Par la suite, Mat a collaboré au film pour une chanson (« Stand as one »). Les musiques instrumentales ont été réalisées par Eric Neveux, un autre compositeur. Et cerise sur le gâteau ! C’est quand même Mat qui fait la voix de Sirius et c’est génial. Au départ, les autres voix de doublage étaient des comédiens professionnels mais une réflexion m’est apparue : « Tiens, il a l’air d’être un assez bon comédien le Mat ». On lui a fait faire des essais et ça a cartonné !

U n e s uit e du fil m Z o mbillénium e st-e lle e nvisagé e ? Un projet de série pour la télévision.

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CHRISTIAN DURIEUX

et son s p i ro u a m o u re ux

Q u e l e s t v o t re p arc o ur s jus q u’à la n ai s s a n c e d e vo t re p remière BD ? J’ai un parcours d'étudiant classique mais c’est vrai que depuis tout petit, je rêvais de faire de la bande dessinée depuis l’âge de 6 ans exactement. C’était quelque chose de très ancré dans mon esprit. J’ai suivi pas mal de cours du soir en bande dessinée, des académies pendant plusieurs années, dès mes 10-11 ans et ce, jusqu’à mes 18 ans. Pour rassurer mes parents, et ne pas me lancer comme ça, dangereusement, j’ai fait des

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A la fois bédéiste et professeur, Christian Durieux a eu un parcours atypique. C’est en croisant le chemin d’un scénariste, Jean Dufaux, que sa vie est chamboulée. Ainsi, s’ouvre la porte vers son univers BD. Dans cet entretien, Durieux présente sa vision de son Spirou ! Comment Pacific Palace nous amène-t-il amour et politique dans un huis-clos ?

études en Belgique pour devenir prof en faisant l’équivalent d’une licence en Lettres modernes. Au bout de quatre ans, je me suis inscrit dans une école de bande dessinée, Saint-Luc à Bruxelles. Et après un an et demi, je me suis lancé totalement dans la bande dessinée. Une forte envie de vie active et des contrats qui se présentent, voilà ce que ça donne ! Tout en étant prof, j’ai exercé cette activité à mi-temps pendant deux ans, le temps que ma première BD soit lancée.


P a r l o ns d e vo t re der nier al b um. Comme nt v ou s a - t - o n pro p o s é de r éal is er l’histoire de Sp i ro u ? Alors on ne m'a pas du tout proposé, c’est moi qui ai proposé. En fait, c’est une espèce d’accident heureux. C’est une histoire que j’avais écrit en 1993 qui s'appelait déjà Pacific Palace et racontait dans les grandes lignes ce qui deviendra plus tard le Spirou ; un jeune homme qui travaille dans un hôtel et qui tombe amoureux de la fille du dictateur qui s’est réfugié. Pendant des années j’ai tenu à ce projet, j’avais vraiment très envie de le faire. Je ne sais pas ce qui m'empêchait, je n’arrivais pas à le dessiner. Je ne trouvais peut-être pas la concentration suffisante. J’étais à chaque fois sur d’autres albums. J'entamais à chaque fois quelque chose que je laissais tomber, je ne trouvais pas le bon angle. C’était étrange. Du coup, il y a eu une espèce de réveil, au sens propre d’ailleurs. Un matin pour me réveiller je me suis dit : « Mais un garçon qui travaille dans un hôtel, ça pourrait tout à fait être un groom, un groom égale Spirou ». J’ai repensé mon histoire, en fonction de Spirou, et là tout s’est débloqué. Quand j’ai pensé à Spirou, je me suis demandé qui vais-je prendre de la famille Spirou, comme si c’était un huis-clos.

