NOVO N°26

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La culture n'a pas de prix

Oct. —> Nov. 2013

Nº26


mobigo -bourgogne.com mobigo ! est une initiative de

GO ! = J'Y VAIS ! © SYNERGENCE - OPÉRATIONNELLE 2013

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ours Nº26 Directeurs de la publication et de la rédaction : Bruno Chibane & Philippe Schweyer Rédacteur en chef : Emmanuel Abela emmanuel.abela@mots-et-sons.com 06 86 17 20 40 Secrétaire de rédaction : Claire Tourdot Direction artistique et graphisme : starHlight

Ont participé à ce numéro : REDACTEURS Cécile Becker, Betty Biedermann, E.P Blondeau, Olivier Bombarda, Benjamin Bottemer, Caroline Châtelet, Sylvia Dubost, Nathalie Eberhardt, Anthony Gaborit, Justine Goepfert, Xavier Hug, Virginie Joalland, Claire Kueny, Nicolas Léger, Stéphanie Linsingh, Guillaume Malvoisin, Stéphanie Munier, Estelle Neveux, Adeline Pasteur, Nicolas Querci, Mickaël Roy, Vanessa Schmitz-Grucker, Christophe Sedierta, Valentine Schroeter, Jolan Thouvenot, Claire Tourdot, Fabien Velasquez, Gilles Weinzaepflen.

sommaire Édito 05

CARNET Le monde est un seul/25, par Christophe Fourvel 07 Pas d’amour sans cinéma/16, par Catherine Bizern 09 Bréviaire des circonstances/6, par Vanessa Schmitz-Grucker 11 Le temps des héros/7, par Baptiste Cogitore 13

FOCUS

RENCONTRES

La sélection des spectacles, festivals, expositions et inaugurations à ne pas manquer 16 Une balade d’art contemporain par Bearboz et Sandrine Wymann : Sélest’art, la biennale d’art 30

Serge Bozon à Strasbourg 34 Matthew E. White, Fildar, Tame Impala, Lou Doillon, The Vaccines et Asap Rocky aux Eurocks 38 Two Door Cinema Club au Cabaret Vert 43 Cloé Korman au Livre sur la Place à Nancy 44 Blurt au festival Météo à Mulhouse 45

PHOTOGRAPHES Éric Antoine, Vincent Arbelet, Janine Bächle, Pascal Bastien, Oriane Blandel, Aglaé Bory, Marc Cellier, Ludmilla Cerveny, Pierre Chinellato, Oliver Clément, Caroline Cutaia, Léa Fabing, Marianne Maric, Renaud Monfourny, Elisa Murcia-Artengo, Yves Petit, Marie Quéau, Olivier Roller, Dorian Rollin, Camille Roux, Christophe Urbain, Nicolas Waltefaugle, Sophie Yerly.

CONTRIBUTEURS Bearboz, Catherine Bizern, Baptiste Cogitore, Christophe Fourvel, Vanessa Schmitz-Grucker, Sandrine Wymann.

COUVERTURE Photo : Olivier Roller www.olivierroller.com IMPRIMEUR Estimprim – PubliVal Conseils Dépôt légal : octobre 2013 ISSN : 1969-9514 – © Novo 2013 Le contenu des articles n’engage que leurs auteurs. Les manuscrits et documents publiés ne sont pas renvoyés.

Ce magazine est édité par Chic Médias & médiapop Chic Médias 12 rue des Poules / 67000 Strasbourg Sarl au capital de 25000 € Siret 509 169 280 00013 Direction : Bruno Chibane bchibane@chicmedias.com — 06 08 07 99 45 Administration, gestion : Charles Combanaire

médiapop 12 quai d’Isly / 68100 Mulhouse Sarl au capital de 1000 € Siret 507 961 001 00017 Direction : Philippe Schweyer ps@mediapop.fr — 06 22 44 68 67 www.mediapop.fr

ABONNEMENT — www.novomag.fr Novo est gratuit, mais vous pouvez vous abonner pour le recevoir où vous voulez. ABONNEMENT France 6 numéros — 40 euros / 12 numéros — 70 euros ABONNEMENT hors France 6 numéros — 50 euros / 12 numéros — 90 euros

MAGAZINE Rencontre inespérée avec The Clash à Paris à l’occasion de la sortie du coffret Clash Sound System 46 Le noir révèle son côté lumineux grâce au festival luxembourgeois Touch of noir à Dudelange 52 Clap de fin pour le cycle Janácek avec De la maison des morts à l’Opéra du Rhin 53 La rencontre du rappeur Mike Ladd et du trompettiste Antoine Berjeaut à Jazzdor 54 Le retour rock’n’roll du festival C’est dans la Vallée à Sainte-Marieaux-Mines 55 Le collectif expérimental et musical Mayerling investit Colmar et Besançon pour un set inattendu 56 Julia Holter et sa pop aérienne partent à la conquête de Dijon au festival Novosonic 57 Béatrice Balcou au Frac FrancheComté de Besançon 58 Le sexe fort est la femme dans l’exposition Bad Girls ! au Frac Lorraine à Metz 59 Olivier Grasser et le Frac Alsace célèbrent les 30 ans d’existence des FRAC 60 Treize artistes français et allemands partent sur les traces du cheminement au Ceaac à Strasbourg 64 Les photographies de Julie Meyer capturent le temps qui passe au Syndicat Potentiel à Strasbourg 65 Piet Mondrian, Barnett Newman et Dan Flavin défient la sobriété au Kunstmuseum à Bâle 66

Sous nos yeux (partie 2), réaction d’artistes face à notre monde à la Kunsthalle de Mulhouse 67 Mulhouse “city of the futur” avec Motoco, un projet trinational repéré par le programme Triptic 68 Le Musée des Beaux-Arts de Besançon rend hommage au peintre Huber Robert 72 Troisième édition de Bien urbain, parcours artistiques dans (et avec) l’espace urbain à Besançon 73 Les artistes passent à l’acte dans Artistes à l’œuvre, l’art contemporain en pratique 74 Après dix ans de travaux, le musée des Beaux-Arts de Dijon rouvre ses portes 76 Saint-Dié mise sur la culture pour changer d’image et rendre possible son développement 78 Pierre Maillet rend hommage au théâtre aux films cultes réalisés par Paul Morrissey au Maillon 80 Bernard Sobel met en scène Hannibal de Christian Dietrich Grabbe au TNS 81 Le Théâtre Dijon Bourgogne accueille trois spectacles qui donnent la parole aux artistes femmes 82 Cédric Orain met en scène un Macbeth aussi ténébreux que fantastique à MA scène nationale 83 Sur la scène intérieure de Marcel Cohen rappelle que la littérature est avant tout silence, manque et oubli 84 Olivier Roller explorateur au long cours des multiples visage du pouvoir expose à la Filature de Mulhouse 86 La première Biennale de danse en Lorraine prend le travail de Joseph Nadj pour fil rouge 88 Avec Plexus, Aurélien Bory tente un corps à corps intime avec la danseuse Kaori Ito 90

Selecta Disques 92

Livres 94

DVD 96

DIFFUSION Vous souhaitez diffuser Novo auprès de votre public ? 1 carton de 25 numéros — 25 euros 1 carton de 50 numéros — 40 euros 3


20 € LA PLACE, AVEC LE SIX FOIS SCÈNES ! OFFREZ-VOUS LES GRANDES ÉMOTIONS… DANSE ET HUMOUR . JEUDI 17 OCTOBRE 2013 . 20:30

CHICOS MAMBO Méli-mélo II (le retour)

! FOCUS

Attention : comédie déjantée ! Irrévérencieux et désopilants, ces danseurs virtuoses vont faire valser les tutus !

THÉÂTRE . VENDREDI 29 NOVEMBRE 2013 . 20:30

OCCUPE-TOI D’AMÉLIE Bruno Putzulu, la pétillante Hélène de Fougerolles et une belle troupe de comédiens réunis dans un grand vaudeville de Feydeau.

LECTURE MUSICALE . JEUDI 16 JANVIER 2014 . 20:30

PIAF, L’ÊTRE INTIME L’émouvante Clotilde Courau, l’accordéoniste Lionel Suarez et Edith Piaf, l’amoureuse bouleversante.

HUMOUR . VENDREDI 24 JANVIER 2014 . 20:30

PIERRE RICHARD III Sincère et plein d’humour, l’éternel distrait Pierre Richard nous confie ses anecdotes savoureuses et autres secrets de tournage.

THÉÂTRE ET DANSE JEUDI 20 MARS 2014 . 20:30 DIMANCHE 23 MARS 2014 . 16:00

HOMMAGE À IONESCO L’historique Théâtre de la Huchette (La Cantatrice Chauve & la Leçon) avec ses mises en scène originales jouées depuis 1957 et les danseurs comédiens de la Compagnie Pietragalla-Derouault (Les Chaises?), célèbrent le maître de l’absurde.

THÉÂTRE . MARDI 8 AVRIL 2014 . 20:30

CHER TRÉSOR Gérard Jugnot est le nouveau François Pignon, ce brave type naïf et attachant... Francis Weber signe là une comédie sublime.

CABARET CIRQUE DÉLIRANT . SAMEDI 15 FÉVRIER 2014 . 20:30

LES MANGEURS DE LAPIN Entre cirque et music-hall, sans pitié pour nos zygomatiques, ce trio burlesque enchaîne les gags avec une imagination débridée.

EXPOSITION LE FEU SACRÉ DU 28 SEPTEMBRE AU 19 JANVIER, TARIF RÉDUIT SUR PRÉSENTATION DE VOTRE BILLET POUR LE SPECTACLE DU JOUR ! *

THÉÂTRE . MERCREDI 26 FÉVRIER 2014 . 20:30

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Portée par 10 comédiens, cette adaptation poignante d’un chef d’œuvre de John Steinbeck raconte l’histoire des laissés pour compte…

AUTRES POINTS DE LOCATION www.fnac.com . www.digitick.com . www.ticketnet.fr vente de billets hors réductions et abonnements

DES SOURIS ET DES HOMMES

* ouverture de l’exposition tous les jours sauf le mardi . organisation Ville de Nancy lic. I 10.22157 & III 10.22159 . photos : Hector Moreno Fred Ruiz, Bernard Richebé, Anne Gayan, Coonyang Camera, Théâtre de la Huchette, Stéphane Charrier et DR . conception : element-s


édito Par Philippe Schweyer

Cela faisait des semaines que je tournais en rond dans mon abri antiatomique de fortune. À l’extérieur, la centrale de Fessenheim n’en finissait pas de relâcher de jolis petits nuages radioactifs dans le ciel glacé. Alors que je fouillais dans mes cartons à la recherche d’un vieux bouquin ou de n’importe quoi à me mettre sous la dent, j’ai retrouvé une pile de 33 tours que je croyais définitivement perdus. En dépoussiérant la pochette de London Calling, je me suis senti menacé par une vague de nostalgie. Pour ne pas me noyer dans une mer de vieux souvenirs, le mieux était encore de réécouter le chef-d’œuvre des Clash pour la millionième fois. Heureusement, mon vieil électrophone à piles était toujours en état de marche. Dès les premiers accords, je me suis souvenu que c’était ce disque, et aucun autre, qui avait changé ma vie. Tout ce que j’aimais était là. À commencer par l’énergie libératrice qui m’avait tant donné envie de faire des choses et même laissé entrevoir qu’il était possible de changer le monde avec une guitare pourrie, un ampli et trois amis. Mais, malgré mes velléités, je n’avais pas eu une grande influence sur le cours de l’Histoire. Au contraire, tout était parti en couille à une vitesse folle. La liberté était partie en couille. L’égalité était partie en couille. La fraternité et même l’amour étaient partis en couille… Il avait fallu que la centrale nucléaire parte en couille à son tour, pour stopper net le manège infernal. En réécoutant Joe Strummer et sa bande pour la dernière fois, j’ai compris que je ne pouvais pas rester une minute de plus enfermé dans cette cave. Je n’avais plus peur. J’étais prêt à défier la radioactivité. La nostalgie pouvait aller se faire voir ailleurs. Il fallait vivre à en crever. J’ai poussé la porte de la cave et je suis remonté à la surface le cœur battant. Dehors, tout était mort. Pas un oiseau. Rien. Le néant à perte de vue. Je m’étais gavé de culture pendant que le monde courait à la catastrophe. Les expos, les concerts, le théâtre… Désormais, plus rien n’avait d’importance. J’ai marché jusqu’à ma voiture en retenant ma respiration. Elle m’attendait, stationnée exactement là où je l’avais laissée, simplement recouverte d’une fine pellicule de poussière radioactive. Tout en m’engageant sur l’autoroute abandonnée, je me suis mis à chanter de toutes mes forces. Je me souvenais que la vie avait été belle. Il suffisait de foncer droit devant sans regarder dans le rétroviseur.


12.10.– 29.11.2013 www.luxembourgfestival.lu 03.10.–20.11.2010

www.luxembourgfestival.lu

«Emigrant / Chants du Friûl» / Nadia Fabrizio – «La Forza del Destino» de Giuseppe Verdi – Orchestre Philharmonique du Luxembourg – Quatuor Ebène – Ciné-Concert The Artist – Ernst van Tiel – Ludovic Bource – Francesco Tristano & Saburo Teshigawara – Venice Baroque Orchestra Béart – Andrea–Marcon – Philippe Jaroussky – Tito–Muñoz Christian – Emmanuelle New York Philharmonic Alan–Gilbert Gerhaher – Hofesh Shechter’s «Sun»du – Grigory Sokolov – «Plexus» / Aurélien & Ballet Preljocaj & Théâtre Bolchoï – Paco de Lucía – Bory Michael Kaori Ito – Emmanuel Krivine – «Anna» / Cécile de France – Filarmonica della Scala – Clark Orozco-Estrada Company –– Wayne London Symphony Orchestra – Sir Colin Andrés Shorter Quartet – The Cleveland Orchestra – Franz Welser-Möst – «Remember Shakti» / John McLaughlin – Zakir Hussain – «Hors–Champ» / Davis – «Les Justes» / Camus – Pierre Boulez – Daniel Compagnie Michèle Noiret – Philipp Pickett – Vesselina Kasarova – «Le crocodile trompeur / Kehlmann – Gewandhausorchester Leipzig – Cecilia Bartoli – Didon et Énée» – Orchestra of the Mariinsky Theatre – Valery Gergiev – Yuri Vorobiev

Françoise Berlanger – Ian Bostridge – Abbas Kiarostami – Sonny Rollins – «Cosi fan tutte» / Mozart – Esperanza Spalding – Ballet Biarritz – Thomas Quasthoff – Stanislas Nordey – Philippe Herreweghe – Andreas Spering – Angelika Kirchschlager – «Otello» / Verdi – Ben Heppner …


Le monde est un seul

Nº25

Christophe Fourvel

Ceux qui creusent : Eric Péssan Pour paraphraser une scène célèbre du film Le bon, la brute et le truand, il existe deux sortes d’écrivains ; ceux qui brandissent un revolver en nous faisant le coup du hold-up et ceux qui creusent. Intéressons-nous à ces derniers : ceux qui creusent. L’écrivain Éric Pessan appartient sans conteste à cette catégorie, encline à fouiller la verticalité d’un territoire. Bien entendu, une telle résolution n’exclut en rien la variété du geste et l’auteur nantais se singularise même par son talent à jouer de tous les registres de l’écriture. Auteur de nombreuses pièces radiophoniques pour France Culture, il a, à ce jour, signé plusieurs romans, des recueils de nouvelles comme de poésie, des livres d’artistes, de littérature jeunesse ainsi que des pièces de théâtre. Il aime collaborer à des revues et passe, avec une certaine jubilation, de la toute petite maison d’édition aux plus grosses entreprises. Mais cette largeur du spectre éditorial (riche d’une trentaine d’ouvrages) ne contredit en rien une sorte d’unité fondamentale et originelle. Toute bibliographie est un corps et dans sa partie haute, le corps littéraire d’Éric Pessan aime se perdre aux confins du réel et de la science-fiction. Ses premiers ouvrages se positionnaient ainsi, à côté des étoiles où surgissent les super-héros qui ont émerveillé son enfance. Que nous soyons dans une situation inédite (Les Géocroiseurs évoque un temps d’avant une catastrophe astronomique) ou au chevet d’un drame personnel plausible (un homme décide de se coucher et de ne plus se lever dans Le gisant ; un père de famille perd la capacité à communiquer avec son entourage dans L’effacement du monde, les trois premiers romans1 d’Éric Pessan « externalisaient » en quelque sorte un malaise ontologique dans un univers en partie irréaliste ou contaminé par le songe. Mais les termes d’un face-à-face entre l’individu et ce qui est ou fut son monde délétère sont posés et Éric Pessan va ensuite s’employer à explorer toute la

beauté tragique de cet inégal combat. Et quoi de plus inégal, comme combat, que celui que l’enfant est amené à livrer contre un monde d’adultes, ligués plus ou moins consciemment contre son épanouissement ? Plusieurs ouvrages, plus récents, abordent frontalement ce thème. Qu’il s’agisse d’un adulte (L’écorce et la chair, Incident de personne2), d’un enfant ou d’un adolescent (Croiser les méduses ; Un matin de grand silence, Plus haut que les oiseaux, N, Muette3), Éric Pessan délimite un champ de lutte avec une grande précision ; pose sa question : comment survivre à une enfance sanglée, prise dans un quotidien vulgaire entre télévision et consumérisme pavlovien ? Un monde où l’enfant est constamment enfreint par des phrases-dards, sorties du lexique « folklorique » d’une névrose populaire crasse : Muette, le dernier roman de l’auteur en donne un florilège convaincant. Ce roman, qui décrit la fugue d’une adolescente résulte du croisement des fers entre une parole parentale aussi bête que castratrice (Tu vas rendre folle ta mère ; qu’estce que j’ai fait au bon Dieu pour avoir une fille pareille!) et les mots de la fugue, nés de l’instant rebelle dans « le vrai monde », la forêt, le charnel, l’animal, le corps libre. En ce sens, Muette rend transparent le mécanisme inducteur des autres œuvres. La langue s’ébroue dans une parenthèse enchantée, se frotte à la terre, à l’herbe, à l’odeur animale ; plonge dans l’espace sensible. Car le travail d’Éric Pessan ne serait pas si convaincant s’il ne s’attelait à explorer « le monde intérieur », si riche parfois, sous les décombres d’une enfance passée à musarder à la fenêtre du temps. C’est à cette vaste entreprise qu’il faut sans doute relier son importante production de textes autour ou en regard de la peinture (à noter la belle contribution de l’auteur au dossier intitulé « pourquoi écrivezvous sur l’art ? » dans la première livraison de la revue L’Atelier contemporain), tout comme ses productions guidées par un goût ancien pour les séries B ou les comics américains. 1 — Tous trois parus aux éditions La Différence. 2—R espectivement parus aux Éditions du chemin de fer (avec « en regard », la très belle contribution de la plasticienne Patricia Cartereau) et Albin Michel. 3—S e reporter, pour l’ensemble des références à la page Wikipédia dévolue à l’auteur.

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1.10 —18.10 Guitou

C D E 13/14

Armance a 7 ans et deux passions : poser des questions et fouiller les tiroirs à la recherche de vieilles photos. Jusqu’au jour où elle découvre une photo de deux enfants assis au pied d’un sapin : son père et son meilleur ami Guitou. Armance invite Guitou à la rejoindre et…c’est ce qu’il fait.

Texte : Fabrice Melquiot À voir en famille Mise en scène : à partir de 8 ans Guy Pierre Couleau

Avec les acteurs de l’ensemble artistique de la C D E : Bruno Journée Nils Öhlund Carolina Pecheny Jessica Vedel

Comédie De l’Est Centre dramatique national d’Alsace Direction : Guy Pierre Couleau Réservation : 03 89 24 31 78 www.comedie-est.com 6 route d’Ingersheim 68027 Colmar


Pas d'amour sans cinéma

Nº16

C’est souvent au détour d’une petite conversation badine que l’on mesure l’étendue des dégâts !

Catherine Bizern

Il y avait aussi dans « Comment je me suis disputé (ma vie sexuelle) » le film d’Arnaud Desplechin, cette conversation désastreuse entre les deux cousins Paul et Bob au sujet de Valérie ; Bien sûr Valérie poussait son désir d’être aimée jusqu’à la manipulation la plus perverse et, folle pour certains, elle faisait peur à tous. Mais contrairement à ce qu’on pouvait croire, dans le cas de cette conversation entre hommes, il importait peu en fait qu’il s’agisse de cette femme-ci ou d’une autre. Il s’agissait juste de faire le portrait monstrueux d’un sujet féminin désirant et finalement de renvoyer la sexualité active des femmes du côté de l’hystérie… D’ici à l’image du vagin denté et castrateur il n’y avait pas loin.

C’est un peu dégueulasse disait Paul… que voulaitil dire en fait ? Que c’était sale, grotesque, ou simplement contre nature qu’une femme soit non seulement à l’aise dans son corps mais plus encore dans son désir de l’autre… Aujourd’hui je dirais discours éculé, rengaine pathétique, paroles banales d’hommes “insécures” sans doute, mais c’était tout de même une saloperie. Qu’elle fut énoncée presque incidemment, d’un ton badin, avec une légèreté toute civile alors que les deux cousins traversaient la rue, la rendait plus crasse encore ! Véritable saloperie de Bob et Paul qui inquiets de leurs prérogatives masculines tentaient d’enfermer la sexualité dans un carcan de convenances ennuyeuses et misogynes. Sans doute exprimaient-ils clairement ce que pensaient certainement cet amant qui me trouvait insatiable ou celui qui craignait pour son pénis… moi qui parfois aussi aime être pieds !

Bob : Elle est un peu genre pieds, aussi. Tu vois, quand elle est au-dessus, elle est sur les pieds, pas sur les genoux. Elle se la joue, quoi.
 Paul : Arrête, mais ça peut être sympa, pieds. C’est généreux, puis c’est touchant.
 Bob : Sur le principe, oui. Mais elle est vachement genre pieds, en fait, pour être clair.
 Paul : Nan mais genoux, à force aussi, c’est un peu flippant. Ben, genre catéchisme.
 Bob : Mais non, c’est pieds.
 Paul : Genoux. Regarde, ça fait chrétien de gauche, ça fait à l’aise dans mon corps de femme, tout ça.
 Bob : Ouais, un peu... Mais pieds, quand même ! Ça fait folle de son corps, j’te veux tout. Paul : Ouais, c’est un peu dégueulasse.

Pauvre Paul… Dans un excès de sincérité, il exprime plus tard son plaisir sans cesse renouvelé à mettre la main dans la culotte des filles : « Les filles, c’est tellement précisément différent là, à chaque fois ». Mais il ne se doute pas combien en effet pour les filles c’est précisément différent là à chaque fois. Chaque nouvelle fois qu’une main vient se glisser dans mon sexe, il le révèle, en dessine les contours, en forme les creux et les pleins à chaque fois différents. La main fait le sexe comme l’eau fait le bol. Plaisir inépuisable et infini : le sexe des filles est mouvant et sans limite. On aimerait que tous les hommes le sachent même si Paul, Bob et certains autres risquent de trouver encore que c’est un peu dégueulasse…

Comment je me suis disputé (ma vie sexuelle)

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SAISON OPÉRA

2013 2014

Turandot

Giacomo Puccini

Candide

Leonard Bernstein

L’Orfeo

Claudio Monteverdi

Barbe-Bleue

Jacques Offenbach

Siegfried et l’anneau maudit Richard Wagner

La Clémence de Titus

Wolfgang Amadeus Mozart

Il Medico dei pazzi

Giorgio Battistelli

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Bréviaire des circonstances

Nº06

Vanessa Schmitz-Grucker

L’impossible été (Chap.11)

Le territoire s’est agrandi. Il y a, désormais, de mon pré carré à celui du figuier, trois nouveaux parapets et une dizaine d’avant-glacis qui n’annonce aucun glacis, du moins aucun que je ne puisse voir de là où je suis. Tous construits pendant mes absences. Toute une extension d’un ennui implacable, prestataire d’une errance ordonnée, obligée à l’aplomb divin. Je nie toute responsabilité. En vain. On me cherche. Vous avez entendu des pas ? Non. Vous avez vu des ombres ? Non. Vous avez reçu des lettres ? Non plus. Étiez-vous là ? Même pas. Vous n’étiez pas là ? Je n’étais pas là. Et avant que vous ne partiez, je ne serai déjà plus là, vous savez. Et quand vous vous tairez, j’aurai envie de dormir. Et quand je n’aurais plus envie de dormir, j’aurai envie de mourir. Ma poliorcétique pose problème. Pas seulement au figuier mais à toute ma garnison. Ils ne comprennent pas. J’ai beau leur expliquer que moi non plus je ne comprends pas mais ils ne comprennent pas. Ils devraient déserter mais ils s’obstinent à tenir un front invisible sans aucune bifurcation à l’horizon. Ils sont comme ça, ils peuvent tenir un siège des mois durant sans ennemis en face. Ils sont comme ça. Ils m’obéissent, ils veulent venir avec moi même s’ils savent que je ne sais pas, même s’ils ne savent plus s’il fait chaud ou s’il fait froid. Ils savent que je suis là et ils vont bien.

On n’était pas obligé de marcher dans le fossé du réduit mais pour éviter les tirs indirects c’était bien plus facile que d’escalader les réduits triangulaires. Les obstacles permanents ne devenaient problématiques que lorsqu’ils s’ancraient dans leurs esprits. Leurs permanences n’avaient aucune emprise sur les doubles caponnières. Ni sur les fous de Bassan. Ils s’en tiraient bien, eux. Les embrasures ne tenaient plus en place et il devenait impossible de s’arrêter sur les terre-pleins. Mais dès que nous pensions tenir une idée, un polémarque évaluait les vents ascendants pour s’assurer que les routes ne risquaient pas de surchauffer. C’est comme ça qu’on a tout abandonné, qu’on a tout arrêté. Le tour était vite fait. On était allé plus loin que les espaces topologiques usuels. Il ne restait plus qu’à rejoindre les tertres artificiels du Nord en draisine à la saison où les lames de fonds se feraient plus rares.

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LES MORTS QUITOUCHENT nest-theatre.fr �0�3 82 82 14 92

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Centre Dramatique National de Thionville Lorraine direction Jean Boillot Le Nord ESt Théâtre, CDN de Thionville-Lorraine, est subventionné par le Ministère de la Culture et de la Communication – DRAC Lorraine, la Ville de Thionville et la Région Lorraine.

14 › 20 novembre

Théâtre en Bois › Thionville

texte Alexandre

Koutchevsky

mise en scène

Jean Boillot création 2013 CYCLE DES HEROÏNES


Le temps des héros

Nº07

Baptiste Cogitore

La fin du roman Le chiffre est magique : 555 « nouveautés romanesques » (selon Livre hebdo) sont attendues lors de la « rentrée littéraire » de septembre. On les voit venir de loin, les romanciers aux cartables remplis d’arbres réduits en bouillie pour le plaisir de belles fictions toutes neuves. 555, donc. Mais attention, nous dit-on : c’est un chiffre en baisse. En 2010, il y en avait 701. Pourquoi ? On a beau se rassurer avec des auteurs aux « valeurs plus que sûres et qui ne déçoivent pas », dit sur un ton étrangement boursier Télérama, le roman traverse une mauvaise passe. Et la fiction, une nouvelle « crise ». L’histoire du genre semble en effet conduire à la désintégration de la fable. De L’Ère du soupçon que décrivait Nathalie Sarraute dès la fin des années 1940 (époque de la suspicion généralisée de l’intrigue, du narrateur, des dialogues et des personnages), on est passé à L’Ère du témoin (Annette Wieviorka) — les écrits de Primo Levi et Robert Antelme ruinant la part ultime de la fiction, au moment même où de rares survivants des camps persévéraient dans le roman pour mieux raconter l’enfer concentrationnaire, tel le regretté Jorge Semprún. Et aujourd’hui ? De l’ère du témoin, nous sommes passés à l’ère du récit, toujours en quête flaubertienne d’un « roman sur rien », à la manière d’un Emmanuel Carrère, qui fit dans le portrait de deux juges d’instance cancéreux de l’Isère (D’autres vies que la mienne, 2009), ou dans la vie banale d’une ville de l’arrière-pays post-soviétique (Un roman russe, 2007) d’excellents sujets d’histoires (pour ne plus dire de « romans ») où « tout est vrai ».

Mais l’écrivain le plus radical dans l’abandon de la fiction est sans doute l’élégant et discret Marcel Cohen (lire notre interview), dont les Faits peuvent se lire comme un modèle du « genre » – notion à laquelle ne souscrit pas l’auteur et qu’il renvoie aux Choses vues, de Victor Hugo. Fragmentaires, ses livres sont morcelés comme un archipel de micro récits authentiques laissant chaque lecteur libre de les doter d’un sens nouveau.

Fahrenheit 451

Le genre « factuel » – si l’on accepte de qualifier ainsi le récit où chaque fait est vérifiable – apparaît alors comme le signe d’une nouvelle disparition : celle de l’auteur, qui irradiait autrefois la fable en en tissant les ressorts. On ne cherche plus à être celui ou celle qui invente, mais qui restitue et qui transmet. Celui qui témoigne. À la manière d’un écrivain-reporter, proche cousin de l’écrivainvoyageur, mais immobile, qui se donnerait le temps d’épuiser une matière que le journaliste, pris dans les contraintes économiques des médias, ne ferait que survoler. Comme s’ils se sentaient menacés par les romanciers en quête « d’histoires vraies », de plus en plus de journalistes se mettent à leur tour à réinventer le monde, en se racontant toutes sortes d’histoires plus ou moins crispantes, à la manière de Libération et de son feuilleton estival : « Cet été, Libé transforme l’Histoire en fiction ». Et si tout s’inversait ? Si soudain les romanciers nous décrivaient le monde tel qu’il est pendant que les journalistes l’inventaient ? Ce n’est là que pure fiction...

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L’aventure musicale ef frontée produite par les Eurockéennes, la Poudrière (Belfort), la Vapeur (Dijon), la Rodia (Besançon), le Moloco (Pays de Montbéliard) et le Noumatrouff (Mulhouse), joue au coeur des villes la carte de la proximité, de la découverte et des surprises. Cette année, GéNéRiQ ouvre ses portes au Sakifo, festival de l’île de La Réunion, qui vous transporte jusqu’aux rives musicales de l’Océan Indien.

