MOT DE LA RÉDACTION
PROGRÈS
Les "piliers de la création". Tel est le nom de ces fantastiques amas de gaz et de poussière, où les étoiles naissent, capturés par le télescope James-Webb sur un cliché sublime. Situés à 6500 années-lumière de notre planète bleue, ces merveilles sont pourtant là, devant nos yeux. De quoi expliquer les velléités spatiales de l'Homme depuis plusieurs décennies, et notamment des grandes fortunes de la tech. Ces dernières ont pourtant une conception particulière du progrès, comme le révèle Douglas Rushkoff dans un article fort intéressant pour The Guardian. « Ils se préparent pour un futur digital qui tend moins à rendre le monde meilleur qu’à transcender la condition humaine », affirme-t-il, avant de conclure sur un terrifiant : « Pour eux, le futur de la technologie ne tient qu’à une chose : fuir le reste d’entre nous ». Le progrès pourrait pourtant changer tant de choses – plus ou moins longues ou difficiles à mettre en place – dans notre quotidien. Les habitants de Mayotte en sont témoins : eux qui aspirent à vivre dans la paix et la prospérité sont confrontés à des phénomènes invivables tels que les embouteillages ou la délinquance, pour ne citer qu’eux. Cette dernière, notamment, voit les ministres, préfets, maires et conseillers départementaux successifs s’y casser les dents à coups de mesurettes infertiles. Il est temps de prendre de la hauteur, de voir plus loin.
Bonne lecture à toutes et à tous.
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Les Ohm en concert a Mayotte
6C’est le nombre de vainqueurs qui seront désignés demain soir, lors de la 4ème cérémonie des Trophées mahorais de l’environnement, organisée par la Somapresse. En effet, les lauréats des catégories association, collectivité, entreprise, personnalité, scolaire et transition énergétique seront connus ce samedi lors d’une soirée grandiose, qui clôturera la semaine de l’environnement. Cette dernière, organisée pour la première fois à Mayotte, aura vu se dérouler de nombreuses tables rondes, conférences et rencontres entre les acteurs de la défense de l’environnement sur l’île, mais aussi avec le public, venu assister à ces évènements tout au long de la semaine.
Il faut que les collectivités locales puissent agir »
C’est le conseil de Sarah Mouhoussoune, membre de la délégation aux Outre-mer au sein du Conseil économique, social et environnemental (CESE), la troisième assemblée de la République. Celle qui a été présidente de la CSSM est en effet rapporteuse d’un avis concernant la gestion de l’eau et de l’assainissement en Outre-mer, qu’elle a présenté cette semaine devant le CESE, en compagnie de Michèle Chay (groupe CGT). Ce sont 23 préconisations au Parlement et au gouvernement français qui émanent de cet avis, avec notamment un « tarif social » de l’eau pour les 400 premiers mètres cubes par foyer. Sur Mayotte, Mme Mouhoussoune a préconisé que la seconde usine de dessalement et que les travaux sur la
Loya est producteur de musique électronique, et Balakumar Paramalingam est joueur de mridangam, un instrument d’Inde du Sud et du Sri-Lanka. À eux deux, ils forment le groupe Ohm, et seront présents à Mayotte du 3 au 5 novembre. Un concert est notamment prévu au pôle culturel de Chirongui le 4 novembre, dans le cadre de leurs tournées dans l’océan Indien et en Europe. Une belle aubaine pour les intéressés donc, puisque le duo sortira son nouvel album « Cosmogony », le 1er novembre. Celui-ci sera composé de neuf titres, dont trois en compagnie d’un invité de prestige, le prodige de flûte bansuri Shasank Subramanyam.
première, en Petite Terre, soit effectués en 2023. Quant à la troisième retenue collinaire, bloquées par des questions de foncier, elle a fortement enjoint le Département à accélérer la manœuvre.
Le karaté de retour à Mroalé
Que vous soyez du centre de l’île ou d’ailleurs, il est temps de remonter sur le tatami ! Après deux ans d’absence à cause de la crise sanitaire, le Karaté Shotokan de Kahani reprend ses cours au sein de la MJC de Mroalé, dans la commune de Tsingoni. Les séances auront lieu le lundi (17h-19h), le mercredi (16h-18h) et le vendredi (17h-19h), et seront ouvertes aux petits et aux grands, en loisir ou en compétition. Afin de fidéliser ses disciples, le club propose deux premières séances gratuites. Il est également affilié à la fédération française de karaté, et permet donc de bénéficier du dispositif Pass’Sport : 50 euros de réduction sur la licence de chaque enfant du foyer.
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NATIONS UNIES : LES OBJECTIFS DE L’ODDDIFFICILES À ATTEINDRE ?
Le mardi 25 octobre 2022, par Mandimbisoa R. pour Madagascar tribune.
La cérémonie de célébration de la journée des Nations Unies à Madagascar s’est déroulée hier à l’hôtel Radisson Blu en présence du premier ministre Christian Ntsay. Ce fut une occasion de réaffirmer les engagements afin de réaliser les objectifs du cadre de coopération entre le Système des Nations Unies et le Gouvernement de Madagascar dans la vision de réaliser les Objectifs de Développement Durable (ODD) jusqu’en 2030. À mi-chemin de cette année cible, cependant, presque tous les indicateurs sont en retard.
Pour les huit ans à venir, 30 projets portant sur les objectifs de développement durable (ODD) vont être mis en œuvre par des membres du secteur privé issus de huit îles de la région à savoir, Madagascar, Mayotte, la Réunion, Maurice, les Seychelles, les Maldives et les Comores ainsi que Zanzibar. Ces projets seront sélectionnés parmi une soixantaine qui vont être triées par un pool d’experts du système des Nations unies, d’agences du secteur privé, d’experts internationaux. Les projets seront axés sur les secteurs porteurs de développement à l’instar de la pêche durable, de la transformation artisanale et industrielle, de la réhabilitation portuaire sous une perspective d’infrastructure durable, de la revalorisation
et de la pérennisation des ressources, de l’agribusiness, de la préservation de la biodiversité, de la gestion et transformation des déchets.
L’atteinte des objectifs de développement durable peine pourtant à être accompli au niveau des pays partenaires des Nations Unies dont Madagascar alors que les défis augmentent d’année en année. Les Objectifs de développement durable (ODD), également nommés Objectifs mondiaux, ont été adoptés par les Nations Unies en 2015. Ils sont un appel mondial à agir pour éradiquer la pauvreté, protéger la Planète et faire en sorte que tous les êtres humains vivent dans la paix et la prospérité d’ici à 2030.
A Madagascar, les effets combinés de : la sécheresse, la faible productivité agricole, le manque de denrées alimentaires de base sur le marché, les revenus faibles des ménages versus les prix plus élevés, l’impact de la Covid-19 ont entraîné une détérioration de la sécurité alimentaire. Plus de 1,4 millions de personnes dans le Sud ont un besoin urgent d’assistance alimentaire (classification intégrée des phases de sécurité alimentaire IPC3+), et on estime que plus d’un demi-million d’enfants de moins de cinq ans souffrent de malnutrition aiguë.
YOLANDE RACHEKA
UNE FEMME AUX MULTIPLES TALENTS
Du haut de ses 26 ans, Yolande Racheka Randriantsalama a déjà une sacrée expérience derrière elle. Cette cheffe d’entreprise est à la tête de deux restaurants et d’une marque de vêtements. Lorsqu’elle a choisi la voie de l’entrepreneuriat alors qu’elle n’avait que 20 ans, elle n’avait qu’un seul objectif, celui de relever tous les défis qui seront sur son chemin.
