14 • LES ÉTUDIANTS DE SCIENCES PO PARIS
“ÉLITES DE LA NATION” ?
PAR MAHÉ BINCAZ
5 • LA COLÈRE DE LA RUE: REPORTAGE PHOTO
MARDI 28 FÉVRIER 2022 - ANNÉE 2022-2023 - NUMÉRO 3
MÉDITERRANÉEN PAR FRANCESCA-MARIA DURAZZO .
23 • LE CACHE MISÈRE
PAR
CAMILLE LEBÈGUE
AWordfromtheEditorinChief
Dear readers,
In this edition, let our guest and sta writers ask di cult questions, like: “les étudiants de Sciences Po Paris, ‘l’élite de la nation’ mais quelle nation ?” live through Brawermann’s “From ‘Good Evening’ to ‘Hey Baby’ - a Tale of Unfortunate Events” and digest guest contributor’s poem sur la mixité. Flip through the pages for more!
Thank you for reading along with us.
Ayşe Lara
Editor-In-Chief
Communications
Layout Designer
Layout Designer Communications
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Head of Design Head of Communications
MeettheWritingTeam
Head of English Columnists
Responsable Chroniqueur.euse.s Francais.e.s
Chroniqueuse Relectrice
Chroniqueur
Chroniqueuse
Chroniqueuse
Columnist
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Columnist
3 ÉDITION N˚2 | DECEMBER 2022
COVER PHOTOS BY EMILIAN ROBERT VICOL
Par Aurélie Retory
Sahara Occidental: L’introuvable Reconnaissance
by Martin Ugalde
La Crise Politique Péruvienne
Par Amalia Heide
Thai Massage Salons in Norway
The Not-So-Hidden Side
by Hanna Brown on for Amnesty International SP
Le PS À l’Heure De Son Congrès par
Inès Hanifi
Le Cache Misère Méditerranéen
by Francesca-Maria Durazzo
4 6 8 14
Poème
18 20 22 16 Table of Contents
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From ‘Good Evening’ to ‘Hey Baby’
A Tale of unfortunate Events
by Noa Lou Brawermann
Salman Rushdie and the Satanic Verses
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Art and the Shadow of Fear
by Phil Comely
Les
Étudiants de Sciences Po Paris
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‘Élites de la Nation’... Mais de quelle Nation ? par Mahé
Bincaz
La Colère De La Rue
Reportage Photo par Camille Lebègue
Poem
By Mahmoud Annan
5 ÉDITION N˚2 | DECEMBER 2022 16
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Prier,espérer,tenter,desubsister,d’exister,…telqu’eux l’ontfait,
Danscemondesanspareil,pourrais-je, Reconnaître,assumer,leuroumadestinée?
Marquésauferetparleursfers.
Peau,tannée,blanchieparunebrûlantefolie, Douloureusehantise,coulantdeméprisesurnoscicatrices, Brûluresinjustessuruncuird’homme, deroyalequelafleurposéesurl’épaule.
Relayéséternellement,àcesecondplanmal-famé. Seconfondantdansleurobscurité.
D’éternellesdentéestenaillées,bombardéesd’unefaim illimitée.
Sombrepassé,àduréedéterminée.Oui,nousnoussommesrévoltés contrecedestin,dèsledépartfaussé.Desdébutshistoriques: prémicesdenotreHistoire,
Maisquelleironiequedereconnaîtreuneseulefacedumiroir!
Nesommes-nouspaslesdeuxfacesopposéesdecettemêmepièce ?!
Renierlablancheurdeleurpeauetcettemèrepatrie«sans défauts»…?!
Tropdehaine,decolèredansmonsipetitétau.
CetteHistoire,dontonm’abreuvedepuisplusd’unedécennie, devrais-jelarépudier,
Etalors,m’accablersurcettefureur,froideetdéchaînée?!
N’ai-jepasdansésurleurschantsd’espoirs,découvertlamagie desopéras?
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Pourtant,letermemarronnagem’estsifamilier,etl’image demonmiroirn’estpascelledelatélé.Unjour,noire, maisquelquesdiurnesplustard,unefrançaisepastoutàfait prêteàycroire.Maisaufond,laFrance,n’est-cepasce mélange,cemixage,cemétissage?
Quel’onveutàtoutprixsupprimerdeslivresd’Histoire?
N’est-cepaslamèrepatriedemesAntilles,séparéesainsi parladistancetransatlantique?Eneffet,l’Hexagonenese limitepasàsixcôtésdemétropole,maiscompteaussices coinsparadis.Jesuisbien,alorsouhélas,grainedecacao dansunchampdeblé.
Maisdevrais-jeavoirhonted’êtrenée?
Jemelèveraietscanderaiaussihautetfortafind’honorer: 89comme48,CésairecommeDeGaulleetdesuivrelestraces deVeilcommeCondé.
Simpleaddition,aurésultatunpeuéloigné,d’unsongemal orchestré.
Nem’enlevezpasMarianne,Olympeetlaissezmoiidolâtrer monRoipournepasoublier.MaFranceetsesprincipestrop souventdepapier,ontomis,devivreavec:Mamixité.
AURÉLIE RETORY CHRONIQUEUSE INVITÉE
7 ÉDITION N˚3 | FEBRUARY 2023
L’INTROUVABLE RECONNAISSANCE DU PEUPLE DU SAHARA OCCIDENTAL
MARTIN UGALDE CHRONIQUEUR
Lors de sa visite au Maroc, le 16 décembre 2022, la ministre des Affaires étrangères française, Catherine Colonna, a réitéré la position favorable de son pays envers le plan de Rabat sur l’autonomie du Sahara occidental. La diplomatie marocaine peut se vanter quesonplanproposéen2007,soitreçu aujourd’hui comme la proposition «la plus sérieuse, réaliste et crédible» par nombre de chancelleries européennes. Or si ce e issue au con it semble être la solution acceptée par la diplomatie européenne, elle demeure néanmoins LA solution marocaine au con it dénigrant toute voix au principal acteur concerné par ce plan : le peuple du Saharaoccidental.
Sileplanmarocainadmetlareprésentation de ce peuple au sein d’une autonomie, la mise en place de celui-ci s’est réalisée en dépit de toutes les revendications du peuple sahraoui, conscient de lui-même et d’un sentiment identitaire qu’a toujours nié le Maroc. S’il
est vrai que l’ensemble des tribus du Sahara occidental partagent des liens historiques et cultuels non négligeablesavecleMaghreb,ceslienss’avèrent bienplusprononcésaveclaMauritanie où les tribus sahraouies ont pendant longtemps sillonné son territoire. Ainsi Sahraouis et mauritaniens partagent unelanguecommune;lehassanya,distinctedeslanguesmaghrébinesetbiens des similitudes culturelles et sociales qui prouvent l’existence d’une certaine identitéculturellecommune.
ment rien, car elle contient tout, et donnedesexemplesde tout.»comme le prétendent les mots de Paul Valéry. EtlaquestionduSaharaOccidentalest éminemment politique. En effet, gloriée par la « Marche verte » l’occupation du Sahara Occidental n’est pas le fruit d’un acte spontané. Hassan II, le roi marocain de l’époque, a délibérément pro té de la crise politique que traversait l’Espagne en 1975 pour lui soustraireunedesesdernièrescolonies enAfrique:leSaharaoccidental.
Mais nous devons appréhender ces questions historiques avec prudence, puisque souvent utilisées à des ns politiques, « L’Histoire justi e ce que l’on veut. Elle n’enseigne rigoureuse-
L’ambition du Roi peut sembler à première vue économique puisque le Saharaoccidental est un territoire relativementricheenressourcesnaturelles. Ilpossède,eneffet,des mines dephos-
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phate et d’abondantes réserves halieutiques d’où la répartition actuelle de ce territoire où le Maroc occupe les li oraux et les mines en acculant les populations sahraouies réticentes à sa domination à l’intérieur des terres. Preuve d’une exploitation active, aujourd’hui, 80% des prises de pêche marocaines proviennent des côtes du Sahara occidental.
Mais ce facteur économique joue probablement un rôle mineur face aux enjeux politiques derrière l’annexion de ce territoire. Celle-ci s’inscrit dans une époque turbulente que traverse la couronne marocaine, son pouvoir est contesté, Hassan II vient de traverser une insurrection populaire le 23 mars 1965 et deux tentatives de coup d’État en 1971 et 1972. Il est manifeste, qu’à la recherche de légitimité politique et du charisme de son père Mohamed V, Hassan II ait cherché des soutiens parmi un mouvement nationaliste très populaire au sein du Royaume visant aurétablissementd’un«GrandMaroc »incluantleSaharaoccidental.
