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Anna Douilly

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Élodie Oursel

Élodie Oursel

cours de langue pour cheminots : retour sur une expérience de 14 ans

anna douiLLy

CCI CAMPUS Strasbourg

résumé

Le Centre de formation de la CCI de Strasbourg organise des cours d’allemand et de français langue étrangère (FLE) ferroviaire pour conducteurs de train depuis 2003. Ces cours sont validés par un examen spécifique (langue technique), également élaboré par les CCI (Strasbourg et Metz) en collaboration avec les entreprises ferroviaires SNCF et Deutsche Bahn, rejoints entre temps par d’autres entreprises ferroviaires du secteur privé. La collaboration fructueuse avec les partenaires des chemins de fer, basée sur une relation de confiance a permis de pérenniser ces formations dans la durée. Cet article revient sur le contexte d’émergence du dispositif, sur les différentes ingénieries de formation qu’il suppose et sur ses apports pour le public du secteur ferroviaire. Mots clés : secteur ferroviaire / allemand / français / partenariats /

1. d’aBord L’aLLemand

Tout a commencé en 2003. Le point de départ fut un incident sur le territoire allemand en raison d’un problème de communication. Une première demande de la SNCF pour des cours d’allemand spécifiques pour conducteurs de train fut alors effectuée. J’étais à ce moment-là formatrice d’allemand permanente au sein du Pôle Formation de la CCI de Strasbourg (récemment renommé CCI CAMPUS) et on m’avait chargée de l’organisation des cours. Pour bien cerner leurs besoins, j’avais pu accompagner les conducteurs et un instructeur métier dans la cabine de conduite. Il était alors possible d’écouter en direct les échanges entre le régulateur et les conducteurs. Ce fut l’occasion de constater l’opacité du langage technique et la qualité de transmission très moyenne par la radio sol train. Ce dernier point nous a incités à utiliser délibérément certains enregistrements de mauvaise qualité pendant les cours (bruits de fond, bruitages…) pour y habituer les participants.

Pour nous familiariser avec les contenus spécifiques et le langage technique, la SNCF nous a fourni des documents de travail en allemand, accompagnés des explications nécessaires pour nous permettre de didactiser ces documents. Une aide majeure venait des conducteurs directement lors des cours où ils nous familiarisaient avec leur métier à l’aide de schémas, dessins et paraphrases. La totalité de ces premiers groupes formés avait déjà un assez bon niveau en allemand général et tech-

nique (il s’agissait d’Alsaciens dialectophones) ce qui nous facilitait grandement les choses. Et à chaque cours nous récupérions du matériel nouveau pour les prochains groupes. Entre 2003 et 2005, nous avons pu ainsi former une dizaine de groupes, circulant en Allemagne. Ces cours se terminaient par des évaluations internes, mais sans certification.

2. La certification

En juin 2005, dans le cadre du partenariat des Entreprises ferroviaires (SNCF et DB Railion) et tout particulièrement en vue du TGV EST, la mise en place d’un examen de langue spécifique pour agents de conduite fut décidée. Les centres de langues des CCI de Metz et Strasbourg furent chargés de l’élaboration de ce projet (en l’occurrence Andrea SEIFERT/formatrice d’allemand à Metz et moi-même pour Strasbourg). S’en sont suivies de nombreuses réunions avec les chefs de projet de la SNCF (M. SAMYN) et de la DB (M. WEBER) pour cerner les compétences et connaissances exigées, déterminer les modalités de l’examen et les formations à organiser en amont. Le niveau attendu à l’oral pour les conducteurs fut fixé à B1 et celui des chefs de groupe et instructeurs internes à B2. La totalité des tâches à effectuer lors de l’examen concernait le métier. Le travail sur l’écriture, la grammaire et l’orthographe était laissé de côté dès lors qu’il n’y avait pas de risque de malentendu. L’accent était mis sur les termes techniques et la langue métier. Le point crucial étant la sécurité, une faute de langage susceptible de provoquer un problème de sécurité était éliminatoire. En revanche, parler ou écrire à l’infinitif, sans article, ou en confondant les prépositions pouvait être considéré comme des erreurs « négligeables » ou sans importance car sans risque.

Une fois l’examen établi, validé et expérimenté en février 2006 (les CTT (chefs de groupe SNCF) ayant été les cobayes), nous avons construit les contenus des formations en amont, puis avons organisé les sessions, respectivement à Metz (essentiellement pour les trains de fret) et à Strasbourg (pour les TGV, les TER et le fret). La formatrice d’un centre devenait par principe l’examinatrice de l’autre centre et vice versa. L’examen réussi constituait la condition préalable pour entamer la formation métier, qui concernait la réglementation étrangère.

Depuis, nous avons organisé de nombreuses formations pour conducteurs de train et chefs de groupe, et, par la suite, pour des régulateurs, des contrôleurs et des personnels administratifs, chaque métier permettant de connaître d’autres aspects du transport ferroviaire.

