Mayotte Hebdo n°938

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LE MOT DE LA RÉDACTION

RETOUR VERS LE PASSÉ Ils sont les témoignages laissés par les anciens, par les générations passées, en somme, par l'histoire de Mayotte. Des usines sucrières à la mosquée de Tsingoni, les lieux patrimoniaux nous rappellent, aux quatre coins de l'île, l'arrivée des pirates, au 17ème siècle, celle des Portuguais, de l'islam, de Passot, d'Andriantsoly jusqu'aux Chatouilleuses. Car Mayotte aussi, est un lieu chargé d'histoire(s). Mais dans un territoire où la transmission passe essentiellement par l'oralité, ces vestiges et parfois même ce savoir-faire, dont la brique en terre cuite compressée, doivent être plus que jamais préservés, valorisés, pour que les nouvelles générations puissent, à leur tour et à l'heure de la mondialisation, se souvenir de ces ères qui ont façonné l'île. Cette semaine, Mayotte Hebdo vous propose un "coup d'œil dans le rétro" : quels sont ces lieux, comment se sont-ils construits, qu'en reste-t-il aujourd'hui ? Bonne lecture à toutes et à tous. Solène Peillard

TOUTE L’ACTUALITÉ DE MAYOTTE AU QUOTIDIEN

Lu par près de 20.000 personnes chaque semaine (enquête Ipsos juillet 2009), ce quotidien vous permet de suivre l’actualité mahoraise (politique, société, culture, sport, économie, etc.) et vous offre également un aperçu de l’actualité de l’Océan Indien et des Outremers.

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FI n°3839 Lundi 7 mars 2016 St Félicie

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FI n°3822 Jeudi 11 février 2016 Ste Héloïse

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RENSEIGNEMENTS Tél : 0639 67 04 07 | Mail : contact@mayotte-e-velos.yt

FI n°3818 Vendredi 5 février 2016 Ste Agathe

marine le Pen

environnement

Port de Longoni

ConSeil départeMental

Quel accueil se prépare pour la présiDente Du Fn ?

Le Lagon au patrimoine mondiaL de L'unesCo ?

la dsP sur la sEllEttE

pas de changement sUr l’octroi de mer

© Jonny CHADULI

Grève à Panima

TéléThon 2016

Des propositions mais toujours pas D'issue

DemanDez le programme

première parution : juillet 1999 - siret 02406197000018 - édition somapresse - n° Cppap : 0921 y 93207 - dir. publication : Laurent Canavate - red. chef : Gauthier dupraz - http://flash-infos.somapresse.com

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FI n°3997 mercredi 30 novembre 2016 St André

© CR: Gauthier Bouchet

Diffusé du lundi au vendredi, Flash Infos a été créé en 1999 et s’est depuis hissé au rang de 1er quotidien de l’île.

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Économie

SÉcuritÉ

Les appeLs à projets de L'europe

Couvre-feu pour Les mineurs

Première parution : juillet 1999 - Siret 02406197000018 - APE 5813Z - Édité par la Somapresse - Directeur de publication : Laurent Canavate - http://flash-infos.somapresse.com

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Musique

Faits divers

Edmond BéBé nous a quitté

ViolEncE En cascadE

Première parution : juillet 1999 - Siret 02406197000018 - APE 5813Z - Édité par la Somapresse - Directeur de publication : Laurent Canavate - http://flash-infos.somapresse.com

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MCG VS SMart

ViCe-reCtorat

UltimatUm oU véritable main tendUe ?

l’institUtion répond aUx critiqUes

Première parution : juillet 1999 - Siret 02406197000018 - APE 5813Z - Édité par la Somapresse - Directeur de publication : Laurent Canavate - http://flash-infos.somapresse.com

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TCHAKS LE CHIFFRE 398 C’est le nombre de personnes délogées lundi à Kahani, dans le cadre d’une nouvelle opération de destruction de l’habitat illégal menée par la préfecture, sur un terrain du conseil départemental où devrait débuter les travaux d’extension du hub où transitent chaque matin des centaines d’écoliers. « Ce bidonville nous a posé des problèmes par le passé, notamment des agressions et des caillassages sur les pompiers », a rappelé Jean-François Colombet. Dans le cadre de la loi Elan, adoptée en 2018, les préfets peuvent ordonner des opérations de ce genre dans un délai minimum d’un mois, si les habitats informels ciblés présentent des risques pour la sécurité publique notamment. Or, cette même loi précise que l’obligation d’offrir des solutions d’hébergement aux décasés ne tient que pour les personnes en situation régulière... Ainsi seule une trentaine d’entre eux y ont eu droit. 133 étrangers sans titre de séjour ont été interpellés et éloignés suite à cette opération.

