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1ER FÉVRIER 2014 - NUMÉRO 27

Concurrence Assurance maladie International


édito Q

ui est responsable de quoi dans l’économie de partage ? À San Francisco, un chauffeur estampillé Uber percute une famille le soir du réveillon du Nouvel An 2014. Ce tragique accident qui a provoqué la mort d'une fillette de 6 ans est-il annonciateur d’un prochain retour à la réalité des consommateurs du web 2.0 ? Où sont les frontières de responsabilité entre le chauffeur et la plate-forme de mise en relation à laquelle il collabore ? Ainsi que le relate LeMonde.fr du 29 janvier dernier, ce fait divers relance aux États-Unis une problématique grandissante sur la responsabilité des sites dits « collaboratifs », à l'instar d'Airbnb, un site proposant aux particuliers à travers le monde de louer leur appartement à d’autres particuliers, flagrant exemple du vide juridique qui permet à ce nouveau mode de commerce de se développer sans tenir compte des règles imposées aux acteurs traditionnels du secteur. Créé en 2008 dans la Silicon Valley et testé depuis par près de quatre millions de voyageurs, Airbnb est aujourd’hui source de nombreuses inquiétudes : pour les municipalités qui voient de plus en plus de logements échapper au circuit de location classique ; pour les hôteliers qui subissent une concurrence déloyale ; pour les autorités fiscales, enfin, qui voient leurs recettes diminuer, les transactions générées par le site échappant à la TVA. En 2011, afin de faire face à de nombreux incidents, Airbnb avait mis en place une garantie après qu'un loueur a retrouvé son appartement vandalisé… mais ce sont ses membres qui ont dû répondre personnellement aux plaintes ! Uber en fera-t-il de même pour son chauffeur ? Aux États-Unis, les plates-formes de mise en relation VTC sont d’ores et déjà dans le collimateur de plusieurs municipalités. La famille de l’enfant a en effet porté plainte et le chauffeur risque d’être inculpé pour homicide involontaire. Quant à la société Uber, elle décline toute responsabilité, arguant que le chauffeur « n'était pas en service au moment de l'accident »... Ce n’est pas l’avis des plaignants qui témoignent que le chauffeur attendait d’être sollicité par son réseau pour avoir une course. La justice tranchera. « Si elle juge que le fait pour une personne d'être connectée à une plate-forme en fait un membre de l'entreprise, cela pourrait changer la donne pour beaucoup de start-up californiennes », ajoute le quotidien… Hélène Manceron

Publication : LNM Communication Rédactrice en chef : Hélène Manceron Secrétaire de rédaction : Laurent Thelliez Graphisme : Stanislas Marçais

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NUMÉRO 27 /// 1er février 2014

Web journal indépendant et gratuit. Disponible par mail tous les 1ers et 15 de chaque mois

Directrice de Publication : Hélène Manceron

actu

Une nouvelle offensive des VTC

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Paris, le 10 janvier 2014. Témoignant de leurs inquiétudes pour l'avenir de leurs entreprises et de leurs emplois, les taxis organisent des mobilisations dans les départements.

Crédit : Stanislas Marçais

près avoir orchestré une campagne de dénigrement contre les taxis, c’est au gouvernement que s’attaquent désormais les sociétés d’applications smartphone pour VTC. En effet, refusant le cadrage apporté à leur activité par le décret instaurant un délai minimum de réservation préalable de 15 minutes, plusieurs sociétés d’applications smartphone ont saisi le Conseil d’État pour faire annuler la disposition. De leur côté, les taxis tentent de maîtriser les réactions aux provocations des VTC et au rapport de force imposé par les directeurs de caisse primaire d’assurance maladie, mais de nombreuses mobilisations sont organisées localement. Le point sur la >>> suite de l’article page 4 situation.

interview

monde

Allô Paris ? Ici Londres...

TAP sauce nordique

Richard Darbéra, chercheur au CNRS et spécialiste des transports urbains

Les black cabs sont devenus la nouvelle coqueluche des médias français.