CHRISTOPHE CHANSON / FR FAUVE POP ROCK / FR HANNI EL KATHIB ROCK / USA CHRISTINE SALEM MALOYA / FR D-BANGERZ HIP HOP / FR THE AMAZING SNAKEHEADS ROCK / UK WALL OF DEATH ROCK / FR VILLAGERS POP / IRL GRAN KINO FR - AF.SUD ALEX BEAUPAIN CHANSON / FR JOKE HIP HOP / FR FINDLAY HIP HOP / USA RANGLEKODS ELECTRO / DK SILENT PARTY DJ’S / CH NATHALIE NATIEMBÉ MALOYA / FR BLACKIE HIP HOP / USA SUPERPOZE ELECTRO / FR ST LÔ TRIP HOP / FR MICKY GREEN POP / AUST TOM & JERRY CINÉ / FR ESB KRAUTROCK / FR JORIS DELACROIX ELECTRO / FR TRISTESSE CONTEMPORAINE POP / JP - SE - UK IS TROPICAL ELECTRO ROCK / UK OISEAUX TEMPÊTE ROCK / FR BERTRAND BELIN CHANSON / FR BIRTH OF JOY ROCK / NL ADDICTIVE TV ELECTRO / UK ORCHESTRE KITHARA TAARAB / TANZANIE RENÉ LACAILLE MALOYA SEGA / FR CAROL’S COUSIN FOLK BLUES / FR S-CREW HIP HOP / FR BO HOUSS HIP HOP / FR BIGOTT POP / ES TORO PISCINE CHANSON / FR UNCOVERED QOTSA POP / FR … PROGRAMMATION COMPLÈTE WWW.GENERIQ-FESTIVAL.COM

SCHLEP / Siret GéNéRiQ : 509 852 075 00019

DIJON / BESANÇON / BELFORT PAYS DE MONTBÉLIARD / MULHOUSE ÉPINAL / BAUME-LES-DAMES PONTARLIER / QUETIGNY / BÂLE



focus

Ga bu zo meu…

Il était une fois la danse Avec la Cérémonie, Nathalie Pernette s’est lancée un défi audacieux : faire découvrir au grand public la danse contemporaine sous la forme d’un abécédaire. Bien que présente depuis plusieurs décennies dans notre paysage artistique, la forme chorégraphique provoque encore un sentiment d’incompréhension chez certains. Pourtant rien de bien compliqué : c’est « un monde où l’expression de soi est encouragée, la singularité permise et la relation aux autres enrichie d’un contact physique diversement coloré » définit la chorégraphe. Associant texte, danse et musique, la création aux allures de conférence en mouvement est une véritable introduction en la matière. A pour articulation, D pour dissociation, H pour humour,... Les lettres se succèdent une à une, glissant sur le corps des trois danseurs présents sur scène, éclairant leurs faits et gestes. Dans un même effet de fragmentation, la musique de Moussorgski et ses Tableaux d’une composition semblent le seul accompagnement d’une scénographie dépouillée. Nathalie Pernette montre son attachement à l’esthétique du peu avec pour élément principal de décor le carton, tel un Arte Povera chorégraphié. La leçon a été comprise ? Bien. Maintenant, aux spectateurs de jouer les acteurs ! L’expérience dépasse très vite le cadre scénique pour atteindre le public invité à gesticuler sur son siège : levez les bras, mimez le vacarme, saisissez l’épaule de votre voisin... Qui a dit que comprendre la danse contemporaine n’était pas facile ?

Les Shadoks de Jacques Rouxel furent diffusés à la télévision française, alors l’ORTF, à partir d’avril 1968. Ces êtres anthropomorphes aux apparences d’oiseaux représentaient cette France qui travaille, stakhanoviste et condamnée à revenir toujours au même point. En exhumant ce morceau de mémoire collective pour le faire passer dans le champ du théâtre, Shadoks Forever ranime cet esprit subversif et populaire, qui déroge à la pensée capitaliste ambiante. L’univers sonore, déjà si particulier dans le dessin animé, conserve sa tonalité avantgardiste, non seulement grâce à la musique composée par eRikm et interprétée sur la scène par le duo qu’il forme avec Catherine Jauniaux, mais aussi par la présence des acteurs impliqués dans des actions plus « performatives » que théâtrales. En effet, les rares images aperçues sur la toile lors de la première cet été dans le décor naturel de l’archipel du Frioul à Marseille donnent à voir quatre épigones absurdes, employés à faire n’importe quoi, en slip à bretelles, braillant ou tentant vainement de s’exprimer à l’aide de leur quatre pauvres syllabes (ga bu zo meu)... À noter, en contrepoint pataphysique, que l’éminent Gérard Berry détenteur de la très sérieuse chaire « Algorithmes, machines et langages » au Collège de France donnera une conférence sur la conception du monde chez les Shadoks le 25 octobre à 20h, amphi Donzelot en prélude aux cinq représentations prévues. Par Fabien Vélasquez — Photo : Mathieu Mangaretto

Par Claire Tourdot

CÉRÉMONIE, spectacle de danse les 12 et 13 novembre à la Scène nationale de Besançon. www.scenenationaledebesancon.fr

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SHADOKS FOREVER, théâtre-performance du 5 au 9 novembre au CDN de Besançon. www.cdn-besancon.fr


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Interface

Liberté musicale En 2004, David Grimal, violoniste hors pair, réunit des musiciens d’horizons variés qui formeront l’orchestre Les Dissonnances, ensemble dépourvu de directeur musical. Leur chef à eux : la liberté. Depuis, le collectif d’artistes effectue un parcours sans fausse note vers la musique libre et anticonformiste. Pour leur représentation à l’Opéra de Dijon, l’orchestre a choisi de revisiter les 4ème et 8ème Symphonies de Beethoven, chefs d’œuvre originaux du XIXe. Ces pièces, douces et joyeuses, sont parsemées de notes d’humour : tout à l’image du collectif des Dissonnances. Par Valentine Schroeter — Photo : JL Atlan

LES DISSONANCES, concert le 26 octobre à l’Opéra de Dijon.

Jérémy Laffon, artiste et vidéaste basé à Marseille, est ce qu’on pourrait appeler un créateur en devenir. Avec l’exposition Collapse(s) (et autres systèmes déceptifs) présentée à la galerie Interface à Dijon jusqu’au 26 octobre, il façonne un monde à la dimension performative, peuplé d’objets incongrus, où la temporalité est malmenée au profit de l’expérimental. Autre rendezvous de l’automne, la présentation d’une sélection de travaux d’étudiants de l’École Nationale Supérieure d’Art de Dijon du 7 au 21 novembre, chapeautés par Robert Milin, professeur à l’Ensa. (C.T.) www.interface-art.com

Kilomètres/Heure Sans doute l’une des plus belles expositions de l’été dans le Grand Est, Kilomètres/ heure, utopies automobiles et ferroviaires 1913-2013 organisée conjointement par les musées de Belfort et Montbéliard se poursuit jusqu’au 14 octobre (voir Novo N°25). Pour compléter la double visite (au Musée du château des ducs de Wurtemberg à Montbéliard et à la Tour 46 à Belfort), un ouvrage richement illustré de plus de 300 pages est édité chez Mare & Martin. Regroupant des contributions éclairées et librement inspirées par l’exposition, il « ne montre pas des machines utopiques, mais interroge les utopies qui ont motivé artistes, designers, architectes, ingénieurs ». (P.S.)

Fixing Shadows

Au-delà des frontières Avec 70 artistes et plus de 100 concerts, l’aventure musicale de GéNéRiQ est devenue l’une des plus prisées par le public qui affectionne l’intimité que le festival installe avec les artistes au cœur des villes. Cette année, parmi les têtes d’affiche, le meilleur de la scène française, Christophe, Alex Baupain, Bertrand Belin et Fauve, quelques artistes internationaux de premier plan, dont Micky Green, et toutes les jeunes pousses. Une nouveauté cependant : la manifestation ouvre ses portes au Safiko, le festival de l’île de la Réunion pour nous conduire vers de nouveaux horizons musicaux, frais et rythmés. Par Emmanuel Abela

Sans lumière, pas de photographie ! Le Granit de Belfort prend à contre-pied cette norme indiscutable en soulignant l’importance de son principal corollaire qu’est l’ombre. Jusqu’au 3 décembre, l’exposition Fixing Shadows (Fixer l’Ombre) est l’occasion de découvrir une pratique photographique capable de matérialiser l’insaisissable. Au fil des avancées technologiques, l’ombre devient un sujet à part entière de la composition, rivalisant avec les plus beaux éclairages. Tour à tour bannie puis recherchée, l’ombre incarne cette mélancolie inhérente à chaque cliché. (C.T.) www.legranit.org

GÉNÉRIQ, festival du 15 au 24 novembre à Belfort, Dijon, Besançon, Mulhouse et dans le Pays de Montbéliard. www.generiq-festival.com

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Pièce à scandale

Culture future L’entrée des nouvelles technologies dans le monde du spectacle peut s’apparenter à une petite révolution. Depuis un peu plus d’une décennie, projections, vidéo mapping et autres mélodies électroniques investissent les scènes de nos théâtres aussi bien que de nos vies. Car plus que tout, l’art est le reflet de notre société et c’est à partir de ce lien inextricable qu’a été pensé le festival Ars Numerica, s’ancrant dans l’ici et maintenant. Pour sa deuxième édition, le festival continue d’explorer la création et la culture numérique sous toutes ses formes. Proposition hybride, Montagne 42 est certainement un des meilleurs exemples de cette dualité : fusionnant théâtre et vidéo, Florent Trochel interroge notre rapport à l’immensité. On ressentira très certainement le même étonnement face au Light Solos de la danseuse bruxelo-canadienne Ula Sickle. Pris dans un halo de flashs et de lampes stroboscopiques, le corps perd toute limite perceptible pour un moment d’illusion totale. Le plasticien Daniel Schwarz recentre quant à lui le propos sur la rencontre de l’humain et de la machine : à l’instar du brillant Mekanik Kantatik, il fusionne musique électronique et cyberjazz dans une scénographie pointue. En marge des représentations seront organisés workshop, exposition, parcours acoustique et ateliers pour une plongée plastique, sonore et visuelle toujours plus expérimentale ! Par Claire Tourdot

Quatre ans seulement après la fin de la Seconde Guerre mondiale, Henry de Montherlant met, comme qui dirait, les pieds dans le plat. Il imagine un étouffant drame familial opposant, à la veille de la libération, un fils résistant et un père collaborateur. L’auteur à succès perd en quelques mois tout crédit, jugé trop à droite, ou encore trop violent pour une époque où la politique intérieure est à la réunion pacifique du pays. Mais le temps s’est écoulé depuis l’année 1949 et des metteurs en scène tels que Michel Fau voient aujourd’hui dans le ton de Montherlant plus une constatation qu’un réel partisanisme. Ce père collabo (interprété par Michel Fau lui-même) qui décide d’autoriser son fils Gillou (Loïc Mobihan) à entrer dans la résistance pour redorer son propre blason, c’est finalement le schéma de toute une génération inconsciente des horreurs commises sous l’Occupation. Demain il fera jour est une pièce violemment honnête : ce n’est que le constat fait par un Montherlant qui ose représenter. L’oppressant huis-clos est complété par la figure d’une mère omniprésente, à la limite de l’inceste. Léa Drucker donne vie à ce rapport perturbé entre mère et fils, campant une femme soumise à la misogynie de son époux. Derrière le drame bourgeois se dessine une tragédie antique au canevas traditionnel : un père orgueilleux, un fils plein de fougue et une mère égarée par son instinct maternel. La brutalité du propos vient rejoindre le raffinement du style. Du grand Montherlant qu’on vous dit. Par Claire Tourdot

ARS NUMERICA, festival du 29 octobre au 16 novembre à MA Scène nationale à Montbéliard. www.mascenenationale.com

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DEMAIN IL FERA JOUR, pièce de théâtre le 27 novembre à la Coupole à Saint-Louis. www.lacoupole.fr



focus

Kéké Femelle

Diversité minoritaire Couleur de feu, de fougue ou bien encore du diable, les chevelures rousses sont, depuis la nuit des temps, objet de fantasmes et de superstitions. Tout commence dès l’Égypte antique où le roux est synonyme de ténèbres puisque associé au dieu rouge destructeur Seth. La chrétienté s’empressa de déplacer les croyances païennes à leur propre culte et d’ainsi mettre en marche une véritable persécution dès le Moyen-Âge. Affublée de mille et un sobriquets, la légendaire identité capillaire est alors un signe distinctif de malignité et de laideur. De nos jours, la raison a su (bien heureusement !) prendre le pas sur la superstition mais les stéréotypes restent profonds. C’est cette problématique de la différence face à l’Autre que questionne la photographe alsacienne Geneviève Boutry depuis maintenant 20 ans. En 1988, elle posait un premier regard sur les roux et rousses à travers une série de portraits baroques et surréalistes. Deux décennies plus tard, son approche se veut plus intimiste, cherchant à pénétrer l’intériorité de ces êtres en apparence « différents ». Avec pour toile de fond la nature, ses clichés réalistes au cadrage serré déroutent par leur onirisme : chaque portrait est porteur d’une histoire personnelle, résultant d’une rencontre. En témoigne le reportage vidéo réalisé en vu de l’exposition. La diversité dans la minorité trouve un second écho dans une sélection de toiles issues de la collection du Musée des Beaux-Arts : Henner, Zwiller, Luminais,... seuls les artistes avaient su percevoir derrière les idées reçues, la magnificence des reflets fauves.

À la scène comme à la vie, Brigitte Fontaine chemine en marge, loin de toute concession. Sur la pochette de l’un de ses tous premiers disques, elle nous avait elle-même prévenus : Brigitte Fontaine est folle ! Mais de cette folie enthousiaste et exigeante qui la situe comme l’une des artistes les plus originales en France, dont les héritiers, de Katherine à M, en passant par Etienne Daho, Noir Désir et même Sonic Youth, sont plus nombreux qu’il n’y parait. Depuis un petit passage à vide dans les années 80, elle nous est revenue revigorée, forte d’une conviction scénique toujours aussi déconcertante, qu’elle met au service de son vaste univers poétique. Sur son nouvel album, J’ai l’honneur d’être, elle semble revenue puiser à la source : sa voix caverneuse traverse l’espace et nous livre en les détachant la vigueur de chaque mot. Sa poésie retrouve sa force et sa pureté. Évoluant tel un équilibriste sur le fil fragile de la provocation, elle ne s’en dévoile pas moins entière comme sur la ballade qu’elle dédie sobrement à son Père. Alors, on oublie les frasques, les hurlements de mécontentement quand la situation semble lui échapper, on la découvre telle qu’elle était à l’époque où elle se produisait avec le Art Ensemble of Chicago ou ses amis Areski et Jacques Higelin, dans le cadre de shows magnifiquement décousus et sublimes d’intégrité. Par Emmanuel Abela

Par Claire Tourdot — Photo : Geneviève Boutry

ROUX ET ROUSSES, exposition du 25 septembre au 3 novembre au Musée des Beaux-Arts de Mulhouse. www.musees-mulhouse.fr

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BRIGITTE FONTAINE, en concert le 8 octobre à la Filature à Mulhouse. www.lafilature.org



focus L’ancienne Synagogue à Zellwiller sert de hangar agricole.

Portraits de mémoire

Work in progress Bien avant d’être colonisés par l’Occident, les Indiens d’Amérique Centrale avaient imaginé leur écriture propre, inventive et pleine de sens. La couleur y signifiait la prononciation et chaque variation picturale induisait un changement phonétique. C’est cette rencontre entre écriture et peinture, communication et art qu’a souhaité mettre à l’honneur la compagnie Lucamoros dans sa dernière création. Quatre Soleils n’est pas de ces pièces résumables en quatre points : situation initiale, élément perturbateur, déroulement et chute. Déjouant les codes de la scène, elle oscille entre performance, œuvre d’art et théâtre d’ombres comme pour mieux délester le regard du spectateur de tout objet de comparaison. Car il est bien question de regard ici, un regard créateur, capable de faire et défaire le moment présent : à chacun d’interpréter, d’imaginer sa propre histoire, tout en se laissant porter par la parole scandée au rythme des coups de pinceaux. Sur scène, six artistes donnent naissance en direct à un spectacle accessible à tous. Quatre grands écrans affichent de façon éphémère des images en mouvement. L’esthétique de la bricole côtoie en toute simplicité une technologie onirique : Luc Amaros nous fait embarquer pour un voyage imaginaire sur la terre des aborigènes, en quête d’un semblant de réponse à ce mystérieux Temps qui passe. Au centre de toutes les attentions se trouve le geste plastique, universel. Véritable poème visuel et musical, Quatre Soleils éveille les sens pour une expérience à la croisée des arts. Par Claire Tourdot — Photo : Jean Fournier

QUATRE SOLEILS, pièce de théâtre du 5 au 9 novembre à la Comédie de l’Est de Colmar. www.comedie-est.com

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Comment une synagogue peut-elle être transformée en cinéma, choucrouterie ou remise à bois ? Comment, en quelques décennies, un lieu sacré peut-il basculer dans le profane ? De Ribeauvillé à Krautergersheim, de Reichshoffen à Hagenthal, une quarantaine de synagogues sont aujourd’hui employées à divers usages, à l’opposé de leur fonction cultuelle première. La faute à la Seconde Guerre mondiale et à l’extermination programmée de tout un peuple, de tout un patrimoine culturel. Au fil de ses promenades sur les routes alsaciennes, Baptise Cogitore, président du collectif artistique Rodéo d’âme, a été interpellé par ces détournements multiformes quelques peu tombés dans l’oubli... ainsi que par leurs habitants. Parmi tant d’autres, Gilbert Weil reste un acteur majeur dans le processus du souvenir : après un long bras de fer avec la mairie de Guebwiller, il inaugure en 1998 le musée de la vie juive rurale en Alsace dans l’ancienne synagogue du village. Soutenus par les photographies des édifices et de leurs occupants réalisées par Pascal Koenig, les témoignages recueillis révèlent un héritage fragile, puisque soumis à la seule mémoire d’une poignée de « gardiens des lieux ». Retrouvez l’intégralité des entretiens dans l’ouvrage Les Gardiens des lieux aux éditions Rodéo d’âm. Par Claire Tourdot — Photo : Pascal Koenig

LES GARDIENS DES LIEUX, exposition du 1er octobre au 31 octobre à la médiathèque de Sélestat. www.mediatheque-selestat.net


Rencontres artistiques, expositions, parcours urbains Dans le cadre des Saisons Afrique du Sud – France 2012 & 2013

Brett Bailey Third World Bunfight Afrique du Sud

Dans le cadre des Saisons Afrique du Sud – France 2012 & 2013

CECI N’EST PAS…

Dries Verhoeven | Pays-Bas ≥ du 10 au 19 oct 1re française

WALKING THE CITY Ligna | Allemagne ≥ du 15 au 19 oct

≥ du 3 au 7 déc

Alexandra Bachzetsis ≥ 11 + 12 déc Suisse 1re française

Feria Musica | Belgique ≥ du 17 au 21 déc

[NOTES ON THE CIRCUS] Ivan Mosjoukine | France ≥ du 1er au 5 nov

A QUEEN OF HEART Juliette Deschamps Rosemary Standley France ≥ 9 jan

FLESH / TRASH

Pierre Maillet Théâtre des Lucioles France création ≥ 13 + 14 + 15 nov

THE PYRE

GHOST EXERCISE

Yasmeen Godder / Itzik Giuli Israël, Allemagne 1re française ≥ 20 + 21 + 22 nov

KILL YOUR DARLINGS!

STREETS OF BERLADELPHIA René Pollesch Fabian Hinrichs Volksbühne Berlin Allemagne ≥ 26 + 27 nov

Olivier Dubois | France ≥ 6 + 7 + 8 fév

AN OLD MONK

Josse De Pauw Kris Defoort / LOD | Belgique ≥ 13 + 14 + 15 fév

THE STAGES OF STAGING DISGRACE

SINUÉ

DE NOS JOURS

TRAGÉDIE

Gisèle Vienne | France ≥ 16 + 17 jan

DOPPELGÄNGER

David Marton | Allemagne ≥ 21 + 22 jan 1re française

LA MOUETTE

Anton Tchekhov Yann-Joël Collin Cie La Nuit surprise par le jour | France ≥ 29 + 30 + 31 jan

WWW.MAILLON.EU

J.M. Coetzee Kornél Mundruczó Afrique du Sud, Hongrie ≥ du 20 au 23 fév

CLOCKWORK

Sisters | Suède ≥ 11 + 12 + 13 mars

POLICES !

Rachid Ouramdane Sonia Chiambretto Jean-Baptiste Julien France ≥ 20 + 21 + 22 mars

REQUIEMACHINE

Władysław Broniewski Marta Górnicka | Pologne ≥ du 28 mars au 1er avril

N E W YO R K E X P R E S S

SEAGULL (THINKING OF YOU)

Anton Tchekhov Half Straddle / Tina Satter ≥ 8 + 9 avril

BRONX GOTHIC

Okwui Okpokwasili Peter Born ≥ 10 + 11 avril

LATE NIGHT

Blitz Theatre Group | Grèce ≥ 15 + 16 + 17 avril

USUALLY BEAUTY FAILS Frédérick Gravel Grouped’ArtGravelArtGroup Canada ≥ 6 + 7 mai

SWAMP CLUB

Philippe Quesne Vivarium Studio | France ≥ 14 + 15 mai

BODIES IN URBAN SPACES

N E W YO R K E X P R E S S

Cie Willi Dorner | Autriche ≥ 29 + 30 + 31 mai

VISION DISTURBANCE

FESTIVAL PREMIÈRES

Christina Masciotti Richard Maxwell & New York City Players ≥ 5 + 6 + 7 avril

Jeunes metteurs en scène européens ≥ du 5 au 8 juin Strasbourg

03 88 27 61 81 | FACEBOOK.COM/LEMAILLON

ATELIER POSTE 4

EXHIBIT B

V I LL E [ S ] E N - J E U [ X ]


tubs★mjhiu ~ Photo : © Nelly Blaya

SAM. 05.10

20:30

DON JUAN opéra éclaté

lacoupole.fr

03 89 70 03 13

N° de licence d’entrepreneur du spectacle : 1050935-936-937


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UNTERLINDEN

Voilà Voix:là ! C’est dans le cadre exceptionnel du Théâtre de Gray, chef d’œuvre architectural du XIXe siècle à l’acoustique parfaite, qu’aura lieu le festival VOIX:LÀ dédié, comme son nom l’indique, à la voix. Cette année, l’évènement donne le « la » à l’éclectisme en neuf spectacles répartis sur trois jours. Les spectateurs, jeunes ou moins jeunes, amateurs d’opéra, de musique du monde ou encore de piano-voix seront conquis. Ponctué d’instants culturels ou gourmands, le festival VOIX:LÀ est une échappée complète dans l’univers du chant, un moment convivial et décontracté fondé sur le partage. Par Valentine Schroeter

VOIX:LÀ, festival les 29, 30 novembre et 1er décembre au Théâtre de Gray. www.contrezut.com/wp/concerts/festival-voixla/

Histoire de corps Le Muséum-Aquarium de Nancy accueille une exposition fascinante consacrée aux corps, humains et animaux. À travers une mise en scène originale, les écorchés d’antan se confrontent aux écrans tactiles d’aujourd’hui, créant ainsi un contraste saisissant. Au fil de conférences, de débats et de diverses activités culturelles, l’exposition souhaite sensibiliser le public aux énormes progrès de la médecine et de la chirurgie, en s’attardant sur l’Antiquité, berceau de nombreuses découvertes fondamentales en la matière. Plus qu’un simple rassemblement d’objets scientifiques, Corps en images est une rétrospective à la fois ludique et artistique sur la représentation anatomique. Par Valentine Schroeter

CORPS EN IMAGES, exposition à partir de 12 ans jusqu’au 5 janvier 2014 au Muséum-Aquarium de Nancy. www.museumaquariumdenancy.eu

Affirmant toujours plus fort sa volonté d’ouverture vers l’art contemporain, le musée Unterlinden de Colmar accueille jusqu’au 31 décembre l’œuvre phare de Stéphane Lallemand, Crucifixion sur Télécran®. Maitrisant avec virtuosité le principe horizontal et vertical du jeuécran, l’artiste pose un regard actuel sur le retable d’Issenheim, polyptyque à la renommée internationale. Un travail de gravure qui suscite l’étonnement autant que l’admiration, depuis sa création en 1991. Profitez de l’Opening Night pour rencontrer Stéphane Lallemand le 8 novembre de 20h à 22h. (C.T.) www.musee-unterliden.com

AFRO SPICY Hasard contrôlé ou tendance assumée, le nouveau rendez-vous des Mulhousiens est lancé pile poil pour la saison sud-africaine en France. Une raison supplémentaire pour danser au summum du groove. Aux manettes de ces soirées, une équipe de passionnés férue de soul, d’afrobeat et d’électronique hybride qui ne demande qu’à vous faire danser. Le coup d’envoi est donné le 18 octobre avec Burning House, nouveau projet de Blackalicious, Hervé Salters, qui n’est autre que le ressort derrière General Elektriks et le groupe Jungle By Night dont le pari est de magnifier le son de Fela. Chaleur, bonheur et rythmes entêtants. (C.B.) www.noumatrouff.fr

LA CHAMBRE Belle initiative que celle de La Chambre, à Strasbourg, dans sa volonté d’accompagner les photographes à la professionnalisation. Ainsi, cinq jeunes artistes résidant en Alsace, Vincent Chevillon, Delphine Gatinois, Viola Korosi et Marianne Maric – bien connue des lecteurs de Novo ! – ont bénéficié des réseaux de l’association pour élargir leurs opportunités professionnelles. L’exposition qui résulte de cette démarche, Perspectives, jusqu’au 6 octobre, donne un bel aperçu des orientations du moment, inscrites dans le quotidien et souvent bien au-delà, comme le signe d’une belle promesse. (E.A) www.la-chambre.org

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Riders on the Storm

Qui mieux que Marilyn Monroe a su incarner la grâce de l’instant ? Sa beauté va au-delà des mots, et pourtant Nathalie Bach puise dans les mots justement pour nous livrer un portrait vivant de la star. Différentes sources, interviews, échanges épistolaires et notes biographiques lui fournissent matière à une lecture vibrante. Nul besoin pour elle de jouer la carte du mimétisme – pour cette brune à la voix angélique, la blondeur n’est pas de rigueur –, non, ce qui lui importe c’est de s’attacher à l’écriture « lucide, mais drôle » d’une femme pleine d’incertitudes, avec l’intention « de donner à entendre le parcours intellectuel d’une femme devenue star » et de restituer « l’histoire d’une intelligence malmenée, non autorisée, déniée ». Elle s’appuie pour cela sur ce montage de textes choisis, mais aussi sur les compositions au piano de Sébastien Troester, des impromptus qui n’ont pas pour vocation de souligner le texte ni d’illustrer, mais bien de s’imbriquer totalement. Magnifiée par la sobre mise en scène de Frédéric Solunto, la musique participe à la création d’une forme de sensualité particulière. Comme au cinéma – dans le cadre d’un large plan-séquence –, la comédienne et le pianiste donnent vie à la star qui, comme toute icône, prend corps et “s’anime” sous nos yeux. « Chaque image de cette actrice reste comme une invitation à l’éternité, à cette beauté sublimée par ce qu’elle était profondément et que sa parole nous livre sans artifices ».

Comme dirait Jean-Luc Godard, dans “récital” il y a “récit”. En interrogeant la destinée du personnage de Wotan, appelé Der Wanderer une fois sorti du Ring de Richard Wagner, le metteur en scène Antoine Gindt trouve sa réponse dans la relation d’amitié qui le lie au baryton Ivan Ludlow. Tous deux créent une suite à la vie d’artiste de Wotan : Ivan Ludlow qui fut déjà Wotan – et donc Wanderer, le marcheur inépuisable – dans le cadre du Ring Saga de 2011, incarne cette suite intimiste sur la base d’un répertoire constitué de Lieder et mélodies signées Richard Wagner bien sûr, mais aussi Wolfgang Rihm et Gérard Pesson, dans deux cycles complets de chansons, Hans Eisler, György Ligeti et même les Doors. Une autre relation vient se greffer sur le projet, celle qui lie Ivan Ludlow à sa compagne, la pianiste Kalina Georgieva, d’où une authentique complicité sur scène et une attention constante de l’un à l’autre. Avec l’appui de la création numérique de Tomek Jarolim, le récital devient spectacle à part entière : dans un dispositif qui s’apparente à une forme théâtrale, les images projetées soulignent la souplesse de la voix et l’extrême maîtrise du jeu au piano, et participent au sentiment de cette longue méditation poétique automnale. Une manière de redessiner les contours d’une tradition, celle du récital dans un contexte éminemment contemporain.

Par Emmanuel Abela — Photo : Carlotta Forsberg

Par Emmanuel Abela — Photo : Camille Roux

NORMAN JEAN BAKER… MARILYN MONROE, pièce de théâtre le 9 octobre à L’Illiade à Illkirch-Graffenstaden. www.illiade.com

WANDERER, POST-SCRIPTUM, récital de Ivan Ludlow et Kalina Georgieva le 25 septembre dans le cadre du festival Musica au TNS à Strasbourg. www.tns.fr

Vibrante Marilyn

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festival jazzdor 2013 8–22

novembre

strasbourg Avec Gonzalo Rubalcaba Trio – Dave Holland Prism 4tet – David Murray Infinity 4tet – Joachim Kühn Trio – Louis Sclavis Atlas Trio feat. Keyvan Chemirani – Bojan Z & Nils Wogram – Antoine Berjeaut Wasteland 5et feat. Mike Ladd – Vincent Peirani Thrill Box – Elina Duni 4tet – Marcel Kanche & I-Overdrive Trio interprètent Léo Ferré – Émilie Lesbros solo…

Plus de 30 concerts, des créations, premières françaises, concerts gratuits, ciné-concert, rencontres, projections, masterclass… à Strasbourg, Schiltigheim, Bischheim, Lingolsheim, Erstein, Bischwiller, Wissembourg, Offenburg, Mulhouse. Les partenaires : Ville de Strasbourg / Conseil Général du Bas-Rhin / Région Alsace / Ministère de la Culture et de la Communication-DRAC Alsace / Sacem / Spedidam / Adami / FCM / CNV / Goethe Institut / Institut Culturel Italien / Crédit Agricole Alsace-Vosges / FIP / DNA / Deutschlandfunk / Jazzthetik / Jazzmagazine-Jazzman / Citizen Jazz

www.jazzdor.com


focus Gianpaolo Pagni, Nobody

Roman plastique

Qui est Hervé Blutsch ? Selon des sources fluctuantes, l’homme serait né entre 1967 et 1969, aurait grandi en Autriche, enseigné le français à l’étranger, créé un restaurant végétarien à Tolède et une chaîne de salons de coiffure en Italie, co-dirigé la société d’import-export Blutsch&Turini Shampooing Bio à Genève, fondé à Bâle le premier centre européen de soins capillaires (bios toujours), écrit des pièces de théâtre ou, encore, fait de la radio avec le (mystérieux) reporter-pour-une-grande-chaîne-nationale Jean-Claude Suco. Si la véracité de ces activités est sujette à débat, trois certitudes : oui, Hervé Blutsch a un goût pour les attributs capillaires, en témoignent ses postiches. Oui, Hervé Blutsch est dramaturge, et sa dizaine de pièces publiées, dont certaines à destination de la jeunesse, sont ponctuellement montées depuis la fin des années 90. Et oui, Hervé Blutsch fait de la radio, ou c’est tout comme. Dans L’Emprunt Edelweiss, une fantaisie française, il s’inspire du média et de ses codes et mêle jingles, pauses musicales, chroniques et émissions, interprétant toutes les fonctions, de l’animateur à l’invité. Quant à savoir ce qu’il raconte dans ce spectacle créé avec la complicité du metteur en scène Jean Lambert-wild, il est trop tôt pour le dire. Mais si L’Emprunt Edelweiss constitue une nouvelle étape dans son parcours – Blutsch se mettant en scène pour la première fois –, l’intitulé confirme la persistance de certaines obsessions : très souvent associé à la Suisse, l’edelweiss est, aussi, fréquemment utilisé dans les industries cosmétiques et capillaires...