LA PHRASE

L'ACTION

“Quand je suis arrivé au niveau du pont, j’ai vu ces gamins mettre le feu ”

Une journée de sensibilisation contre les violences faites aux femmes

Mardi 24 novembre, au matin. Les habitants de Dzoumogné se réveillent sous une pluie de pierre et dans la fumée noire qui émane du pont de la commune, barré. Aux abords du lycée, des bandes de jeunes s’affrontent sans relâche. En cause ? Des élèves de Kawéni qui, selon les premiers témoignages, seraient venus se battre contre ceux de la commune du nord de l’île, qui restera assiégée toute la journée, forçant notamment le GIGN à intervenir. Un déferlement de violences à l’issu duquel le personnel du LPO de Dzoumogné a décidé de faire valoir son droit de retrait, en dénonçant la dégradation de la sécurité dans cette zone. Dès le lendemain, deux majeurs interpellés en flagrant délit et jugés en comparution immédiate étaient condamnés à trois mois de prison ferme. Deux autres mis en cause, cette fois mineurs, devraient comparaître à leur tour devant le juge des enfants, là encore pour avoir participé à un attroupement armé et avoir jetés des pierres sur des lycéens et des gendarmes.

Chaque année, le 25 novembre est marqué par la journée internationale pour l’élimination des violences faites aux femmes. A défaut de pouvoir organiser son traditionnel colloque avec les professionnels du social, l’Acfav (association pour la condition féminine et aide aux victimes) a opté, mercredi, pour une action à destination du grand public près de la gare maritime de Mamoudzou et jusque sur la barge. Ainsi, une dizaine d’employés de l’association ont brandit des pancartes dont les slogans invitaient à briser le silence autour des violences, notamment sexuelles, et du harcèlement. Thème de cette année ? Les violences économiques, caractérisée par la prise de contrôle de l’argent et moyens de paiement par un conjoint. Une situation qui peut pousser à la prostitution dans les cas les plus extrêmes. Jusqu’au 2 décembre, d’autres actions sont prévues, au RSMA, au rectorat et au sein du centre de détention, entre autres.

IL FAIT L’ACTU Quentin Gleitz, étudiant en médecine, filme la traversée entre Mayotte et Anjouan dans « Le bruit des vagues » De retour d’une expérience d’un an à Mayotte, Quentin Gleitz, étudiant en médecine, vient de sortir un moyen métrage de 20 minutes intitulé « Le bruit des vagues » dans lequel il raconte sa traversée depuis Anjouan en kwassa et relate les histoires bien souvent dramatiques de ces clandestins. Un documentaire inédit, né de la rencontre de Quentin Gleitz avec un passeur, qui acceptera de le faire embarquer en échange de 200 euros, pour une traversée d’une dizaine d’heures, à bord d’une barque où sont entassé une vingtaine de personnes. Une expérience à découvrir dès à présent sur YouTube.

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LU DANS LA PRESSE

Chaque semaine, découvrez le regard porté sur l’actualité locale à travers la presse nationale ou régionale

CES DÉPARTEMENTS OÙ LA PAUVRETÉ EST LA PLUS ÉLEVÉE Par Victor Semeraro, pour Capital

