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continue des futurs professeurs de fle. (E. Perrichon

La PÉDaGoGie UNiVerSiTaire De ProJeTS aU SerViCe De La ProFeSSioNNaLiSaTioN De La FormaTioN iNiTiaLe eT CoNTiNUe DeS FUTUrS ProFeSSeUrS De FLe. L’eXemPLe DU maSTer FLe eT iNGÉNierie De FormaTioN De L’ULCo.

emilie PerriCHoN Université du littoral Côte d’opale, Laboratoire : HLLi (ea 4030) equipe mUSe/LCem

résumé : Lors des 44èmes Rencontres de l’ASDIFLE en octobre 200924, j’étais intervenue sur la formation professionnelle en didactique des langues et des cultures en apportant quelques pistes de réflexion sur la formation des futurs enseignants de FLE dans une perspective actionnelle. Dans l’optique d’intégrer la perspective actionnelle à la formation des enseignants, je m’étais posé la question de la pertinence de l’utilisation de la pédagogie du projet en milieu universitaire et la façon dont on pouvait envisager le développement d’une pédagogie universitaire de projet dans une perspective actionnelle. Cette nouvelle contribution est donc pour moi l’occasion d’approfondir ce sujet qui me tient à cœur de par la spécificité même de la formation Master FLE que je dispense, mais surtout de mener une réflexion conjointe sur la pédagogie universitaire de projets comme réponse possible à une évolution que l’on pourrait qualifier de tridimensionnelle : celle des enjeux des métiers du FLE, de l’évolution du métier d’étudiant et de fait, celle du métier de formateurs d’enseignants de FLE.

mots clés : pédagogie universitaire de projets, professionnalisation, transversalité.

« […] Former les étudiants à devenir des citoyens bien informés et profondément motivés, doués d’esprit critique et capables d’analyser les problèmes, de chercher des solutions aux problèmes de la société, de les appliquer et d’accepter des responsabilités sociales » (Article 9 de la Déclaration mondiale sur l’enseignement supérieur pour le XXIème siècle, UNESCO, 1998)

La question au départ de cette recherche porte sur l’adaptation de l’offre aux demandes actuelles et à venir, mais aussi sur la professionnalisation de la formation initiale des futurs professeurs de FLE. Parce qu’il ancre des contenus de formation dans la sphère professionnelle en y adjoignant une visée sociale, le projet pédagogique apparaît comme une réponse possible à cette question. Ce type d’approche semble permettre, en effet, d’amener l’étudiant à la professionnalisation souhaitée à l’issue de son Master, et semble répondre, de ce fait, à des enjeux économiques primordiaux.

Toutefois, à l’heure où nous demandons aux enseignants de s’adapter à des situations aussi diverses que complexes, à l’heure où l’on exige des compétences multiples, les questions que nous devons nous poser sont à la fois d’ordre pédagogique, universitaire mais également d’ordre éthique (voire citoyenne) et philosophique. Quel « prof » de FLE pour demain ?

Transversalité, transférabilité, adaptabilité, adaptation, polyvalence, compétence, connaissance, co-action, co-évaluation, responsabilisation…. Voici autant de notions qu’il nous faudra aborder pour tenter d’esquisser les prémices d’une pédagogie universitaire de projets en formation initiale et continue de FLE, à la fois garante de « l’employabilité » de nos étudiants, mais également porteuse d’une dimension éthique et responsable.

Je m’appuierai pour ce faire sur quelques exemples de projets mis en place dans le cadre des cours d’ingénierie pédagogique et d’ingénierie de formation dispensés en deuxième année de Master

FLE à l’Université du Littoral Côte d’Opale.

1. LieNS eNTre PÉDaGoGie UNiVerSiTaire eT PÉDaGoGie De ProJeTS

La pédagogie universitaire n’a pas une longue histoire, quelques décennies seulement. D’une manière générale, elle est apparue dans les années 70, d’abord dans les formations professionnalisantes (faculté de médecine entre autres) puis, plus récemment, dans les formations technologiques (type Institut Universitaire de Technologie) et enfin dans les formations d’enseignants. C’est dans ce dernier contexte d’intervention que se situe ce travail.