U n e re nc o nt re aux yeux vert s e t un amour su r f o n d b l e u, p o urq uo i c e c ho ix de coule urs ? Bon, c’est ma scène préférée ! Le fond bleu, il est particulier, c’est celui de la piscine. C’est une scène particulière parce que l’histoire se déroule en quelques jours. J’avais envie d’une scène hors couloirs de l’hôtel. Puis il y avait l’idée de ne pas trop se lasser, je voulais un autre lieu. J’ai donc pensé à la piscine. Pour moi, c'est une scène assez importante, elle est centrale. Il va y avoir un baiser entre Spirou et Elena mais il y a aussi la concurrence amoureuse entre Spirou et Fantasio. Puis de façon sousentendue, en quelque sorte, Elena fait des révélations à Spirou en lui disant que Fantasio doit se méfier, que ce qu’on voit n’est pas toujours la vérité, etc. C’est comme ça que j’ai voulu une couleur qui se détache complètement du reste du livre, qui fasse une petite enclave dans l’histoire. Cette scène-là, c’est la première scène que j’ai dessinée dans laquelle apparaît Elena. Ce qui fait que quand j’ai mis au point le bleu de mon bassin de piscine, j’avais laissé les yeux d’Elena vides. Je cherchais une couleur qui pourrait bien ressortir et le vert est venu. Je voulais quelque chose d’un peu scintillant dans les yeux, qui brille au milieu du bleu de la piscine.

comme nt vous l'inspiration du d'e le na ?

e st v en u e pe rson n a g e

Je m’étais mis en tête de ne pas utiliser trop de personnages, pour ne pas être distrait dans mon histoire et ne pas diminuer la pression du huisclos. Du coup, celui qui m’apparut indispensable, le compère de Spirou, c’était Fantasio. Puisqu’il y a une intrigue politico-thriller, et que Fantasio est un journaliste, je me suis demandé ce que je vais faire de Fantasio. Puis l’idée m’est venu de faire de lui un groom comme Spirou. Ça a tout changé parce que les deux personnages apparaissent comme les deux faces d’une même pièce. J’ai pu finalement donner plus de densité à l’histoire que j’avais écrite au départ. Avec le recul, ce qui se passait n’était qu’une « simple d’amour ». Elle était un peu limitée. Alors qu’ici, le fait d’avoir emmené Fantasio ajoute un autre regard. Ils sont tous deux en concurrence puisqu’ils sont amoureux de la même jeune femme, donc ça densifiait l’histoire. Ainsi qu'un autre personnage, que je ne citerais pas pour ne pas vous en dire trop.

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A N G O U L Ê M E

Alors que le milieu de la médiation culturelle s’effondre de par les restrictions imposées par l’épidémie mondiale, le festival d’Angoulême a choisi de reporter la date de sa manifestation à janvier 2022. Depuis 1974, le festival international de la bande dessinée d’Angoulême se déroule en janvier et propose des expositions, débats et rencontres entre les principaux auteurs francophones et leurs publics. Néanmoins avec la nécessité de rompre la tradition pour des raisons sanitaires, les organisateurs du festival d’Angoulême n’ont pas, pour autant, voulu abandonner leurs fidèles de janvier.

Pour répondre à certaines attentes, le festival annonce, dans un communiqué intitulé « Festival 2021, un diptyque », que « fin janvier, dans le but de respecter son rendez-vous habituel avec vous et de faire vivre le 9e Art, le Festival mettra en oeuvre un certain nombre d’actions dans le respect des mesures sanitaires qui seront en vigueur. Les Prix de son palmarès, Les Fauves, seront remis aux lauréats à cette occasion et l'exposition du Grand Prix 2020, Emmanuel Guibert, se tiendra au musée d'Angoulême sur une durée exceptionnelle de fin janvier à fin juin. » Cette idée de « diptyque » serait donc salvatrice afin de préserver l’identité du festival hivernal, mais on peut aussi considérer que cette division de l’événement dans le temps lui permet de se réorganiser et de redéfinir la manière de communiquer autour de la bande dessinée.

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RES T EZ EN GARE ! un festival virtuel

Le Festival une mission de médiation Les organisateurs du festival se rendent très bien compte de l’importance de leur événement, l’esprit même du festival se trouve dans la communication qu’il fait. Aussi, cet événement n’est pas important simplement d’un point de vue culturel. Le festival international de la bande dessinée a aussi et bien sur un poids économique, social et même éducatif. En effet, « les festivals apportent un éclairage sans équivalent sur les artistes et les arts qu’ils promeuvent. Ils permettent une rencontre avec des publics très divers, les amateurs assidus comme les néophytes, les enfants comme les adultes ». Ainsi, alors que le secteur culturel souffre, le festival d’Angoulême se doit de faire acte de présence afin de combler le vide forcé par l’épidémie mondiale. Le festival s’est donc démultiplié pour l’année 2021 et a décidé de s’établir sur divers supports afin de toucher le plus de monde.

