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QUi Les accOMPaGNeNT DaNs LeUR FORMaTiON

Le concours MAF couvre aujourd’hui plus d’une centaine de spécialités et métiers. Nous n’avons pu, au cours de notre enquête, couvrir l’ensemble d’entre eux. À défaut d’une représentation exhaustive, nous avons opté pour la rencontre de quelques grandes familles de métier : soin à la personne (esthétique ou coiffure, par exemple) ; hôtellerie restauration et alimentation (arts de la table, cuisine froide, employés barman, boulanger…) ; métiers du bois (marqueterie, sculpture ornemaniste, charpente, menuiserie) ; du bâtiment (couverture zinguerie, carrelage, soudure, électricité) ; de l’automobile (maintenance de véhicules, peinture ou restauration en carrosserie) ; du verre (souffleur, tailleur) ; du cuir (maroquinerie) ; de la bijouterie, horlogerie ; de la prothésie dentaire ; de la fleuristerie… La diversité de ces domaines nous permet d’illustrer différentes formes d’excellence et savoirs professionnels. Elle permet dans le même temps de cerner les points communs qu’ils peuvent entretenir dans la construction de cette excellence au travail.

Afin de recueillir les matériaux nécessaires à notre enquête, nous avons privilégié diverses sources d’informations et mode d’accès aux personnes, et en premier lieu la rencontre d’apprenti·es lors d’entretiens (plus de quarante). Ces rencontres se sont déroulées dans les lycées, lors des concours ou encore sur les lieux de formation et nous ont permis d’entrevoir divers contextes d’apprentissage. Les apprenti·es nous ont livré leurs points de vue sur la formation suivie et leur orientation, l’engagement dans le concours et sa préparation, les qualités considérées comme importantes pour sa réussite, la place de l’entourage (famille, proches) dans l’accompagnement aux épreuves, l’engagement et l’insertion dans le métier pour les MAF les plus anciens.

D’autres entretiens se sont déroulés en dehors des lieux de formation lorsque les personnes avaient obtenu le concours au cours des années antérieures. Ces derniers nous ont alors permis d’entrevoir le devenir de ces Meilleurs Apprentis de France, qui ont investi le marché du travail ou qui parfois ont fait le choix de poursuivre leurs études.

Des entretiens ont par ailleurs été menés auprès d’enseignant·es, maître·sses d’apprentissage et Meilleurs Ouvriers de France (MOF, vingt entretiens). Ils ont éclairé les modes de préparation aux épreuves du concours et de transmission du métier, les formes d’engagement de ces accompagnant·es dans le concours et auprès des jeunes, les attendus en matière d’excellence au travail plébiscités lors des épreuves.

Des journées d’observations ont été réalisées lors des concours régionaux et nationaux. Les moments de concours permettent d’accéder aux œuvres et pres- tations réalisées et d’en cerner toutes les exigences, donnent à voir les qualités et compétences attendues des candidat·es et la manière dont s’organisent les jurys. Les échanges avec certains membres de ces jurys nous ont permis de comprendre plus finement les jugements formulés à l’adresse des candidat·es et in fine les critères de l’excellence professionnelle. L’observation des épreuves montre un ensemble d’attitudes, de postures, de présentations de soi et permet là aussi de capter les normes professionnelles qui sont au cœur des métiers.

La réalisation d’un bref questionnaire à l’adresse d’ancien·nes lauréat·es médaillés Or a permis d’éclairer les parcours professionnels des jeunes MAF et leur insertion dans l’emploi11 à l’issue du concours. Il a également constitué un mode d’accès fructueux aux personnes afin d’approfondir le rapport au travail des jeunes.

caPTeR L’eXceLLeNce aU TRavaiL ReGaRDs PHOTOGRaPHiQUe eT sOciOLOGiQUe

Cet ouvrage est aussi l’histoire d’une collaboration étroite entre sociologie et photographie, disciplines qui offrent des lectures complémentaires des scènes de travail et de l’excellence dans l’activité.

Du côté de la sociologie, les journées de concours sont des moments où les compétences professionnelles se donnent particulièrement à voir, tant elles sont performées dans les signes d’appartenance au métier, dans la présentation de soi, dans la réalisation des gestes professionnels accomplis dans les règles de l’art. Les traits de « l’excellence » se lisent dans les prestations réalisées et dans la précision des gestes, mais aussi dans la présentation des corps et les tenues des candidat·es.

Le concours MAF bénéficie d’une relative notoriété. Les métiers se donnent à voir au travers des jeunes y participant et des jurys composés en grande partie par les Meilleurs Ouvriers de France portant col bleu blanc rouge ou médaille emblématique du titre. L’entrée d’un photographe dans les concours, auprès de jeunes concentrés sur les épreuves professionnelles auxquelles ils doivent répondre, n’a rien d’incongru. Le moment est solennel, les jeunes et les adultes prennent parfois la pose, ils y sont habitués et en particulier les MOF, figures de l’élite ouvrière. Lors des concours, la photographie met en lumière le travail réalisé, permet une perception des situations de travail et l’accès à un ensemble de détails que l’œil nu ne parvient pas toujours à décrypter. La photographie saisit un moment par un cadrage, une composition, une esthétique, des objets, des attitudes corporelles. Les clichés produits nous permettent de saisir des émotions, une atmosphère particulière. Ces émotions se lisent dans des gestes, des attitudes, des échanges de regards parfois. Sur les clichés se décèlent de la tension, de la concentration, du stress, des moments d’anxiété ou d’hébétude dans l’attente de résultats, des moments de joie aussi. En regardant ces images, on peut voir et ressentir ces émotions, ou se placer dans une situation de compréhension ou d’identification avec certains personnages. On ressent12

11 900 lauréat·es médaillé·es Or entre 2011 et 2014 ont été contacté·es, 200 ont répondu à notre questionnaire administré en ligne, soit un taux de réponse de 34 %, taux relativement conséquent pour ce mode d’administration.

Nous avons choisi de ne pas accompagner les clichés de légendes ou de commentaires, laissant ainsi liberté aux lecteurs d’en faire leur propre lecture et d’associer ou non ces images aux textes écrits. Images et textes peuvent ainsi se lire de manière indépendante ou concomitante, peuvent éclairer mutuellement une situation, offrant deux regards juxtaposés, apports réciproques de données contextuelles dont le lecteur peut s’emparer.

La photographie devient en quelque sorte outil d’enquête dont chacun pourra ou non se saisir. La compétence de l’œil est énorme13, compétence particulièrement utile lorsque les seuls mots sont insuffisants. Texte et regard photographique ainsi juxtaposés invitent à une lecture plurielle du monde qui nous entoure.

12 Bonnet E., Desaleux D., Drouet J., 2022, « Croisement de regards entre sociologie et photographie autour du travail », dans revue ¿ Interrogations ?, n° 34. Suivre l’image et ses multiples états dans les collaborations arts/sciences [en ligne].

13 Goffman E., 1977, « La ritualisation de la féminité », Actes de la recherche en sciences sociales, vol. 14, p. 34-50.

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