1.1 PoUr UNe aPProCHe SySTÉmiQUe De La PÉDaGoGie UNiVerSiTaire

La question de la pédagogie dans les formations universitaires a d’abord porté, très logiquement, sur les activités pédagogiques (activités d’enseignement) et sur les activités d’apprentissage. Il apparaît très clairement dans les différentes études menées sur le sujet, que ces activités ne peuvent être étudiées isolément. C’est ce que souligne Jean-Marie De Ketele dans son article « La pédagogie universitaire : un courant en plein développement » (2010 : 5), « on peut identifier les composantes suivantes : au centre, les activités pédagogiques (enseignement et apprentissage) ; en amont, le curriculum ; en aval, les résultats des activités pédagogiques ; transversalement, les facteurs de contexte interne (environnement académique et étudiant) et les facteurs de contexte externe (politiques, sociaux, culturels, économiques). Le tout forme un système aux interactions complexes ».

Toujours pour Jean-Marie De Ketele (2010 : 6), ce système complexe est traversé par deux dimensions, l’une diachronique (déroulement du processus de formation- « du curriculum aux résultats en passant par les activités déployées ») ; l’autre, synchronique qui « fait référence aux différents facteurs de contexte externe et interne qui déterminent sous certains aspects le curriculum, son implantation et même les résultats des actes pédagogiques » (2010 : 10). Ainsi, nous pouvons concevoir la pédagogie universitaire en formation initiale de FLE comme un système complexe relianttrois sphères : pédagogique, sociale et politique.

Dans cette optique, il semblerait que c’est un mode d’action collective qui permettra de créer une dynamique entre actions sociales, actions pédagogiques et orientations politiques.

1.2 PoUr UNe aDÉQUaTioN eNTre aGir SoCiaL eT aGir D’aPPreNTiSSaGe eT De

FormaTioN

Afin de mieux comprendre et appréhender ce système, la lecture et l’analyse de la Déclaration mondiale sur l’enseignement supérieur pour le XXIème siècle de l’UNESCO en 1998 (réitérée en 2009) semble donner les bases de ce quepourrait – ou devrait – être une pédagogie universitaire adaptée aux contextes économique, social, politique actuels. Notons d’emblée l’importance de l’article 1 de cette Déclaration qui rappelle le rôle éthique, l’autonomie, la responsabilité et la fonction d’anticipation comme mission des établissements supérieurs. Mais ce sont les articles 5-6 et 7 de la Déclaration qui attireront davantage notre attention dans cette réflexion sur l’avènement d’une pédagogie spécifique au milieu universitaire.

En effet, l’article 6, en évoquant une orientation à long terme fondée sur la pertinence de l’enseignement supérieur qui doit se mesurer « à l’aune de l’adéquation entre ce que la société attend des établissements et ce qu’ils font » (Ibid., article 5, page 8), ouvre de nouvelles perspectives et de précieuses pistes de réflexion sur le sujet.On pourrait d’ailleurs aller jusqu’à parler d’une perspective actionnelle entendue dans le sens d’une adéquation entre agir social et agir d’apprentissage (ou de formation), une homologie fin/moyen issue d’une étude systémique des enjeux de la pédagogie universitaire. Cela requiert, comme nous pouvons le lire dans la suite de l’article 5, « des normes éthiques, l’impartialité politique et des capacités critiques en même temps qu’une meilleure articulation avec les problèmes de la société et le monde du travail, en fondant les orientations à long terme vers les buts et les besoins sociétaux […] » (Ibid. : 8).

Dans le domaine de la formation en langue, et plus particulièrement de la formation initiale en FLE, les buts et les besoins sociétaux se situent a priori sur deux axes majeurs : un axe co-culturel et un axe langagier. Ces deux axes sont à développer dans cette perspective, conjointement à un axe réflexif, portant à la fois sur l’aspect méthodologique et éthique de l’enseignement, et ouvrant la voie à une didactique de l’agir social.