Dans son restaurant l’Italiano, situé à Kawéni, Yolande Racheka n’a pas une minute à perdre. Dès l’instant où elle y met les pieds, jusqu’à la fin du service, elle est partout. Une manière pour elle de s’assurer que tout se passe bien. Cet établissement est le projet d’une vie, qu’elle partage avec sa sœur. Elles l’ont ouvert il y a deux ans, en pleine pandémie de Covid-19 et ont réussi à le maintenir à flot malgré la crise. Il faut dire que la jeune femme n’en n’est pas à son coup d’essai. Malgré son jeune âge, 26 ans, elle est une cheffe d’entreprise aguerrie.
Il y a six ans, elle ouvrait un restaurant de burgers faits maison, en collaboration avec sa famille, appelé le Bon coin, localisé à Mamoudzou. « Nous étions les premiers à l’époque », rappelle-t-elle. « Puis on a ouvert l’Italiano, un restaurant à thème. Tout le monde nous a dit que ça ne fonctionnerait pas et on a prouvé le contraire », ajoute-t-elle fièrement. Yolande
«
J’AI VÉCU BEAUCOUP
D’HUMILIATIONS »
Racheka Randriantsalama s’est investie corps et âme dans son entreprise. Elle a appris à faire des pizzas à l’italienne avec une Mama italienne en Italie. Et elle n’hésite pas à donner un coup de main en cuisine. « Aujourd'hui personne à Mayotte ne fait les pizzas comme nous. On essaye de ne mettre que des produits italiens », selon elle. Ces deux restaurants gérés en partie par la jeune femme, sont la preuve qu’une personne est capable d’exceller dans plusieurs domaines.
Le stylisme, son objectif ultime
Rien ne prédestinait cette entrepreneure à être propriétaire dans la restauration. En effet, Yolande Racheka a fait des études de stylisme. Durant son adolescence, elle est très renfermée sur elle-même car elle est victime de harcèlement scolaire. Elle trouve son refuge uniquement dans l’art. Un jour, elle a le courage d’avouer à son principal adjoint qu’elle veut être styliste et ce dernier fait tout pour réaliser le rêve de la jeune fille. « Je suis la première lycéenne à avoir obtenu une bourse étudiante de la DASU », affirme-t-elle.
La DASU est l’organisme du conseil départemental chargé d’attribuer des bourses aux étudiants qui partent se former en dehors de Mayotte. À 15 ans, la jeune fille se retrouve dans un lycée à Marseille où elle fait un bac « métiers de la mode et du vêtement » puis poursuit avec une licence en design à Nîmes.
Cependant, la Mahoraise qu’elle est supporte mal le froid et la solitude et décide de rentrer chez elle en 2016. « La métropole, ce n’était pas fait pour moi », reconnait-elle. Une fois à Mayotte, elle sait qu’il sera difficile pour elle de vivre de son rêve, elle décide alors de se lancer dans la restauration pour « gagner de l’argent rapidement. », tout en continuant la
« J’ADORE LA CUISINE, LA MODE ET LE DESIGN »
couture, de temps en temps, pour elle. « Mon copain a fait des vidéos, on les a postées sur les réseaux sociaux et ça a eu un tel engouement que j'ai continué. » Et c'est ainsi que nait la marque de vêtements Racheka Handmade. La créatrice a sorti plusieurs collections mais a arrêté la couture depuis quelques mois. « Je n'ai pas le temps de tout faire. Je gère d'abord les restaurants, il faut que j’embauche plus de monde, ensuite j'aurai plus de temps à consacrer au stylisme », explique-t-elle. Ce n’est donc que temporaire, car elle le martèle, pour rien au monde elle n’abandonnera la confection de vêtements. « C’est mon rêve absolu ! Je veux créer une marque de prêt-àporter et je vais tout faire pour y arriver. »
La vie de cheffe d’entreprise à Mayotte
Depuis qu’elle est dans le monde de l’entrepreneuriat, Yolande Racheka en a vu de toutes les couleurs. « Être une femme cheffe d’entreprise à Mayotte c'est difficile. J’ai vécu beaucoup d’humiliations. Parce que je suis jeune, je suis typée Malgache et Mahoraise donc les gens pensent que je ne peux pas être la propriétaire des restaurants. On m’a souvent appelée commis ou serveuse », raconte-t-elle. La restauratrice se dit déçue de cette vision des choses, à tel point qu’elle estime que sa jeunesse et le fait d’être une femme est un handicap pour elle. Ses origines malgaches lui ferment également des portes selon elle. « Lorsqu’il y a des forums, des rencontres sur les femmes entrepreneures on ne m’appelle jamais pourtant je suis la plus ancienne, celle qui a plus d’expérience parmi les jeunes femmes entrepreneures à Mayotte. » Elle justifie cela par son côté malgache qu’elle tient de son père, pourtant elle est également Mahoraise par sa mère et parle couramment le shimaoré.
Cela dit, ce n’est pas pour autant qu’elle se laisse faire. Au fil des années, elle a su s’imposer et faire valoir ses droits. Déterminée à accomplir tout ce dont elle a toujours rêvé, rien ni personne ne pourra l’empêcher de le faire. Et elle n’a pas envie de choisir entre ses passions, car elle sait qu’elle peut tout faire. « J’adore la cuisine, la mode et le design. Ce qui m'épanouirait vraiment c’est de pouvoir faire les trois et je sais que j’y arriverai ! » n
QUELLES SOLUTIONS DURABLES
Barrages,
et même
l’île au
n’échappe pas à son
l’augmentation des moyens alloués à la sécurité,
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POLITIQUE
BEN ISSA OUSSENI : « MALGRÉ NOTRE VOLONTÉ D’AGIR, LES MOYENS NE SUIVENT PAS »
LA SÉCURITÉ, UNE AFFAIRE DE TOUS ? CERTAINEMENT. NOTAMMENT À MAYOTTE, OÙ LE NIVEAU DE DÉLINQUANCE ATTEINT DES SOMMETS. À L’EXEMPLE DES AUTRES COLLECTIVITÉS LOCALES, LE CONSEIL DÉPARTEMENTAL ÉTABLIT DES MESURES POUR ÉRADIQUER LA DÉLINQUANCE DANS LE TERRITOIRE, DE MANIÈRE PÉRENNE. LE PRÉSIDENT DU DÉPARTEMENT, BEN ISSA OUSSENI, NOUS EN FAIT PART. IL RECONNAÎT QUE LES MOYENS MIS À DISPOSITION NE SONT PAS TOUJOURS SUFFISANTS ET MET L’ACCENT SUR L’ACTIVITÉ ÉCONOMIQUE.
Mayotte Hebdo : On le sait, la sécurité est une compétence de l’État, mais la situation de Mayotte est telle que toutes les autorités sont concernées. Que fait le Conseil départemental pour lutter efficacement et durablement contre l’insécurité ?