À l’occasion de la sortie de son dernier ouvrage, No Body, Gianpaolo Pagni expose à l’atelier/galerie Modulab à Metz. Cet espace, dédié aux artistes couplant projets plastiques et éditoriaux, expose quelques dessins originaux des 137 que composent le livre. Ces dessins, réalisés au tampon sur papier machine, se vivent comme un hommage à l’absurde traversé par la mélancolie. Si son nom ne vous évoque rien, on a pourtant tous vu au moins l’une de ses illustrations aux contours noirs stylisés et aux larges aplats de couleurs : Libération, Le Monde, L’International Herald Tribune Magazine jusqu’au carré de soie Hermès, on ne compte plus les collaborations de cet artiste, auteur de livres, illustrateur jeunesse et de presse. Affichiste, peintre, illustrateur ? Difficile d’étiqueter l’homme aux répertoires graphiques et figuratifs mêlés d’une grande sensorialité. Son activité de dessinateur de presse, il la vit avec une vraie liberté : ses illustrations sont des œuvres qui fonctionnent en autonomie par rapport au texte et ses livres d’artistes sont là pour témoigner de cette liberté poétique. Il utilise le tampon comme médium pour immortaliser dans une suite énigmatique des objets du quotidien, des objets banals qui deviennent le sujet même du livre, de ces livres que seul le trait graphique incarne. À noter que l’événement est une formidable occasion pour l’Ecole Supérieure d’Art de Lorraine-Metz qui organise les 15, 16 et 17 octobre un workshop intitulé Radiographie du déchet / Archéologie du souvenir.

Par Caroline Châtelet — Photo : Jeanne-Valès

Par Vanessa Schmitz-Grucker

Les vies de Blutsch

L’EMPRUNT EDELWEISS, UNE FANTAISIE FRANÇAISE, pièce de théâtre du 13 au 30 novembre au théâtre de la Manufacture à Nancy. www.theatre-manufacture.fr

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NO BODY, exposition de Gianpaolo Pagni du 17 octobre au 23 novembre à la Galerie Modulab à Metz. www.modulab.fr


focus

Beyeler

Danser l’Holocauste Aux portes des chambres à gaz, les tziganes déportés par les nazis continuaient à chanter, à danser, à crier leur besoin de vivre. Chef de file de la nouvelle scène flamenca, Israel Galvàn, détourne la pulsion de vie sévillane pour signifier l’extermination des gitans sous les régimes extrémistes de l’Europe des années 40 et par là même, souligne le rapport de force entre fascisme et folklore. Lo Real/Le Réel/The Real flirte avec l’indicible comme un cri de résistance face à l’absurdité. Une danse macabre à fleur de peau, pour ne jamais oublier. Par Claire Tourdot — Photo : Javier Del Real

LO REAL/LE RÉEL/THE REAL, spectacle de danse le 4 octobre au Carreau de Forbach dans le cadre de la Biennale de Danse en Lorraine. www.carreau-forbach.com

L’émotion de vie à mi-chemin entre ciel et terre, l’écriture d’Alexandre Koutchevsky déploie un regard panoramique sur les rapports entre hommes. Jean Boillot met en scène sa poétique pièce Les Morts qui touchent, une variation géographique révélant sous la forme du compte à rebours le processus du deuil. De Ouagadougou à la forêt de Rambouillet, les fantômes ne cessent d’habiter les vivants, telle cette mère partie trop vite laissant derrière elle sa fille. Jouant sur les points de vue, la création explore tous les aspects de la mort. Mais le deuil est un sentiment aussi intense que simple, au bout duquel se dessine la luminosité de la vie. Par Claire Tourdot

LES MORTS QUI TOUCHENT, pièce de théâtre du 14 au 20 novembre au NEST à Thionville. www.nest-theatre.fr

La Fondation Beyeler a choisi d’exposer du 6 octobre au 2 février 2014 les sculptures de Thomas Schütte, l’un des artistes contemporains les plus surprenants de sa génération. Avec un admirable jeu de proportions, Schütte a fait naître des figures et des têtes qui semblent débarquer du monde extraterrestre. Ces sculptures figuratives, de céramique ou de fer, interpellent par leurs courbes et leur brillance édulcorée. Une grande série de dessins sert également de fil rouge à l’exposition et démontre l’attrait de Schütte pour l’existence humaine. (V.S.) www.fondationbeyeler.ch

Schizophonie Si les sons sont des voyageurs intemporels, quelles transformations les différents contextes politiques, culturels et sociaux impriment-ils sur leur écoute et leur réception ? En voilà une plaisante question que nous pose le Centre d’Art Contemporain de la synagogue de Delme ! Invitant une dizaine d’artistes à exprimer leur vision subjective de la musique, l’exposition Schizophonie ouvre la voie à l’élaboration d’une généalogie phonique jusqu’au 16 février 2014. L’événement s’ouvre tout en musique sur un concert des Chicago Boys, lors du vernissage prévu le 10 octobre à 18h30. (C.T.) www.cac-synagoguedelme.org

Médiapop Éditions De nouvelles parutions annoncées en librairie du côté de chez Médiapop Éditions. Le 20 octobre : L’amour de la marche de Philippe Lutz (avec des photographies de Bernard Plossu) et Le lieu du monde, un premier roman jubilatoire écrit par Nathalie Sonntag. En novembre : Comme neige au soleil du photographe Pascal Bastien et Berlin 2005 de Jean-Christophe Bailly et Bernard Plossu à découvrir en même temps que l’expo Plossu-Berlin au CCAM de Vandœuvre-lès-Nancy (vernissage le 29 novembre). Enfin, Le saut de l’ange, un livre chorale en hommage à Daniel Darc, est attendu pour la fin de l’année. www.mediapop-editions.fr

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Une balade d’art contemporain par Sandrine Wymann et Bearboz

Anne, Moritz et les autres... En entrant dans la chapelle Saint Quirin, deux grands arbres, un peu coincés sous le plafond, un peu effeuillés, nous font face. Plantés entre les piliers, dans le décor tout de blanc de la chapelle, ils s’imposent et cachent légèrement une image murale installée sur le mur du fond : deux femmes, en pleine action, bêches à la main, creusent ou rebouchent un trou de toute évidence laissé par un arbre disparu. Elles pensent une plaie ? Elles enterrent une racine ? Rien ne nous le dit mais de la sobriété de la composition se dégage une gravité. En avançant, en s’approchant des deux arbres du premier plan, on découvre que sur leurs troncs, une série de prénoms est gravée dans le bois. Passant d’un arbre à l’autre, il s’avère que sur le premier, ils sont en allemand, sur le second, en français. On comprend très vite que les prénoms en une langue sont traduits dans l’autre langue, et s’installe alors un jeu qui renvoie d’un tronc à l’autre. D’un regard solennel on passe à une lecture ludique. On cherche, devine, s’étonne de la ressemblance ou de l’éloignement des sonorités. Les Goldiechiari, duo de deux artistes italiennes, travaillent sur la société contemporaine en puisant leurs sujets dans l’histoire récente. Elles s’intéressent à la mémoire collective mais aussi aux oublis collectifs, aux faits et événements qui jalonnent le vingtième siècle et qui rappelés, éclairent un pan du présent. Genealogy of Damnatio Memoriae, Alsace est la dernière version d’une recherche autour du concept d’identité nationale qu’elles ont déjà abordée à plusieurs reprises à travers l’histoire italienne. Dans la Rome antique la damnatio memorae 30


était une condamnation post mortem à l’oubli. En inscrivant des faits, des dates, des noms sur leurs arbres, les Goldiechiari fouillent et ravivent certains épisodes, souvent douloureux, qui ont été décisifs et déterminant pour les années futures. À Sélestat, elles se sont penchées sur la germanisation des prénoms durant la guerre 39-45. Cette transformation a été vécue comme une perte d’identité souvent traumatisante pour ceux qui se sont vus, du jour au lendemain, remplacer leur patronyme au profit d’un autre, peu ou pas équivalent, puisé dans la langue ennemie. On le lit sur l’écorce des érables plantés dans la chapelle Saint Quirin, Anne est devenue Anna, Paulette, Paula, Monique, Monika, Armand, Hermann, Renée, Renate ou Maurice, Moritz. Pour accentuer la distance entre un prénom et son soit disant pendant, les artistes ont soigneusement utilisé deux typographies qui renvoient aux deux cultures en présence. La force de ce travail réside dans la sobriété des faits remémorés : des prénoms ont subi une légère variation phonétique ou ont été arbitrairement remplacés. L’atteinte à ces personnes a été morale et peut-être pas suffisamment spectaculaire pour être mentionnée comme fait marquant de l’histoire. Et pourtant, c’est dans les registres sélestadiens que les Goldiechari ont puisé leurs informations et de ce fait, elles toucheront intimement de nombreux visiteurs. Rendre hommage à ces victimes, porter l’épisode à la réflexion artistique, est un geste qui permet à un peu d’humanité de s’immiscer dans les froids regards contemporains. Sélest’art, 20e biennale d’art contamporain jusqu’au 27 octobre

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THÉÂTRE DIJON BOURGOGNE

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CENTRE DRAMATIQUE NATIONAL

Et si vous changiez d’avis sur

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LE BAL ROCK du VALLEY BAND et ses invités CHRISTOPHE, RACHID TAHA & SURPRISES PSYCHOPHARMAKA : OLIVIER CADIOT & RODOLPHE BURGER invitent STEPHAN EICHER & ANNA AARON

Festival

C'est dans

la Vallée 11e édition

BERTRAND BELIN YAYA HERMAN DÜNE & CHARLES BERBERIAN YVES DORMOY & GUESTS FRED POULET "LEVIATHAN" FACTEURS CHEVAUX HELL'S KITCHEN JEANNE ADDED DANIEL BAUR THE WOODEN WOLF DOMINO-E LE DUO LOUISON MORETTI ADRIANANS…

Location : www.fnac.com / www.digitick.com / FNAC / CARREFOUR / GÉANT / Office de Tourisme du Val d'Argent / Licence 2-1029801 & 3-1029802

Photographie : Dorian Rollin

Conception graphique : TUBS★MJHIU+médiapop


TRI PTI C

Triptic est une initiative de la Fondation suisse pour la culture Pro Helvetia et des Consulats généraux de Suisse à Strasbourg et Stuttgart. L’échange culturel est réalisé en partenariat avec le canton d’Argovie, Baden-Baden, les cantons de Bâle-Ville et Bâle-Campagne, le Territoire de Belfort, Colmar, Fribourg en Brisgau, le canton du Jura, Karlsruhe, Lörrach, Mulhouse et Strasbourg.

Echange culturel dans le Rhin Supérieur Kulturaustausch am Oberrhein

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TRI PTI C

octopabgnies dans 21 lieux e

TRI PTI C

Echange culturel dans le Rhin Supérieur Kulturaustausch am Oberrhein

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Echange culturel dans le Rhin Supérieur Kulturaustausch am Oberrhein

design graphique : studio punkat

TRI PTI C

Echange cultu dans le Rhin S Kulturaustaus am Oberrhein

17 projets culturels trinationaux De l’automne 2013 au printemps 2014 www.triptic-culture.net

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TRI PTI C

Echange culturel dans le Rhin Supérieur Kulturaustausch am Oberrhein


Serge Bozon Par Emmanuel Abela et Cécile Becker Photo Christophe Urbain

27.08

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Hôtel Hannong à Strasbourg


Rencontres

Les réactions à ton film Tip Top sont très tranchées. Pas de demi-mesure possible, même François Damiens a dit qu’il n’avait rien compris au film... Il l’a dit et l’a répété partout, mais je crois qu’il adore le film. C’est vrai qu’il n’a rien compris au scénario, pendant le tournage il se demandait vraiment ce que c’était. Mais ce n’est pas méchant, c’est quelqu’un qui s’en fout des scénarios, il ne les lit pas vraiment. Il apprenait simplement les dialogues et je ne lui donnais pas vraiment d’indications, tout simplement parce que le film a été écrit pour lui comme il l’a été pour Sandrine Kiberlain et Isabelle Huppert. Je lui avais dit que ce que je voulais c’était faire un film dans lequel on pourrait utiliser ce pour quoi il est très fort : la caméra cachée. C’est à dire une manière de dériver, d’amener les scènes vers quelque chose d’assez violent, mi-sordide, mi-drôle et dans lequel il puisse avoir une marge d’improvisation. Est-ce le cas pour la première scène où François Damiens arrive dans un bar et insulte les clients arabes ? Tout à fait. Je lui avais demandé d’improviser, mais il y a eu un petit problème. Dans cette scène, je voulais qu’il arrive dans le bar, qu’il déblatère, qu’il y ait la bagarre, le tout en deux plans. Le principe de base c’est que je voulais qu’il ne s’arrête jamais de parler, que ce soit comme un robinet d’insultes jusqu’à la fin. Malheureusement, ce n’est pas quelqu’un qui adore les cascades : François Damiens est quelqu’un de très craintif, même fragile, contrairement aux apparences. Donc dans cette scène, tout a été chorégraphié, il savait à quel moment il devait se jeter au sol, frapper. Du coup, il n’arrivait plus à parler. Au moment de la post-synchro, j’ai donc rajouté quelques insultes et cris lorsque son visage est caché. J’espère que ça ne se voit pas.

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— J e me suis dit que ce serait bien de faire un polar où il n’y a pas de truands, pas de flics… — Il y a une voix aussi qui a beaucoup de relief dans le film, c’est celle d’Isabelle Huppert. Elle est très tranchante, très marquée... Oui, c’est un peu comme certaines chanteuses, comme Diana Ross du temps des Supremes, elles avaient des voix très aiguës, très précises, presque comme un ciseau qui entaille, des espèces de voix qui sont presque agressives... Justement, comment a-t-elle réagi par rapport au scénario ? Tu lui donnes un rôle tout à fait incroyable ! Je ne pense pas qu’elle ait spécialement adoré le scénario, mais qu’elle a été intéressée par le fait de tourner avec moi. On a eu un premier rendez-vous où j’avais prévu quelques trucs à dire, comme toujours lorsqu’on rencontre une actrice pour la première fois... Malheureusement, je ne suis pas hyper calé en psychologie et, en plus, mes personnages sont relativement simples. Du coup, au bout de cinq minutes, je n’avais plus rien à dire... Elle a laissé ces instants arriver, ce qui me laissait le temps de réfléchir à ce que j’allais pouvoir lui raconter... Je lui ai posé des questions sur sa cinéphilie, sur ce qu’elle a pu vivre avec Pialat ou Preminger. En réalité, je lui ai très peu parlé de mon film. Je lui ai simplement dit que son personnage était quelqu’un de violent, de très autoritaire. Elle n’a pas accepté tout de suite, elle a d’abord demandé une lecture du scénario pour voir comment elle sentait les dialogues, c’est ça qui l’a décidée. Après, sur le tournage, pour être honnête, les débuts étaient un peu tendus, au bout d’un certain temps, de manière mystérieuse, tout s’est décanté. Pourquoi ce choix de la violence ? À la base, c’est un film adapté d’un livre de Bill James qui porte le même nom en anglais, c’est cette espèce d’humour agressif qui m’a donné envie de l’adapter. Après, pourquoi la violence ? C’est difficile comme question... Des fois, on veut tout casser parce qu’on est énervé. Ceci dit, il y a quelque chose de très mystérieux : quelles sont les choses heureuses qui donnent envie de tout casser ? Je peux donner un exemple : quand Laurel et Hardy foutent à feu et à sang tout un décor, c’est parce qu’ils sont contents. Je m’étais dit, tiens, il faudrait trouver une autre manière de répondre à cette question et d’y trouver une réponse qui soit liée à des femmes aussi violentes, qu’intransigeantes. Parce que le polar, en tout cas en France, pour caricaturer, c’est Marshall avec un verre de whisky, qui a de l’argent, des grosses voitures et des filles à gros seins. C’est toujours des hommes, des flics, des truands, une

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fascination réciproque, un certain rapport à la violence et à l’idée de corruption possible. Je me suis dit que ce serait bien de faire un polar où il n’y a pas de truands, pas de flics, que ce soit des femmes et que ce soit la police des polices. Plutôt que des coursespoursuites en bagnole, je voulais que la violence vienne de choses plus intimes. Il y a un côté semi crépusculaire dans le polar que, moi, je n’aime pas trop, je voulais que ce soit plus affirmatif mais aussi que les personnages soient très moraux. Oui mais les femmes présentent leurs failles tout de même... Bien sûr, mais ce sont des failles inhérentes à la police. Il y en a une qui matte, l’autre qui frappe, et elles travaillent toutes les deux à la police des polices. Or, travailler à la police des polices, c’est enquêter sur les possibles malversations de la police. Il y a deux grands risques : les bavures, taper, et puis mater. Surveillance illicite, écoute illégale... Finalement, elles reproduisent dans leurs vies privées ce qu’elles pourchassent dans leurs vies professionnelles. J’inscris ces rapports dans quelque chose d’un peu mental. Le monde arabe n’est pas présent dans le livre, pourquoi avoir choisi d’évoquer l’Algérie ? Tip Top est un film policier, il fallait qu’il y ait une enquête, donc un crime. À partir du moment où il y a un meurtre, on se pose la question de la nationalité de la victime. Là, elle est algérienne, c’est moi qui l’ai choisie. Ce petit truc hors champ de nationalité fait un effet d’entonnoir : le rapport à l’Algérie est comme une ombre qui s’étend sur le film. Peu à peu, ça obsède tous les gens. Damiens essaye de parler arabe, mal, il lit des bouquins sur l’Islam, son patron ne fait que regarder des images à la télé d’émeutes en Algérie, toutes les femmes du film sont attirées par des Arabes. Les Arabes du film, eux, peignent des tableaux en hommage aux grandes figures de l’histoire française. C’est un fantasme d’intégration poussé à son extrême. Mais en vérité, ce choix est plutôt intuitif. Ça faisait longtemps que j’avais envie de faire jouer Samy Naceri, j’y avais même pensé pour le rôle de Guillaume Depardieu dans La France. C’est vraiment pour des raisons liées aux acteurs, aux accents. Ne serait-ce que pour entendre Huppert parler arabe ou Damiens faire des erreurs de langage en arabe. Cette culture apporte beaucoup au film, mais concrètement, qu’est-ce que cela permet ? Si on prend Mystic River ou Million Dollar Baby, qui sont des films intéressants mais que moi, je trouve


Rencontres

un peu plombés et de l’autre côté Gran Torino qui est un film que je préfère, d’un coup il y a plus de fraîcheur, plus d’humour, une impression de présent. Il n’y a pas de grande noirceur venue d’outre-tombe. Je pense que ça vient du fait que Clint Eastwood se retrouve dans un univers étranger. Ça pose des scènes vraiment drôles de découverte de mœurs culinaires, religieuses, sociales et familiales qu’il ne comprend pas. Ça amène quelque chose de plus documentaire. D’un coup, le film paraît plus léger et je pense que c’est parce qu’il y a des étrangers dans le film. Si on arrive à utiliser des gens d’origine étrangère, ça met d’un coup des paliers où tout n’est pas négociable entre soi. Gérard Blain, quand il a fait Pierre et Djemila, une adaptation de Shakespeare, a choisi l’angle arabe. Bon, là ce qui est dangereux c’est qu’un des scénaristes était un mec d’extrême droite, les gens ont donc attaqué Blain en disant que le film était raciste. Personnellement, je pense que ce qui compte c’est le film... Cecil B. DeMille ou Howard Hawks étaient racistes, pourtant, ils ont fait de très bons films. L’idée de Gérard Blain était la bonne : en utilisant des gens d’horizons différents, il retrouvait quelque chose d’un peu tranchant dans les oppositions. On voit un Samy Naceri doux, attentif, apeuré... J’ai toujours pensé que Naceri avait un regard intéressant. C’est un acteur, comme Depardieu, qui dégage une impression un peu douloureuse, quelque chose de l’ordre de la tyrannie de l’expérience comme Johnny Cash. Mais Depardieu et Naceri ont quelque chose de juvénile : ils ont vécu mais n’ont pas ce côté donneurs de leçons de Daniel Duval ou Richard Bohringer. Chez Naceri, la souffrance ne devient pas une arme de séduction, on dirait un enfant un peu perdu. Trois mois avant le tournage, j’ai pensé à Naceri qui était un peu dur à trouver, il venait de sortir de prison, n’avait pas d’agent... Certaines personnes du film trouvaient que ce n’était pas une bonne idée de l’avoir dans le film, ils pensaient qu’Isabelle Huppert n’accepterait pas de tourner avec lui. Au contraire, elle a été très correcte et Naceri a été très précautionneux. Dans le cinéma, il y a une sorte de double peine, quand quelqu’un a des problèmes dans sa vie privée, ça se répercute sur sa carrière. Avec ce quatrième film, l’on commence à cerner ton univers et à y retrouver, forcément, une certaine musicalité. Peut-être dans Tip Top est-elle plus discrète, mais se retrouve dans les dialogues, dans les corps ? Mods était lié au garage, La France à la popsike. Dans Tip Top, je sors de ça. Il y a une danse, une seule

chanson, turque, du début des années 70 qui n’a aucun rapport avec la pop. Je me disais simplement en faisant Tip Top que je ne voulais pas encore faire un film lié à un genre musical, je voulais sortir de ce rapport à des cultures un peu rock, pop. En même temps, je reste intéressé instinctivement, même intimement aux choses liées à la musique ou à la danse. Et c’est vrai qu’une des premières choses qui avait choqué Isabelle Huppert, c’est qu’elle avait beaucoup trop de contraintes chorégraphiques. Elle trouvait que ce n’était pas naturel, que ça l’empêchait d’avoir une richesse de propositions d’acteur. Il faut reconnaître qu’ensuite, elle a été extraordinaire, on sentait que ça l’énervait et puis au bout d’un certain temps elle s’est laissée aller. Ça s’est plus que bien passé, elle a même surenchéri. Il y a cette scène avec Samy Naceri où il la soulève du sol en lui serrant les poings sur les joues, c’était très répété. À la fin de la scène, elle était censée faire un saut de l’ange, mais comme elle est petite, on a utilisé un trampoline. En fait, ça l’amusait tellement qu’au lieu de la faire deux ou trois fois, elle l’a fait douze fois. Sauf que le lendemain, elle a eu un déplacement des cristaux de l’oreille interne, et elle est allée à l’hôpital... C’est pour dire qu’elle est très, très généreuse. Elle y va vraiment à fond. Elle ne m’a jamais embêté pour ses scènes où elle saigne et est blessée, alors que la plupart des actrices auraient refusé pour une question d’image...

— Je voulais montrer quelque chose d’elle que l’on ne connaît plus. — Tu révèles chez elle une très belle sensualité. C’est quelque chose d’elle qu’on a un peu oublié. Chez elle, ce n’est pas ses rôles chez Haneke, chez Claire Denis ou chez Patrice Chéreau qui m’ont marqué. Et je pense que ça se voit. Je voulais montrer quelque chose d’elle que l’on ne connaît plus. Par exemple, sur Internet, on trouve des photos d’elle jeune, où elle est un peu ronde. Je voulais aller vers ça et partir vers cette image de quintessence de l’actrice mince que les spectateurs ont d’elle. Dans ce sens et dans sa perversité dans le film, je pense que ça a fonctionné. J’agite un peu les clichés quels qu’ils soient, je joue avec.

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Matthew E. White Par Vanessa Schmitz-Grucker

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Photo Vincent Arbelet


Rencontres

05.07

Festival des Eurockéennes de Belfort

La presque’île du Malsaucy s’apprête à ouvrir aux 33 000 festivaliers – le site affiche complet, j’y vois là l’aura naturelle de Billy Corgan mais c’est un avis qui n’engage que ma seule crédibilité – qui ont assiégé l’entrée, l’œil alerte, le cuir chevelu très chevelu et les godasses déjà pleines de boue. Ce qui, d’un côté, sonne comme le début d’une prise d’assaut, sonne, de l’autre, comme le tocsin au milieu d’une campagne paisible : managers, attachés de presse, journalistes, photographes, tous s’affolent pour boucler leur “timing-over-méga-serré” avant que l’ennemi désigné, le festivalier justement, en mode camouflage – odeur d’aisselles doublée de houblon –, campe déjà devant la grande scène pour adouber les jeunes Australiens d’Airbourne. Dans la panique générale, un homme, dont le calme n’a d’égal que la longueur des cheveux et de la barbe, marche près de l’étang de la Véronne. Matthew E. White nous a habitué à prendre son temps, lui qui a attendu des années avant de publier au début de l’année ce qu’on considère déjà comme l’un des plus grands albums de musique moderne made in US, le glorieux et fragile Big Inner. Une radio vient d’annuler une rencontre prévue. J’y vois l’occasion que je n’espérais plus d’un échange qui avait été programmé 3h plus tôt. Les choses rentrent dans l’ordre : l’entretien m’est finalement accordé. Avec un calme dont il est probablement le seul capable dix minutes avant d’entrer en scène, Matthew me propose de faire quelques pas le long de l’eau. Le propos modéré, le débit lent, le sourire posé, il revient sur “l’affaire Harrison”, notre regretté Beatles qui avait vécu son procès pour plagiat à propos de la chanson My Sweet Lord comme une tragédie. Bien sûr, l’artiste a cette histoire en tête quand il crédite Washington Phillips ou encore Jorge Ben sur son disque, mais il insiste : « C’est avant tout une façon de leur rendre hommage. Si une mélodie, un son me parle, j’ai envie de l’intégrer à ma musique, de le transposer dans mon univers. Tu peux magnifier ce que les autres ont fait avant toi et le partager avec des gens qui n’ont peut-être pas connu cet univers ni entendu ces musiques-là. Mais c’est aussi une forme d’honnêteté intellectuelle. Je ne veux pas entendre “Hey, t’as pas piqué ça à Jimmy Cliff, mec !”. Non, je ne veux pas vivre la même chose qu’Harrison, j’ai fait le choix d’une transparence sans conditions dès le début ». Tous ceux qui auront écouté Big Inner n’auront peut-être pas saisi le rapport à Jimmy Cliff, moi la première. Il rit : « Je sais. En fait, c’est plus subtil que ça. Les musiques populaires, tu n’y échappes pas, elles font partie de ton univers sonore, de ta culture musicale, parfois malgré toi. Je ne cherche

pas une source d’inspiration chez Cliff ni chez Jorge Ben non, c’est juste qu’à un moment j’ai été touché par la musique, ce sont des choses qui arrivent comme ça sans que je le cherche particulièrement. On est pris dans des courants, il ne faut pas le nier et rester transparent ». Ça change tout. Big Inner sonnerait plus comme... au hasard Van Dyke Parks [musicien californien, arrangeur et producteur du fameux Smile des Beach Boys, du premier album de Randy Newman ou de Rufus Wainwright, ndlr] ? « Musicalement, pas tant que ça finalement. Je me reconnais plus dans les valeurs qu’il véhicule et dans la communauté d’artistes à laquelle il appartient. J’adore ce qu’il fait, c’est un grand compositeur et un songwriter né. Je suis davantage touché par ce qu’il incarne. Mais c’est vrai qu’à L.A. aucun arrangeur n’échappe à son influence. Peut-être que mon album aussi, en fait ». On est arrivé au bout de la presqu’île. Un coup d’œil rapide sur ma montre, il monte sur scène dans 3 minutes et reste imperturbable. J’ose une dernière question : peuton retranscrire la complexité des arrangements de Big Inner sur scène ? « Jouer en live et enregistrer en studio sont deux choses totalement différentes. On doit l’aborder autrement. » À l’occasion d’une session acoustique pour le Mouv’ on constate que la fragilité rythmique de ses chansons est restituée sur scène, même si ces musiciens cherchent, notamment du côté du blues touareg, à structurer le tout. « Sur scène, je suis accompagné de 13 personnes. Les possibilités sont riches mais je ne sais pas dans quelle mesure ce sera un échec ou un succès. Je ne peux même pas miser à l’avance sur l’énergie ou la dynamique du set ». Comme pour certains gospels, Matthew E. White cherche la grâce de l’instant, mais il le fait avec un naturel qui peut le conduire loin dans l’émotion. « Ma foi, on a eu la chance de beaucoup se produire mais ça ne se passe jamais deux fois de la même façon. On peut se faire une idée mais on ne peut pas savoir à l’avance. Tu ne sais pas ce qui marchera ou ce qui ne marchera pas sur scène. On est un groupe et on essaie, ensemble, de faire vivre le show ».

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Eurockéennes 2013

Photos : Vincent Arbelet

Fidlar 05.07 « Fuck It Dog, Life’s A Risk ». Voyez-y une provocation. De toute façon, être californien et servir du punk est déjà, en soi, une provocation. Alors oui, ça braille, ça jure, ça boit, ça s’excite mais on aime tellement ça ! (VSG)

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Rencontres

Lou Doillon 06.07 Il y a quelque chose de proprement ahurissant chez Lou Doillon, c’est naturellement sa voix. Quelle que soit l’orchestration de l’instant, jazz ou folk, le petit bout de femme se situe toujours au-dessus avec une majesté qui fascine. On se prend même à se dire qu’avec une approche plus rock, elle pourrait rivaliser avec la grande Patti Smith elle-même. (JG)

The Vaccines 07.07

Tame Impala 07.07

Cette 25 édition a rencontré quelques loupés amusants. Après Trash Talk remplacé au pied levé pour avoir raté son avion, c’est le matériel des Vaccines qui est resté coincé sur la route. Grands Seigneurs, les Palma Violets ont prêté leur matos aux Londoniens qui ont servi un set chaud et enjoué malgré la désertion d’un public un brin impatient... (VSG)

Quel est le point commun entre Airbourne et Tame Impala ? Ils débarquent tous deux de la planète Australie pour nous servir une musique aussi rock que délurée. Armés de kazous et de rythmes psychédéliques, les Tame Impala se situent quelque part « entre la nébuleuse d’Orion et la bave d’escargot » pour reprendre les termes de leur label. Nous, on a surtout entendu un set sucré, cadencé et cadré, avec l’assurance des grands noms de l’indie-rock. (VSG)

ème

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Eurockéennes 2013

A$AP Rocky 06.07

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« Pussy Money Weed, that’s all a nigga need », besoin de traduction ? Jugez plutôt. Rakim Mayers, 24 ans, originaire d’Harlem arrive avec une demi-heure de retard sur scène exhibant un pochon de Marijuana, avant de faire l’apologie de la codéine, son « Purple Drink », magique et indispensable. C’est simple, il suffit de son élixir violet, de billets et d’une bonne dose de « swag » pour arriver à ses fins : se taper des « petits culs blancs », enfiler des vêtements griffés, boire, se défoncer et de beaucoup d’arrogance pour s’auto-proclamer le seul rappeur qui vaille. Derrière ce discours élevé à l’ego trip, un parfum d’authenticité mais surtout, de renouveau de toute une scène hip-hop. Un rap cru, instinctif, poussé par des basses lourdes, des mélodies ambient, biberonné aux sons haletants du sud et empreint de modernité. En concert, il passe le plus clair de son temps à traiter son public de « Motherfuckers », lui, ravi de tant de mauvaises attentions. Fascinant. Un personnage monté de toutes pièces qui finira par se mêler au premier rang pour stopper une bagarre entre deux kaïras et par nous lancer des bouteilles d’eau, comme un enfant surexcité, pour que l’on se désaltère. Une énergie primaire. Un souffle d’air frais. (C.B.)


