Sommaire Edito.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .3 Art, antique et handicap.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4-7 A quel personnage historique vous identifiez-vous le plus.. . . . . . . . . . . . .8-9 Petite plongee dans les bizarreries du Larousse 1927.. . . . . . . . . . . . . . . . . .10-12 Les anciens astronautes, createurs de notre passe.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13-16 Souvenirs.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .17-20 Test : quelle oeuvre archeologique es-tu.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21-23 Au matin du monde.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24-27. Dodge : un blason tres explicite.. ou pas.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28-30 Credits.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .31
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On ne voulait pas faire la blague «c’était mieux avant», mais bon c’était quand même mieux avant le Covid. Du coup, nous vous proposons un retour dans le passé que ce soit les années 1970, les années 1930, l’Antiquité ou juste le mois dernier, avant que tu ne quittes ton cher et tendre. Et pour atteindre cet objectif, on n’y va pas de main morte ! C’est à coup de recettes antiques et de redécouvertes sur notre passé que nous y allons (oui, oui, les aliens ont bien quelque chose à voir dans cette histoire). Il nous fallait bien une aide précieuse pour accomplir notre mission alors nous avons fait appel à deux spécialistes du passé : l’Archéo’club et le Défilé de l’Histoire (dont vous trouverez l’interview exclusive sur le site, il semble qu’ils aient quelque chose à vous annoncer !). Quoi d’autre ? Essayons d’éviter le trou de mémoire … L’hiver étant assurément très doux chez nous, nous vous amenons un peu de fraîcheur avec des légendes nordiques de l’origine du monde ! Puis pour continuer notre tournée européenne, laissez vous guider dans le merveilleux monde de l’héraldique hongroise et ses … castrateurs de chevaux. Nous laissons cette image s’imprimer comme un cliché d’HGA dans votre tête … D’ailleurs, en parlant de cliché, pourquoi ne pas tenter, de retour à Paris, de remonter dans le temps en photographie ? Ou même en feuilletant le dictionnaire, qui sait ? Bon voyage, chers lectrices et lecteurs !
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Raphaël Vaubourdolle et Tyfenn Le Roux
Louvr’Boîte Douzième année N° 59. 0,50€ Directeur de publication : Raphaël Vaubourdolle Rédactrice en chef : Tyfenn Le Roux Responsable communication : Jeanne Spriet Maquette : Inès Amrani, Raphaël Vaubourdolle, Gabriel Barnagaud, Sarah-Lisa Schuller, Mélissande Dubos, Lilou Feuilloley Couverture : Mélissande Dubos Ont contribué à ce numéro : Camille Adjalian, Inès Amrani, Anne Aumont, Gabriel Barnagaud, Clémentine Bolle, Cassandre Bretaudeau, Eloïse Briand, Elsa Clairay, Mathilde Clouët, Chloé-Alizée Clément, Mélissande Dubos, Eve Elmassian, Lilou Feuilloley, Flora Fief, Laureen Gressé-Denois, Gwladys Jolivet, Olga Kolobov, Aure Lapierre-Re-
nard, Tyfenn Le Roux, Jana Osman, Raphaël Papion, Sofia Pauliac, Gabriel Schmidt, Sarah-Lisa Schuller, Jeanne Spriet, Matteo Vassout, Raphaël Vaubourdolle, Marie-Sarah Vuillemin, Angéline Wiard École du Louvre, Bureau des élèves, Porte Jaujard, Place du Carrousel, 75038 PARIS CEDEX 01. louvrboite.fr Courriel : journaledl@gmail.com Facebook : fb.com/louvrboite Twitter : @louvrboite Instagram : @louvrboite
ISSN 1969-9611. Imprimé sur les presses de l’École du Louvre (France). Sauf mention contraire, ©Louvr’Boîte et ses auteurs.
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Art antique et Handicap Le terme «handicap» vient de l’anglais «hand in cap» (littéralement, «la main dans le chapeau») et désigne une pratique des courses hippiques autour de 1754. A l’époque on désavantageait les favoris (en leur bloquant un bras par exemple) afin de rééquilibrer la course. Pourtant en traversant la mer et les années, le terme a évolué pour finalement qualifier les personnes désavantagées par le système en place. Selon les termes de l’OMS : «constitue un handicap, toute limitation d’activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d’une altération substantielle, durable ou définitive d’une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives, psychiques ou d’un trouble de santé invalidante». Cette définition regroupe donc les maladies invalidantes, les handicaps moteurs, psychiques, mentaux et sensoriels, et se veut universelle. Mais dans l’Antiquité la perception et la considération du handicap varie selon la culture. Quelles sont alors les représentations du handicap dans l’art antique ? La rareté des sources me contraint malheureusement à me concentrer sur trois zones culturelles autour de la Méditerranée : la Mésopotamie, le monde gréco-romain et l’Égypte. Commençons par la Mésopotamie. Le handicap, l’infirmité ou la maladie sont perçus comme des punitions d’origine divine à l’encontre d’un individu. Par exemple l’épilepsie est appelée «Main de Sâmash» (divinité du Soleil et de la Justice). Une tablette écrite en cunéiforme et datant de 2 800 avant J.C. fait état de «monstres». Les enfants présentant des difformités ou infirmités sont tués dès la naissance, aussi le handicap n’est pas représenté dans l’art, ni présent dans la mythologie. La médecine est présente mais ne traite que les maladies, bien que des études aient été réalisées sur les troubles mentaux. Les tablettes sont donc les seuls témoignages.
