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ENVIRONNEMENT EN 60 ANS, 150 MÈTRES DE LITTORAL EN MOINS

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PORTRAIT

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LA MONTÉE DES EAUX, LE VENT ET LA HOULE MODIFIENT PEU À PEU LE TRAIT DE CÔTE. SI LE PHÉNOMÈNE EST INTERNATIONAL, IL EST PARTICULIÈREMENT MARQUÉ SUR LES ÎLES. ET DANS UN CONTEXTE DE DÉMOGRAPHIE GALOPANTE ET D’AFFAISSEMENT DE L’ÎLE, MAYOTTE N’EST PAS ÉPARGNÉE.

« À Soulou, tous les cocotiers sont déracinés, couchés au sol, et une falaise d’érosion de deux mètres s’est formée en bout de plage. » Selon Charlotte Mucig, directrice régionale du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), cette baie aurait déjà reculé de 150 mètres en une soixantaine d’années. C’est d’ailleurs le secteur de l’île le plus exposé à l’érosion du littoral. Un phénomène lié à la montée des eaux, au vent et à la houle, qui modifie peu à peu le trait de côte. « L’érosion côtière se produit partout dans le monde, mais c’est sur les îles qu’elle est le plus marquée », poursuit la directrice du BRGM, qui suit l’évolution de plusieurs plages à Mayotte.

s’est affaissée en raison de la formation d’un volcan sous-marin au large. « Nous avons perdu près de 20 centimètres au niveau de Petite Terre et environ 15 centimètres de l’autre côté du territoire », indique Floriane Ben-Hassen, responsable du centre météorologique de Mayotte. Un contexte qui engendrerait des submersions plus fréquentes.

Et si la situation de la baie de Soulou est exceptionnelle, elle pourrait se généraliser. Selon Météo France, les cyclones, qui restent rares sur l’île, se feront de plus en plus puissants avec des pluies intenses et des vents violents. « Le climat devrait être encore plus contrasté, avec des événements extrêmes qui pourraient être dévastateurs », projette François Bonnardot, responsable du service études et climatologie de Météo-France pour l'Océan Indien. Dans le même temps, l’île

D’autant que la croissance démographique et l’urbanisme croissants, avec la construction d’habitations proches du littoral, accentuent le phénomène. Tout comme la dégradation de l’environnement sur terre et en mer. Les mangroves et les récifs coralliens agissent notamment comme barrières naturelles contre l’érosion. Et même s’ils limitent toujours les épisodes extrêmes et la houle, ils se dégradent. « C’est cyclique, tempère toutefois Charlotte Mucig. Les plages peuvent être dépourvues de sable pendant la saison des pluies et se recharger ensuite. Le tout est de savoir s’il y a un déficit ou si on est à l’équilibre sur la durée. »

L’USINE DE DESSALEMENT AU BORD DE LA FALAISE

Mais du nord au sud, force est de constater que la mer s’avance dans les terres et rend submersibles de nombreux quartiers qui ne l’étaient pas. « La commune de Bandrélé est désormais inondée en période de grandes marées et certains bâtiments commencent à voir leurs murs grignotés par la mer. C’est le cas de l’école Kani Bé, à Kani-Kéli », souligne Floriane BenHassen. A Pamandzi, c’est la falaise qui se rapproche dangereusement de l’usine de dessalement. « On sait qu’il faudra, à terme, déplacer cette structure », affirme quant à elle Charlotte Mucig.

Partout sur l’île, la montée des eaux fragilise les infrastructures. L’érosion, couplée à un glissement de terrain, serait d’ailleurs responsable de l’affaissement de la route au niveau de la baie de Soulou. « Plusieurs réseaux routiers sont fragilisés. C’est aussi le cas au niveau de Koungou », poursuit la directrice du BRGM. Sans parler des habitations : à Bouéni, plusieurs familles installées au-dessus d’une falaise voient leurs maisons basculer peu à peu vers la mer et doivent quitter les lieux.

Dans le même temps, l’érosion serait responsable de l’augmentation de la salinité dans les sols qui mettrait à mal certaines cultures de fruits et légumes. Et elle pourrait également perturber certains milieux naturels.

« La hausse du taux de sel sur les plages impacterait la ponte des tortues », souligne la responsable du centre météorologique de Mayotte. C’est ce sur quoi travaille actuellement le Centre universitaire de Mayotte. « Demain, si on veut s’adapter à ce phénomène, il faut prendre en compte tous ces aléas pour les aménagements futurs », estime Charlotte Mucig. n

Dossier

L’ÉROSION DES SOLS, L’AUTRE PHÉNOMÈNE

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Au-delà de l’érosion du littoral, un second phénomène est présent sur l’île. Il s’agit de l’érosion des sols, qui décrit les écoulements de boue dans le lagon. En 2018, on estime que 20 000 tonnes de terre y ont été déversées, soit quatre fois plus qu’il y a 40 ans. Deux grandes causes sont responsables de ce phénomène. D’abord, le passage du jardin mahorais à une agriculture plus intensive - de manioc et de bananes notamment - a fragilisé les sols en les appauvrissant. Des pratiques souvent couplées aux brûlis sur cultures, dont le but est de « nettoyer les sols » et d’accélérer leur fertilisation sur du court terme. Le tout en déracinant des arbres. « Ainsi plus rien ne retient la terre, ce qui provoque des écoulements de boue en saison des pluies », souligne Jean François Desprats, responsable du projet Leselam, financé par l’Union européenne, qui lutte contre l’érosion des sols.

20% DES DÉVERSEMENTS DE BOUE DUS AUX CHANTIERS

Les chantiers de construction en sont la deuxième cause. Alors qu’ils ne représentent que 0,07 % de la surface de l’île, ils sont responsables de plus de 20 % des déversements de boue. « Ils sont complètement incontrôlés. Les ouvriers laissent des tas de terre à proximité du réseau routier, près du littoral. Donc dès qu’il y a de fortes pluies, tout se déverse dans le lagon », estime le responsable du projet Leselam. Ces tonnes de terre envasent les récifs coralliens, fragilisent les écosystèmes et ont des conséquences sur le cycle de l’eau. « Cela pose des problèmes de captage pour le traitement de l’eau. On se retrouve avec des retenues chargées en terre et potentiellement en pesticides, avec les nouvelles pratiques agricoles », souligne Jean François Desprats. Des substances ensuite ingérées par les habitants, qui pourraient, à l’avenir, être responsables de problèmes de santé publique.

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