Ces revendications nationalistes ont trouvéunlargepublicauseindelapopulation marocaine et se sont matérialisées par la Marche Verte, soigneusement organisée parle Roi qui s’empare ainsi politiquement du mouvement, elle est ainsi présentée comme l’acte de libération du peuple sahraoui du colonisateur espagnol. Une interprétation romantique de l’Histoire qui n’a pas été perçue de lamêmemanière par les tribus du Sahara occidental pour lesquelles le roi s’est bien gardé de reconnaître leur identité particulière, et qui ontété « libérées bien malgré elles ».
Le mythe de la Marche verte nie toute possibilité de revendication identitaire au seinde la représentation idéaled’un Maroc uni é alors qu’un sentiment identitaire propre existait déjà parmi les populations du Sahara occidental comme le prouve la création de la République Sahraouie, représentante de ce peuple – nous y reviendrons – et revendiquant l’indépendance totale du Sahara occidental. Ces revendica-
tionsontétéparlasuitegarantiesparla résolution de l’Assemblée générale de l’ONU du 14 décembre 1972 comme le « droit inaliénable à l’autodétermination et l’indépendance ». Or, l’annonce en 1974 d’un référendum organisé par l’Espagne sous les auspices de l’ONU et la possibilité d’un Sahara indépendant, pousse Hassan II à faire pression en organisant notamment la Marche verte l’année suivante satisfaisant ainsi les revendications nationalistesdesapopulation.Cequiouvrela porteaucon it.
L’Espagne cède alors face à la pression internationale et marocaine. Elle nit par négocier le dépeçage de son ex-colonie avec le Maroc et la Mauritanie aux dépens de ses habitants, les Sahraouis,quicommencentpourtantà se revendiquer eux-mêmes comme un peuple. Si les velléités d’indépendance ne font pas l’unanimité, les courants prônant une union avec le Maroc sont peu écoutés et assez peu représentatifs commele démontre lavolonté deconstruireun«peupleuni».
9 ÉDITION N˚3 | FEBRUARY 2023
En 1975 est signé par l’ensemble des tribus sahraouies un pacte « d’Union nationale » destiné à me re n aux « temps des tribus » et proclamé « la naissance du peuple sahraoui ». Ce pacte prévoit la construction d’une organisation étatique supra-tribale reposant sur les critères d’une véritable identité collective. Pour la première fois,cespopulationsdisperséesfondent une organisation politique uni ée avec l’objectif révolutionnaire clairement affiché de rétablir un nouveau contrat social; une nouvelleidentitécollective, un nouveau rapport avec le pouvoir; la suppression des distinctions tribales et l’abolition du droit coutumier. Ce projetsematérialisepar laproclamationle 12 octobre 1975 de la République arabe sahraouie démocratique ( SD), un proto-état reconnu par l’Union Africaine mais non pas par le Maroc ni l’ONU révélateur cependant du projet politiqueetdel’identitépropredupeuplesahraoui.
Or la construction de ce e identité que l’on pourrait aisément quali er de
« nationale » n’est pas fondamentalement liée au ra achement culturel du peuple sahraoui mais au lien particulier qu’il entretient avec son territoire « clairement délimitée par des frontières ». L’identité nationale repose alors en grandepartiesurlesrevendicationsterritoriales. Pour reprendre les mots de l’historien Charles Maier à propos des États-Nations du XIXème siècle, elle est, comme ceux-ci, caractérisée par sa
plus en tant qu’héritier des tribus nomades mais comme le peuple, au sens politique du terme,duSaharaoccidental qui réclame la souveraineté de son territoire à travers d’une organisation politique structurée. Le choc avec le sentiment nationaliste unitaire marocain semblait ainsi inévitable dès lors que celui-ci était prêt à imposer par la force sa souveraineté. Ce qu’il fît lorsqu’un mois après la marche verte, les
«facultéàterritorialiserleliensocialà l’intérieurde leurs frontières». L’identité collective des tribus du Sahara occidental s’est muée en un sentiment national institutionnalisé et supra-tribal se ra achant à des revendications territoriales précises. Le rapport territorial est ainsi inhérent à la construction de ce peuple qui ne se constitue
troupesmarocainespénétrèrentdansle territoireduSaharaoccidental.
Seize ans après, les hostilités cessèrent par la signature d’un cessez-le-feu, le Maroccontrôlealorsles¾duterritoire du Sahara occidental dont l’ensemble des côtes où se concentrent les richesses halieutiques. Les sahraouis ont perdu la guerre, 120 000 d’entre-deux
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ont trouvé refuge dans des camps le long de la frontière algérienne, maintenus par le secours des organisations internationales. Ils y habitent toujours, sans possibilité de retourner dans leur patrie.
Vaincus militairement, les sahraouis se voient aujourd’hui peu à peu dépossédés de l’une des rares revendications qui les unit en tant que nation : l’indépendance. En effet, leur droit à l’autodétermination est de moins en moins reconnu par des États étrangers comme les États-Unis qui ont reconnu en 2020 la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental en contrepartie de la reconnaissance officielle de l’Etat israélien par le Maroc. Un accord peu contraignant pour le Maroc, qui entretenaitdéjàdesrelationsofficieusesavec l’État hébreux notamment en matière de ventes d’armes utilisées pendant ce con it. Ce e victoire diplomatique marocaine donne ainsi de nouvelles ailesàsonpland’autonomie.
La diplomatie marocaine passe alors à une vitesse supérieure multipliant crises diplomatiques a n de faire reconnaître son plan d’autonomie comme la seule solution possible ou du moins comme la « base la plus sérieuse, réaliste et crédible » (voir note 1ère page) au con it. C’est ainsi que le Maroc a
Ladiplomatiemaghrébineaemployéla même méthode lors du sommet entre l’Union-Africaine et le Japon où elle a accusé la Tunisie, pays hôte de l’évènement, d’avoir invité unilatéralement le représentant de la SD (République Sahraouie) alors que celle-ci est membredel’UnionAfricaine.LaTunisieen
rappelé pour consultation son ambassadeurenAllemagneen2021alorsque ce e dernière avait critiqué le revirement de Washington sur la question du Sahara. Les relations diplomatiques n’ont repris que lorsque l’Allemagne s’est nalement raba ue sur une positionfavorableauMaroc.
a fait nalement les frais avec le rappel de l’ambassadeur marocain pour consultation et le boyco du sommet par Rabat. La pression marocaine sur l’Espagne s’est révélée particulièrement intense sur la frontière terrestre qui séparelesenclavesespagnolesdeCeuta etMelillaavecleMaroc.
11 ÉDITION N˚3 | FEBRUARY 2023
Ces dernières ont été fermées avec le Covid-19mais l’État marocain arefusé delesrouvrir(alorsquesesautresfrontières européennes ont été rouvertes), asphyxiant ainsi économiquement les deux villes espagnoles, jusqu’au revirementdu gouvernementespagnolsurla questionduSaharaoccidental.
D’autre part, nousne pouvons négliger le rôle majeur de l’utilisation, moralement condamnable, de migrants comme moyen de pression. En effet, à plusieurs reprises, sur le long terme comme de manière ponctuelle, la police marocaine a utilisé ces migrants, désireux d’a eindre l’Europe, dans le but avéré de faire basculer le gouvernement espagnol. Nous pouvons citer la soudaine passivité des gendarmes marocains postés à la frontière de Ceuta qui ont laissé passer 8 000 migrants, voire leur auraient « ouvert une porte grillagée pour faciliter le passage »,pendantlanuit du 16au17 mai 2021. Le 18 l’ambassadrice marocaine déclarait à Europa press (agence
depresseespagnole):«ilyadesactes qui ont des conséquences et que l’on doit assumer ». En effet, l’Espagne venait d’hospitaliser sur son territoire en le leader sahraouis Brahim Ghali pour desraisonsmédicales.
La police marocaine effectua une manœuvre similaire l’année suivante lorsqu’elle conduisit et accula à un postedefrontièredeMelillaungroupe conséquent de migrants, repoussés par
delapressionmigratoire s’inscritsurle long terme. Ainsi depuis le revirement de l’Espagne sur la question du Sahara occidentalenmars2022,l’immigration clandestine via le Maroc a diminué de 16,5%entre2021et2022,preuvedela coopération conditionnelle de Rabat en matière de migration. C’est donc en jouant principalement sur la carte migratoire et des frontières que le Maroc a obtenu l’adhésion de l’Espagne à
lapoliceespagnole,frappésetba udes deux côtés, 28 d’entre eux trouvèrent la mort comme le montre une enquête menée par un partenariat entre « Lighthouse Reports », « El Pais », « Der Spiegel » et « Enass » (dont je recommande fortement le visionnage de la vidéo du monde). Outre ces épisodes ponctuels ce e « diplomatie »
son projet pour le Sahara occidental. La diplomatie marocaine peut alors se vanterdepossédernombredesoutiens d’États étrangers qui reconnaissent le Saharaoccidentalcommeterritoireautonome sous souveraineté marocaine. Elle lui manque cependant l’accord du principalacteurconcernéetaveclequel elles’estbiengardéedenégocier,lepeu-
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ple de ce même territoire; les Sahraouis.CedontmêmeluiareprochélaCour de Justice de l’Union Européenne, qui n’admet pas de realpolitik, à propos, il est vrai, non du plan d’autonomie mais d’unaccorddepêcheMaroc-UEqu’elle aannuléen2019.
