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M. De Ferrari, I. Ayrault, F. Pinel, C. Barret-Labre, I. Cipris, D. Macre, J.-M. Herbstmeyer, J.-P. Mondou, T. Pelletier, P. Pottier

résumé de la table ronde « contextes et dispositifs de formation en français à visée professionnelle : quelles compétences pour quels métiers ? » 31 mars 2017 – Alliance française de Paris

modératrice mariela de ferrari

Co-Alternatives

isabelle ayrauLt françois pineL

Ministère de l’intérieur, DAAEN1

christine Barret-LaBre

Défi-métiers, Observatoire métiers emploi formation de l’Île-de-France

isabelle cipriS danielle macre

Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT)

jean-michel herBStmeyer OPCA2 Transports et Propreté

jean-philippe mondou

AFPA (Agence pour la formation professionnelle des adultes)

Thierry peLLetier

Ministère de l’éducation nationale, DGESCO3

patricia pottier

Conseil régional de l’Île-de-France

1. Direction de l’Accueil, de l’Accompagnement des Étrangers et de la Nationalité. 2. Organisme Paritaire Collecteur Agréé. 3. Direction Générale de l’Enseignement Scolaire.

Cette table ronde, consacrée aux actions d’ingénierie de formation, d’évaluation et de formation en français à visée professionnelle, regroupe des représentants d’institutions publiques et privées permettant d’avoir un panorama des dispositifs et des contextes où souvent des dispositifs publics financent des actions en français ou avec du français à visée professionnelle.

Après la présentation des participants, mariela de ferrari donne la parole à mme isabelle ayrauLt au sujet des dispositifs pilotés par la DAAEN et son opérateur, l’Office Français de l’Immigration et de l’Intégration (OFII). Le Ministère de l’Intérieur et la direction de la DAAEN s’intéressent depuis un certain de temps à l’intégration linguistique et à l’apprentissage du français pour tous les étrangers qui entrent chaque année sur le territoire. Depuis 2007, la règlementation a permis que des subventions soient données à l’OFII pour qu’il puisse dispenser des cours de français. À son arrivée en France, l’étranger en situation régulière sur le territoire, doit signer ce qu’on appelle un contrat d’intégration républicaine dans lequel il s’engage à accomplir un parcours personnalisé. Il doit notamment suivre une formation en langue française ainsi qu’un module d’enseignement sur les principes et les valeurs de la société française. La formation linguistique est le premier pilier du système. Environ 110 000 étrangers arrivent en France. La majorité de ces arrivées concerne le regroupement familial, il peut aussi y avoir des conjoints français ainsi que des enfants scolarisés sur le territoire français après avoir vécu clandestinement. Les personnes sont invitées à se présenter sur les plateformes de l’OFII qui existent dans tous les départements et leur niveau de français est évalué par des professionnels du français langue étrangère (FLE). Une évaluation du niveau écrit puis oral est d’abord réalisée par des auditeurs de l’OFII. En fonction du niveau (cela concerne environ 50 000 personnes) elles seront dirigées vers des formations de 200, 150 ou 100 heures afin d’atteindre le niveau A1 du CECRL. Ces cours sont soit intensifs, soit semi intensifs, soit extensifs. 200 heures peuvent paraître peu ou beaucoup, tout dépend des motivations de la personne qui arrive sur le territoire français. Sa motivation n’est pas forcément l’apprentissage du français, dans la mesure où sa préoccupation première peut être de travailler ou de s’installer en France, afin de faire venir sa famille, d’où la difficulté de dégager des heures pour apprendre le français. Les contenus de la formation linguistique permettront à ces personnes d’être autonomes dans la vie publique, sociale et professionnelle, ou tout au moins de tendre vers une autonomie dans la vie publique sociale et professionnelle.

