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SYSTÈMES

SYSTÈMES Le véhicule électrifié face au défi des technologies

L’électrification de la mobilité repose sur plusieurs technologies distinctes, chacune palliant les inconvénients des autres. Avec une telle diversité de systèmes existants, la réponse apportée au net zero des transports routiers rencontre quelques obstacles.

Auteur BENOÎT THEUNISSEN

S’il est courant d’utiliser au quotidien l’expression « voiture électrique », les spécialistes préfèrent parler de « véhicule électrifié ». « Dans l’absolu, on parle de ‘véhicule électrifié’ parce que ce terme inclut une forme de propulsion électrique », explique Antonio Da Palma Ferramacho, head of mobility technologies à l’ACL. Il rappelle d’ailleurs que la motorisation électrifiée compte quatre catégories de véhicules.

C’est Toyota qui a initié le mouvement avec le lancement de sa Prius en 1997, une voiture thermique dotée d’un moteur électrique additionnel permettant de rouler en mode électrique à basse vitesse. Il s’agit d’un type de véhicules connu sous le nom d’hybride classique. Basés sur le même concept, les véhicules de la catégorie plug-in hybride possèdent, quant à eux, une batterie de plus grande capacité qui doit être alors rechargée de façon externe.

Il existe cependant deux types de véhicules exempts de toute motorisation thermique, en l’occurrence le véhicule 100 % électrique à batterie de traction et la voiture à pile à combustible. Le premier type dispose d’une large batterie à recharger de manière externe, et le second utilise comme source d’énergie plusieurs réservoirs d’hydrogène sous pression, qui

ANTONIO DA PALMA FERRAMACHO Head of mobility technologies ACL

« La voiture électrique présente de nombreuses contraintes pour certains qui sont tout à fait acceptables pour d’autres. »

génère ainsi de l’électricité par électrolyse. « Ces deux dernières catégories de véhicules sont des véhicules électriques, car ils ne roulent que par le biais de moteurs électriques, précise Antonio Da Palma Ferramacho. Seule la source d’énergie varie. »

S’adapter La nomenclature des véhicules évolue, les réflexes des consommateurs aussi. Conduire un véhicule électrique implique des questions que les utilisateurs ne se posent pas naturellement avec une motorisation thermique, symptomatisées essentiellement par les problèmes de batterie lorsque les températures sont très basses.

Selon le head of mobility technologies de l’ACL, le consommateur doit avant tout définir son profil d’utilisation. « La voiture électrique présente de nombreuses contraintes pour certains qui sont tout à fait acceptables pour d’autres.» Ce qui alimente d’ailleurs de nombreux débats entre les défenseurs et les détracteurs de cette nouvelle forme de motorisation.

En revanche, se déplacer en voiture électrique à l’intérieur du Luxembourg ne comprend pas de fortes contraintes du point de vue de la capacité des batteries, en raison des distances courtes dues à la taille du pays. « La voiture électrique est

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tout à fait adaptée aux courtes distances quotidiennes, note Antonio Da Palma Ferramacho. Ça commence par contre à poser des problèmes lors de trajets plus variés avec des distances plus importantes, comme des voyages vers d’autres capitales. » La planification des trajets prend toute son importance. « Avec la voiture électrique, on ne peut pas avoir l’insouciance de la voiture thermique », insiste l’expert en mobilité électrique.

L’enjeu des modèles d’affaires Malgré tout, « la flexibilité à outrance offerte par les voitures thermiques n’existe pas avec les véhicules électriques dans la configuration actuelle de leurs systèmes », tempère Antonio Da Palma Ferramacho. Se pose alors la question de savoir si la technologie va évoluer de manière à s’adapter aux besoins des utilisateurs, ou plutôt si ces derniers vont devoir adapter leurs habitudes. La réponse n’est pas binaire, à en croire l’expert de l’ACL. « Il existe certaines solutions, mais elles se heurtent à une logique économique », explique-t-il, prenant pour exemple le cas du battery swapping, la technologie rendant possible le changement de la batterie d’un véhicule à l’aide d’un robot monté sur une rampe dans des stations dédiées. En 2008, la société israélo-américaine Better Place s’était lancée dans le développement d’un tel système, mais s’était rapidement retrouvée confrontée à l’absence d’interchangeabilité des batteries.