1.3 VerS UNe DiDaCTiQUe De L’aGir SoCiaL PoUr La FormaTioN UNiVerSiTaire ?

En rappelant à plusieurs reprises et sous différentes formulations la priorité pour l’enseignement supérieur de « renforcer ses fonctions au service de la société » (Article 6) et de « renforcer la coopération avec le monde du travail ainsi que l’analyse et l’anticipation des besoins de la société » (Article 7), la Déclaration Mondiale sur l’Enseignement Supérieur de l’UNESCO (1998) guide nettement les réflexions sur la pédagogie universitaire vers une pédagogie orientée sur l’homologie entre agir social et agir d’apprentissage (ou de formation), voir même vers ce que l’on pourrait qualifier de didactique de l’agir social.

Si l’on se base sur ces premiers articles, cette didactique de l’agir social pourrait être orientée vers différents axes : - «apprendre à entreprendre» (Article 7). Autrement dit, donner les outils pour entreprendre et pour comprendre l’entreprise, dans le sens plein du terme ; - « développer l’esprit d’initiative » (Article 7) ; - « donner aux étudiants la possibilité de développer leurs propres aptitudes en ayant conscience de leur responsabilité sociale » (Article 6) ; - apprendre aux étudiants à devenir des membres actifs à part entière de la société démocratique (Article 7) ; - placer l’apprenant au cœur du système (Article 9). À la lecture de ces quelques points, il semble qu’il s’agisse bien d’une nouvelle voie pour l’Éducation à l’université que veut initier cette Déclaration. Cette nouvelle voie, esquissée et souhaitée ici, semble répondre à une évolution conjointe de la société comme on peut le lire dans l’article 9 de cette Déclaration :

« Dans un monde en proie à des changements rapides, chacun perçoit la nécessité d’une nouvelle vision et d’un nouveau modèle pour l’enseignement supérieur qui devrait être centré sur l’apprenant ».

Les changements évoqués ici sont d’ordre économique, politique et social, et posent la

question de l’évolution d’un certain nombre de composantes inhérentes aux formations initiales en FLE. On pourrait alors qualifier cette évolution de tridimensionnelle, puisque touchant trois sphères – celle des métiers du FLE, du métier d’étudiant et, de fait, celle du métier de formateurs d’enseignants de FLE.

Ces changements majeurs impliquent « une révision de ses contenus, méthodes, pratiques et moyens de transmission des connaissances sur la base de nouveaux types de liens et de partenariats avec la communauté et la société au sens large » (Article 9). Toutefois, ne s’agitil pas plutôt d’une re-émergence d’un modèle déjà bien connu plutôt que l’émergence d’un modèle pédagogique nouveau ?

1.4 La re-ÉmerGeNCe D’UN moDèLe : La PÉDaGoGie De ProJeT aPPLiQUÉe À

L’eNSeiGNemeNT DaNS UN CoNTeXTe UNiVerSiTaire

Le « nouveau » modèle évoqué dans la Déclaration Mondiale sur l’Enseignement Supérieur pour le XXIème siècle a pour point de départ des principes proches de ceux de l’Ecole active. On peut en effet lire plus loin que ces méthodes nouvelles « devraient être encouragées pour favoriser l’acquisition de savoir-faire, de compétences et d’aptitudes pour la communication, l’analyse créative et critique, la réflexion indépendante et le travail en équipe dans des contextes pluriculturels où la créativité passe aussi par l’association de connaissances et de savoir-faire traditionnels ou locaux et les sciences et de technologie de pointe » (Article 9 c et d).

Ne peut-on pas réactiver ce modèle connu depuis longtemps au service d’une formation sociale, éthique et professionnelle des futurs enseignants de FLE ?

Ces méthodes rappellent les principes mêmes de l’Ecole Active, tels que les grandes lignes de la pédagogie Dewey pour qui :

- L’individu cherche spontanément à se développer et à atteindre un bon niveau de réalisation personnelle ;

- L’école doit donner à l’individu des occasions de se réaliser.