Rencontres

Two Door Cinema Club 24.09

Par Estelle Neveux Photo Léa Fabing

Festival Cabaret Vert à Charleville-Mézières.

Vous avez dit récemment qu’il n’y avait pas tant de groupes anglais qui pouvaient rivaliser avec vos ventes et votre présence sur scène. D’après vous, cela est dû à l’accessibilité de votre musique. Pourquoi ? Sam Haliday : Quand on a commencé à jouer ensemble, nous étions adolescents et n’étions pas particulièrement accessibles. Nous étions trop indulgents envers nous-mêmes. On a trouvé beaucoup plus sympa de jouer une musique plus immédiate. On aime l’idée que les gens aiment notre musique... À chacun de nos concerts, les gens dansent, reprennent les paroles, c’est très appréciable pour nous. Quelle sorte de musique jouiez-vous, adolescents ? Du mauvais rock ! Et pourtant, notre influence principale était la pop. Je suis un grand fan des Beatles ou de Bowie, des artistes qui savaient ce que signifiait la pop music dans toutes ses formes. Je pense que la musique pop était plus variée qu’aujourd’hui. De tout temps et quelle que soit l’écoute de l’instant, les Beatles m’ont toujours accompagné car ils étaient inventifs et uniques.

La notoriété, le succès, n’incitent-ils pas à pousser plus loin l’expérience de la musique ? Alex Trimble : Oui, je voudrais faire des choses différentes avec la pop. Ce qui importe au final, c’est la musique qui en résulte. On peut tenter des choses, seuls, mais en les travaillant collectivement, cela nous conduit vers d’autres sphères. Nous avons beaucoup fonctionné ainsi pour le second album. Avec des groupes comme le vôtre, mais aussi Phoenix, et là avec le retour de Franz Ferdinand, le format pop semble revenu en force. Est-ce un signe des temps ? C’est génial que ce genre de musique revienne. Ces derniers temps, trop de musiques étaient construites sur la base d’une structure électronique très formatée. C’est bien que des gens veuillent faire quelque chose de différent de ce que l’on entend depuis quelques années. Mais la pop n’est jamais complètement insouciante. Qu’en dites-vous ? Ce qui importe véritablement, c’est la manière d’aborder les choses. “Pop” signifie “populaire”, les gens cherchent donc quelque chose à quoi s’identifier : ils ne se soucient guère de savoir si c’est joyeux ou triste, qu’il y ait une guitare ou un clavier ; peu importe l’instrumentation, la musique leur donne le sentiment d’être libres. 43


Cloé Korman 14.09

Par Betty Biedermann Photo : Ludmilla Cerveny

le Livre sur la Place à Nancy

Les saisons de Louveplaine entraîne le lecteur au fin fond des tours d’habitations, architecture hostile qui accueille pourtant des cœurs des plus chauds. Comment s’est déroulée la rédaction de ce roman ? Une chose que je retiens de Louveplaine, c’est que les sensations éprouvées lors de l’écriture étaient très différentes du roman précédent. Entre les deux, j’ai suivi le fil de l’émigration : dans Les HommesCouleurs, des ouvriers mexicains traversaient la frontière vers les États-Unis en piratant un site industriel dans le désert. C’était un road movie où je pouvais brûler les décors. Les lieux des scènes que j’avais créés, je pouvais les oublier au fur et à mesure. Avec Louveplaine c’était très différent. C’est une ville imaginaire et en même temps que j’ai voulue très réelle dans le sens où il fallait que j’arrive à situer les lieux les uns par rapport aux autres. Je voulais procurer au lecteur la sensation physique de la ville et des lieux les uns par rapport aux autres, et je me rendais compte que ça tenait aussi du rôle politique de cette expérience-là, c’està-dire que la banlieue, souvent on reste à l’extérieur, on voit juste les images à la télé… Et même ceux qui la connaissent n’arrivent pas à la partager, dans ce qu’elle peut avoir de joyeux.

On a parlé de l’atelier d’écriture amateur à la Courneuve, quelles ont été vos autres inspirations ? Au départ, c’est simplement l’histoire d’une femme amoureuse, Nour, qui cherche son mari disparu et essaye de faire face à ce lieu où il a vécu. Peu à peu en suivant le trajet de Nour je me remémorais les histoires de romans gothiques à l’anglaise, les sœurs Brontë… Ce genre de roman où l’héroïne fragile arrive dans un lieu hostile ; et cette banlieue avec ce qu’elle peut avoir de minéral, les tours grimaçantes, la hauteur architecturale qui écrase les passants, le tissu urbain trop lâche pour qu’on le traverse avec le cœur léger… C’était une version urbaine de ces atmosphères rurales des ruines anglaises. Après, Nour s’approprie ces lieux, c’est cela aussi l’histoire à raconter, c’est une rencontre : elle doit s’en remettre à ces bandes d’adolescents qui ont fait affaire avec son mari dans des business qu’elle trouve de plus en plus inquiétants. J’avais à l’esprit bien sûr des films et des romans de gangs, une criminalité sordide mais je voulais aussi qu’il y ait une atmosphère d’école buissonnière, quelque chose de joyeux ! Ces adolescents c’étaient aussi des Antoine Doinel, je souhaitais aussi insuffler ce ton-là. Cloé Korman, Les Saisons de Louveplaine, Seuil

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Rencontres

Ted Milton (Blurt) 29.08

Par Guillaume Malvoisin Photo : Pierre Chinellato

Festival Météo à Mulhouse

Où en êtes-vous avec la musique de Blurt aujourd’hui ? Tu le sauras ce soir... Toujours autant de plaisir d’habiter cette maison-ci ? Oh oui, c’est ma préférée ! Et j’ai pu y construire des extensions avec la poésie, l’électronique et d’autres musiciens. Une chose ne change pas, vous n’utilisez toujours pas de basse... Il y a plus de possibilités rythmiques ainsi. Vous débutez pourtant dans la même écurie que Joy Division et la new wave où la basse tenait la baraque... Je n’ai jamais écouté ce qui se faisait à cette époque, j’étais resté un auditeur assidu des radios punks et des Sex Pistols. J’ai pu absorber d’autres influences comme celles du jazz, de Buddy Holly, de Bartók ou de la musique africaine. Il m’a fallu me débrouiller, je ne lis toujours pas la musique et je n’ai pas de réelle technique. Je fais tout à l’oreille. Vous vous décrivez même comme un sax de seconde zone. J’ai lu ça dans le programme, je ne sais pas où ils ont trouvé ça ! C’est votre site web qui parle de manque de confiance. Ah ! Peut-être... Il y a un peu de frustration due au manque de technique mais cela m’a permis de pouvoir faire le bruit que personne d’autre ne faisait. Et je pratique assidument le saxophone.

Peut-on vous rapprocher de la Beat Generation ou du dadaïsme ? Je me sens proche de l’esprit de ces gens-là, comme Jarry et la pataphysique. Quand j’étais môme, je lisais aussi beaucoup de poètes russes. Je me souviens d’un disque où un poète déclamait, il m’a profondément marqué. Quel est votre rapport avec le jazz, je pense à Monk en vous écoutant ? J’en ai beaucoup écouté et... Oh Monk, merci, c’est un dieu pour moi ! Il y a aussi Howlin’ Wolf. Le jazz... Oui... Si tu écoutes bien un album comme le Live At Massey Hall de Parker, tu entends les gens écouter, c’est puissant. C’est quelque chose que vous recherchez en scène ? J’en ai besoin ! À quoi pensez-vous au moment de monter en scène ? Je ne suis pas spécialement nerveux. Parfois je dois improviser mais je déteste faire ça. Là je suis vraiment nerveux, c’est très désagréable. La seule question que je pose c’est « vais-je avoir l’énergie pour ce show ? ». Tu ne sais jamais si ça va marcher, qui il va y avoir en face de toi, ce qu’il va vraiment se passer.

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Zippo

raid À l’occasion de la sortie du coffret Clash Sound System, Mick Jones, Paul Simonon et Topper Headon se sont livrés au jeu de la conférence de presse : une rencontre inespérée qui nous replonge dans l’une des plus belles aventures rock.

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Par Emmanuel Abela

Jeudi 12 septembre, un peu après 17h, Théâtre du Palais des Glaces, dans le 10 e arrondissement à Paris. Avec Philippe, nous sommes les premiers à entrer dans la salle. Les premiers rangs sont réservés à la presse, mais la rencontre est ouverte à un public invité. On y croise notamment de toutes jeunes punkettes qui échangent sur la disparition de Malcolm McLaren en 2010. Le temps n’a plus de prise : 1977, 1983, 2013, tout semble se comprimer de manière presque irrésolue. Les images qui défilent en boucle à l’écran – une animation du contenu du coffret qui vient de sortir, la chanson 1977 à la fois en vidéo et en live, un vague ricanement de Joe Strummer en studio – contribuent à nous faire perdre un peu plus nos repères. D’autres images défilent dans la tête : pour chacun d’entre nous, London Calling a servi de déclencheur ; sa pochette naturellement, avec une typographie inspirée par celle du premier album d’Elvis, signifiait qu’un temps nouveau du rock était possible – « Revolution rock / Brand new rock / A bad bad rock ». À titre personnel, je me souviens que l’achat du disque constituait en lui-même un instant de bascule. Il me permettait non seulement de rejoindre la cohorte des mauvais garçons qui arboraient avec fierté les badges du groupe au collège, se distinguant ainsi de la masse. Il me permettait pour la première fois de me confronter à une véritable expérience rock, non pas en différé, mais en temps réel. Avant même de l’écouter, les paroles manuscrites – « Everybody say’ what’s he like? Everybody say’is he allright ? Everybody say’ he sure look funny. That’s… Montgomery Clift, Honey! » – et les photos en vignettes m’entraînaient vers un territoire dont je ne voulais plus jamais revenir. La musique était mienne comme aucune musique ne l’avait été auparavant. En tout cas, elle me semblait celle de mon temps.

Alors que le rideau du théâtre restait fermé et que repassaient pour la troisième fois les mêmes images, me revenait en tête l’instant de découverte de Sandinista! en K7 ! Dieu que ce triple album est déjà long en vinyle, mais en K7, il semble ne jamais se terminer. On échange à ce propos avec Philippe : alors oui, bien sûr, Sandinista! est riche de toutes ces petites choses presque négligeables, parodie de valse, bluette jazz ou pastiche disco ; tout comme le White Album des Beatles, il aurait mérité une version condensée, mais au final il contient l’essence même d’un groupe qui s’ouvre au monde, comme il nous ouvre au monde, et va chercher, à la manière du gars qui tourne le bouton de sa radio, la musique là où elle se niche, y compris dans des terres nouvelles. Et puis, on se l’accorde tous les deux, il s’ouvre sur ce qui reste une immense réussite, un chef d’œuvre absolu en phase avec son temps, Magnificent Seven, tout comme il réserve des classiques du genre à ceux qui le parcourent en intégralité, Somebody Got Murdered ou The CallUp, des morceaux qui perdent toutes leurs saveurs, une fois isolés de leur contexte dub ou reggae mouvant. On se remémore ensemble la diffusion du film Rude Boy, un soir de 1982 sur Antenne 2. Des quatre coins de la France, les mômes formulaient, les yeux grands ouverts, le même rêve rock en couleurs devant leur poste. Et puis, il y eut cette séparation vécue comme un drame absolu, dans la confusion la plus totale, dont on découvrait le récit dans nos magazines habituels, Rock&Folk ou Best. Le matin même du départ pour Paris, j’évoquais par SMS à une amie le désarroi engendré par leur séparation à l’époque : « Nous, on naissait et eux, ils disparaissaient ! ». The Clash est peutêtre le seul groupe au monde à avoir implosé au moment où il atteignait le sommet. Certains rajouteraient sans avoir eu le temps de se retrouver dans l’impasse artistique et tout en conservant leur part de mythe. Plus James Dean donc qu’Elvis, plus Buddy 47


Holly que Vince Taylor, plus Clash tout simplement. « No Elvis, No Beatles, No Rolling Stones in 1977 » hurle Joe Strummer dans une énième diffusion de la vidéo. Il y a forcément dans ces moments-là une petite part d’incrédulité : à quoi peut rimer une rencontre avec The Clash en 2013, sur le lieu même de leur premier concert parisien, 36 ans après ? Journalistes et fans partagent sans doute la même part de fétichisme. Nous n’y échappons pas, loin de là… Des rires derrière le rideau, et voilà la bobine rieuse de Mick Jones qui fait une apparition furtive, à la manière de ces artistes qui cherchent à savoir s’il y a du monde dans la salle. La salle est remplie de manière tout à fait raisonnable pour un échange qui restera intimiste. Et quand le rideau s’ouvre, le groupe simule l’entrée des stars, un à un, à l’invitation du journaliste Bruno Blum, sous les applaudissements, y compris des journalistes. Topper Headon, le batteur, Paul Simonon, le bassiste, et Mick Jones, le guitariste, semblent

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ravis de venir parler de la sortie d’un coffret sur lequel ils ont travaillé pendant trois longues années. « L’une des conséquences de ce travail sur le coffret, c’est le retour de Topper à nos côtés ». Visiblement ému de se retrouver avec ses deux camarades, Topper Headon manifeste une joie non feinte : « C’est super de se retrouver à Paris, et puis ce théâtre n’a pas changé depuis l’époque ! ». Comme toujours, en pareille occasion, les questions mettent du temps à être exprimées et la relation bon enfant qui s’installe conduit nos trois lascars à relater moult anecdotes : Topper rapporte qu’en présence de Marc Zermati, l’organisateur de leur


gaz lacrymogène. Eux qui réclamaient sur scène une White Riot en étaient régulièrement pour leurs frais, notamment à Hambourg en 1980. Le malentendu est venu du fait « qu’ils nous avaient pris pour des fascistes, c’est-à-dire exactement le contraire de ce qu’on est, relate Topper. Du coup, ça s’est vraiment mal passé ». Mick poursuit le récit : « Comme il n’y avait pas de sortie à l’arrière, nous avons dû nous battre. Joe a donné un coup de guitare à un flic, et nous nous sommes faits arrêter ». Au détour de la conversation, ils reviennent sur leurs propres influences et citent bien volontiers, avec un respect qu’ils n’affichaient pas en temps réel, le « top 5 » de la pop anglaise : les Beatles, les Stones, les Kinks, les Who et les Small Faces. « Chaque fois qu’ils enregistraient, ils s’attaquaient à quelque chose de très différent », insiste Mick Jones, comme pour justifier rétrospectivement les propres changements d’orientation du Clash à chaque nouvel album. « Dans chacun de leurs disques, ces artistes nous expliquaient comment il fallait vivre. Les choses ont bien changé dans le domaine du business, mais il me semble que la musique devrait nous permettre de vivre mieux ». Dans un bel hommage à Joe Strummer, il rappelle qu’« à la lecture de ses paroles la musique était déjà là. Il suffisait de lire pour qu’elle vous saute aux yeux ! ».

— À la lecture des paroles de Joe Strummer la musique était déjà là. Il suffisait de lire pour qu’elle vous saute aux yeux ! —

premier concert parisien, le groupe s’était vu encerclé dans une rue par un gang mafieux lors de sa première apparition dans la capitale : « Nous étions un peu nerveux. Une bagnole est arrivée, un gars en est sorti, il avait l’air d’un gangster avec une canne et des bijoux en or. Nous lui avons expliqué que nous étions The Clash et que nous venions d’Angleterre. Le gars a rappelé ses troupes et il nous a laissé partir ». Mick Jones s’amuse rétrospectivement de sa ressemblance avec Charles de Gaulle, mais « avec de longs cheveux ». Une situation préoccupante comme ils en ont vécu plus d’une, leurs sets se terminant souvent dans la fumée du

Alors qu’ils venaient de se replonger eux-mêmes dans leurs propres sources rock, je me permets de leur rappeler que quand on l’a interrogé dans Mojo sur le disque qui avait changé sa vie, Bo Diddley avait répondu qu’il s’agissait de leur premier album. Une marque de respect presque surprenante de la part d’un des pionniers du rock et rhythm’n’blues, de plus de vingt ans leur aîné. « C’est sympa de nous dire cela ! Mais il faut surtout rappeler combien ses disques ont changé nos vies à nous ! », répond Paul. « Notre admiration était mutuelle », enchaîne Topper. Mick, lui, rappelle la chance qui a été la leur de pouvoir l’inviter sur leur tournée aux États-Unis en 1978. « Dans le bus, c’est sa guitare [sa fameuse Gretsch Eletromatic rectangulaire, ndlr] qui dormait. Lui, il faisait la fête avec nous toute la nuit ! ». Ce qu’il nous apprend rejoint la légende : « Bo Diddley était un policier honoraire, il avait sur lui la plaque qui l’attestait. Un jour, les policiers sont montés dans le bus et nous ont arrêtés. Bo a montré sa plaque et il a tout arrangé ». Comme ils traversaient les États-Unis dans le bus de Dolly Parton – « Devinez qui s’est attribué le grand lit ? » –, ils ont fait croire lors d’une nouvelle arrestation que c’était la star country qui se reposait à l’arrière alors que c’était Bo Diddley. Fou rire général. Paul Simonon demande l’autorisation de s’en griller une, les autres le rejoignent dans un joyeux concert de claquements de briquets

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Zippo. Profitant de l’instant, Topper insiste dans une sorte de défi lancée à la vie sur le bonheur d’être là, « sobre et clean, alors qu’[il] avait le sentiment de s’être perdu longuement en mission ». Au moment où l’on apprend qu’après ses années d’addiction, malgré la lutte qu’il a engagée lui-même pour retrouver la santé, il ne joue malheureusement plus de batterie, Mick Jones nous évoque avec gravité « la lutte contre le temps ». D’où cette démarche rétrospective autour du coffret Clash Sound System, mais aussi de l’exposition qu’ils ont montée à Londres sur la base d’archives et d’artefacts sous le titre Black Market Clash: The Pop Up Store et qu’ils souhaitent présenter un jour à Paris. « Là, nous avons commencé à réunir des objets ayant appartenu à Joe. Désormais, Topper nous apporte les siens. Cette opération est amenée à évoluer dans le futur. Nous allons pousser beaucoup plus loin la réalisation de ce type d’expositions à l’avenir ». On sent chez les trois la volonté de maintenir vivace la mémoire de « leur » groupe, quitte à écarter les petites choses qui fâchent : à ce titre, l’absence dans le coffret de l’album très moyen Cut the Crap que Joe et Paul ont enregistré en 1985 – le « gay Clash » raillé au profit du « real Clash » –, en dit long sur la volonté de sanctuariser la période sans fausse note de 1977 à 1982. Bien que l’on sent une affectivité – voire une susceptibilité – demeurée intacte, la démarche est presque louable en soi : personne ne regrettera les petites relectures de l’histoire au profit du mythe. Aujourd’hui, le constat est là : le premier LP et London Calling sont des classiques, Sandinista! constitue un disquemonde qui révèle sa part de secret à chaque nouvelle écoute, Combat Rock est le disque de la conquête planétaire, mais The Clash, c’est plus qu’une histoire musicale : chaque single publié, chaque apparition du groupe à la télévision, chaque instant partagé en concert était l’affaire d’une génération toute entière, résistante, militante, qui grandissait en même temps – on se prend même à croire que les années 80 n’auraient pas été aussi cyniques si le groupe avait poursuivi l’aventure et occupé le terrain médiatique, mais avec lucidité on est obligé d’admettre que c’est justement ce cynisme des années 80 qui l’a anéanti. Alors, il reste un héritage qui dépasse le simple cadre d’une boîte et de ses disques bonus et autres stickers : une attitude peut-être même si le mot semble faible, non pas aveuglément contestataire, mais vigilante. Quand vers 18h30, on laisse le public et les journalistes se ruer vers une séance d’autographes improvisée, nous nous amusons, attendris, de ce gimmick adolescent tout en sachant que derrière chaque édition de London Calling marqué des trois signatures c’est un pan de l’histoire – notre histoire – qui s’est inscrit au bout de la plume. Coffret The Clash Sound System, 11 CD et DVD, Sony Music. MICK JONES, en concert au festival C’est dans la Vallée à l’occasion du Bal Rock avec le Valley Band (Rodolphe Burger, Rachid Taha, Christophe + guests) le 19 octobre à Sainte-Marie-aux-Mines.

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Brand new rock

Il a toujours été au côté du Clash. DJ, musicien et cinéaste, en passeur, Don Letts a accompagné le groupe dans sa quête de sons nouveaux. Présent de manière très discrète, il s’est livré bien volontiers au jeu de l’entretien. Vous avez accompagné The Clash tout au long de leur carrière, en tant que DJ, mais aussi en tant que cinéaste [pour les films Clash on Broadway et Westway to the World, ndlr]. Parlez-nous de l’amitié qui vous lie ? Notre amitié est basée sur notre amour commun pour la musique jamaïcaine. La connexion est née de là. Je leur apportais ce que je savais du reggae et eux ils me livraient le punk ! J’étais très intéressé par le punk, et notamment par le DIY [le “Do It Yourself”, ndlr]. Grâce à cette énergie fondamentale du punk, tout le monde voulait être impliquée ! Eux, ils ont pris leur guitare, et je me suis dit : « je dois prendre quelque chose moi aussi ». Et je me suis muni d’une caméra Super 8. J’ai ainsi pu devenir “Don Letts, le réalisateur”. Très tôt, le Clash a fait des reprises reggae, dont le mythique Police and Thieves de Junior Murvin, produit par Lee Perry. Quelle a été leur réaction au moment de la sortie du disque ? Junior, je ne sais pas ce qu’il en pensait, par contre Lee Perry a estimé que le Clash avait totalement “ruiné” le morceau ! Il avait détesté cette version. Moi, je trouve sa réaction plutôt amusante. Si le Clash avait copié le morceau, Lee Perry, ça lui aurait peut-être plu, mais ça n’aurait présenté aucun intérêt. Joe, Paul et Mick ont apporté ce qu’ils savaient faire : ils l’ont interprété à leur manière, dans une version punk. C’était forcément différent, mais c’était leur version ! Vous avez beaucoup côtoyé Joe Strummer, vous l’avez filmé et interviewé. Audelà de l’homme de combat, on découvre aujourd’hui une personnalité complexe, profondément mélancolique… Oui, Joe était constamment en train

de se battre, il interrogeait la vie sans cesse. Il était passionné par la manière dont vivaient les gens. Il était exigeant avec lui-même, et ne cherchait pas l’apaisement en se disant : “ok, nous l’avons fait, et c’est bien comme ça !”. Il n’a surtout trouvé aucune joie dans le succès. Quand il s’est fait de l’argent, il s’est immédiatement posé la question de savoir quoi en faire. Avec ses hauts et ses bas, ce qui lui importait le plus au final c’était le sort des gens au quotidien. Vous apparaissez sur la pochette de Black Market Clash avec une photo très célèbre. Pouvez-vous nous raconter les conditions de cette prise de vue ? Vous voulez la vérité ? Ce que la photo ne montre pas c’est que derrière moi, il y a des centaines de manifestants noirs qui jettent des briques et des bouteilles sur la police. Face à moi, je vois les policiers, et quand je me retourne je constate que les émeutiers s’approchent. À ce momentlà, je prends conscience que j’ai plutôt intérêt à quitter l’endroit. Je ne suis pas en train de danser ! Je ne savais pas que la photo avait été prise à ce moment-là ! J’étais juste en train de filer... Quand vous avez découvert la photo de Rocco Redondo, quelle a été votre réaction ? Hey, j’étais vraiment flatté d’apparaître ainsi sur ce disque. J’étais un grand fan du groupe, autour duquel naissait une vraie émulation à ce moment-là ! Oui, j’étais flatté, mais aussi profondément touché. En plus, il s’agit d’un bien bel album [en fait, une sélection de morceaux inédits avec une face punk et une face dub sous la forme d’un vinyle 25 cm]. Oh oui, un disque génial, une pochette géniale, une musique géniale !

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Par Emmanuel Abela

Le noir lui va si bien Noir c’est pas si noir, et au bout finalement un espoir, une énergie, une symbolique magnifique. Le festival Touch of Noir revisite le noir dans la musique et le cinéma.

Down by Law

Contrairement aux idées reçues, le noir rayonne. Investi du symbolisme lié à la peur qu’engendre l’absence de lumière, les auteurs n’ont pourtant cessé de magnifier ses vertus, comme Oscar Wilde dans Salomé – « Les longues nuits noires, les nuits où la lune ne se montre pas, où les étoiles ont peur, ne sont pas aussi noires » – ou comme Baudelaire qui se laisse aveugler par le noir tendant vers la lumière – « en elle, le noir abonde : et tout ce qu’elle inspire est nocturne » – ; d’autres ont cherché à interroger sa valeur picturale, comme Van Gogh qui situe, dans une lettre adressée à son frère Théo, sa valeur symbolique dans l’œuvre de Franz Hals. Au point que certains en ont conclu à la sublime énergie dispensée par le noir. Film noir, roman noir, série noire, musique noire, le noir fixe l’instant, titille délicieusement les sens et donne l’impulsion et le tempo. Depuis 6 ans, des concerts jazz, projections et cinéconcerts célèbrent sa présence dans le cadre du festival Touch of Noir au centre culturel régional Opderschmelz, dans la ville de Dudelange, à la frontière entre la Lorraine et le Luxembourg. Cette année, deux classiques en noir et blanc sont à l’honneur : on pourra redécouvrir en ciné-concert le chef d’œuvre muet de Carl Dreyer de 1927, La Passion Jeanne d’Arc, avec la désarmante Maria Falco-

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netti en prise avec un certain Antonin Artaud, sur une musique minimaliste de Franz Hausemer, mais aussi Down by Law de Jim Jarmush parmi les Trésors de la Cinémathèque. À revoir aujourd’hui ce petit bijou de noirceur, on mesure son importance parmi la production des années 80. Alors que la création cinématographique mondiale plonge dans le post-modernisme – avec des effets dévastateurs aussi bien aux États-Unis qu’en France –, Jim Jarmush revisite en 1986 l’univers des films noirs américains avec une touche Nouvelle Vague. Tom Waits et John Lurie campent à merveille leurs personnages de petits losers, un DJ et un proxénète qui se retrouvent emprisonnés après s’être fait piéger. Dans une série de scènes cultes – « I scream, you scream, we all scream for ice cream » –, Roberto Benigni vient les sortir de ce mauvais pas, avec candeur. Il est magnifique dans la scène où il évoque son Italie natale et la façon qu’avait sa mère de tuer le lapin, avant de le préparer : un geste évoqué avec nostalgie, mais aussi dans la crainte de l’infanticide et de la mort. Les paysages et la bande-son signée conjointement par Tom Waits et John Lurie provoquent une belle émotion dans ce road-movie d’un genre nouveau, statique et contemplatif, qui n’a rien à envier aux meilleurs films de Wim Wenders. TOUCH OF NOIR, festival du 14 au 25 octobre (ciné-concerts de Down by Law le 21, La Passion Jeanne d’Arc le 23) au centre régional culturel Opderschmelz, à Dudelange (Luxembourg). www.opderschmelz.lu


Par Emmanuel Abela

Photo : Frédéric Godard

La trop longue nuit

Le cycle Janácek s’achève à Strasbourg avec une cinquième mise en scène de Robert Carsen : l’œuvre lyrique ultime du compositeur tchèque, De la maison des morts. Pour son dernier opéra, alors qu’il est à l’apogée de sa gloire comme l’un des représentants de la culture tchèque, Leoš Janáček, a choisi d’adapter l’ouvrage de Dostoïevski, Souvenirs de la maison des morts. Composé entre 1927 et 1928 et créé deux ans plus tard à titre posthume, l’opéra De la maison des morts raconte l’éprouvante expérience du bagne. Avec le souci de respecter le texte original et la volonté de s’inscrire dans une démarche primitive sur la base de motifs répétés, avec une vocation primaire et brut, le compositeur lui-même librettiste pour l’occasion, a cherché à révéler l’essence même d’une humanité portée à nue. Laquelle retrouve là sa part d’innocence. La sécheresse du livret est à mettre en rapport avec la dureté des conditions de vie dans le camp : nulle présence féminine, nulle tentative narrative, nul échappatoire possible ; exposé cruellement aux affres de l’enfermement, l’homme est livré à lui-même. Et pourtant, loin de toute complaisance, le sentiment de compassion vient éclairer cette œuvre visionnaire qui anticipe la création des premiers camps en Allemagne, moins de 3 ans après, et au-delà de cela, les tentatives d’une humanité qui tentera désespérément de s’affranchir de la barbarie. Ce cinquième volet vient clore le cycle consacré à Janáček, après Jenůfa, puis L’Affaire Makropoulos, Kat’a Kabanova, La Petite Renarde rusée – quatre figures féminines, quatre destinées –, que Marc Clémeur a confié à son arrivée au metteur en scène Robert Carsen. Ici point de figure féminine, mais toujours cet amour éperdu pour la voix chez Janáček, qui inscrit son récit une nouvelle fois dans le quotidien – la dramaturgie

annonçant la création d’un système qui va plonger l’humanité dans l’abyme – dans ce qu’il présente soit d’insignifiant soit d’exceptionnel. Le metteur en scène nous le disait, il y a de cela quelques mois : « D’un opéra à l’autre, la cohérence de Janáček vient de Janáček lui-même. On ne trouve pas de trace d’aucune sentimentalité chez lui ». Cette sécheresse apparente dans le propos et cette « absence totale de glamour et d’artifice » sont compensées par la puissance d’une musique élégiaque qui s’ancre dans la tradition d’un peuple. En quatre ans, le public alsacien s’est familiarisé avec ce compositeur incomparable et avec une œuvre fortement émotive, « difficile » par certains aspects selon l’aveu de Carsen lui-même, mais à laquelle il restera à jamais attaché. DE LA MAISON DES MORTS, un opéra de Leoš Janáček mis en scène par Robert Carsen à l’Opéra national du Rhin, les 27 et 29 septembre, les 1er, 3 et 5 octobre, à Strasbourg ; les 18 et 20 octobre à La Filature, à Mulhouse www.operanationaldurhin.eu

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Par Emmanuel Abela

Photo : JF Humbert

La rencontre du rappeur Mike Ladd et du trompettiste Antoine Berjeaut aboutit à un sommet de noirceur et de mélancolie.