A partir de 2014, il a été nécessaire de faire enregistrer le centre au Eisenbahnbundesamt (administration ministérielle concernant le trafic ferroviaire). Dans cette objectif, deux dossiers complets ont dû être constitués : l’un pour la demande d’être centre de formation et l’autre pour la demande d’être centre d’examen. Nous avons obtenu les deux accords (renouvelables en 2019). Depuis 2003,

nous avons ainsi organisé près de 3000 heures de cours d’allemand pour les cheminots français.

3. et puiS Le françaiS LanGue étranGère

Entre temps, des entreprises ferroviaires allemandes avaient contacté la CCI de METZ pour la mise en place de formations et examens équivalents en FLE ferroviaire. Andrea SEIFERT, déjà en charge des formations en allemand ferroviaire a mis en place des cours et des examens de français. Après son départ de la CCI de Metz en 2015, l’ensemble des actions en cours furent reprises par CCI CAMPUS Strasbourg. De par mes connaissances dans le domaine, le dossier ne fut pas confié à la responsable FLE mais à moi-même.

Nous avons alors dû organiser différents types de cours : - Initiation à la langue française avec l’option métier dès le début, - Préparation à l’examen ferroviaire, - Cours de maintien pour les conducteurs ayant déjà réussi l’examen.

Les cours pouvaient se dérouler à des rythmes variables (en intensif ou extensif, à Strasbourg ou sur site, avec programme culturel en option pour les cours de maintien en intensif à Strasbourg). Concernant les examens, il en existe 3 types : - Version complète pour conducteurs Niveau B1, - Version courte pour le renouvellement/reconfirmation du niveau, - Version B2 pour chefs de groupe/instructeurs.

Ce fut encore une fois un grand défi pour nous. Il a fallu créer des supports, embaucher une équipe de formateurs, prêts à s’initier à la langue technique et, très souvent, prêts à s’expatrier pour ces cours qui pouvaient avoir lieu sur site (à Offenburg, Mannheim et Saarbrücken), ce qui supposaient qu’ils passent des semaines entières à l’hôtel en Allemagne. Les compagnies ferroviaires concernées étaient et sont : DB CARGO (fret), DB Fernverkehr (grandes lignes), OSB/SWEG (TER), et occasionnellement aussi EURO CARGO (fret) et CFL CARGO (fret – Luxembourg). DB CARGO et DB Fernverkehr avaient, chacun, demandé au préalable une journée de cours à l’essai, les « élèves » ayant été constitués par une équipe d’encadrants de l’entreprise. À l’issue de ce test, nous avons pu présenter un programme pour leurs équipes de conducteurs et pour les encadrants. À l’instar de la SNCF, la DB nous fournissait des documents précieux pour la langue technique. Pour la compréhension orale et l’entraînement à l’échange des dialogues entre régulateur et conducteur, nous avons également eu l’occasion d’enregistrer des dialogues types par les collègues de la SNCF.

4. un françaiS trèS particuLier

La majorité des conducteurs allemands apprennent le français à travers la langue technique qui est très codifiée et dont le sens peut dévier de la langue générale. Il faut

régulièrement pointer les différences entre la « langue SNCF » et le français courant. Donnons les exemples suivants : - Les agents étant familiarisés avec l’expression « divagation des bestiaux sur la voie » il faut leur préciser que le chat et le chien ne sont pas pour autant des « bestiaux » mais des « animaux » (domestiques). - Dans la cabine du conducteur se trouve des « agrès », mais pour bricoler à la maison, on parle d’« outils ». - Le « carré », signal d’arrêt absolu, est pourtant rond. - Un conducteur « collationne » ce que lui dit l’agent circulation ou le régulateur, mais, en dans le vocabulaire courant, on « répète ». - Enfin, on leur précise que, malgré la tradition de tutoiement entre cheminots, le vouvoiement vis-à-vis des personnes qu’on ne connaît pas reste de rigueur dans la société française.

L’examen B1 ferroviaire (en allemand et en français) correspond plutôt à un A2+ (communication élémentaire assurée à l’oral dans les situations prévisibles dans leur métier) avec une maîtrise parfaite des dialogues codifiés (p. ex : « Ici le conducteur du 65780 », « J’applique les prescriptions », « Je demande la protection d’obstacle »), ainsi que des termes techniques très nombreux (p. ex : « sémaphore », « boîte chaude », « veille automatique »). La maîtrise de la grammaire n’est pertinente que dans la mesure où des malentendus peuvent surgir par des erreurs grammaticales (p. ex : il existe une confusion courante chez les allemands entre : « Je m’arrête » et « je suis arrêté »). L’orthographe compte très peu pour la note. Un autre élément important est la maîtrise des chiffres (indication du numéro de train, du point kilométrique, du signal, de la vitesse maximale, etc.). Les erreurs de chiffres sont éliminatoires lors de l’examen.