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Dans la Grèce et dans la Rome antique les enfants présentant des différences physiques sont interprétés comme une mise en garde à l’encontre d’une population. Ils sont alors exposés (abandonnés sur un site élevé, dans la nature) afin de calmer la colère des dieux. Dans l’art, le citoyen grec ou romain doit adopter une musculature esthétique ou des traits juvéniles, la femme quant à elle est dissimulée par son chiton, ou bien nue et sensuelle. L’imperfection n’a pas sa place. Mens sana in corpore sano. Seuls les mutilés de guerre sont pris en charge par la cité, en remerciement pour leur bravoure. Alors pour trouver des traces d’altération physique il faut se tourner du côté des mythes : Commençons par parler cécité avec Tirésias et Phinée. Tirésias perd l’usage de la vue lorsqu’il surprend Athéna au bain. Celle-ci décide alors de lui offrir un don : celui de comprendre le langage des oiseaux, afin qu’ils puissent le guider. Il deviendra devin à Thèbes et répondra aux questions d’Oedipe, luimême exposé à la naissance en raison de son pied difforme et qui se crèvera les yeux après avoir découvert son parricide et son inceste. Si pour Tirésias c’est sa cécité qui lui apporte le don de voyance, Phinée, devin romain, est au contraire rendu aveugle par les dieux pour avoir délivré des prédictions à tout va. Ils ne sont cependant pas représentés dans l’art. Ensuite certains personnages présentent un handicap moteur. Si les dieux doivent incarner la perfection et l’idéal, il en est un qui déroge à la règle : Héphaïstos. Né difforme ou non, Héra (ou Zeus selon les versions) le jette du haut de l’Olympe. On ne s’étonnera donc pas de le voir décrit comme «boitant» ou représenté assis sur un rocher comme sur le cratère en calice des Niobides du Musée du Louvre, la station debout lui étant pénible (enfin lorsqu’il ne forge pas des armes olympiennes). Côté mortels, je suis tombée sur un cas intéressant. Pélops, fils de Tantale, se fait découper et rôtir par son père qui souhaite entourlouper les dieux. En voyant le repas que Tantale leur amène, ils se rendent immédiatement compte de l’atrocité, excepté Déméter qui, toujours éprouvée par la disparition de sa fille Perséphone, avale un morceau de l’épaule. Les dieux rendent alors la vie à Pélops et remplacent l’épaule croquée par de l’ivoire : et voilà, la première prothèse était née. Kylix du peintre de la fronderie: Héphaistos remettant les armes à Thétis -Berlin
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L’Egypte quant à elle est sans doute la civilisation au sein de laquelle le handicap physique a le plus été représenté. En effet, contrairement à de nombreuses civilisations, «l’infirme» est intégré à la société et peut même exercer de hautes fonctions. De plus, les règles de convention souhaitant représenter le plus de détails possible, ainsi que la grande individualisation dont témoignent les portraits royaux et privés, contribuent à la présence de corps et de handicaps divers. Si le sujet vous intéresse je vous invite à étudier la thèse de M2 de Bénédicte Lhoyer qui m’a été d’une aide précieuse pour la rédaction de ce qui va suivre, qui n’est qu’un échantillon de toutes les représentations. Pour commencer, plusieurs hauts fonctionnaires de l’Ancien Empire sont atteints de nanisme, comme l’attestent la statue de Seneb aux côtés de son épouse et de ses enfants, ou encore le sarcophage de Djeho. Ensuite on retrouve des handicaps liés à différentes maladies : hyperlipodystrophie de la reine de Pount, ou encore la poliomyélite du prêtre Ruma, visible sur sa stèle. Je ne pouvais pas terminer cette partie sur l’Egypte sans mentionner les représentations de musiciens aveugles, issus de la traduction du “Chant du harpiste”, un texte poétique recouvrant un mur d’une tombe telle que celle de Nakht au Nouvel Empire ...
Sarcophage de Djeho -Caire
Harpiste aveugle de la tombe de Nakht -Thèbes
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Les différentes formes de handicap, dans les rares cas où elles sont tolérées, ne sont donc pas représentées à la même fréquence. Aujourd’hui encore les représentations d’individus en situation de handicap dans l’art et la culture sont rares et ne prennent en compte bien souvent que des handicaps dits visibles (une personne à mobilité réduite par exemple), tandis que les personnes atteintes de surdité ou de handicaps mentaux ont encore moins de visibilité. Ces rares représentations dans l’art et la culture témoignent en réalité du manque d’intégration des personnes en situation de handicap et de leur diversité dans la société, ou plutôt du manque d’adaptabilité de la société, et ce encore aujourd’hui. Lilou Feuilloley Sources : • site de l’OMS • cours d’histoire de la médecine de Première Année de PASS • cours d’histoire général de l’Art Egyptien de Jean-Luc Bovot • Les Altérations corporelles dans l'image à l'Ancien Empire,Thèse de M2 de Bénédicte Lhoyer
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0 ? Laureen : Marguerite de Valois-Angoulême. Soeur de François Ier, aussi déterminée que cultivée et protectrice, elle était surnommée la «dixième muse», en grande mécène d’artistes.
A quel personnage hi fiez-vous
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Jeanne - Presq George Sa détrônab rien que
Marie : Helen Keller ! Écrire un livre, créer une fondation, intégrer Harvard, rencontrer JFK, voyager jusqu’à Hiroshima et monter sur un chameau quand on est sourde et aveugle, c’est quand même la grande classe.
1w Raphaël P. : Régis, Max, Rex,..... que de noms pour celui qui n’en a donné aucun, je veux bien évidemment parler de Jean Moulin, le Carnot de la Résistance. Un homme, attaché à un idéal, à des convictions et qui en paya le prix fort. C’est simple, aux définitions de «bravoure» et «courage», on peut y trouver sa photo !!!
Éloïse : Brunehaut. Ça, c’est une vraie reine mérovingienne qui a pris le pouvoir, véritable actrice de la faide royale. Bon elle a fini écartelée mais on peut pas tout réussir dans la vie. Ça fait partie des risques du métier.
- Le choix de la rédac’
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istorique vous identis le plus ?
: Non… pas Jeanne. que - en tous points, and reste, je pense, inble. Et en l’occurrence, pour les invité.e.s à sa table.
Raphaël V. : François Athanase Charette de la Contrie ! Grand général des Vendéens pendant l’insurrection de l’Ouest, il s’est battu pour ses idées et est mort dans l’honneur (il est même loué par Napoléon himself !). Et surtout il a une devise beaucoup trop classe : “Combattu : souvent. Battu : parfois. Abattu : jamais.” !
b> Tyfenn : Mon kinder bueno pourri, ce moment historique où même le distributeur de la cafét’ m’a déçu.
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Flora : Marie-Antoinette, moi aussi, je n’ai pas trouvé la laiterie de Rambouillet au top.