La polyvalence d’internet, la gratuité de l’accès à la retransmission en direct, la possibilité de poster des commentaires, tout cela fait de ce premier festival virtuel une véritable tentative de mimique du festival originel. Un tel événement ne pourra évidemment pas remplacer la joie de la foule et l’effervescence des rencontres bien physiques dans la ville d’Angoulême. Néanmoins, la possibilité offerte par le virtuel permet d’envisager non pas un remplacement mais une extension du festival. À l’ère du numérique les festivals se développent, se modernisent et s’adaptent à la technique et à la demande du public. Cela se constate, notamment avec les concerts ou les festivals du cinéma qui se font en ligne, notamment le festival Gérardmer dont la programmation prévoyait des lives Instagram avec des réalisateurs. Ainsi, la conférence mise en place par le festival au mois de janvier ne fait pas révolution dans le milieu des événements culturels, surtout en période d’épidémie où l’usage du direct est considérablement accentué. Mais, cela témoigne bien d’une volonté de toucher et de prolonger l’action de médiation auprès d’un public distant et virtuel.

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mais où est la bande dessinée ? En revanche, l’idée d’un festival virtuel semble bonne, en tant que compromis de l’événement physique, pour des concerts ou des événements cinématographique, elle est assurément moins efficace pour un festival dont le thème concerne à la fois l’art plastique et le livre. La musique ou les films sont facilement retransmissibles par voie internet, cependant pour ce qui est de la littérature, ou du dessin, seuls le

partage de scans peuvent permettre de mimer l’objet que représente l’album de bande-dessinée. Car, là est la question à laquelle semble devoir répondre le festival d’Angoulême : où est la bande dessinée ? Si le festival a été créé pour accueillir tous les adorateurs du neuvième art, le compromis du livestreaming ne permet pas de mettre en valeur l’objet qui, à l’origine, réunit créateurs et public.

Le partenariat SNCF - Festival international de la BD La réponse est donnée sous la forme d’un partenariat entre le festival d’Angoulême et SNCF Gares et Connexion. Bien que le festival d’Angoulême et la SNCF sont en partenariat depuis déjà quinze ans, la SNCF possédant par ailleurs son propre prix et sa propre sélection officiel avec le « Fauve polar SNCF », cette association reste tout à fait originale pour le festival. Dernière branche créée par la SCNF, cette filiale est chargée d’améliorer l’expérience

des voyageurs en garantissant confort et sécurité. L’objectif est de transformer la gare en un centre tourné vers la ville elle-même, en y créant un espace culturel, dédié à l’art ou au divertissement du grand public. Cette mission s’est notamment vue avec l’opération « Piano en gare ». Le partenariat avec le festival d’Angoulême n’est donc pas anodin et s’ancre parfaitement dans la politique de la firme ferroviaire.

« La bande dessinée s’expose en gare » Pour renouer le lien avec l’objet « bande-dessinée », les gares de France, quarante-et-une d’entre elles pour être précis, ont accepté de devenir les lieux d’exposition de la bandedessinée et de ses artistes à l’occasion du projet « le festival s’invite en gare ». Du 17 décembre à la mi-février 2021, 108 expositions de bande dessinée ayant pu mettre en lumière près de 70 artistes ont été déployées dans ces gares françaises. Chaque artiste se voit attribué un espace spécifique où certaines planches de ses oeuvres sont exposées. Une fiche technique, expliquant le parcours de l’artiste, les thèmes qu’il évoque ainsi que des

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informations supplémentaires sur la maison d’édition en charge de son oeuvre, accompagne les planches, les illustrations et les dessins mis en avant dans les gares. À titre d’exemple, on retrouve, en Gare de Marseille, l’autrice Lisa Mandel avec son album Une année exemplaire ; ou encore Jérémie Moreau avec Le discours de la panthère publié aux éditions 2024. Aussi peut-on évoquer la Gare de Versailles-Chantier qui expose trois artistes, Tatsuya Endo (Spy X Family, tome 1, Kurokawa éditions), Hippolyte et Zabus (Incroyable, Dargaud) et Anne Montel & Loïc Clément (Miss Charity, éditions rue de sèvres).