Ben Issa Ousseni : Comme vous vous le rappelez, la sécurité demeure une compétence régalienne de l’Etat, mais dans notre projet pour Mayotte (2021-2028) nous portons la volonté forte de co-produire de la sécurité, avec l’ensemble des acteurs concernés. Qu’il s’agisse de la sécurité dans les transports, en lien avec les opérateurs, de tout le travail conduit en lien avec les associations locales, des initiatives en matière de culture, de sport, de jeunesse, le Conseil départemental prend toute sa part pour aller vers un « mieux vivre ensemble » Mais effectivement, ne nous payons pas de
mot, il faut aller plus loin et agir encore plus fortement et plus collectivement.
M.H. : La délinquance est très souvent juvénile à Mayotte. La protection des enfants est une compétence du département, mais êtes-vous en mesure de prendre en charge tous ces enfants livrés à eux-mêmes et qui traînent dans les rues ?
B.I.O. : Les chiffres donnent le tournis : on parle d’un « potentiel » de 8 000 mineurs isolés. Mayotte cumule absolument tous les superlatifs : en particulier, à savoir que c’est le plus jeune département de la République, le plus étroit [274m², NDLR], le plus pauvre, le plus peuplé, mais aussi là où la densité est la plus forte, où il y a le plus grand nombre de naissances par an, où on constate le plus faible taux de réussite scolaire. C’est aussi là où vit le plus grand
nombre de jeunes déscolarisés ou non scolarisés, où l’immigration clandestine est la plus forte, où il y a le plus de jeunes.
Le social à Mayotte, c’est d’abord et avant tout, une question de protection de l’enfance. Paradoxalement, c’est dans notre département que ces missions sont restées durant plusieurs années sans aucune dotation de compensation, malgré leur mise en œuvre effective.
Pour l’ASE, l’aide sociale à l’enfance, une enveloppe annuelle de 9,6 millions a été proposée, plus une dotation de rattrapage de 41,8 millions. Pour la PMI, l’enveloppe annuelle a été évaluée à hauteur de 14,5 millions. En 2017, à la faveur de la compensation financière enfin acquise, et du schéma départemental enfance et famille 2017-2021, le Département a donc engagé l’immense chantier de convergence vers une ASE solide et pérenne. Les moyens importants que le Département a pu mobiliser ne correspondent pas aux besoins réels, connus de tous, qui sont bien plus élevés. Dans ce contexte, malgré notre volonté d’agir, les moyens ne suivent pas et c’est un de nos combats.
M.H. : Le département subventionne certaines associations qui doivent s’occuper des jeunes en errance afin de lutter contre la délinquance, mais force est de constater, selon l’opinion publique, que le travail de ces associations n’a pas ou peu d’effet sur l’insécurité. Pour quelles raisons selon vous ?
B.I.O. : Je crois qu’il faut saluer le travail remarquable exercé au quotidien par ces associations, dans des conditions qui ne sont pas faciles. Encore une fois, je ne crois pas que l’on puisse raisonner en dehors d’une approche globale de la sécurité, entendue au sens large. C’est un chantier collectif ! Certes, on ne peut nullement dédouaner l’Etat, mais désigner du doigt tel ou tel acteur comme détenteur de la solution à ces maux me parait vain.
M.H. : Pourquoi le département ne demande pas plus d’efficacité de la part de ces associations ?
B.I.O. : Cette efficacité est réclamée auprès de tous les acteurs. Les subventions font l’objet d’un suivi méticuleux, même s’il est parfois difficile de mesurer concrètement l’efficience d’une action dans le temps. Les indicateurs ne sont pas si simples !
M.H. : Selon vous, l’économie a-t-il un rôle à jouer dans la lutte contre l’insécurité ?
B.I.O. : Je fais partie de ceux qui pensent qu’on parle trop peu de l’activité économique pour développer un territoire, le rendre attractif et ainsi lutter contre l’insécurité et pour le vivre ensemble. Les chefs d’entreprise ont légitimement besoin de sécurité et l’activité économique et l’emploi sont aussi des remèdes efficaces contre l’insécurité !
M.H. : Quelles mesures attendez-vous du gouvernement pour solutionner la question de l’insécurité à Mayotte ?
B.I.O : Nous avons, avec l’ensemble des élus de Mayotte, dans notre contribution au « projet de loi » ou dans notre plan de mandature réclamé avec force des moyens supplémentaires en effectif ou dans la lutte contre l’immigration clandestine, sans méconnaître ce qui a déjà été fait. Nous défendons aussi la création d’une cour d’appel de plein exercice à Mayotte dont le parquet aura la mission de définir une politique pénale adaptée aux spécificités de la criminalité de Mayotte. Une mesure isolée ne suffira pas, il faut conjuguer toutes nos forces.
M.H. : Le ministre Gérald Darmanin a annoncé vouloir créer des centres de redressement pour les délinquants mineurs, que pensez-vous de cette mesure ?
B.I.O. : Nous ne pouvons qu’approuver cette déclaration d’intention même s’il faudra que ce type d’annonce soit suivi d’effets mesurables.
SOCIÉTÉ À TSINGONI, « ON EST TOUS CONCERNÉS »
EN 2018, LES VILLAGEOIS DE TSINGONI SE RASSEMBLENT CONTRE LA DÉLINQUANCE, POUR PRÉVENIR LES FAMILLES QUE LEURS ENFANTS NE POURRONT PAS FAIRE N’IMPORTE QUOI DANS LES RUES, ALLANT MÊME JUSQU’À LES SANCTIONNER. DEPUIS, CES RÉUNIONS AUX AIRS D’AGORA GRECQUE ONT LIEU RÉGULIÈREMENT, À L’INITIATIVE DE BADIROU ABDOU, L’UNE DES FIGURES DE L’ANCIENNE CAPITALE DE MAYOTTE. S’IL REFUSE DE DIRE QUE LA POPULATION SE FAIT JUSTICE SOI-MÊME, IL SE FÉLICITE NÉANMOINS DE CE SYSTÈME CITOYEN, QUI SEMBLE FONCTIONNER AU VU DU PEU D’ACTES VIOLENTS RECENSÉS DANS LE VILLAGE.
Mayotte Hebdo : Pourquoi avez-vous choisi de vous organiser entre habitants contre la délinquance ?
Badirou Abdou : Quand il y avait des incivilités, j’ai pris une initiative en tant que citoyen du village. Celle de convier la population à des réunions, pour réfléchir à ce problème et tenter d’y trouver une solution. Depuis 2018, on le fait tous les ans, à l’exception de la période Covid. On
avait même constitué une milice, même si c’est illégal. On contrôlait ce qu’il se passait tous les soirs dans le village, chaque petit groupe surveillait son quartier, avec un chef d’équipe, et ça se passait très bien.
On m’a dit que la population me faisait confiance.
J’ai parfois envie de baisser les bras, mais je continue quand on me dit que je peux apporter.
M.H. : On observe peu de faits de délinquance à Tsingoni même. À la suite de ces réunions, quelles étaient vos solutions pour la réduire ?
B.A. : Je ne cache pas mes propos, j’ai toujours dit qu’il fallait garder notre vigilance, sans médiatiser nos actions, parce que ce n’est pas en médiatisant que ça va arranger la situation. Nous réagissons avec des actes, sur le terrain. Toute la population du village nous fait confiance, et même les enfants les plus têtus savent que s’il se passe quelque chose, il y a réaction de la part de la population. Nous avons aussi mené des actions spontanées, par exemple raser les cases en tôle aux endroits où il y avait des vols, des chiens errants. Et la
foule nous soutenait, parce qu’elle était convaincue qu’il fallait réagir. C’était accepté, la population appréciait ce qu’on faisait.
