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SOLUTIONS PARTAGÉES
SOLUTIONS PARTAGÉES Le carsharing fait sa révolution électrique
Connaissant un succès croissant, le carsharing au Luxembourg n’a pas encore 10 ans qu’il se trouve déjà confronté à un défi majeur, celui de l’électrification du parc automobile. Maîtrise des coûts et adaptation de l’organisation seront les maîtres-mots pour le relever.
Auteur QUENTIN DEUXANT
L’offre de mobilité alternative, au Luxembourg comme ailleurs, se trouve en plein développement. À côté des transports en commun ou encore du vélo, la voiture partagée s’est petit à petit frayé un chemin dans ce paysage. Il a toutefois fallu attendre un certain temps avant que des offres se structurent au Grand-Duché. La raison en est simple : le marché étant très réduit, la question de la rentabilité d’une telle proposition commerciale se posait inévitablement. « Au départ, nous avons tenté de faire venir au Luxembourg des acteurs internationaux du carsharing. Mais aucune de ces structures n’a finalement souhaité s’installer ici, principalement en raison de la taille du marché. Finalement, nous avons décidé de lancer notre propre service », explique Paul Hoffmann, président du conseil d’administration de Carloh.
Active sur le territoire de la ville de Luxembourg, Carloh est la première société de carsharing à s’être lancée sur ce marché dans le pays, en octobre 2015. De 10 véhicules répartis sur 9 stations, la société est aujourd’hui passée à 35 véhicules disponibles dans 21 stations. « Le nombre de clients a lui aussi considérablement augmenté, puisque nous comptons aujourd’hui un millier de clients,
JÜRGEN BERG CEO CFL Mobility
alors qu’il n’y en avait qu’une centaine au démarrage », précise Paul Hoffmann.
De la ville au pays Cette initiative cantonnée à Luxembourgville a rapidement fait des émules à l’échelle nationale. En 2018, la Société nationale des chemins de fer luxembourgeois (CFL) a ainsi lancé sa propre offre de carsharing, nommée Flex. La popularité de cette solution s’est également rapidement développée. Alors qu’un petit millier d’utilisateurs étaient abonnés à Flex au cours de sa première année d’existence, la filiale des CFL en compte aujourd’hui près de 12.500. « La croissance de notre clientèle a été particulièrement importante entre 2021 et 2022, puisque nous ne comptions encore que 6.600 abonnés à la fin de l’année 2021 », ajoute Jürgen Berg, CEO de CFL Mobility, société qui gère Flex. Une soixantaine de stations sont aujourd’hui ouvertes à tous dans le pays, avec des dizaines de véhicules disponibles, pour tous les usages (compactes, berlines, breaks, camionnettes, etc.).
Qu’il s’agisse de Carloh ou de Flex, les ambitions restent les mêmes pour les années à venir : poursuivre le développement de la flotte et la diversification de l’offre, afin de rendre le carsharing accessible à un nombre toujours plus
Maison Moderne (archives)
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important de conducteurs, aux profils divers. « Nous remarquons que nos utilisateurs ont des âges très différents et des situations elles aussi variables: certains utilisent notre service parce qu’ils ont momentanément un problème avec leur voiture, d’autres parce qu’ils n’ont pas de véhicule et en ont parfois besoin, explique Jürgen Berg. Nous souhaitons notamment attirer plus de jeunes, de façon à éviter qu’ils achètent leur propre voiture, avec tous les ennuis que cela représente en termes de coût ou de parking, par exemple. Notre volonté n’est pas, par ailleurs, de combiner carsharing et transports en commun : pour nous, les transports en commun ont un rôle, et le carsharing en a un autre, selon les besoins. »
Une adaptation du business plan Encore dans sa prime jeunesse, le carsharing au Luxembourg est aujourd’hui confronté à la nécessité d’électrifier sa flotte pour s’adapter à l’interdiction européenne de produire des véhicules thermiques à l’horizon 2035. Ce changement est-il de nature à compromettre l’organisation du carsharing au Grand-Duché et sa rentabilité ? « Le carsharing est plutôt adapté à l’électrification, car il s’agit souvent d’effectuer des trajets qui ne sont pas trop longs, poursuit Jürgen Berg. Mais il est vrai que ce changement n’était pas dans notre business plan originel. Nous devons financer par nous-mêmes l’installation de bornes de recharge, idéalement à chaque emplacement de stationnement de nos véhicules, afin que ces derniers soient totalement rechargés quand ils sont récupérés par de nouveaux clients. Cela représente un coût non négligeable. » À ce premier frein financier, il faut aussi ajouter le coût d’achat d’un véhicule électrique, plus élevé que celui d’un véhicule thermique. Mais au-delà du poids financier, certaines contraintes organisationnelles doivent également être prises en compte. « Nous devons veiller à ce que la charge du véhicule soit suffisante pour les besoins de chaque utilisateur. Pour des questions d’organisation, nous devons donc demander à nos utilisateurs, lors de la réservation, de renseigner la distance qu’ils comptent parcourir avec le véhicule électrique », explique Paul Hoffmann.