L’Observatoire des inégalités publie, jeudi 26 novembre, la seconde édition de son rapport sur la pauvreté en France. Les territoires ultramarins et la Seine-Saint-Denis sont les plus touchés. Peindre un portrait fidèle de la pauvreté dans notre pays... C’est l’ambition de l’Observatoire des inégalités qui publie, jeudi 26 novembre, la seconde édition de son rapport sur la pauvreté en France. Un document d’une centaine de pages qui compile une multitude de chiffres, notamment en provenance d’institutions publiques comme l’Insee. Toutefois, il faut le dire d’emblée : c’est un portrait d’avant la crise sanitaire qui est réalisé. Les auteurs ne disposant pas encore des données sur la période que nous traversons. Malgré tout, ce rapport permet de mieux appréhender les contours d’un phénomène protéiforme. De la mère célibataire à l’immigré, du couple au jeune sans emploi, la pauvreté s’immisce au sein de ménages très divers. Mais, en définitive, 5 millions de personnes vivent avec moins de 885 euros par mois. C’est-à-dire avec moins de 50% du revenu médian*, qui s’établit à 1.771 euros par mois et par individu. D’un point de vue géographique, la pauvreté est présente au quatre coins de l’Hexagone. Elle l’est même davantage en Outre-mer. À partir des chiffres de l’Insee (2017), l’Observatoire des inégalités a établi le classement des 10 départements où le taux de pauvreté est le plus élevé. Et c’est à la Réunion que la situation est le plus préoccupante. Près d’un quart de la population vit sous le seuil de pauvreté. Un chiffre énorme. Pire, selon les auteurs : “La Guyane et Mayotte sont probablement dans des situations encore plus dramatiques, mais les données ne sont pas communiquées pour le seuil de 50% du niveau de vie médian”. A Mayotte, par exemple, 77% de la population vit avec moins de 1062 euros par mois (60% du revenu médian). En métropole, la Seine-Saint-Denis est en grande difficulté. Près de 18% de la population est pauvre. Ce qui représentait 280.000 personnes en 2017. Un chiffre que la crise économique va faire grimper en flèche. Motifs invoqués par les auteurs : c’est un département où “le chômage est très élevé et [qui] accueille[nt] des populations démunies, en partie immigrées”. Dans une récente étude, l’Insee soulignait également que les emplois créés dans le département ne profitent que très partiellement aux habitants. A Bobigny, la ville préfecture, le taux de pauvreté affiche 36%. C’est un taux sept fois supérieur à

celui d’une commune comme le Chesnay (5%), également située en région parisienne, dans les Yvelines. Mais “la France qui va mal, on la retrouve partout”. Des territoires ruraux comme la Haute-Corse et l’Aude ne sont pas non plus épargnés. On compte respectivement 12,6% et 12,3% de leur population qui tente de se débrouiller avec moins de 885 euros par mois. “En nombre, les personnes pauvres sont moins présentes dans les campagnes, mais les zones rurales abritent aussi une population plus âgée qui vit parfois dans des conditions très rudes”, décrypte l’Observatoire. À l’autre bout de l’échelle, certains départements ont des taux de pauvreté très faibles. C’est particulièrement vrai pour ceux de l’ouest. En Vendée, le taux de pauvreté n’est que de 5%. Il plafonne à 5,5% en Loire-Atlantique et à 6% dans le Morbihan. Des chiffres, qui viennent recouper une étude produite par l'Insee qui démontrait que les départements de l’ouest font partie de ceux où le niveau de vie des ménages a le plus augmenté depuis 35 ans. Autres territoires dynamiques : la Savoie et la HauteSavoie. Depuis une quinzaine d’années, les habitants bénéficient à plein de leur position géographique avec l’Italie, mais surtout avec la Suisse. Le travail frontalier s’y est beaucoup développé. Avec 5,4% de taux de pauvreté, les Yvelines figurent aussi dans le palmarès des 10 départements les moins touchés. Le territoire abrite une large population de cadres supérieurs. Il est donc logique de retrouver une ribambelle de communes du 78 parmi celles où le taux de pauvreté est le plus faible du pays. C’est le cas du Chesnay, Chatou (6%), Maison-Laffitte (6%), Vélizy-Villacoublay (6%), Houilles (7%) ou encore Versailles (7%). Ce qui n’empêche que des îlots de pauvreté existent tout de même au sein du département (Les Mureaux, Trappes, etc., ndlr), comme le pointe le document. À partir de ce constat, l’Observatoire des inégalités défend l’instauration d’un revenu minimum (RMU) d’un montant de 900 euros par mois pour aider les plus fragiles. Une mesure qui coûterait, selon l’organisme indépendant, environ 7 milliards d’euros à mettre en place. “Ce RMU assurerait principalement une hausse du niveau de vie d’environ 150 euros mensuels en moyenne aux allocataires du RSA ou de l’allocation de solidarité spécifique, ce qui n’est pas rien”, plaident les auteurs. *Selon l’Insee, “salaire tel que la moitié des salariés de la population considérée gagne moins et l'autre moitié gagne plus”.