Un autre exemple : quand des jeunes que l’on ne connaissait pas arrivaient dans le village, on se permettait de savoir d’où ils venaient, ce qu’ils venaient faire dans le village, s’ils étaient étrangers, en situation régulière ou pas… Et quand des gens s’installaient dans le village, on allait dans leur quartier pour les mettre en garde que s’il y avait un problème, on réagirait méchamment, même avec ceux qui y habitaient depuis longtemps. On avait des représentants des communautés anjouanaise et grand comorienne, et on le faisait ensemble.
M.H. : Est-ce que cette « solution » est applicable dans d’autres localités, qui connaissent une démographie plus forte que dans la vôtre ?
B.A. : Ce que je vois dans les autres villages, c’est que quand il se passe quelque chose, personne ne connaît l’auteur ou les auteurs de l’acte. À Tsingoni, c’est impossible : soit c’est un gars de Tsingoni qui a fait quelque chose et qui est connu, soit c’est un Anjouanais qu’un autre Anjouanais de Tsingoni connaît, soit un Grand Comorien avec la même logique. C’est là qu’on a gagné, on a réduit les incivilités parce que nous sommes au front, que nous agissons en amont, et que nous essayons de trouver des solutions communes, en réunissant la population. Il n’y a jamais eu de débordement grave, mais nous faisons de la prévention, on sensibilise les gens. Les malfaiteurs savent qu’ils seront ciblés, donc ils réduisent leurs réactions.
B.A. : Non, car nous sommes avant tout des Français à part entière, nous sommes donc soumis au respect de la loi, et la loi interdit de se faire justice soi-même. Mais nous devons être au-devant de cette situation. Ma position est claire : c’est avec moi, citoyen, que nous pourrons résoudre le problème. Cette affaire touche tout le monde, il ne faut pas rester derrière et dire que l’État est responsable. L’État est loin ! Il ne connaît pas ces gens. Ici, la gendarmerie de secteur est à Sada, sinon c’est Mtsamboro. Les gendarmes qui interviendront ne seront pas aussi concernés qu’un habitant du village. On est tous concernés. Que ce soit un problème d’école, des étrangers clandestins ou pas qui posent problème, ou des jeunes qui foutent le bordel, la méthode est la même : on se réunit entre villageois et on cherche une solution.
M.H. : Cette prise en main de la question sécuritaire par la population est-elle également une remise en cause des actions de l’État ou des pouvoirs locaux ?
SOCIÉTÉ « OCCUPER LES JEUNES, MAIS PAS N’IMPORTE COMMENT »
PARMI LES SOLUTIONS VIABLES À PROPOSER CONTRE LA DÉLINQUANCE, L’ÉVEIL CULTUREL ET/OU SPORTIF DES JEUNES EST LOUÉ POUR LES BONS RÉSULTATS QU’IL PROCURE. QU’ILS SOIENT MINEURS ISOLÉS OU ANCIENS DÉLINQUANTS, PLUSIEURS D’ENTRE EUX ONT RETROUVÉ LE DROIT CHEMIN VIA L’ART OU LE SPORT, ET LA RÉINSERTION SOCIALE ET PROFESSIONNELLE. UN MOYEN PARMI D’AUTRES QUI DOIT CEPENDANT ÊTRE ADAPTÉ POUR FONCTIONNER CONVENABLEMENT.
Pamandzi, 15 septembre. Ayra, enseignante du 1er degré, est devant les grilles fermées de l’école dans laquelle elle travaille, lors de l’opération « île morte » voulue par les maires de Mayotte, celui de la commune en tête. Après l’exaspération suscitée par la nécessité d’assurer une continuité pédagogique auprès des élèves, l’institutrice prend du recul sur la délinquance envahissant l’île depuis quelques années désormais. « Les délinquants restent des enfants, pré-ados ou ados, remarquet-elle. Qu’ils viennent d’ici ou d’ailleurs, on ne s’occupe pas des jeunes isolés, donc ils s’occupent
entre eux, et souvent pas de la bonne façon. » Un constat partagé par la majorité des acteurs associatifs, sportifs et culturels du territoire, qui s’échinent à proposer diverses activités aux jeunes gens du territoire.
QI GONG ET PEINTURE PENDANT CINQ SEMAINES
C’est le cas de Loïc Lucas, salarié au sein de l’association « Mayotte, nouveau départ ! », qui officie notamment dans les locaux de la Maison d’éveil civique par l’art, ouverte à Tsoundzou II en janvier 2021. En
collaboration avec la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) et l’Aide sociale à l’enfance (ASE), qui y envoient des jeunes à problèmes, l’association leur propose des activités adaptées pour développer empathie, vivreensemble et civisme. « Je propose d'abord des ateliers de qi gong, un art traditionnel chinois, que je couple ensuite avec des ateliers d'expression plastique, explique Loïc. C’est un miroir, un support de réflexion, un moyen d'engager un processus, ce n'est pas une école d'art au sens premier du terme. » La peinture, selon l’animateur, permet de rapidement déceler une sensibilité chez le jeune, mais aussi de stimuler sa mémoire et de raconter des choses sans les dire. D’où la présence d’une psychologue à mi-temps qui intervient auprès de l’association.
Concrètement, les personnes envoyées par la PJJ ou l’ASE qui bénéficient d’un accompagnement par les arts sont accueillies quatre jours par semaine, à 8 heures pour un petit-déjeuner, avant de débuter la journée à 8h30 jusqu’à 15 heures, avec une pause méridienne. Si le matin est consacré au qi gong et aux arts plastiques, l’après-midi, « c’est un peu plus informel », reconnaît Loïc
Lucas. « Il y en a qui tiennent tout l'après-midi, qui vont travailler et finir leur projet, affirme-t-il. D’autres vont pouvoir décompresser pour jouer aux échecs ou aux dames. Même si ce sont des temps informels, il faut quand même qu'ils soient structurants, ils ne font pas n'importe quoi. » En moyenne, des sessions de ce genre durent cinq semaines, même si certains continuent de venir, comme l’explique Loïc : « On a des jeunes de PJJ que l’on reçoit déjà depuis quatre mois, par exemple quand ils ont un trou dans leur emploi du temps, c’est plus intéressant que de glander »
UNE EXPOSITION PAR LES MINEURS DE MAJICAVO
Et les résultats, selon l’animateur, sont concluants. « On voit des jeunes qui sont passés par chez nous et qui ont des projets professionnels, passent le permis, retournent dans une structure ou dans le scolaire », se félicite-t-il. L’un d’entre eux avait même poignardé l’un de ses camarades aux abords de leur établissement scolaire, il y a quelques mois. Pas de quoi effrayer l’association pour autant : « Au départ, il ne parlait pas, puis il y a eu un véritable déclic, ça s’est bien passé et il est désormais inscrit au collège, alors qu’il s’était fait virer de plusieurs établissements. » Donner une activité aux jeunes délinquants ou pouvant potentiellement l’être paraît donc être une solution efficace, pour peu qu’elle soit adaptée et encadrée. « Les occuper, oui, mais pas n’importe comment, reprend Loïc Lucas. Pour des jeunes qui ont des problématiques de violence, il faut des activités spécifiques, qui ne nourrissent pas leurs pulsions, si j’ose dire, mais qui les désamorcent. Le qi gong et la peinture permettent par exemple d’explorer leur propre sensibilité »
Outre la Maison d’éveil civique par l’art, Mayotte, nouveau départ ! intervient également au centre pénitentiaire de Majicavo, où elle exporte ses ateliers auprès de certains détenus du quartier des mineurs. « Ils ont été capables de proposer une exposition, et de qualité, ce qui n’était pas forcément gagné, affirme l’animateur. Aujourd’hui, ils n’ont plus de barrières pour exprimer des choses poétiques, et je suis sûr que s’ils avaient le matériel ou un endroit pour le faire, certains d’entre eux continueraient à s’ouvrir. » Faire sauter les barrières, au sens propre comme figuré, voilà donc ce que peut permettre un peu d’art, de sport, de culture dans la vie des jeunes de Mayotte.
