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Rencontre avec François-Xavier Demaison

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Dernière gorgée

Dernière gorgée

« J’aurais pu être caviste ! »

Son spectacle Di(x) vin(s) a joué les prolongations et il creuse son sillon au cinéma. Vigneron par passion, François-Xavier Demaison avoue un faible pour les vins du Roussillon et tous ceux qui fleurent bon les terroirs ensoleillés.

Acte I, scène 1. Racontez-nous votre toute première émotion œnologique. Je venais de décrocher mon baccalauréat. Mes parents m’avaient invité au Grand Véfour, à Paris. Je me sentais particulièrement fier, mais je craignais de ne pas être à la hauteur de cette grande occasion. Précisons que, quelques jours plus tôt, ils considéraient mon cas comme désespéré ! Dans ce restaurant mythique, tout m’impressionnait : le décor, le ballet incessant des serveurs, les rince-doigts que je prenais pour des cocktails... J’étais tétanisé à l’idée de renverser quelque chose. Le sommelier a débouché un Château Ducru-Beaucaillou 1986, qui m’a donné un début d’ivresse. Cette bouteille a immédiatement marqué la différence avec tout le sucre dont on peut se gaver à l’adolescence ! J’ai surtout compris que je faisais connaissance avec quelque chose qui allait m’accompagner très, très longtemps…

Pour remplir votre cave, vous fiez-vous plutôt à votre instinct ou à votre caviste ?

J’adore les cavistes ! Ce sont de vrais « passeurs ». Je mesure à quel point c’est une vocation, notamment quand que je vois que certains sont capables de passer 20 minutes avec un client qui va repartir avec un beaujolais. Quelle patience ! C’est tout juste s’il ne faut pas avoir fait trois années d’études de psychologie ! Le bon caviste est celui en qui on peut avoir confiance, comme Ventealapropriete, qui reste un caviste en ligne à la fois pratique et dont les équipes au palais exceptionnel savent orienter les amateurs vers toutes les catégories de prix. Le mauvais caviste, en revanche, impose son goût aux autres. C’est une profession que j’aurais volontiers exercée ; je serais resté toute la journée au fond de ma cave, sans voir grand monde. J’aurais écrit tranquillement, dans mon coin, et regardé des films… Le seul problème, c’est que j’aurais peut-être bu tout le stock !

Le vin ressemble-t-il toujours à celle ou celui qui le fait ?

On serait tenté de le croire… mais pas du tout ! Il existe des gens extraordinaires qui font de la piquette. Et inversement. Je pense que le vin ressemble d’abord au terroir sur lequel il s’épanouit. Il reflète également la personnalité et le parcours du vigneron ou de la vigneronne. Je suis, par exemple, un fanatique des vins de Marlène Soria (Domaine Peyre Rose), tout comme j’aime ceux dans lesquels le vigneron met un peu de son histoire. C’est le cas d’Éric Pfifferling, du domaine L’Anglore, à Tavel (Gard), qui est venu au vin par les abeilles.

Dans votre dernier spectacle, Di(x) vin(s), vous vous dévoilez à travers 10 flacons. Est-ce suffisant pour raconter une vie ?

Il m’en aurait fallu 50 ! D’où la frustration que j’ai ressentie au moment de choisir ceux qui étaient le plus « à l’os » avec ma personnalité et d’écarter tous ceux qui faisaient perdre le fil de l’intime, de la sincérité. Le fameux saint-pourçain 1973 que j’ai bu avec mes grands-parents avait beau être franchement mauvais, il était le prétexte idéal pour pouvoir parler d’eux sur scène, mais aussi de la Creuse, de cet ennui propice à la créativité… et même de Serge Reggiani ! Après tout, qui ne se souvient pas des quelques bouteilles qui ont marqué son existence ?

Lequel, de votre nez ou de votre palais, a le plus de mémoire ?

Les deux, mais peut-être davantage le nez, car j’ai le sens du bouquet. Je ne vais pas jusqu’à m’entraîner comme un sportif de haut niveau, mais j’ai beaucoup dégusté. Ainsi, toutes les émotions ayant été « stockées » ressurgissent automatiquement. Prenons par exemple une côte-rôtie La Sereine Noire de chez Gangloff : je serais capable de la reconnaître entre mille !

Quel vin auriez-vous adoré faire déguster à quelqu’un qui n’est plus là ?

J’ai eu la chance, un an avant sa disparition, de pouvoir faire goûter mon propre vin à Jean-Paul Belmondo. Toujours très curieux de ce que faisaient les nouveaux talents ou les jeunes comédiens, il m’avait invité à déjeuner chez lui, sur les quais, à Paris. J’avais apporté une bouteille de Mirmanda rouge 2019, vinifiée avec la complicité de mon ami et associé Dominique Laporte (Meilleur sommelier de France 2004). En tête à tête avec mon idole, j’ai passé un moment merveilleux…

Et lorsque le rideau tombe, quelle bouteille entre en scène?

Un grand bourgogne. Un Domaine de la Romanée-Conti. Le seul à avoir cette histoire, à être issu d’un travail de la terre qui est le même depuis des décennies. Une bouteille à partager, comme à chaque fois, car je suis incapable de boire sans cette convivialité. Je n’aime pas le plaisir solitaire. Heureusement, je compte dans mon entourage de nombreux « amis prétextes » pour en déboucher le plus souvent possible !

BIO EXPRESS

1973 Naissance à Asnières-surSeine (Hauts-de-Seine).

2002 Premier seul-en-scène, Deuxième Acte, au Théâtre de l’Œuvre.

2007 Triomphe avec Demaison s’envole, au Casino de Paris.

2009 Nommé pour le César du meilleur acteur dans Coluche : l’histoire d’un mec, d’Antoine de Caunes.

2018 Premières vendanges au domaine Mirmanda, à Thuir (PyrénéesOrientales).

2022 À l’affiche de Champagne !, de Nicolas Vanier.

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