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CONVERSATION AVEC GERRY WAGNER
En matière d’électrification du parc automobile luxembourgeois, le gouvernement a fixé des objectifs ambitieux à relativement courte échéance. Parmi eux, celui d’avoir un parc automobile électrique à hauteur de 49 % d’ici 2030 à l’échelle du pays. Gerry Wagner, porte-parole de la House of Automobile, évoque ces enjeux avec nous.
Les immatriculations des véhicules électriques neufs plafonnent, observe Gerry Wagner.
« Les constructeurs européens, en manque de composants, ont tendance à développer une offre en gammes moyenne ou supérieure. »
Quelles sont les réglementations actuellement en vigueur concernant la mobilité électrique et quelles seront les prochaines échéances ? Actuellement, il n’y a pas réellement de réglementation ou d’obligation encadrant l’électrification du parc automobile. Certaines échéances approchent toutefois, notamment au niveau européen, avec la décision de mettre fin à la vente des voitures thermiques en 2035. Il faut cependant noter que le Parlement européen pourrait encore revenir sur cette décision en 2026, en considérant la réalité du marché. Il faudra voir si cet objectif est atteignable ou s’il est nécessaire de nuancer l’approche. L’une des questions que la Commission devra alors se poser concerne la possibilité de recourir à des combustibles synthétiques ou s’il y a lieu de tout miser sur l’électrique. Le fuel synthétique, a priori, n’émet pas de CO2. C’est un combustible produit à partir de l’hydrogène contenu dans l’eau et du dioxyde de carbone déjà présent dans l’air.
Selon les derniers chiffres d’octobre 2022, les véhicules électriques ou plug-in hybrides ne représentent que 5 % du parc automobile luxembourgeois. Comment analyser ce chiffre ? Selon moi, ce chiffre est beaucoup trop bas. Le fait que les immatriculations de véhicules neufs 100 % électriques stagnent en dessous de 15 % depuis le début de l’année 2022 n’est pas encourageant. Même si l’on y ajoute les 9 % de plug-in hybrides, cela reste insuffisant. Actuellement, seuls 3 % du parc luxembourgeois sont des véhicules 100 % électriques et 2,6 % sont des plug-in hybrides.
Est-ce que l’objectif fixé par le gouvernement, à savoir que 49 % du parc automobile soit composé de véhicules électriques ou plug-in hybrides d’ici 2030, est atteignable ? Seuls les véhicules 100 % électriques et plug-in hybrides sont concernés lorsque l’on parle de cet objectif d’électrification du parc automobile. Il ne faut donc considérer que les batteries qui sont rechargeables de façon externe. Les hybrides classiques ne sont pas prises en compte. Il y a quatre ans, lorsque cet objectif a été fixé, il paraissait déjà utopique. Actuellement, le gouvernement ne fait plus la promotion des plug-in hybrides. Dès lors, la bonne progression constatée au niveau des immatriculations de ces véhicules s’est stoppée. Elles sont même en recul depuis l’arrêt des subventions.
Quels sont les principaux freins à cet objectif ? L’aspect financier est un premier frein important, notamment pour les personnes avec des revenus modestes. Les véhicules électriques sont plus onéreux. Il faut compter entre 8.000 € et 15.000 € de plus par rapport à une voiture thermique, bien que l’écart ait tendance à diminuer. Les constructeurs européens, en manque de composants, ont tendance à développer une offre constituée de véhicules de gammes moyenne ou supérieure, ces dernières leur assurant une meilleure rentabilité. Le marché des véhicules bon marché est délaissé. L’idéal serait de mettre en vente des voitures coûtant moins de 20.000 € sans les primes pour les rendre accessibles. En plus de cela, les véhicules électriques représentent une très faible part du marché de l’occasion. Même si cela va évoluer d’ici quelques années, les occasions disponibles seront essentiellement des voitures imposantes. D’autre part, les consommateurs se posent aujourd’hui beaucoup de questions vis-àvis de l’électrique en raison de la crise énergétique actuelle et de l’inflation que nous subissons. Les ménages, en particulier ceux avec des revenus modestes, attendent afin de voir comment va évoluer la situation.
Le régime Clever Fueren, octroyant une aide financière pouvant aller jusqu’à 8.000 €, a été prolongé jusqu’en mars 2024. Est-ce suffisant pour inciter les ménages à opter pour l’électrique ? Heureusement que ces primes sont en place et j’espère qu’elles seront toujours en application au-delà de 2024. Même si les voitures électriques deviennent de plus en plus abordables, il n’y a pas assez d’alternatives bon marché disponibles actuellement. C’est pour cela qu’il faut laisser ces incitants pour encourager la mobilité électrique.