Pratiques des avortements et conséquences sur la santé des femmes en Côte d’Ivoire

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PERCEPTIONS SOCIALES DES CONSÉQUENCES DE L’AVORTEMENT

du sceau d’un secret, c’est aussi éviter toute forme de stigmatisation sur fond d’un regret profond provoqué par la tension entre les pesanteurs morales autour de l’acte d’avorter et l’impératif de se défaire d’une grossesse non désirée en situation d’impossibilité d’assumer les charges d’une parentalité. L’expression du regret ponctue quasiment tous les récits des femmes, marquant ainsi la prégnance du sentiment de culpabilité après l’avortement. Solange, Fatim, Victoire et Pharelle illustrent par leur propos ces sentiments de regrets partagés par la plupart des femmes ayant pratiqué l’avortement : Solange, 25 ans, élève, célibataire : « Chaque jour même, je regrette …pour les deux (avortements) même. Je pense que c’est à cause de ça BAC là ça marche pas, c’est troisième année là…. Et puis quand je vois la fille de ma grande sœur … ça me fait un peu mal, je me dis si je savais, ma fille allait faire CP1, CP2. Je prie, je demande pardon à Dieu. » Fatim, 22 ans, aide-soignante, célibataire : « Moi-même j’ai déjà fait ça (avortement), mais je ne conseille pas quelqu’un de faire ça…parce cet enfant que j’ai jeté là, peut-être que c’est grâce à lui ils vont me connaitre dans le pays. Parce que, je serai grand type et il va m’enlever de tout ça là… je ne sais pas comment m’exprimer même… et puis cet enfant-là je l’ai jeté en tout cas ça me fait mal jusqu’à présent. » Pharelle, 19 ans, élève, célibataire. « Ça me fait mal, c’est 100 % regret même que si même là j’arrêtais école ou bien mon enfant n’avait pas de père c’est mieux que de me mettre dans les situations comme ça. Et si demain je ne fais pas enfant, que vais-je faire ? »

L’expérience de l’avortement vécue conduit celles qui l’ont connue à vivre avec inquiétude : l’avenir de leur santé reproductive par crainte d’éventuelles conséquences physiologiques de l’avortement. Après le recours à l’avortement, les femmes sont souvent animées de deux sentiments contradictoires : sentiment victimaire et la culpabilité. Elles se considèrent victimes de la situation financière qui les a conduites à faire ce choix, victimes de la confiance placée en leur partenaire qui leur a imposé des rapports non protégés, mais aussi victimes potentielles des méthodes d’avortement utilisées, par peur de leurs effets secondaires. Mais en même temps, elles culpabilisent. Soit à cause de leur attachement à des valeurs religieuses, soit parce que l’avortement est mal accepté dans l’opinion publique, voire punie par la loi. 2.1. APPARITION D’UNE CONSCIENCE DES RISQUES LIÉS À LA PRATIQUE DES AVORTEMENTS

Dans la section 1 du présent rapport (p. 29 et suivantes), nous avions relevé chez les jeunes femmes ayant fait l’objet de l’enquête, une tendance à prendre des libertés avec les méthodes contraceptives et à utiliser l’interruption volontaire de grossesses plutôt comme un moyen de régulation des grossesses en raison de la présence d’une offre diversifiée de services d’avortement clandestin. Ce n’est qu’après la réalisation de l’avortement que les femmes prennent conscience des risques liés à sa pratique. La conscience du risque est quasi absente au moment de la demande de service motivée par des urgences. De façon générale, cette conscience des risques se construit par une lecture morale de l’acte et la peur de voir sa fertilité compromise par l’avortement. Il en résulte un sentiment d’avoir fauté en avortant et une peur de la stérilité comme « sanction divine ». Carmen estime que les conséquences de l’avortement sont irréversibles : « Les conséquences là, sont irréversibles. Tu as fait deux, trois avortements. Au moment où tu auras besoin d’un enfant, tu peux

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Annexe 5. Tableau de présentation détaillé de l’échantillon

3min
pages 102-104

Annexe 4.Chronogramme détaillé de l’exécution de la recherche sur les avortements et leurs conséquences sur la santé des femmes en Côte d’Ivoire

2min
page 101

Annexe 3. Guides d’entretien

13min
pages 95-100

Bibliographie

5min
pages 87-90

Annexe 1. Notice d’informations

1min
page 92

Annexe 2. Formulaire de consentement

2min
pages 93-94

Conclusion et recommandations

11min
pages 81-86

3.2. Malgré tout, Quelques initiatives de promoteurs du volet avortement du Protocole de Maputo

4min
pages 78-80

2.1. Apparition d’une conscience des risques liés à la pratique des avortements

3min
page 67

2.1. Des sources du non-respect des obligations après la ratification des protocoles internationaux

3min
page 76

2.2. Avortement comme déconstruction de l’identité féminine

2min
page 68

4. Gestion de la sexualité post-avortement

3min
pages 70-72

2. Le principe de souveraineté

3min
page 75

3. Modification des rapports avec l’entourage

3min
page 69

3.3. Incapacité à assumer la parentalité

11min
pages 45-48

Résumé exécutif

21min
pages 9-18

2.2 Le choix de la méthode d’avortement un moment d’arbitrage entre coût, risque perçu et gain attendu

17min
pages 52-58

3. Déterminants de la prise de décision d’avorter et du report du désir de parentalité

2min
page 42

2. Soubré : forte présence de la médecine traditionnelle chinoise

6min
pages 33-37

1. Méagui : Une prolifération d’offre clandestine de services de santé

3min
pages 31-32

4.1. Analyse du marché social de l’avortement

1min
page 22

5.1. La collecte des données

2min
page 24
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