Cassandre B. : Ronsard assurément. (Eh oui je change de sexe mais qui m’en voudra ?) Un grand maître de la poésie qui a osé donner ses lettres de noblesse à la langue française.
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))))))))))))))))) Petite plongée dans les bizarreries du Larousse 1937
Le dictionnaire. Voilà bien ce qui semble être, à l’instar de l’Académie Française et de la choucroute au riesling, une institution immuable. Nom masculin ou féminin, prononciation, définition, exemples. Si j’accole à ce terme l’année 1937, je vous sais en train d’imaginer de petits académiciens poussiéreux, à moustaches et besicles, s’esquintant à la tâche philosophique, pressurant le jus du mot pour en faire sourdre quelques gouttes d’essentiel.
Et pourtant, les rédacteurs du Larousse 1937 étaient de fieffés personnages. Car, si la norme est aujourd’hui de proposer des définitions totalement neutres, notre exemplaire est au contraire un sacré florilège de clashs cuisants, d’avis bien tranchés et d’éloges tous plus lyriques les uns que les autres.
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Un petit exemple ? L’Émile de Rousseau, « avec beaucoup de sophismes, recèle des idées utiles sur les exercices physiques ». Si un troisième confinement se profile, vous saurez où trouver de l’inspiration pour le sport à la maison. Eugène Sue, quant à lui, écrit des « œuvres d’un style souvent lâché, mais d’une grande puissance d'imagination ». Certains n’ont guère l’honneur de la nuance : Cléopâtre n’est ainsi qu’une « reine d'Égypte célèbre par sa beauté ». Quant à Pierre Curie, vu la tête tirée par notre bonhomme, il semble quelque peu contrarié que Marie ait juste été indiquée comme « sa femme ». J’ai vérifié pour vous, « féminisme » figure dans ce dictionnaire.
))))))))))))))))) Les clashs sont aussi disséminés parmi les noms communs : vous apprendrez ainsi que le spleen n’est qu’une « maladie hypocondriaque ». Quant au kiwi, ce sublime petit oiseau est dénommé aptéryx et ne possède que « des rudiments d’ailes ».
Retourner aux noms propres nous permet néanmoins de trouver les plus grosses pépites : la palme du clash est ainsi décernée sans conteste au rédacteur de la notice sur Georges de Scudéry. Notre bon monsieur est en effet décrit comme d’un « caractère de matamore, écrivain hâtif et précieux, auteur de l’épopée d’Alaric, ridiculisée par Boileau ». Notre rédacteur haut en couleur reconnaît infiniment plus de talent à sa sœur, Madeleine de Scudéry, qui a peu à peu effacé son frère de notre mémoire à tous.
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J’ai ici une transition toute trouvée pour vous faire naviguer du côté des oubliés de la postérité, de ces individus qui ont eu le malheur de se faire quelque peu écraser par un homonyme aujourd’hui plus célèbre, mais qui avaient encore leur petite place bien chaude en 1937. Nous pourrions ainsi citer Victorien Sardou, à qui nous envoyons une petite pensée, auteur de pièces de théâtre aux noms vendeurs de rêve tels que Les pattes de mouche ou Madame sans-gêne. J’aimerais ici rendre un petit hommage à un test publié récemment sur le site du LB en évoquant également Dominique-René Vandamme, général dont la page sur www.senat.fr est riche et instructive, et dont ce dictionnaire ne retient que la détention après le désastre militaire de Kulm. Clash discret mais efficace.
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))))))))))))))))) Nous retiendrons, en contraste, la pudeur avec laquelle est évoquée la mort de notre cher Charles VIII, qui « mourut à Amboise, des suites d’un coup qu’il se donna à la tête » (comprenez : il se prit un linteau de porte un peu trop bas).
Il serait malhonnête d’oublier les éloges qui fourmillent également dans ces pages, et virent parfois à des déclarations d’amour quelque peu groupies. Voici l’entrée dédiée à Voltaire : « nul écrivain ne fut plus français par la limpidité, l’élégance, la précision spirituelle et la pureté du style ». Nous disions neutralité. Le sommet se trouve sans doute en F, comme La Fontaine : « Nul n’a en effet retrouvé ailleurs cette grâce exquise
[...], cette naïveté piquante, ce naturel et cette simplicité unis à un art si parfait [...], ce bon sens supérieur, cette candeur charmante avec laquelle il fait parler et agir ses personnages. » Oui, il y a bien
quelques coupes.
Je ne saurais conclure cet article sans souligner que nous sommes
tous dans ce dictionnaire. Si si, nous avons notre petite part, entre Voltaire et Rousseau.
« École du Louvre, à Paris. Cours libres d’histoire et d’archéologie. 3 années d’étude. » L’École des Chartes est également mentionnée. Mais avec une mention entre parenthèses qui fera sans doute sourire les promotions actuelles, et que je me devais de partager : « jeunes filles admises ».
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Marie Vuillemin
Les anciens astronautes, créateurs de notre passé Les êtres humains sont fascinants et possèdent aussi beaucoup trop d’imagination. C’est un bien l’imagination oui, je plains les individus qui n’en possèdent que trop peu, ce n’est pas pratique pour se raconter des histoires le soir pour s’endormir. Mais il faut dire que parfois, certains vont beaucoup trop loin, et oui je parle bien des complotistes. Entre ceux qui sont persuadés que la terre est plate et ceux qui pensent que le vaccin contre la covid contient une puce pour nous tracer grâce à la 5G... Ces gens sont fascinants, vraiment. Sur ce numéro Passé, je vais aborder les théories qui constituent notre passé (merci captain obvious). Je suppose que vous n’êtes pas étranger à la théorie des anciens astronautes et à cette magnifique émission qu’est Alien Theory. Mais si, vous savez, sur les chaînes de type RMC Découverte entre Eustache qui essaie de survivre seul en Alaska en combattant des ours et Monster Rivers, un mec qui chasse des crocodiles et des barracudas à la pêche à la ligne. Hum hum… bref passons, en tant qu’étudiants en histoire de l’art et par extension passionnés d’Histoire ce genre de bêtises nous font hérisser les poils. Personnellement j’aime bien regarder Alien Theory pour me détendre et rigoler un coup. C’est vrai oui la ville de Mohenjo-Daro fut détruite par une explosion nucléaire et Garuda, la fidèle monture de Vishnu est le fruit de radiations causées par les extra-terrestres ou un avion de chasse. Bon... Voilà de quoi remettre en cause les cours de Thierry Zéphir.
