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BORNES DE CHARGE

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BORNES DE CHARGE Doubler la capacité du réseau d’ici 2040

L’électrification de la mobilité et, plus globalement, de l’économie s’accompagne de nombreux défis pour les gestionnaires de réseau. Au-delà du déploiement des bornes de charge, c’est le réseau dans son ensemble qui va devoir doubler. Évocation de ces enjeux avec Alex Michels, head of asset management, en charge du réseau Chargy et du développement du réseau électrique au sein de Creos.

Interview SÉBASTIEN LAMBOTTE

Sur quelle base se déploie le réseau public de bornes de charge au Luxembourg ? Un règlement grand-ducal, adopté en 2015, oblige les gestionnaires de réseau, à l’instar de Creos, à mettre en œuvre un réseau de bornes de charge accessibles au public. Ce réseau, dès le départ, prévoyait l’installation de 800 bornes Chargy. La loi a été revue depuis lors pour préciser que le réseau serait constitué de 90 bornes SuperChargy et de 710 bornes Chargy. Elle indique aussi que le réseau doit pouvoir intégrer des bornes privées, si les propriétaires souhaitent les rendre accessibles au public, pour peu que cela soit techniquement possible.

Où en est le déploiement de ce réseau de charge public ? À l’heure actuelle, environ 600 bornes Chargy ont été installées, ainsi que 32 SuperChargy. L’installation des bornes Chargy restantes est planifiée au niveau de P+R actuellement en construction. Enfin, le réseau est étendu à environ 460 bornes de charge installées par des privés. D’ailleurs, le ministère de l’Économie, ainsi que celui de l’Énergie et de l’Aménagement du territoire viennent de lancer un appel à projets qui permettra l’octroi d’aides aux entreprises qui investissent dans l’installation de bornes de charge pour véhicules électriques.

L’offre en bornes de charge publiques permet-elle de répondre à la demande ? Actuellement, oui. Si le réseau public de bornes de charge doit se renforcer progressivement, il faut savoir que la plupart des utilisateurs auront recours à une borne privée, à domicile ou au niveau de leur lieu de travail, pour garantir leur autonomie. Pour le réseau global de distribution d’électricité, les défis résident principalement dans l’adaptation de sa capacité, afin de s’assurer de pouvoir répondre à l’ensemble des besoins, privés et publics.

Dans quelle mesure l’installation d’une borne privée exige-t-elle d’adapter le réseau ? Il faut s’assurer que le réseau offre une capacité de raccordement et de transformation suffisante pour garantir une recharge optimale du véhicule. Au Luxembourg, il faut noter que le réseau est beaucoup mieux dimensionné que dans les pays voisins. C’est toutefois un aspect auquel il faut veiller, en prenant contact avec le gestionnaire de réseau, si l’on habite une résidence ou si l’on est dans le cadre d’une société qui souhaite mettre à disposition plusieurs points de charge. Le cas échéant, nous pouvons intervenir pour renforcer le réseau, afin de répondre aux besoins des utilisateurs.

À l’échelle nationale, comment doit évoluer le réseau au regard des besoins futurs ? Ces enjeux sont intégrés au cœur de notre rapport Scenario Report 2040, consultable sur notre site internet. Celui-ci tient compte des besoins supplémentaires en électricité liés à l’électrification de la mobilité, mais pas seulement. Il prend aussi en considération les évolutions démographiques et économiques. Si l’enjeu est de se passer des combustibles fossiles pour se déplacer, l’idée est aussi de les abandonner pour se chauffer,

en privilégiant le recours aux pompes à chaleur, elles aussi consommatrices d’électricité. Le Plan national intégré en matière d’énergie et de climat (PNEC), par ailleurs, intègre d’autres défis, liés à notre approvisionnement énergétique, à la réduction des émissions, à la maîtrise des coûts de l’énergie. Au niveau du réseau, cette transition énergétique exige de mener d’importantes transformations. Selon nos estimations, l’électrification de l’ensemble de la mobilité implique un doublement de la capacité du réseau, soit une augmentation de 1.000 MW.

Au-delà du doublement de la capacité, quels sont les autres enjeux relatifs au réseau ? Si la consommation en électricité va augmenter, dans le même temps, nous allons aussi assister à une hausse de la production d’énergie renouvelable à l’échelon national. Selon le PNEC, la capacité de production d’électricité renouvelable devrait s’établir autour de 2.050 MW d’ici 2040. Autrement dit, le réseau devra aussi pouvoir absorber un surplus d’énergie généré grâce au vent ou au soleil. Il faut trouver quoi faire de cette électricité au moment où elle est produite. L’électromobilité apporte une réponse à cet enjeu, en offrant la possibilité de capturer directement cette énergie au niveau des batteries des véhicules, pour peu que les véhicules soient branchés au moment où elle est générée.

Est-il envisageable que l’énergie captée au niveau des véhicules puisse servir à alimenter les besoins domestiques en énergie ? Vous touchez là à deux autres concepts, celui de vehicle to home et celui de vehicle to grid. Utiliser le véhicule comme une batterie domestique, comme cela est envisagé, contribuerait déjà grandement à la stabilisation du réseau, vu la fluctuation de la production renouvelable. L’autre enjeu serait aussi de pouvoir redistribuer cette énergie produite et stockée de manière centralisée à l’échelle du réseau. Si cela est envisageable techniquement, il y a d’autres défis à relever pour y parvenir. D’abord, je ne suis pas persuadé que chacun soit enclin à partager l’éner-

« Utiliser le véhicule comme une batterie domestique contribuerait grandement à la stabilisation du réseau, vu la fluctuation de la production renouvelable. »

ALEX MICHELS Head of asset management – Creos

gie dont il dispose avec des tiers. Ensuite, cette transition implique un renforcement global du réseau. C’est un enjeu auquel nous nous attelons dès aujourd’hui à travers une analyse fine des besoins rendue possible grâce aux compteurs intelligents. Nous essayons de voir comment évoluent les besoins, pour faire progressivement évoluer le réseau, le renforcer localement avant que ses limites soient atteintes.

Le réseau est-il prêt pour toutes ces évolutions ? L’électrification, et plus globalement la transition énergétique, ne se fera pas du jour au lendemain. Elle sera progressive et s’articulera à plusieurs niveaux, entre l’accroissement de la production d’énergie locale, l’électrification des systèmes et le renforcement du réseau. Il faut que ces évolutions s’opèrent de manière coordonnée. Il y a aussi des gains d’efficience à aller chercher pour réduire nos besoins en énergie primaire. En matière de mobilité, l’utilisation de l’électricité permet déjà d’aller chercher des gains d’efficience d’un facteur 3 par rapport à des combustibles fossiles. Si l’on s’en tient au réseau, le principal enjeu réside dans le doublement de sa capacité actuelle. C’est l’objectif poursuivi notamment à travers le projet 380, qui prévoit le déploiement d’une nouvelle infrastructure à très haute tension de 380 kV.

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