Malgré ces contraintes, Carloh et Flex vont suivre le mouvement et poursuivre l’électrification de leur flotte, qui a déjà commencé. Il faudra toutefois y arriver de façon progressive, tant pour des raisons financières que logistiques (voir encadré).
12.500
Flex, l’offre de carsharing des CFL, compte aujourd’hui 12.500 abonnés. C’est deux fois plus qu’en 2021.
Trouver des voitures électriques pour répondre à la demande
Si les acteurs du carsharing s’accordent sur la nécessité d’électrifier rapidement leur flotte, notamment pour faire face aux évolutions réglementaires en la matière, encore faut-il pouvoir obtenir ces véhicules électriques. « Ce type de motorisation est aujourd’hui très demandé. Il est donc difficile d’obtenir rapidement les véhicules sur lesquels nous jetons notre dévolu, explique le CEO de CFL Mobility, Jürgen Berg. Étant donné que la livraison est assez lente, il faut pouvoir anticiper les commandes. Fin 2022, nous avions déjà reçu 30 voitures, et nous en attendons 85 en 2023, dont la moitié sera à motorisation électrique. Selon nous, les voitures thermiques auront encore un rôle important à jouer au cours des prochaines années, pour certains usages, et il nous faut donc pouvoir continuer à en proposer. »
Du côté de Carloh, si la taille de la flotte est plus réduite, les difficultés pour acquérir des voitures électriques sont les mêmes. « Nous sommes en pleine transition énergétique, et la crise des prix de l’énergie que nous traversons ne fait que renforcer l’attrait pour les véhicules électriques, relève Paul Hoffmann. Le délai de livraison est donc en effet plutôt long pour le moment, mais je pense que les choses devraient s’améliorer dans les prochaines années. » Ce qui est clair, par contre, c’est que l’engouement pour le carsharing – qu’il s’agisse de véhicules thermiques ou électriques – est en train d’exploser, et qu’il faudra pouvoir faire face à une demande en hausse au cours des prochains mois. « Les mentalités ont changé. Quand nous avons lancé le service, la plupart des gens aimaient avoir leur propre véhicule. Ce n’est désormais plus autant le cas et le carsharing, comme offre complémentaire de transport en commun, prend désormais tout son sens », ajoute Paul Hoffmann. Une tendance également constatée par Jürgen Berg : « Depuis le Covid et le confinement, le développement du carsharing au Luxembourg s’est réellement accéléré. C’est aussi lié à toute une série de facteurs, comme la hausse continue des prix de l’immobilier ou de l’énergie, qui rend parfois plus difficile l’acquisition d’une voiture. Des changements majeurs dans nos sociétés et dans la vie de chacun nous amènent à questionner nos habitudes. C’est dans ce contexte, précisément, que les gens s’ouvrent à de nouvelles approches, parmi lesquelles le carsharing. »