LIBRE MAYOTTE, OU COMMENT FAIRE FACE AUX CONSÉQUENCES SOCIALES DE LA VICTOIRE POLITIQUE.
La personne s’affranchit de la pression de la famille et du village et s’affirme. Elle ne se sacrifie plus pour sa communauté, et bien au contraire, impose la reconnaissance de ses caractéristiques et spécificités, même si elles s’opposent et vont à l’encontre des idéaux de sa tribu.
Tout progrès économique est potentiellement porteur de modernité. Il entraine le développement d’un système productif, l’instauration du capitalisme et le développement des grandes villes. Il cause une migration, qui peut provenir des zones rurales ou encore des Etats voisins, moins développés.
Nous Mahorais avons vu, en l’espace de deux décennies, notre environnement changer radicalement. D’une société rurale, traditionnelle, vivant principalement de la pêche, de l’élevage et de l’agriculture, nous sommes passés au système capitaliste, et pas vraiment avec douceur.
Avec fracas même, nous avons fait notre entrée dans la modernité.
La modernité est cette phase de l’évolution d’une société, durant laquelle le groupe cesse de primer sur l’individu. Elle se caractérise par la montée de l’égoïsme et de l’égocentrisme.
Ces migrations ont toujours pour motivation la quête d’une vie meilleure, mais dans les faits, causent un déracinement des migrants, qui quittent leurs communautés, pour s’installer dans des zones souvent précaires et dans lesquelles ils évoluent dans l’anonymat absolu et en périphérie de la ville. Cette invisibilité, doublée de la solitude, peut pousser certains à franchir le pas de la criminalité et du grand banditisme. C’est ce qui s’est passé avec les paysans polonais ayant émigré aux Etats-Unis notamment, au début du siècle dernier.
En ce qui concerne Mayotte, d’anciens villages tels que Koungou, Majicavo, Kawéni, Mamoudzou, Labattoir et Pamandzi se sont
transformés en villes, ne cessant de croître et voyant apparaitre certaines zones abritant la précarité, la violence, la pauvreté et l’instabilité.
De l’un des endroits les plus sûrs, jusqu’à la décennie précédente, nous sommes désormais entrés dans le classement des régions les plus dangereuses au monde. À telle enseigne que si vous demandez à Google ce qu’il en est du climat sécuritaire à Mayotte, il vous demandera de ne pas vous y rendre, ou de partir aussi vite que possible si vous vous y trouvez.
Depuis les années 1990, Mayotte a subi d’importants changements. Parmi eux, les plus significatifs ont pour origines d’une part l’immigration massive et d’autre part la croissance démographique exponentielle. L’addition de ces deux phénomènes a fortement impacté nos modes et conditions de vie.
À QUI LA FAUTE ?
Les habitudes des populations immigrées, provenant principalement de l’Etat comorien, diffèrent de celles des mahorais. Pendant que les premières, ressortissantes d’un Etat failli, font régner, dans leur communauté, la loi du talion, et la justice privée, les mahorais ont plutôt développé une forte crainte des autorités et une soumission quasi religieuse aux lois et règlements de la République.
Les femmes mahoraises ont fait l’objet d’une campagne intensive de contrôle des naissances, qui a porté ses fruits, ce qui n’est pas le cas des femmes immigrées. Les conséquences sont radicales : Mamoudzou est la plus grande maternité de France et d’Europe et les 2/3 des enfants qui y naissent ont une mère étrangère, souvent de nationalité comorienne.
L’image renvoyée par notre île aujourd’hui est celle d’un territoire désordonné, très pauvre, gangréné par la violence et à l’avenir incertain.
Chacun apporte l’explication qu’il estime être la plus plausible à cette triste situation. Certains considèrent que c’est de la faute de tous ces étrangers qui ne cessent de débarquer par centaines en Kwassa tous les jours, d’autres disent que c’est de la faute du gouvernement, qui nous a oubliés, beaucoup soutiennent que Azali Assoumani, Président de l’Etat comorien est le principal responsable de tout ceci et certains autres encore accusent les élus, les éjectant à chaque fin de mandat pour les remplacer par plus populistes et agitateurs, convaincus que là est la solution. Enfin, certains estiment que tout ceci n’est qu’une punition divine, car on a tourné le dos à notre foi pour vénérer, en lieu et place du Tout-Puissant, des esprits, des djinns. Ce contexte de chaos dans lequel nous plongeons un peu plus chaque jour est effrayant. Parmi nous, rares sont ceux qui n’ont pas subi les coupeurs de routes, les agressions à coup de machettes ou encore les cambriolages. Beaucoup
sont morts, je pense à Miki, à Raoul, à Mansoib, à Maoulida et à tous les autres. D’autres encore sont en vie, mais mutilés ou handicapés à vie. Et que dire des traumatisés, leurs plaies, bien qu’invisibles, n’en restent pas moins, pour eux, profondes.
Et si, cependant, notre interprétation des évènements qui nous affectent était erronée ?
« LA SOCIÉTÉ TRADITIONNELLE EST DU RESSORT DU PASSÉ »
En réalité la conjoncture mahoraise actuelle n’a rien d’original et de nombreuses localités de ce monde sont non seulement déjà passées par là, mais ont en plus réussi à apporter des réponses, plus ou moins efficaces aux problématiques de la violence et de l’extrême pauvreté. Pour revenir au cas de Mayotte, nous ne devons avoir de cesse de marteler que la société traditionnelle, telle que nous l’avons connue est du ressort du passé. On peut l’ériger en mythe, ou encore en âge d’or, éventuellement, mais on doit cesser de vouloir la restaurer. Une telle quête est, à mon sens, un grand déni de la réalité.
Cette société traditionnelle, dont la parfaite illustration est le cadre villageois, dans lequel s’organisait toute la vie de la communauté, avait certes ses avantages. Tous les ressortissants du village étaient connus et se connaissaient entre eux, nul n’était un anonyme et ne vivait dans l’anonymat et surtout, la pression du groupe était telle que tous s’y soumettaient. Les institutions villageoises réussissaient à canaliser le potentiel instinct de violence des jeunes et avaient leurs réponses à la délinquance. Mais nous n’y sommes plus et n’y reviendrons plus jamais, qu’on se le dise ! Désormais, plus de la moitié de la population mahoraise est concentrée dans des zones urbaines. Et d’ailleurs, avec le temps, est en train de s’installer une fracture entre la vie urbaine et la vie rurale. Les ruraux se plaignant que les constructions scolaires et infrastructures en tous genres sont concentrées dans les zones urbaines, à leur détriment. Et la quasi-totalité des problèmes actuels vient de ces zones urbaines, aux périphéries desquelles ont poussé des bidonvilles, abritant, certes de braves familles en quête d’une vie meilleure, mais pas seulement. On le sait, on le dit, on le répète, ces zones abritent aussi la criminalité, les trafics de drogue et d’être humains et les planques dans lesquelles se cachent les criminels et hors-la-loi de toutes sortes. Un grand paradoxe dans notre équation mahoraise, réside dans le fait que c’est sur des terrains appartenant dans leur écrasante majorité, aux collectivités publiques, à savoir le département et l’ancienne SMIAM que sont bâtis les bidonvilles. Donc il y a eu un manque de réactivité et même, durant de nombreuses années, un laisser-aller, de la part des collectivités propriétaires.