L E C H O I X D E L A G A R E : n o u v e a u l i e u d e c u lt u re ? Ainsi, en l’absence des musées et des lieux d’expositions traditionnels, les gares se font les nouvelles médiatrices de la culture. Là où le festival est empêché de mettre en oeuvre sa programmation, les gares représentent l’opportunité unique de présenter ses sélections de bande dessinée et d’assurer la première fonction de médiation du festival. Mais le choix de la gare va plus loin que cette simple extension du rôle de médiation. En effet, le lieu en tant que tel est un élément stratégique primordial pour la communication du festival. La bande dessinée, dont l’art est adressée à une étendue de lecteurs allant de 7 à 77 ans, se rapproche de la gare elle-même, qui accueille toutes les générations. La gare, qui est le lieu symbolisant le début ou la fin d’un voyage, rappelle le pouvoir même de la bande-dessinée, et du livre en général, de faire voyager son lecteur. Mais plus généralement, la gare est un lieu ouvert assurant le passage et la transition, si elle est un espace de déplacement, elle permet aussi les rencontres et la transmission. On parle notamment de transport « en commun », par sa sémantique même, la gare évoque le rassemblement et le partage.

Outre cette idée d’une connexion entre les usagers, la gare est tout simplement un carrefour où toutes personnes de touts horizons viennent et vont. Plus qu’un clin d’oeil aux thèmes de la diversité et du voyage, la gare offre une formidable opportunité aux créateurs dont les oeuvres sont exposées à la vue des quelques 10 millions de voyageurs quotidiens. Entre public fidèle et public potentiel fourni par les gares, le festival d’Angoulême s’exposant en gare fait peut-être une encore meilleure publicité que le festival original. Mais il faut aussi relativiser ce bilan. En effet, une gare ne remplacera jamais complètement un musée ou un lieu d’exposition traditionnel. Le public y reste potentiel et ne vient pas en gare avec pour premier objectif d’assister à un événement culturel. De même, si le festival est scindé en plusieurs temps pour l’année 2021, c’est à cause de l’épidémie mondiale. Dès lors, avec la hausse du télétravail, la mise en place de confinement et de couvre-feu, la fréquentation des gares s’est amoindrie, abaissant donc l’effet potentiel des événements culturels en gare.

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À LA CONQUÊTE DU CYBERPUNK DA N S L A BANDE DESSINÉE !

Qu’est-ce que le cyberpunk ? Comment la notion cyberpunk est-elle représentée à travers l’imaginaire ? Ce genre nous pousset-il à un questionnement sur nous-même, sur notre part d’humanité grâce aux différents thèmes abordés ?

Le genre cyberpunk est officialisé le 30 décembre 1984 lorsque Gardner Dozois qualifie Neuromancien de William Gibson de « cyberpunk ». Cela a conduit à l’utilisation généralisée du terme. Beaucoup d'œuvres s’inspirent de ce sousgenre de la science-fiction et de ses grands maîtres : Philip K. Dick, William Gibson ou Bruce Sterling. Le cyberpunk est l’association des mots « cybernétique » en référence à l’informatique et « punk », rappelant le mouvement de contre-culture. Le cyberpunk aborde un futur proche, une société technologiquement avancée, avec un monde empreint à la violence et au pessimisme, au sexe et aux drogues. Les protagonistes sont des anti-héros cyniques et blasés. Tout ceci dans une société futuriste. Les thèmes abordés sont variés : « la nature de la réalité et de l’identité, l’abus de drogue, la schizophrénie et les expériences transcendantes ». Le cœur du cyberpunk, c’est l’interrogation permanente et omniprésente sur ce qui fait la différence entre la machine et l’être humain ; l’effet de la technologie sur l’humanité. Voici notre guide essentiel pour découvrir les multitude qu’offre le cyberpunk dans la bande dessinée ! Commençons bien, commençons français ! Métal Hurlant est un magazine de bande dessinée de science-fiction française édité en 1975. L'idée vient de Jean-Pierre Dionnet qui s’associe avec Philippe Druillet et Mœbius et fondent ensemble Les Humanoïdes Associés. Métal Hurlant devient un phénomène de lecture adulte, au grand dam des enfants trop jeunes. Dionnet souhaitait un renouvellement, une diversité de thèmes et de styles graphiques dans la bande dessinée française. Pari réussi !