Constante de l’a itude de l’État marocain, la non-reconnaissance des populationssahraouiesetdeleursreprésentants en tant qu’acteurs politiques indépendants, s’est matérialisée par une présencesur leur territoire acquise par les armes et par une activité diplomatique tenace, davantage préoccupée par la recherche de soutiens auprès de la communauté internationale qu’à négocier directement avec le peuple du Sahara. Les mots de Foucault, « La politique est la continuation de la guerrepard’autresmoyens»évoquent les victoires que n’a pas su remporter
l’armée marocaine. Le projet de l’autonomie du Sahara, décrit comme une solution « sérieuse, réaliste et crédible » par les chancelleries européennes et états-uniennesestlevéritabletriomphe quiparachèvelecon it.
S’il est évident que le plan de l’autonomie est une construction marocaine qui s’est imposée au peuple sahraoui, il est peu probable que le Royaume du Maroc, en situation de force quasi-hégémonique, négocie des concessionsaupeupleduSahara.Laquestion d’une solution à mi-chemin entre l’autonomie promue par le Maroc et une République Sahraouie indépendante ne se pose même pas. Rabat ne négociera probablement jamais avec un acteur politique qu’il n’a jamais reconnu et encore moins à diviser le Sahara occidental qu’il contrôle quasiment en sa totalité. Nous devons malgré tout con-
sidérerl’espéranced’uneindépendance futurecommel’unedesseulesrevendications qui unit encore la nation sahraouie divisée par les trajectoires et les expériencessingulièresdesesindividus ainsi que la dispersion de sa diaspora dans le monde. Comment est-il alors possible de négocier avec ce e nation embryonnaire, tuée dans l’œuf et condamnée à disparaître? Il n’en reste pas moins que 120 000 réfugiés vivent encore dans des camps précaires, maintenusparlaseuleaidehumanitaire,etce ne sont pas des soldats pour la plupart mais des familles. Ils réclament un territoire que l’on leur a ôté par la force. Leurs voix doivent être écoutées et leurs revendications reconnues a n de discuter d’un possible retour même si ce n’est pas dans un Sahara intégralementindépendant.•
13 ÉDITION N˚3 | FEBRUARY 2023
3 février 2023. Les autorités péruviennes con rment la mort de plus de 60 personnes liées à la violence des manifestations sociales au Pérou, qui ont débuté le 7. Ces protestations se concentrentdanslesrégionsruralesdu sud du pays mais se propagent rapidement vers le cœur de Lima, où vit un tiers des citoyens péruviens. Dans les rues, on entend de plus en plus souvent le slogan “ Qu’ils partent tous “. Mais que s’est-il passé ce 7 décembre ? Racontons dans l’ordre chronologique les événements qui ont conduit à ce e datecritique.
Une brève chronologie des événements les plus importants
Au milieu de l’année 2021, des élections législatives et présidentielles se sont déroulées au Pérou. Au premier tour de l’élection présidentielle, Pedro Castillo est désigné vaincqueur., Iidéologiquement orienté à gauche, il obtient 15,3% des suffrages exprimés. Faitpertinent:lepourcentagedevotes nuls et annulés a a eint 18,7 %, c’està-dire que le nombre de votes nuls et annulés a dépassé celui du candidat gagnant. Cela implique un mécontentement important des citoyens vis-àvis de la classe dirigeante ainsi qu’une grande atomisation de la politique péruvienne.
Ce dernier point est corroboré par les résultats des élections législatives, qui
ontaboutiàlarépartitiondessiègesentre dix partis au sein du nouveau Congrès et ont donc empâché la constitutiond’uneforcepolitiquemajoritaire
La campagne pour le second tour des élections présidentielles a été caractérisée par une forte polarisation des citoyens,divisésentre“anti-fuji
morisme”et“anti-communisme”.
Pedro Castillo a devancé Keiko Fujimori, candidate du parti d’opposition de droite et lle du controversé Alberto Fujimori, auteur de l’auto-coup d’État de 1993. Toutefois, la différence a été minimale : 50,1% des voix contre 49,9%.
AMALIA HEIDE CHRONIQUEUSE INVITÉE
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La forte polarisation de la société et l’absence de majorité parlementaire ontentraîné,dèsledébutdugouvernement de Pedro Castillo, la poursuite d’une guerre politico-institutionnelle de longuedateentre l’exécutif etlelégislatif.Undilemmeclassiquededouble légitimitédanslesrégimesprésidentiels d’Amérique latine, où les outils institutionnels à disposition sont utilisés par le Congrès pour entraver et ralentir le programmedugouvernement.
Le 12 octobre 2022, Patricia Benavides, procureur général du Pérou, a déposé une plainte constitutionnelle contre le président Pedro Castillo, l’accusant de diriger une organisation criminelle. Elle a demandé suspension a ndelejuger.Toutefois,selonl’article 117 de la Constitution péruvienne, le président ne peut être suspendu/révoqué que pour “trahison ; pour entrave aux élections présidentielles, parlementaires, régionales ou municipales ; pourdissolutionduCongrès,saufdans les cas prévus à l’article 134 de la Constitution, et pour entrave à sa réunion ouàsonfonctionnement,ou àceuxdu Jury national des élections et d’autres organes du système électoral”. Nulle part n’apparaît lapossibilité de suspensionpourlescausesémisesparPatricia Benavides.
Néanmoins, la procureur a fait valoir que,étantdonnéquelePérouestsignataire de la Convention des Nations uniescontrelacorruption,unemotionde vacance de poste sous prétexte de corruption pourrait acquérir une portée constitutionnelle. Dans un premier temps,c’est auCongrèsdeseprononcersurlavaliditédelademandeduprocureur.Danslecasoùlelégislatifaurait donné son feu vert pour poursuivre la procédure,PedroCastilloauraitpudemander protection au tribunal constitutionnel.
Ainsi,le7décembre,undébatauCongrès sur la possibilité d’une motion de vacance pour corruption contre le président Pedro Castillo devait avoir lieu. Il ne s’agit pas d’un événement exceptionnel. M. Castillo a subi trois
tentatives de vacance de poste depuis juillet 2021 et donc au cours des dix premiersmoisdesonmandat. Quelques heures avant la session législative, Pedro Castillo a publié un communiqué à la nation péruvienne annonçant la dissolution temporaire du Congrès ; la convocation de nouvelles élections législatives pour la formation d’un Congrès constitutif ; la mise en place d’un état d’urgence avec un couvre-feuetoùl’exécutifgouverneraitpar décret-loi.Desresponsablesthéoriquement proches et alliés de Pedro Castillo, dont sa vice-présidente Dina Boluarte, ont quelques minutes plus tard annoncépubliquementleur
Face à ces événements, la population péruvienne est profondément divisée. D’unepart,lespartisansde PedroCastillo considèrent la motion de vacance delaprésidencecommeuncoupd’État du Congrès. De l’autre côté, les partisansdel’oppositiondedroiteaffirment que la déclaration de Pedro Castillo était une tentative d’auto-coup d’État anticonstitutionnel. Qui a raison ? Qui est le méchant de l’histoire? Il est nécessairedecomprendrequ’il n’existe pas de coupable unique et absolu. En effet, l’ensemble de la classe politique estenpartieresponsabledece ecrise.
désaveu du communiqué publié par Pedro Castillo. Les forces armées se sont rangées à leur tour du côté du Congrès.SiellesavaientsoutenuPedro Castillo,lasituationauraitpeut-êtreété différenteaujourd’hui.
À la suite des annonces controversées de Pedro Castillo, il a été décidé au Congrès d’utiliser la session prévue pour le débat sur lamotion de vacance pour corruption et l’interprétation de la Convention des Nations unies contre la corruption pour aborder une autre question que les législateurs considéraient comme plus urgente : la tenue d’un vote non programmé sur une motion de vacance présidentielle pour “incapacité morale”. Avec 101 voixpour,6contreet10abstentions,le président fut ce jour même démiss de sesfonctions.
Quelques heures plus tard, la à résent ex vice-présidente Dina Boluarte est devenue la première femme présidente du Pérou. L’ancien président Pedro Castillo, qui, en théorie, n’est plus en fonction et ne béné cie plus de l’immunité, a été arrêté alors qu’il tentait de rejoindre l’ambassade du Mexique pourdemanderl’asilepolitique.