Mariela De Ferrari donne ensuite la parole à jean michel herBStmeyer pour une présentation de l’OPCA4 de la branche propreté, toujours à la pointe de ces ques-

4. Organismes Paritaires Collecteurs Agréés : les OPCA sont administrés par les représentants de l’ensemble des organisations professionnelles d’employeurs et des syndicats représentatifs des salariés d’un secteur professionnel. Agréés par l’État, ils sont chargés de la collecte et de la mutualisation des fonds des employeurs destinés au financement de la formation professionnelle.

tions, étant donné le nombre de besoins en formation des salariés dans ce domaine, Jean-Michel Herbstmeyer s’occupe du pilotage de l’ingénierie de dispositifs auprès de l’organisme qui gère et met en œuvre les formations définies par les partenaires sociaux. La branche « propreté » manifeste une volonté politique très forte concernant la lutte contre l’illettrisme et pour l’alphabétisation de ses salariés puisque, récemment, a été signé un accord explicite se traduisant par la création d’une formation « Clé en main », de l’alphabétisation jusqu’à la remise à niveau. Cette formation s’adresse à un public qui a des caractéristiques très diversifiées. Dans le monde de la « propreté » coexistent des agents de service analphabètes ou non francophones et des personnels à fonction d’encadrement pour lesquelles le besoin se situe moins en termes d’alphabétisation que de remise à niveau. Dans ce secteur, on constate de plus en plus d’exigences en termes de procédures, de sécurité, de règles d’hygiène, de règles de respect de l’environnement, de règles en termes de gestes et de postures. La branche a développé ce dispositif « Clé en main », qui se décompose en deux grandes actions, à partir d’un entretien de positionnement individuel, personnalisé. Les salariés des formations sont invités à rencontrer des formateurs qui vont prendre une heure et demie d’échanges pour identifier les acquis des personnes et les positionner sur un des deux dispositifs selon leur niveau pour ne pas les mettre en situation d’échec, sachant que les dispositifs sont en relation les uns avec les autres. - Le premier dispositif, intitulé Maîtrise de la Compétence-Clé Propreté (MCCP), donne lieu à une certification. Ce dispositif entre dans le champ de l’alphabétisation et les savoirs sont contextualisés en fonction de l’activité. Il comprend deux modules : « Comprendre et s’exprimer à l’oral » permet d’alerter et de donner une explication circonstanciée sur un chantier. « Lire et écrire dans le contexte professionnel » permet de lire une consigne de sécurité, de renseigner des outils de liaison et d’utiliser les outils numériques (c’est l’outil mathématique : par exemple effectuer un dosage, règle de trois, calculer des quantités). Les outils numériques sont utilisés pour se repérer dans l’espace et le temps, ou pour définir un itinéraire par exemple. Les contenus des deux modules concernent aussi l’attitude et le comportement (renseigner un client ou communiquer avec lui, par exemple). Traditionnellement, il s’agissait de personnels qui travaillaient très tôt le matin ou très tard le soir. Désormais, l’existence d’une activité de jour intensifie une relation à la clientèle et pour un public qui a des difficultés à s’exprimer, car non francophone. Cela devient une source de souffrance, d’où la nécessité de travailler la communication en contexte professionnel. L’ouverture culturelle est un autre axe de travail important. Au sens professionnel, il s’agit de respecter les règles de contraintes de l’organisation, les attentes d’un client et de l’ensemble des comportements à adopter (la discrétion, par exemple). Les gestes et postures consistent également à adopter les gestes de sécurité et analyser les genres de risque que l’on peut rencontrer. Former dans le secteur « sécurité qualité hygiène environnement » suppose l’enseignement de connaissances variées : il faut connaître

