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Interview Didier Reynders

« Obliger chaque acteur à mettre en place une gouvernance durable » Pour soutenir ses ambitions en matière de transition verte, l’Union européenne entend établir de nouvelles obligations envers les entreprises afin de les inscrire dans une démarche durable et responsable. Le point avec le commissaire européen à la Justice, Didier Reynders.

Monsieur Reynders, pouvez-vous nous faire part du contexte dans lequel cette nouvelle législation, appelée à renforcer la responsabilité des entreprises en matière de développement durable, est née ? Avant le début de la pandémie, la Commission européenne s’est fixé, comme principales priorités, de mener une transition vers une économie plus durable, avec l’établissement du Green Deal, et de soutenir le développement du numérique. Ce qui relevait des priorités avant la crise sanitaire l’est toujours, et plus encore après. En matière de gouvernance durable, la pandémie a en effet soulevé d’importantes questions autour de la chaîne d’approvisionnement, avec des débats sur les équipements, la disponibilité des masques, des tests, des vaccins. Cette réglementation sur la responsabilité des entreprises cadre parfaitement avec ces enjeux. Des dispositifs légaux relatifs à ce sujet existent déjà en France, aux Pays-Bas. Un projet est sur la table en Allemagne. Au niveau international, l’Organisation des Nations unies a établi des lignes directrices autour des sujets ayant trait aux entreprises et aux droits humains. Cette initiative s’inscrit donc dans un contexte vaste d’une prise de conscience de la nécessité de renforcer la gouvernance en matière de gestion de risques environnementaux, sociaux ou liés aux droits humains.

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FONDS D’INVESTISSEMENT JUIN 2021

De quelle manière ces obligations vont-elles s’appliquer ? Cela devrait passer par une directive et se traduire de deux manières. D’une part, il s’agit d’instaurer un devoir de vigilance sur la chaîne d’approvisionnement de l’entreprise, quand cela s’applique. D’autre part, il y aura une obligation imposée aux dirigeants de concevoir une stratégie, s’appuyant sur des données scientifiques, lui permettant d’évaluer les impacts de l’activité de son entreprise en matière de développement durable, d’identifier les risques et de prendre les mesures pour éviter, ou du moins limiter, les incidences négatives liées à ses opérations.

Anthony Dehez

BIO EXPRESS L’actuel commissaire européen à la Justice, Didier Reynders, a derrière lui une longue carrière politique en Belgique. Ce leader libéral, âgé de 62 ans, est licencié en droit. Au-delà de son engagement au service de son parti, le Mouvement réformateur (droit, centre droit), il a exercé plusieurs fonctions ministérielles au niveau de l’État fédéral, en étant successivement en charge des finances, des affaires étrangères ou encore de la défense.

Comment invite-t-on les entreprises à renforcer leur gouvernance pour soutenir une approche durable ? Il s’agit d’imposer un certain nombre d’obligations aux dirigeants d’entreprise afin que soit menée une réflexion à moyen et long terme sur le développement durable. Il importe que chacun s’assure que les actions prises ne soient pas en contradiction avec les objectifs de durabilité, qu’il s’agisse de la lutte contre le réchauffement climatique, de la préservation de la biodiversité ou encore du respect des droits humains et sociaux. En la matière, on parle beaucoup du travail forcé ou du travail des enfants. Mais cela a aussi trait aux travaux menés autour du travail décent par Nicolas Schmit, commissaire européen luxembourgeois en charge de l’emploi et des droits sociaux, avec qui j’ai eu l’occasion d’échanger.

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Quelles sont la nature et l’ambition de cette directive « vigilance » des entreprises ? À travers ce courant se pose la question de la manière de faire participer les entreprises aux Objectifs de l’Onu de développement durable qui ont été fixés, aux ambitions que nous poursuivons au niveau de l’Union européenne. En matière de lutte contre le réchauffement climatique, pour rappel, il s’agit d’atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050 et de réduire les émissions de 55 % d’ici 2030. Si l’on veut y parvenir, il faut évidemment des efforts importants des pouvoirs publics. Ceux-ci se concrétisent aujourd’hui à travers les fonds de relance, avec 30 % des moyens accordés dédiés au Green Deal et 20 % au numérique. Au-delà, il faut aussi que ces ambitions soient soutenues par les acteurs économiques et par les consommateurs.

Cette nouvelle réglementation veut obliger les entreprises à se doter d’une gouvernance en matière de développement durable, à faire preuve de vigilance vis-à-vis de risques environnementaux, sociaux ou de droits humains. Elle est complémentaire à d’autres initiatives comme, dans le domaine financier, la taxonomie qui vise à se donner des indications claires sur ce qui peut être considéré comme un investissement durable. On peut également citer les exigences en matière de reporting non financier ou durable. Je travaille aussi sur des chantiers qui concernent l’information apportée aux consommateurs, afin que chacun puisse faire des choix durables quand il opte pour un produit ou un service.


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