Responsabilité du Congrès
Les actions du législateur, avec la complicité du pouvoir judiciaire, sont répréhensibles. Pas spéci quement à cause du vote sur la vacance du poste de président lui-même ou de sa destitution. A priori, cela est conforme à la constitution péruvienne, malgré certaines irrégularités*. Paradoxalement, cela constitue le problème lui-même. Sanss’écarterapparemmentdelalégalité, le Congrès a pu utiliser les mécanismes de pouvoir institutionnels à sa disposition pour ses propres intérêts partisans. Une utilisation cumulative des pouvoirs institutionnels qui n’a pas cherché à servir de contrepoids au pouvoir de l’exécutif, mais plutôt à le me reentrelemarteauetl’enclume,en l’immobilisant et en l’empêchant d’exercer ses fonctions les plus fondamentales. Ce e orchestration d’un “coup d’État politico-institutionnel”, dont le corps législatif avait déjà préparé les jalons, a nalement abouti parce que Castillo a fourni une excellente raison d’êtredémisdesesfonctions.Maisl’intentionétaitlàdèslepremierjourdela prisedefonctiondel’ex-président.
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La liste des actions malveillantes est longue mais voici les plus remarquables : après les résultats du scrutin de 2021,lespartisd’oppositionontaccusé PedroCastilloetsonparti,lePérouLibre, de fraude électorale.Ceci aété totalement démenti par les organisations internationales et ne fut rien d’autre qu’une tentative de délégitimer Castillo.LeCongrèsaensuitemisdesbâtons dans lesroues pourque le présidentne puisse pas former un gouvernement. De plus, il a refusé mécaniquement de donner son feu vert pour toute initiative de l’exécutif, en paralysant ainsi l’action politique. A plusieurs occasions,leCongrèsn’apasautoriséPedro Castilloàeffectuerdesvoyagesofficiels à l’étranger avec des explications farfelues. En outre, le pouvoir législatif a tenté de déme re le président de ses fonctionsoudelesuspendreà
plusieursreprises.Lalistepourraitcontinuer.
Responsabilité
du pouvoir judiciaire
Pedro Castillo et son entourage ont égalementétéaccusés decorruptionet d’infractions diverse. Ces accusations contre le gouvernement ont nécessité l’interventiondupouvoir judiciaire, dont le rôle a été extrêmement actif et non-partial. Le cas leplus représentatif est celui de la procureure Patricia Benavides qui, comme nous l’avons évoqué, aaccusé PedroCastillo de diriger une organisation criminelle. Il y a des raisons de croire que ce e accusation a été faite pour des raisons politiques a n d’augmenter la pression pour une nouvelle motion de vacance contre le président, surtout si l’on considèrequel’article117dela
Constitution ne permet pas de suspendre un président pour les raisons invoquées par Patricia Benavidsez. La procureureelle-mêmeaunpasséquestionné:elleaétéaccuséed’avoirorganisé des changements dans les nominations deprocureurs a n de faire classer l’affaire contre sa sœur Emma Benavides, une juge accusée de liens présumésavecdestra quantsdedrogue. Cela ne veut pas dire que Pedro Castillo ne puisse pas être coupable de ce dont il est accusé, ni que Patricia Benavides soit coupable de facto. Il s’agit simplement d’un exemple qui nous permet de douter de l’impartialité et de l’absence de corruption au sein du pouvoirjudiciaire.S’ilétaitsiimpartial, le pouvoir judiciaire ne devrait-il pas intervenir aussi rapidement pour mettre n à la violence de la police et des forcesdel’ordrelorsdesmanifestations contre le nouveau gouvernement, qui ont fait tant de blessés et de morts ? Si ces protestations avaient été dirigées contre Pedro Castillo, le pouvoir judiciaire aurait été beaucoup plus prompt àcondamnerl’illégalité des actionsdes forcesdel’ordre.
Il semble que le pouvoir judiciaire soit complice des forces d’opposition de droite et n’hésite pas à être leur plus dèle serviteur, utilisant sans scrupule tousles moyens légaux àsadisposition dansleseulbutdeneutraliserunadversaire. Il ne s’agit pas d’insinuer que le pouvoir judiciaire a tort d’enquêter sur les hommes politiques ou de suivre de près leurs actions a n de se prononcer sur leur légalité. Ce qui m’interroge, ce sontlesraisonsbiaiséespourlesquelles elle le fait. Le système judiciaire est totalementpolitiséetfonctionnecomme un “parti politique doté de pouvoirs gouvernementaux”.
Responsabilité de Pedro Castillo
Le fait que je me sois permis de critiquerlepouvoirlégislatif etle pouvoir judiciaire n’implique pas que je considère l’exécutif comme étant une victime innocente. Bien au contraire. Le contenu du communiqué présidentiel
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décembre est inconstitutionnel et les démarches de Pedro Castillo peuvent donc être quali ées d’a einte à l’Etatdedroit.L’article134delaconstitution stipule que le président ne peut dissoudreleCongrèsquesicelui-cia
et facile à neutraliser) et où l’objectif principal du pouvoir judiciaire n’était pas d’être un troisième pouvoir indépendantetimpartial.
établien’apasdeconstitution”.Ilyaun besoindechangement.
censuré ou refusé la con ance à deuxConseilsdesministres.Celanes’estpas produit sous le gouvernement de Castillo. Le Congrès a refusé au Premier ministre Anibal Torrez de présenter une question de con ance et Pedro Castillo a interprété cela comme un refus de con ance etdonc comme une chute du gouvernement. Même si la légalitédel’interprétationduprésident faisaitl’objetd’undébat,ilfaudraitqu’il yaitundeuxièmerefusdecon ancedu Congrès au Conseil des ministres, ce qui ne s’est pas produit. La décision de Castillo de dissoudre l’organe législatif estpar conséquentillégale.En outre,la Constitution ne permet pas au président de convoquer des élections pour laformationd’un Congrès CONSTITUANT,chosequ’ilatentédefaire.
La responsabilité du design institutionnel dans la crise
Le président, malgré l’illégalité de sa procédure, n’a pas tout à fait tort de penserquepourtenterdefavoriserune plus grande cohésion sociale et me re n à la crise sociopolitique du Pérou, il est nécessaire de promouvoir un changementdeconceptioninstitutionnelle. En effet, l’incapacité à gouverner etlamé anceàl’égarddupouvoirjudiciaire pourraient découler en partie de laConstitution péruvienne elle-même, dont la légitimité est remise en question. Elle a été adoptée sous le régime autoritaire d’Alberto Fujimori en1993, où la capacité de résistance des forces politiques opposées était presque nulle (d’où un pouvoir législatif fragile
Depuis la transition démocratique de 2001, divers secteurs politiques, notamment ceux de gauche, se sont battus pour une modi cation partielle ou totale de la constitution de 1993. Les partis de droite refusent de le faire car ils y voient une “menace pour la démocratie”. Ce e crainte est légitime auxyeuxde certains.LePérouaconnu 12constitutionsdepuissafondationen tant qu’État et chacune d’entre elles ne semblait pas répondre à un projet des citoyens, mais aux caprices et aux ambitions d’une classe politique particulière pour légitimer un gouvernement defacto.
Ainsi, la rédaction d’une constitution est associée à un régime autoritaire commeceluideFujimori,etnonàl’instauration de la démocratie et de l’État de droit. Qui peut garantir que l’initiative constituante de Pedro Castillo ne seseraitpassoldéeparuneexpérience
Cependant, comme l’affirment les chercheurs Maxwell A. Cameron et Paolo Sosa-Villagarcia, une Constitution est aussi un “document vivant”. C’est-à-dire qu’il faut non seulement rédiger une constitution adaptée à la réalité actuelle du Pérou, mais aussi la faire respecter. Pour éviter que la Constitution agonise, il faut que les élites politiques des deux camps aient la volonté de respecter ce document. Cela implique une interprétation raisonnabledelaconstitution,etnonune approchebiaiséequiviseàannulerl’adversaire pardes mécanismes tels quela fermeture du Congrès ou la vacance présidentielle. Il est difficile d’envisager une réforme constitutionnelle si les hommes politiques pro tent directement du système institutionnel pour s’emparerdupouvoir.
C’est pourquoi le peuple doit être très ferme dans sa volonté de changement constitutionnel a n d’amener les classes politiques à accéder à sa demande. Mais, selon Cameron et Sosa-Villagracia, les Péruviens sont dans un moment “destituyente” (voir tous démissionner) et non “constituyente” (constituant). Le slogan “Que sevayan todos” (“Qu’ils partent tous”) montre une lassitude politique évidente qui ne s’accompagne pas nécessairement d’un espoir de construction d’un pacte démocratiquepaci cateurparlebiais
similaire à celle de Fujimori ? Cependant, restreindre la possibilité d’exercer lepouvoirconstituantpeutêtreencore plus antidémocratique. D’autant plus que la constitution actuelle ne garantit pas un réel équilibre et une séparation des trois pouvoirs et, comme le dit la DDHC, “Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée et la séparation des pouvoirs n’est pas
d’une nouvelle constitution. Il est évident que ce changement constitutionnel ne serait pas le remède magique et dé nitif à ce e crise socio-politique profonde mais il pourrait être une réponsepouressayerde “redémarrerle système”.•
du 7
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THE NOT SO-HIDDEN SIDE .THAI MASSAGE SALONS IN NORWAY
aimassagesalonsinNorwayhavegainedincreasinglymoreaentionfromtheNorwegianmediaoverthelast months,especiallyaerthereleaseofadocumentarybythe nationalbroadcasterNRKinDecember2022whichunraveledhowthesesalonsareoentimesusedasvenuesforprostitution.edocumentaryhasonceagainignitedthedebate regardingthelegislationaroundprostitutionandhowthe rightsofpeoplewhomaketheirlivingoffofsexcanbestbe protected.