Chaque énoncé doit être « collationné » (répété/confirmé) pour assurer la compréhension et par conséquent la sécurité. Le terme vient de l’armée. Les noms sont épelés selon l’alphabet de l’OTAN (Alpha, Bravo…) Et dans certaines situations précises, le conducteur reçoit des ordres. Ces ordres dictés doivent être notés dans des bulletins préparés à cet effet dans la cabine de conduite, ce qui demande une maîtrise minimum de l’écriture. Dans cet objectif, des dictées ciblées sont prévues lors de la formation, ainsi que pendant l’examen. (p. ex : « Ordre est donné au conducteur du 67890 de rouler à une vitesse maximum de 60 kmh entre le point kilométrique 12,5 et … »).

Bilan et conclusion

Depuis 2015, nous avons ainsi effectué environ 4300 heures de cours de FLE pour agents de conduite et chefs de groupes (initiation et maintien) et fait passer des examens à une cinquantaine d’agents. Plusieurs facteurs ont contribué à faire de ce beau projet une réussite :

- Une aide importante et continuelle de la part des entreprises de chemin de fer dans l’aide à la compréhension de leur métier et dans la préparation des formations en fournissant des documents métiers. Les relations avec les interlocuteurs des chemins de fer, allemands et français, ont toujours été particulièrement cordiales et enrichissantes. Et mes remerciements vont tout d’abord vers eux. - Une équipe de formateurs compétents, impliqués et curieux de découvrir de nouveaux domaines. Dans cette équipe, un noyau stable est le minimum requis pour pouvoir initier les nouveaux venus. Actuellement, six formatrices interviennent régulièrement pour les cours de FLE ferroviaire et trois formateurs en allemand ; tous correspondent aux critères indiqués. - Des formations dans la durée, sur plusieurs années, ce qui permet de peaufiner et d’approfondir les cours au fur et à mesure et de devenir plus performant.

En ce qui me concerne, j’ai toujours le même plaisir et je dirais de la fierté à m’occuper de ces formations et de ce public.

annexeS

quelques exemples de fiches de travail : a) divaGation de BeStiaux

Complétez par l’expression appropriée :

marche prudente – aux abords de la voie – un mouton – obstacle – le pk 5 et le pk 8,5 – une dépêche – aviser

1) Il y a des bestiaux…………………………………………………

2) J’ai vu des bestiaux entre …………………………………………

3) Il faut ……………………………………………les trains qui suivent.

4) Actuellement, ils ne constituent pas d’……………………………….pour la circulation.

5) Si les animaux sont plus gros qu’……………….., ils représentent un obstacle.

6) Dans ce cas, l’agent circulation dicte ……………………… « Divagation de bestiaux ».

7) Le conducteur répète le texte de la dépêche. Il doit rouler en …………………

A Hors Service

B La rame

C Le dérangement D La ligne E L’agent de conduite F La pause G Assurer

H Dépanner I Répéter J Le cheminot 1 Le conducteur

2 Le trajet 3 Le repos 4 Le train

5 L’employé des chemins de fer 6 Collationner

7 H.S.

8 Réparer 9 L’anomalie

10 Garantir

c) L’incident caténaire. compLétez :

électricité météorologiques incidents rupture trafic réparer rouler itinéraire kilomètres retards sécurité Réseau ferré de France

C’est sans doute l’un des …………………………les plus redoutés. Quand la caténaire, c’est-à-dire le câble électrique situé au-dessus des voies, ne fournit plus d’……………………., c’est toute l’alimentation électrique du train qui fait défaut. L’incident caténaire peut entraîner des ………………………….importants. C’est la rupture de la caténaire, lorsque les fils de cuivre du câble se cassent. Dans certains cas, la caténaire est arrachée et trainée par les trains sur plusieurs………………………, ce qui nécessite d’importants moyens et du temps pour la réparation. La caténaire casse souvent par usure, mais aussi à cause de mauvaises conditions……………………………… Des courts-circuits ou des actes de malveillance peuvent également être à l’origine des incidents caténaires. En cas de ………………………………de caténaire, il n’y a plus de courant électrique sur toute une zone géographique, les trains ne peuvent plus………………………. Les trains suivants doivent modifier leur …………………………………et emprunter d’autres voies de circulation, le temps de ……………………………la caténaire. Une intervention qui prend du temps : comme les tensions sont très élevées, les mesures de …………………………………….sont très importantes. Il faut s’assurer qu’il n’y a aucun risque d’électrocution.

Les retards sont donc parfois conséquents, jusqu’à 3 heures. Et en cas de fort…………………., c’est tout le plan de transport ferroviaire qui doit être modifié. En moyenne 400 incidents de caténaire sont recensés chaque année sur le réseau ferré grandes lignes. C’est ………………………………(RFF) qui est propriétaire des voies et doit financer le réseau.

d) exempLeS d’entraînement à L’oraL

jouez les situations suivantes :

1) panne à l’engin moteur – demande de secours

Vous êtes le conducteur du train 32 641 et vous êtes dans la gare de Strasbourg.

Vous avez une panne d’engin moteur et ne pouvez plus repartir. Vous appelez l’agent circulation de Strasbourg.

2) accident de personne

Vous êtes le conducteur du train 85 715 et vous venez d’avoir un accident de personne à un passage à niveau, pk 7,5. Vous avez heurté une voiture.

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