Crédit : Stanislas Marçais

À

chaque poussée de fièvre des taxis français, les médias en mal d’inspiration nous ressortent la même rengaine : ah ! les taxis londoniens, ces fameux black cabs, serviables, compétents, maintenant écolos avec la mise en place progressive d’une flotte 100 % électrique à l’horizon 2020 mais, surtout, toujours disponibles quand on en a besoin… De prime abord, la comparaison semble légitime, même si elle ne plaide pas en faveur des professionnels parisiens : deux capitales européennes, deux niveaux de vie similaires et des économies de taille correspondante. Et si nous comparions ce qui est comparable ? >>> suite de l’article page 6

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es taxis vont-ils être exclus du transport de malades ? Faut-il créer une plate-forme nationale pour gérer les transports subventionnés ? Alors que la coopération entre taxis et Assurance maladie est des plus conflictuelle, l’analyse de Richard Darbéra trace des perspectives et dévoile des solutions venues d’ailleurs. >>> suite de l’article page 5


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actu

Une nouvelle offensive des VTC

Dénonçant des conditions de conventionnement précarisant l'avenir de nombreux taxis, les chauffeurs marseillais n'ont pu faire entendre raison à la CPAM ni même à certains de leurs collègues... Une prochaine mobilisation est d'ores et déjà envisagée par les organisations professionnelles.

tés d’applications smartphone de VTC. onéreux, en particulier en région parisienne Rappelant le cadre juridique dans lequel […] dont la conséquence est le développes’inscrit le décret instaurant le délai de ment récent de l’offre de transport particulier réservation préalable pour les VTC, l’orga- des VTC ». nisme analyse la situation du transport de 13 mars 2014 moins de dix personnes sans retenir aucun « Pour désamorcer la mobilisation, il faudra des arguments décrivant la concurrence qu’ils nous écoutent  », déclare Didier déloyale exercée vis-à-vis des taxis par les Hogrel, président de la FNDT, Fédération VTC en l’état actuel de la réglementation nationale du taxi. Le gouvernement comme qui leur est appliquée, pas les médias ne " Pour désamorcer la mobilisation, plus que toute influence pourront pas il faudra qu'ils nous écoutent ! " de la circulation sur la invoquer qu’ils disponibilité du service taxi, notamment ont, à nouveau, été mis au pied du mur de en région parisienne. Répondant à une sai- la manifestation nationale organisée le 13 sine obligatoire, elle semble faire écho à la mars prochain, sans autre alternative. En campagne médiatique à charge des taxis et effet, outre la problématique du cadrage de justifie son avis par « l’insuffisance de l’offre l’activité VTC, le dossier du transport de de transport particulier de personnes à titre malades est en suspens depuis plus d’un an et les négociations tarifaires, actuellement en cours entre taxis et CPAM, paraissent bafouer largement la convention nationale encore référente, étranglant les entreprises de proximité que sont les taxis. Usant de Web journal gratuit et indépendant, tous les recours à sa disposition, l’intersyn100% NEWS est disponible tous les 1ers et 15 de chaque mois. dicale composée de la FFTP, FNDT, FNTI, Abonnez-vous gratuitement l'actualité taxi FTI75, FNAT, Gescop, Slota, SUD, UDTP et retrouvez nos précédentes publications : et UNIT a adressé un courrier au président de la République et se prépare à être audiwww.100pour100news.com tionnée par le Conseil d’État. À paraître Parallèlement, plusieurs manifestations 100% Actu : Conseil d'État, le verdict. sont organisées dans les départements, 100% Monde : Retour à la réalité aux USA. témoignant de l’inquiétude et de la mobi100% Pratique : CO2, informer tout simplement. lisation de la profession. À Marseille, c’est 100% Formation : les astuces à pourboires ! 320 taxis et plus de 400 chauffeurs qui ont Photos, infos, commentaires... Envoyez vos contributions à la rédaction : manifesté jeudi 30 janvier contre les condihelene.manceron@gmail.com tions imposées par la CPAM. HM Accédez directement à notre liste de diffusion : http://bit.ly/newstaxi