Whiletheexistenceofprostitutionwithinaimassagesalonswasrelativelycommonknowledgebeforethereleaseof thedocumentary,theextenttowhichthesellingofsexual servicestakesplaceinthesalonswasunknown.Byanonymouslycalling29massagesalonsinthecityofBergen,journalistsfoundthat75%ofthesalonswerewillingtoprovide sexualservicesforadditionalpayment.Similarresultswere foundforresearchcarriedoutinotherpartsofNorway,as wellasinSweden.Despitethewidespreadexistenceofsalonswiththisdarkerside,veryfewsalonownershavebeen takentocourtovertheyears.Animportantreasonforthisis thatitisoenhard,ifnotimpossible,toprovethattheownersareawareofwhatgoesonintheirspaces.Ownerstypicallyhirewomentoworkintheirsalons,orrentoutrooms thattravelingmasseusescanuse.Eitherway,thecontracts wrieninthesesituationstypicallystatethatthemasseuses arenotpermiedtosellsexualservicesinthesalons.When thesemasseusesthengetclientswhorequestmorethana simplemassage,thepaymentforthevisitissplitintotwo; thepriceoftheactualmassageispaidatthecheckoutofthe salon,whilethefeeforanysexualservicesispaidincash. Eventhoughpartsofthesecashpaymentsareoengivento thesalonowners,thissystemmakesitdifficulttoprovethat
sexualserviceswereeverboughtandevenhardertoverify whetherthesalonownerswereawareofthesecrimeshappening.
Oneofthebiggestconcernsregardingthisindustryisthatit isoenfoundtosystematicallytakeadvantageofvulnerable women.Manyofthewomenengagedassellersinthesalons cametoNorwayduetomarriage.Asthestateisnotrequired toprovideNorwegianlessonsforthesewomen,theyoen endupnotlearningthelanguageproperly.ismakestheir lifedifficultintheeventofapotentialdivorce.Notknowing thelocallanguage,thesewomenareoenlewithnoreal opportunitiestondajob,andtheironlysupportsystemin thecountryisotheraiwomen,whorecruitthemtothe industry.
erealtragedybehindthisrealityisthatthesewomenare frequentlyunawareoftheirrightsasinhabitantsofNorway. erearestateinstitutionsinplacethatintendtohelppeoplendemploymentandprovidenancialsupportduring thetimeittakestondajob.However,theseservicesbecomerelativelyinaccessibletowomenwithlileknowledge oftheNorwegianlanguageandsociety.isoenputsthem inapositionwheretheironlypotentialsourceofincomeis becomingasexworker,andthecurrentlegislationarguably
OF
HANNA BROWN GUEST COLUMNIST ON BEHALF OF AMESTY INTERNATIONAL SP
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Journalists found that 75% of the salons were willing to provide sexual services for additional payment
increasestherisksinvolvedwiththemdoingso.ItiscurrentlylegalbyNorwegianlawtosellsexualservices,butitis forbiddentobuythem.Itisalsoagainstthelawtofacilitate prostitution,asisoendonebyownersofthemassagesalons.isapproachtoprostitutionisknownastheNordic Modelandhasbeenadoptedbyseveralcountriesoutside ofNorway,includingSweden,Iceland&NorthernIreland. SomepoliticalpartiesinNorwayarepushingtochangethis law,whichwasintroducedin2009.Itisarguedthatforbiddingtheactofbuyingsexualserviceshasnotdecreasedactualprostitution.Instead,itisnowhardertoensurethesafetyandwell-beingofthepeopleprovidingsexualservices. Questioningoffemalesexualservicesellershasshownthat theyarefarlesslikelytoreportcasesofviolenceandabuse bycustomerstothepolicesincetheimplementationofthe law.Buyersofsexualservicesfrequentlyengageinonlineforums,wheretheyshareinformationregardingdifferentsellers.us,byreportingcasesofabuseandtherebyrevealing theidentityoftheirclients,thesellersriskgaininganegative reputationamongstthebuyers.Naturally,thisputsthemina positionofpotentiallylosingfutureincome,explainingwhy thesewomenarereluctanttoreportnegativeencounters.
econsequenceofthis,however,isthatthecurrentlawessentiallyprotectscriminalswhoabusethesewomen’sfears oflosingtheironlysourceofincome,increasingthelikelihoodofthesewomenbeingrapedorotherwiseaackedby theirclients.eseargumentsarealsosupportedbyNGOs suchasAmnestyInternational,whohavevoicedtheopinion thatthelawmustbechangedinordertoprotectpeoplesellingsexualservices.Ontheotherhand,supportersofthelaw pointtoclaimsthatthefearoffacingprosecutionhaspreventedsomepotentialclientsfromacquiringtheseservices.
erefore,itisarguedbysomethatlegalizingthebuyingof sexualserviceswouldfurtherincreaseitsprevalenceand mightcausemorewomentojointhisindustry,bothdueto nancialconstraintsbutalsoasvictimsofhumantrafficking.
Regardlessofwhichsideonetakesinthedebateaboutthe currentlawandtheNordicModelapproachtoprostitution, itisevidentthattherearetoomanywomeninNorwaywho areengagedinthesex-industryduetolackofotherresources tosupportthem.Whileitcanbearguedthatsomepeople workinthisindustryoutoftheirownfreewill,itisclearthat formanyitistheonlysourceofincome.us,itisvitalto ndthesupportneededtopreventpeoplefromworkingin thisindustryforreasonsotherthantheirownwill.Moreover,ashasalsobeenstressedbyAmnestyInternationalin Norway,stepsmustbetakeninordertoensurethesafety andwell-beingofpeoplewhosellsexualservices,inai massagesalonsandelsewhere.•
There are too many women in Norway who are engaged in the sex-industry due to lack of other resources to support them
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Forbidding the act of buying sexualserviceshasnotdecreased actual prostitution. Instead,itisnowharder toensure the safety and well-being of the people providing sexual services
STILLFROM THE DOCUMENTARY “BRENNPUNKT: MASSASJESALONGENE” BYNRK
L’ACTUALITÉ DU PS À L’HEURE DE SON CONGRÈS
« Entre un macronisme de droite et une gauche radicale, beaucoup d’électeurs de gauche se sentent oubliés, minorés ». Ainsi Baptiste Ménard s’adresse à Ismaël El Bot-Cottereau dans son article paru dans Emile, le 23 janvier dernier. Adjoint au maire de Mons-en-Baroeul, Baptiste Ménard s’affiche également comme le supporter de la candidate Hélène Geoffroy au poste de premier secrétaire du Parti Socialiste, dont l’élection a eu lieu tout récemment. En effet, le 80ème congrès du PS s’est tenu du 27 au 29 janvier 2023 à Marseille, l’occasion de revenir sur l’actualité d’une famille politique qui semble tomberendécrépitude.
Lancéen1969 dans la continuité dela Section française del’InternationaleOuvrière,lePSs’inscritdansunetradition de mesures historiques : abolition de la peine de mort le 18 septembre 1981, loi du 17 mai 2013 sur le mariagepourtous…Lepartiàlaroseseretrouvepourtantenpertedevisibilitédepuisplusieursannées–etl’on se souvient du score d’1,7% d’Anne Hidalgo au premier tour de la dernière présidentielle. Ainsi, à cette même élection, se sont 33% des électeurs du PS qui choisissentdevoterpourJean-LucMélenchon,tandisque29% soutiennent désormais Emmanuel Macron. D’où l’enjeu de ce congrès : il s’agit de retrouver, d’une part, la force fédératriceduparti,toutenconvaincantlesélecteursde sa volonté de conquête sociale, telle que défendue par lestroiscandidatsaupostedepremiersecrétairelorsdu débat du 12 janvier sur Franceinfo. L’on a pu, lors de ce débat, observer les divergences d’opinion entre Olivier Faure – premier secrétaire sortant nalement réélu -, HélèneGeoffroy–actuellemairedeVaulx-en-Velin–et Nicolas Mayer-Rossignol – quant à lui maire de Rouen. Divergencesquin’ontfaitqu’obscurcirlacompréhension desadhérentsduprojetportéparlePS,aveccommepremierexemplededésaccord:l’avenirdelaNUPES.
