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Ceci est un article explicitement inutile

Ceci est un article explicitement inutileA A

Éloge du rien

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Ceci est un article inutile. Ceci est un article tout simplement vide. Ceci est un genre de ballon de baudruche, plein de vide, plein d’hélium, mais qui a la prétention de vouloir retenir ton attention quelques instants, cher lecteur. Je fais le pari, sous tes yeux ébahis, que tu vas tenir la lecture de ces mille mots. Je te devine, de l’autre côté du papier, rire en ton for intérieur, arguer que l’on ne t’y prendra pas, que mille mots c’est long, que les yeux se fatiguent et que les

Ztextes privés de sens agacent (ah, ce plaisir de l’allitération gratuite). Et pourtant, as-tu seulement deviné, cher lecteur, que nous sommes déjà tous les deux à 127 mots ? A un dixième du voyage ? Que tu as déjà lu un peu plus de 10% de ce petit article inutile mais mignon, qui pointe le bout de son nez sans savoir pourquoi ? Les mots emportent, le courant est trop fort, et tu te laisses bercer. Hé oui, voici un article pour RIEN, un article gratuit, un article totalement sans sens ni direction, mais qui est juste heureux d’exister et de t’adresser un amical bonjour, une chaleureuse petite poignée de mains dans une presse où tout est rationalisé, et où chaque petite place, même la plus minuscule, est dévolue à une brève, une image, une source, une toute petite info de bas de page… Voici l’avènement du rien total, qui ne cherche pas de justification, mais qui aime juste bien l’idée de ne parler que de vide, explicitement, d’être un article qui s’amuse un peu, qui se balade, qui se perd, qui ne tient pas d’autre fil d’Ariane que celui de son bon plaisir. Un article pour permettre aux caractères typographiques de se détendre, de s’étirer au soleil, de faire la grasse matinée très tranquillement, un article comme du sable dans les chaussures, que l’on garde pour se rappeler les jours de soleil, par pur plaisir inutile, par gratuité, par miséricorde envers la poussière. Un article de vacances pour ces heures d’automne et de rentrée, somme toute. Un article vide et fier de l’être.AA 5

Après tout, le pain est meilleur avec des petites bulles de vide, des petites bulles d’air qui clapotent dans la chaleur du four. Un jourA A nal, nourriture de l’esprit, est donc forcément meilleur s’il a ses petits blancs, ses petits vides, ses petites respirations ponctuées d’inutilité totale, ses petits riens intersidéraux intercalés entre ses colonnes de textes tutélaires et ses illustrations (l’analogie vaut ce qu’elle vaut, un peu d’indulgence ô lecteur, voici que les cloches dans le lointain sonnent soudainement midi, et mon estomac en berne malaxe sa vide tristesse (je vais arrêter là la synchyse par peur de te perdre dans un dédale méandreux de parenthèses partant en thèses)). Pardon pour ces petites parenthèses incongrues, j’affectionne particulièrement la digression encadrée de ( et de ), un jour je sais

Zque j’écrirai la plus longue du monde. Mais, comme dirait Kipling, ceci est une autre histoire. Revenons plutôt à nos moutons, à notre sujet, à l’acmé de l’incroyable, j’ai nommé… rien. Le rien intersidéral. Et là, cher lecteur, désolée de décevoir ainsi tes prétentions, désolée de briser ton rêve de toute-puissance littéraire, mais je dois t’informer que nous avons actuellement franchi la barre des cinq cents mots sans que tu l’aies peut-être remarqué. Déjà. Je vois mes doigts défiler et frapper les touches, je vois le compteur de mots Word en orgasme, en train de s’affoler comme un petit cœur qui bat, quoi, non, déjà, comment cela est-il possible, six cents mots ? Six cents mots pour rien ? Lecteur, je ne sais, qui de toi ou de moi, est le plus surpris. L’exploit prend forme sous tes yeux ébahis. Un article de vide, un pauvre ballon de baudruche bien gonflé que, depuis tout à l’heure, tu ne lâches pas des yeux, est en train de prendre son envol. Un article pour rien, et tous ces caractères déjà, tous ces petits mots accrochés à la page inutiles, qui se bronzent au soleil de ton regard, avant de s’atteler à un sujet plus sérieux. L’astérisque m’informe à l’instant même qu’elle a envie de se reposer un peu de son emploi pointilleux de petite note que personne ne lit, elle est fatiguée de ne pas se faire respecter et me demande donc la permission de se reposer un peu dans mon article, pas en indice mais en caractère à part entière. Viens, ma petite belle, A 6 A

voilà un petit nid pour toi au milieu de tout ce vide, au cœur du ballon de baudruche, pour t’envoler un peu : *. Lecteur, si tu voyais ce que A A je vois. Et les mots, les mots qui défilent avec toujours cette vélocité incroyable, je crois que nous approchons doucement du... ET C’EST

PRESQUE LE BUT ! Huit cent six mots. J’en perds le latin que je n’ai jamais eu, c’est trop beau pour être vrai, c’est trop beau pour être vide. Mon article prend forme, mon article s’étale sur la page comme le Nutella sur mon pain : j’ai beau appeler ma raison au secours, rien n’y fait, elle constate l’œuvre qui se bâtit, la lorgne du bout de l’œil, ne sait pas trop quoi faire de ce qui défie à ce point ses lois. Un petit bout de rien suspendu aux basques d’un journal, un petit bout de rien qui s’étire inlassablement, un tout petit bout de rien qui touche les étoiles.

ZJe souris quelque peu à la pensée que le rien, le vide absolu, enrobe les objets astronomiques, enrobe notre belle petite planète bleue. J’ai tissé un article avec les fils du cosmos, avec des envolées lyriques assez malheureuses que tu veilleras à me pardonner, cher lecteur, mais qui font tout le sel de l’exercice. Je sens mon estomac, tout plein de rien lui aussi, crier famine de manière de plus en plus explicite, je te laisse donc ici, lecteur attentif, et clos ce petit exercice de style sur mon tendre millième mot. Marie Vuillemin

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