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Mais qu’est ce que la théorie des anciens astronautes ? Pour faire simple, il s’agit d’une théorie qui existe déjà depuis plusieurs décennies. Les adeptes de cette théorie affirment que toutes les anciennes civilisations, des peuples précolombiens aux Égyptiens en passant par l’Inde ancienne, ont reçu les prémices de leur technologie grâce à des aliens. Selon eux, les anciens astronautes sont un peuple extra-terrestre venu en aide sur Terre pour construire les pyramides. Visiblement, le peuple égyptien n’était pas assez intelligent pour construire des complexes funéraires pour ses souverains. Déso pas déso Imotep, tu n’as aucun mérite, c’est les aliens qui t’ont tout appris. La théorie des anciens astronautes prend de l’ampleur en 1968 quand Erich von Däniken publie Erinnerungen an die Zukunft, Ungelöste Rätsel der Vergangenheit. Alors je ne parle pas allemand mais grâce à Internet cela veut dire « mémoires du futur, mystères non résolus du passé ». Depuis, il existe une réelle base solide d’adeptes. C’est légèrement flippant, et selon eux, les historiens et archéologues sont des charlatans, qui cachent la vérité au commun des mortels. D’après les complotistes, toutes les divinités des anciens panthéons seraient en réalité les anciens astronautes qui, pourvus d’une technologie plus avancée, seraient vus comme des êtres suprêmes par les populations humaines. Un rien est prétexte à la surinterprétation. Pourtant à l’école on nous apprend que c’est dangereux la surinterprétation, cela ne mène généralement à rien mais bon…
Mais bref, Garuda sera la victime de mutations radioactives ce qui expliquerait son aspect terrifiant. D’un autre côté, il pourrait s’agir d’une mauvaise interprétation de la part des populations indiennes.
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Il s’agirait d’un avion, une sorte de bombardier (ce qui expliquerait l’explosion nucléaire…). C’est vrai quoi, il vole tel un oiseau et son réacteur peut faire penser à un cracheur de feu. Il font aussi le lien avec les dragons chinois cracheurs de feu… Bon, faites-en ce que vous en voulez. Autre exemple assez drôle (il vaut mieux en rire qu’en pleurer non ?). Les adeptes de la théorie des anciens astronautes font des liens entre les civilisations maya et d’Extrême-Orient. Oui oui oui. Vous avez bien entendu, alors qu’il y a un océan entier entre les deux. Comment ont-ils pu extrapoler de la sorte me dites-vous ? Haaaa simple, sur un relief maya, ils ont cru (non, ils en sont persuadés) reconnaître des éléphants et des dragons qui font penser aux dragons chinois… bon, il est connu que l’art de ces régions peut être plus ou moins abstrait et que l’on peut aisément ne pas saisir l’animal ou la créature représentée. Ou alors il peut s’agir d’un heureux hasard ! Allons bon… apparemment l’Extrême Orient et la Mésoamérique auraient été en contact grâce à des machines volantes.
Autre exemple et pas des moindres, les pyramides. Haaaa vous l’attendiez celle-là ! Je vais faire bref mais selon eux, les pyramides de Giza seraient liées aux pyramides du site de Teotihuacan (notez qu’ils adorent la Mésoamérique et le sous-continent indien, allez savoir pourquoi). Pour faire simple, les pyramides auraient été construites par les mêmes individus (alors qu’il y a genre 2000 ans entre les deux constructions mais passons) et que celles-ci seraient des sortes de générateurs de rayons micro-ondes pour alimenter un vaisseau dans l’espace… je n’ai pas tout compris je ne vais pas vous mentir.
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Ce qui est vraiment effrayant, c’est que ces théories affirment que les anciennes civilisations dans toutes les régions du monde sont incapables de construire de vastes complexes urbains, de grands temples parfaitement harmonisés, etc. De même, ces semblables peuples n’auraient pas eu l’intelligence d’imaginer leurs riches cosmogonies et par extension leur art. Toutes ces brillantes civilisations n’auraient absolument aucun mérite, toute leur magnificence reposerait sur des éléments extérieurs, des aliens. On a chez ces pseudo-experts une forme de déni, toutes ces productions telles les hiéroglyphes des obélisques de Karnak ne pouvaient pas être taillées avec des outils simples mais avec une machine. Je vous laisse réfléchir à ce sujet, il y a de quoi faire, vraiment. Éloïse B
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Souvenirs Il y a de cela quelques semaines, j’ai retrouvé dans mon grenier quelques photos du Paris de ma jeunesse. A peine eus-je le temps de dépoussiérer les photos qu’une délicate odeur de souvenirs traversa mon esprit, une poignée de pensées du passé revinrent alors à ma mémoire. Laissez-moi vous emmener avec moi dans le Paris de mes jeunes années. Ah Paris, vieille capitale d’un vieux pays qu’est la France, une histoire digne des plus grandes épopées, cette ville a tout connu, la richesse, la gloire des soldats de 14 enfin revenus après quatre ans de guerre, où chaque famille perdit un membre... Paris c’est aussi un souvenir d’humiliation, lorsqu’en 40, l’ennemi se retrouve à nos portes… Paris enfin, c’est une ville libérée, dont la grandeur artistique n’a plus rien à prouver ; Paris a toujours été un foyer culturel foisonnant, mais voici comment je l’ai connu. Par un temps de décembre, sans doute semblable à celui-ci, je monte dans la capitale pour la première fois. Dès lors mon premier souvenir est celui d’une ville qui ne dort que très peu voire pas du tout, je me revois avec des yeux d’enfants illuminés devant la tour Eiffel, symbole de Paris. Ce monument me fascinera toujours ; longtemps décriée par une presse réactionnaire et ovationnée par une série d’ingénieurs de talent, cette tour est fascinante !!! Elle est le point culminant du tout-Paris, son phare, éclairant à des kilomètres, nous annonce sa présence et nous montre toute l’étendue de sa grandeur. Et que dire d’elle la nuit…. un monument se parant de sa plus belle teinte : le jaune-orangé ; lorsque que le Soleil se couche, c’est la tour Eiffel qui éclaire les Parisiens comme elle éclairait le monde en des temps plus illustres.