INES HANIFI CHRONIQUEUSE
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Les divergences n’ont fait qu’obscurcir la compréhension des adhérents du projet porté par le PS
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NICHOLAS MAYER-ROSSIGNOL, OLIVIER FAUREET HÉLÈNE GEOFFROYAU 80e CONGRÈS DU PARTI
En effet, face à un Olivier Faure pro-NUPES pour qui ellereprésenteun«récitenconstruction»,sedresseune Hélène Geoffroy fermement opposée à l’alliance : selon elle les socialistes ne peuvent s’associer à « la gauche de protestation »pourgouverner.En n,lemairedeRouen tempère quant à lui le propos en argumentant l’idée selon laquelle la NUPES constitue un « cadre solide » à l’Assemblée, bien que non éternel : avant de rassembler la gauche, il faut rassembler les socialistes. Un discours qui s’illustre parfaitement au sein même du débat, lorsquel’onvoitàplusieursrepriseslescandidats,supposés alignés, se crier dessus à coups de « Je ne peux pas te laisser direça».
Toutefois, sur le long terme, aucun des trois n’envisage une liste commune avec LFI pour les européennes, notamment en raison de leur désaccord concernant l’OTAN. En parallèle, les candidats semblent également atteindre un consensus au niveau du projet de loi immigration:tandisqueNicolasMayer-Rossignolpropose unerégularisationdessans-papiersnésenFranceet des travailleurs « qui donnent toute satisfaction » - tout en faisant preuve de pragmatisme « en fonction des situations » -, la maire de Vaulx-en-Velin plaide pour une régularisation des travailleurs « non expulsables ». Néanmoins, ces assentiments ne sont pas le re et global de l’actuel PS : celui-ci peine encore à convaincre, avec pour conséquence majeure la déception d’une partie non-négligeabledesonélectorat.
Uneraisonprépondéranteàcela:laquestiondutravail, qui déçoit de plus en plus les classes moyennes et surtoutpopulaires.Eneffet,làoùladroiteatoujourspensé le travail comme valeur, il revient plus que jamais à la gauche de donner de la valeur au travail : par ce parallélisme, Nicolas Mayer-Rossignol entend notamment l’augmentation du smic, mais rappelle également que la France bat tous les records en matière d’accident du travail, tandis que les inégalités homme-femme sont loin d’être supprimées. Face à ces écueils, il fait en outre mention de l’actuel premierministre espagnol et des diverses mesures adoptées par son gouvernement : TVAà 0%pourlesproduitsdepremièrenécessité,salaireminimum augmenté de 60%, taxation des superpro ts. Des décisions qui, selon lui, doivent être inspirantes. Il rappelle en outre que la conquête sociale promue par le PS n’estpas «une question de rêve» : ici l’on se souvient de Jean Jaurès qui précautionne de « partir du réel » pour aller… « à l’idéal ». Dans le même esprit, Hélène Geoffroy affirme qu’un parti « peut apporter de l’utopie ». A voirsicettedimension idéalistesevoudrasuffisamment efficace en 2027. Pour l’heure, la perspective de l’après Macrondemeurevague.Ils’agirapourlePSdetravailler en profondeur ses propositions ; les dernières en date n’ayant fait que peu de bruit, à l’instar du crime d’écocide,etl’onpeutsonger,encette nd’article,ànotrecher coursdecultureécologique.
SOCIALISTE
PHOTOPAR: PARTI SOCIALISTE
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Pour l’heure, la perspective de l’après Macron demeure vague.
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SALMANRUSHDIE ANDTHE SATANICVERSES
ARTANDTHESHADOWOFFEAR
is past Valentine’s Day marked thirty-four years since Salman Rushdie received his death sentence. e author, however, has outlived those who sentencedhim.
e Indian-born author published “ e Satanic Verses” in September 1988. e book is a reminder of ction’s ability to interlace challenging topics and say more about difficult themes than the words on the page. With astounding verbosity, Rushdie createsadreamlikeaccountofpost-colonial rootlessness, metamorphoses, andlove.A eritspublication,thebook was banned in a few countries for containingwhatsomeMuslimsconsidered blasphemous references. A minority’s anger at the book’s publication saw protests emerge against Rushdie and the book, and public book burnings organized. Five months a er its publication, on the 14th of February 1989, the Supreme Leader of Iran Ayatollah Khomeini issued a fatwa condemning
Rushdie alongwithanyoneinvolved initspublication todeath.“Icallon all valiant Muslims wherever they may beintheworldtokillthemwithoutdelay, so that no one will dare insult the sacred beliefs of Muslims henceforth.”
Protests and riots against the book led to dozens of dead and hundreds of woundedinPakistanandIndia.
In 1991, E ore Capriolo, “ e Satanic Verses” Italian translator, was stabbed inhisMilanapartment.Onlydaysa er thea ackonCapriolo,HitoshiIgarashi, the Japanese translator, was stabbed to deathattheuniversitywherehetaught Islamic Culture outside of Tokyo. In 1993, William Nygaard, the book’s Norwegian publisher, was shot near hishomeinOslo. OnAugust12,2022, Salman Rushdie was stabbed multiple times in New York at a public venue just before a lecture he was about to give. Rushdie survived, but the a ack le permanentinjuries.
MonthsbeforeIran’stoptheocratpublicly offered a large sum of money to sanction the murder of a non-Iranian national, the Ayatollah had broken his promise to never make a deal with Saddam Hussein. In signing the treaty that ended Iran and Iraq’s protracted con ict, the Ayatollah suddenly found himself in urgent need of popularity. Sentencing foreign authors to death and guaranteeing immediate passage to paradise for all the “brave Muslims” who may lose their lives in their murderous task was deemed an appropriate manner of reaffirming the regime’s spiritualpurity.
is holy declaration of hatred was sent out for the faithful to hear. Some people,contenttobeaccessoriestoauthoritarian terror, acted upon the condemned professionals or rebombed bookstores. Some organized book burnings. Book distributors in many countries removed the book from sale inaffiliatedstores.Westernmedia
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PHIL COMELY GUEST COLUMNIST
outlets self-censored their coverage of the controversy. Some journalists and fellow writers, cowed into silence, failed to denounce this vile a empt to exertdominationoverartisticfreedom.
lah Ali Khamenei, when asked if his predecessor’s fatwa was still in effect in 2017, said: “ e decree is as Imam Khomeini issued.” Fivedays before the a ackonRushdieinNewYorkin
Salman Rushdie’s prose is explosive and profound. His characters face maddening dreams and metamorphoses in mind and body. e narrative is balanced through perplexing descriptions and vocabulary old, foreign, and unusual immersing the reader in a deep empathy for people and theirmad, beautiful lives. “ e SatanicVerses” is complicated. So is any pursuit of knowledge, any pursuit of art. Do not trust someone who gives an easy solutiontoacomplexproblem.
However, staunch defenses of Rushdie’s right to free expression resounded across political lines, not least from Arab and Muslim writers. “For Rushdie: Essays by Arab and Muslim Writers in Defense of Free Speech’’ was published in 1994, with contributors including almost every writer of note in the Arab and Muslim world. From Iran itself, 127 Iranian writers, artists, and intellectuals signed a le er that included the lines: “We underline the intolerable character of the decree of death that the Fatwah is, and we insist onthefactthataestheticcriteriaarethe only proper ones for judging works of art… To the extent that the systematic denialoftherightsofmaninIranistolerated, this can only further encourage theexportoutsidetheIslamicRepublic ofitsterroristicmethodswhichdestroy freedom.”
In the following decades, the fatwa was subject to much political debate in Tehran. e Ayatollah died a few months a er the fatwa in question in June1989.Latergovernments,notably that of President Mohammad Khatami (1997-2005), stated that the “Salman Rushdie issue” was “ nished” and disassociated itself from the rewards that had been offered for the executions. However, since 2020, hardliners have retaken control of all three branches of government. e current Supreme Leader, Khomeini’s successor, Ayatol-
August, a state-controlled website in Tehran republished the fatwa. Iran Online praised the fatwa as “great and unforge able,”saying: “Now a er 33 years, Salman Rushdie is le with the nightmareofdeaththatwillneverleave him.Hehasnowbecomealessonforall those who harbor illusions of insulting Islamunderthepretextoffreedom.”
Free expression, wri en or spoken, allows for the exercise of art. Art allows for our exploration of the in nite and unknown. We question the assumed and explore the possible. When powerful and new, it is unnerving, and it allows us to understand that which we didnot.
I was hesitant to include any detail of “ e Satanic Verses”’s content. I did not wish to defend Rushdie’s right to create art on the basis of the content. All must have the right to express their thoughts, regardless of how mistaken, foul, beautiful or uncertain they may be. “It becomes impossible to think,” said Rushdie in a 2006 interview, “it becomes impossible to have any kind of interchange of thought in a society ifyouaretoldthereareideaswhichare off limits.” e fatwa is foul and repellent.Itwouldstill befoul and repellent if the content of “ e Satanic Verses” was genuinely repulsive. Not that the men who seek its author’s death ever readit.Ithappens,however,thatRushdie’s tome, in all its misbehavior, is full of empathy and love for the human race.Itisashamethatwerarely
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gettotalkaboutSalmanRushdie.Decades later, his incredible work is still overshadowed by the last of a dying terrorist’s murderous impulses. e greatest power of the fatwa and, more broadly, of religious hatred for ideas, is still this shadow it throws over free thought. e defense of the right to free expression remains important. It willnever notbe. ereis asimmering desire to silence the uncomfortable. In Gibreel’s dreams, the Prophet Mahound forgives all except for the poets andwhores.
