1er mars 2014 - numĂŠro 29
RSI Concertation Applications smartphone
Web journal indĂŠpendant et gratuit. Disponible par mail tous les 1ers et 15 de chaque mois
édito
Mode ou mutation ?
« C’est cinq gugusses qui se battent pour leurs millions à venir contre 55 000 qui se battent pour leurs investissements passés ! Et je ne compte pas les patrons de grandes remises ! », résume, d’un froncement de sourcil dans son rétro, le chauffeur de taxi qui m’avait pris en charge et trouvait décidément sa cliente trop curieuse. Le conflit taxis/VTC ne serait donc pas une bagarre entre chauffeurs mais une bataille technologique d’où une poignée de start-up chercheraient à tirer leur épingle du jeu ? Dopées par le numérique, des entreprises d’un type nouveau arrivent sur le devant de la scène, sans pour autant être porteuses d’innovation. « L’économie collaborative est un secteur encore récent, mais dont le décollage fulgurant et le clonage dans des champs variés de l’économie en font un modèle à fort potentiel. Il s’agit d’un nouveau modèle de production et de consommation où l’usage prédomine sur la propriété et qui prend tout son sens à l’heure du web social », affirme le Labo de l’Économie sociale et solidaire (ESS), un club de réflexion présidé par Claude Alphandéry, ancien résistant, banquier et économiste. Que cherchent les consommateurs en délaissant les acteurs de l’économie traditionnelle au profit de ces offres ? « Près de la moitié des Français (48 %) pratiquent désormais la revente d'objets, le covoiturage, le troc ou encore la colocation, et à 63 % pour une raison d'économie financière, selon un sondage TNS Sofres pour le groupe La Poste […]. Le sondage pointe des considérations relatives au pouvoir d'achat : payer moins cher (63 %) ou trouver des "bons plans" et bonnes affaires (55 %) pousse les consommateurs vers cette nouvelle tendance. Mais les personnes qui pratiquent régulièrement la consommation "collaborative" mentionnent également des motivations touchant au caractère alternatif de ce mode de consommation : la possibilité de faire durer les objets, de leur donner une seconde vie (38 %), le fait que ce modèle de consommation soit meilleur pour la société (28 %) ou même le seul attrait pour un modèle différent (18 %) », rapportait Le Monde du 14 novembre dernier. Une nouvelle économie fondée sur le partage, la solidarité et le développement durable dans laquelle s’inscrivent des initiatives équitables. Un espoir précieux dans un contexte de crise économique tenace. Une volonté de fraternité qui peut malheureusement être instrumentalisée et réduite à un argument marketing. À grand renfort d’investissements spéculatifs, les clonages ratés de l’économie collaborative perturbent le développement de nombreuses activités. Mais, s’ils témoignent d’une volonté de changement, ils n’ont pas l’exclusivité de l’innovation numérique… ni celle du cœur ! Hélène Manceron
Publication : Lempickom sarl Rédactrice en chef : Hélène Manceron Secrétaire de rédaction : Laurent Thelliez Graphisme : Stanislas Marçais
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numéro 29 /// 1er mars 2014
Web journal indépendant et gratuit. Disponible par mail tous les 1ers et 15 de chaque mois
Directrice de Publication : Hélène Manceron
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Le TAP « dans le champ de mission »
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Crédit : Thomasthevenoud.fr
Thomas Thévenoud, député de Saône-etLoire, s'est vu confier la mission de concertation sur le transport de moins de 10 places par le Premier ministre.
>>> suite de l’article page 4
monde
La samba des applis taxi
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mission taxis-VTC confiée à Thomas Thévenoud vient de débuter et c’est déjà le deuxième incendie que semble avoir maîtrisé le député. En effet, alors que les immatriculations des entreprises de VTC ont été suspendues, la menace d’une mobilisation générale des taxis était toujours à l’ordre du jour. La cause ? L’oubli d’une activité essentielle pour les 2/3 des quelque 60 000 entreprises de proximité que compte la profession : le transport de malades. Les taxis et leurs organisations professionnelles demandent depuis plus d’un an une concertation pour l’organisation de cette activité qui subit de plein fouet les réductions budgétaires de l’Assurance maladie. Un nouveau défi pour le médiateur du gouvernement.