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Et lorsqu’elle se met à scintiller, une galaxie d’étoiles se crée sous nos yeux. Le monde s’arrête alors pour laisser place à notre imagination, ces quelques minutes suffisent à nous transporter dans un monde lointain où l’innovation technique se mêle à la légende. Je me souviens d’un petit manège, aux pieds de cette grande dame de fer, où mon père m’emmenait souvent, j’espère que ce manège ravira encore de nombreux enfants. Mes yeux deviennent humides, je décide de passer à une autre photo et pas n’importe laquelle, celle du Sacré-Cœur…. J’ai accumulé tant de souvenirs à Montmartre, les plus marquants furent les plus simples… Toujours avec mon père, je nous revois aux terrasses d’un café les dimanches matin, lui avec son café au lait et moi avec mon chocolat, j’hume encore cette odeur aujourd’hui…. Bien évidemment, de Montmartre, je garde aussi le souvenir intarissable de la Basilique. Ce que je retiens surtout ; c’est la blancheur des pierres faisant contraste avec le bleu azur du ciel. Le bâtiment en lui-même semble être saint, comme une part de sacralité s’élevant au milieu de l’espace urbain toujours fourmillant. Ce havre de paix contraste justement avec une certaine barbarie urbaine s’étalant de plus en plus et allant toujours plus vite. Bien sûr, il faut de l’évolution et de l’innovation mais cette basilique nous rappelle que le calme est l’une des premières vertus qu’il faut savoir acquérir… Restons dans le recueillement, voici à présent la photo du monument qui m’a le plus marqué étant jeune : le Panthéon. Bâti sur la montagne Sainte-Geneviève, trônant fièrement parmi les méandres des rues haussmanniennes et le tumulte parisien tel un berger guidant ses moutons. Il nous éclaire de son prestige et nous rappelle à quel point notre passé est glorieux. Ma première visite eut lieu lorsque je devais avoir aux alentours de 8-10 ans, les souvenirs ne sont, hélas, pas toujours clairs … Je n compris pas tout de suite que ce lieu était chargé d’histoire, pour moi c’était un monument religieux comme il pouvait y en avoir tant d’autres dans la ville.
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C’est en y revenant, quelques années plus tard, que je compris toute la symbolique du bâtiment. Comme le Panthéon de Rome, celui de Paris est aussi chargé d’histoire ; c’est avec une certaine pensée émue que je me revois arpenter, seul, les différents couloirs de la crypte. A force de visites, les noms à côté des portes des caveaux étaient devenus familiers voire même intimes. Je me revois chercher, avec difficulté, le caveau de Jean Moulin avec son terrible cortège, celui de Victor Hugo avec ses Misérables, et les cendres de Jaurès veillées par la justice… Je fais le tri dans mes photos et m’aperçois que certaines sont très abîmées et illisibles, triste perte d’une partie de moi-même dans le monde de limbes qu’est ma mémoire. Au hasard de quelques cahiers enfouis dans de vieux cartons, j’ai trouvé une photo bien intéressante, elle est pleine de poussière. Cette photo, c’est l’une de mes premières, elle ne montre pas un monument mais des ruelles avec un escalier. Cette artère de Paris dégage quelque chose d’étrange, presque d’intemporel, on s’y sent figé comme dans un roman d’Eugène Sue. Cette représentation de la capitale pourrait être un véritable décor de film historique où se mélangent l’intime, l’exaltation romanesque urbaine et une délicate odeur de souvenir batifolant joyeusement dans une mémoire collective prompte à la résurrection d’une histoire commune. Je me souviens encore du lieu de cette photographie, un renfoncement de la rue Monge, j’espère que l’endroit n’a pas changé… Voici à présent la dernière photographie que j’ai pu retrouver, elle nous montre ce qui est peut-être l’un des symboles les plus connus de la Ville Lumière. Je veux bien évidemment parler de la pyramide du Louvre. Cette véritable prouesse technique mélange le passé par sa forme pyramidale
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et par son emplacement dans la cour Napoléon et la modernité par le choix du matériau utilisé : le verre. La pyramide, véritable dernière Merveille du Monde encore debout, elle symbolise plus qu’un pays, elle symbolise fièrement la culture antique passée. Au même titre que le temple grec, la pyramide s’inscrit dans la lignée de notre histoire commune. Finalement à travers quelques photos souvenirs, on trouve non seulement du passé dans une ville aussi moderne que Paris, mais aussi au sein de nous-mêmes. Ce qui nous forge, c’est l’expérience. Ce qui nous anime, c’est nos souvenirs. Raphaël P.
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TEST : QUELLE ŒUVRE ARCHEOLOGIQUE ES-TU ?
Question 1 : Tu fais un petit tour au Louvre pour te détendre, tu vas plutôt : a- Section archéologie grecque et romaine pour admirer la perfection de ces corps d’un blanc immaculé b- En section archéologie orientale, vraiment le lion de Mari il est trop meu-gnon ! c- En section archéologie égyptienne pour parfaire ta lecture déjà irréprochable des hiéroglyphes. d- Le Louvre ? C’est trop mainstream, direction Guimet ! Question 2 : Le plus beau compliment qu’on puisse te faire : a- Sur ton physique de dieu/déesse antique. b- Tu acceptes tous les compliments qui viennent à toi sans distinction, ça fait toujours plaisir ! c- Sur ton intelligence et ta culture personnelle. Bah quoi ? Tout le monde devrait savoir qui est Puzur Inshushinak, franchement. d- Sur ta gentillesse et ta générosité sans borne comparable à celle des profs qui mettent leurs diapos sur l’extranet :3
Question 3 : Aux soirées du BDE (qu’on reverra un jour si Asclépios le veut), tu es plutôt du genre à : a- Danser et te lâcher sur la piste jusqu’au bout de la nuit tel le shiva dansant et son nombre incalculable de jambes. b- Boire un verre tranquillement (avec modération, bien sûr) avec les gens que tu connais bien. c- En profiter un peu mais pas trop longtemps quand même, tu as interro en TDO demain matin. d- Commencer la soirée timidement puis, au fil des verres, te laisser entraîner au bout de la nuit avec (qui ça ? qui ça ?) les démons de minuit.