His acting career in India was a parade of divine interpretations. Playing the part of many Hindu gods and mythical gures, he rose to prominence and fame. In the book’s beginning, Gibreel falls to the earth below the explosion of the plane he was travelling in. Gibreel and Saladin, the co-protagonist and fellow crash survivor, experience an intense metamorphosis. Eventually, Gibreel dreams of Qur’anic tales and other ctions, some of which he experiences as the angel Gibreel/Jibreel/ Gabriel.
cabulary, eclectic, deep, and drenched in Indian-Arab artifacts. Its narratives are mournful. ere is tragedy, pain, and confusion at many points. e book is relentlessly empathetic. Evil is questioned and understood. At times, itisforgiven,anditisalwaysmourned. Love, and its emergence, is questioned and understood, naked and strange. elossofit,ortheimperfectnatureof it,isalsomourned.Itismasterfulwork. Layered and thoughtful. Complicated, butaccessibleso.
e perverse extension of terror, in masochistic indulgence, is the loudest expression of the desire to silence.
erearesmaller,lessexplosivecallsto silence that serve the terror of others.
ereareveryrealforcesthatdesirethe endofknowledge,theendofhistory.
It would be impossible for me to condense “ e Satanic Verses” in such few words. In this article, I will leave you withthissummary:
In “ e Satanic Verses,” Gibreel (actor, plane crash survivor, angel, schizophrenic)dreamsoflegendsandstories.
It is in these dreams where I suspect one might nd the blaspheming they are so keen to nd. e book can be a difficult read. It takes a er magical realism. e mixing of surreal, subconscious-dwelling imagery with multiple narratives, those being dreams, ashbacks, or other point-of-view characters, slide the reader into a confusion much like that of the two protagonists.
e book never felt overwhelming, however. Rushdie manages to weave a completely coherent tale while using a literary style meant to be disconcerting. I marvel at the author’s use of vo-
Shame that some would burn these pages. We can all learn from people’s reactions to art. Art does not end with the author, it is meant to be received and interpreted. Art belongs to the worldonceithasbeenexpressed.Concern and offense are valid reactions to that which unnerves. Hatred and violencearenot. •
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MAHÉ BINCAZ CHRONIQUEUSE
Sciences Po Paris, université française de rang mondial se place parmi les meilleures en sciences humaines et sociales. Très sélective, ce e école al’ambition de former « l’élite de la nation »,etplusexplicitement,selonleursite, Émile Boutmy, le fondateur, « a voulu créer de toutes pièces la formation qui manquait aux élites de l’époque. ». Mais où va ce e élite après avoir obtenusondiplôme?
tionale avant les années 1920 : dans le temps,l’école était donc vue comme une « fabrique à élite », une usine à former les dirigeants français de demain. Sciences Po propose même une préparation aux concours administratifs français et est notamment réputée pour posséder une excellente classe préparatoire au concours de l’ENA. Ainsi, si l’objectif de Sciences Po est clair,c’estunretourdebâtonpource e écolequi àsontour, voitses élèves fuir laFrance.
Lorsque l’on cherche Sciences Po sur Google,l’ontrouvedespropostelsque « les anciens élèves occupent les plus hautspostesdanslafonctionpublique, les médias ou d’autres institutions et grandes entreprises françaises ». Mais ces propos sont-ils toujours d’actualité?
Si Sciences Po se félicite d’accueillir 50% d’étudiants internationaux, ayant ainsi qui é leur propre pays a n de venir étudier enFrance, l’école voit ensuite la fuite de ses propres cerveaux quiretournentexercerdeshautesfonctions ou faire de l’humanitaire dans leur pays d’origine. Fondée en 1872, l’école n’était pas ouverte à l’interna-
Cet article est une enquête menée sur 62 élèves de Sciences Po Paris, tous campus confondus. Voici quelques informations à propos des étudiants qui ontréponduàl’enquête.
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Pour43.5%d’étrangers,presque30%d’entre eux ne se sentent pas bien intégrés en France. Ce e première donnée peut expliquer le désintérêt des étudiants à poursuivre leur vie dans ce pays et l’on peut aussi se questionner sur la capacité de Sciences Po à protéger ses étudiants contrele racismeetlaxénophobieauxquelsils peuvent être confrontés en France. Avoir 50% d’étudiants internationaux est une chose, leur perme re de s’intégrer en est uneautre.
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Ici, l’on est a entif à l’intérêt (ou au désintérêt)quelesétudiantsdeSciences Po portent à la politique française. On remarque ainsi que malgré le fait de vivre en France et d’étudier dans l’Institut de Sciences Politique le plus renommée du pays, Sciences Po semble faillir à sa tâche. Comment former les dirigeants de la France de demain s’ils ne connaissent pas les dirigeants de la France d’aujourd’hui ? Il s’agit ici soit d’un changement de stratégie de l’université dans son objectif de rayonnement international et ainsi de cours plusvariés,soit d’uneécolequineconnaît plus ses élèves, dont les pro ls ont changé depuis un siècle, et d’un échec dans son enseignement de la politique française.
En n, la question qui fâche : moins de la moitié des étudiants compte poursuivre une carrière en France plus tard et 60% comptent retourner faire leur carrière dans leur pays d’origine. SciencesPoneparvientpasàgarderses étudiantsetcréédonc,toutàson honneur,lesélitesdesautrespays.
Pour nir, bien sûr, quasiment 80% des étudiants ne se considèrent pas comme«l’élitedela nation»,expressionquiamèneaujourd’huilesélèves à rire, mais dont l’école semble toujours très ère. Ce e donnée est cohérente avec celles vues plus tôt, une majorité d’étudiants ne ressentant aucune appartenance spéciale à la France, ni de désird’exercer danscepays.
On peut alors se demander, si l’usine à élite française n’est plus aussi efficace que dans le temps, qui sont les dirigeantsdelaFrancededemain?
Perme ez-moi de nir cet article avec unecitationissuedecompteInstagram @overheardscpo.
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LA COLÈRE
Sivousn’êtespasFrançais,vousavezprobablementétésurpris, agréablementjel’espère,parl’ampleurdurassemblementdu jeudi 19 janvier, suite à l’appel de l’intersyndicale des huit principaux syndicats en France. Ce plan de réforme des retraites, Emmanuel Macron entend le faire passer depuis sa première campagne présidentielle, en 2017. A la seule différence qu’à l’époque, il prome ait de ne pas toucher à l’âgededépart.“Nousn’ytoucheronspas,”écrivait-ilnoirsur blancdanssonprogramme.Ilsouhaiteaujourd’huirepousser la retraite à 65 ans, en retardant de 4 mois supplémentaires par an jusqu’en 2031. C’est la dégradation du système nancier des retraites qui aurait poussé le gouvernement à virer de bord en 2019, avant qu’il ne propose en mars 2020 son projet de loi consistant à repousser l’âge de la retraite, à supprimer les régimes spéciaux qui perme ent de partir plus tôt, et à assurer à chacun un minimum de 1100 euros deretraite,c’est-àdireenvironleseuildepauvretéenFrance. Cependant, face aux mobilisations massives qui avaient ni par bloquer une partie du pays, le gouvernement avait été contraint de repousser la réforme, jusqu’à ce que le coronavirus ne paralyse le pays pour de bon. La réforme a donc été mise en suspens face à l’urgence sanitaire, puis par lacampagne présidentielle de 2022, durant laquelle il aurait été de bien mauvais goût de s’obstiner à faire passer une réformeimpopulaire.