Sans oublier, bien sûr, le principe « phare » de la pédagogie Dewey : « Learning by doing » (apprendre en faisant) où il est alors question d’agir, de construire, de co-agir, de co-construire des projets, de les mener à leur terme, de faire des expériences, d’apprendre à les interpréter. Pour donner une dimension sociale à l’apprentissage, trois étapes semblent fondamentales chez Dewey :

1. L’observation des conditions qu’offre l’environnement ;

2. La connaissance de ce qui a pu se produire dans le passé à l’occasion de situations semblables ; connaissance à la fois par la remémoration, et par l’information, les conseils, les avertissements de ceux dont l’expérience est plus riche ;

3. Le jugement qui synthétise observation et savoirs pour en dégager une signification ;

Ces trois étapes sont également présentes en filigrane dans la Déclaration. Ce qui est évoqué ici fait également fortement écho aux principes de l’Arbeitsschule – l’école du travail – initiés par Kerschensteiner (disciple de Dewey) au début du vingtième siècle :

- L’épanouissement de l’individu jusqu’à son autonomie et l’assimilation des bien culturels de la communauté ;

- L’enseignement « professionnel » autant que l’enseignement « général » dans la mesure où tous les deux doivent atteindre une dimension culturelle ;

- Un enseignement qui part des intérêts de l’élève pour l’élever aux intérêts théoriques, à l’instruction par l’expérience et l’action qui doit être elle-même basée sur des motivations25 profondes.

Pour ces différents aspects, le projet pédagogique apparaît comme un modèle possible dans cette optique de formation sociale de l’individu, au cœur du système.

2. La PÉDaGoGie UNiVerSiTaire De ProJeT eN PraTiQUe : UNe DÉmarCHe D’iNTÉ-

GraTioN DeS aPPreNTiSSaGeS oU Le ProJeT TraNSDiSCiPLiNaire

Il existe des centaines de modèles en pédagogie de projets très souvent généralistes ou majoritairement orientés vers l’enseignement en contexte scolaire. Marie-Hélène GUAY en présente quelques-uns dans son article sur la pédagogie de projet au Québec (2002), mais un modèle attire particulièrement notre attention lorsqu’il est question de pédagogie universitaire : il s’agit du projet transdisciplinaire d’après Suzanne Francoeur-Bellavance (1997 : 42-45). Ce modèle pose tout d’abord les principes de l’interdisciplinarité et de la transdisciplinarité, particulièrement pertinents dans le cadre d’une formation universitaire.

Le modèle d’origine est construit selon une architecture en quatre temps,à laquelle il est nécessaire d’ajouter la notion centrale des pratiques réflexives dans la formation des futurs enseignants de FLE :

TEMPS GLOBAL « Phase de libération des connaissances, des intérêts, des interrogations » 1. Inventaire des connaissances, des intérêts et des interrogations 2. Regroupement et catégorisation des idées 3. Emergence de projets Cette phase est une phase de construction et de co-construction de savoirs TEMPS AnALYTIQUE « Phase de recherche et de découvertes » 1. Enonciation et précision des objectifs 2. Recherche et collecte des données : « - par des expériences personnelles d’observation et d’expérimentation - par la consultation de personnes - par l’étude des documents écrits, audio-visuels, informatisés etc.) » (Suzanne Francoeur-Bellavance, 1997 : 42-45). - par la réflexivité 3. Traitement des donnéespar la « comparaison des données, sélection des données essentielles, élaboration de relations entre les données retenues » (Ibid. : 42) TEMPS SYnTHÉTIQUE « Phase de structuration des données et d’intégration des apprentissages » (Idem) parla : « 1. Réorganisation des données retenues 2. Construction d’un tout cohérent en vue d’une communication des apprentissages intégrés » (Idem) 3. L’analyse et le retour réflexif COMMUNICATION ET ACTION (évaluation et interrogation méthodologique) 1. Présentation des résultats atteints et des stratégies utilisées 2. Échange dans la classe ou avec d’autres groupes 3. Possibilité d’une production commune 4. Possibilités d’actions communes

On pourrait ajouter au modèle de Suzanne Francoeur-Bellavance, la possibilité d’actions individuelles pour la construction collective qui répond à la nécessité d’évaluation individuelle des compétences et des connaissances propre à toute formation universitaire.

