3 minute read

REPORTAGE L’ÉCOLE DE KANI-BÉ A LES PIEDS DANS L’EAU

PLUS DE 350 000 EUROS AURAIENT DÉJÀ ÉTÉ ENGAGÉS PAR LA COMMUNE DE KANI-KÉLI POUR RENFORCER LA STRUCTURE DE L’ÉCOLE PRIMAIRE DE KANI-BÉ. SITUÉ QUASIMENT AU MÊME NIVEAU QUE LA MER, LE VILLAGE EST PARTICULIÈREMENT CONCERNÉ PAR LE RISQUE D’INONDATIONS ET DE SUBMERSIONS MARINES.

Ahmed Djanfar, directeur des services techniques de KaniKéli, sur le muret en gabions qui vise à protéger l’école primaire de la montée des eaux.

En 2019, le mur de l’école de KaniBé avait failli être emporté pendant la tempête tropicale Kenneth. Il a depuis été renforcé.

Depuis la plage, l’école primaire de Kani-Bé semble avoir été posée sur le sable. Entourée par la rivière d’un côté, par la mer et la mangrove de l’autre, elle dénote dans ce décor sauvage. La structure se fait d’ailleurs chasser par le lagon, qui s’avance peu à peu, en grignotant ses fondations. En 2019, l’un de ses murs a failli s’effondrer au moment du passage de la tempête tropicale Kenneth. Mais pas question de déménager. La commune de Kani-Kéli multiplie les investissements pour limiter le phénomène d’érosion et renforcer l’établissement.

Après avoir consolidé son mur extérieur, la collectivité a installé des blocs de gabions. « Ce sont des cages renfermant des pierres. Ainsi, nous avons conforté la berge au niveau de la ravine mais aussi au dos de l’école, où la structure était la plus menacée », relate Ahmed Djanfar, directeur des services techniques de la commune. Il y a encore quelques mois, la collectivité a prolongé son muret de pierres sur plusieurs dizaines de mètres, pour éviter que l’eau ne s’infiltre dans la cour de l’école. « La marée va jusqu’à grignoter les badamiers et arracher les racines de la terre. Un arbre vient encore d’en faire les frais », constate le directeur des services techniques face à un tronc mort, couché sur le sable.

« ON NE SAIT PAS COMMENT ÇA VA VIEILLIR »

Au total, la collectivité aurait déjà engagé plus de 350 000 euros pour renforcer l’établissement. Elle espère désormais que les travaux de gabionnage, livrés il y a quelques mois, suffiront. « Pour le moment, cela semble efficace mais on ne sait pas comment ça va vieillir dans le temps », poursuit Ahmed Djanfar. A terme, l’école pourrait être obligée de déménager. D’autant que la Deal refuse de financer des opérations de rénovation ou d’agrandissement en zone d’aléas forts.

Ces zones caractérisent les secteurs concernés par les risques d’inondations et de submersions marines. Et l’école de Kani-Bé n’est pas la seule à être menacée. Dans la commune voisine, l’école primaire de Mronabéja est aussi concernée. « Dans ce village, l’idée serait plutôt de déplacer l’établissement », souligne le directeur des services techniques.

« L’EAU NE S’ÉVACUE PAS »

Au-delà de l’école, les habitations du long du littoral sont elles aussi fragilisées par la montée des eaux. « Kani-Bé est un village particulièrement plat. Déjà, lors des fortes pluies ou des grandes marées, l’eau ne s’évacue pas », souligne Charlotte Mucig, directrice régionale du BRGM à Mayotte, qui suit l’évolution des plages et le recul du trait de côte. « Dès qu’il pleut, des habitants nous appellent pour nous dire qu’ils sont inondés. Avec le service propreté, on les aide à déblayer », confirme Ahmed Djanfar. Une étude de la direction de l'environnement de l'aménagement et du logement (Deal) est actuellement en cours afin de déterminer la possibilité pour ces habitants de rester dans leurs logements ou la nécessité de les expulser. « Ils devront sans doute être délogés, anticipe le directeur des services techniques. Mais le problème est toujours de trouver des financements. »

Autre problématique : les écoulements des eaux pluviales se trouvent désormais sous le niveau de la mer. « Ils sont donc très souvent bloquées par un amas de sable », ce qui empêche les eaux de se déverser et pose des difficultés pour l’entretien des ouvrages. « Au bout de deux jours, le sable revient et bouche tout le caniveau. On est obligé d’utiliser une tractopelle pour ouvrir les exutoires », assure Ahmed Djanfar. Pour régler le problème, la collectivité devrait engager des travaux colossaux et donc très coûteux. « Nous espérons que notre politique de résorption d’habitats insalubres permettra de limiter un peu le phénomène » conclut le directeur des services techniques. n

Dossier

Raïnat Aliloiffa

This article is from: