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20 000 TONNES DE TERRE PAR AN DANS LE LAGON
arrêtés à temps. Sans grande surprise, « ils proviennent principalement des quartiers dits informels parce qu’ils n’ont pas d’infrastructures pour la gestion des déchets », assure Latufa Msa, chargée de mission à la Fédération mahoraise des associations environnementales.
Les conséquences de l’envasement et des déchets qui atterrissent au fond des eaux mahoraises sont graves, et parfois irréversibles. « Il y a une trentaine d’années, on pouvait pêcher du poisson et des poulpes depuis la plage. Aujourd’hui, l’habitat naturel de ces espèces n’est plus. Pour qu’il y ait du poulpe, il faut qu’il y ait du corail, et la première bande de corail qu’on avait à Mayotte est devenue de la boue », dénonce Ali Madi, le président de la FMAE. Il faut donc aller toujours plus loin pour pouvoir pêcher, mais également pour voir des dauphins et autres espèces marines, qui sont de plus en plus difficiles à apercevoir.
« LA GESTION DE NOTRE TERRITOIRE FAIT QUE LE KASHKAZI EST UNE CATASTROPHE POUR MAYOTTE »
Tout cela est le résultat d’un manque de considération envers l’environnement de la part de la population et des autorités. « La gestion de notre territoire par les citoyens et les institutions fait que le kashkazi est une catastrophe pour Mayotte. Les élus et l’État ont démissionné de cette mission de préservation de l’environnement », accuse le président de la FMAE, particulièrement agacé par tant de laxisme. La gestion des déchets incombe aux communes. Cellesci ont délégué cette compétence au SIDEVAM 976, le syndicat intercommunal d’élimination et de valorisation des déchets de Mayotte. Mais, selon Ali Madi, « il n’y arrive clairement pas ». Une partie de la population a également unepart de responsabilité, puisqu’elle semble peu préoccupée par le phénomène, même lorsque les communes mettent les moyens. À Koungou par exemple, la ville a mis en place des filets dans les caniveaux pour retenir les déchets. Mais les habitants ont rapidement manifesté leur mécontentement. « Des riverains disent que les déchets retenus provoquent des inondations dans leurs maisons, ils veulent donc casser les caniveaux pour que l’eau circule », indique Ali Madi. Et cela l’inquiète, puisque les quelques solutions proposées ne semblent pas être efficaces.
Quant à la boue, les institutions sont encore une fois en ligne de mire. « D’un côté, il y a les particuliers qui construisent et qui ne sont pas suivis ni aidés pour faire les choses dans les règles. Et de l’autre côté, il y a les remblaiements qui continuent dans les zones humides. Le plus inquiétant dans tout cela, c’est que rien n’est fait pour se réveiller », déplore le président de la FMAE, qui réclame des sanctions fortes pour dissuader les plus récalcitrants.
ACTIONS MINEURES, PROBLÈME MAJEUR
Les associations environnementales sont les plus investies dans la lutte contre les déchets en mer. La FMAE les accompagne à mettre en place des actions en faveur de la protection de l’environnement. « Souvent, ce sont des actions de nettoyage. Avant le début de la saison, on nettoie certains quartiers, et on le fait aussi à la fin de la saison », précise Latufa Msa, la chargée de mission de la fédération. Mais est-ce réellement efficace ? Il n’est pas rare de voir des déchets réapparaître seulement quelques jours après une séance de nettoyage. « Ces actions sont efficaces parce qu’elles permettent de diminuer les déchets », assure Latufa Msa. Mais elles ne sont pas suffisantes. La population doit être sensibilisée pendant encore des années pour qu’il y ait un réel impact. Cela passe par les maraudes de sensibilisation qu’effectuent les membres de la FMAE, mais également à travers l’éducation des enfants, qui doivent comprendre l’intérêt de la préservation de l’environnement dès le plus jeune âge. « Malgré tout ce travail fait en amont, sans les infrastructures adéquates, on aura toujours le même problème dans quelques années », rappelle Latufa Msa.
La FMAE travaille avec le Parc naturel marin pour empêcher les déchets de se déverser dans le lagon. Ils mènent une expérience avec trois communes qui ont installé des filets à certains endroits stratégiques pour les retenir. « Il y a trois sites visés, Ourovéni à Combani, Sada, et Koungou. Mais si Koungou a joué le jeu, on n’a pas de retour des deux autres », regrette le président de la FMAE. De plus, ce projet ne peut être efficient que si « d’autres mécanismes, notamment de gestion des eaux pluviales, ou de reboisement, sont menées par les autorités. »
En 2012, en constatant les dégâts que faisaient l’envasement sur le lagon, la DEAL a mis en place une feuille de route qui a pour objectif de mettre en place des projets pour lutter contre l’érosion. Le projet Leselam est donc lancé en 2015, il est dirigé par le BRGM et le constat fait sur le terrain est sans appel. « On a montré en 2018 qu’il y avait 20 000 tonnes de terre par an qui arrivaient dans le lagon. Il y a 40 ans c’était à peu près 5000 tonnes », rappelle Jean-François Desprats, ingénieur au BRGM et chef du projet Leselam. Des mesures ont été mises en place pour limiter le phénomène. Si elles sont respectées, en 2035 on devrait redescendre à 15 000 tonnes. En revanche, « si on continue à faire n’importe quoi dans les zones urbaines et dans les zones agricoles, on augmenterait l’érosion de 20% et on passerait à plus de 25 000 tonnes de terre dans le lagon chaque année », avertit l’ingénieur. De quoi alerter les autorités, qui doivent plus que jamais prendre le problème à bras le corps. Le lagon de Mayotte est connu pour être l’un des plus beaux au monde, il ne faudrait pas qu’il perde de sa superbe.n