2.1 LeS moyeNS miS eN œUVre

Lors de la mise en place d’un projet dans un cadre de formation initiale à l’université, les moyens déployés se situent sur 3 axes :

1. innovation-interdisciplinarité- Transdisciplinarité 2. Observation-Réflexivité-Réflexion 3. Co-action-action collective-action individuelle

Le premier axe constitue la base de tout projet en milieu universitaire : la prise en compte de l’innovation, d’outils innovants dans la conception même de nos dispositifs de formation. Il s’agit alors de conforter l’interdisciplinarité et la transdisciplinarité comme moteur essentiel de la formation professionnalisante universitaire.

En relatant leurs expériences, les futurs enseignants de langue se construisent ou se reconstruisent une identité professionnelle, conjointement à leur choix et à leur parcours de formation à la didactique des langues-cultures. Par ailleurs, ils peuvent, par là, prendre en compte certains éléments de leur biographie qui ont structuré leur choix professionnel.

La réalisation d’un portfolio réflexifpermet d’envisager la biographie langagière dans la formation à la didactique comme mode de :

1) compréhension de l’autre (ouverture interculturelle puis co-culturelle, prise de conscience de l’existence des cultures d’action) ; 2) d’accompagnement dans un parcours professionnel en construction ; 3) déconstruction puis reconstruction de leurs représentations de l’apprentissage et de l’enseignement d’une langue ; 4) préparation à l’action individuelle et la co-action en milieu professionnel (dans l’enseignement-apprentissage des langues et des cultures).

Le troisième axe constitue l’orientation générale de cette action de formation : c’est une formation à la co-action par la co-action, une synergie entre une approche de et par projets. Il s’agit, autrement dit, de favoriser la mise en place d’une situation pédagogique qui vise non seulement l’apprentissage de contenus disciplinaires par une démarche-projet mais également l’apprentissage même de la conduite de projet.

2.2 LeS eNJeUX eT LeS oBJeCTiFS

Quant aux enjeux et aux objectifs que doit viser un projet dans le cadre de la formation initiale en FLE, ils peuvent être définis selon quatre grands axes :

1. adaptation-Polyvalence-adaptabilité 2. Transversalité des connaissances 3. Transférabilité des compétences 4. Éthique et responsabilité sociale

Les trois premiers axes correspondent aux opérations cognitives et métacognitives qu’il est nécessaire de développer chez un futur enseignant de FLE pour mettre en adéquation sa formation et sa profession, ce qu’il apprend en formation et ce qu’il va devoir faire dans sa profession.

C’est ce modèle et ces axes que nous avons utilisés et que nous utilisons dans un projet d’audit de formation que nous mettons en place chaque année en deuxième année de Master FLE à l’Université du Littoral Côte d’Opale. Ce projet est particulièrement éclairant, car il met en en parfaite adéquation transversalité des connaissances et transférabilité des compétences. Les étudiants sont, en effet, en charge de l’audit du département Génie-biologie de l’Institut Universitaire de Technologie de Boulogne-sur-Mer, et doivent mettre à contribution les connaissances et les compétences acquises dans d’autres disciplines propres au FLE au profit de l’évaluation d’une formation scientifique et technique éloignée de leur champ disciplinaire de départ. Les étapes de ce travail d’audit sont les suivantes :

1. Analyse du cahier des charges ; 2. Analyse des besoins ; 3. Phase de documentation/recherche d’informations ; 4. Rédaction d’un référentiel ou d’un cadre de référence à partir du Programme

Pédagogique National ; 5. Réunion d’ouverture ; 6. Détermination de la démarche et répartition du travail ; 7. Établissement d’un calendrier précis ; 8. Observation et enquête (phase 1) : conception des outils d’audit et d’évaluation ; 9. Observation et enquête (phase 2) : ajustement des outils d’audit et d’évaluation ; 10. Audit ; 11. Analyse de l’audit/analyse des résultats ; 12. Rédaction du rapport d’audit ; 13. Réunion de clôture ; 14. Correction et remédiation éventuelles.

