ANALYSE DE LA DEMANDE SOCIALE D’AVORTEMENT
je suis enceinte, il va me dire de rembourser son argent. Parce que ça été même chose pour mon premier fils. Je travaillais à Soubré là-bas quand je suis tombée enceinte, c’est ça je suis venue ici là… » Elo, 22 ans, Sans emploi, quant à elle, a décidé d’avorter pour éviter de subir la sanction de la répudiation que le père a précédemment appliqué sur les aînés : « … Chez nous là, quand nos grandes sœurs prenaient des grossesses, mon papa les chassait de la maison, donc je n’ai pas voulu garder… Mon papa, parce qu’il n’a pas eu d’enfant garçon oh, donc quand ses filles déconnent comme ça, il met ça sur ma maman ». Pulché 19 ans, élève, a préféré garder la discrétion sur sa grossesse et l’avortement et ce même à l’auteur. En tant que fille de pasteur et espoir de sa famille, il importait pour elle de conserver l’image que l’entourage avait d’elle et que sa famille avait d’elle-même : « …Bon la peur quoi, j’ai ressenti la peur, parce que étant l’unique fille de mes parents, la dernière surtout et puis la seule qui fréquente encore, j’ai eu peur même d’aller dire, supposons à mon papa. Actuellement, il est à Gagnoa tout ça et puis je l’appelle pour dire ah je suis enceinte, c’est pour dire tout court arrête tes études, va chez lui qui t’as enceintée… moi je me sens pas prête à l’heure-là, à arrêter mes études, donc là, j’ai mis dans ma tête que si je lui dis là, il va me dit d’arrêter mes études. J’ai préféré ne dire à personne, une discrétion et puis… » Les mêmes sentiments de culpabilité, de honte et de regret éprouvés par les femmes ayant fait l’expérience de l’avortement clandestin ont été également observés dans une étude (Dassa Kolou et al, 2009) sur les femmes ayant vécu l’interruption volontaire de grossesse à Lomé au Togo.
B. … et aux représentations sociales des grossesses rapprochées
Dans les couples, la plupart des naissances s’inscrivent dans un schéma de désir et de planification familiale. Cependant, il arrive que des grossesses soient contractées sans que le couple ne soit prêt ou apte à recevoir l’enfant qui naîtra. Dans certaines communautés traditionnelles, les grossesses rapprochées sont perçues comme une absence de gestion de la sexualité féminine et sont source de railleries et de moqueries pour ces femmes. Afin d’éviter le regard des autres, les femmes qui se retrouvent avec des grossesses rapprochées optent pour l’avortement (9/47 cas). Douceur, 22 ans, élève, témoigne : « Je venais d’accoucher oh. Mon enfant avait 6 mois. Je ne pouvais pas faire deuxième enfant. L’écart était trop petit, 6 mois entre 2 enfants. Je ne m’attendais pas à ça. Lui-même (auteur de la grossesse) quand je lui ai dit. Il dit ah ! Tu es devenue femme Dioula ou bien ? Tu viens d’accoucher là. Je suis partie enlever, ça n’a même pas duré quand j’ai su. » Dans un ordre d’idées différentes, au cours des entretiens, la mission a rencontré des cas d’avortements volontaires (3/47 cas) pratiqués informellement par des femmes ayant subi des césariennes au cours d’une grossesse précédente, mais qui ont préféré, pour leur santé, interrompre les grossesses qui surviennent par la suite. 3.3. INCAPACITÉ À ASSUMER LA PARENTALITÉ A. … en raison du déni de la grossesse par l’auteur
Chez les jeunes femmes, la survenue de la grossesse est toujours objet de surprise, mais aussi de choc, de désarroi, de perplexité, de peur du déshonneur, de peur du rejet de la famille et de la communauté. Ce qui veut dire que la grossesse ne s’inscrit pas dans un choix de vie,
43