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La vOie PROFessiONNeLLe De sOi »
POUR Des JeUNes aU PaRcOURs scOLaiRe cHaOTiQUe
Pour les plus fragiles scolairement, la voie professionnelle se présente comme la suite « logique » d’un parcours scolaire semé d’embûches. Désignés comme « mauvais » élèves à l’école, se décrivant comme peu enclins aux matières théoriques, les parcours tels qu’ils se dessinent assez précocement sont jalonnés d’échecs ou de difficultés scolaires, objectivés par de faibles résultats, des réticences à l’égard de l’école et du travail scolaire, des situations de décrochage. Dans ce cas, ce n’est pas forcément l’évidence d’un projet professionnel qui se dessine, mais la certitude d’une impossibilité à s’orienter vers la voie générale.
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« Je me suis orientée quand j’avais 14 ans parce qu’en fait j’ai eu un parcours un p'tit peu compliqué, j’étais en famille d’accueil, après je suis revenue avec ma maman, et puis elle a eu des problèmes (…) et puis j’aimais pas du tout l’école, donc je n’allais jamais à l’école. Pratiquement je loupais tout le temps l’école, tout le temps, tout le temps, à un point où à un moment ils ont dit : “C’est bon, si tu veux pas venir à l’école, nous on va prendre des dispositions pour que tu sois plus avec ta mère et puis qu’on t’oblige à aller à l’école.” Du coup, ma mère a parlé avec son patron qui était chef cuisinier, qui lui a expliqué qu’il y avait un dispositif justement qui était la DIMA35, que je pouvais tout de suite arrêter l’école et aller dans ce dispositif, et donc je touchais pas d’argent, mais je faisais des extras à côté pour gagner de l’argent justement avec ma maman. »
CARINE | MAF ARTS DE LA TABLE
Pour autant, ces orientations de prime abord négatives, prennent une tournure relativement inattendue lorsque la découverte d’un métier, la confrontation à un univers professionnel, à des professionnel·les, les encouragements, la valorisation d’un·e enseignant·e, d’un·e maître·sse de stage, reconfigurent le parcours initial. Certains « événements » deviennent alors des moments clés de la révélation de soi, de ses goûts, de ses aptitudes. « Avoir trouvé son truc », se sentir enfin « doué pour quelque chose », « y arriver », « prendre ou gagner la confiance » sont autant d’expressions mobilisées par ces jeunes pour exprimer leur conversion professionnelle et personnelle.
« C’était une enfant qui avait de grosses difficultés scolaires. Il n’y a rien eu d’inné chez elle, tout ce qu’elle a c’est à force de travail. Il y a 2 ans, personne ne misait sur elle. Au niveau scolaire, c’était des 4-5 de moyenne. C’était compliqué, elle lâchait complètement. Après c’était une enfant qui était très discrète, qui n’avait jamais de souci de comportement, mais scolairement ça ne suivait pas. (…) Au final elle s’est révélée dans son métier, quand on lui a fait confiance, quand on lui a montré qu’elle était capable, elle a avancé. »
NATHALIE | MAÎTRESSE D’APPRENTISSAGE
Esth Tique
Les disciplines théoriques ou académiques, au cours d’un parcours scolaire trop abstrait, finissent par trouver leur justification dans l’exercice d’un métier. Le fait de « commencer par faire avant d’apprendre » permet par exemple de découvrir la géographie grâce aux vins ou aux fromages, de se rendre compte que « le fait d’être bon en maths ça ouvre énormément de choses » pour le travail du bois. La découverte d’un métier, la révélation de ses aptitudes et de ses envies sont ainsi susceptibles de générer un engagement fort dans la formation.
« J’ai pas beaucoup été à l’école, un p'tit peu, mais pas énormément, parce que j’aimais pas les matières générales. Du coup la géographie, j’ai pas trop appris, les maths j’avais du mal. J’ai appris la géographie grâce aux vins, grâce aux fromages, parce que dans le concours on devait reconnaître les fromages, la région, l’appellation. C’était difficile pour moi alors qu’il y a des choses qui paraissent évidentes pour les autres. Pour le vin, par exemple, quand on voit Blaye on sait que c’est à Bordeaux, et pour moi pas forcément. Donc j’ai appris comme ça, et maintenant je connais ma géographie grâce aux vins, grâce aux fromages. J’ai commencé par faire avant d’apprendre. »
Édition
Libel, Lyon www.editions-libel.fr
Textes
© Estelle Bonnet, Elise Verley
Photographies
© David Desaleux
Conception graphique
Pauline Chaffard
Photogravure
Résolution HD, Lyon
Impression
Graphius
Dépôt légal : juin 2023
ISBN 978-2-491924-39-3
Tous droits réservés. Aucune partie de ce livre ne peut être reproduite sous quelque forme ou par quelque moyen électronique ou mécanique que ce soit, y compris des systèmes de stockage d’information ou de recherche documentaire, sans l’autorisation écrite de l’éditeur.
Première édition © Libel.