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Sexe, art et nourriture, les aliments les plus chauds de ta région

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Edito

Edito

Comme diraient certains professeurs, l’aliment en soi peut être « séduisant » ou même « savoureux ». Seulement l’esprit humain a tendance à l’associer à des parties du corps dans un jeu de séduction ou pour dire sans dire. Il s’agit d’analogies, et c’est bien le cas quand on dit des seins qu’ils peuvent être en forme de pommes, de poires ou bien d’autres fruits.

Toutefois, le lien entre bouche et plaisir sexuel est clairement énoncé par Proust dans la première partie de Du Côté de Chez Swann appelée Combray :

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« (…) mais mon ravissement était devant les asperges, trempées d’outremer et de rose et dont l’épi, finement pignoché de mauve et d’azur, se dégrade insensiblement jusqu’au pied – encore souillé pourtant du sol de leur plant – par des irisations qui ne sont pas de la terre. Il me semblait que ces nuances célestes trahissaient les délicieuses créatures qui s’étaient amusées à se métamorphoser en légumes et qui, à travers le déguisement de leur chair comestible et ferme, laissaient apercevoir en ces couleurs naissantes d’aurore, en ces ébauches d’arcen-ciel, en cette extinction de soirs bleus, cette essence précieuse que je reconnais encore quand, toute la nuit qui suivait un dîner où j’en avais mangé, elles jouaient, dans leurs farces poétiques et grossières, comme une féerie de Shakespeare, à changer mon pot de chambre en un vase de parfum » (p.166, éditions Le Livre de Poche).

Bon, je dis « clairement » mais ce que Proust réussit, c’est de presque décrire un organe sexuel masculin en parlant d’asperges, tout en liant de manière directe sa description à cet organe masculin en parlant d’urine.

L’asperge n’est néanmoins pas le seul légume lié à l’homme. En effet, la pratique des emoji a contribué au fait que l’aubergine et la pêche deviennent des symboles sexuels incomparables. Par exemple, lorsque Netflix a cherché à faire la promotion de sa série « Plan Cœur », ce sont ces mêmes emoji qui étaient placardés dans le métro parisien. Le but était donc de surprendre en affichant aux yeux de tous ces symboles (l’aubergine, la pêche, les gouttes d’eau…) que l’on retrouve plus dans des messages plutôt personnels. Comme tout symbole, seuls les initiés (dont vous faites partie maintenant du coup) peuvent comprendre le message. Cette question de compréhension est au cœur de l’association entre aliments et sexe. Néanmoins, évitez de faire comme Elio dans Call me by your name et de prendre au pied de la lettre le message transmis.

Ces analogies entre nourriture et sexe ne sont pas transmises que par la littérature et le monde télévisuel, elles peuplent aussi le monde musical.

Certaines fois, plus finement que d’autres. Lorsque Stromae chante « Moules frites », il ne fait à aucun moment référence à une femme de manière directe, il ne parle que de moules à travers le refrain « Paulo aime les moules frites, sans frites et sans mayo’ ».

Pour parvenir à faire comprendre qu’il parle de viol, il mêle subtilement le vocabulaire lié à la mer et celui lié à une agression, alors même que ce premier est plus souvent utilisé dans les descriptions d’actes sexuels (consentants), alternant ainsi entre « Pour oublier l’exécrable, sûr et si âcre goût de l’océan » et « Elle est un peu moins fragile que ce que Paulo imagine / Mais du moment qu’elle criait ».

Ainsi, il cherche donc à choquer, à faire réagir mais de manière indirecte. Pour certains, il peut même être possible d’écouter la chanson sans prêter attention aux paroles et ne pas comprendre le message porté. D’autres artistes sont beaucoup moins subtils et c’est le cas de Cardi B. Dans sa dernière chanson en duo avec Megan Thee Stallion, « WAP » (littéralement « Wet Ass Pussy »), elle décrit tout une série d’actes sexuels de manière plus ou moins métaphorique comme « I want you to park that big Mack truck / Right in this little garage » ou « Put this pussy right in your face / Swipe your nose like a credit card ». Toutefois, à la fin de la chanson une des métaphores sort un peu du lot, il s’agit de « Macaroni in a pot / That’s some wet ass pussy ». Ici, la chanteuse semble faire référence à un Vine de Mohamad Zoror publié en 2014 où il intervient alors que sa mère mélange des macaronis au fromage dans une casserole en disant « That’s what good pussy sounds like ». Alors oui, ce n’est pas du Proust mais une référence reste une référence.

Pour conclure, si vous voulez passer de l’analogie au concret, certains aliments sont connus pour être de plus ou moins puissants aphrodisiaques comme les huîtres, le gingembre, le chocolat, l’asperge (comme on se retrouve) ou le caviar (bon là, il faut prévoir le budget). C’est à vous de voir mais comme on dit « Sortez couverts ! », et non pas « Sors tes couverts ! » (je précise parce que dans le cas présent il peut y avoir confusion).

Tyfenn Le Roux

Lilou Feuilloley

Qui n’a jamais eu le béguin pour un voisin ou une voisine? La technique d’approche la plus simple et naturelle consiste à aller sonner chez eux pour demander, que sais-je? Des œufs, du sucre, ou encore des croquettes pour chat (oui parce que depuis ce matin Moustache n’a plus de croquettes et il se laisse dépérir devant sa gamelle, attendant désespéramment qu’elle se remplisse). Alors vous descendez l’escalier, ou vous traversez la rue, vous levez votre bras, timidement, vous toquez, encore plus timidement, vous attendez dans le silence pesant. Et puis des pas se rapprochent, votre cœur s’emballe, vous répétez votre discours dans votre tête. La clenche s’abaisse… Soudain votre crush apparaît! Il ou elle est là, face à vous, en pyjama plus ou moins sexy (après tout qui s’habille encore depuis le confinement?). Votre crush vous observe, se demande ce qui se passe, ce que vous faites là, planté.e devant sa porte. C’est le moment, c’est votre moment. Alors vous vous lancez et… et rien. Rien ne sort. Un silence abyssal, un blanc ivoire. Du coup vous tournez les talons et vous courrez jusqu’à chez vous pour raconter à Moustache comment vous vous êtes ridiculisé.e en quelques secondes. Bref, votre plan ne s’est absolument pas déroulé comme voulu. Mais rassurez-vous, Tristan Corbière, lui aussi, a souffert de nombreuses déconvenues avec les femmes (sûrement même bien plus que vous). Heureusement il a laissé derrière lui un pastiche fort original afin que jamais plus vous ne soyez pris au dépourvu. Voici donc une piste pour engager la conversation avec votre crush de façon … somme toute poétique.

Le Poète et la Cigale A Marcelle

Un poète ayant rimé, IMPRIMÉ Vit sa Muse dépourvue De marraine, et presque nue : Pas le plus petit morceau De vers... ou de vermisseau. Il alla crier famine Chez une blonde voisine, La priant de lui prêter Son petit nom pour rimer. (C’était une rime en elle) – Oh ! je vous paîrai, Marcelle, Avant l’août, foi d’animal ! Intérêt et principal. – La voisine est très prêteuse, C’est son plus joli défaut : – Quoi : c’est tout ce qu’il vous faut ? Votre Muse est bien heureuse... Nuit et jour, à tout venant, Rimez mon nom.... Qu’il vous plaise ! Et moi j’en serai fort aise.

Voyons : chantez maintenant.

Si la poésie grivoise de Tristan Corbière vous plaît, et pour découvrir plus de techniques d’approches, alors jetez-vous sur son recueil «Les amours jaunes». 18

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