les équipements de protection individuelle (EPI), connaître les effets des déchets sur l’environnement, détecter l’ensemble des risques que peut encourir l’agent dans le cadre de son travail et enfin posséder la maîtrise du lexique professionnel. C’est capital dans l’exercice de l’activité : il faut savoir nommer les choses. En ce qui concerne ce premier dispositif, le nombre d’heures auxquelles un salarié peut avoir droit est variable ; elle dépend de la situation des personnes à l’entrée. On est à peu près sur un format de 150 à 200 heures pour l’ensemble des blocs de compétences. - Le deuxième dispositif concerne l’alphabétisation. Par la loi de 2014, les partenaires sociaux ont créé un dispositif et une certification sur l’évaluation des compétences de base. Ce référentiel, intitulé « CLéa », constitue un socle de compétences et de connaissances à vocation interprofessionnelle. Le COPANEF5, la CPME6 de la propreté, a proposé aux branches professionnelles d’adapter cette certification à leur contexte professionnel. Sur le site du FPSPP7 se trouve le référentiel paritaire des parcours professionnels. Le COPANEF, l’autorité certificatrice, a proposé qu’il y ait des CLéas contextualisés, ce que la branche « propreté » a fait en 2015 et qui a conduit à le mettre en jonction avec le premier dispositif présenté, la MCCP. Le CLéa est composé de sept domaines. En ce qui concerne la communication contextualisée, ce sera, par exemple, dans le domaine de l’argumentation, d’être capable de convaincre son chef d’équipe de telle ou telle chose, ou bien de savoir utiliser les différents registres de langage, ou bien encore de réaliser un compte rendu ou un rapport d’activité sur un chantier. On pourra travailler également sur un sous-domaine tel que : utiliser les règles de base du calcul et du raisonnement mathématique, développer à un niveau supérieur les capacités à lire un graphique, etc. Les formateurs appartiennent à des organismes habilités, privés, associatifs, publics qui ont répondu à un cahier des charges. Ils ont, pour la plupart, une formation initiale soit dans le domaine des langues étrangères soit dans celui des sciences de l’éducation. Il est nécessaire, pour mener à bien le travail de contextualisation, d’avoir une expérience en ingénierie pédagogique et en conduite de projets de formation. Pour développer le dispositif dans sa contextualisation professionnelle, une formation spécifique est proposée au formateur pour lui permettre d’acquérir la connaissance du dispositif Clé en main, du domaine de la propreté d’entreprise, des différents acteurs de branches, de l’activité et des différents types de chantiers. Il est recommandé aussi aux formateurs d’aller régulièrement en entreprise suivre les salariés sur les chantiers pour s’imprégner du contexte professionnel et pour développer une approche pédagogique contextualisée, en particulier une technique d’analyse du travail. Cette formation de base plus le suivi de la formation spécifique sur le dispositif a pour objectif de permettre au formateur d’animer une expérience pédagogique en lien avec l’expérience

5. Comité Interprofessionnel pour l’Emploi et la Formation. 6. Confédération des Petites et Moyennes Entreprises. 7. Fond Paritaire de Sécurisation des Parcours Professionnels.

des stagiaires, de concevoir des supports pédagogiques contextualisés, de maîtriser des techniques d’analyse du travail et d’évaluer les compétences en situation afin de réaliser une ingénierie de formation adaptée et d’assurer des comités de pilotage avec les entreprises.

isabelle cipriS, conseillère formation au CNFPT (Centre National de la Fonction Publique Territoriale), travaille sur l’ingénierie de formation et la mise en place de dispositifs. Elle explique que son centre travaille avec 1 % du budget des collectivités territoriales. Les formations de la fonction publique territoriale concernent plus de 250 métiers, ce qui implique des publics très diversifiés, et sont organisées par filière. Le centre s’occupe également de la progression des agents, dont la mobilité est actée par des concours. Le travail se fait avec l’ANLCI8, avec des formateurs en français langue professionnelle et des formateurs FLE. Le besoin aujourd’hui est de proposer une ingénierie de français langue professionnelle en tenant compte des publics, des besoins des employeurs, des collectivités territoriales, et en s’adaptant. À partir de l’analyse des besoins et avec un module de positionnement pour les agents, celui-ci peut être orienté vers un module degré 1 de l’ANLCI qui existe pour les personnes en situation d’illettrisme, voire d’alphabétisation. danielle macre, également intervenante auprès du CNFPT9, s’occupe des questions pédagogiques. Elle explique que le public de catégorie C est souvent composé de personnes qui viennent du Maghreb ou d’Afrique, qui ne sont pas ou peu scolarisées dans leur pays d’origine. Ce public peut aussi être constitué de francophones ou de personnes qui ont eu une scolarité chaotique en France et qu’on classe sous le vocable « illettré » ou « qui lutte contre l’illettrisme ». La majorité des individus inscrits à ces formations est peu scolarisée ; soit ils possèdent un emploi à la voierie, ou bien sont jardiniers ou agents de propreté dans les écoles, dans les collèges, dans le service de restauration scolaire, dans les collectes, etc. Ils peuvent même être agents de la petite enfance dans les crèches et être amenés à faire valoir leur expérience pour accéder à un CAP petite enfance, même s’ils sont débutants en lecture/écriture. Jusqu’en 2008, l’offre du CNFPT était plutôt de type généraliste (apprentissage des « savoirs de base »), puis, à la suite d’une expérimentation au niveau national, le Comité de Liaison pour la Promotion des publics en insertion (CLP), dirigé par Mariela De Ferrari, a développé des cartes de compétences transversales à tous ces métiers de la fonction publique. Une offre de formation a été mise en place pour aider les salariés qui avaient besoin de communiquer à l’écrit et à l’oral, de comprendre les documents requis pour l’exercice de leur travail, de renseigner, etc. À partir de là, les référentiels ont évolué et sont encore en train d’évoluer.

