4 minute read
Les Folles histoires de Papa Ours : meutres, sexe et vengeance ...
from LB n° : EXPLICITE/
by Louvr'Boîte
i Les Folles histoires de Papa Ours i
Meutres, sexe, et vengeance...
Advertisement
Je vous arrête tout de suite, malgré son titre évocateur et provocateur, cet article ne traite aucunement du dernier GTA. Cependant, je ne vous certifie pas non plus que nous allons parler d’un sujet léger et subtil : bien au contraire, gare aux moins de 18 ans car le mythe sur lequel nous allons nous pencher aujourd’hui est loin d’être tout rose.
En effet, la déesse qui nous intéresse aujourd’hui inspire la terreur aux dieux comme aux hommes… Il s’agit d’Inanna, la déesse sumérienne du Ciel, de l’Amour, de la Fertilité mais également de la Guerre. Cette dernière fonction en fait dans la plupart des mythes dans lesquels elle figure une déesse impitoyable, un monstre capable de tuer ses amis et ses amants. Déchaînée, sur le champ de bataille, elle coupe les têtes et énumère, dans ses chants de guerre, les armes acérées avec lesquelles elle massacre ses ennemis. Lorsqu’elle survole la terre, les montagnes lui rendent hommage et s’inclinent devant sa puissance. Un jour, le mont Ebih lui refusa cet hommage. Elle lui déclara donc la guerre et se précipita sur la montagne, l’étrangla et planta ses dents dans son ventre, déssécha la terre, arracha les arbres et enfin fit disparaître la montagne sous d’épaisses fumées.
Le récit le plus célèbre concernant Inanna reste cependant l’histoire de son mariage avec le berger Dumuzi, devenu dieu de la Végétation. Plusieurs récits sumériens, véritables odes à l’amour physique qui ont peut-être inspiré le Cantique des Cantiques, racontent ces noces divines. C’est pour en célébrer le souvenir que chaque année, au nouvel an, le souverain “épousait” la déesse par l’intermédiaire de l’une de ses prêtresses au cours de fêtes joyeuses. La fertilité des terres et la fécondité des femelles animales étaient ainsi assurées pour l’année. De très nombreux textes en cunéiforme décrivent comment le berger Dumuzi fut élevé au rang de roi et de dieu par son mariage avec Inanna.
Le cycle de poèmes consacré à la déesse de l’Amour montre le caractère à la fois érotique et sacré de cette union. Enki lui-même évoque les pouvoirs mystérieux de l’Amour : « À Inanna, ma fille, je fais le don de la vérité, de la descente aux Enfers, de la remontée des Enfers, de l’art de faire l’amour, du baiser au phallus. » La déesse, submergée par le désir, « entonne un hymne de louange à sa vulve », la décrivant comme un « terrain en friche, bien irrigué », et s’écriant à l’adresse de Dumuzi : « Pour moi, ouvre ma vulve pour moi ! Pour moi, la jeune fille, qui sera son laboureur ? » Le sexe de Dumuzi devient le symbole même de la fertilisation du terrain en friche.
Mais l’amour profond qui unit Inanna et Dumuzi est voué à être anéanti par l’autre aspect de la personnalité de la déesse, orgueil, ambition et désir de vengeance. Inanna a en effet rendu visite aux Enfers à sa sœur Ereshkigal, avec l’intention de la détrôner. Pour cela, elle dut tout d’abord, selon le rituel du passage vers l’Au-delà, franchir les sept portes de l’Enfer en se dépouillant à chacune d’entre elles d’un vêtement ou d’un bijou. Chaque fois, elle posa la même question et chaque fois elle reçut la même réponse : « Pourquoi, gardien, m’ôtes-tu de cette parure ? - Entrez madame, tels sont les ordres de la reine des Enfers. » Nue et réduite à l’impuissance, elle fut enfin amenée devant Ereshkigal, qui l’enferma dans son palais et lâcha sur elle soixante maladies qui entraînèrent rapidement sa mort. La reine des Enfers suspendit alors la dépouille de sa sœur à un crochet.
Les grands dieux, alarmés de voir la terre dépérir, se réunirent en conseil et demandèrent à Ereshkigal de renvoyer Inanna sur la terre. La déesse accepta à condition que sa sœur trouve quelqu’un qui accepte de prendre sa place aux Enfers. Inanna revint donc sur terre et se mit en quête de celui qui acceptera de prendre sa place. Quand elle trouva son époux Dumuzi en train de festoyer joyeusement à l’ombre des arbres au lieu de pleurer sa disparition, elle entra dans une fureur terrible et son choix se porta aussitôt sur lui. Dumuzi refusa énergiquement et tenta de fuir l’armée des gallu, les soldats d’Inanna, qu’elle avait lancé à ses trousses. Avec l’aide de Shamash, Dumuzi changea cent fois d’aspect, mais les gallu finirent par le coincer dans l’enclos de sa sœur Geshtinanna. Ils se saisirent alors de Dumuzi et l’emmenèrent aux Enfers.
Mais bientôt, tous les protagonistes de l’histoire se lamentèrent sur la disparition de Dumuzi : sa mère Ninsun, sa sœur Geshtinanna, la déesse du Vin, et Inanna elle-même ! Les dieux acceptèrent alors de prendre une décision exceptionnelle : pendant six mois, Dumuzi demeurera aux Enfers, et pendant les six autres mois, sa sœur Geshtinanna, qui s’est portée volontaire, prendra sa place. C’est ce qui explique que chaque année, pendant six mois, la terre se dessèche et rien ne pousse. Pendant les six mois où Dumuzi revient sur terre et où Geshtinanna occupe sa place aux Enfers, la végétation repart. Ce cycle de mort hivernale et de résurrection printanière rappelle évidemment les mythes de Déméter et Perséphone chez les Grecs et d’Isis et d’Osiris chez les Égyptiens.
Gabriel Schmit, dit Papa Ours y