Dans les zones urbaines mahoraises, la modernité ne cesse de déployer ses ailes.
On y trouve désormais des personnes qui y vivent côte à côte, sans se connaitre, sans jamais s’adresser la parole. La soumission aux idées du groupe importe désormais moins que l’épanouissement personnel, même s’il heurte la communauté.
On le sait, l’appartenance à une communauté, ainsi que les diverses pressions exercées, par cette dernière sur l’individu peuvent parfois être salutaires. Le groupe est parfois le seul rempart existant entre l’individu et ses pires démons.
Et lorsque l’individu, qui migre, évolue en dehors de toute communauté, lorsqu’une personne n’a plus les institutions aussi primordiales que la famille, la religion ou encore l’école pour l’encadrer, cela peut produire le pire des profils.
BIDONVILLES ET CHAOS
À Chicago, au début du siècle dernier, les Italiens, les Polonais et les Tchèques se sont massivement installés dans des ghettos, qui sont rapidement devenus impénétrables, ingérables et sources de chaos et de désordre. Les migrants, déracinés, ont pour beaucoup, fini par céder, dans le Chicago du XXème siècle, aux sirènes de la criminalité et du grand banditisme. Ce n’est qu’avec une mobilisation immense des forces de police que des territoires entiers, sous le contrôle de puissantes organisations criminelles, ont pu être reconquis.
En métropole, en pleines trente glorieuses, sont apparus les bidonvilles aux alentours de Paris : à Nanterre et à la Courneuve notamment. Des hommes venus travailler à Paris, des africains du Nord, des portugais, des espagnols, et des ruraux français, se sont progressivement entassés dans des bidonvilles. Au sein de ces quartiers précaires, il n’y avait aucun dispositif de ramassage des ordures et à Nanterre par exemple, l’on ne trouvait qu’une fontaine à eau pour 10 000 âmes !
En 1967, près de 200 000 personnes vivaient dans les bidonvilles en région parisienne. Du fait de la guerre d’Algérie, qui s’est étalée de 1954 à 1962, beaucoup de français percevaient les bidonvilles comme des lieux où s’était répercutée cette guerre et les assimilaient pour cette raison, au terrorisme et aux attentats. Mais le phénomène a été éradiqué, grâce aux
constructions des grands ensembles, appelés aussi cités ou quartiers.
En Afrique du Sud, l’Etat africain ayant le salaire moyen le plus élevé, les locaux dénoncent régulièrement une perte d’emplois au profit des migrants, et les noirs sudafricains accusent d’autres noirs africains de voler leur travail et d’être responsables de la hausse de la criminalité. Les attaques xénophobes sont devenues légions dans un pays où 29% de la population est au chômage. Et en 2008, une vague de violences xénophobes a entrainé la mort de 62 immigrés. Des actes d’une particulière cruauté ont été commis, incluant des migrants brûlés vifs. Les leaders politiques et élus sud-africains ont clairement pris position et condamnent cette xénophobie aux conséquences meurtrières. Il s’agit ici d’une situation bien différente de celle que l’on trouve à Mayotte où la classe politique, en plus de ne pas se désolidariser de la xénophobie ambiante, semble même s’en être faite le parfait vecteur.
Le mécanisme à l’œuvre et conduisant au désordre et au chaos inhérent au développement économique est toujours le même : les ressortissants des pays les moins dynamiques économiquement sont attirés par l’économie la plus forte, de leur région, voire de la planète. En quête d’une vie meilleure, ils migrent et alimentent les bidonvilles.
Aucune localité, qui a connu une amélioration de son système productif et une forte progression de son économie, n’a été épargnée par le phénomène de gangs, de criminalité, de trafics et de bidonvilles. Et souvent, plus les inégalités sont importantes, et plus l’économie parallèle pèse.
En dehors des zones urbaines, les bandits, agissant seuls ou en groupe sévissent aussi.
Ils ont identifié les lieux fréquentés par ceux qui ont éventuellement « les moyens »
Ce sont les zones touristiques de Mayotte, de type Tanaraki, plage du préfet, Ngouja, cascade de Soulou, ou encore les magnifiques sentiers habituellement empruntés par les randonneurs.
Le processus actuellement à l’œuvre à Mayotte n’a rien de singulier, ni de surprenant, il est celui se déroulant habituellement sur les territoires qui, comme le nôtre, connaissent une forte dynamique économique, comparativement aux Etats voisins.
Les territoires qui enregistrent une belle croissance économique, incitent des personnes venant de régions pauvres et défavorisées à y migrer, dans la recherche d’une vie meilleure.
Le problème n’est pas le profil des hommes et femmes impliqués dans la migration, mais bien la réalité qui les attend, dans les lieux où ils finissent par élire domicile. Prenez n’importe quelle communauté, placez-la dans un environnement de type bidonville et vous constaterez que les états d’esprits et comportements changeront. Dans le confort et dans la survie, on comprend bien que les mécanismes guidant les agissements ne sont pas les mêmes.
Avec l’avènement des zones urbaines, sont apparus les phénomènes de gangs et d’organisations criminelles. Ce sont des choses que nous ne connaissions pas dans nos villages, dans lesquels le contrôle exercé par le groupe sur l’individu était tel que nul ne pouvait commettre un meurtre, sans que cela ne se sache.
ET MAINTENANT ?
Notre entrée dans la modernité, du fait du bouleversement qu’elle représente, nécessite une grande fermeté de la justice, qui semble absente dans les faits. Les syndicats de police regrettent souvent que des délinquants, arrêtés avec beaucoup de difficultés, ne subissent que de faibles peines, voire, sont rapidement laissés en liberté. Les avocats mahorais quant à eux ne cessent, ces derniers temps surtout de dénoncer des décisions de justice complètement déconnectées de la réalité mahoraise. On le constate donc, la justice doit reconquérir la confiance de la population mahoraise, qu’elle a perdue.
Reprenant la citation de W. Churchill, le mieux à faire, dans notre cas, est de prendre le changement par la main, avant qu’il ne nous prenne par la gorge.
Des solutions existent, mais exigent qu’au préalable, nous constations enfin l’interdépendance des sorts de toutes les âmes présentes sur territoire mahorais et de toutes les localités composant notre belle île.
Quand Kahani éternue, Mamoudzou et Koungou s’enrhument. Et quand la Petite-Terre tousse, c’est Mayotte toute entière qui attrape une vilaine grippe.