Retrouver du sens En effet, une grande et lourde batterie n’est pas nécessaire si l’utilisateur n’effectue aucune longue distance. « On se retrouve avec des voitures de plus de 2 tonnes, car on veut pouvoir rouler jusqu’à 500-600 km, précise Antonio Da Palma Ferramacho. Ce qui n’a pas énormément de sens en soi. On n’effectue pas en permanence de longues distances, mais bien essentiellement des courtes à moyennes distances. » Et il ajoute : « Sans compter que les batteries les plus lourdes installées dans des véhicules utilisés essentiellement pour de courtes distances représentent autant de ressources naturelles dont on prive les autres utilisateurs. » Il pose alors la question de la pertinence des batteries de plus de 100 kWh, alors que l’approvisionnement en métaux stratégiques nécessaires à la construction des batteries est déjà critique. Les véhicules à hydrogène et les e-fuels pourraient bien apporter des solutions dans un avenir pas si lointain.

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bars sont nécessaires pour comprimer l’hydrogène qui alimente les moteurs à combustion. Autrement, il doit être refroidi à -250 C°. Ainsi, 1 kg d’hydrogène sous forme gazeuse requiert 8.200 fois plus d’espace de stockage que l’essence. La technologie s’adapte donc principalement aux véhicules utilitaires.

L’hydrogène et l’e-fuel ?

Les véhicules dits à hydrogène présentent encore une certaine ambiguïté. En parallèle de la voiture à pile à combustible, il existe aussi des véhicules qui utilisent des moteurs à combustion interne pour brûler de l’hydrogène. « C’est une piste suivie par Toyota et un consortium de constructeurs japonais, explique Antonio Da Palma Ferramacho. Cette technologie fonctionne, mais le défi réside dans le stockage de l’hydrogène nécessaire, le volume du réservoir étant nettement plus important que celui des véhicules thermiques. » Par conséquent, les moteurs à combustion alimentés par de l’hydrogène n’ont pour l’instant que peu d’intérêt pour les voitures compactes. Les autonomies offertes seraient trop faibles par rapport au volume d’hydrogène pouvant être embarqué. « À pression et température ambiantes, 1 kg d’hydrogène sous forme gazeuse requiert 8.200 fois plus d’espace de stockage que l’essence », rappelle l’expert de l’ACL. Cette technologie semble donc plus adaptée aux véhicules utilitaires.

Les voitures à pile à combustion se trouvent, pour leur part, déjà dans le commerce. Au Luxembourg, deux modèles sont accessibles à la vente : la Toyota Mirai et le Hyundai Nexo, qui ont été testés par l’ACL. Il n’y aurait toutefois que deux utilisateurs qui circulent avec pareils véhicules dans le pays. Faudra-t-il attendre l’installation de la première pompe à hydrogène, en 2023, sur le pôle multimodal de Bettembourg pour voir un afflux de particuliers vers les voitures à pile à combustible ? L’avantage de tels véhicules est de pouvoir faire le plein d’hydrogène en cinq minutes pour une autonomie de 500 km.

Finalement, le mix des technologies propres ne serait pas complet sans mentionner les carburants synthétiques, appelés aussi e-fuels, qui sont produits à partir d’hydrogène vert et de CO2 – capturé dans l’atmosphère. Ils peuvent être brûlés dans des moteurs essence classiques sans nécessiter la moindre modification. S’agissant d’un carburant pratiquement identique à l’essence fossile, mais plus pur, ses émissions polluantes sont moindres, et celles de CO2 neutres, puisque prélevées dans l’atmosphère au préalable. Le bilan carbone de l’utilisation d’un véhicule actuel fonctionnant à l’e-fuel est donc comparable à celui d’une voiture électrique. C’est d’ailleurs la voie suivie actuellement par Porsche qui, en décembre 2022, a inauguré une usine pilote d’e-fuel au Chili, pays choisi pour la qualité et la constance de ses vents. Les carburants synthétiques ne seront probablement utilisés que pour des applications de niche, telles que le sport automobile ou les véhicules anciens.

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