Ala ndel’année2022,legouvernementBornereprendson projetdeloisurlesretraitesaprèsavoirfaitpasserl’intégralité de sa loi budget 2023 à l’aide d’une série de dix 49.3, annihilant le débat parlementaire jugé contre-productif, paralysant et nuisible. L’enjeu était d’empêcher les députés devoterlaloienl’amendant,enlamodi ant,etdelafaire passer immédiatement telle quelle selon les souhaits du gouvernement.Laloiendébatestuneloiditedemodi cation duprojetdesécuritésociale,etrentreparconséquentdansle champdel’article44-1,quipermetàtermeaugouvernement de faire passer sa loi par ordonnances si après quelques dizaines de jours, les parlementaires ne votent pas le projet deloi.
le gouvernement avait
contraint
CAMILLE LEBÈGUE CHRONIQUEUSE
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été
de repousser la réforme, jusqu’à ce que le coronavirus ne paralyse le pays pour de bon
Les arguments du gouvernement en faveur de ce e réforme reposent sur le fait qu’on vive plus longtemps, et que parce que l’espérance de vie augmente, alors nous reversons plus longtemps des retraites. Les caisses seraient alors déséquilibrées entre le nombre d’années de cotisation et le montant des pensions. A cela, les syndicats répondent que l’espérance de vie en bonne santé n’a pas augmenté, stagnant à environ 66 ans et que donc les travailleurs ne peuventpasjouirdeleurretraitepleinements’ilssontalités, malades,affaiblis,et que le butde leurexistence n’est pasde travailler jusqu’à la mort, où jusqu’à l’incapacité. Ils clament qu’un autre chapitre de la vie s’ouvre après la carrière professionnelle,etqu’ilseraitinjustedelesforceràtravailler jusqu’à la maladie. De plus, environ un tiers des travailleurs lespluspauvressontdéjàmortsàl’âgede65ans,carilssont exposésàdesrisquessanitairesouphysiquesbienplusélevés que la moyenne. Il semble en effet censé de ne pas laisser partir un cadre supérieur au même âge qu’un ouvrier du bâtiment:quirêve desefaire réparersontoitparquelqu’un quipourraitêtrenotregrand-père?Quipeuttolérerqu’une femme de 66 ans ne oie dessalles de classede 6h du matin à22h?
Lessyndicatsontdoncappeléunanimementàlagrèvele19 janvier 2023, faisant dé ler policiers, in rmières, pompiers, professeurs, étudiants, retraités, cheminots dans les rues du pays. Alors en visite en Espagne, Emmanuel Macron a réponduresterfermesursespositions.
Voilàpourlesfaits.Maintenant,immergeons-nousdansle cortègeniçoisdu19janvier,pourécouterlacolèredelarue. Lorsque10hsonne,laplaceMassénaestdéjànoiredemonde, d’autant plus que les estrades installées pour le carnaval de Nice qui doit avoir lieuprochainement réduisent largement l’espacedisponible.Entête,laCGT,ConfédérationGénérale des Travailleurs, créée en 1905, autrefois proche du Parti Communiste français et aujourd’hui deuxième syndicat de France,ouvrelamarche.Lesspeakerstententdecommencer àfairechanterlesmanifestants,maisl’heuresembleêtreaux retrouvailles des collègues, amis et vieilles connaissances qu’on est agréablement surpris de croiser dans le cortège. Les manifestants qui dé lent sous les drapeaux de la CGT sontdetouslesâges,maisoncroiseicipeud’étudiants. Des jeunes enfants, des grands-parents, des parents. Trois générations. “Maman ! A ends-moi, t’as besoin d’aide”, s’exclame une quarantenaire qui tient un enfant par la main. “J’en ai fais plus que toi, des manifestations !”, lui répond la grand-mère, qui a épinglé pour l’occasion des pin’s de la CGTsursonmanteau.
TraverserlaplaceMassénaencejeudiensoleillérelèvede lavéritableépopée;lecortègenes’estpasencoreélancé,les syndicatssontenrangsserrés.Degrandssouriresbarrentles visages des badauds qui se sont rassemblés, et qui semblent soulagésdetrouverune masseencolèrecontreuneréforme qu’ils jugent injustes. Les syndicats de police sont aussi
présents dans le cortège, eux concernés par un report de 57 à 59 ans de l’âge de départ. Derrière eux, les pompiers ont barré leurs uniformes d’énormes inscriptions. GRÈVE. Ils sont plusieurs dizaines, semblent joyeux, et se mélangent volontiers aux syndiqués de Solidaires, rassemblés autour d’un énorme ballon rose portant l’inscription du syndicat. La musique résonne, emplit les cœurs, mais elle peine à faire danser plus d’une dizaine de personnes. Sur le camion du syndicat, une femme danse une valse avec un pompier exalté,toutentenantunverredebière.Unefemmelance“ça fait plaisir de voir des jeunes ! On se bat autant pour vous quepournous!”.
Juchéesurunpoteau,jeparviensàavoirunevued’ensemble de la n du cortège. La NUPES, Nouvelle Union Populaire Écologique et Sociale s’organise, étend sa banderole, distribue ses tracts, tandis que les quelques militants du Nouveau Parti Anticapitaliste font de même. Les élus communistes ont eux aussi leurs banderoles, et annoncent le soir-même une réunion de quartier pour discuter de la réforme. Traditionnellement, les partis politiques ferment les cortèges des manifestations organisées par les syndicats. IlyamêmedesreprésentantsducomitéantifascistedeNice, qui tiennent à faire savoir leur présence en sillonnant la n du cortège avec leur unique drapeau noir. Ils s’adressent à notre petit groupe, semblent heureux de voir des jeunes. “Vous venez de Menton ! C’estbeau. Ah, je connais bien làbas. Beaucoup d’extrême-droite. Et puis,c’est la ma a là-bas
La manifestation se nit dans le calme, les manifestants se dispersent. Le groupe de rock du syndicat des enseignants continue de faire chanter et danser les manifestants et les badauds.Finalement,lerassemblementsembleavoirinsufflé un peu d’espoir aux citoyens mécontents. Ils se ba ent. Ils continueront à le faire. Pour nous. Pour vous. Et pour les autres.
!”
41 ÉDITION N˚3 | FEBRUARY 2023
Ils clament qu’un autre chapitre de la vie s’ouvre après la carrière professionelle, et qu’il serait injuste de les forcer à travailler jusqu’à la maladie
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“Je ne veux pas enrichir les milliardaires qui niquent la vie sur Terre !”, brandit un retraité. Le dessin de presse qu’il a imprimé représente le monde de 2030 après certaines réformes récentes, en écho au “plan 2030” annoncé par le président. Les violences conjugales, le manque de médecins, l’âge de départ à la retraite, ainsi que le cabinet de conseil McKinsey, qui conseille et facture le gouvernement, sont dénoncés.
Le camion du syndicat interprofessionnel Solidaires..
Au premier plan, un sapeur- pompier en uniforme qui a inscrit “GREVE” sur son dos. Ils sont nombreux à se mobiliser contre la réforme, eux aussi touchés par une modification de leur régime spécial de départ à la retraite. A gauche, un drapeau de l’union syndicale Solidaires dissimule la première lettre du mot, ne laissant apparaître que “RÊVE”.
43 ÉDITION N˚3 | FEBRUARY 2023
Après une heure et demie passée à rosir sous le soleil hivernal de la Côte d’Azur,. la queue de cortège s’élance enfin..
On semble mettre un point d’honneur à ne pas mélanger les di érents cortèges, même si l’heure est à la fraternité. Le camion de Solidaires est annoncé par deux hommes qui tiennent à bout de bras des fumigènes, tandis qu’une dizaine de personnes continuent de danser en avançant.
Un étudiant de Sciences Po brandissant une pancarte..
Il avance parmi les fumigènes des syndicats, pour sa première manifestation. Les étudiants sont mobilisés contre cette réforme, car, “à ce rythme là, [on aura] plus de retraites du tout ! Tous les cinq ans, ils repoussent l’âge de deux, trois ans. Je ne veux pas avoir à choisir entre mes études et ma retraite.”
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Le cours Masséna le 19 janvier à Nice.
Au fond à droite, le ballon du syndicat Solidaires, en queue de cortège, juste devant les partis politiques qui défilent traditionnellement en dernier. A gauche, le syndicat majoritaire de l’éducation nationale, le SNES-FSU, avait apporté pour l’occasion un mannequin géant représentant Emmanuel Macron, et le lançait en l’air à l’aide d’un drap blanc.
Le «bloc syndical» de la police nationale, . composé d’Alliance-Police nationale (CFE-CGC) et de la branche police de l’Unsa défilaient entre la CFDT et les pompiers dans le cortège de Nice, le jeudi 19 janvier. Les policiers n’ont pas le droit de grève, mais ils sont aussi concernés par la réforme. Les policiers hors-service ainsi que ceux pouvant poser des heures de congés étaient appelés à se mobiliser. Bénéficiant d’un statut spécial concernant le départ à la retraite, la police nationale voit cet avantage lié aux risques du métier menacé par la réforme.
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Une pancarte brandie le 19 janvier à Nice. .
Elle représente Emmanuel Macron et Élisabeth Borne en couple tyrannique dépeint par Victor Hugo dans Les Misérables. Dans le roman, ils maltraitent la jeune fille dont ils ont la charge et l’exploitent. Sur la pancarte : “Je sors la matraque”, “Je leur pète la retraite”, “Je leur coupe le courant”, “Je sors le 49.3”, disent les deux personnages, comme s’ils rivalisaient d’ingéniosité pour maltraiter le peuple, transformé en Causette. Les sou rances d’une partie de la population sont citées sur cette a che comme une “punition collective”, comme si un enfant avait désobéi à ses parents.•
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47 ÉDITION N˚3 | FEBRUARY 2023
MAHMOUD ANNAN GUEST COLUMNIST
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