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L’Incal est une série de bande dessinée de science-fiction. Mœbius se charge des dessins et Alexandro Jodorowsky du scénario. Ils sont publiés en décembre 1980 dans Métal Hurlant. L’Incal est à la fois psychédélique et dans la mouvance du cyberpunk, avec la présence d’une description sociale : la révolte contre une dictature. Les dessins de Mœbius offrent une vision futuriste, où les lecteurs peuvent s’y noyer de

détails des paysages. Les bâtiments sont métalliques emboîtés les uns sur les autres. Mais il y a aussi des véhicules volants, des vêtements de style robot, une technologie en abondance, le tout avec des couleurs hypnotiques, un graphisme inoubliable qui pousse chaque lecteur à analyser chaque détail.

« PRÉCURSEUR DU MOUVEMENT C Y B E R P U N K , U LT R A V I O L E N T E , SEXUELLE ET SANS TABOU, VOICI L A S É R I E C U LT E D E S A N N É E S QUATRE-VINGT QUI A RÉVOLUTIONNÉ LE NEUVIÈME ART »

Restons en Europe, faisons un petit tour en Italie. RanXerox est un androïde dessinée par l'italien Tanino Liberatore, avec les scénarios de Stefano Tamburini pour les deux premiers tomes et Alain Chabat 15 ans plus tard pour le troisième tome qui clôture la série. RanXerox illustre un univers lugubre aux traits réalistes. Ranx c’est une bande dessinée qui pousse tout à outrance et au paroxysme. Tous les thèmes du cyberpunk sont réunis : la drogue, la violence, la prostitution, l’humain et la machine.

« NE RATEZ PAS RANX, CAR LUI NE VOUS RATERA PAS ! »

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C’est en 1982, avec la parution dans le Young Magazine, que Akira de Katsuhiro Otomo marque les débuts du genre cyberpunk au Japon, ainsi que son succès populaire du film d’animation en 1988.

Katsuhiro Otomo affirme à plusieurs reprises que son influence vient des œuvres de Mœbius et du cinéma occidental. En plus de son esthétique révolutionnaire dans la japanimation, Akira offre une palette de thématiques variées avec des personnages complexes. L'œuvre s’inspire du climat des Japonais dans les années 80, de leurs préoccupations, c’est-àdire la peur d’une arme incontrôlable (nucléaire), le pouvoir militaire, les drogues, les motards ainsi que les obsessions religieuses omniprésentes que l’on retrouve dans les deux supports : le manga et le film. A s t u c e : Il faut absolument lire ce manga avec la B.O du film pour plus d'immersion ! Explosion gigantesque anéantissant une partie de l’archipel nippone Tokyo. Des années plus tard, après la Troisième Guerre mondiale, la ville de Néo-Tokyo est bâtie sur les cendres de l’ancienne capitale. Kaneda est le leader d’un jeune gang de motards en marge de la société. L’un des membres, Tetsuo, est blessé dans un accident. Escorté et hospitalisé par l’armée, il s'aperçoit qu’il possède d’étranges capacités télékinésiques. Pour en savoir plus, foncez en librairie.

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Restons dans le pays du Soleil Levant car il a joué un grand rôle dans le développement du genre cyberpunk dans l’Occident. Ghost in the Shell a été écrit par Masamune Shirow en 1989. L'adaptation du manga sort en 1995 et est réalisé par Mamoru Oshii. Le manga mêle organisme cybernétique, intelligence artificielle et enquête policière. En l’an 2029 dans la mégapole japonaise dystopique de New Port City, la Major Motoko et son collègue Batou sont deux cyborgs qui travaillent au sein de l'unité spéciale « Section 9 » chargée du contre-espionnage des crimes cybernétiques. La particularité de cette œuvre régi par l'Internet va pousser nos protagonistes à la réflexion sur leur propre existence, sur ce qui fait leur humanité et sur la dualité corps-esprit. Leur seule part d’humanité réside dans le « ghost ». Cette conscience humaine est téléchargée dans le corps appelé « shell », signifiant « coquille » en anglais.