Pull my Daisy

Le rap n’est jamais meilleur que quand il retourne à ses sources propres, il n’est jamais meilleur que quand il se nourrit de ce qui l’environne. Et quand le meilleur du rap rencontre le meilleur du jazz, ça nous ouvre vers des expériences sensorielles proprement inouïes. C’est assurément le cas quand le rappeur Mike Ladd, qui a ré-impulsé avec Saul Williams la pratique du spoken word, croise le souffle saisissant du trompettiste et clarinettiste Antoine Berjeaut dans le cadre du projet Wasteland. Antoine Berjeaut aime multiplier les expériences dans des contextes très variés, jazz bien sûr, mais aussi rock ou pop. Ses contributions diverses, aux côtés de Rodolphe Burger, Doctor L, Jeanne Balibar ou Peter Van Poehl, attestent d’un réel esprit d’ouverture qui le conduit à s’affranchir des étiquettes. Il en va de même pour Mike Ladd, autant artiste qu’activiste au sein du label allemand K7! ou de Big Dada, une sous-division de Ninja Tune, spécialiste dans les expérimentations hip hop underground. Cet américain est né à Boston, mais a choisi de résider à Paris pour renouer avec une tradition jazz 50’s dans son contact direct au Vieux Continent. Adepte des formes hybrides, ce spécialiste de littérature afro-américaine – il continue de donner des cours à New York –, collabore avec le

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pianiste de jazz contemporain Vijay Iyer, DJ Spooky, Coldcut et Saul Williams justement. S’inscrivant dans la démarche d’un jazz qui raconte les histoires de son temps – le talent de narrateur de Mike Ladd est captivant par bien des aspects –, ils créent tous les deux un univers sombre et mélancolique digne des “films noirs” américains de la fin des années 40 et du début des années 50. On pense à John Lurie et aux pièces qui avaient été écrites pour lui par le John Zorn des débuts, mais on pense aussi aux grands auteurs beat, les enregistrements jazz de Jack Kerouac et Allen Ginsberg, avec un propos à la limite de la scansion. Dans le dispositif de ce spectacle qu’on attend avec impatience lors de la nouvelle édition de Jazzdor, la machine trouve aisément sa place. Antoine Berjeaut est coutumier du fait : dans la relation parfois tumultueuse qui s’établit entre jazz et musique électronique, il aime créer un point de passage et jeter une passerelle, notamment quand il évolue en duo avec Yves Dormoy, un compagnon de route depuis 2004. Et plus encore quand il s’adjoint les services d’un percussionniste iconoclaste comme le Suisse Andi Pupato comme ça sera le cas pour une nouvelle création à C’est dans la Vallée. Le résultat est là : le jazz s’en trouve vivifié, il retrouve sa pleine vertu exploratrice et une originalité en phase avec son temps. ANTOINE BERJEAUT WASTELAND FEAT. MIKE LADD, en concert le 9 novembre dans le cadre du festival Jazzdor à Pôle Sud Strasbourg www.jazzdor.com ANTOINE BERJEAUT, YVES DORMOY ET ANDY PUPATO, en concert le 19 octobre dans le cadre de C’est dans la Vallée à Sainte-Marie-aux-Mines www.cestdanslavallee.fr


Par Emmanuel Abela

Photo : Christophe Urbain

L’être rock

Après trois ans d’absence, C’est dans la Vallée place sa 11e édition sous l’égide d’un être singulier, l’être rock, dont elle interroge toutes les facettes. Tous les festivaliers se l’accordent : à Sainte-Marie-aux-Mines, C’est dans la Vallée est un festival à visage humain qui se caractérise par l’étonnante cordialité dans l’échange avec les artistes qui viennent se produire dans des conditions intimistes. Comme ça a été le cas par le passé avec Alain Bashung, Jacques Higelin, les Tindersticks, Dominique A ou Rachid Taha. Très rapidement, cette manifestation à visage humain s’est ouverte à des cinéastes, plasticiens, illustrateurs, photographes, auteurs, etc, pour créer une programmation ouverte. La nouvelle édition pose implicitement la question de l’« être rock ». Faisant suite à la projection du documentaire de Michel Vuillermet, Nous, Enfants du rock, qui puise dans les archives de la célèbre émission du samedi soir d’Antenne 2 dans les années 80, Fabien Hein, spécialiste du punk, s’appuiera sur ses propres recherches pour nous formuler des réponses à la question de l’« être rock ». Des réponses qui pourront être complétées tout au long de cette édition riche et cohérente avec des concerts, des lectures, des expositions et des projections : être rock, c’est savoir poser un « pas audelà des frontières » comme c’est le cas avec la soirée Psychopharmaka, le projet de Rodolphe Burger et de l’écrivain Olivier Cadiot – également présent pour une lecture à la Chapelle –, accompagnés pour l’occasion par Stephan Eicher et la sublime artiste suisse Anna Aaron pour un projet qui explore la richesse de la langue allemande ; être rock, c’est savoir entrer dans la danse : l’occasion est belle avec le Bal rock, un projet qui associe un orchestre d’exception, le Valley Band (Christophe, Rachid Taha, Christian Olivier des Têtes Raides, Jeanne Added, Nicolas Villebrun de Poni Hoax, et quelques invités surpri-

Bertrand Belin

ses, dont Mick Jones du Clash) ou lors du thé dansant orchestré par le duo Louison Moretti (le pianiste Fortunato D’Orio et le batteur Arnaud Dieterlen) ; être rock, c’est savoir jouer la carte de la sensualité âpre, comme c’est le cas pour Bertrand Belin ; ce magnifique auteur et compositeur français, dont le public découvre enfin l’extrême séduction, se produira dans l’intimité de la Chapelle Saint-Pierre sur l’Hâte ; nul doute que cet esthète saura épouser les qualités acoustiques de ce lieu exceptionnel du XVIe siècle avec subtilité et élégance ; être rock, c’est savoir pousser le trait jusqu’au musical, comme le fait admirablement Charles Berberian depuis tant d’années, au côté de son acolyte Dupuy, en solo ou dans le cadre de concerts dessinés, avec Rodolphe Burger par le passé ou là, avec David-Ivar Yaya, membre fondateur du groupe Herman Düne – Black Yaya pour l’occasion ! – ; le duo fera le lien entre univers graphique épuré et folk décharné ; être rock, c’est vivre au rythme de 24 images par seconde ; en partenariat avec le festival du film de Belfort, C’est dans la Vallée programme à chaque édition le grand prix d’EntreVues : l’occasion pour le public de découvrir une œuvre admirable, Leviathan de Véréna Paravel et Lucien Castaing-Taylor, un documentaire sur l’économie de la pêche qui nous plonge dans un univers sensoriel et plastique sidérant. C’EST DANS LA VALLÉE, festival du 18 au 20 octobre à Sainte-Marie-aux-Mines. www.cestdanslavallee.fr

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Par Adeline Pasteur

Photo : Bruno Meyer

Liberté de son

Mayerling, c’est un projet, un collectif, une expérience. C’est aussi et surtout un vaste territoire sonore à explorer. Sylvain Bombled, son créateur, s’y octroie un espace de liberté et de créativité hors des sentiers battus. Rencontre.

On aurait pu le retrouver sur les chemins du rock, du folk ou de la pop. Mais cela aurait été sans compter sur le naturel aventurier de Sylvain Bombled, qui préfère de loin nous entraîner sur des pistes inexplorées. Avec Mayerling, le musicien bisontin se réserve un vaste terrain de jeu, sur lequel il se plaît à modeler, malaxer et mélanger les sons, dans un esprit très « cotonneux », selon son expression consacrée. « Ce qui me plaît, c’est expérimenter, faire des morceaux lents et longs, sortir des formats standards… C’est aussi se laisser aller, improviser ». Le résultat de ses explorations est volontiers qualifié de « planant » par le public, séduit par ces morceaux enveloppants et atypiques. Sylvain Bombled, que l’on a longtemps suivi sur scène avec Second Rate, Generic, Napoleon Solo ou Robespierre, a peaufiné ce projet pendant de nombreuses années, pour trouver son rythme, son tempo et affiner ses envies. Des rencontres décisives – Sébastien Lemporte, Jean-François Pauvros – l’ont aussi engagé sur une voie parallèle, plus libre, moins formatée, nécessaire à l’aboutissement du projet.

— J’aime travailler sur la texture des sons, dans un esprit très cotonneux, embrumé et même parfois décalé. Le travail de Peter Broderick, Apparat, Amen Dunes, ou Trans-am est une vraie source d’inspiration. — Pour l’accompagner dans ses expérimentations sonores, Sylvain Bombled s’entoure ainsi d’autres artistes, musiciens, chanteurs et même danseurs ou vidéastes. Son acolyte de toujours, le bassiste Boris Magnin, le suit assidument sur ces chemins de traverse à défricher. Le premier album de Mayerling, Cut Up, est un condensé de morceaux choisis, fruit de dizaines d’heures d’interprétation libre, minutieusement recoupées. En live, les morceaux retrouvent leur indomptabilité : « On travaille avec quelques bases écrites, mais il y a beaucoup d’improvisation. On se cherche, on se regarde, l’un suit l’autre et on se laisse vraiment porter par les vibrations de l’instant. Il y a un début, une fin, mais on ne sait jamais ce que l’on fera au milieu ! ». Cet exercice, qui semble très libre, nécessite pourtant une préparation assidue « Il faut parfaitement connaître ses sons, ambiances, voix, bruits et autres samples. C’est assez cérébral, même si cela paraît fluide ». Artiste associé 2013 de La Rodia, à Besançon, Sylvain Bombled proposera une restitution de son projet le 28 novembre prochain. Un set aussi attendu… qu’inattendu ! MAYERLING, le 19 octobre au Grillen de Colmar et le 28 novembre à la Rodia à Besançon. www.mayerlingproject.com

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Par Emmanuel Abela

Photo : Luke Gilford

Beauté sauvage

Avec déjà trois albums pour autant de chefs d’œuvre, la californienne Julia Holter vient en Europe nous livrer les clés de son univers si singulier.

Au jeu des références, on fait tous preuve de beaucoup d’imagination quand il s’agit de s’approcher d’un style qui nous échappe. Il n’est pas sûr du tout que Julia Holter soit si familière ni du travail de Laurie Anderson ni encore moins de celui de Kate Bush, des noms qui sont souvent invoqués pour situer sa pop aérienne. Il faut dire qu’on a rarement rencontré une telle aventurière des sons. Les pistes de filiation sont nombreuses : Brian Eno, Robert Wyatt ou Virginia Astley – qui se souvient des magnifiques Promise Nothing ou From Gardens Where We Feel Secure ? – ont su un temps nous envoûter avec une beauté diaphane voisine. Plus proche de nous, le trio new-yorkais Au Revoir Simone s’est également rapproché de cette forme d’épure. Mais rien n’y fait semble-t-il, notre Californienne se distingue de tout modèle trop évident. S’appuyant sur des extraits de pièces d’Euripide pour son premier opus, Tragedy en 2011, ou de films d’Alain Resnais pour Extasis l’an passé – un album reconnu parmi les meilleurs de 2012 par la presse spécialisée outre-Atlantique –, elle s’émancipe désormais et signe ses propres textes sur Loud City Song. Et même si elle puise son inspiration dans l’œuvre de Colette, et plus précisément dans la nouvelle Gigi parue en 1944 – qui a inspiré en 1958 la comédie musicale du même titre à Vincente Minnelli –, elle dit avec intensité les mots d’une société qui se caractérise autant par sa vanité que par sa désespérante superficialité. La jeune femme explore la relation qu’elle entretient à Los Angeles en particulier, ville constamment saturée de bruits, et à la vie moderne en général. Par opposition au tumulte incessant, elle a fait naître dans sa chambre des chansons feutrées sous la forme de démos qu’elle a enregistrées sur son home-studio, avant de les réorchestrer en studio avec l’appui de Cole Marsden Grief-Neil, le guitariste de Ariel Pink’s Haunted Graffiti, coproducteur du disque. Ce dernier a su entraîner notre belle Californienne vers un ailleurs moins intimiste, presque

jazz dans l’inspiration. À la manière de certains peintres baroques, il l’a poussé à développer des instants colorés, irradiants de lumière, pour des effets saisissants dans la durée. Nous nous laissons volontiers submerger par ce flot qui arrive par vague au détour d’une phrase susurrée ou d’un violon en suspension. L’émotion n’en est que plus vive. Si la possibilité d’une fuite dans la nature est clairement exprimée aussi bien par la musique que par le texte, notre citadine ne l’exprime que comme un fantasme presque inavouable, avec l’idée que c’est bien la ville qui l’emporte au final, délaissant dans la brume les fantômes épars d’une société en mouvement. JULIA HOLTER, en concert le 29 octobre à la Vapeur dans le cadre du festival Novosonic à Dijon. www.lavapeur.com

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Par Xavier Hug

Photo : Yves Petit

Plonger dans Chaque chose en son temps, proposition de Béatrice Balcou, oblige les spectateurs que nous sommes à redevenir des êtres pensants, sensibles, vivants. Un exercice de funambulisme en prise avec les temps présents.

Exister dans l’ennui

En arrivant dans la pièce où se déroule les performances de ce programme, le visiteur esquisse d’emblée un geste de recul. Gêné par les salles bâchées où un technicien s’affaire, l’impression de s’être trompé de salle est tangible. Puis, très vite, la présence de personnes rassure, bien que leurs activités soient saugrenues : une jeune femme sommeille à même le sol, emmitouflée dans une couverture rêche – les mêmes qui servent à emballer les œuvres (Carole Douillard) ; deux jeunes hommes adossés aux murs blancs sont plongés dans la lecture soutenue de l’Odyssée (Marc Geffriaud). Il faut du temps pour comprendre que nous sommes dans l’espace de performances et encore plus de temps pour se laisser prendre au presque rien qui change de manière subtile l’ambiance du lieu. Plus loin, une personne est affairée à emballer et déballer sans cesse les mêmes œuvres sans que l’on puisse en voir ni même deviner le contenu (Béatrice Balcou), tandis qu’ailleurs une femme est plongée avec attention et concentration dans l’élaboration à l’encre de Chine de cercles concentriques au résultat envoûtant (Laura Lamiel). Toutes ces activités se font au rythme normal d’un être humain qui se donne le temps ; par contrecoup, ceux qui viennent de l’extérieur vivent les

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séquences au ralenti. Critique de la production effrénée et des rythmes saccadés qui ne respectent plus le biotope naturel, ces performances nous invitent à lever le pied et accepter de prendre son temps au risque de le perdre. Car, il faut bien s’y résoudre, il ne se passe pas grand chose durant ces quatre heures. L’inutilité de l’œuvre d’art, sans être fondamentale, est un fait. Cette improductivité retient pourtant notre attention par ailleurs sans cesse sollicitée par les marchands du Temple, dans un monde livré au spectaculaire et aux nouveautés bon marché, baignant dans un flux ininterrompu d’images. La distraction est le terme pivot de notre temps d’où l’ennui est strictement banni. Le héros contemporain pourrait être la réactualisation d’un Des Esseintes, cet esthète À rebours, perdu dans son dédale d’œuvres d’art, retiré du bruit du monde qui l’entoure… mais ce pourrait être plus sûrement celui qui fait face au rappel insistant et existentiel de l’être là, ici et maintenant. Fortement nourrie par sa pratique des arts internes, Béatrice Balcou profita d’un séjour prolongé au Japon, où la mise en scène gestuelle est poussée au raffinement le plus extrême, pour transposer dans son travail cette nécessité de l’arrêt pour exister. Tous ces artistes ne forment pas un groupe constitué – la tendance reste à l’individualisme – mais tous posent des questions sur l’état actuel de l’art, et démontrent que ce dernier reste, au-delà des critiques, une formidable machine à penser. Un acte de résistance à l’entropie, une parenthèse temporelle, un moment de pause et de réflexion bienvenu. Chaque chose en son temps, performance tenue le 7 septembre au FRAC Franche-Comté à Besançon. www.frac-franche-comte.fr


Par Vanessa Schmitz-Grucker

Good boy !

À l’occasion des 30 ans des FRAC, à Metz, treize femmes balayent d’un revers de la main toutes utopies d’égalité dans une exposition sous-titrée “Une collection en action”.

Si le discours de Bad Girls est bien celui de l’insoumission de la femme et, plus encore, celui de la possible soumission de l’homme, il s’aventure au-delà des clichés en interrogeant la dimension toute politicienne de l’action. L’exposition rassemble des artistes féminines aux propos politiques, engagés et émancipateurs, en poussant l’absurde dans ses derniers retranchements. Une manière caustique de rappeler au patriarche moderne ses fantasmes voyeurs et ses projections phallocrates. C’est du moins le propos radical de November, d’Hito Steyerl, qui célèbre Andrea Wolf, martyre de la résistance kurde, tout en dénonçant l’attitude de l’État turc. Cette vidéo muette, aux accents délibérément amateurs, est une succession de scènes de combat pour la justice sur un mode binaire : les bons se battent à mains nues, les mauvais avec des armes. L’aspect pastiche des séquences n’est pas anodin. Les références aux réalisations burlesques de Russ Meyer – Faster, Pussycat! Kill! Kill! – sont omniprésentes, la première scène du court-métrage étant directement reprise du film américain dans lequel, de toute évidence, l’émancipation féminine n’est pas à l’ordre du jour. Associer les pin-up américaines des années 60 aux résistantes kurdes : le propos est audacieux pour ne pas dire provocateur. Dans la droite lignée

des combats punks des Riot grrrl – le Frac programme un cycle de performances, concerts et de cinéma transgressifs – les femmes mènent le jeu avec la conviction d’une Marina Abramovic, grande figure de la Yougoslavie de Tito, qui non seulement reprend les attributs masculins et guerriers – le couteau – mais renforce la virilité via un traitement froid et peu contrasté de l’image dans Rhythm 10. Mêlant une mise en scène rituelle à une approche presque chirurgicale, le rythme de la seule action de la main est renforcé par les zooms in & out de la caméra. D’action, c’est bien de cela dont il s’agit. Mettre le corps en tension – tortures, menaces, violences – pour évoquer la lutte et la résistance vécues ici, ailleurs, autrefois, maintenant. Le corps se soumet à l’absurdité de la discipline : passer l’aspirateur dans le désert pour Raeda Sa’adeh, actes sadomasochistes chez Pauline Boudry et Renate Lorenz, vieillissement artificiel du corps chez Ewa Partum, rides et dents cassées dans les carnets d’Annette Messager. Bad Girls ou Very Bad Trip, l’absurdité se pose encore comme seule rébellion contre les conventions établies. BAD GIRLS !, exposition jusqu’au 20 octobre au Frac Lorraine à Metz. www.fraclorraine.org Very Bad Trip : Be a girl avec Beat For Sale, le 26 septembre, aux Trinitaires à Metz It’s, une performance de Julie Perazzini, le 1er octobre, au Carré à Metz Action Rébellion, une performance de Raeda Sa’adeh, le 13 octobre au Frac Lorraine à Metz.

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Stéphane Thidet, Sans titre (Je veux dire qu’il pourrait très bien exister, théoriquement, au milieu de cette table [...]), 2008 Billard, plafonnier, matériaux divers 200 x 400 x 180 cm – Collection Frac Alsace © Stéphane Thidet / Courtesy galerie Aline Vidal (Paris). Photo : Marc Domage

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Par Mickaël Roy

L’âge de (dé)raison À l’instar des 22 autres Fonds régionaux d’art contemporain en France, le Frac Alsace fête cette année ses 30 ans d’existence. Rencontre avec Olivier Grasser, aux commandes de cet ouvroir d’expériences artistiques potentielles...

Pour l’anniversaire du Frac Alsace, l’exposition Pièces Montrées invite à savourer une tranche significative de sa collection présentée aux quatre coins de la région. Les festivités du Frac Alsace se sont organisées autour de deux volets. Le premier, intitulé Elsass tour, a été envisagé comme un projet d’action territoriale construit à partir de la collection. De novembre 2012 à la fin de l’année 2013, le Frac Alsace a été prescripteur d’une trentaine de propositions artistiques imaginées à partir des œuvres de la collection. Les équipes du Frac sont entrées dans un processus de dialogue, d’échanges et d’accompagnement avec de nombreux acteurs éducatifs et culturels du territoire alsacien, notamment pour répondre à l’impératif de sensibilisation des publics à l’art contemporain en milieu scolaire et dans des territoires éloignés des grands centres culturels alsaciens. Le second volet correspond à Pièces Montrées. Il s’agit d’une exposition en quatre sites de la collection du Frac Alsace dans un contexte muséal et institutionnel, du nord au sud de l’Alsace, en collaboration avec des partenaires culturels forts : le Musée historique de Haguenau à travers la Chapelle des Annonciades, le Musée d’Art Moderne et Contemporain de Strasbourg, le Frac à Sélestat et la Fondation Fernet-Branca à Saint-Louis. Il s’agit de la plus importante exposition de la collection du Frac Alsace jamais réalisée dans cette dimension, avec près de 200 œuvres et de 110 artistes de 14 nationalités différentes. Montrer 20% de la collection, c’est à la fois peu et beaucoup. Notre objectif n’a cependant pas visé l’exhaustivité mais un travail différencié autour de l’objet d’étude même qu’est une collection, à travers un exercice de commissariat partagé entre différents acteurs, dont le rôle a consisté à procéder à un choix d’œuvres à la lueur de leurs réflexions propres.

Avec quatre lieux de monstration et autant de « positions » sur la collection du Frac Alsace, le parti pris de l’exposition Pièces montrées ne semble pas être celui de l’uniformité... En effet, nous sommes partis de l’idée qu’une collection du Frac n’est pas un objet homogène du fait qu’il s’agit avant tout d’un fonds très ouvert, d’un « ouvroir » pourrait-on dire. Si la notion de collection est apparue dans les débats de ces dix dernières années dans le souci de donner une articulation lisible à un ensemble d’œuvres constitué depuis près de 20 ans, la succession de directeurs et de projets artistiques oblige néanmoins à considérer qu’un Frac dispose bien moins d’une collection cohérente que d’un fonds totalement hétérogène ouvert à une multitude de lectures possibles. De ce fait l’exposition Pièces Montrées prend le parti de cette diversité à l’image des quatre propositions simultanées qui n’ont pas été nécessairement imaginées en interaction les unes avec les autres, mais comme quatre facettes d’une réalité artistique. De plus, chaque espace d’exposition dicte des conditions d’approche différentes. À Haguenau, par exemple, l’exposition ayant lieu dans une ancienne chapelle déconsacrée, il s’agissait de répondre à la question du lieu et de la spiritualité,

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tandis que les deux propositions conçues au Musée d’Art moderne et contemporain de Strasbourg et au Frac à Sélestat sont peut-être les plus classiques dans l’approche curatoriale puisqu’elles prennent place dans un cadre institutionnel. Il importait surtout de construire l’exposition Pièces Montrées avec l’appui d’une pluralité de regards, entre d’une part des spécialistes et professionnels de l’art et de l’exposition qui ont en charge la gestion d’espaces muséaux, et d’autre part un artiste et un historien de l’art, tous de générations différentes. À ce propos, de quelle façon s’est dessinée la carte blanche adressée à l’artiste Raphaël Zarka pour les chapitres de l’exposition présentés à Strasbourg et Sélestat ? L’invitation faite à Raphaël Zarka procède de la règle du jeu fixée à tous les Fonds régionaux d’art contemporain, d’associer un artiste à ce travail de commissariat sur la collection. J’ai souhaité collaborer particulièrement avec cet artiste car il fait partie des quelques artistes que j’accompagne assidûment, à l’image de la politique artistique que je défends, consistant à suivre et à soutenir quelques artistes par un travail d’acquisitions et d’expositions. C’est le cas de Raphaël Zarka, de qui le Frac Alsace possède quatre œuvres et à qui il a consacré une exposition personnelle en 2010. Par ailleurs, une bonne partie de son œuvre s’intéressant à la question de la collection, cela m’a semblé pertinent de lui proposer de porter un regard sur celle du Frac concernant les deux parties de l’exposition sur lesquelles il intervient, à Strasbourg, avec Formes et Forces, en complicité avec Estelle Pietrzyk et à Sélestat, avec Incubus. Raphaël Zarka s’est intéressé à la fois aux œuvres qu’il aurait peut-être aimé produire et aux œuvres et artistes qui lui paraissent importants dans la genèse de son parcours d’artiste. La question de la peinture, essentielle dans sa formation, est de ce fait abordée dans la partie strasbourgeoise parce qu’elle a été sa porte d’entrée dans le monde de l’art et son premier domaine de références. Il a ainsi rencontré dans la collection des peintres comme Aurélie Nemours ou Yvan Salomone que l’on croisera au 62

MAMCS. À Sélestat seront abordés la question de la pensée rationnelle, la façon dont elle se déploie au travers d’œuvres qui exploitent un vocabulaire géométrique, l’intérêt pour la prégnance de ce système de pensée et pour la manière dont les artistes le développent et le critiquent. Je pense à ce propos notamment à la série de photographies de type documentaire de Frédéric Lefever, réalisée à Mulhouse, qui représente une série de maisons ouvrières assez simples dont les habitants se sont appropriés l’apparence par des transformations parfois étonnantes. On peut aussi penser à l’œuvre de Dorit Margreiter, choisie pour le chapitre de l’exposition au Frac Alsace ; il s’agit d’une vidéo prenant pour sujet le motif d’une villa futuriste de Los Angeles, caricature du modernisme architectural, qui se révèle être une espèce de pièce de musée improbable. Au final, le propos de Raphaël Zarka ne fut pas de chercher le miroir de son propre œuvre dans la collection du Frac, mais d’y trouver des résonances, quitte à porter même un point de vue distancié à l’égard d’œuvres qui pouvaient véhiculer des questionnements proches ou éloignés de son travail. Raphaël Zarka a procédé par pure subjectivité dans le choix des œuvres et n’a pas souhaité estampiller sa proposition avec l’étiquette d’artiste. Les écarts qui existent entre les œuvres reflètent d’ailleurs moins les choix d’un conservateur de musée et d’un directeur de Frac, que les repères et la mémoire avec lesquels l’artiste a travaillé pour créer les rapprochements d’œuvres. Chaque œuvre est ainsi une porte qui s’ouvre. Le Frac invite par ailleurs l’historien d’art Roland Recht à interroger la collection. A contrario de Raphaël Zarka, propose t-il une lecture objective ? À Saint-Louis, avec la Collection Impossible, Roland Recht a fait le choix de traiter de l’identité même d’un Frac en prenant le parti de l’hétérogénéité d’un fonds qui ne peut se lire que par fragments, l’ambition de complétude et de monstration universelle étant précisément impossible. Roland Recht intervient avec son identité de spécialiste en histoire de l’art médiéval mais également au titre de son expérience d’ancien directeur des Musées de Strasbourg et d’ancien membre du comité d’achat du Frac Alsace. À la Fondation Fernet-Branca, l’espace permet de déployer plusieurs dynamiques, au service du plaisir des œuvres et de la mise en valeur de leur dimension esthétique. Par exemple, la présentation de l’œuvre de Stéphane Thidet qui n’a jamais été montrée depuis l’exposition Wahou !. Le merveilleux dans l’art contemporain, présentée au CRAC Alsace en 2008, témoigne des effets d’une dynamique artistique régionale à laquelle un Frac doit être sensible, en achetant dans ce cas là une pièce que l’on peut estimer majeure après qu’elle ait été exposée en région. Avec Roland Recht, la question du paysage naturel a été traitée comme une norme esthétique et comme référence à l’ornement. Un espace rassemble à ce titre des œuvres qui traitent sans frontalité de la question de la nature et du paysage, avec notamment des œuvres de Bernard Quesniaux, Jean-Marc Bustamante, Fernande Petitdemange. Nous avons souhaité échapper autant que faire se peut à l’écueil de l’illustration. Il s’agit d’ailleurs d’une préoccupation essentielle dans l’exercice de l’exposition que nous avons partagé avec Roland Recht : pour ne pas


Raphaël Zarka, Cretto, 2005 Vidéo couleur sonore – Durée : 6’45» – Collection Frac Alsace © Raphaël Zarka / Vue de tournage : Cecilia Becanovic

céder à l’effet de littéralité, il nous a fallu choisir des œuvres bien davantage pour leur potentiel esthétique que pour leur iconographie première. D’autres espaces de la fondation sont réservés par ailleurs à la sculpture et aux images, selon cette volonté d’un rassemblement hétérogène témoignant de la possibilité d’entrer dans la collection par plusieurs portes. Nous avons ici voulu témoigner du fait que les œuvres sont des outils qui servent à présenter l’art contemporain toujours comme une question qui se pose. L’exposition Pièces Montrées sera-t-elle l’occasion de déceler une certaine direction dans les acquisitions du Frac Alsace, après 30 ans de constitution d’une collection ? S’il y a un projet artistique de direction qui donne et trace une voie, le sillon que celui-ci creuse dans la politique d’achats d’un Frac ne se révèle qu’à posteriori. Mon prédécesseur et moi avons développé des projets artistiques avec des intentions qui portaient sur les questions de paysage, de territoire, d’identité, de rapport privé/public, d’individu et de politique. Les acquisitions d’œuvres ont traduit ces choix, avec l’appui du comité d’achats constitué de professionnels. À Strasbourg et Sélestat, Raphaël Zarka ne s’est pas préoccupé de faire apparaître une cohésion dans les acquisitions du fait du caractère extrêmement personnel de ses choix motivés par son regard d’artiste. À Saint-Louis, ces choix seront peut-

être plus sensibles que dans les autres lieux de l’exposition dans la mesure où la Fondation Fernet-Branca dispose d’un espace plus important qu’ailleurs pour pouvoir les déployer. Bien plus que de rendre compte de thématiques, il s’agit de partir de l’œuvre et de voir ce qu’elle raconte du temps présent. L’on trouvera alors un intérêt à voir dialoguer des pièces par exemple acquises il y a 20 ans et d’autres plus récemment. Il s’agit moins d’une exposition de l’histoire du Frac Alsace que d’un regard non exhaustif porté sur la construction d’une histoire de l’art actuel qui n’est pas close, en creux et en cours, appelée à se transformer encore du fait qu’elle n’est pas écrite définitivement. PIÈCES MONTRÉES, exposition à l’occasion des 30 ans du Frac Alsace d’octobre à mars 2014 à Haguenau, Strasbourg, Sélestat et Saint-Louis. www.frac.culture-alsace.org

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Par Vanessa Schmitz-Grucker

Who killed Bambi ?