La solution à nos maux n’est ni la xénophobie, ni le regret de l’ancien temps, ni la paralysie perpétuelle de notre île. Reconnaissons que lorsque nous avons revendiqué le développement économique, la construction d’infrastructures et l’extension des minimas sociaux, nous avons aussi, dans le même temps accepté les inconvénients accompagnant ces honorables revendications. Nul développement économique ne peut se faire sans creusement des inégalités, nulles infrastructures ne peuvent voir le jour sans cantonner les populations les
plus défavorisées dans un ghetto, nulle ville ne peut faire son apparition, sans un centre et une périphérie.
Acceptons que nos revendications issues de notre combat Mayotte-Française se concrétisent progressivement, mais qu’elles contiennent des effets pervers, qui se manifestent également.
Tournons notre regard vers le futur, car ce n’est qu’ainsi que nous pourrons apporter des réponses aux maux dont souffre notre île, dans le présent.
Faire preuve de xénophobie, de barbarie, d’envie de restauration d’un certain âge d’or ne sert à rien.
Pour espérer offrir un avenir meilleur à notre île, la disparition des bidonvilles et de tout ce qui s’y apparente doit être une priorité absolue. Tous ceux qui pourront y prétendre devront être relogés dans des logements décents.
C’est ce qu’a fait l’île de la Réunion, que nous aimons tant prendre en exemple, lorsque durant les années 1990, les mahorais s’y sont massivement rendus et que cela a causé une poussée anarchique des bidonvilles et de l’habitat indigne.
Le sort des migrants, que l’instinct de survie et la quête d’une vie meilleure ont poussé à élire domicile dans les bidonvilles, me fait beaucoup penser à celui des noirs américains.
Et qu’on se le dise, ces migrants finiront par s’assembler, par se concerter, par s’organiser, pour revendiquer une amélioration de leurs conditions d’existence. Ils finiront par avoir leurs Martin Luther King, leurs Malcom X et leurs Marcus Garvey. Et dans tout cela, je ne souhaite pas que l’Histoire finisse par assimiler les mahorais aux tortionnaires, aux xénophobes, aux anges de la mort, aux injustes.
Rejetons le populisme et les populistes. Refusons la xénophobie et reconnaissons que nous sommes victimes du succès de notre combat historique, celui d’une Mayotte-Française.
N’ayons de cesse de rappeler que pendant que Zena M’déré combattait le gouvernement comorien et le projet d’une indépendance incluant Mayotte, elle éduquait aussi, dans sa cours, des enfants grands-comoriens. N’ayons de cesse de rappeler que le M’zé Younoussa Bamana, tout en n’ayant de cesse de rejeter cette « indépendance à la con, à la merde », avait une épouse anjouanaise, de laquelle il a eu des enfants ! Rappelons que plus que jamais, nous devons faire la différence entre la Realpolitik et l’humain, qui se trouve en chaque habitant des bidonvilles et en chaque migrant. Désormais, et à l’avenir, n’ayons qu’une seule réponse aux maux dont souffre notre île : ERADICATION DES BIDONVILLES ET RELOGEMENTS DANS DES CONDITIONS DECENTES!
Parce qu’on est vigilants et parce qu’il est hors de question qu’on soit, à Mayotte, les vecteurs d’un génocide à venir ! Aussi, parce qu’on ne se trompe pas de combat et qu’on se rappelle qu’on est animés d’un instinct d’amour universel et non d’une haine de l’autre !
Le
UNE ÎLE EN TRAVAUX
Jéromine DouxLE PLATEAU DE CHEMBENYOUMBA RÉHABILITÉ
« La politique de la ville est tournée vers le développement des infrastructures sportives », assure François Persee, directeur général des services de la commune de M’tsangamouji. La collectivité réhabilite actuellement le plateau couvert de Chembenyoumba. Initié en 2018, ce projet a démarré en juin 2021 et les travaux devraient se terminer en juillet 2023. « Au départ, l’objectif était de réaliser la couverture du plateau. Puis, nous avons voulu intégrer des vestiaires qui seront mutualisés avec le terrain de foot situé à côté », détaille le DGS. Des gradins d’une capacité de 300 places et un parking sont également en cours. « Le site est normé pour accueillir des compétitions régionales », souligne-t-il. Des matchs de basketball, de hand-ball et de volley-ball devraient donc y avoir lieu. La commune a aussi l’ambition de participer aux Jeux des Îles si Mayotte venait à porter l'événement en 2027.
INITIÉ EN 2018, LE PROJET DE RÉHABILITATION DU PLATEAU SPORTIF, DANS LA COMMUNE DE M’TSANGAMOUJI, DEVRAIT SE TERMINER AU COURS DE L’ÉTÉ 2023. CE SONT 4,5 MILLIONS D’EUROS QUI ONT ÉTÉ INVESTIS POUR ACCUEILLIR DES COMPÉTIONS RÉGIONALES DE BASKET, DE HAND ET DE VOLLEY.UN CHANTIER À 4,5 MILLIONS D’EUROS
Ce projet a été soutenu en premier lieu par l’Agence française de développement (AFD) via l’attribution de deux prêts qui ont permis de financer une partie du chantier, dont le montant est chiffré à 4,5 millions d’euros. La commune de M’tsangamouji bénéficie également de plusieurs subventions pour ce projet. Le Département l’a soutenu à hauteur d’1,5 million d’euros, l’intercommunalité pour un montant d’1,6 million d’euros et l'État lui a accordé 750 000 €. Le reste, environ 650 000 €, a été financé par la commune grâce aux prêts de l’AFD.
UN NOUVEAU TERRAIN DE FOOT DANS LA FOULÉE
Désormais, la commune envisage de réhabiliter son terrain de foot. Une phase d’avant-projet est en cours pour un terrain synthétique qui accueillera également les entraînements et les compétitions de rugby. Le budget estimé est d’environ cinq millions d’euros. « Nous travaillons aussi sur le gymnase du Nord, précise François Persee. La volonté de la municipalité est d’avoir des infrastructures sportives performantes. »
L’AFD, qui a octroyé des prêts d’un montant de 5,5 millions d’euros à la commune, permettra également de financer des travaux de voiries, de sécurisation des bâtiments ou des liaisons routières. « Nous accompagnons toutes les collectivités mahoraises et la plupart connaissent de sérieux retards en matière d’équipements. Ces financements leur permettent de combler ce manque », souligne Kenza Useldinger, chargée de mission de l’AFD.
SEMAINE DE L’ENVIRONNEMENT SUITE LA BRIQUE EN TERRE CRUE, UN RETOUR VERSLE FUTUR À MAYOTTE ?
Les tables rondes de la Semaine de l’environnement organisée par la Somapresse, ont pris fin ce jeudi. Au cours du thème développé dans la salle de conférences de la Cadéma, la transition énergétique, l’idée de réutiliser des matériaux comme la brique en terre crue a fait son apparition, le béton étant très énergivore.
Avant le début des constructions en béton, dans les années 1980 à 2000 à Mayotte, la Société immobilière de Mayotte (SIM) utilisait la brique en terre crue pour ces constructions. Pendant vingt ans, un savoir-faire avec des filiales de production se sont mises en place. Avec l’avènement des normes dans les dispositifs de construction, les édifices en béton ont pris le pas sur ce savoir-faire traditionnel. A l’heure de l’indépendance de production de matériaux, de la valorisation du terroir et de l’augmentation des coûts de l’énergie et du transport, la construction en terre est le futur de Mayotte. Dans ce qui a été la dernière table ronde de la Semaine de l’environnement, Melvyn Gorra, coordinateur de l’association Art.Terre, est notamment venu présenter la stratégie de relance de la filière terre localement. Dernièrement, la rédaction de règles professionnelles des blocs de terre comprimée (BTC) depuis cette année permet d’utiliser celle-ci dans les futures constructions.