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DOSSIER

VESTIGES

QUEL AVENIR POUR LES TRACES DU PASSÉ ? Quoi de mieux qu'un saut dans le temps pour célébrer le patrimoine mahorais ? En 2017, Mayotte Hebdo se penchait sur les lieux qui ont marqué l'histoire de l'île, façonnés en des ères variées, par des peuples et des civilisations qui le sont tout autant. La naissance d'une histoire singulière au sein de la région, influencée par l'Afrique, l'Europe et évidemment, l'océan Indien. Des traces du passé auxquelles l'on peine parfois à offrir un avenir, tant elles sont laissées à l'abandon. Les traditions, les danses, les manzaraka, eux, se perpétuent encore. Mais nos ruines, elles, sont devenues le terrain de jeu de la végétation. Avant de tomber dans l'oubli ?

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DOSSIER

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LE PATRIMOINE BÂTI DE MAYOTTE FINIRA-T-IL AUX OUBLIETTES ? QUE DEVIENT LE PATRIMOINE DE MAYOTTE ? OÙ EST-IL ? POURQUOI NE LE VOIT-ON PAS OU PEU ? EST-IL LAISSÉ À L’ABANDON OU BÉNÉFICIE-T-IL DE POLITIQUES DE MISE EN VALEUR ? ALORS QUE, PARTOUT DANS LE MONDE, LES TÉMOIGNAGES MATÉRIELS DE L’HISTOIRE ONT VOCATION À ÊTRE SAUVEGARDÉS ET MIS EN VALEUR, L’ÎLE AUX PARFUMS, ELLE, SEMBLE OUBLIER LES TRACES DE SON PASSÉ. UN DÉSINTÉRÊT REGRETTABLE, CAR IL POURRAIT CONTRIBUER À METTRE EN VALEUR UNE ÎLE QUI CHERCHE DES MOYENS POUR EXISTER. Si les lieux sont une mémoire, alors Mayotte devient amnésique. Si les acteurs institutionnels citent souvent la restauration de la mosquée de Tsingoni ou celle de la résidence des Gouverneurs à Dzaoudzi – qui accueille désormais le MuMa – comme gage de l’intérêt qu’ils portent au patrimoine, ils auront bien du mal à mettre en avant d’autres actions. La mosquée de Polé ? Aucune mise en valeur. La maison du Gouverneur sur les hauteurs de Grande Terre ? Complètement à l’abandon. Les bangas traditionnels ? Quasiment oubliés de tous. Les usines sucrières ? Des tas de pierres recouverts de jungle. Les cimetières où reposent les Anciens ? Envahis pour la plupart par les herbes et la brousse. Pourtant, tous ces sites – et d’autres encore – témoignent d’une part importante de l’histoire de l’île. Mayotte

perd les traces de son passé. Mayotte se perd elle-même. Pourtant, de quelle histoire estelle l’héritière ! Des peuplements multiples, une culture unique est née. On y retrouve l’Afrique, l’océan Indien, l’Europe, et bien d’autres encore. Des pirates du 17ème siècle aux premiers Portugais, de l’arrivée de l’islam à celle de Passot, d’Andriantsoly aux Chatouilleuses, l’histoire tantôt agitée, tantôt sereine, de l’île aux parfums est riche de rebondissements et de vestiges. Pourquoi demeurent-ils méconnus ? Pourquoi les traces encore existantes de ce passé sont-elles laissées à l’abandon ? Michel Charpentier est président de l’association Les Naturalistes, qui oeuvre à la préservation du patrimoine naturel et culturel de Mayotte. Il déplore le manque d’intérêt accordé au patrimoine matériel de Mayotte, qui pourtant ne

