Pratiques des avortements et conséquences sur la santé des femmes en Côte d’Ivoire

Page 75

COMPRENDRE L’ÉCART ENTRE LA RÉALITÉ DE L’AVORTEMENT ET LES DISPOSITIONS INSTITUTIONNELLES

de cette catégorie d’acteurs. Au niveau local, la tendance est globalement favorable à la réglementation, mais avec quelques nuances. A. La tendance pro-réglementation

Confrontés à l’ampleur de l’avortement clandestin dans la localité, certains prestataires des services de santé, arc-boutés aux principes moraux, estiment que la réglementation est bien adaptée aux réalités locales. Ils perçoivent favorablement la sévérité de la réglementation au motif que son objectif est de protéger la santé des femmes en ne les exposant pas aux risques liés aux avortements clandestins. Toujours parmi les rigoristes, d’autres estiment que la réglementation serait plutôt un moyen de mettre fin aux excès de la pratique de l’avortement clandestin qui, comme dans la localité, conduit les jeunes femmes à abandonner les méthodes contraceptives. Ce courant pro-réglementation est plutôt ancré. Leur perception de la réglementation trouve son fondement dans les données de contexte marqué par la propension à utiliser l’avortement comme mode de régulation des grossesses comme souligné dans la section 1 du présent rapport (p. 29 et suivantes). Une telle position notée chez certains prestataires a été également relevée au Ghana, où pourtant la loi sur l’avortement se veut plus libérale, comparativement à celle de la Côte d’Ivoire, du Nigeria que du Mali (Atakro, confidence Alorse et al 2019). B. La tendance réformiste : la légalisation de l’avortement sous certaines conditions

Une autre tendance estime que le cadre réglementaire des avortements doit être révisé. Car, selon elle, l’interdiction de l’IVG n’a jamais empêché le phénomène de se développer. Pour ce courant de pensée, adapter le cadre réglementaire et le rendre plus réaliste en respectant le droit des femmes à choisir d’avorter ou non atténuerait le recours aux avortements clandestins et les prises de risques par le recours à des méthodes d’avortement non sécurisées. En insistant sur l’ampleur de la pratique malgré son interdiction, ce courant recommande que l’on fasse confiance aux femmes

en donnant cette liberté de choix dont les femmes sauront, dans l’absolu, faire usage sans en abuser. Car pour eux, il y aurait plusieurs circonstances qui peuvent amener une femme à ne pas garder une grossesse. Fort de ces arguments, le courant réformiste suggère la légalisation de la pratique de l’avortement sous certaines conditions. Toujours selon cette tendance, la légalisation de la pratique de l’avortement sous certaines conditions permettrait de faciliter l’accès de certaines femmes à des services plus sécurisés, en réduisant de fait le recours à l’informel ainsi que les risques de complication. L’avis de Kwam, prestataire de santé est tributaire de cette tendance : « … Si on permettait l’avortement jusqu’à trois mois comme les gens le font dans certains pays, ça allait entrainer moins de dégâts, et ça allait diminuer le coût au profit même des personnes qui pratiquent, de ceux qui veulent avorter… Aujourd’hui ce qui est interdit euh, les gens donnent un prix parce que c’est interdit… Oui, comme tu dis c’est interdit, si je le fais, faut que tu payes fort. » Pour être comprise, l’asymétrie entre la réglementation et les pratiques qui trouve sa projection dans l’ampleur du phénomène dans des localités comme Soubré et Méagui doit être rapprochée des contradictions au plan national de la ratification du protocole de Maputo.

2. LE PRINCIPE DE SOUVERAINETÉ

La Côte d’Ivoire a ratifié le Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif aux droits des femmes (Protocole de Maputo de 2003) le 9 mars 2012. En son article 14, ce protocole stipule que « Les États assurent le respect et la promotion des droits de la femme à la santé, y compris la santé sexuelle et reproductive. Ces droits comprennent :

73


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook

Articles inside

Annexe 5. Tableau de présentation détaillé de l’échantillon

3min
pages 102-104

Annexe 4.Chronogramme détaillé de l’exécution de la recherche sur les avortements et leurs conséquences sur la santé des femmes en Côte d’Ivoire

2min
page 101

Annexe 3. Guides d’entretien

13min
pages 95-100

Bibliographie

5min
pages 87-90

Annexe 1. Notice d’informations

1min
page 92

Annexe 2. Formulaire de consentement

2min
pages 93-94

Conclusion et recommandations

11min
pages 81-86

3.2. Malgré tout, Quelques initiatives de promoteurs du volet avortement du Protocole de Maputo

4min
pages 78-80

2.1. Apparition d’une conscience des risques liés à la pratique des avortements

3min
page 67

2.1. Des sources du non-respect des obligations après la ratification des protocoles internationaux

3min
page 76

2.2. Avortement comme déconstruction de l’identité féminine

2min
page 68

4. Gestion de la sexualité post-avortement

3min
pages 70-72

2. Le principe de souveraineté

3min
page 75

3. Modification des rapports avec l’entourage

3min
page 69

3.3. Incapacité à assumer la parentalité

11min
pages 45-48

Résumé exécutif

21min
pages 9-18

2.2 Le choix de la méthode d’avortement un moment d’arbitrage entre coût, risque perçu et gain attendu

17min
pages 52-58

3. Déterminants de la prise de décision d’avorter et du report du désir de parentalité

2min
page 42

2. Soubré : forte présence de la médecine traditionnelle chinoise

6min
pages 33-37

1. Méagui : Une prolifération d’offre clandestine de services de santé

3min
pages 31-32

4.1. Analyse du marché social de l’avortement

1min
page 22

5.1. La collecte des données

2min
page 24
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.