C’est donc maintenant aux bailleurs, aux promoteurs ou encore aux acteurs de la construction de pousser au développement de
cette filière mahoraise avec des commandes. Car la formation avec la validation des acquis des artisans et celle professionnelle sont déjà prévues. En couplant avec des fibres de bananiers ou encore avec la technique de construction en torchis, on peut réaliser tout type de bâtiment moderne comme le font de nombreux architectes européens. En outre, il est important de souligner que la qualité de la BTC Mahoraise est reconnue nationalement et internationalement.
Adopter le bioclimatisme, c’est parfois du bon sens
Et le progrès en matière environnemental dans le secteur du bâtiment ne s’arrête pas aux matériaux. Utiliser le vent pour se rafraîchir, se protéger du soleil avec du bardage, végétaliser les espaces pour la fraîcheur et le bruit, ces méthodes semblent être du bon sens. Connaissance des méthodes ancestrales ? Lowtech ? Stéphan Aimé, architecte co-gérant de Tand’M, explique les principes du bioclimatisme en zone tropicale.
Par exemple, le collège de Bouéni utilise déjà des brisesoleils correctement positionnés et une ouverture totale du fond des classes sur la végétation pour refroidir le bâtiment. Les utilisateurs sont conquis. Fort de cette expérience, le nouveau rectorat de Mayotte verra son bâtiment entièrement refroidit pas une légère brise provoquée par un puits de ventilation naturelle centrale.
Sur l’île des possibles, où tout est à construire, c’est notamment grâce au courage des maîtrises d’ouvrages que des bâtiments à faible émissions peuvent voir le jour ! n
Forêt, Mayotte, Entre ciel et océan, éditions Margouillat, 2014
LISEZ MAYOTTE LES BEAUX LIVRES
: MALIKI X FORÊT
La rencontre entre un photographe passionné et un poète à la voix déterminée.
Un mzungu au regard curieux et émerveillé, empreint de reconnaissance pour l'île qui l'a accueilli ; un Mahorais à la plume envolée et toujours juste, chantant son amour pour les gens et la terre à laquelle il appartient.
2008 est l’année de parution d’un deuxième beau livre, fruit d’une collaboration entre deux personnalités intéressantes. La première est l’écrivain francophone de Mayotte Faissoili Maliki et la seconde le photographe Michel Forêt. Faissoili Maliki dirige la bibliothèque municipale de Pamandzi en Petite Terre mais c’est en tant que fils qu’il rencontre un infirmier passionné de photographie, Michel Forêt, qui soigne le père du premier. De fil en aiguille, le poète et le photographe fabriquent un livre intitulé Mayotte. Entre ciel et océan.
Géographique, Le plan du livre fait preuve de simplicité : Petite-Terre, Grande-Terre et le lagon. Ainsi les photographies sont-elles classées en trois dossiers qui s’apparentent à des portfolios. La contribution du poète consiste à inaugurer chacune des trois sections au moyen d’un poème en prose, invitation au voyage qui laisse ensuite au lecteur le soin de découvrir les photographies. Nous partageons avec notre lecteur le texte sur le motif sans doute le plus exotique du livre : « Caressé par le sable, on le longe, incrédule, ne discernant des vagues à l’assaut que l’écume qui vient éclabousser, au loin.
Mais il faut s’élever : alors les hiéroglyphes insoupçonnables que dessinent ses fonds apparaissent comme écrits à l’encre sympathique et l’on se perd dans les détails de leur beauté indéchiffrable.
Mais il faut lever l'ancre : alors les baleines et les dauphins, nous entraînent à leur suite et l’on découvre, émerveillé, les rivages cachés et les îlots immaculés de cet archipel insensé.
Mais il faut s’y plonger : alors dans le silence, dans la lumière feutrée, au détour des coraux aux formes improbables, se devine un jardin que l’on n’aurait osé rêver et l’on voit, parmi les anémones et parmi les étoiles, évoluer, en un ballet somptueux, les poissons multicolores se jouant des tortues qui paissent, indifférentes et que les raies survolent. » (p. 71)
Comme le lecteur sagace l’aura deviné, il s’agit du lagon. Quant aux photographies, nous ferons l’ekphrasis (description) de la première qui renvoie bien au titre. On y voit en effet Mayotte, langue de terre tropicale entre deux bleus, celui du ciel en guise de plafond et celui du lagon. Ainsi le mince filet de terre est-il bien entre ciel et océan.
L’intérêt de cette nouvelle collaboration est son équilibre. Même s’il y a, comme
AGRÉGÉ DE LETTRES MODERNES ET DOCTEUR EN LITTÉRATURES FRANCOPHONES, CHRISTOPHE COSKER EST L’AUTEUR DE NOMBREUX OUVRAGES DE RÉFÉRENCE SUR LA LITTÉRATURE DE L’ÎLE AUX PARFUMS, NOTAMMENT UNE PETITE HISTOIRE DES LETTRES FRANCOPHONES À MAYOTTE (2015) DONT IL REPREND, APPROFONDIT ET ACTUALISE, DANS CETTE CHRONIQUE LITTÉRAIRE, LA MATIÈRE.dans le cas précédent, plus d’images que de textes, le rapport semble plus harmonieux entre le texte poétique et l’image esthétique. Les mots ne contribuent plus seulement à légender l’image de façon ethnographique, ou à l’expliquer ; chacun des deux langages – le mot comme l’image – est ici hermétique – c’est-à-dire énigme à déplier.
En outre, comme dans le cas précédent, ce projet est davantage une origine qu’un aboutissement. En effet, en ce qui concerne le poète, un recueil publié chez Elzévir voit le jour l’année suivante : Le Jour où nous avons compris. Quant au photographe, il développe, au fil des ans, une œuvre riche et originale. En 2016, il s’intéresse à une autre île de l’archipel des Comores, auquel il offre son premier beau livre : Anjouan la mystérieuse (2016). Cette fois-ci, le poète avec lequel il collabore est Kamaroudine Abdallah Paune. Il publie enfin, en 2017, Maore. Mudu & Mzungu, recueil de photographies dans
lequel, à l’exception de l’esperluette à mi-chemin entre mot et signe de ponctuation, les trois autres termes sont vernaculaires, à l’instar du nom de l’île. Le reste du titre repose sur une antithèse implicite, mudu renvoyant à la couleur noire et mzungu à l’étranger de Mayotte, souvent de couleur blanche.
Dans son dictionnaire de référence, Sophie Blanchy définit ainsi le premier terme de la façon suivante : « Européen, Blanc (à Mayotte le plus souvent français).
Au jeu de cartes : mzungu wa vili : la dame ; mzungu wa raru : le valet ; mzungu wa nne : le roi. » (p. 96). Quant au deuxième terme : « Noir. Mutru mdu : un homme au teint noir. Shitru shidu, zitru zidu : une chose noire, des choses noires. Ndzidi : le noir (couleur). » (p. 46). Dans cet ouvrage où la technique photographique rejette la couleur, l’auteur nous invite à une méditation culturelle sur les valeurs du pigment.
Christophe Cosker