ao Paulo : 12 millions d’habitants, première ville du Brésil en terme de population, un réseau de transport public défaillant… et 33 000 taxis répartis en une vingtaine de compagnies. Avec l’explosion du nombre de smartphones, les applis taxi fleurissent un peu partout dans le pays et l’une des plus connues, Easy Táxi, a levé récemment 11 millions d’euros pour développer son activité sur le continent américain et en Asie. On estime à près de 40 % le nombre de taxis paulistas déjà équipés de ces applications. Les sociétés de taxis hurlent à la concurrence déloyale, les chauffeurs se frottent les mains imaginant bientôt toucher le pactole et les clients jubilent en voyant se déplacer leur taxi sur l'écran de leur smartphone. Les applications taxi seraient-elles l’avenir du métier dans les grandes zones urbaines ? Pas si sûr… >>> suite de l’article page 6
RSI et pression administrative Jeudi dernier, une manifestation d'indépendants était organisée devant le ministère de l'Économie. uel travailleur indépendant n’a pas ouvert les courriers à en-tête du RSI avec suspicion ? Désormais, le Régime social des indépendants adresse des textos de rappel avant majoration et des serveurs vocaux vous relancent de façon personnalisée. Le RSI semble utiliser les grands moyens pour recouvrer ses cotisations. Mais de nombreux dysfonctionnements et erreurs dans la gestion des dossiers des cotisants poussent les chefs d’entreprises de proximité à exprimer leur mécontentement.
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>>> suite de l’article page 5
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actu
Le TAP « dans le champ de mission »
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es chauffeurs de taxi seraient-ils parvenus à faire entendre leurs revendications sans avoir à manifester ? Après la mobilisation des taxis parisiens de février, qui avait vu confirmée la nécessité d’un arbitrage entre taxis et VTC, le transport de malades par taxi, enjeu majeur pour les 2/3 des taxis français, semblait pourtant avoir été oublié et les fédérations FFTP, FNDT, FNTI, FNAT, Gescop, UDTP, SUD et UNIT appelaient à une mobilisation nationale. Mais, au dernier moment, Thomas Thévenoud, médiateur nommé par le Premier ministre, est intervenu et la manifestation a été suspendue. In extremis « Après avoir pris contact avec les cabinets du Premier ministre et de la ministre des Affaires sociales et de la Santé, je suis en mesure de vous confirmer que ce thème [le transport de malades remboursé par l’Assurance maladie et les modalités de la participation des taxis à ces transports] fait bien partie du champ de ma mission et qu’il fait bien l’objet d’un travail spécifique auquel vous serez bien évidemment associés. » Par son courrier adressé à chaque fédération nationale, juste avant que soient peaufinés les derniers détails de la manifestation nationale programmée le 27 février dernier, le député Thomas Thévenoud a évité in extremis un nouvel embrasement. L’article 39 de la loi de financement de la Sécurité sociale, la situation explosive du renouvellement des conventions dans les départements ainsi que l’obsolescence de
Faire l'impasse sur le transport de malades aurait obligé les taxis et leurs fédérations à manifester massivement comme en janvier 2013.