« Toute technologie émergente échappe spontanément à tout contrôle et ses répercussions sont imprévisibles » William Gibson

Le cyberpunk a pour inspiration constante le monde qui l’entoure, source inépuisable d’idées, que ce soit dans le comportement humain et notre rapport technologique. Les artistes réussissent à nous projeter dans un futur qui pourrait être le nôtre. Le cyberpunk continue sa route et influence toute une génération d’écrits bercés par le pessimisme de ce genre.

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PROMENONS-NOUS DANS LES RAYONS Il est difficile de parler de BD sans évoquer leurs points de vente. Que ce soit au comptoir de notre librairie locale préférée ou auprès d’un vendeur sympathique d’une grande enseigne, le point de vente reste pour nous, bédéphiles, un point de rencontre, d'échanges et de découvertes. C’est de ce petit coin de paradis dont j’ai décidé de vous parler ici. Ça vous dit une petite balade ?

Dirigeons-nous dans le centre de Paris, voulez-vous ? Promenons-nous quelques centaines de mètres au bord des quais de la Seine. Prenons quelques secondes pour admirer les merveilles des vitrines des boutiques du quartier Saint-Michel. Admirons la cathédrale la plus célèbre du monde, puis, descendons. Là, derrière un square, sur une petite centaine de mètres, s'étend notre point de rendez-vous : la ru e D an t e . Des enseignes vieillissantes payant peu de mines côtoient de grandes vitrines claires et chargées de couleurs, avec un point commun entre elles : la BD. Il y en a pour tous les goûts : de la BD franco-belge, des comics, des mangas, des fumettis,… Vous saurez sûrement y trouver une petite perle qui saura vous plaire.

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hayaku shop manga

La première boutique où on vous emmène n’est autre que le Hayaku Shop ! Tout fraichement rénovée, cette librairie aux allures de onsens japonais est l’une des dernières spécialisées dans la vente de mangas. Dès notre entrée, nous sommes accueillis par Christophe Lenain aka KOB, et sa joyeuse équipe. L’accent est mis sur leur polyvalence et leur passion. Ils revendiquent un professionnalisme à toute épreuve : ils ont à cœur de pouvoir guider chaque visiteur à travers n’importe lesquelles de leurs lectures, que ce soit du yaoi au shônen le plus mainstream. Kob nous avoue même une certaine fascination pour l’incongru, l’etrange ; un péché mignon qu’il adore pouvoir mettre au service de ses clients. Une illustration parfaite tient au logo de la boutique. Cet étrange métissage d’un lapin souriant avec un requin est le reflet de ce que hayaku veut dire pour Kob : la redoutable efficacité. C’est ce concept nippon que le patron a souhaité importer au cœur de Paris pour offrir à ses visiteurs une équipe investie, prête à dénicher la pépite parmi les 12 000 volumes de la librairie. La boutique offre également aux visiteurs l'opportunité de s’offrir quelques goodies à l'effigie de leur univers favori : figurines, t-shirts,… Pour les plus gourmands, des snacks japonais bien connus tels que les limonades Ramune sont disponibles en caisse. Pour un arrêt nippon : escale au Hayaku Shop !

pulp's chez dante

Les grosses pointures de la rue restent cependant les boutiques du groupe Pulp’s . Il est aujourd’hui composé de quatre boutiques : trois sur Paris et une à Bordeaux. Les succursales parisiennes, toutes rassemblées sur la rue Dante, se partagent chacune une spécialité : Pulp’s BD, Pulp’s Toys et Pulp’s Comic. 1 . Il y a chez Pulp's BD toutes sortes de bande-dessinées européennes, des romans graphiques ainsi que quelques mangas. Son originalité ? Une petite alcôve dissimulée en face de l'entrée vous réserve quelques contenus plus adultes. 2 . En revanche, la vente de goodies en tout genre est la patte de Pulp’s Toys. Ses deux consœurs proposent également des figurines, des posters, et autres produits dérivés.