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Question 4 : Examens réussis en poche, tu décides de faire un chantier de fouilles cet été. Sur place, tu es plutôt du genre à : a- Regretter d’être venu pour un mois et demi. Finalement, ce n’est pas trop ton truc, les trous de poteaux. Tu aurais mieux fait d’accepter l’invitation de ta pote à venir t’éclater à La Rochelle. b- Ne pas trop oser te montrer. Tu ne connais personne ici. Tu écoutes ce qu’on te dit et tu exécutes en toute discrétion. c- Arriver avec ton attirail de truelles en poche. Les chantiers, ça te connaît, et tu sais exactement ce que tu dois faire. d- Allier avec habilité le sérieux et le fun. Travailler, oui, mais on reste en vacances tout de même !
Question 5 : Si tu vivais à Rome sous l’Empire, quel serait ton passe-temps favori ? a- Les orgies, quelle question ! Les soirées mondaines, haha, ouais, c’est ce que je voulais dire. b- Les arènes. Ce n’est pas ce que tu préfères, mais tout le monde y va, alors bon... c- Les joutes d’éloquence au forum : c’est vraiment pa-ssio-nant d’entendre tous ces vieux barbus débattre ! d- Te détendre aux latrines aux thermes avec tes plus proches amis. Le chauffage par hypocauste, c’est vraiment un petit bijou de technologie ! Question 6 : Tu frottes une lampe dans le grenier de ta grand-mère et un génie apparait. Il t’offre la possibilité de parler avec ton idole. Qui demandes-tu à voir ? a- Cléopâtre. Tu veux savoir si cette femme était aussi belle qu’on le dit, et si oui, quels sont ses secrets. b- Comment choisir ? Tout le monde est intéressant ! c- Buddha. Il est plus que nécessaire pour toi de trouver le chemin de l’Éveil. d- Tu demandes au génie de choisir à ta place quelqu’un de sympa. Du moment que c’est quelqu’un d’agréable, tout te va.
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Tu as obtenu une majoritÊ de A. Tu es Marcellus. Tu es beau/belle. Tu le sais, tout le monde le sait, alors pourquoi chercher à prÊtendre le contraire ? Ta personnalitÊ extravertie rend les gens à l’aise et dÊsireux d’être ami avec toi. Tu aimes t’Êclater et ce n’est pas un exercice de clichÊ à rendre pour le lendemain qui va t’en empêcher ! Attention tout de même, parce qu’il est coeff 2.
Tu as obtenu une majoritĂŠ de B. Tu es une ĂŠcuelle grossière. CachĂŠe derrière une vitrine dans une salle obscure de la section archĂŠologie orientale, ta timiditĂŠ prend souvent le dessus. Tu manques de confiance en toi, alors qu’en rĂŠalitĂŠ, ceux qui te connaissent vraiment savent Ă quel point tu es un vĂŠritable trĂŠsor. N’aies pas peur de briller et bientĂ´t le conservateur te changera de place pour qu’on t’admire dans la cour Khorsabad B) Tu as obtenu une majoritĂŠ de C. Tu es le scribe accroupi. Sagesse et ĂŠrudition sont tes maĂŽtres mots. De toute façon, on n’a pas passĂŠ ce test probatoire pour se tourner les pouces, pas vrai ? Tu ne vis qu’en travaillant du soir au matin. C’est bien de vouloir impressionner les profs avec ta chronologie connue sur le bout des doigts, mais n’oublie pas de te reposer de temps en temps đ&#x;˜‰ Tu as obtenu une majoritĂŠ de D. Tu es un vase du Jomon flamboyant Fascinant et excentrique Ă l’extĂŠrieur, ton cĹ“ur a pourtant la noblesse et l’humilitĂŠ d’un ami vĂŠritable. ĂŠtre en terre cuite est loin d’être un frein pour toi, c’est mĂŞme une raison de plus pour laisser ta flamme briller !
: Ce jeu vous est proposÊ par l’ArchÊo’Club de l’Ecole du Louvre
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Les Folles histoires de Papa Ours Au matin du monde… « Quand Ymir seul vivait il y a longtemps, Il n’était ni sable ni mer ni vagues houleuses. Il n’y avait ni terre ni ciel au-dessus Mais un gouffre béant sans aucune végétation » Völuspá, Edda poétique
N’avez-vous jamais vu pareille introduction pour une cosmogonie dans l’ensemble des mythologies du monde ? Ce que vous venez de lire ci-dessus n’est autre que la septième strophe de l’un des nombreux poèmes composant la plus ancienne des principales sources sur la mythologie nordique, l’Edda poétique. Il s’agit d’un recueil de poèmes en vers rédigés en vieux norrois et compilés en Islande entre les années 1050 et 1133. Il porte en grande partie sur la théogonie nordique et inclut donc le Völuspá (« Prophétie de la voyante » ou « Dit de la voyante »), un texte à caractère prophétique attribué à la Völva ou « voyante ».
En effet, ce poème cosmogonique et eschatologique prend la forme d'un long monologue où une voyante expose au dieu Odin, en une série de visions riches de détails, l'histoire et le destin du monde, des dieux et des hommes, depuis l'origine du monde jusqu'au Ragnarök qui verra l'avènement d'un renouveau de l'univers. Mon choix pour ce texte n’est aucunement anodin et est intimement lié au thème du passé. En effet, le Völuspá est implicitement divisé en trois parties : le passé (strophes 1 à 18), le présent (strophes 19 à 43) et le futur ou la fin (strophes 44 à 66). Vous venez de découvrir ici les thèmes des prochains numéros, thèmes sur lesquels je vais consacrer un cycle basé sur cette œuvre majeure de la mythologie nordique.