Chaque étape est conçue selon les quatre temps du projet transdisciplinaire énoncés précédemment, eta été accompagnée par la rédaction d’un portfolio réflexif portant sur trois aspects fondamentaux : - l’aspect disciplinaire ; - l’aspect éthique et social de la profession ; - l’aspect méthodologique. Le quatrième et dernier axe porte spécifiquement sur les notions d’éthique et de responsabilité sociale propres au métier d’enseignant. Cela pose non seulementdes questions sur la notion de la posture à adopter dans un milieu professionnel en constante évolution, mais aussi des normes éthiques propres au métier d’enseignants de FLE.

2.3 La ComPÉTeNCe Co-aCTioNNeLLe/Co-CULTUreLLe Comme

« mÉTaComPÉTeNCe » ?

Le projet pédagogique entendu ici comme «tâche définie et réalisée en groupe impliquant une mobilisation de celui-ci, débouchant sur une réalisation concrète, communicable et ayant une utilité sociale » (LE GRAIN, 1985) accompagne une évolution que l’on pourrait qualifier de tri-dimensionnelle : celle des métiers du FLE, de l’évolution du métier d’étudiant et, de fait, celle du métier de formateurs d’enseignants de FLE.

Un tel modèle adapté aux exigences d’une formation universitaire suppose et nécessite un travail sur le développement de stratégies et de compétences spécifiques. On pourrait constituer une sorte de grammaire de l’agir social pour l’enseignement du FLE, à la croisée de l’ingénierie pédagogique et de formation et de ce que Marie-José Barbot a qualifié « d’ingénierie de la rencontre » ( BARBOT 2010 : 14). Il s’agit alors d’allier plusieurs degrés et plusieurs types d’ingénierie sous l’égide de ce que l’on pourrait appeler « une métacompétence » ; une « métacompétence qui permette d’ordonner des compétences multiples et de leur donner du sens » comme l’ont suggéré Marie-José Barbot et Alain Payeur :

«L’enseignant se doit donc d’acquérir une métacompétence qui lui permette non seulement de rester acteur au sein de transformation en évolution constante mais aussi de se trouver légitimé dans les configurations qui s’amorcent. » (BARBOT, PAYEUR, 2000 : 191)

Le projet pédagogique en milieu universitaire, tel que nous pouvons le concevoir, permet de considérer les compétences générales spécifiques – majoritairement collectives – comme résultant d’une synergie entre compétences individuelles et compétences collectives telle que l’envisage Guy Le Boterf :

« La compétence collective est une émergence, un effet de composition. Elle résulte de la qualité de la coopération entre les compétences individuelles » (LE BOTERF, 2008 : 199).

La contextualisation de l’agir professionnel est un critère important d’évaluation des compétences. Dans cette optique, être compétent c’est être capable de faire des choix pertinents et de prendre des décisions en fonction du contexte. Une personne compétente, c’est un individu capable d’analyser la situation à laquelle il doit faire face afin de faire des choix. C’est bien dans le cadre d’un projet pédagogique que les futurs enseignants sont amenés à choisir, en fonction du contexte et de la tâche, les outils appropriés. Il s’agit donc de transiter d’une logique de l’avoir à une logique de l’être, une articulation entre « avoir des compétences » et « être compétent », « avoir des connaissances » et « être capable de transmettre ces connaissances à son tour ». Cette métacompétence pourrait être une compétence co-actionnelle, une compétence à agir avec d’autres, matérialisée par des opérations dans des procédures de prise de décision, de mise en commun, de choix. Trois compétences pourraient être développées dans cette perspective.