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manque pas. Au rang des sites laissés à l’abandon, ou tout au moins peu préservés : - La mosquée de Polé, “Où il n’y a pas de volonté de mise en valeur. Elle survit, car elle est aussi un lieu de culte animiste, mais pas plus. D’ailleurs, toutes les constructions autour ont été érigées il y a quelques poignées d'années, preuve de l’intérêt qu’on lui porte historiquement

parlant.” Le site est pourtant inscrit aux Monuments historiques - Les usines sucrières, dont trois sur 17 sites recensés sont “En moins mauvais état”, avec parfois même comme à Soulou, des machines à vapeur encore sur place : “Pourtant, il y aurait là beaucoup à mettre en avant, se désole le responsable. Ces machines

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à vapeur, extrêmement modernes pour l’époque, venant de Londres ou de Paris, ont été une petite révolution à Mayotte, et l’on en retrouve beaucoup. Mayotte est sans doute la meilleure source d’information dans ce domaine dans tout le sud-ouest de l’océan Indien.” Elles demeurent toutefois abandonnées dans la brousse. - Les bangas traditionnels et les peintures extérieures qui les égayent, certes sujets à l’usure naturelle, mais

qui pourraient être entretenus, voire même reconstruits pour mettre en avant ce symbole fort de la culture locale. Des bangas que Les Naturalistes ont recensés sur un tiers des communes il y a quelques années : “Si l’on retournait sur place aujourd’hui, on constaterait que beaucoup n’existent plus.” - La maison du gouverneur qui, tout en ayant un intérêt architectural limité, est un symbole fort de Mayotte.

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LA BRIQUE DE MAYOTTE : UNIQUE AU MONDE

Celle-ci a été reconstruite à l’identique au début des années 2000, car elle était en très mauvais état. Depuis, aucun entretien n’ayant été fait, elle est à la merci des pilleurs, et dans un état catastrophique, de nouveau. - Les séchoirs à coprah qui, bien que moins connus que les usines sucrières, représentent une partie du patrimoine industriel d’antan, d’autant que la méthode de séchage était propre à Mayotte. - Des embarcations variées dont beaucoup ont disparu aujourd’hui. C’est le cas des pirogues à voile ou des boutres, qui parcouraient autrefois le lagon. De ces embarcations, seules des pirogues à balancier existent encore, soutenues par certaines actions associatives ou privées (voir encadré). Et ce n’est là qu’une partie du patrimoine bâti qui rend compte de l’histoire de l’île aux parfums. Ce patrimoine ne manque pas, comme le confirme Marion Lalanne, historienne du patrimoine, alors en charge de la rénovation de la mosquée de Tsingoni. “Je l’affirme à 100 %, explique-t- elle, le patrimoine mahorais mérite d’être mis en avant. De nombreuses choses sont à valoriser, mais il y a urgence, sinon ces traces disparaîtront.” Toutes, d’ailleurs, n’ont sont pas à être nécessairement vieilles pour porter un intérêt fort. En plus des vestiges déjà cités, la spécialiste met ainsi en avant les quelques maisons de pierres encore existantes sur l’île et où vivaient les grands cadis, mais surtout les cases SIM construites à la fin du XXème siècle : “Il s’agit d’habitations qui ont représenté une vraie évolution dans le mode de vie, et dont l’identité est 100 % mahoraise. Du savoir-faire à la main d’oeuvre, en passant par les matériaux (des briques en terre cuite compressées dont la composition est en cours de classement, voir encadré), nous avons là quelque chose de typiquement mahorais.” D’ailleurs, si ce patrimoine semble peu à peu disparaître, l’intérêt qu’il suscite ailleurs est bien réel : “Quand on cherche à construire des bâtiments basés sur la terre cuite quelque part dans le monde, c’est vers Mayotte que l’on se tourne. C’est à Mayotte et à la SIM que l’on demande des documents. Ce savoir-faire est unique.” Malheureusement, ce patrimoine ne fait l’objet d’aucune mesure de réhabilitation et de mise en valeur, alors même qu’il est né ici. Les cases SIM subsistent encore, avec parfois quelques pépites comme la case “dôme” de Mamoudzou, mais pour combien de temps ? Une culture plus orale que matérielle Alors, puisque les traces du passé existent bel et bien, pourquoi peine-ton à leur garantir un avenir ? “Ce n’est pas encore dans les habitudes, explique Michel Charpentier. En Europe et en métropole, l’importance de préserver le patrimoine est entré dans les mœurs, mais cela