3 . Enfin, Pulp’s Comic, comme son nom l'indique, est recouvert de comics. Entre le sourire désarçonnant d’une figurine à l'effigie de Harley Quinn, les cascades affichées de la jeune araignée, l’ambiance est posée ; plongée dans l’univers des super-héros américain garantie. Il est difficile de se tromper avec Pulp’s. Cette segmentation leur permet de proposer les catalogues les plus riches possibles. Chaque local possède sa propre ambiance, son propre public, et c’est cette singularité entretenue qui nous plait.

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paramètre BD au boulevard de reuilly Pour achever cette balade, quittons la rue Dante, quittons le Ve arrondissement pour descendre vers l’Avenue Reuilly, dans le 12e. Faisons cet arrêt dans le coup de cœur de l'équipe. Un peu perdue au milieu des petits commerces qui pullulent sur l’avenue se tient la librairie P a r a m è t r e B D .

Cette petite librairie de quartier est tenue par un grand passionné de la bande-dessinée et de son univers. Intarissable sur la plupart des sujets, c’est avec un réel engouement que le libraire entame la conversation. Le local ne paie certes pas de mine avec ses piles de cartons et de livres épars. Mais si vous laissez le génie farfouiller sa lampe, vous repartirez assurément avec bien plus que ce que vous aviez souhaité en entrant. La plupart des volumes en vente proviennent de l’occasion, parfois des dons des locaux ou des rachats de collectionneurs qui préfèrent confier leurs petites merveilles à un professionnel. Entre les quatre murs du local vous trouverez de tout : BDs de style européen, quelques mangas, quelques goodies mais également une quantité impressionnante de comics dont une grande partie sont des éditions américaines. De quoi allécher les collectionneurs ! On ne peut que vous recommander chaleureusement cette caverne d’Ali Baba. Petite note cependant : le paiement se fait uniquement par liquide.

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Trois étudiants en art graphique, Evane, Veydari et Adam, ont concocté pour le 48 pages des illustrations inédites dans lesquelles ils nous révèlent leur personnalité, leurs intérêts et leur créativité. Découvrez le processus de ces artistes nourris à la BD !

LE STYLE GRAPHIQUE une aventure au pays des illustrateurs

Qu’est-ce qu’un style graphique ? C’est la patte d’un dessinateur, sa marque de fabrique, un style unique et reconnaissable ! Ça peut être un sujet qu’on aime dessiner, une palette de couleurs, des personnages récurrents ou bien un format précis. C’est ce qui fait l’artiste « lui », car ça le représente dans ses goûts, ses habitudes et ses inspirations du quotidien. C’est-à-dire, tout ce qui est agréable à dessiner pour l'artiste. Comment se développe-t-il ? « Le style graphique est quelque chose qui évolue tout le long de notre vie », nous confie Evane. « C’est une partie de la personnalité qui ne se fige pas de la même façon chez tout le monde ; c’est un choix et un parti pris graphique sans que l’on s’en rende compte », ajoute Veydari. Il est tellement en mouvement qu’il est impossible à définir. A la fois instinctif et conscient, le style est une zone de confort mais aussi un défi. Il demande de l’exercice mais il se copie également en mimant le travail d’autres artistes et en s’appuyant sur le réel et l’observation. Mais il peut aussi être témoin d’une mauvaise habitude du dessinateur ! Tout fait style tant que l’artiste s’y reconnaît. Et on en fait quoi ? Le style sert à se différencier des autres dessins. C’est la voix de l’artiste. En BD, il s’adapte selon les besoins de l’histoire. Par exemple, les forts contrastes conviennent bien à l’univers corrompu de Batman tandis que Moebius dépeint son monde onirique avec une ligne claire et des couleurs pastel. En effet, le style doit toujours servir l’univers et les personnages afin d’accrocher le lecteur.