En partenariat avec la Städtische Galerie Offenburg, le CEAAC expose treize artistes français et allemands qui interrogent la notion du cheminement et de la trace. De la marche à la déambulation, le pas est virtuosement franchi. Stefan Strumbel, Lucky Heimat, 2013

La question n’est pas nouvelle. Des pèlerins du Moyen-âge qui détournent l’errance à des fins religieuses aux philosophes du XVIIIe qui y voient un prétexte à la rêverie – Jean-Jacques Rousseau – la question du déplacement va au-delà du simple mouvement, de la simple nécessité de traverser un espace. D’ailleurs, ces traversées, même quotidiennes, même banales, laissent toujours, à notre insu, une trace, tantôt extérieure, tantôt intérieure. C’est cette trace qui fait du déplacement un cheminement qu’approfondit l’exposition. Entre déambulation champêtre, au premier étage, et errance urbaine au second, le lien plastique, immatériel, se concentre dans le son du Super 8 du collectif Gruppo Sportivo – passé sur format numérique – qui accompagne le visiteur dans ses pérégrinations. En conquérant moderne, le spectateur déambule entre des œuvres d’une forte plasticité : le grain des photographies de Julie Fischer, le volume du pollen d’Angela M.Flaig, le mouvement d’Axel Bleyer et face à la dimension statique, ou du moins en suspens, d’Anja Luithle. 64

Ce qui frappe, c’est la simplicité des matériaux comme si la nature n’appelait aucun artifice. Le seul fusain de François Génot, le platane d’Armin Görhringer – formidable prétexte au fragile jeu des pleins et des vides – restitue avec toute la force du matériau, la présence quasi mystique de la nature. Dans ce cheminement paisible, Lucky Heimat se détache avec force. Dans la lignée des artistes du Lowbrow qui s’inspirent des médias populaires, Stephan Strumbel, jeune artiste allemand, accumule les attributs comics : couleurs vives, humour, provocation, association décalée, la forte présence de l’œuvre au mur évoque l’art urbain pratiqué en speed sur murs et façades. La référence est pourtant un symbole d’ancrage, le heimat, que l’on traduit maladroitement en français par “maison” ou “chez-soi” mais qui recoupe une réalité plus dense d’attaches, de sources, de refuges, de liens étroits avec son/ses origines. La pièce rassemble ainsi plusieurs éléments de la Forêt-Noire (le coucou suisse, le cerf ) associés à des éléments punks : guitares, tête de mort ailée, flammes, mitraillette. Comment ne pas penser à Sid Vicious et aux Sex Pistols et, dans un autre registre, à la vision de Saint-Eustache, soldat de Trajan, d’un cerf aux bois formant un Christ crucifié qui apparaît ici sous la forme d’une croix latine ? Les dimensions religieuses, historiques et modernes se mêlent pour pérenniser et réactualiser nos rapports à l’errance. WANDERUNG/PROMENADE, exposition jusqu’20 octobre au CEAAC à Strasbourg. www.ceaac.org


Par Valentine Schroeter

Dans l’entre-deux Capturer le temps qui passe, c’est l’exploit que réalise la photographe alsacienne Julie Meyer dans chacun de ses clichés. Avec ce coup de projecteur sur ce qui nous échappe, elle remet en question notre perception de l’instant.

Après une enfance marquée par de nombreux voyages, Julie Meyer, photographe diplômée de l’École Supérieure des Arts Décoratifs de Strasbourg (actuelle HEAR), continue son exploration du monde et l’illustre par des clichés de bordures de routes, de gares ou encore de stations de métro. « Je n’interviens pas sur le territoire lui-même, c’est vraiment le cadrage et le point de vue qui me sont propres. Je ne déplace pas les objets, j’essaye d’être proche du réel ». Chantiers de construction, panneaux publicitaires, objets du quotidien abandonnés... Les prises de vues de Julie Meyer témoignent des traces indélébiles laissées par l’homme dans la nature, et apparaîssent comme une étude des rapports entre l’être humain et son environnement immédiat. Pourtant, dans ses photos, l’homme n’existe pas physiquement, mais uniquement par ce qu’il laisse derrière lui : ses biens matériels et ses souvenirs. Le souvenir et le temps qui passe forment d’ailleurs le fil rouge de l’œuvre de la photographe : « Je m’intéresse beaucoup aux intervalles dans le temps et dans les territoires. Ce qui est central dans ma pratique c’est la ruine, non

pas forcément un bâtiment qui se dégrade, mais aussi le temps qui a échappé à la perception et c’est ce temps-là que j’essaye d’enregistrer avec la caméra ou l’appareil photo ». En effet, au fil de ses déplacements, Julie Meyer crée des œuvres dans un temps donné et un territoire changeant. Pourtant, si illustrer le cheminement par des images fixes semble paradoxal, là est la particularité de cette jeune femme qui utilise la photographie comme un art de l’entre-deux. Son attrait pour ce qui se situe dans l’intervalle, qu’il soit d’ordre temporel ou spatial, elle le conceptualise à l’occasion d’une exposition au Syndicat Potentiel de Strasbourg : l’artiste y présentera quelques uns de ses clichés dans un bac de révélateur, pour rendre compte de la fragilité du tirage, qui va à terme s’assombrir pour finalement disparaître. L’œuvre de Julie Meyer, accusation du caractère destructeur de l’homme ou narration imagée du temps qui s’écoule, nous interpelle par des clichés ancrés dans le quotidien qui mettent en évidence ce que l’on ne voit pas, ou ce que l’on refuse peut-être de voir. INTERSTATE, exposition de Julie Meyer du 10 octobre au 2 novembre au Syndicat Potentiel à Strasbourg, dans le cadre des Journées de l’Architecture. INFRA ORDINAIRE, exposition et vidéo-projection (Exploration et Cartographie des marges, France/Etats-Unis) à partir du 18 octobre à l’Artothèque de Strasbourg.

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Par Vanessa Schmitz-Grucker

Trio ascétique

Le Kunstmuseum de Bâle réunit trois artistes abstraits dans un ensemble, qui se veut cohérent, de trois expositions personnelles. Piet Mondrian, Barnett Newman, Dan Flavin s’exposent dans toute la force radicale d’une expression plastique réduite à son minimum.

S’il existe des résonnances irréfutables entre l’œuvre des trois artistes abstraits, on a du mal à saisir l’intérêt du “3-en-1”. Pourquoi présenter trois artistes, dont, certes, la présence côte-à-côte se tient, en scindant les espaces ? Sommes-nous face à une exposition sous le signe de l’abstraction de la moitié du XXe siècle ou face à trois monographies qui ne tiendraient ensemble que sous un prétexte valable mais un peu commode ? Entre les trois salles, des ponts sont lancés, pas toujours évidents à saisir pour les non-initiés qui ignoreraient, à défaut de celui de Mondrian, le travail de Newman et Flavin. Des tableaux, de petites dimensions de Piet Mondrian, aux œuvres picturales gigantesques de Barnett Newman jusqu’aux installations lumineuses de Dan Flavin, la continuité s’inscrit dans la réduction des moyens, la simplicité du vocabulaire plastique réduite au simple chromatisme. La question, compliquée, du minimalisme est approchée sans être frontalement abordée. Chez Flavin, elle est au summum. Si Sol Lewitt s’est plu à dire « j’aime tout de l’œuvre de Dan Flavin sauf les lumières », il est indéniable que le plus jeune du trio – né en 1933 – considérait que son art s’arrêtait à l’endroit que sa conception, le dogme même du minimalisme qu’a pu initier Mondrian avant son avènement. Si Newman a soutenu Flavin qui lui-même lui a rendu hommage dans son œuvre, le lien qu’il tisse de son aîné (Mondrian est né en 1872) à son cadet n’est pas évident. Les compositions de Newman sont de vastes toiles de couleurs pures posées en larges aplats évoquant davantage un Marc Rothko qu’un Mondrian. Peu reconnu de son vivant malgré les critiques élogieuses de Clément Greenberg, il annonce, d’ailleurs, davantage le Colofield Paintings que le minimalisme à venir. L’association Dan Flavin/Mondrian laisse à penser que leurs œuvres se résument – au choix – à : la couleur primaire, la

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composition orthogonale, l’image-objet. En somme, associer Mondrian à Flavin semble davantage restreindre la compréhension de leurs œuvres que l’élargir, notamment celle de Dan Flavin. Car si l’on peut affirmer avec aplomb, que tel Duchamp, Mondrian est une influence fondamentale dans l’art moderne sans appauvrir le sens de son travail, faire de Flavin l’héritier de Mondrian évacue, à peu près, tous les fondamentaux de ses pièces : volume flirtant avec la dimension architecturale, clivage conception/ exécution, choix duchampien de matières, ici, industrielles. Seuls subsistent comme liens le mysticisme, la réduction des moyens et la sérialité. Le lot de bon nombre d’artistes contemporains finalement. PIET MONDRIAN – BARNETT NEWMAN – DAN FLAVIN, exposition du 8 septembre au 19 janvier au Kunstmuseum à Bâle. www.kunstmuseumbasel.ch Visuel : Piet Mondrian (1872–1944) Tableau 3, avec orange-rouge, jaune, noir, bleu et gris, 1921 Huile sur toile – 49,5 x 41,5 cm Emanuel Hoffmann-Stiftung, Depositum in der Öffentlichen – Kunstsammlung Basel 1941 Photo : Kunstmuseum Basel, Martin P. Bühler © Mondrian/Holtzman Trust c/o HCR International USA


Par Vanessa Schmitz-Grucker

Voir et donner à voir À l’occasion d’un bel échange avec le commissaire invité de la Kunsthalle à Mulhouse, Abdellah Karroum, dans Novo 23, nous avions évoqué le cycle "Sous nos yeux" que le curateur a envisagé en trois parties. Le deuxième temps s’ouvre donc, toujours sous le signe de l’émergence, de l’engagement et de l’action.

Abdellah Karroum travaille principalement les questions d’espace et le vocabulaire qu’on lui associe. Sous nos yeux force donc les artistes à prendre position, à s’engager, à faire émerger une œuvre qui interagit avec son temps et son espace mais qui dialogue également avec l’histoire et s’ancre sur des bases socio-politiques. Pour la seconde fois, Marocains, Libanais, Anglais, Espagnols, Colombiens se réunissent autour de ces questions de ruptures dans l’art que représente le collectif “Génération 00” fondé au Maroc par Abdellah Karroum pour aller plus loin qu’un discours donné sur l’art dans un lieu donné. Ici encore, les artistes abordent divers champs à l’instar de Nina Esber, plasticienne et écrivaine, dont l’engagement se traduit par l’investissement de son corps dans des performances filmées où celui-ci se heurte aux éléments architecturaux, à l’espace. Le lieu comme source d’anxiété chez Pedro Gomez-Engana, le travail et ses dommages collatéraux chez Mustapha Akrim, l’iconographie résistante chez Gabriella Ciancimino, le poids des origines chez Shezad Dawood, le curateur a fait le choix d’artistes qui passent au peigne fin tout ce qui nous environne, nous influence, nous conditionne. L’espace est d’ailleurs construit, et non plus ouvert comme pour le premier volet,

et s’offre à nous comme un livre ouvert à entrées multiples. La répétition fait place au cheminement. Autres caractéristiques des artistes invités : ils sont tous, à l’exception de Mohamed Larbi Rahali, issus des années 70-80. Ils sont donc les témoins vivants de ce qui se joue sous nos yeux. Entre utopies et désillusions, ils parlent avec acuité, parfois rage, de notre époque, de leur époque. L’art s’enracine, se re-contextualise, renoue avec son temps. Ces propos sont d’ailleurs repris par l’événement musical Plus loin que la misère, il nous faut regarder proposé par l’Orchestre Symphonique de Mulhouse ou encore la conférence de Philippe Rahm Sous les yeux d’un architecte qui jette des ponts entre architecture, art et sciences. Toute action se doit d’être réaction à notre monde et cette réaction doit se donner à voir : performances, œuvres, conférences et autres rendez-vous, tout se joue en public, tout se joue sous nos yeux. SOUS NOS YEUX (PARTIE 2), exposition du 19 septembre au 17 novembre à la Kunsthalle à Mulhouse. www.kunsthallemulhouse.com Visuel : Gabriella Ciancimino, The Flow of Flowers: “Cartographies Directionelle”, 2012 Composition of drawings, mixed media on paper (detail) – 400×320 cm Courtesy of the artist and L’appartement22, Rabat, Morocco

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Par Xavier Hug

Photos : Oriane Blandel

Motoco fait partie de la programmation de Triptic – Échange culturel dans le Rhin Supérieur

Futur à

composer Ici, le futur n’a pas le visage d’une Europe en berne, repliée sur elle-même, crispée par l’horizon des récessions et des efforts à consentir. Ici, le futur rayonne, s’offre à tous les possibles et optimise ceux qui donnent le meilleur d’euxmêmes. Motoco à DMC Mulhouse, c’est ici et maintenant !

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C’est en cherchant une alternative au déménagement imposé de l’HyperWerk, atelier de design postindustriel rattaché à l’école d’art de Bâle qu’il dirige, d’une villa baroque en plein centre-ville vers un campus centralisé, que Mischa Schaub, sexagénaire sémillant, découvre l’immense site de DMC. Ancienne filature d’envergure mondiale, l’industrie n’occupe économiquement plus que sept hectares, les dix restants ayant été acquis par la Société d’Équipement de la Région Mulhousienne (SERM). L’ensemble forme une véritable ville dans la ville puisque jouxtant les usines se trouve le quartier des maisons ouvrières construit, à l’image du Fuggerei d’Augsbourg et du Grand Hornu en Belgique, par un patronat paternaliste. Se dresse dans cet espace intra urbain une série de hautes cheminées, de bâtiments d’une longueur interminable, tout un domaine normé sur le plan orthogonal. Au vu de la démesure du site, du gigantisme du bâti, de l’homogénéité sereine qui se dégage de la brique rouge, DMC comporte incontestablement une atmosphère baroque et son fondement utopique est propre à nourrir l’imaginaire. Et puisque Bâle, l’opulente cité voisine, souffre de sa concentration immobilière, culturelle et matérielle, Mischa Schaub décide que son déménagement futur passera par DMC.


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Pour emménager dans cet espace, vide et abandonné depuis quelques années, Motoco a besoin de soutiens divers. Mischa Schaub trouvera les premiers fonds nécessaires pour asseoir un échange constructif avec la SERM et la Ville de Mulhouse auprès du programme Triptic – échange culturel dans le Rhin supérieur. Après 1945, pour reconstruire une Europe meurtrie et prévenir toute nouvelle barbarie, la coopération transfrontalière est devenue incontournable. Initialement focalisée sur les échanges économiques, la culture est rapidement apparue comme constitutive d’une identité commune à forger sur des disparités locales. L’espace où le Rhin, symbole de la fluidité et du passage comme de la barrière et des dangers, scinde et entrelace l’Allemagne, la Suisse et la France, est depuis un terrain d’expérimentation pour croiser les initiatives et se faire rencontrer les bonnes volontés. Mais, au-delà des mots et des intentions, force est de constater que la construction trinationale reste une lanterne qui n’éclaire que ceux qui y projettent leurs lubies. La coopération semble être en panne et ce malgré les initiatives européennes (programme Interreg) ou locales (programme ATB d’Infobest Palmrain). Porté par un ensemble de partenaires des trois pays, sur une initiative de la fondation Pro Helvetia, Triptic cherche à enrayer ce processus de stase. Décidé par une instance extra-européenne et cimenté dans le terreau culturel du territoire qu’il entend promouvoir, Triptic est d’une part plus souple que le bureaucratique et lointain Interreg, d’autre part plus pragmatique et engageant que son prédécesseur, l’ATB. Suite à un appel public à candidatures visant à « développer de nouvelles formes de collaboration entre institutions culturelles et à renforcer les réseaux entre les acteurs culturels », les projets sélectionnés se dérouleront tout au long du Rhin de l’automne 2013 au printemps 2014. Motoco est de ceux-là ; sa dimension extra nationale est donc d’emblée inscrite dans ses intentions originelles.

— Quiconque a besoin ou envie de rêver sa vie et vivre ses rêves est le bienvenu à Motoco —

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Par ailleurs, à la tête de l’HyperWerk jusqu’en 2017, Mischa Schaub implique la Hochschule für Gestaltung und Kunst de Bâle comme un partenaire institutionnel évident. Grâce à son inscription dans le réseau de la pédagogie artistique, il trouve rapidement et facilement un relais enthousiaste et naturel auprès de ses confrères français et allemands. Ainsi, le site de Mulhouse de la Haute École des Arts du Rhin et la Hochschule Offenburg font parties intégrantes de l’aventure dès à présent. Pour asseoir son assise locale et travailler de concert avec les institutions comme le tissu associatif, Motoco intègre également la récente Kunsthalle ainsi que les associations Old School et ÖDL. Enfin, de l’extérieur vient un atout partenarial de taille : Motoco vient d’être sélectionné pour la compétition internationale IBA qui fera de l’Eurodistrict bâlois un terrain d’expérimentations et de renouveau architectural à l’horizon 2020. Un sésame pour la SERM et la municipalité avec qui Mischa Schaub est lié par un contrat de 6 ans reconductible qui lui octroie 9 600 m2 dans le bâtiment 75, soit 87% de la surface sur 3 étages, le reste restant sous administration communale. Mischa Schaub aime les symboles. Ainsi, Mulhouse serait à Bâle ce que l’East End londonien est aujourd’hui devenu pour la capitale anglaise : une locomotive économique et un laboratoire sociétal. Bien avant les Jeux Olympiques de l’été dernier, l’East End, historiquement berceau de la criminalité galopante, de l’immigration sauvage et des vices impétueux, est devenu en quelques années un des endroits les plus branchés de la ville alors que personne n’aurait misé sur son avenir jusqu’à peu. Motoco rêve d’être à l’avant-garde d’une telle dynamique grâce à l’ingéniosité de ceux qui feront vivre ce projet dont un des développements proclament fièrement MOre TO COme pour l’inscrire d’emblée dans la durée et l’indéfini, ou plutôt la perpétuelle redéfinition pour permettre la perméabilité des personnes, des idées et des réalisations. Le principe de la structure, juridiquement fondée sur une association de droit local, est de proposer des espaces de travail sains, agréables, modulables, connectés entre eux et sur le monde extérieur. Quiconque a besoin ou envie de rêver sa vie et vivre ses rêves est le bienvenu à Motoco qui propose un


— Pour son initiateur, la réussite de cette aventure est conditionnée par un point crucial : mettre l’être humain au centre — prix au m2 à faire grincer des dents n’importe quel promoteur immobilier. Chaque nouvel arrivant peut choisir de s’engager à long ou court terme. Le tarif change en fonction de l’option retenue, mais la différence est symbolique : elle est surtout là pour responsabiliser ceux qui doivent donner à ce projet son sens tout en permettant aux plus démunis de trouver un asile. Motoco cherche en effet à relier tous ceux qui feront le monde de demain sans exclusion, tous ceux qui imaginent et concrétisent le quotidien à venir. Cette ligne de conduite prend en compte tous les enjeux collectifs et mouvements qui abondent actuellement dans le sens d’un rééquilibrage international, incarnation consciente du désormais célèbre act local, think global : de l’open source au fab-lab en passant par le slow-food, le micro-crédit et le crowd-funding. La mention de ces initiatives économiques ne doit rien au hasard : les friches industrielles sont des espaces vastes, précaires et souvent inutilisables de manière brute, si bien qu’une réappropriation réussie passe nécessairement par la mutualisation des moyens, qu’ils prennent la forme d’idées, de bonne volonté ou de capitaux. Sculpteur de formation, Mischa Schaub souhaite participer à la création de la société à venir, celle qui en fait s’élabore présentement mais qui ne sera que palpable et effective une fois le renouveau générationnel accompli – demandez-vous pourquoi nous pensons toujours avec le paradigme d’Einstein en tête alors que nous vivons déjà dans les faits sous les lois de la physique quantique ? Cette société en cours d’élaboration sera sans doute davantage fondée sur l’open source mais les modèles libéraux n’auront pas pour autant disparus. Bien au contraire, l’histoire récente montre à quel point les dernières formes de capitalisme ont su intégrer les derniers mouvements coopératifs et participatifs pour muter une nouvelle fois et assurer ainsi sa survie. Si la majorité des locataires actuels sont des artistes, Mischa Schaub attend d’ailleurs avec enthousiasme des entrepreneurs et ingénieurs. Pour lui, ce n’est qu’au prix du contact fructueux entre les mondes de la création esthétique, des manœuvres financières et des avancées technologiques que Motoco deviendra le laboratoire expérimental de l’économie créative au sein de la région. Le lieu se pense comme la mise en forme pratique et pragmatique des visées théoriques développées à l’HyperWerk car investir une friche n’implique pas nécessairement de la faire (re)vivre. Encore faut-il s’en donner les moyens. En anticipant un renouvellement de bail sur le long terme et en consolidant un réseau très vaste de partenaires, Mischa Schaub a su donner à Motoco de solides et saines fondations. Des extensions potentielles sont d’ores et déjà planifiées. Le bâtiment 118 hébergera un hôtel des jeunes à l’initiative du

Sozialer Arbeitskreis de Lörrach et le 74 se verra réagencé pour permettre la construction de sculptures monumentales. La collaboration pédagogique entre écoles d’art doit déboucher en septembre 2014 sur la création d’un Master commun intitulé provisoirement « Entreprenariat en Open culture » et qui devrait profiter en toute logique de l’émulation générée par les services, produits et personnes en place. En attendant, les Journées de l’architecture des 27 et 28 septembre 2013 permettront à Mischa Schaub de présenter les premières réalisations collectives et individuelles des locataires déjà présents. Le rez-de-chaussée, espace commun, devrait à terme accueillir un café, un espace d’exposition et de libre expression ainsi qu’un fab-lab ouvert à tous. Le premier étage a été dédié aux ateliers d’artistes, tandis que le second devrait accueillir les entreprises, mais la réalité des membres-utilisateurs a déjà bouleversé cette séparation superflue. Pour son initiateur, la réussite de cette aventure est conditionnée par un point crucial : mettre l’être humain au centre. En somme, l’inverse de la démarche des bureaux d’urbanisme travaillant à la transformation du quartier et qui modèlent l’espace sur des présupposés avant d’y installer – de force ? – des habitants censés être heureux de vivre dans des espaces pensés sans eux. Motoco cherche lui à recréer une communauté. Les travaux universitaires et poétiques déplorent chacun à leur manière cette perte fondamentale de l’être humain, atomisé, individualisé, infantilisé, au détriment des valeurs stables d’une communauté partageant une vision d’ensemble. Pragmatique et sensible aux issues économiques et écologiques du lieu, Mischa Schaub souhaite par exemple installer un chauffage au bois à l’attention de ses locataires. Quel plus beau symbole de chaleur humaine qu’un groupe rassemblé autour de la chaleur vacillante et hypnotique des flammes ? A-t-on jamais observé pareille scène autour d’un radiateur électrique ? De même, en lieu et place de l’ancien parking situé entre le bâtiment 75 et l’étang est prévu une bambouseraie qui permettra, en plus d’égayer le quotidien environnemental, la conception et la réalisation de tout un mobilier nomade déjà expérimenté lors d’un voyage d’étudiants d’HyperWerk en Inde. Car l’ouverture vers l’international est une des composantes de cet atelier et Mischa Schaub attend, au-delà des désormais coutumiers échanges dématérialisés par e-mail et visio-conférences, des locataires du monde entier, condition partielle du succès de l’opération de transformation du quartier, de la ville et de la région. Pour l’instant, ce sont essentiellement des Mulhousiens qui ont loué des espaces, mais des personnes de Zürich, Offenburg, Strasbourg et bien entendu Bâle sont également déjà présentes. En 2006, Nicolas Horber, agitateur culturel mulhousien, proposait l’édition d’un festival au nom programmatique et anticipateur : Mulhouse, city of the future. Et si demain vous ne passiez plus vos étés, pas plus que vos soirées clubbing ou vos conférences et brainstorming à Ibiza, Londres et Berlin, mais à Mulhouse ? MOTOCO, projet de design sociétal pour la friche DMC à Mulhouse dans le cadre du programme Triptic. www.motoco.me www.triptic-culture.net

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Par Vanessa Schmitz-Grucker

Le romantisme des ruines

Méconnu du grand public, le peintre Hubert Robert est une figure pourtant majeure et même singulière de son époque. Le musée des Beaux-Arts de Besançon rend hommage à ce personnage multi facettes en exposant une cinquantaine de ses dessins aux traits modernes.

Hubert Robert a hérité du surnom d’Hubert des Ruines pour sa tendance à peupler tous ses tableaux de ruines. Il faut dire que l’homme a participé au renouvellement du genre du paysage au XVIIIe siècle au moment où celui-ci s’impose face aux genres majeurs de l’Histoire ou de la Religion. Formé en Italie, à Rome, il a hérité du goût des paysages à l’antique, hanté d’arches et de colonnes gréco-romaines, fortement influencé par Claude Lorrain et Joseph Vernet. À cette facture classique s’ajoute une poésie, une fantaisie même, liées aux effets vaporeux et à l’imaginaire fécond de l’artiste qui laisse libre court à ses angoisses dans ses représentations monumentales qui ne sont pas sans rappeler les Cauchemars de Goya ou Füssli. L’intérêt est, d’ailleurs, plus dans cette imagination débordante que dans l’exactitude de la représentation et du geste. Erudit, Robert Hubert l’était, il l’était tant qu’il fut nommé premier conservateur des collections publiques après avoir activement travaillé à installer les collections royales au Louvre et à en faire le musée qui avait ouvert ses portes en 1793. Homme d’art et de culture, ami de Fragonard, dont il était très proche, Robert Hubert, par la volupté de ses dessins, annonce le Romantisme du début du XIXe.

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Cette exposition présente, donc, de nombreux aspects de la création d’Hubert Robert, parfois oubliés : son séjour à Rome, les monuments italiens célèbres, l’influence de Piranèse qu’il fréquentait, le voyage à Naples et les grandes villas romaines, les dessins préparatoires pour le Salon de 1767, les vues des bords de Seine et des châteaux français. Hubert Robert reste réputé dans la représentation de paysages, mêlant architectures antiques, modernes ou fantasmées, le plus souvent en ruines. Grâce au travail de l’historienne de l’art Sarah Catala, l’exposition permet de découvrir l’usage privilégié qu’Hubert Robert faisait des contre-épreuves, une technique qui consiste à disposer une feuille humidifiée sur un dessin au crayon afin d’obtenir la réplique inversée du dessin original. La majorité des dessins originaux étant inconnus ou actuellement conservés dans des collections privées, cette exposition permet de restituer une pratique essentielle à l’art d’Hubert Robert, offrant ainsi un regard nouveau sur la réalisation et la diffusion de ses œuvres peintes ou dessinées. LES HUBERT ROBERT DE BESANÇON, exposition du 21 septembre au 6 janvier au Musée des Beaux-arts et d’Archéologie à Besançon. www.mbaa.besancon.fr Visuel : Hubert Robert, La Coupole de Saint-Pierre de Rome, BMB


Par Xavier Hug

Photo : Nicolas Waltefaugle

La rue est à nous

La culture du graffiti, cet acte coupable des années 1980, injectée aujourd’hui dans le système des galeries d’art contemporain, est en pleine mutation. Deux des artistes les plus stimulants de ces transformations étaient présents à Besançon pour la troisième édition de Bien Urbain. Akay

Comme tous les bons titres, Bien Urbain joue sur sa polysémie. Si la culture urbaine est indissociable d’un certain style de vie inhérent à la ville et déclinée selon des modalités culturelles, nationales et locales, la volonté d’interroger la res publica, cette « chose publique » communautaire, reste une des premières motivations de David Demougeot, directeur artistique de l’événement. Le temps de l’événement, quelques biens urbains, essentiellement composés de façades et de mobilier, sont portés aux nues par l’intervention éphémère d’artistes incitant les habitants de la ville à porter un autre regard sur leurs quotidiens tout en proposant une expérience du sensible qui échappe, subrepticement et imparfaitement, au domaine marchand de l’économie de marché. Bien Urbain c’est la suite d’une aventure lyonnaise débutée autour d’une galerie. Très vite, les espaces confinés et connotés de cette structure ont amené leurs animateurs à vouloir recontextualiser cet art là où il est né et d’où il prend et porte tout son sens : la rue. Toutefois, parler de street art n’est jamais qu’une étiquette accolée par des tenants extérieurs : les critiques et les institutions. Les peintures murales du hollandais Erosie se risquent par exemple au jeu de l’art en ne suivant que leurs propres règles. Échappé du design graphique, l’artiste navigue aujourd’hui entre les catégories, les formats et les concepts pour élaborer un corpus qui se décline en motifs divers à partir d’un seul et même canevas de base sans cesse reconstruit. Le résultat donne à voir sur un mur courbe un ensemble de formes abstraites aux couleurs simples et monochromes délivrant une variété d’impressions selon le point de vue d’observation.

Bien Urbain est parfois accusé de participer à la gentrification de la ville. Accusation sans fondement qui semble n’avoir pas saisi toute la dynamique contraire de cette initiative. L’événement s’emploie à ré-enchanter le quotidien en apportant de la couleur et de la variété à des façades grises et uniformes. En cela, le projet Rainbow du suédois Akay est épatant de malignité technicienne et de naïveté enfantine. Ce dernier, accompagné à Besançon de Rae, auteure de littérature jeunesse, poursuit dans la capitale comtoise un projet décliné dans plusieurs villes européennes : la collecte des « pensées privées pour espace public ». Soit de petites phrases incongrues, poétiques ou engagées disséminées sur le mobilier urbain. Puisque les politiques délaissent le bien commun, autant l’occuper sainement semble nous dire ce duo facétieux. Le cœur du programme de Bien Urbain s’étale sur un mois, le temps nécessaire pour rencontrer les artistes présents, se promener pour (re)découvrir leurs œuvres, comme certaines des précédentes éditions qui restent visibles. Le temps nécessaire pour recréer la ville. BIEN PUBLIC#3, parcours artistiques dans (et avec) l’espace urbain du 5 septembre au 5 octobre à Besançon. www.bien-urbain.fr

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Par Emmanuel Abela

passage(s) à l'acte À l’occasion de la parution de l’ouvrage Artistes à l’œuvre, l’art contemporain en pratique, Novo livre les premières images.

Adel Abdessemed est adepte du dessin à la pierre noire, l’outil primitif par excellence. Il offre ici une prestation proche de la performance.

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Bertrand Lavier a fait appel à Bruno Bossut pour réaliser Walt Disney Production n°1. Le moule, en plusieurs parties, est recouvert de résine. À New York, Xavier Veilhan installe Jean-Marc. Portrait de l’artiste par Jean-Marc Bustamante.

Douze artistes (Ben, Claude Lévêque, Annette Messager, Bernar Venet, Marco Godinho, Xavier Veilhan, Bertrand Lavier, Nils Udo, Baptiste Debombourg,…) se sont prêtés au jeu de la rencontre, de la confidence et à l’exercice de l’atelier pour dévoiler le moment de tension extrême, celui du passage à l’acte créateur. De l’idée à la matière, Artistes à l’œuvre interroge les enjeux, les techniques, les attentes et les doutes de l’artiste. On pourrait croire l’exercice compliqué et pourtant, il n’y a guère que les historiens, esthéticiens de l’art et autres sociologues pour ne se soucier que du concept. Les artistes sont, eux, tout juste surpris, mais enthousiastes de parler de leurs pratiques sous l’angle du “faire”, du matériau et de ses contraintes, de tout ce qu’on ne voit pas dans l’œuvre finie. L’ouvrage restitue donc le chemin de la création via des propos et des visuels d’artistes inédits.