8. Agence Nationale de Lutte contre l’Illettrisme. 9. Centre national de la fonction publique territoriale

mariela de ferrari intervient à son tour pour dire qu’il est intéressant d’analyser les logiques des politiques publiques à l’œuvre, qui font en sorte que les choses se nomment d’une façon ou d’une autre. Quand on lit « degrés 1, 2 et 3 », on n’est pas dans une approche par compétences, on est en train d’indiquer un degré d’illettrisme, d’analphabétisme. Cette façon de procéder suppose que l’on entre par les manques au lieu de dire ce que les personnes font ou développent en termes de compétences. Dire ce que les salariés n’ont pas et montrer leurs difficultés rend pourtant difficile la reconnaissance des salariés en tant que tels dans le cadre de la formation professionnelle. On se situe dans le domaine de la promotion sociale, si on repère des difficultés suite au manque de scolarité, ou bien on s’inscrit dans une logique de formation professionnelle quand on développe des compétences pour la qualification et la reconnaissance professionnelle.

Danielle Macre ajoute que les référentiels, et notamment le référentiel DILF (Diplôme initial de langue française), permettent de positionner des agents déjà en poste à qui les collectivités financent parfois elles-mêmes des jours, y compris de remise à niveau en français, et ce, sur le temps de travail. L’organisme paritaire répond donc à la fois au besoin de l’agent mais aussi au besoin de son employeur, les collectivités, qui versent 1 % de leur masse salariale. Cela dépend aussi de l’employabilité des agents, de leur mobilité, de leur polyvalence que l’on croise ensuite avec des logiques « métiers ». Les formateurs se retrouvent parfois avec des groupes de plus de dix agents de différents métiers, ce qui leur demande une forte compétence de diversification pédagogique.

jean-philippe mondou, directeur du bureau d’études de l’Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA), sur la formation et la pédagogie, et Sylvie KovaricK-cacciani, ingénieure de formation dans ce même bureau d’études, interviennent à leur tour. Ce bureau d’études donne aux formateurs des éléments soit de progression pédagogique, soit de ressources qui leur permettent de réaliser leurs activités dans les meilleures conditions. L’AFPA est devenu un EPIC10 depuis le 1er janvier 2017 mais, pendant 68 ans, elle a été une association. Sa mission est de former des adultes, dont le nombre s’élève à environ 150 000 chaque année, dont 50 000 salariés. L’AFPA exerce également des missions de service public, dont l’une qui structure, notamment dans le cadre du FLE, toutes ses actions : elle agit auprès du Ministère du travail pour la création de certifications professionnelles11 . L’AFPA possède quatre types d’action :

10. Établissement Public à caractère Industriel et Commercial. 11. Cf. le site du Ministère du Travail, rubrique « titres professionnels » pour avoir accès aux référentiels d’emploi et de certifications.