la convention nationale, régulièrement contre X auprès du procureur de la Répudénoncées depuis plus d’un an par les taxis, blique pour exercice illégal de la profession Crédit : Wikimédia manifestations à l’appui, ne sont sans doute de taxi, obligeant ainsi l’ouverture d’une pas étrangères à cette soudaine marque enquête. À Paris, l’intersyndicale regroud’intérêt… pant la CFDT, la CGT, le CST, FO, la FTI75 Plainte et consultations et le STM, a organisé, le 24 septembre derL’engagement du médiateur a eu pour effet nier, une assemblée générale ouverte à tous la suspension de la manifestation nationale. les chauffeurs pour échanger sur le devenir Suspension acceptée non sans réticence par de la profession. Plus d’une centaine sont de nombreux chauffeurs échaudés par les venus participer à cet échange et proposer promesses de dialogue leurs suggesnon tenues. Pour éviter La plainte auprès du procureur de la République tions : course oblige l'ouverture d'une enquête. les mauvaises surprises, minimum pour l’intersyndicale FFTP, les VTC ; déveFNDT, FNTI, FNAT, Gescop, UDTP, SUD loppement d’une application smartphone et UNIT, dont les composantes rencontrent taxi « d’utilité publique » ; renforcement actuellement les unes après les autres des contrôles et des forces de police… « Le Thomas Thévenoud, a déposé plainte député dit qu’il faut des règles… À voir ce que seront ces règles », a souligné Karim Asnoun, représentant de la CGT. Travail de fond À la Bourse du travail de Paris, l'assemblée générale ouverte à Pendant ce temps, le médiateur semble tous les chauffeurs a été un fort moment d'échanges. continuer à se frayer un chemin dans la jungle du transport de moins de dix places... « Nous avons été reçus par le député accompagné d’un représentant du ministère de l’Intérieur ainsi que d’une représentante du ministère des Finances. Nous avons transmis les doléances et fait de nombreuses propositions, comme la réforme des tarifs taxis et le non-cumul des activités taxis et VTC. Plusieurs groupes de travail vont être constitués. Il nous a écoutés mais je ne sais pas s’il nous a entendus », résume Didier Hogrel, président de la FNDT, qui reste vigilant et maintient la menace d’une manifestation nationale. HM
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RSI et pression administrative
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près les courriers erronés qui se croisent et se contredisent au gré des transmissions de dossier entre les différents services de gestion des contributions sociales des indépendants, de nombreux chefs d’entreprise reçoivent désormais des SMS dont le rythme s’accentue à l’approche de l’échéance… Le RSI, Régime social des indépendants, semble avoir su s’adapter à l’innovation technologique pour recouvrer ses deniers ! Dommage que ce gain de productivité ne soit pas consacré à une meilleure gestion des dossiers. Face à la masse incroyable des dysfonctionnements du RSI et à la précarité administrative que subissent de nombreuses entreprises de proximité, les assujettis s’organisent.
Une situation connue 60 % des bénéficiaires sondés ont une appréciation mauvaise, voire très mauvaise, des services rendus par le RSI. Il ne s’agit en rien de dénoncer l’accueil des personnels de l’interlocuteur social unique, mais bien les multiples impasses du processus de traitement des dossiers des travailleurs indépendants, qui précarisent leur activité et qu’ils dénoncent dans un sondage réalisé par le Syndicat des Indépendants – SDI, relayé par le Figaro du 2 février dernier. Pourtant le RSI, qui gère 6,1 millions d'affiliés et ayants droit, est né d'une ambition louable. Issu en 2006 de la fusion des réseaux de protection sociale des artisans, des commerçants et des professions libérales (pour la maladie uniquement), le RSI avait pour objectif de rassembler sous un même régime tous les travailleurs non salariés et de leur fournir un interlocuteur social unique. Le nombre de caisses a été divisé par 3 mais une mise en place trop précipitée semble avoir conduit
Un interlocuteur social unique : une bonne idée qui entrave malheureusement le quotidien et l'activité de nombreux travailleurs indépendants.
"La première entreprise de France se meurt dans l'indifférence" Des indépendants qui se regroupent dénonce l'association qui a manifesté ce jeudi. Cette incompatibilité logicielle transforme le quotidien de nombreux travailleurs indépendants en un véritable calvaire : appels de cotisations erronés aux montants parfois exorbitants, délais démesurés d'obtention de carte Vitale, incapacité à calculer le montant de retraite, difficultés à obtenir des indemnités journalières en cas de maladie… La liste des sujets qui fâchent est très longue et souvent préjudiciable pour les chefs de petites entreprises, qu’ils soient taxis, fleuristes ou gérant de la SARL Tartempion ! Face à cette situation, une minorité a décidé d’exprimer son ras-le-bol en optant pour la désaffiliation « sauvage » et totalement illégale. D’autres se tournent vers une stratégie d'évitement et cherchent à bénéficier d'un statut différent (salarié ou assimilé salarié) pour fuir le RSI. Mais ils sont de plus en plus