L’INSTANT N

UM CAFEZINHO POR FAVOR !

Par Guillaume Jan Illustration Célia Callois

UN COMPTOIR EN ZINC, SIX TABOURETS, DEUX VENTILATEURS, UN CHRIST CLOUÉ AU MUR, une corbeille qui regorge de fruits frais et un fût en Inox d’où s’échappe une puissante odeur de café. Voilà pour le décor de cette lanchonete, cafétéria de poche comme on ho à Rio. Le matin, on le commande pour une somme moen trouve presque à tous les coins de rue à Rio. L’antique dique en avalant un petit pain au fromage ou à la viande. radio crachote un des tubes les plus fameux de la bossa On en reprend un ou deux au travail, pour bien commencer nova des années 1960, Garota de Ipanema (« la fille la journée, marquer une pause ou conclure un marché. d’Ipanema »). C’est amusant de l’entendre dans cette On en boit pour tromper la faim, se donner un coup de fouet gargote : nous sommes précisément dans le quartier chic ou se détendre. On l’apprécie à la fin du déjeuner. Il est d’Ipanema, à un jet de pierre du café mythique devant souvent offert chez le coiffeur ou dans les boutiques, et il est lequel passait chaque matin Helô Pinheiro, la jeune aussi considéré comme une marque de bienvenue lorsqu’un femme qui a inspiré cette chanson… Il est 8 heures, le visiteur passe vous voir. « Le cafezinho est un acteur crucial soleil est déjà haut et trois clients sirotent leur premier de la vie sociale », assure Rogerio. cafezinho de la journée, les yeux perdus dans l’océan qui Populaire et bon marché, il n’est pas pour autant consigronde sourdement au bout de la rue. déré comme une boisson bas de gamme – il existe d’ail-

Le cafezinho (« petit café », en portugais), c’est le nom du leurs des « cafezinhos gourmets », servis dans les sompcafé traditionnel au Brésil. Une boisson au goût amer et lé- tueuses brasseries du Centro, voire dans les restaurants gèrement acide, servie très allongée mais brûlante après étoilés du Rio branché. Le rituel se pare alors de ses plus une extraction lente au filtre. Les Cariocas l’accommodent beaux atours, et le fût en Inox laisse place à une élégante parfois d’une ou deux cuillerées de sucre en poudre, ou cafetière en argent, à long bec et manche en ébène. L’esd’un nuage de lait ; certains ajoutent même un peu d’eau. pace d’un instant, c’est le Brésil de la Belle Époque qui « C’est le même café que l’on buvait au début du XIXe siècle, s’invite à la table. Héritage de la culture carioca, le cafezinho quand les plantations ont commencé à se développer dans s’adapte à la modernité, et même au goût du jour, avec une l’État de Rio puis dans les régions environnantes, explique sélection plus rigoureuse. « Le cafezinho trouvera toujours Rogerio, le patron débonnaire de cette lanchonete surannée. Ils en consomment en tout lieu et à toute heure du jour ou de la nuit. » En effet, toutes les occasions sont Il est soleil 8 heures, est déjà le sa place ici, conclut Rogerio. Plus qu’un café, c’est un moment de partage auquel les Cariocas restent très attachés. » Et le vieil homme de se tourner bonnes pour savourer un cafezin- haut et trois clients pour prendre jeune femme la commande d’une en tenue de sport : sirotent leur « Um cafezinho, por favor Prochainement, Nespresso ! » n premier cafezinho. rendra hommage à brésilienne du café. la tradition À suivre…