ARTISTES À L’ŒUVRE, L’ART CONTEMPORAIN EN PRATIQUE, ouvrage de Vanessa Schmitz-Grucker aux éditions Eyrolles. www.eyrolles.com Rencontre avec Bertrand Lavier et performance de Marco Godinho le 23 octobre à 18h30 à la Librairie Kléber à Strasbourg. www.librairie-kleber.com Rencontre avec Claude Lévêque le 22 novembre à l’auditorium du MAMCS à Strasbourg. www.musees.strasbourg.eu

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Par Caroline Châtelet

Photo : Ateliers Lion Architectes Urbanistes

le musée et

le geste Après plus de dix ans de travaux le musée des Beaux-Arts de Dijon rouvre ses portes, confortant sa position symbolique au cœur de la Cité. Mais ce lieu aux multiples facettes ne révèle pas aisément son angle d’approche au journaliste qui veut s’en saisir... Cher Lecteur, Allez, je peux bien te l’avouer : je ne m’en sors pas. Certes, ce n’est pas nouveau, et ce sentiment s’éprouve à chaque numéro, devant cette interrogation : quel angle trouver pour aborder tel (ou tel) sujet ? Tu me répondras peut-être que la question est commune à tous les supports, les articles, les journalistes. Sauf que la forme déterminant le fond, la facture de Novo à mille lieux de celle d’un quotidien suscite l’ambition d’un propos dont l’intérêt excéderait vingtquatre heures. Alors, comme à chaque numéro, pour chaque article, se rejoue la tentative d’inscrire chaque sujet dans un temps plus long, un champ plus vaste. Sauf que là, je sèche. Non pas que la réouverture du musée des Beaux-Arts de Dijon, installé dans le palais des Ducs et des États de Bourgogne, ne soit pas intéressante. Non pas que la fin de la première phase de travaux, après plus de dix ans de chantier et avant la mise en œuvre des deuxième et troisième phases, ne soit pas une réussite, révélant des richesses insoupçonnées du palais ducal. La rénovation, qui permet d’exposer plus d’œuvres – le musée ne proposait auparavant que 17% de ses collections – et donne à voir le bâtiment comme objet architectural et archéologique, est on ne peut plus

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pertinente. À ce titre, le travail qui a permis à la galerie de Bellegarde de retrouver sa physionomie originelle et son lustre, est emblématique de l’attention à l’histoire du lieu. De même, le réaménagement de la cour de Bar et les travaux reliant la terrasse du nouveau bar du musée au square des Ducs ancrent symboliquement l’institution muséale au cœur de la ville. Et c’est sans parler de la valorisation des Tombeaux des Ducs de Bourgogne, de la muséographie renouvelée, de la mise en ligne progressive des œuvres sur le site internet ou, encore de la gratuité du musée. Mais tout cela étant détaillé dans divers documents et déjà largement relayé par la presse, qu’ajouter qui ne soit pas une vague redite ? J’ai bien eu une idée : un article virulent dans la Tribune de l’Art critiquant la création par l’architecte maître d’œuvre Yves Lion d’une toiture dorée dans la cour de Bar (camouflant l’installation d’éléments contemporains, dont un ascenseur), pourquoi ne pas s’interroger sur ce geste architectural ? Sauf que ça ne donne rien. Ou plutôt, pour reprendre les termes d’Yves Berteloot, « il n’y a pas de débat. Hormis quelques réticences et remarques, cette touche contemporaine est très bien perçue ». L’élu à la culture de Dijon m’a même avoué sa surprise, disant s’attendre à ce qu’il y en ait un, « de débat, la proposition pouvant sembler audacieuse. Mais son intégration parfaite au bâtiment et la nécessité à laquelle elle répondait font qu’elle est très bien reçue ». Partageant le regard d’Yves Berteloot sur le mariage réussi de la toiture avec le bâtiment, qu’elle accompagne et rehausse, mais à demi convaincue par ce qui semble être de la pure rhétorique politique – dénier l’existence d’un débat avant de déplorer son absence –, pourquoi ne pas interroger trois des principaux acteurs de la rénovation sur ce sujet ? Et bien, cher Lecteur, c’est encore raté. Car qu’il s’agisse de la directrice du musée Sophie Jugie, de l’architecte et maître d’œuvre du projet Yves Lion, ou de l’architecte en chef des Monuments historiques Éric Pallot,


Perspective Cour de Bar © Perspectives des ateliers Lion Architectes Urbanistes, 2012

tous trois réfutent le terme de geste. Après, au-delà de ce refus, leurs réflexions sur la notion de geste et le travail mené révèlent la concertation et l’écoute qui ont précédé à ce projet de rénovation. Démontrant – une fois de plus – que si l’angle espéré peut échapper, c’est pour s’ouvrir à d’autres insoupçonnés... Sophie Jugie, directrice du musée des Beaux-Arts : « Yves Lion est un architecte qui cherche à être juste et je n’ai pas du tout vécu son intervention comme un geste ou un manifeste. Voulant résoudre un certain nombre de problèmes fonctionnels, il en a déduit qu’il fallait intervenir sur le bâtiment. Lors du concours, le toit dessiné s’assimilait aux structures et passait plus discrètement. C’est au cours de l’élaboration du projet, en échangeant avec Éric Pallot et les représentants des monuments historiques que nous l’avons poussé à adopter un vocabulaire délibérément contemporain, considérant qu’il n’y avait pas de raisons de ne pas intervenir dans un style du XXIe siècle pour résoudre une question du XXIe siècle ». Yves Lion, Ateliers Lion, architecte urbaniste : « Le geste architectural ne fait pas partie de mon travail et je suis même farouchement opposé au fait que l’architecture puisse se réduire à des « gestes ». Le terme existe, il est parfois utilisé pour parler d’architecture, mais il serait trop simple de ramener à un simple geste le fruit de raisonnements, de considérations matérielles, techniques et de cheminements philosophiques. Cela évoque quelque chose de gratuit et d’instinctif, alors que répondre à un concours consiste à se poser cette question – sublime – « que doit-on faire là ? ». Cela demande une vraie réflexion. Il y avait un enjeu considérable à travailler dans le palais des Ducs de bourgogne, qui est l’un des monuments les plus importants de France. Face à un tel bâtiment vous essayez d’être sincère, pertinent. Vous ne pouvez pas être expéditif ».

Éric Pallot, architecte en chef des Monuments historiques : « L’intervention sur un monument ancien se caractérise le plus souvent par une écoute, une immersion et une réponse au monument. Celle réalisée par Yves Lion trouve toute sa justification, puisqu’elle correspond à un besoin et s’appuie sur une possibilité offerte par le bâtiment. Lorsqu’on parle de geste architectural, on parle de geste gratuit et ce n’est pas le cas ici ». Donc voilà, cher Lecteur, raté pour l’angle unique et raté pour l’assimilation de la nouvelle toiture de la cour de Bar à un geste architectural. En revanche, ce que nous disent aussi les paroles précitées, c’est à quel point un projet architectural de cette ampleur s’élabore dans un dialogue fécond entre les différents interlocuteurs du projet. Bâtiment inclus... RÉOUVERTURE DU MUSÉE DES BEAUX-ARTS, ouverture du mercredi au lundi dans la cour de Bar à Dijon. mba.dijon.fr

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Par Sylvia Dubost

La culture

ne connaît pas

la crise

L’inauguration de la NEF, nouvel équipement culturel (et projet urbain) le prouve : Saint-Dié-des-Vosges mise sur la culture pour changer d’image et rendre possible son développement. Comme quoi, même en 2013, on peut faire de la culture le cœur de la politique municipale.

Devenir le Pôle du Sud Lorraine : c’est ce à quoi aspire aujourd’hui Saint-Dié. En clair, apparaître sur les radars des investisseurs aux côtés de Nancy et de Metz. Pour cela, Saint-Dié, 20 000 habitants, chef-lieu des Vosges, doit changer d’image. Le maire Christian Pierret, ancien Ministre délégué à l’industrie, est convaincu qu’une offre culturelle de hautniveau est une bonne stratégie pour y parvenir. L’inauguration de la NEF le 13 octobre sera une étape essentielle. On a déjà évoqué dans ces pages cet équipement grandiose : un espace de 1600 m2, conçu par le cabinet DWPA, qui réunit sous le même toit – celui de l’ancienne usine de bonneterie, dont la structure et la verrière sont préservées – le conservatoire de musique, un peu à l’étroit dans ses locaux, et une « fabrique des cultures actuelles », nouvelle entité qui accueillera en résidence des compagnies de danse et de théâtre. Des salles de musique, un espace de répétition modulable pour le spectacle vivant pouvant recevoir du public, des studios de répétition et d’enregistrement pour les musiciens, équipés par Klinger Favre, le Michel-Ange des acousticiens… la NEF est « sûrement la plus belle réalisation de cette mandature… », comme l’affirme Christian Pierret. Et certainement l’une des plus belles de la région.

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Plus qu’un équipement culturel, la NEF est le cœur d’un projet de ville : dans ce quartier difficile, le Projet de Rénovation Urbaine prévoit aussi, à terme et entre autres, la construction de logements et la réhabilitation du centre social. La NEF s’entoure de jardins publics, d’un théâtre de verdure pour des spectacles en extérieur, sa façade peut s’habiller de projections visibles par tous et le bâtiment peut être traversé à toute heure. Si les artistes sont d’accord, on pourra les voir en répétitions. Un équipement séduisant, à tous points de vue. Le projet culturel est aussi ambitieux que le projet architectural : la NEF compte bien inviter le meilleur de la création contemporaine, et a déjà intégré à sa première saison des artistes à la réputation bien assise. La soirée de lancement annonce ainsi la couleur en invitant, entre autres, le chorégraphe belge Wim Vandekeybus et sa nouvelle version du spectacle qui avait secoué la planète danse en 1987 : What the body does not remember. En résidence cette année, la Societas Raffaello Sanzio (la compagnie de Romeo Castellucci) et le KVS, le théâtre royal flamand de Bruxelles. Des artistes habitués des plus grandes scènes et festivals d’Europe…


Si la NEF est un projet phare, il s’inscrit dans une dynamique générale qui le dépasse. L’Espace Georges Sadoul, le théâtre, a ainsi été rénové l’an passé et depuis labellisé « Lorraine en scène ». Avec la NEF et le Conservatoire, il va former une structure intitulée Scene+, conçue, pour plus de souplesse, sur le modèle d’une société privée mais financée par les habituels canaux publics et bien plus souple qu’une entité municipale. Le musée Pierre Noël, handicapé par une réputation un peu poussiéreuse, fait également peau neuve. Une aile entièrement rénovée accueillera dès octobre du mobilier Le Corbusier et Jean Prouvé et permet à la ville de renouer avec son passé moderniste, elle qui accueille, en toute discrétion, la seule usine jamais construite par le premier et la maison que le deuxième a conçu pour sa famille (l’occasion aussi de rappeler que Le Corbu avait conçu un projet pour la ville après sa destruction en 1944). Au dessus, la collection Claire et Yvan Le Goll, écrivains et éditeurs proches des surréalistes, qui comprend des œuvres de Léger, Picasso, Delaunay, Chagall, Dalí, Tanguy, Miró… sera enfin mise en valeur dans le lieu à qui elle a été léguée.

En terme de politique culturelle municipale, alors que les budgets des villes sont généralement en baisse, Saint-Dié est très certainement exemplaire. « L’attractivité de la ville est une des conditions de sa relance économique », explique Christian Pierret, rappelant que le véritable objectif est ailleurs. SaintDié doit, en premier lieu, devenir une destination touristique (en l’occurrence de tourisme culturel). La valorisation de ses nouveaux équipements, auxquels s’ajoutent les vitraux contemporains de la cathédrale – conçus par, entre autres, Jean Bazaine et Alfred Manessier – et l’inscription de SaintDié dans un futur parcours européen de villes Le Corbusier, vont très certainement l’y aider. Ces touristes futurs, les géographes (et amateurs du genre) les ont devancés depuis 24 ans, eux qui viennent nombreux au Festival International de Géographie, la référence dans le domaine. Une manifestation qui a largement contribué à dynamiser la discipline (on y parle géopolitique, géomatique, géolocalisation, géomarketing, gestion des risques…) mais aussi le commerce, puisque 600 intervenants occupent hôtels et restaurants. À sa suite, l’École Internationale de Géographie devrait ouvrir la saison prochaine et accueillir des organismes publics et privés qui ont besoin de formations dans tous les domaines cités ci-dessus. Ce sont eux, les véritables cibles… « Le but, c’est la restauration d’une dynamique de ville, précise Christian Pierret. Sinon, il faut accepter la récession. Ce n’est pas la garantie du développement économique, mais c’est le rendre possible. On crée les conditions de l’activité, après, cela ne dépend pas de nous ». Mais il en est convaincu : « Nous allons laisser sur place tous les autres ». INAUGURATION DE LA NEF (avec Wim Vandekeybus, Christophe Greilsammer, Rodrigo Garcia), le 13 octobre à Saint-Dié des Vosges. www.saint-die.eu

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Par Claire Tourdot

The Wild Side

Portraits de toute une génération éduquée à la Factory de Warhol, Flesh et Trash retracent la journée d’un jeune marginal au cœur d’un New-York exubérant. De l’écran à la scène de théâtre, Pierre Maillet rend hommage aux films cultes du cinéma underground américain réalisés par Paul Morrissey.

Il fut un temps à New-York où existait un lieu dédié à la création sous toutes ses formes et sans entrave. Un lieu de rassemblement et d’exhibition, aussi bohème qu’arty, excentrique que moderne. Créé par le « pape du Pop », monsieur Andy Warhol, la Factory joue entre les années 60 et 80 un rôle primordial pour la scène artistique newyorkaise. Dès 1968, Paul Morrissey met en scène les habitants de l’atelier dans Flesh : Joe Dallesandro y incarne un jeune homme forcé de se prostituer pour payer l’avortement de la nouvelle copine de sa femme. Deux ans plus tard, on retrouve la même bande d’acteurs dans Trash, l’histoire d’un junkie en quête d’argent pour payer ses doses d’héroïne. Unis par une même figure principale, les deux pans du diptyque oscillent entre réalité et fiction : les acteurs « guests » n’ont jamais été aussi sincères et spontanés qu’en jouant le rôle de personnages imaginaires. Cette ambiguïté séduit d’emblée Pierre Maillet, au point de vouloir adapter les deux films au théâtre, au sein d’une même création. « J’ai été touché par la liberté des sujets abordés et la façon dont ils ont été traités, à mi-chemin entre le documentaire et la fiction. Flesh et Trash sont des films représentatifs d’une époque, à la sortie de la libération sexuelle » explique le metteur en scène. Poussant à l’extrême les limites de l’érotisation jusqu’à la banalisation, Paul Morrissey immortalise sur pellicules la peau et le corps de Joe Dallesandro, devenu depuis le sex-symbol de toute une génération. Les deux opus sont paradoxalement loin de la provocation : Joe devenu gigolo puis junkie conserve une étonnante innocence malgré sa vie décousue. Et à y regarder de plus près, l’univers marginal n’est finalement pas si loin des préoccupations de tout un chacun.

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Ne vous attendez cependant pas à voir apparaître sur scène un nouveau Dallesandro : de façon à démultiplier les rencontres, Pierre Maillet a choisi de clairement séparer les acteurs de Flesh et Trash, imaginant l’histoire parallèle de deux frères. L’humanité criante déjà présente chez Morrissey gagne en intensité sur les planches de la scène : « Mêler les deux films dans un entrechoquement permet de recréer l’impression de montage jumpcut et décousu. Dans le spectacle, les acteurs jouent les scènes avec leur temporalité propre mais ces scènes sont heurtées par des dialogues improvisés. Il y a là quelque chose de très authentique ». Par une mise en scène délibérément peu travaillée, Pierre Maillet a su préserver l’étincelle d’émouvante beauté qui se dégage des chefs d’œuvres de Morrissey. Derrière la mise en scène des journées de Joe, se devine un hommage à la bande de la Factory et plus largement encore, la mise en lumière d’une autre facette de l’Amérique. FLESH/TRASH, pièce de théâtre inspirée des films du même nom de Paul Morrissey du 13 au 15 novembre au Maillon à Strasbourg. www.maillon.eu


Par Claire Tourdot

Photo : Hervé Bellamy

Vivre dans la tempête Sur les planches du théâtre comme dans le monde réel, l'existence reste imprévisible, oscillant entre sens et non-sens. Bernard Sobel met en scène le trop peu connu Hannibal de Christian Dietrich Grabbe ou l'histoire d'un homme de pouvoir face à la défaite de son armée.

À vie chaotique, créations magistrales. Voilà comment pourrait se résumer la dualité qui existe entre le parcours personnel de Christian Dietrich Grabbe et la portée de ses écrits dramaturgiques. Avec pour tout premier souvenir d’enfance, l’accompagnement d’un condamné à mort dans la prison dirigée par son père, le farouche auteur allemand était voué à une existence tourmentée. Mais déterminé à faire tourner la roue de la fatalité, dans une soif insatiable de création et de reconnaissance, il écrit une poignée de pièces – Christian Dietrich Grabbe meurt prématurément à 35 ans – ayant pour sujet central un héros tragique. Familier des grandes tragédies historiques shakespeariennes, il compose en 1835 sa dernière pièce, Hannibal, relatant les hauts faits du chef des armées carthaginoises en guerre contre Rome. La création s’ancre véritablement dans le mouvement préromantique du Sturm und Drang : les faits historiques sont relayés au second plan, perdant de leur importance pour mieux dessiner les contours d’une image universelle, celle d’un homme en proie aux doutes et à la défaite.

L’Histoire n’est pas le lieu d’un refuge confortable mais bien un moyen de mieux comprendre et appréhender le présent. « Mettre en scène les grands personnages du passé donne à Grabbe l’occasion de réfléchir sur la société : l’Histoire est matière à théâtre » explique Bernard Sobel. Car derrière le grand Hannibal se cache un homme fait de chair et de sang, avec ses préoccupations, espérances et désillusions. Un homme confronté au déroulement inattendu de son existence et aux conséquences qui en résultent. L’histoire d’Hannibal est finalement celle de tout homme, petit ou grand, illustre ou non, peu importe les époques. « La pensée de Grabbe est très moderne : il nous fait nous poser des questions, réfléchir à ce qui nous arrive afin de rendre la réalité d’aujourd’hui praticable. Le théâtre nous permet de constater que si la vie est compliquée, c’est tout à fait normal ». Malgré ce pessimisme revendiqué, la pièce ne tombe pas une fois dans le tragique : Hannibal – comme le spectateur – connaît l’issue fatale de l’aventure et l’accueille avec sagesse, annulant ainsi tout suspens. Aucune porte de secours n’est possible, le héros devra préparer sa sortie de scène, c’est-à-dire son suicide. Sans détour, Christian Dietrich Grabbe nous fait miroiter un monde impitoyable et dénué d’illusions, où l’existence est vouée à la médiocrité. On trouve là une explication au moindre succès de l’auteur et de son Hannibal... pourtant tellement justes. HANNIBAL, pièce de théâtre du 10 au 19 octobre au TNS à Strasbourg. www.tns.fr

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Par Caroline Châtelet

Photo : Thomas Faverjon

Ouvrant sa saison, le Théâtre Dijon Bourgogne accueille conjointement Modèles, La Maison et King Kong Théorie. Trois spectacles qui dialoguent avec les représentations de la femme, mais qui questionnent, également, quant à la parole donnée aux artistes femmes.

Ce que disent les femmes Depuis la création de H/F, mouvement l u t t a n t p o u r l’é ga l i t é h o m m e s / femmes dans la culture, des chiffres sont régulièrement cités : en 2011, par exemple, 75% des théâtres nationaux (dramatiques et lyriques), 100% des orchestres nationaux, 70% des centres chorégraphiques nationaux ou encore 85% des centres dramatiques nationaux sont dirigés par des hommes. Tandis que le Ministère de la culture, qui clame sa vigilance, a créé un Comité ministériel ainsi qu’un observatoire pour l’égalité des femmes et des hommes dans la culture, et lance une « Saison égalité », certains théâtres attirent l’attention sur la présence d’artistes femmes dans leur programme. Mais au-delà des calculs consciencieux et des politiques au volontarisme affiché, d’autres éléments méritent d’être questionnés : quels sujets abordent les metteuses en scène ? Ou plutôt, quels projets montés par des femmes sont aujourd’hui programmés et visibles ? Voire, à quelle(s) parole(s) ces artistes sont-elles assignées ou s’assignent-elles elles-mêmes inconsciemment ? Et bien – quelle surprise – c’est souvent de la femme dont il s’agit. Traitée au singulier ou au pluriel, par le biais d’histoires intimes ou publiques, de destins communs ou individuels, cette « thématique » parsème les programmations, comme

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si ce sur-lignement d’une présence féminine (artistes & sujets) permettait une auto-disculpation des théâtres. Le TDB n’échappe pas à la tendance et outre Elle Brûle de Caroline Guiela Nguyen – inspiré de Madame Bovary de Flaubert –, Sirènes de Pauline Bureau – qui mêle les paroles de trois générations de femmes – et La Fausse suivante mis en scène par Nadia Vonderheyden – pièce de Marivaux dans laquelle une jeune femme se travestit pour déjouer son prétendant – les trois spectacles ouvrant la saison creusent ce sillon. Ainsi, en regard de Modèles de Pauline Bureau, proposition explorant « les identités possibles et impossibles de la féminité », Cécile Backès met en scène La Maison et King Kong Théorie d’après les écrits respectifs de Marguerite Duras et Virginie Despentes. Or, ces deux textes se retrouvent aussi et en partie, aux côtés des voix de Judith Butler, Simone de Beauvoir ou Catherine Millet dans Modèles, dont ils composent le patchwork textuel. Ici montées par une autre metteuse en scène – Backès et Bureau n’ont ni le même âge, ni le même parcours, ni le même regard – les paroles de Duras et Despentes viennent étayer des réflexions et prolonger certains questionnements esquissés par l’équipe de Modèles. Au-delà de leurs propos respectifs, le dialogue que nouent entre eux ces trois spectacles renvoie, aussi, à la démarche entreprise par le metteur en scène et directeur du TDB Benoît Lambert dans ses récentes créations : « faire avec » les discours dominants et les modes de représentation établis, l’enjeu étant de permettre à chacun de les dépasser par le biais de l’expérience. MODÈLES, pièce de théâtre du 8 au 12 octobre au Parvis Saint-Jean à Dijon. LA MAISON, pièce de théâtre les 8, 10 et 12 octobre à la salle Jacques Fornier à Dijon. KING KONG THÉORIE, pièce de théâtre les 9, 11 et 12 octobre à la salle Jacques Fornier à Dijon. www.tdb-cdn.com


Par Claire Tourdot

Photo : Pierre Nouvel

Fais-moi peur ! Malheur à celui qui ose prononcer le nom de la plus sombre des pièces de Shakespeare. Avec the Scottish Play, Cédric Orain met librement en scène un Macbeth (zut !) aussi ténébreux que fantastique, où l’éternelle lutte pour le pouvoir est rattrapée par une fatalité meurtrière.

Il existe un instant, juste avant la tombée de la nuit, où la lumière du jour n’a pas encore disparu et où l’obscurité est déjà pourtant présente. Ce moment particulier, celui du crépuscule, du demi-jour, de la pénombre grandissante est aussi celui de l’incertitude. Quel est ce bruit au fond du couloir ? Cette ombre qui se dessine au loin ? Macbeth fait frissonner depuis des siècles un spectateur aux aguets, cherchant à comprendre quel conspiration se noue. Car c’est une histoire des plus cauchemardesques que nous conte Shakespeare. À son retour d’une campagne victorieuse, le valeureux Macbeth croise sur le chemin des landes trois sorcières. Celles-ci lui prédisent un futur empli de gloire : il sera couronné roi d’Écosse. Mais les rêves d’ambition de lady Macbeth poussent son époux à forcer le destin et par là-même, à commettre une sordide série de meurtres. Les mains souillées du sang de leurs semblables, le couple plonge peu à peu dans un abîme de folie et de remords.

Comme une tâche ineffaçable, la nuit poursuit les meurtriers, tapissant leurs pas dans une pénombre anxiogène. Spectres, sorcières et bestiaire maléfique font sursauter Macbeth tout comme le spectateur, entre fascination et effroi. Mythologie à eux seuls, les êtres qui hantent la pièce dite « maudite » participent à une esthétique gothico-fantastique où les brumes écossaises dissimulent un monde halluciné. Sur scène, le décor épuré intègre un assemblage en tulle qui, associé à la projection vidéo, brouille les frontières entre réalité et illusion, apparitions et disparitions. Gardez l’œil ouvert ! « Le fantastique est très présent dans Macbeth mais dans cette version adaptée, on est plutôt du côté du grotesque kitsch, on joue à se faire peur en embarquant dans le train fantôme des fêtes foraines » explique Cédric Orain. The Scottish Play est avant tout une adaptation très libre du classique élisabéthain : les dialogues sont un patchwork de bribes de souvenirs, de réflexions, de réécritures, voire d’extraits de pièces différentes de Shakespeare. Au centre de l’attention, le couple d’époux incarné par Eram Sobhani et Céline MilliatBaumgartner surprend lui aussi par sa singularité. Exit les traditionnelles figures lugubres : les deux comédiens à la physionomie « ordinaire » se métamorphosent littéralement sous nos yeux pour graduellement atteindre le sommet du monstrueux. Il suffira d’une nuit pour mettre en marche l’écrasante fatalité, sans retour possible. Là est le génie de la légende Macbeth où « ce qui commence dans le mal, s’affermit par le pire ». THE SCOTTISH PLAY, pièce de théâtre le 19 novembre à Ma Scène nationale à Montbéliard. www.mascenenationale.com

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Par Baptiste Cogitore

Photo : C. Hélie / Gallimard

Au risque

du réel

De sa famille déportée le 14 août 1943, Marcel Cohen n’a pu conserver que quelques photographies et des objets épars pour reconstituer des biographies amputées et minuscules. Sur la scène intérieure rappelle que la littérature est avant tout silences, manques et oubli. Dans À des années lumières, vous affirmez : « Je peux bien dire que je suis dépossédé de ma biographie ». Écrire sur les vôtres avec Sur la scène intérieure, c’était une manière de leur redonner la leur ? Oui. Leurs existences, leurs vies étaient perdues à jamais. Et ce petit livre en montre justement l’insignifiance. Ma mère est morte à 28 ans et ma sœur à six mois : leurs biographies étaient encore inexistantes. Comment écrire sur des gens qui n’ont pas eu de vie ? C’est cela qui m’a empêché d’écrire ce livre pendant si longtemps. Quant à ma vie, j’ai l’habitude de dire qu’elle ressemble à celle de tous les enfants cachés pendant la guerre. Contrairement à Faits, vous n’hésitez plus à dire « je » dans ce livre. Pourquoi a-t-il fallu si longtemps pour endosser l’habit du « je » ? J’ai commencé par dire « je » dans mes trois premiers livres, parce que je pensais que c’était là le meilleur moyen de ne pas parler de moi. Mais petit à petit, j’ai pensé que cette espèce d’introspection qui va de paire avec le « je » me semblait fausse. J’ai alors commencé à penser que je ne pouvais même pas raconter des histoires, mais seulement des sujets d’histoires. Dans Faits, je commence souvent par dire « Un homme ». J’en suis venu à me dire qu’il y avait là beaucoup plus d’authenticité et de véracité qu’en construisant une nouvelle classique avec une identité, un personnage, un nom, etc.