La compétence informationnelle est la première de ces compétences. La prédominance des technologies de l’information et de la communication dans la recherche d’information, nécessite le développement de cette compétence-clé qui désigne « l’ensemble des compétences permettant à une personne d’évoluer dans la société du savoir et d’utiliser l’information de façon critique en vue de répondre à un besoin, qu’il s’agisse de résoudre un problème, de prendre une décision, de développer ses connaissances, de créer un document, une œuvre ou un produit ou, plus simplement, de poursuivre sa formation » (Université de Montréal, 2004 : 4).26

La maîtrise de cette compétence, essentielle aujourd’hui, passe notamment par une connaissance du monde de la documentation, l’aptitude à résoudre les problèmes posés par la recherche d’information et le développement du jugement et de l’analyse appliqués tout au long d’un processus de recherche.

L’enjeu actuel est de procéder à toute une série d’opérations telles que :

- Le choix de l’information ; - Le traitement de l’information ; - La gestion de l’information ; - L’organisation de l’information ; - La communication de l’information ; - La gestion de la communication de l’information.

26 La direction des bibliothèques de l’université de Montréal a publié en 2004 un document à l’usage des enseignants pour mieux cerner la compétence informationnelle et son importance dans la formation des étudiants : «Apprivoiser l’information pour réussir », téléchargeable à http://www.bib.umontreal.ca/db/apprivoiser-information-reussir_2004.pdf. (UNIVERSITÉ DE MONTREAL, 2004).

Il s’agit de prendre en compte l’ensemble du processus informationnel dans lequel la responsabilité du futur enseignant peut être engagée. Cela renvoie à un faire avec et à un comment faire avec, et à ce titre participe de la compétence citoyenne ; deuxième compétenceclé (domaine de la société). Cette dernière correspond à une responsabilité qui s’impose à tout citoyen de participer avec d’autres à la vie sociale, économique et aux affaires publiques de la communauté. Elle inclut des savoir-faire etdes savoir-agir que l’individu va mobiliser dans l’action avec l’autre et désigne également la dimension sociale de la profession dans tous ces aspects : connaissance et constitution de réseaux professionnels, connaissance des associations d’enseignants entre autres. La compétence stratégique(domaine de l’apprentissage) est la troisième compétence-clé. Elle est la capacité à mettre en œuvre des moyens adaptés à la réalisation de l’action. Cela suppose une prise en compte par l’apprenant de l’environnement dans lequel il agit, ainsi que des moyens à sa disposition pour le faire. Ayant particulièrement partie liée avec les processus cognitif et métacognitif, cette compétence correspond à la capacité à ajuster son agir en fonction d’un contexte particulier.

Le développement de ces compétences semble a priori nécessaire dans une mise en projet des futurs enseignants, et pourrait à la fois précéder, accompagner et succéder à la mise en projet.

remarQUeS CoNCLUSiVeS

Parce que la mise en projet permet d’apprendre à écouter l’autre, à prendre en compte ses différences et ses divergences dans l’objectif d’une réalisation commune, parce que le projet renvoie à « un faire avec » et à un « comment faire avec » dans une dynamique du vivre et du faire ensemble social dans la compréhension mutuelle et le respect, enfin parce que le projet est rattaché à des processus cognitifs et métacognitifs permettant de développer une capacité à agir avec d’autres, à ajuster son agir en fonction d’une situation, de l’environnement et des circonstances d’une action à mener, la pédagogie universitaire de projet apparaît comme une réponse possible à une évolution complexe des métiers du FLE.

Porteuse de professionnalisation, garante de « l’employabilité » de nos étudiants ; elle permet l’apprentissage de fondamentaux, mais également l’acquisition des fondements de l’action réflexive (GRIN, 2006 : 74) par la synergie entre responsabilités sociale et éthique inhérentes à toutes formations d’enseignants. On pourrait ajouter que « le formateur d’enseignant n’agit pas sur les enseignants en formation mais avec eux et pour eux » (GRIN, 2006 : 74) et, à ce titre, contribue à développer, chez eux, la notion fondamentale de responsabilité sociétale ; base d’une forme de citoyenneté professionnelle et fondement d’une didactique de l’agir social.

BiBLioGraPHie

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