Mayotte, petit bout de roche volcanique de l’océan Indien, n’en demeure pas moins détentrice d’une certaine technique. La plus reconnue, et sans doute la plus porteuse, et celle de la brique de terre comprimée (BTC). Comme l’expliquait Marion Lalanne, historienne de patrimoine, il s’agit là d’un “Savoir unique, mahorais à 100 %.” À tel point que l’île aux parfums fait référence dans le monde dans ce domaine. Ancien responsable de la cellule qualité contrôle de la Sim, Fayadhidine Manli fait partie des acteurs qui œuvrent actuellement à l’établissement de normes pour la fabrication de ces briques en terre comprimée auprès du Centre scientifique et technique du bâtiment, et avec le Centre de recherche et d’application pour la construction en terre de l’école supérieure d’architecture de Grenoble, une référence internationale. Des normes qui permettront à terme d’uniformiser la technique de fabrication employée, et de les valoriser à leur juste valeur. “Nous avons tout construit avec : des logements sociaux symboliques de l’époque, des dispensaires, des établissements scolaires, des bureaux administratifs, etc., explique-t-il. Cette brique a une grande valeur patrimoniale, d’autant qu’elle est utilisée dans de nombreux pays. C’est quelque chose dont Mayotte peut-être très fière.” Idem pour les cases SIM, construites avec : “Il faut évidemment les valoriser, d’autant qu’elles peuvent encore nous inspirer. Aujourd’hui, beaucoup associent les cases SIM à la pauvreté. Mais dans de nombreux pays, la brique avec laquelle elles ont été construites est considérée comme un produit de luxe. Il faut changer cette image chez nous, car si ce savoir-faire est valorisé et bien utilisé, cela peut aussi créer un marché dans la région, en plus de mettre en avant notre patrimoine.” Ainsi, bien loin de n’être que désintérêt, le patrimoine visible de Mayotte souffre lui aussi – à l’instar de bien d’autres domaines – de la situation et de la gestion du 101ème département de France. Ce qui n’empêche pas une prise de conscience de certains décideurs. Mentionnons ainsi le cas de la mosquée de Tsingoni, elle aussi classée au titre des monuments historiques, dont la restauration est portée par la commune, propriétaire du terrain, en collaboration avec la communauté religieuse locale. Un an après l'installation de son nouveau minaret, l'édifice est entré, il y a deux mois, dans la seconde phase de sa rénovation. Souhaitons que cette démarche sur ce lieu particulièrement symbolique pour Mayotte, devienne elle-même le symbole d’une reprise en main du patrimoine historique local. Il s’agit en effet là d’un domaine à développer d’urgence, car au-delà même de la mémoire qu’il permet d’entretenir – facilitant d’autant plus la prise de repère et la construction de soi –, il est également créateur d’emplois, participe à l’essor du tourisme en offrant aux visiteurs une connaissance culturelle de leur lieu de séjour, et oeuvre à une meilleure connaissance de l’île aux parfums. Un dernier point crucial, car, on le sait, Mayotte est trop souvent victime de méconnaissance et/ou d’amalgame. Ce n’est pourtant pas faute de n’avoir rien à mettre en avant. *Océan Indien, Mayotte. Patrimoine du XXème siècle. Une architecture mahoraise.


DOSSIER

Quelles que soient les traces dont on parle, “L’intérêt de préserver est évident. La priorité est de les valoriser pour les Mahorais eux-mêmes tout d’abord, en pleine perte de repères culturels et historiques.”

UNE ÉVOLUTION DES MENTALITÉS ?