nombreux à à des dysfonctionnements majeurs. En septembre manifester leur mécontentement sans pour 2012, relate le quotidien, la Cour des comptes avait autant remettre en cause le statut d’indépencritiqué le fonctionnement du RSI, indiquant que dant. À l’initiative de Sauvons Nos Entrela réforme avait « été mal construite et mal mise prises, une association basée à La Rochelle, en œuvre, souffrant d'une mésestimation complète « apolitique et asyndicale », quelques artides contraintes techniques ayant engendré de graves sans, pendant ce mois de février, ont marché perturbations pour les assurés et de lourdes consé- sur Paris. Ils sont arrivés ce jeudi 27 février quences financières pour les comptes sociaux ». En où ils avaient rendez-vous avec d’autres assocause, notamment, les systèmes informatiques des ciations pour manifester devant le ministère Urssaf et du RSI qui ne fonctionnent pas entre eux. de l’Économie et des Finances. HM
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La samba des applis taxi
Au Brésil, la prolifération des applis taxi semble - pour l'instant - faire le bonheur des 150 000 professionnels du pays. Crédit : Creative Common Digo Souza
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ortées par des appels en demandant aux autorités municipales que Nunes Moraes. En effet, dans un contexte de fonds financiers les nouvelles sociétés de mise en relation taxis/ où la sécurité des personnes est un enjeu vertigineux, les start-up clients soient soumises à la même réglementation, majeur au quotidien, le gain en qualité de de mise en relation taxis- aux mêmes impôts et aux mêmes contrôles que service pour les clients taxis semble direct clients se développent tous les entreprises de taxis. Avec le développement à condition que le référencement des azimuts au Brésil. À Sao Paulo, exponentiel des applications de mise en relation, ces chauffeurs soit fait minutieusement. Mais où congestion de la circulation et centraux brésiliens risquent de voir diminuer leur les gains en disponibilité d’un véhicule carence des transports publics sont nombre d’affiliés, entraînant une perte de revenus pour les clients sont, eux, moins évidents. emblématiques de la ville, l’activité alors que leurs charges structurelles, liées notamment Avec seulement 74,3 km de lignes de métro taxi est en plein chamboulement. à l’investissement dans l’innovation et 6 millions de voitures à Un enjeu majeur en Amérique latine : Dans son analyse de la situation technologique et l’entretien de Sao Paulo, « les problèmes la sécurité des transports. sur le site de « L’atelier BNP- leur réseau, demeurent quasi de mobilité sont criants » Paribas », Wellington Nunes incompressibles. C’est la loi du business, pourrait-on souligne l’auteur. En effet, mais le taux Moraes, responsable du Digital de rétorquer, mais le fort intérêt des acteurs bancaires d’équipement smartphone des habitants Cetelem Brasil semble annoncer pour le phénomène donne néanmoins matière à va-t-il concrètement changer la situation ? le renouvellement d’un modèle suspicion. En effet, une fois le morcellement de l’offre C’est pourtant ce qu’invite à penser cet économique. Mais hormis le fait accompagnée par leurs soins, ils pourront vendre le expert qui relève que « les ventes de que la plupart de ces sociétés réseau qu’ils détiennent au plus offrant. Ce dernier smartphones décollent au Brésil (avec une exploitent les failles du système s’assurera petit à petit le monopole des mises en estimation de 75 millions de smartphones financier international pour relation, condition obligatoire pour maximiser les pour 2016) et, selon une étude réalisée rapatrier leurs bénéfices dans profits prélevés cette seule opération, lui assurant, à par le bureau brésilien de Google, 88 % terme, une rente de situation. À des propriétaires de smartphones utilisent des paradis fiscaux, Comme en France, les sociétés craindre pour les 11,8 millions régulièrement la fonction de géolocalisation faut-il applaudir cette modernisation brésiliennes de taxis plaident pour d'habitants de Sao Paulo, de leur appareil ». Tant pis pour le client une concurrence loyale. que trouver un taxi dans les qui ne sera pas équipé de la bonne version de l’activité taxi ? Au Brésil et ailleurs, le développement embouteillages des heures de pointe demeure encore de smartphone et de l’appli adéquate. En ultra-rapide des applications pendant longtemps un véritable défi ! outre, tarifs au compteur à l’appui, cette smartphones semble porter en Applications face à circulation clientèle restera-t-elle longtemps dupe Ces applications présentent certains avantages que, notamment aux heures de pointe, ce germe des risques majeurs pour « le développement du service taxi. pour les passagers, dont la sécurité […] toutes les n’est pas un smartphone qui va régler les informations concernant le chauffeur et le taxi problèmes de circulation ? « Les discussions Une nouveauté ? Les coopératives de taxis de Sao (photo, nom, carte d'identité et dans certains cas, une ne font que commencer », résume Paulo ne s'y sont pas trompées note) sont reprises dans l'application », explique W. Wellington Nunes Moraes. LT