- La première action permet à des personnes d’accéder à un emploi. On certifie des personnes qui n’ont pas été forcément formées, on les accompagne vers l’emploi sans nécessairement viser une qualification complète, etc. ; - La deuxième action permet l’accès à l’emploi durable en qualifiant (c’est-à-dire en permettant aux personnes d’accéder à une certification). Ce sont les certifications du Ministère du Travail qui sont construites avec des professionnels. - Avec la troisième action, l’AFPA est présente sur l’ensemble du territoire métropolitain : avec 53 implantations et des organismes proches entretenant des liens forts dans les DOM-TOM. - L’AFPA est revenue vers le FLE en 2016, en réponse à des appels d’offre et à une demande, faite par l’État, d’accueillir des publics migrants, puisque cette agence est dotée d’hébergement. Dans le cadre de sa mission de service public, il est judicieux de mettre à profit le temps que ces personnes passent dans les hébergements AFPA pour leur proposer un premier accès à la langue française. C’est pour cette raison que l’Agence a développé un MOOC FLE12. Ce dispositif a permis de toucher à peu près 5000 personnes en France et dans le monde. L’Agence vise donc aujourd’hui à accompagner les publics migrants vers l’emploi et vers la formation, en leur permettant d’obtenir un stage en entreprise ainsi qu’un premier niveau de certification. Les titres professionnels sont constitués de blocs de compétences qui peuvent aider à accéder à un emploi si le niveau n’est pas trop faible. Par exemple, dans la branche de la propreté, l’Agence a récemment mené, à Rouen, pour des réfugiés, une formation intitulée « agent propreté et hygiène ». Cette formation constitue un premier bloc de compétences qui correspond à un CQP13 de la branche, avec un taux de réussite assez bon.

Mariela De Ferrari donne la parole à patricia potier, de la Direction de la formation professionnelle du Conseil régional d’Île-de-France. La direction de la formation professionnelle conçoit des dispositifs de formation, comme toutes les régions au niveau national. Les régions ont en charge la formation professionnelle des demandeurs d’emploi et des jeunes (16/25 ans). La région Île-de-France mène trois dispositifs phares qui proposent deux façons d’intégrer la langue – sans être spécialement centrés sur la langue – mais sur le projet professionnel et l’accès à l’emploi. En 2008/2009, la région Île-de-France était dans une logique de dispositifs en silo qui avait une logique parcellaire et donnait lieu, surtout pour les jeunes, à des parcours très longs et très éloignés de l’emploi. La direction de la formation professionnelle a alors choisi de travailler avec un collège d’experts fin 2009-début 2010, collège dont Mariela De Ferrari et Thierry Pelletier faisaient partie, pour réfléchir à un langage partagé et construire différemment la réflexion sur les dispositifs.

12. https://moocfle.afpa.fr/ 13. Certificat de Qualification Professionnelle

La méthodologie est basée sur les cartes de compétences développées par Mariela De Ferrari et Florence Mourlhon-Dallies. Ces réflexions ont permis la création d’une carte de compétence spécifiquement dédiée à l’insertion professionnelle des jeunes en Île-de-France, en y associant les organismes de formateurs, les formateurs et les orienteurs (Pôle emploi, Cap emploi, etc.). À ce jour trois dispositifs proposent la maîtrise de la langue. - Le premier groupe de dispositifs s’intitule « Avenir jeunes »14. La place de la langue y est transversale, au même titre que les compétences-clé : ce qui est central, c’est accompagner les jeunes à élaborer un projet, à connaître le monde de l’emploi, à faire des plateaux techniques et à acquérir des gestes professionnels. Le dispositif permet aux jeunes d’accéder à l’emploi via une qualification – en alternance ou non – dans des CFA15. - Le deuxième dispositif s’intitule « Cap compétences ». Il délivre des titres professionnels et des diplômes enregistrés par l’AFPA qui sont reconnus par l’éducation nationale en France. - Le troisième dispositif, « Compétences de base professionnelles », propose une formation en français langue professionnelle à la fois aux publics dits « infra A1.1 », c’est-à-dire des publics vraiment débutants en langue et aux publics de niveaux de langue plus élevés.

Ces trois dispositifs proposent la certification CLéA16 ou une préparation à CLéA, et concernent tous les publics, même ceux qui ne prépareront pas l’ensemble de la certification mais seulement quelques compétences. Pour les formateurs, il s’agit de mettre en place une pédagogie différenciée durant la formation : un formateur pourra avoir un public en compétences professionnelles de base qui aura, par exemple un niveau de langue très bas, mais un projet professionnel validé, qui ira donc plus rapidement vers des stages, ou bien des personnes à niveau très faible et sans projet professionnel.