prochains numéros

Crédit pour les trois photos : UTIF-FDT13

M

algré la concertation mise en place pour le cadrage progressif de l’activité des VTC, les relations entre taxis et gouvernement demeurent tumultueuses. Les manifestations se multiplient dans les départements, dénonçant, selon les territoires, les agissements déloyaux des VTC ou la politique de remises abusives conduite par les représentants de l’Assurance maladie. Néanmoins, face à l’agressivité et la détermination de leurs opposants, les taxis restent mobilisés et résolus à défendre leurs entreprises. Solidarité judiciaire Pour contrer l’attaque en référé auprès du Conseil d’État, par les sociétés d’applications smartphone, du décret n° 2013-1251 paru le 27 décembre 2013 les organisations professionnelles représentants les taxis font front commun. Leur objectif : « permettre une action collective de l’ensemble des syndicats présents devant toute juridiction répressive pour agir contre les faits d’exercice illégal de la profession de taxi, et de déposer à cet effet toute plainte pénale avec constitution de partie civile », annonce la FNTI. Mais la confrontation risque d’être difficile car le parti pris pour les sociétés d’applications smartphone publié par l’Autorité de la Concurrence ne joue ni en faveur des taxis, ni en celle du gouvernement. Parti pris de la Concurrence Le 19 décembre dernier, l’Autorité de la Concurrence, organisme d’État ne relevant pas de l’autorité du gouvernement, a publié un avis favorable aux arguments des socié-


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interview

TAP sauce nordique Richard Darbéra, chercheur au CNRS et spécialiste des transports urbains

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epuis maintenant de nombreuses années, l’Assurance maladie et les taxis s’affrontent à intervalles réguliers sur la question du transport de malades et, plus largement, du transport subventionné. Pourtant, dans de nombreux pays, la collaboration entre taxis, collectivités locales et institution publique semble avoir trouvé des solutions, comme en témoigne le travail de recherche et d’analyse menés par Richard Darbéra, chargé de recherches au CNRS et spécialiste des politiques de transport. Vos différents travaux vous permettent-ils de tracer des perspectives générales sur le développement du « transport subventionné » ?

En Italie, en Suède, en France et en Allemagne, plus de 5 % de la population est maintenant âgée de plus de 80 ans. Cette population vieillissante est celle qui a mis à profit la démocratisation de l'automobile pour aller vivre dans des banlieues distantes. Du fait de leur basse densité, ces banlieues ne peuvent pas être efficacement desservies par les transports collectifs. Le problème devient aigu quand leurs résidents sont trop vieux pour conduire. Plusieurs travaux de recherche ont mis en exergue les problèmes de sécurité que posent les conducteurs âgés et le besoin d'offrir de la mobilité à ceux d'entre eux qui ont choisi ce que les sociologues appellent « vieillir sur place » alors qu'ils ne peuvent plus conduire. Une solution généralement avancée comme ayant un bon rapport coût efficacité est de leur offrir, sous condition, des transports à la demande. Les recettes danoises, suédoises ou hollandaises sont-elles transférables en France ?

La croissance des besoins de transport à la demande subventionnés grève les budgets des collectivités locales et des établissements publics. Les outils techniques qui permettraient de réduire ces coûts existent : GPS, Internet, téléphonie mobile, etc. Mais leur mise en œuvre se heurte à des problèmes institutionnels et réglementaires, spécifiques à chaque pays. Différentes collectivités locales suédoises, danoises et hollandaises ont pourtant apporté des réponses originales à ces problèmes. Avant de discuter de leur transférabilité, il serait intéressant, en France, que les taxis remettent en cause l’archaïsme avec lequel ils contribuent au transport subventionné. Ensuite, nous pourrons comparer l’efficacité de ces solutions en termes de réduction budgétaire pour les collectivités locales et surtout de rentabilité pour les entreprises de proximité.

Selon Richard Darbéra - et malgré leur archaïsme -, les taxis restent un élément essentiel du transport subventionné

La solution est-elle de créer une régie nationale qui répartirait l’ensemble des demandes du transport de malades assis, du transport de personnes handicapées ainsi que du transport scolaire ?

Plutôt que de créer une régie nationale, je dirais que la solution est de procéder à des appels d'offres spécialement adaptés à un secteur artisanal très morcelé, comme l’ont fait les régions que nous avons étudiées. En effet, s’il est certain que regrouper les différents services de transport à la demande permet de rationaliser l’usage qui est fait des véhicules, nous avons aussi vu les dangers qu’il y a à procéder à des appels d’offres classiques qui favorisent systématiquement les plus grosses entreprises. Ces entreprises ont, certes, la maîtrise de la logistique et les moyens matériels de gérer de façon économique des services regroupés, mais à la

perte de visibilité pour la puissance publique s’ajoute le danger de voir disparaître les petites entreprises de taxis dans les zones rurales. Les taxis apparaissent comme un élément essentiel de toute solution, du fait de leur implantation sur l’ensemble du territoire, y compris à proximité des populations relativement isolées. Darbéra Richard : « Marchés publics de transport à la demande : recettes des Hollandais et des Scandinaves pour ne pas exclure les taxis », Transports n° 477, janvier-février 2012. HM http://halshs.archives-ouvertes.fr/ docs/00/82/17/77/PDF/RD13-RT-TaxiSubv.pdf


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monde

Allô Paris ? Ici Londres...