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Ainsi, commençons par le passé… Au commencement n’était que le vide, un vide nommé Ginnungagap, ce qui signifie le gouffre béant, le gouffre immense des origines, porteur de possibilités magiques. Ce néant primordial n’est pas sans nous rappeler le Chaos des mythologies indo-européennes, bien qu’ici ce soit le climat qui joue un rôle prépondérant dans la naissance de l’Univers.
En effet, au nord de ce gouffre se situait Niflheim, le pays du froid, de la glace et des ténèbres, tandis qu’au sud se trouvait Muspellheim, le pays du feu et de la lumière, gardé par le géant de feu Surt. Dans le gouffre coulaient onze rivières empoisonnées venant de Niflheim, sous le nom d’Elivagar, qui prenaient leur source dans à la fontaine Hvergelmir. Le poison contenu dans leurs eaux se condensa et forma une glace épaisse, dont les couches successives s’accumulèrent et stagnèrent dans le Ginnungagap. Quant à la partie sud du gouffre, elle était en permanence balayée par l’air brûlant, les étincelles et les matières en fusion provenant de Muspellheim. Sous l’effet de ces scories brûlantes, la glace commença à fondre et de cette sorte de « printemps » naquit le géant primordial Ymir, et la vache Audumla, symbole de fécondité. Ymir, aussitôt né, s’abreuva des quatre ruisseaux de lait qui coulaient de ses pis. Dans son sommeil, des gouttes de sueur se formèrent sous ses aisselles, d’où naquirent un mâle et une femelle, un couple de géants, tandis qu’un autre géant naissait de ses pieds joints. Tandis qu’Ymir procréait, Audumla était occupée à lécher les blocs de givre et se nourrissait du sel qu’ils contenaient. Or, en léchant ainsi la glace, qui fondait sous sa langue tiède, elle mit au jour d’abord les cheveux, puis la tête, et enfin le corps entier d’un être vivant qui eut pour nom Buri. Celui-ci était, comme Ymir, capable de se reproduire par lui-même et il eut donc un fils, Bor.
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S’accouplant avec Bor, Bestla, une fille d’Ymir, donna le jour aux trois premiers dieux : Odin (divinité de l’Air), Vili (divinité de la Lumière, aussi connu sous le nom de Lódur) et Vé (dieu du Feu, aussi connu sous le nom de Hœnir). Dès lors, deux races coexistèrent : celleTandis des dieux et celle des géants. qu’Ymir procréait, Audumla était occupée à lécher les
blocs de givre et se nourrissait du sel qu’ils contenaient. Or, en léchant ainsi la glace, qui fondait sa langue tiède,dieux, elle mit au jour d’abord On ne sait pour quelle sous raison, les jeunes déclarant le les cheveux, puis la tête, et enfin le corps entier d’un être vivant qui eut début des hostilités, décidèrent de tuer Ymir. Un fleuve de sang pour nomdu Buri. Celui-ci était, comme Ymir,etcapable de seles reproduire s’écoula alors corps du géant primordial noya tous géants par lui-même eut donc un fils, Bor. S’accouplant avecfils Bor,d’Ymir, Bestla, une à peine nés. Deetceil déluge s’échappa cependant un des fille d’Ymir, donna le jour aux trois premiers dieux : Odin (divinité de Begelmir, ainsi que son épouse, permettant ainsi à la race des l’Air), Vili (divinité de la Lumière, aussi connu sous le nom de Lódur) et géants de renaître et de se multiplier. Ce premier meurtre accomVé (dieu du Feu, aussi connu sous le nom de Hœnir). Dès lors, deux races pli, Odin, Vili et Vé entreprirent oeuvre de création. coexistèrent : celle des dieux leur et celle des géants.
Ils traînèrent On ne saitle pour quelle raison, les jeunes dieux, du déclarant le début corps d’Ymir jusqu’au dessus Ginnunhostilités, décidèrent de tuer Ymir. de Unson fleuve de sang gagapdes et utilisèrent les différentes parties corps pours’écoula mode- alors du corps du géant primordial et noya tous les géants à peine nés. De ce ler le monde : de son sang ils firent l’océan, qui acheva de combler délugede s’échappa un deslafils d’Ymir, que son le gouffre, sa chaircependant ils formèrent terre, de Begelmir, ses os lesainsi monépouse, ainsi à la des géants de renaître de se multagnes, de sespermettant dents les pierres etrace les rochers et enfin de sonetcrâne tiplier. Ce premier meurtre accompli, Odin, Vili et Vé entreprirent leur la voûte des cieux. Des sourcils d’Ymir, les dieux firent la mu-raille oeuvre de création. entourant le domaine des dieux et des hommes pour les protéger des attaques des géants. Cette terre s’appelle Midgard, la « Terre du milieu », à mi-chemin entre Niflheim et Muspellheim.
Jusqu’ici, des étincelles provenant de Muspellheim ne cessaient de crépiter dans le ciel. Le soleil et la lune erraient eux sans savoir où se poser. Quand la voûte céleste fut formée, s’interposant entre le soleil et la terre, les dieux décidèrent d’y fixer ces étincelles, qui devinrent les étoiles, ainsi que la lune et le soleil.
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Par la suite, complétant la Création, des larves qui rongeaient le cadavre d’Ymir naquit une autre race, les nains, qui vivent dans les cavernes souterraines, et qui devinrent, selon les désirs et sous la directive des dieux, les spécialistes du travail du métal.
Enfin, un jour, arpentant la grève, les trois premiers dieux, Odin, Vili et Vé, tombèrent sur deux morceaux de bois. L’un était le tronc d’un frêne, et l’autre d’un aulne, desquels ils firent le premier homme et la première femme. Mais ces créatures restèrent froides et inertes, et Odin se pencha donc sur elles pour leur insuffler la vie et leur donner une âme. Vili s’approcha à son tour et leur donna la raison et la liberté de mouvement. Enfin Vé leur donna la parole, l'ouïe et une apparence humaine. Ils appellèrent l’homme Ask et la femme Embla. Leur descendance n’est autre que la race des hommes, destinée à habiter Midgard, la « Terre du milieu ». Ainsi s’acheva la Création…
Gabriel Schmit, dit Papa Ours
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8Hérald’ Hic!