Thierry peLLetier, du bureau de la formation professionnelle continue de la DGESCO17, gère le réseau des Groupements d’Etablissements publics (GRETA), qui forme à peu près 500 000 personnes par an, y compris au sein de dispositifs dans le domaine des langues. La langue est l’un des éléments moteurs des dispositifs mais il est également nécessaire de travailler sur d’autres compétences relevant du numérique ou des mathématiques, par exemple. On ne travaille plus sur la langue pour la langue, mais sur la langue pour l’usage que l’on peut en avoir ou l’action que l’on va

14. Pour plus d’information sur le dispositif, se rapporter au site de Défi-métiers, qui est le Centre d’animation régionale et d’information sur la formation-Observatoire régional de l’emploi et de la formation (CARIF OREF) d’Île-de-France. 15. Centre de Formation des Apprentis. 16. Certificat de connaissances et de compétences professionnelles. 17. Direction Générale de l’Enseignement Scolaire, Ministère de l’Éducation Nationale.

être amené à conduire. Il faut donc avoir une approche beaucoup plus systémique et prendre en compte la dimension actionnelle. Ce qui a fédéré la démarche dans le réseau, c’est le travail qui avait été conduit autour du Diplôme de Compétences en Langue (DCL), qui part du principe que c’est dans l’action que l’on doit conduire la démarche. L’action est le fer de lance pour pouvoir travailler sur la compétence, c’est elle qui permet de mobiliser des savoirs, des savoir-être et des savoir-faire. Cela suppose, donc, que pour pouvoir agir dans une situation des ressources seront mobilisées, qu’elles soient internes à l’individu ou bien externes (c’est-à-dire dans l’environnement dans lequel il va intervenir). Cela suppose pour le formateur de développer des compétences autres que celles du champ disciplinaire d’où il vient. Cela signifie un travail autour de l’ingénierie de formation, de l’ingénierie pédagogique et surtout un travail en équipe-projet, c’est-à-dire avec l’ensemble des acteurs du domaine professionnel ou technique ou du monde de l’entreprise, et, bien sûr, avec le bénéficiaire lui-même, car il est au centre du dispositif. Il s’agit donc d’une véritable « co-construction », au regard des besoins des bénéficiaires et dans une dimension positive. Ce dispositif doit permettre de travailler sur ce qu’ils maîtrisent déjà et à partir de ce qu’ils maîtrisent, pour qu’ils montent en compétence dans les domaines dans lesquels ils sont peut-être plus faibles. Il faut travailler sur la mise en situation, celle où la personne va être acteur de son évolution dans le cadre de son parcours de formation.

Cela interroge l’ensemble des dispositifs qui ont été présentés par les intervenants car il y a des connexions à établir entre l’apprentissage de la langue dans une visée professionnelle et les autres compétences professionnelles. Les dispositifs ne doivent plus être des dispositifs isolés les uns des autres mais bien des dispositifs qui se parlent les uns aux autres.

christine Barret-LaBre, de Défi métiers, le GIP18 en charge de la mise en lumière des politiques publiques emploi-formation, donne son point de vue sur les changements et perspectives actuels à travers le Décret qualité dans le cadre de la réforme de la formation professionnelle. Elle précise qu’effectivement l’apprentissage de la langue est très impacté par la réforme de la loi de 2014 qui a créé le Compte personnel de formation (CPF), c’est-à-dire la possibilité pour toute personne de continuer à se former tout au long de la vie. Le CPF a été mis en place au moment où Défi-métiers réfléchissait à un travail de recensement et de référencement de l’offre de formation linguistique pour nourrir une cartographie financée par la DAAEN pour les primo-arrivants. Toute personne qui travaille en France, demandeur d’emploi ou bénévole, peut demander à se former et, dans ce cadre, la langue française est devenue un élément très important depuis 2015.