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uand les taxis parisiens sont dans la tourmente, les journalistes hexagonaux, bien aidés en cela par les sociétés d’applications smartphone qui leur soufflent dans l’oreille, nous ressortent une fois de plus le vieil adage selon lequel l’herbe est toujours plus verte ailleurs. Après les yellow cabs new-yorkais, ce sont ces merveilleux black cabs londoniens dont il faudrait s’inspirer. 100% News vous propose de sortir un peu de cette paresse intellectuelle pour examiner plus précisément la situation outreManche.

Les chiffres Plusieurs éléments entrent en ligne de compte. D’un côté, on a 22  000 black cabs pour une population du Grand Londres d’environ 8,2 millions d’habitants ; de l’autre, 17 600 taxis parisiens pour bassin d’activité de 6,7 millions d’individus. Si l’on applique une simple règle de 3, on observe que le ratio n’est pas si défavorable pour Paris  : un taxi pour 380 habitants contre un taxi pour 372 chez les GrandsBretons. Oui mais attention, nous rétorquera-t-on, il ne faut pas oublier les VTC ! À Londres, on les nomme familièrement mini-cabs ou plus officiellement « private hire »… et il y en a près de 50 000, contre seulement 4 000 à Paris ! Puisque l’augmentation du nombre d’autorisations parisiennes de stationnement est contrainte par les textes et soumise au bon vouloir du préfet de police, il suffirait donc de multiplier le nombre de VTC opérant sur la région parisienne pour obtenir enfin une offre satisfaisante pour la clientèle. Là encore, ce n’est pas si simple. En effet, le nombre moyen de courses

La mise en place à Londres en 2005 d'un péage urbain a fait grimper la vitesse moyenne de circulation à plus de 20 km/h aux heures de pointe. De quoi faire rêver les taxis parisiens !

Crédit :The View from The Shard

effectuées quotidiennement de part et d’autre de tramway et bus – ou encore les Vélib’. la Manche n’est pas identique, les Français, qu’ils À Londres, l’étendue du territoire soient taxis ou VTC, effectuant plus de courses que complique l’efficacité des transports en leurs homologues britanniques. Mais cessons-là ces commun. querelles de chiffres et intéressons-nous plutôt à Question d’offre de transports un facteur systématiquement oublié des médias, le Paris bénéficie en effet d’un réseau de schéma urbain. transport en commun beaucoup plus dense Question de circulation qu’à Londres, et les chiffres le prouvent. Le territoire du Grand Londres est deux fois plus 3,6 milliards de trajets par an pour les étendu que celui de Paris et la petite couronne, deux capitales, mais si l’on rapporte ce pour une population à peine 20 % supérieure. En chiffre à la population, on constate que le outre, population et activités sont nettement plus nombre de trajets par an et par habitant concentrées dans la zone de prise Le schéma urbain est un élément déter- est de 20  % supérieur en charge des taxis parisiens. à Paris  : environ 450 minant de la disponibilité des taxis. Ajoutons à cela les différences pour Londres contre de vitesse de circulation : 15,4 km/h à Paris entre 540 à Paris. Aux heures de pointe, là où 7 h et 21 h – selon la ville de Paris – contre plus de la demande est la plus forte, il est normal 20 km/h dans le centre de Londres et sur le pic du que la clientèle se reporte vers ce type de matin. La raison ? L’instauration en 2005 d’un péage transports au détriment du celui de moins urbain qui a permis de décongestionner la capitale de 10 places pour bénéficier ainsi d’un britannique. Quel rapport me direz-vous avec temps de trajet et d’un coût moindres. l’attractivité et la disponibilité des taxis parisiens ? Dernière remarque, histoire d’égratigner Dans une ville aussi embouteillée que Paris, il est les confrères : les journalistes qui vantent normal que ses résidents se tournent plus volontiers les méritent des taxis londoniens n’ont vers des modes de transport alternatif tels que les certainement jamais dû mettre la main à la transports en commun en site protégé – métro, poche pour payer leur course. LT


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