date seulement de la seconde moitié du XIXème siècle. Les choses avancent un peu ici, même s’il reste encore beaucoup à faire.” Même constat pour l’historienne Marion Lalanne : “À Mayotte, nous sommes beaucoup plus dans une culture immatérielle, de la transition par l’oral. Les traditions sont défendues, comme les grands mariages, les danses et chants traditionnels, et c’est une très bonne chose, mais le bâti suscite beaucoup moins d’attachement. Le matériel est perçu comme devant avoir une valeur pratique beaucoup plus que patrimoniale. Hormis la mosquée de Tsingoni qui a été plus ou moins maintenue en état parce qu’elle est une référence symbolique dans tout l’archipel des Comores, ce qui ne répond plus à un besoin, un usage pratique, est laissé à l’abandon.” Ainsi donc, les empreintes d’hier n’ont pas vocation à durer, surtout lorsqu’elles sont connotées. “Les cases Sim par exemple, font référence dans l’esprit des gens à des conditions de vie moins bonnes qu’aujourd’hui.” En somme : un passé jugé peu noble et dont la préservation, de fait, ne s’impose pas naturellement. Il en va de même pour les vestiges de l’industrie sucrière, symbole de la colonisation encore difficile à aborder pour certains. Il s’agit pourtant bel et bien d’un bout de l’histoire de Mayotte qui, sans être enjolivé, pourrait faire office de lieu de mémoire. De l’avis de chacun, aucun avenir ne peut en effet se construire sans connaissance et compréhension du passé.

Est-ce la raison d’une évolution des mentalités sur le sujet ? Car si jusqu’à présent le bâti historique de l’île aux parfums ne réunissait pas les foules, il semble que la population y attache de plus en plus d’importance. Même si ce changement de regard est encore récent, plusieurs constats tendent à le confirmer. Le succès croissant des Journées du patrimoine tout d’abord qui, sans attirer encore autant de foules que dans les autres départements, voient de plus en plus d’habitants s’intéresser aux monuments de leur histoire. Michel Charpentier, des Naturalistes, s’en rend compte : “Nous étions là en 2005, lors de la première édition de l’évènement. Il n’y avait alors pas grand-chose, mais cela augmente chaque année en termes de public, et de sites à visiter. Cela témoigne d’une volonté de certaines communes de valoriser leur patrimoine.” Une confiance partagée par Marion Lalanne, pour qui les habitudes changent peu à peu. “La population comprend l’importance de la préservation, constate-t-elle. Nous avons édité avec la Direction des affaires culturelles un petit livret sur l’architecture du bâti à Mayotte*.

LE MUMA, SYMBOLE D’UNE PRISE DE CONSCIENCE ? Autre preuve qui pourrait inciter à l’optimisme : l’ouverture du MuMa, premier musée de Mayotte, en septembre 2015, déplacé depuis dans la résidence des gouverneurs à Dzaoudzi. Une demeure dont la charpente métallique a été conçue par Armand Moisant, concurrent direct de Gustave Eiffel, ayant entre autres participé à l’architecture du Grand-Palais à Paris, à divers pavillons lors des expositions universelles du début du siècle, ou encore à la passerelle du pont de l’Alma. Des caractéristiques qui en font sans doute un des éléments les plus forts du patrimoine

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mahorais : “On a de l’or dans les mains”, explique à son sujet Marion Lalanne. Inspecteur général des Monuments historiques, Olivier Poisson ne tarit pas non plus d’éloges sur les caractéristiques de la demeure, “Construite avec une double enveloppe, bioclimatique avant l’heure, emmenée à Mayotte en pièces détachées et assemblées ici.” De ce point de vue là, en plus de son esthétique, “nous avons là un témoignage important de la technique d’une époque.” En somme : un élément fort du patrimoine et de l’histoire à protéger. Pourtant, malgré sa nouvelle vocation, la résidence des Gouverneurs va mal. Très mal. Et le projet final du MuMa ne semble pas accélérer les choses. Afin d’éviter l’effondrement de la bâtisse, dont les parties en bois sont infestées de thermites, des travaux d’urgence ont été engagés au début de l'année 2020 par le Conseil départemental, propriétaire des lieux, et qui a la maîtrise d’ouvrage du bâtiment.

Refusant de perdre ce témoignage-là, l’État avait alors pris une mesure d’autorité pour imposer le classement accéléré de ces habitations. Toutefois, celui-ci n’est valable qu’un an, le temps de dénouer le conflit. Ce qui, dans ce cas précis, a pu se faire. En somme, donc : la démarche de classement, préalable à toutes études, peut être engagée par les collectivités, et même par les propriétaires privés s’ils le souhaitent, mais ne peuvent relever que de l’État.