On note également la mise en place du Conseil évolution professionnelle, qui est un « dispositif d’accompagnement gratuit et personnalisé proposé à toute personne souhaitant faire le point sur sa situation professionnelle et, s’il y a lieu, établir un projet d’évolution professionnelle (reconversion, reprise ou création d’activité19…) ». Toute personne qui a besoin, au long de sa carrière, de se poser la question d’une réorientation ou d’un nouveau cheminement peut demander conseil auprès d’un conseiller mission locale en OPCA. Un conseiller Cap emploi ou d’OPCA peut rencontrer une personne, qu’elle soit ou non en difficulté dans son métier, qui a envie d’évoluer. Celle-ci peut aussi demander un accompagnement sur la langue. De nouvelles instances ont également pris une place particulière : il s’agit des branches professionnelles, qui regroupent et représentent les entreprises et les salariés par secteurs professionnels20. Elles ont, via leurs dialogues avec les partenaires sociaux, un rôle très actif sur le choix des certifications. Or Défi-métiers a vu progressivement des certifications de français être choisies par les branches. Les diplômes de français professionnels sont aujourd’hui entrés à l’inventaire et sont éligibles au compte personnel de formation, ce qui veut dire que tout salarié d’une des branches qui a choisi cette certification peut continuer à se former et améliorer le français dans sa pratique professionnelle.

La qualité des formations est également à prendre en considération. Le décret de juin 2015 exige que tout financeur de formation observe et analyse la qualité des organismes avec lesquels il travaille. Dans la qualité des organismes, sont notamment visés la formation des formateurs et le niveau de formation des formateurs (même s’il existe beaucoup d’autres critères, comme le développement de partenariats). Le niveau de compétences dans la façon de travailler, l’ingénierie et l’animation attestent, pour leur part, de la qualité du choix de l’organisme par un financeur.

La DAAEN, avec l’obtention du marché de l’OFII, réfléchit depuis deux ans à accompagner le secteur associatif sur la sécurisation des parcours, qui est une étape incontournable, mais aussi vers les certifications de français professionnel. Les branches professionnelles ont choisi une quarantaine de certifications de français pour permettre aux salariés de se former tout au long de leur vie. Certaines branches sont très actives (par exemple la propreté, le travail temporaire, le commerce) ; elles ont su capter l’intérêt de la connaissance et de la maîtrise des langues dans l’exercice des métiers de leurs salariés. Dans ce secteur, les métiers vont sans doute encore évoluer, puisque la loi prévoit que tous les services publics, les collectivités territoriales et leurs groupements, les entreprises et les institutions sociales, les associations et les organisations syndicales et professionnelles concourent à l’élaboration et à la mise en œuvre de ces actions. La loi a prévu que tous les acteurs collaborent pour

19. https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F32457 20. Pour une définition des « branches professionnelles », cf. le site Défi-métiers : https://www.defi-metiers.fr/breves/les-branches-professionnelles-en-quatre-points-cles

le bénéfice des publics (salariés, demandeurs d’emploi, jeunes, etc.) avec l’obtention de financements très variés, comme la prochaine Délégation interministérielle à la langue française le prévoit.

Quelques remarques complémentaires concernant la loi égalité-citoyenneté : la région finance un Centre de ressources illettrisme et maîtrise de la langue (CDRI). Des objectifs ont été fixés sous forme de convention avec des axes de veille sur la formation et l’emploi en lien avec Défi-métiers et sur la professionnalisation des acteurs. Tout Francilien, salarié ou bénévole, peut avoir accès gratuitement à ces actions de professionnalisation et de réflexion sur les stratégies d’enseignement, sur la professionnalisation et sur la façon de construire une offre en lien avec un bassin d’emploi. Sur le site de ressource « Illettrisme et maîtrise de la langue », des outils émergent et sont en lien avec les réseaux Canopé de l’Education nationale. Un maillage partenarial permet aux formateurs d’accéder à des formations professionnalisantes construites pour le réseau de l’Education nationale, afin de sécuriser les parcours et les publics. Un exemple pour illustrer cette situation : dans un organisme de formation, une personne qui venait d’arriver du Liban, électricien de formation dans son pays, s’est vu proposer par un formateur issu du monde du FLE, un parcours assez long, alors que ce Libanais qui avait des compétences professionnelles voulait se diriger vers un CAP de peintre. En travaillant avec le formateur, cette personne a pu construire un parcours dans lequel se trouvaient les prérequis d’accès au CAP de peintre. Le formateur doit aller chercher du côté de la certification, de l’emploi, des éléments pour construire une formation adaptée au profil du formé.