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Evane Pitié ou « BDwoma n »

G

rande lectrice de bande dessinée, romans graphiques et mangas, Evane dessine depuis qu’elle est toute petite. Pour elle, devenir illustratrice n’est que la suite logique de son parcours. Elle rêve de faire une BD, même si personne ne la lit, car cela serait la consécration de toute sa vie. Elle aurait l’impression d’avoir bouclé la boucle. Son inspiration vient de tout et rien, mais surtout du dehors. Elle nous confie d’ailleurs que le confinement l’a empêchée de créer car elle aime être connectée au monde extérieur. Son style se reconnaît aux couleurs qui explosent et aux corps disproportionnés. Influencée très jeune par Frida Kahlo, Henri Matisse et Fernando Botero. Elle aime l’exagération des formes et le travail des polices qui se fondent dans le sujet. Parmi les illustrateurs modernes, il y a également Kelly Anna (@kellyannalondon), Ricardo Cavolo (@ricardocavolo) et certains artistes hispaniques. La première illustration montre l’abs u rd i té du c ouv re -fe u ; une jeune femme contrôlée par le temps doit se presser à 17h50 de rentrer à la maison. Pour elle, c’est marrant d’en parler car « ça fait chier tout le monde ». Le tro c parle d’amour avec un grand A. Il s’agit d’un dialogue en miroir sur une double page de deux personnes qui ressemblent mais ne sont pas les mêmes. L’échange d’émotion et de fleur est au cœur du sujet : « je te donne une fleur et tu me donnes ton cœur ». De quoi faire rougir les romantiques.

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Veydari Ieng

et l 'e x pre s s i o n n i s m e ro n c h o n

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eydari aime flâner dans les rayons BD et romans graphiques, véritables mines d'or pour nourrir son inspiration. Pour elle, « c'est plein d'univers différents qu'on y trouve, et c'est nous qui choisissons dans lesquels entrer d'abord selon les esthétiques qui nous parlent. Ensuite, on va se pencher sur ce qu'ils nous racontent. » En revanche, elle lit davantage pour l'histoire que les dessins concernant les mangas. Selon elle, dessiner c’est matérialiser une autre réalité. Pour ce faire, elle s’inspire du maître des couleurs Hirohiko Araki, auteur de Jojo’s Bizarre Adventures, qui articule art et pop culture ainsi que de l’artiste Laura Callaghan pour sa maîtrise du détail. Tout comme Araki, Veydari aime utiliser les références musicales et ainsi que le monde réel pour alimenter sa créativité. Elle aime faire des personnages grincheux et chouineurs avec une certaine sensibilité ironique.

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DESSINER RÉGULIÈREMENT

3.

2.

SE CHALLENGER & SORTIR DE SA ZONE DE CONFORT

ÉCHOUER

Le reflet est un Narcisse moderne et absurde. Mais ce reflet-ci est particulièrement violent puisqu’il répond à la femme avec un bras d’honneur – ce qui sert à casser une mythologie romancée. Veydari insiste sur le fait que ce n’est pas une image qui vise la dépréciation de soi, mais montre le décalage que l’on peut avoir avec soimême parfois.

5.

4.

RECOMMENCER !

NOS CONSEILS POUR DÉVELOPPER UN STYLE GRAPHIQUE

1.

Être curieux et observateur

Flo w er bo y se moque lui aussi d’une scène romantique. Basée sur la chanson « See You Again » de Tyler The Creator, elle peint un homme-tournesol larmoyant d’une manière presque épique. Elle joue avec les références et les couleurs pour produire une scène saugrenue, à la limite du cartoon.

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Adam Joinet l'homme au mille styles

A

dam est un éternel insatisfait. Cela se traduit par un style hétérogène et éclectique en formes et couleurs qu’il pioche partout. Pour lui, c’est impossible d’être consistant car la société nous bombarde d’images et dès lors, cela nous pousse à toujours changer. Pourtant il a toujours aimé créer des histoires et les coucher sur le papier. Il est très tôt influencé par la télévision, notamment les dessins animés et les BDs de son enfance ainsi que les comics et les mangas. Mais c’est son amour pour les personnages extravagants, les héros surpuissants et les réactions disproportionnées qui le poussent à l’illustration. L’inspiration a beau être partout, il cite Edgar Degas et Masashi Kishimoto parmi les artistes de référence. Il ne nomme pas ses œuvres car il ne se sent pas légitime de le faire. Toutefois, il précise que s’il devenait un artiste accompli, il appellerait ses œuvres d’après des mots qu’il trouve drôle comme « s us p e c t » ou « mo rtade l l e ». Il peint dans ces deux illustrations très différentes, mais complémentaires, les sentiments qu’il a pour un garçon : je t’aime un peu, beaucoup, passionnément, à la folie, pas du tout... ? Il ne sait pas.

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