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Non non, nous ne sommes plus dans notre journal Explicite du début d’année ! Le thème est ici tout autre : il s’agit de s’attarder sur les blasons révélateurs d’un métier, parfois disparu aujourd’hui. Mais une fois n’est pas coutume, nous allons le faire via des armoiries un peu particulières et peu révélatrices en vérité d’un phénomène global.
En effet, il est faux de penser que l’héraldique ne touche que l’aristocratie, militaire d’abord puis de robe. Certains parlent alors d’« héraldique pour tous », insistant sur le côté populaire de cette pratique qui aurait atteint les plus basses classes de la société médiévale, du bourgeois citadin au plus simple des serfs. Il faut néanmoins moduler cette théorie : elle n’est pas vraie partout en Europe et l’héraldique a été utilisée exclusivement par des détenteurs d’une quelconque autorité (devant donc sceller des documents et optant alors pour des armes comme signature) ou à usage pu- Armoiries de Richard blicitaire par des artisans. Ainsi, le paysan « maire » de le Maçon, s’occupant d’une vigne pour Jesa communauté ou s’occupant de telle ou telle struchanne de Pressy, dans ture (un moulin par exemple) pour son suzerain pourra les Hommages du comté prendre armes. De même pour les diverses armoiries de Clermont-enpublicitaires ou marques de forgerons représentant des Beauvoisis, XVe siècle marteaux, des armures, des enclumes… Mais dans certains royaumes d’Europe, la noblesse est plus pauvre ou moins aristocratique. C’est le cas de la Hongrie ou de la Transylvanie, où celle-ci est composée en très grande partie de très petits nobles (les armalistae), vivant presque comme des paysans mais étant libres et non-corvéables, exemptés d’impôts et qui ne devaient obéissance qu’au roi. Il est alors moins surprenant de trouver des armoiries révélatrices de professions plus prosaïques. De même lors de l’anoblissement d’un ancien artisan ou bourgeois, qui va alors représenter sur ses armes, s’il s’agit d’un motif de fierté ou de la cause de son anoblissement, sa profession première. Et il s’agit, pour ces deux particularités, du cas de notre Istvan Varallyay.
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Mais commençons par les armoiries de ce brave homme, voulez-vous ? Nous pourrions les blasonner ainsi : « D’argent à un dextrochère d’argent paré de sinople, tenant un maillet d’argent, accompagné en pointe d’une verge d’argent. » Quelle composition étrange n’est-ce pas ? Pourtant elle prend tout son sens quand l’on connaît le contexte de sa création. Nous sommes le 8 octobre 1599, à Alba Iulia dans la principauté de Transylvanie (aujourd’hui Gyulafehérvár, en Roumanie). Istvan Varallyay dit « Huszti » (« de Houszt », Armoiries d’Istvan Varallyay, 1599 aujourd’hui Khoust en Ukraine) est anobli par l’éphémère roi András Báthori de Transylvanie pour le récompenser de sa dextérité en tant que hongrier (un castrateur d’étalons, ce qui fait donc d’Istvan un hongrier hongrois …). Il obtient alors des armoiries (que voici) et une exemption de taxes, du fait de sa nouvelle qualité de noble, pour ses terres à Huszt. Les lecteurs les plus attentifs de cette rubrique remarqueront que j’ai maintes fois insisté sur l’impossibilité de connaître avec précision le pourquoi d’une composition héraldique. Pourtant, dans ce cas précis, cet anoblissement a donné lieu à un compte rendu, peut-être officiel, encore conservé. Ne me demandez pas où cependant, ni même quelle en était la forme, je suis en effet incapable de le rechercher dans les banques de données hongroises, pour la simple et bonne raison que ces dernières sont écrites … en hongrois. Je vous transmets donc ici seulement le passage correspondant au cas qui nous intéresse, comme cité dans plusieurs ouvrages traitant d’héraldique hongroise. Notez qu’il s’agit d’un texte latin, langue administrative en Hongrie jusqu’au début du XXe siècle. Le rédacteur y décrit les armoiries d’Istvan Varallyay et leurs éléments para-héraldiques (notamment le heaume les surmontant et ses lambrequins), de même que les raisons de cette composition.
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Scutum videlicet triangulare coelestini coloris, in cuius campo dextra hominis manus cum suo brachio malleum ligneum sursum porrectum tenere ac membrum equinum inferiori scuti parte positum quodammodo ferire conspicitur, ut scilicet non solum muneris ipsius Stephani Varralliay decurionatus, in quo strenuum se semper praestitit, sed artis etiam suae in castrandis et evirandis sine ullo periculo equis, certissimam extaret argumentum. Supra scutum galea militaris clausa est posita, ex cono autem galeae taeniae sive lemnisci variorum colorum hinc inde defluentes utramque scuti partem pulcherrime ambiunt et exornant.
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Les armoiries d’Istvan Varallyay représentent donc sa profession de hongrier. La verge est alors un organe équin et le dextrochère (bras) en frappe les testicules avec un maillet. Cet ensemble paraît décrire une méthode de castration des étalons dont je n’ai trouvé mention que dans un ouvrage vétérinaire allemand du XIXe siècle (je vais vraiment trop loin pour cette rubrique) qui utilise lui-même le subjonctif en la décrivant : à prendre avec des pincettes donc mais les armes de notre nouveau noble permettent sans doute d’accréditer cette hypothèse. Voici ladite méthode : le hongrier saisissait le scrotum (le petit sac des testicules) et frappait ce dernier avec un maillet en bois pour en détruire la structure interne (mes excuses à tous ceux qui, comme moi, ont eu mal à l’entre-jambe en lisant ceci). Cette technique aurait eu l’avantage de laisser aux hongres une apparence d’étalon, en ne pratiquant pas l’ablation des testicules.
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Ainsi donc, l’héraldique peut aussi être un support de scènes bien plus prosaïques que ce à quoi nous pourrions nous attendre. Hors des jugements simplement décoratifs, des jeux de mots et des marques d’allégeances, il faut aussi parfois considérer cette infime part des armoiries qui, par la nature plus modeste ou nouvellement noble de leurs porteurs, sont le support parfait de métiers du passé et nous apportent un regard nouveau sur ces pratiques héraldiques. Raphaël Vaubourdolle
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