échanges avec la salle

Anna Cattan, de Langues Plurielles, se dit très intéressée par ce type de rencontre ASDIFLE et la possibilité qui est offerte aux différentes institutions et divers organismes d’échanger. Elle pose aux intervenants la question de la création et du développement de partenariats et de réseaux qui semblent finalement complémentaires les uns avec les autres

En réponse, un intervenant indique qu’il consulte toujours plusieurs partenaires, comme le Ministère de l’intérieur, la DAAEN, la Direction de la cohésion sociale de la jeunesse et des sports et le GRETA lorsqu’il construit des dispositifs. La notion de « maillage partenarial » est écrite dans les dispositifs, il s’agit d’un critère d’instruction dans les appels d’offre. Concrètement, dans le dispositif « Compétences de base », les prescripteurs et les orienteurs peuvent aussi être des ASL (Ateliers socio-linguistiques) ou les agences OFII qui ont repéré des publics ayant des besoins de formations. Celui qui répond à l’appel d’offre doit communiquer au sujet de son offre auprès des partenaires de terrain s’il est retenu pour accueillir, à l’OFII ou dans un ASL, par exemple, un public qui arrive avec des acquis préalables. Un autre intervenant spécifie que les partenariats se construisent avec diverses entreprises.

Le réseau des GRETA, par exemple, quand il répond à des appels d’offres, ne répond pas seul, mais avec d’autres acteurs. Il y a donc effectivement des pratiques de partenariat qui se développent sur le territoire pour pouvoir apporter le meilleur de chacun des membres du groupement. Il y a aussi des dispositifs comme le DCL qui deviennent de plus en plus pertinents au regard de l’évolution de la formation professionnelle, avec des exigences dans beaucoup de domaines pour obtenir une certification. Par exemple, en 2016, le GRETA a conclu plus de 200 partenariats avec différents acteurs du monde public ou du monde privé et avec certaines universités.

Un deuxième intervenant précise que cette question des partenariats ne se pose pas seulement au niveau des directions, mais aussi au niveau des formateurs. Il leur est demandé de s’inscrire dans leur territoire dès lors qu’on envisage de permettre à des personnes d’accéder à l’emploi ou plus modestement de trouver des lieux de pratique. Et c’est une demande qui est faite aux formateurs : se constituer un réseau personnel de partenaires de tous ordres qui agissent dans le domaine de l’emploi et de la formation (c’est-à-dire être capable de connaître les entreprises de son territoire et les acteurs qui puissent aider les stagiaires, que ce soit dans le domaine du social ou de l’économique).

Un troisième intervenant ajoute que l’on incite même les formateurs à prendre en charge la liaison complète et les comités de pilotage, à garantir une bonne implication de l’entreprise dans la formation et à développer le dispositif plus largement.

Mariela De Ferrari indique qu’il y a une volonté marquante de l’État d’inviter les organismes qui répondent au marché et les associations de quartier qui mettent en place des actions avec des subventions à utiliser un même référentiel de formation (celui que présentait Isabelle Ayrault en début de discussion). Deux directions sont à l’œuvre dans cette tentative : d’une part, l’OFII qui met en place les marchés et, d’autre part, la Direction générale de la cohésion sociale (DGCS) qui, dans les régions, finance des actions d’associations avec le bob 10421. Le référentiel de formation cadre les marchés actuels qui mènent au niveau A1 et A2, via des dispositifs qui forment les migrants qui signent le contrat d’intégration républicaine (il s’agit du « Parcours d’intégration républicaine »). Cette situation invite aussi à articuler les actions qui sont menées dans le cadre des marchés et par les associations. Ce sont deux mondes qui jusqu’ici ne se rencontrent pas vraiment.

Mariela De Ferrari clôt cette table ronde en remerciant l’assistance.

21. Ligne budgétaire de l’État qui finance les actions d’intégration (non par marchés publics mais par subventions).

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