MONUMENTS HISTORIQUES ET PROTECTION

Au-delà de l’aspect financier qui pénalise fortement le Département et les communes, il est aussi question de méthode. C’est ce qu’explique Olivier Poisson, inspecteur général des monuments historiques : “Ce sont des sujets très techniques. Il faut savoir quelles études mener, dans quel ordre, comment les mener, etc. De nombreux problèmes spécifiques se posent quand il s’agit de restaurer ou de préserver un bâtiment.” Or, le problème récurrent de la formation à Mayotte s’impose aussi dans le domaine du patrimoine. “Ici, cela commence à s’organiser, mais cela prend nécessairement un peu de temps. Hormis dans quelques communes, comme Tsingoni, il est difficile de trouver des agents qualifiés dans ce domaine. Cela n’aide pas à engager des démarches de classement.”

Pour comprendre d’où peuvent bien venir les difficultés de mise en valeur du patrimoine bâti, encore fautil comprendre à qui en revient la charge. En France, la compétence patrimoniale revient à l’État, car on considère que le patrimoine appartient à tout le monde. À ce titre, il identifie les éléments remarquables, que la législation permet ensuite de protéger et de mettre en valeur, avec la notion de “monuments historiques”. Toutefois, ce n’est pas à lui que revient la charge de tout, comme on l’entend parfois. L’État apporte en effet un soutien financier et technique à travers des études architecturales et des expertises permettant de rentrer dans le cadre de la législation, mais ne prend pas nécessairement l’initiative qui, elle, revient aux collectivités ou propriétaires des sites concernés. C’est par exemple le cas à Tsingoni, qui développe une vraie politique et volonté de sauvegarde, et à laquelle l’État apporte son savoir-faire et ses outils : classement, apport de fonds, conseils et études, etc. Le rôle de l’État n’est pas de se substituer aux collectivités, mais “de les accompagner pour qu’elles s’approprient leur patrimoine”, explique Florence Gendrier, directrice des affaires culturelles de la préfecture. D’ailleurs, l’État ne peut imposer de protéger un site. On se souvient par exemple de la dissension qui était apparue il y a deux ans, lorsqu’un projet immobilier avait menacé quatre cases SIM de la rue Sarahangué à Mamoudzou, dont l’atypique “case dôme”, une rareté. Significatives en termes de témoignage d’une époque, la pérennité menacée de ce témoignage d’une époque avait inquiété les autorités.

DES DIFFICULTÉS DE TERRAIN Nous l’avons vu, si l’attachement envers le bâti à Mayotte est encore naissant, les mentalités évoluent dans le bon sens, et les préoccupations envers les vestiges sont bel et bien présentes. Il n’en demeure pas moins que d’autres difficultés subsistent, et elles expliquent que nombre de traces du passé disparaissent peu à peu.

Autre complication : le foncier, car pour classer un monument, encore faut-il connaître le ou les propriétaires des terrains concernés. Un vaste chantier actuellement en cours à Mayotte, et bien loin d’être abouti, qui bloque de nombreuses initiatives. Et quand bien même les propriétaires sont identifiés, il faut également obtenir leur accord. Car classer un site induit un périmètre protégé de 500 mètres, les “Abords.” Et sur ce périmètre, des contraintes existent en termes de constructions ou de modifications, qui doivent d’abord être validées par un architecte des Bâtiments de France. Des contraintes qui peuvent effrayer, même si elles s’accompagnent d’avantages en termes de fiscalité, ce qui est souvent ignoré. “La notion de patrimoine tel qu’on l’entend en France, explique Olivier Poisson, inclut également l’environnement direct autour de l’élément à protéger. L’aspect des lieux ne peut donc pas être modifié sans autorisation préalable.” Ces obligations “Peuvent faire peur à certains propriétaires”, concède Florence Gendrier. n

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MAGAZINE D’INFORMATION NUMÉRIQUE HEBDOMADAIRE Edité par la SARL Somapresse au capital de 20 000 euros 7, rue Salamani Cavani M’tsapéré BP 60 - 97600 Mamoudzou Tél. : 0269 61 20 04 contact@mayottehebdo.com Directeur de la publication Laurent Canavate canavate.laurent@mayottehebdo.com Directeur de la rédaction Mohamed El Mounir dit “Soldat” 0639 69 13 38 soldat@mayottehebdo.com Rédactrice en chef Solène Peillard

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