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S’il vous a fallu du temps pour écrire Sur la scène intérieure, est-ce aussi pour une question de distance avec les événements ? J’ai compris empiriquement que ce livre devait être un reflet de moi-même, y compris dans ce que je ne sais pas. J’aurais pu travailler comme un biographe, faire des recherches à Istanbul sur mes parents... Mais cela m’éloignait du sujet : j’aurais tenté d’apprendre au lecteur des choses que je ne savais pas. Je pense qu’il était important de prendre le risque de laisser des vides, de l’ignorance, du silence. Ce que je ne sais pas, plus personne n’est là pour me l’apprendre. Vous écrivez dans un autre entretien que « la littérature, c’est aussi, c’est peutêtre même d’abord une très grande méfiance à l’égard de la littérature ». L’écriture elle-même est un mouvement de méfiance ? Oui. Je crois même qu’elle n’est que cela. Méfiance et risque. Maurice Blanchot disait que la littérature commence avec la question : « qu’est-ce que la littérature ? ». Il me semble que chaque écrivain doit répondre à cette question, et trouver une réponse qui soit aussi proche que possible de son temps, de ses préoccupations personnelles et de ce qui s’écrit autour de lui. Se méfier de


encore lire des romans avec la nostalgie qui étreint parfois celui qui regarde une photo d’enfance. Y renoncer, c’est à mon sens accepter de devenir adulte.

la littérature est impératif. Je crois qu’un écrivain est avant tout quelqu’un qui ne sait pas écrire mais qui veut écrire malgré tout. C’est ce qui donne une tension au texte. Une tension démesurée pour dire quelque chose d’extrêmement simple. Et en même temps, l’écrivain ne s’expose vraiment que s’il renonce à l’écriture. Sinon, il n’est qu’un notable. Quels rapports entretenez-vous avec la fiction ? La fiction serait un moyen aujourd’hui de cacher le réel. Comme l’Histoire, elle sert à parler du passé de façon à ce qu’il ne pèse pas trop sur nos épaules. C’est pourquoi j’ai voulu m’en écarter. Je m’assimilerais plutôt au photographe qui montre. Dans Faits, je cite mes sources pour qu’on ne puisse pas réfuter les événements dont je parle. Aussi dérangeants soient-ils. Il s’est passé trop de choses depuis l’avènement du roman pour continuer à croire en les pouvoirs de la fiction. Depuis le suicide de la culture que furent la guerre et les camps, nous pouvons

Le fragment est chez vous autant une esthétique qu’une véritable éthique : ils laissent le lecteur libre d’aller et venir dans vos livres. La littérature est une rencontre privilégiée entre deux personnes : un moment de vérité intense entre le lecteur et l’écrivain. Un moment profondément éthique où je ne veux pas chercher à vous impressionner par mon savoir ou par mon style. Kafka disait de l’art en général qu’il n’avait qu’un but : « permettre une parole enfin vraie d’homme à homme ». Je ne connais pas de plus grande proximité entre deux êtres qu’à travers une chose écrite. Quand on écrit un roman au sens classique du terme, j’ai toujours l’impression qu’on nous considère comme des enfants qu’on emmène à l’école. L’auteur vous prend par la main, vous séduit comme il peut et ne vous lâche plus. J’aime au contraire qu’on me laisse libre. C’est là qu’est le risque d’un bon livre : qu’un lecteur ne s’y engouffre pas. Marcel Cohen, rencontre le 29 septembre à l’Aubette, à Strasbourg, dans le cadre des Bibliothèques Idéales

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Par Caroline Châtelet

Photo : Olivier Roller

les

pouvoirs du portrait

Profitant de l’exposition Figures du pouvoir, Novo rencontre le photographe Olivier Roller, collaborateur du magazine et explorateur au long cours des multiples visages du pouvoir. On voudrait décrire une séance photo d’Olivier Roller qu’on serait toujours en-deçà de la réalité. Et sans savoir comment les portraits réalisés pour Novo par le photographe furent reçus par les intéressés – qu’il s’agisse, entre autres, du violoniste David Grimal, de la critique d’art Catherine Millet, du metteur en scène Jean-Yves Ruf ou du chef d’orchestre Jean-François Verdier – la rencontre a souvent produit un mélange d’amusement et de fascination. C’est qu’il faut voir Olivier Roller à l’œuvre, décontracté et résolu, ponctuant les indications à son modèle d’interjections ou de remarques sur sa posture. Et tout comme ses portraits francs, décapants ne dégagent rien de convenu, Olivier Roller, avec un entrain éperdu, y va. Là où on ne va pas, au plus près du visage, dans l’espoir de saisir non pas l’image que l’autre s’est construit mais celle qui résiste, et qui par son intrusion va surgir. Mais si Roller est dans ces pages, ce n’est pas pour parler de son travail de commande – qui l’amène à réaliser des portraits pour Le Monde, Libération et d’autres –, ni de ses liens anciens avec l’un des co-éditeurs de Novo – originaire de Strasbourg, il débuta en réalisant des portraits pour Limelight, revue de cinéma montée par Bruno Chibane –, mais de Figures du pouvoir. Débuté en 2009, ce travail au long cours explore les di-

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verses facettes du pouvoir : « Le pouvoir est un fantasme, il échappe sans cesse à ce qu’il est. Passionné par l’idée que dans notre société le masque fait la fonction, j’essaie d’en parler de la manière la plus littérale possible, en photographiant ceux qui font notre monde ». Articulé actuellement autour de quatre thèmes, « les vivants, les empereurs romains – sorte d’origine du pouvoir –, les autoportraits et des photos de [sa] mère », Figures du pouvoir aborde autant « un aspect fantasmagorique que concret ». Mais ces axes révèlent, aussi, une évolution : car des Autoportraits, série récente où le photographe devient sujet en rejoignant comme par effraction son modèle, à La mère, travail débuté en 2000 et montré pour la première fois à Mulhouse, Roller « s’expose » plus. Due pour lui à « l’exigence du lieu, la taille de la Filature nécessitant de montrer plusieurs travaux », et au fait que chaque « exposition est différente », cette implication aborde le versant intime du pouvoir. « Nous avons tous des rapports singuliers au pouvoir, liés à nos relations avec notre famille et notre histoire, et j’essaie de les signifier de plusieurs manières. Pour les portraits de ma mère, cela tient au fait que le parent est le premier pouvoir pour l’enfant. N’ayant pas connu mon père, ma mère a joué seule ce rôle ». Quant aux Autoportraits, ils racontent une autre


relation : « Habituellement lorsque je fais une photo c’est moi qui ai le pouvoir. Là, je ne vois pas ce que la personne exprime, puisque bien que je la guide, elle fait ce qu’elle veut. Va-t-elle rester comme elle était ou reprendre sa pose de communicant ? ». Intégrant l’absence de maîtrise du photographe sur son sujet, cette série a débuté par hasard : « Jeanne Moreau a dû être l’une des premières. Je ne sais pas pourquoi j’ai fait ça... C’était la dernière photo et j’ai certainement voulu laisser une trace de notre rencontre. Puis je l’ai fait régulièrement, sentant qu’il y avait une matière à accumuler, mais sans réfléchir. C’est avec les hommes politiques que j’ai eu conscience de vouloir un autoportrait. Pour caricaturer, quand je photographie j’essaie de retourner le masque

social pour explorer les signes, les traces. Quand je retourne le masque d’un homme politique, je ne vois rien. Me mettre à leurs côtés symbolise l’échec à représenter la personne et mon effraction produit quelque chose, la photo tient grâce à moi ». Fascinantes par ce qu’elles révèlent du modèle – ainsi du recul crispé de Marine Le Pen ou du doux flegme de François Hollande –, ces photos en disent long sur le rapport d’Olivier Roller à sa pratique. Car qu’il évoque son métier – « je ne suis pas vraiment photographe, je ne sais faire que des portraits » –, son travail – « je suis un gars moyen, j’ai besoin de comprendre ce que je fais, de faire pour comprendre, dans l’échec parfois » –, ou ses débuts – « un jour j’ai pris un appareil, j’ai appuyé sur le bouton et j’ai

trouvé ça sympa » –, il y a quelque chose de déceptif et de non-prémédité. Une position liée, peut-être, à sa vision de la photographie : « C’est un sport de looser, dans le bon sens : nous vivons dans un monde dominé par la circulation des images et des informations. Devant une photographie, il ne se passe rien, tu regardes ou tu pars. Je tente dans une exposition de mettre le spectateur face à des choix ». Cette implication (ou non) du spectateur est d’autant plus forte que les portraits de Roller, entre hyper-proximité et refus de magnifier le sujet, sont dénués de spectaculaire. « Les photos de David LaChapelle, Helmut Newton, Andreas Gursky racontent plein de trucs. Dans les miennes, il n’y a ni trucage, ni grand angle, c’est juste un mec qui ne sourit pas et te regarde. Elles ne « disent » rien ». Une absence de sophistication présente depuis ses débuts : « N’ayant pas fait d’école, je suis allé tout de suite vers ce qui m’intéressait : le visage. C’est un territoire fabuleux, dans la relation à l’autre tout passe par lui et j’ai senti de manière animale que c’était ce qui me plaisait. J’aime être près des gens, enlever le décor. Ce qui m’intéresse dans la photographie ce n’est pas ce que ça montre, mais ce que ça enlève ». Constituant un rapport au monde – « La photographie est le résultat d’une double distance, physique (on ne montre pas la même chose en étant proche ou loin) et intellectuelle (le photographe laisse-t-il son sujet vivre sa vie ? Va-t-il le contrarier pour l’emmener ailleurs ?) » – la photographie est, peutêtre également, l’expression d’une recherche personnelle. La preuve en est l’exposition pour la première fois à la Filature d’une image fondatrice : celle du grand-père d’Olivier Roller, prise à Haguenau. « Aujourd’hui encore, cette photo est forte, elle a quelque chose qui dérange. C’est mon premier portrait et, aussi, la première présence masculine, ce autour de quoi je tourne depuis toujours. La quête du père, au fond. » FIGURES DU POUVOIR, exposition jusqu’au 27 octobre à la Filature à Mulhouse. www.lafilature.org

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Par Claire Tourdot

L’art du mouvement Bien avant d’étudier le mouvement du corps, Josef Nadj apprivoisait déjà celui du crayon. Accompagné de son carnet à dessin et de son appareil photo, le chorégraphe ne cesse d’étonner le monde du spectacle. La première édition de la Biennale de danse en Lorraine prend pour fil rouge son travail audacieux et polymorphe. Les pratiques chorégraphiques s’affirment haut et fort cet automne ! Comme un appel au renouveau, la Biennale de Danse en Lorraine porte le doux nom d’Exp.Edition 01. Initié par les trois Scènes nationales du CCAM de Vandœuvre-lès-Nancy, du Carreau de Forbach et de l’ACB à Bar-le-Duc (rejointes par l’Arsenal de Metz et le Centre chorégraphique de Nancy), ce nouveau temps fort culturel ouvre grand les portes à des échanges renforcés et multipliés entre artistes, organisateurs et publics. Tout au long des mois d’octobre et de novembre, seront organisés de multiples spectacles, expositions, conférences et ateliers au sein des quatre départements de la région sur dix-huit sites différents.

— Nous êtions sans sommeil : couchés dans les roues d’horloge de la mélancolie (Paul Celan) —

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Mais point d’expédition sans figure de proue ! Pour cette première édition, l’œuvre du chorégraphe yougoslave Josef Nadj est placée au centre de l’attention, soulignant en filigrane et de façon exemplaire le besoin d’un renouvellement permanent, au contact des autres. Depuis son audacieux Canard pékinois présenté en 1987, le danseur accumule les créations à succès au côté de sa compagnie Théâtre JEL. « La scène est un endroit exceptionnel pour parler de la condition humaine et pour répondre à la question : “comment se trouver soimême ?” » nous confie-t-il. Sa danse est de celles qu’on pourrait qualifier de macabre : elle avertit ceux qui la perçoivent du caractère éphémère de leur existence, de la nécessité constante d’écouter leur conscience. Et c’est dans la culture asiatique et la philosophie zen de maître Dôgen que Josef Nadj trouve une part de plénitude. En 2008, l’artiste imagine son propre Sho-bo-gen-zo (représentations au Carreau de Forbach, à la Méridienne de Lunéville et au théâtre Gérard Philipe de Frouard), une performance intimiste ouverte sur le lointain : « Je me sens très proche de cette volonté venue d’Orient d’épurer les choses, d’aller vers l’essentiel et la simplicité de la forme ». Cette volonté de dégager pour retourner vers le fondamental, le danseur l’avait déjà affirmé dès 1994 avec Woyzeck ou l’Ébauche du vertige (représentations au CCAM de Vandœuvre), adapté du drame fragmenté de Georg Büchner. Relayé au premier plan par une parole entravée, le corps en mouvement lançait alors un nouvel éclairage sur ce mystère de la littérature inachevé. « Au moment de la lecture, j’emmagasine des visions scéniques qui provoquent des changements d’états spirituels. J’essaie ensuite de me souvenir de tout cela et de développer ces visions dans la salle de répétition », explique Josef Nadj à propos d’Atem, le souffle (représentations à l’Arsenal de Metz). Cette dernière performance inspirée de la poésie de Paul Celan et des gravures de Dürer formule une réunion des arts chère à l’artiste. Formé à l’université de Budapest où il étudie l’histoire


de l’art et de la musique, Josef Nadj ne fait ses premiers pas dans l’univers de la danse qu’à partir des années 80. Les Corbeaux (représentations à l’ABC de Bar-le-Duc) signifie cette frontière poreuse entre les pratiques artistiques, à l’origine de ses recherches. Le danseur y dialogue avec le saxophoniste et multi-instrumentiste Akosh Szelevényi, emportant le spectateur dans un univers des plus sensoriels. Un troisième partenaire prend peu à peu forme sur scène : une peinture noire et profonde, redoublement de l’acte dansé. Du corps en mouvement à la main créatrice il n’y a qu’un pas. Celui d’un prolongement de la scène à la feuille de papier, de la vision scénique à la vision graphique. En marge de sa performance, Josef Nadj imagine une série de dessins à la mine de plomb, ombres minérales de l’envoûtant animal, exposés le temps de la Biennale à l’Office du tourisme de Bar-le-Duc. « Le dessin c’est le contre-point du plateau. Je peux revenir dessus, le modifier, étaler ma réflexion dans le temps alors que sur scène on est dans l’instantané. Le dessin et la performance sont deux approches complètement opposées traitant d’une même thématique : c’est cet écart de processus qui m’intéresse ». Le CCAM de Vandœuvre accueillera quant à lui les photogrammes du danseur : ces photographies réalisées à partir de l’action de la lumière sur un support sensible sont la preuve du constant renouvellement d’un artiste positivement imprévisible. EXP.EDITION 01 - BIENNALE DE DANSE EN LORRAINE, parcours Josef Nadj, aux mois d’octobre et de novembre. www.biennale-danse-lorraine.fr

Mélancolie aérienne

C’est dans un cadre intimiste et à la lueur des bougies que Josef Nadj dévoile son intériorité. Avec Atem, le souffle, il retourne aux sources premières de son inspiration – la littérature et l’art plastique – en renouvelant des thématiques récurrentes : « Ce travail est construit sur l’intuitif : je laisse mon inconscient s’exprimer grâce à la méditation et au rêve ». La poésie de Paul Celan et les gravures de Dürer sont ainsi le point de départ d’un questionnement sur le Temps et la condition humaine : comment appréhender notre état de mortels ? Sommes-nous les esclaves d’une forme de fatalité ? La célèbre Melencolia I gravée en 1514 fait écho aux vers du poète roumain, noircis par l’horreur de la Seconde Guerre mondiale. Le chorégraphe en dégage des détails, les confronte, les déplace dans sa pratique corporelle, donnant naissance à un tableau mouvant, hors du temps. Représentations du 20 au 24 novembre à l’Arsenal de Metz www.arsenal-metz.fr

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Par Guillaume Malvoisin

Photo : Aglaé Bory

L’Art du portrait Sous ses airs placides, Aurélien Bory reste un chorégraphe en lutte. Avec la chair, avec l’espace. Son Plexus, travaillé en 2012 et joué les 5 et 6 novembre au Luxembourg Festival, le prouve une fois encore. Ce solo tente un corps à corps avec l’intime de la danseuse Kaori Ito.

« Un peintre doit penser ce qui lui est donné à voir comme étant là entièrement pour son usage et son propre plaisir ». Lucian Freud griffonne ces notes entre les éclats charnels et lumineux de sa peinture, se plaçant de fait en rejeton moderne de la théorie de l’art vampire. Aujourd’hui, Bory le chorégraphe est bien entendu loin des chaudrons gothiques mais ne devrait pas démentir ces propos. L’écriture de Plexus n’est pas établie pour le corps de Kaori Ito mais avec le corps de la danseuse. Et sans doute également avec ce que le corps d’une danseuse en mouvement peut révéler d’intériorité et d’intimité. La danse même devient matière façonnée par le chorégraphe, s’abreuvant à la chair de son modèle, trouvant ainsi une place proche du littérateur et du peintre.

La question du devenir et du prix que ce devenir réclame est au cœur du travail d’Aurélien Bory. Quelles blessures, les choix d’un parcours de vie laissent-ils voir ? Koari Ito, japonaise exilée à New York puis en Europe pour pouvoir danser est en cela un sujet/objet idéal. La fragilité de la muse idéale des romantiques alliée à la puissance d’une femme du monde actuel. On a vu des mecs moins regardants. Et Bory de poursuivre avec Plexus son travail de portraitiste du corps féminin après l’étude in situ faite du corps de Stéphanie Fuster (Questcequetudeviens ? en 2008) pour « révéler d’une personne la chose invisible ». Cette chose invisible dont parle Bory se niche sans doute dans les fractures laissées par la décision, prise tant par Kaori Ito que par Stéphanie Fuster, de se confronter à l’ailleurs et aux modifications intimes, culturelles et sociales qu’il impose. Pour le chorégraphe, ces modifications sont plus visibles chez la femme que chez l’homme et le place face à une autre lutte : celle du chorégraphe et son modèle. Et Bory de relier d’un trait franc l’art du portrait à l’art de la guerre d’un Sun-Tzu. Soumettre son ennemi sans une goutte de sang mais avec des litres de lumières sensuelles comme le faisait Lucian Freud. Mais Bory, nous le disions est aussi en lutte avec l’espace. Il faudrait revoir Plan B ou le robotisé Sans Objet qui prouve à l’homme sa fragilité dans un espace donné. Celui de Plexus tire l’étymologie sur scène et sème son réseau de fils descendus des cintres pour contraindre le corps de Kaori Ito à un combat nerveux et incisif où vulnérabilité et force d’action jouent les gros bras. Un genre d’Over The Top écrit avec amour sur du papier de verre. PLEXUS, solo de danse les 5 et 6 novembre à la Philharmonie dans le cadre du Luxembourg Festival. www.luxembourgfestival.lu

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10 > 19 octobre 2013 DE Christian Dietrich Grabbe TEXTE FRANÇAIS ET ADAPTATION Bernard Pautrat

MISE EN SCÈNE

Bernard Sobel 03 88 24 88 24 • www.tns.fr

Réagir sur le

b l o www.tns.fr/blog


audio

BILL CALLAHAN

DREAM RIVER / DRAG CITY

BIG STAR

Nothing can hurt me / Omnivore Le succès qu’il a atteint dès l’âge de 16 ans avec les Box Tops, Alex Chilton l’a vécu comme une malédiction : chaque nouvelle tentative par la suite s’est soldée par des échecs cuisants, y compris avec Big Star, le groupe qu’il a co-fondé avec Chris Bell à Memphis en 1971. Et pourtant, tout était réuni pour que cette formation soit portée aux nues : des popsongs acidulées, subtilement électrifiées, pouvaient lui permettre de reprendre le flambeau là où les Beatles l’avaient déposé quelques mois auparavant. C’était trop tard cependant, la pop s’apprêtait à virer glam, et le propos précieux mais incisif du groupe ne rencontrait guère son public. Avec des versions inédites de leurs titres phares – dont I Am The Cosmos de Chris Bell, une chanson dans le top 100 ever ! – la bande originale du film qui lui est consacré rend bien compte de l’univers attachant d’un groupe qui a su faire la jonction entre la culture pop 60’s et l’indie-pop des années 80. (E.A)

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Avec ses onze albums sous le nom de Smog, et encore plus depuis qu’il signe ses disques de son propre nom– quatre au total –, Bill Callahan a imposé sa voix grave et vibrante comme l’une des plus énigmatiques, mais aussi des plus fondamentalement marquantes aux Etats-Unis. Avec une constance quasi inébranlable, il poursuit ce cheminement qui le conduit à tutoyer les étoiles. Avec maturité, loin de sa frivolité passée, ce séducteur finit par admettre la « valeur de l’amour » comme la base de ses chansons mélancoliques : il en résulte des instants de pure fulgurance où la ballade rock cherche du côté du jazz ou de la soul de quoi s’élever haut en émotion électrique. (E.A)

TY SEGALL

SLEEPER / DRAG CITY Quand le trublion de la scène psychédélique lo-fi californienne se retrouve face à son destin, la disparition de son père en l’occurrence, il sait qu’il peut se rattacher à ce qui fait le fondement de sa propre culture musicale : le Marc Bolan de la période Tyrannosaurus Rex et le David Bowie première époque. Du coup, il se confronte à l’exercice périlleux, parce que nu, de la chanson acoustique. Sans filet, il s’aventure sur un terrain qu’on ne lui connaissait pas complètement : l’émotion pure. Une manière pour lui de baisser le masque et de cesser de brouiller les pistes pour retourner à ce qui constitue l’essentiel. (E.A)

JEREMY JAY

ABANDONED APARTMENTS / GRAND PALAIS À force de le voir en slow-dancer – entendez celui qui garde des forces pour emballer en fin de soirée lors de la dernière danse –, on en avait oublié à quel point Jeremy Jay pouvait nous toucher. Avec un nouvel album qui s’attache au grand vide qu’on rencontre dans les appartements abandonnés, il fait le point sur les dégâts d’une relation sentimentale qui s’achève. On le connaissait sautillant, là on le découvre brisé, dans un instant bilan qui le situe dans l’amorce d’une nouvelle bascule. Avec maturité, il affiche ses influences mid-80’s – Tones on Tails, le groupe de l’ex-Bauhaus Daniel Ash –, et prend le temps de donner une belle amplitude sonore à un récit qui devrait lui permettre de reconquérir son public. (E.A)

MATT ELLIOTT

ONLY MYOCARDIAL INFARCTION / ICI D’AILLEURS On l’a laissé, presque inquiets, avec The Broken Man, mais Matt Elliott nous revient ragaillardi : après les albums magnifiques mais très sombres qu’il a signés sous son nom pendant près de dix ans, il semble retrouver la lumière qui l’animait à l’époque de The Third Eye Foundation. Et même si celleci n’est pas aveuglante, elle symbolise l’énergie nouvelle, cette forme de clarté et de chaleur dans le ton, qui caractérisent les nouvelles chansons de ce compositeur d’apparence si ténébreux. Une brèche sans doute dans le désespoir. Une brèche dans laquelle on s’engouffre à ses côtés. (E.A.)


13 > 30 novembre 2013

L'emprunt

Edelweiss Une fantaisie française

13 nov.

MILES KANE 19 nov. Génériq

VILLAGERS 28 nov.

19 oct.

12 nov.

BABX

TITI ROBIN

MORCHEEBA

15 nov.

16 nov.

16 nov.

20 nov. Génériq

21 nov. Génériq

26 nov.

INSPE. CLUZO PAPIERS RACLÉS MANU WANDJI CH. SALEM 29 nov.

MAYERLING

INFIDÈLES

13 déc.

14 déc.

NAT. NATIEMBÉ KEZIAH JONES 7 déc.

AYO

17 déc.

MAGIC MALIK BESAC ALL STARS JAMES HUNTER

11 déc.

JANE BIRKIN

un spectacle de et avec Hervé Blutsch avec la connivence de Jean Lambert-Wild Interface sonore Jean-François Domingues Production déléguée Comédie de Caen - CDN de Normandie

Assis aux manettes d’une sorte de mini studio farfelu, Hervé Blutsch fait sa radio sur une bande FM un peu folle. Tour à tour animateur, invité, technicien, stagiaire et pluri-interprète du feuilleton quotidien, il passe d’une émission à l’autre, jonglant avec les jingles, les pauses musicales, les appels téléphoniques et les rubriques diverses avec la jubilation d’un apprenti sorcier. à 20h30 les 13, 15, 21, 23, 27 et 29 nov à 19h les 14, 16, 20, 22, 28 et 30 nov à 15h le 24 nov (+Brunch à midi) Plein tarif 21 €, réduit 16 €, jeunes 9 €

Locations : Théâtre de la Manufacture - 10 rue Baron Louis, Nancy du lundi au vendredi de 12h à 19h mercredi de 10h à 19h et le samedi en période de spectacle 15h à 19h

www.theatre-manufacture.fr

A������ 2013

M��� 2014 Ven. 18.10.13 — — 20h00 20h00

⁂ ⁂ DANSE DANSE ⁂ ⁂

TRISH A BROWN DANCE COMPANY — An evening with Trisha

A������ 3 avenue Ney, 57000 Metz t. bill. : + 33 (0)3 87 74 16 16 www.arsenal-metz.fr

Licences d’entrepreneur du spectacle : 1-1024928 / 2-1024929 / 3-1024930

KERY JAMES

4 oct.

© © Laurent ©Laurent LaurentPhilippe Philippe Philippe

3 oct.


lectures

À L’AIDE OU LE RAPPORT W

D’EMMANUELLE HEIDSIECK / INCULTE

LE CHAOS NOUS APPARTIENT

DE LOUIS CLÉMENT / NEPTUNE DIFFUSION Produit dérivé d’une génération charnière bercée par les années 90, standardisée et réduite à sa fonction productive, le premier recueil de Louis Clément est un témoignage poignant d’une jeunesse en pleine impuissance. « Seuls les perdus découvrent, seuls les paumés se retrouvent ». Dans la lignée des écrivains voyageurs, l’envie de se comprendre se ressent, la volonté d’expliquer les vides que nous ne cessons de combler aussi, malgré l’impossibilité d’être réellement et totalement soi. Comme une prise de conscience dans un monde où la vie se rationalise en dépit de la passion, où la rêverie et l’indignation se mutilent. Le paradoxe de sa poésie en découle avec une certaine violence, dans laquelle brutalité et esthétisme s’épient à l’image de l’époque contemporaine. (J.J.)

94

Cela ressemble à un roman d’anticipation où se prépare un rapport ministériel visant à éradiquer tout geste d’entraide gratuit. Sauf que ledit rapport va s’adosser à toute une batterie de mesures, allant de l’encadrement strict du subventionnement associatif à la liquidation du système mutualiste (et de ses valeurs). Des lois françaises et européennes qui sont, elles, bien réelles... Quatrième roman d’Emmanuelle Heidsieck, écrivaine et journaliste spécialiste des questions sociales – ce qui n’a rien d’anodin –, À l’aide ou le rapport W offre dans une langue ramassée et précise, un récit glaçant par ce qu’il nous dit de notre société. (C.C.)

AMOROSTASIA

DE CYRIL BONIN / FUTUROPOLIS À Paris, un grand danger guette les amoureux, statufiés lors du moindre rapprochement. Une ambiance pesante envahit la capitale, nourrie de peur et de suspicion. Moins de naissances, plus de divorces, et des parisiens qui fuient : c’est l’apocalypse du « mal français ». Dans sa bande-dessinée Amorostasia, Cyril Bonin dessine un monde où s’aimer est interdit et pose la question du rôle des sentiments dans notre société. L’impalpable qui sommeille en chacun seraitil nécessaire au bon fonctionnement matériel du monde ? Le dessinateur illustre la tension par des traits durs et gras, dans un noir et blanc aux contrastes forts en graphite et en sens. (V.S.)

LÂCHEZ-MOI !

DE HAMPTON HAWES / 13e NOTE « Je suis né le 13 novembre 1928 avec six doigts à chaque main » : pianiste génial accro au be-bop et à l’héro, ayant côtoyé Charlie Parker, Billie Holiday ou Charles Mingus, Hampton Hawes livre le récit trépidant de sa vie personnelle et musicale dans un livre enfin traduit et publié en France, quarante ans après sa sortie aux Etats-Unis. Hawes, qui a vécu mille vies (jeté en prison à cause de son addiction, il fût gracié par Kennedy en 1963), se révèle être un conteur hors pair et c’est toute l’histoire mouvementée du jazz et des Noirs américains que l’on revisite de l’intérieur en dévorant les chapitres de cette autobiographie qui se lit comme un roman. (P.S.)

SUBURBIA

DE BRUCE BÉGOUT / INCULTE Si elle désigne (autant qu’elle excède) un espace – celui de la banlieue et des faubourgs –, la suburbia renvoie, aussi, à une nouvelle organisation de la géographie urbaine et périurbaine. Non plus centralisée mais diffractée, s’architecturant autour des zones de flux, des intervalles et autres espaces vides. Se saisissant du terme, Bruce Bégout explore dans un ouvrage riche et composite les différentes facettes de la suburbia, les comportements qu’elle induit et dont elle découle. Et si le philosophe se défend de vouloir proposer des thèses, son choix de multiplier les approches tend, parfois, à la répétition, voire au ressassement, au détriment de l’émergence d’un regard clairement articulé. (C.C.)


Conception : médiapop + TUBS★MJHIU

Sous nos yeux

Photographies de Geneviève Boutry

Musée des Beaux-Arts 4, place Guillaume Tell, Mulhouse Exposition du 25 septembre au 3 novembre 2013 Entrée libre tous les jours (sauf mardis et jours fériés) de 13h à 18h30

19.09 J 17.11.13

Ninar Esber, The Stabilizer Bar and the time stretchers 3, 2011 (détail)

et rousses

Partie 2

ENTRÉE LIBRE Tél : 03 69 77 66 47 www.kunsthallemulhouse.com

Conception médiapop + TUBS★MJHIU

Visuel : Jules-Émile Zingg. Jeux de plage (détail), 1918, aquarelle, 32 x 48cm. collection particulière. Photographie Claude-Henri Bernardot.

Photographes en Alsace

Sletto & Corso

Voyage japonisant d’un peintre montbéliardais en Bretagne (1914 – 1930)

Nicolas Boulard Valentin Carron Nicolas Cilins Jean Claus Jeremy Deller Sarah Derat Goldiechiari Tom Holmes Scott King Genêt Mayor Adrien Missika Tom Nicholson Amy O’Neill Alessandro Piangiamore Renata Poljak Tony Regazzoni Andreas Slominski Franz West Raphaël Zarka Commissaires

Marc Bembekoff Julien Fronsacq

www.selest-art.fr

20e

biennale d’art contemporain sélest’art

21 sept - 27 oct 2013

Musée du château des ducs de Wurtemberg

BIBLIOTHÈQUE HUMANISTE

Devis


dvd

LA NUIT DU CHASSEUR DE CHARLES LAUGHTON / WILD SIDE

FEMMES ENTRE ELLES DE MICHELANGELO ANTONIONI / CARLOTTA

Pour parler d’un des premiers chefs-d’œuvre d’Antonioni, impossible de faire mieux qu’André S. Labarthe en 1960 dans les Cahiers du Cinéma : « Antonioni peint un certain monde, mais c’est la mise en scène qui fait que cette peinture est aussi une critique, ce constat une vision du monde. Tous les éléments de la mise en scène, l’organisation de l’espace, les rapports des personnages dans le cadre, le rapport des personnages et du décor, concourent à la perfection. On sent constamment qu’ici Antonioni résout quelque chose, qu’il a trouvé, grâce à ce film, le lieu secret d’où le monde lui apparaît selon un certain ordre. Au comment de la technique répond, au quart de ton près, le comment d’un homme qui regarde. Dans la relation qui unit ces deux comment réside le secret d’un art. » (P.S.)

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Pour parler de l’unique chef d’œuvre de Charles Laughton, difficile de faire moins bien que François Truffaut quand il le qualifiait de « petit film agréable » au point de confier à son collègue André S. Labarthe des Cahiers du Cinéma le soin d’en parler. On ne reprochera naturellement jamais à notre cinéaste fétiche ce jugement, mais il est vrai qu’on s’interroge : qu’est-ce qui dans ce petit chef d’œuvre de cynisme a pu éventuellement le déranger ? Sans doute, ce faux rythme dans la narration qui fait que l’instant onirique vire au cauchemar expressionniste autour de la figure du démoniaque Robert Mitchum. Autant de qualités qui ont sans doute fini par le séduire. (E.A)

PLEIN SOLEIL

DE RENÉ CLÉMENT / CARLOTTA Qu’on le sache, René Clément a décidément du mal à intégrer notre panthéon cinématographique, et pourtant son Jeux Interdits reste un film auquel on reste attaché. Après, même si Plein Soleil n’est pas un chef d’œuvre de modernité sur la période, la distance aidant, il se bonifie à chaque nouvelle vision et se révèle comme un objet singulier et précieux, qui s’articule autour de la figure rayonnante de trois jeunes gens, Maurice Ronet, Marie Laforêt et Alain Delon bien sûr ! On le sait, Plein Soleil a inspiré entretemps Match Point à Woody Allen, avec le même sens du glamour, pour un résultat qui comprend, lui aussi, sa part d’ambigüité : entre agacement et attachement profond. (E.A.)

PAIN, AMOUR ET FANTAISIE

DE LUIGI COMENCINI / CARLOTTA Sorti en 1953, Pain, amour et fantaisie est un pur bonheur, une comédie populaire de haute tenue réalisée par Luigi Comencini, un des grands noms de cette fameuse comédie à l’italienne qui prospéra pendant une vingtaine d’années. Le film est une merveille d’érotisme (Gina Lollobrigida !), de grâce (Gina Lollobrigida !) et aussi d’humour. Vittorio de Sica dans le rôle d’un maréchal des logis affecté dans un petit village des Abruzzes qui court plusieurs lièvres dont Fantassine la piquante (Gina Lollobrigida !) est aussi séduisant que drôle. Ce film aura tellement de succès que Comencini tournera l’année suivante Pain, amour et Jalousie avec… Gina Lollogrigida ! (P.S.)

CAMILLE CLAUDEL 1915 DE BRUNO DUMONT / ARP SÉLECTION

Heureusement, le cinéma français reste traversé par des fulgurances. Camille Claudel 1915 fait partie de ses objets qui nous bouleversent d’emblée par – vertu rare – la profonde humanité de sa tonalité. Bruno Dumont a maintes fois expliqué que le choix de l’actrice Juliette Binoche a été fait par… l’actrice elle-même. Se posant la question de savoir quoi faire avec elle, il a décidé qu’il ne lui ferait rien faire. D’où l’idée d’un non-récit basé sur quelques jours de la vie de Camille Claudel, internée par sa famille à Ville-Evrard depuis deux ans. Il en résulte un film sublime dans lequel chaque personnage devient un motif que nous observons et qui grâce à la magie du cinéma nous regarde en retour. (E.A)


Myriam Hornard

KOMPIL

GHOSTS ARE GUESTS

21.9.2013 – 26.10.2013

21.9.2013 – 26.10.2013

Lore Rabaut & Frank Depoorter

Ronny Delrue

COLLECTED

L’OMBRE DE LA LUMIÈRE

9.11.2013 – 20.12.2013

9.11.2013 – 20.12.2013

réalisation :

bunker palace.com

Daniel Daniel

www.centredart-dudelange.lu


Visuel Kathleen Rousset, graphisme Polo

CANDIDE OU L’OPTIMISME

TAPS SCALA DU MAR. 12 AU SAM. 16 NOV. À 20H30 DIM. 17 À 17H

DE VOLTAIRE – MISE EN SCÈNE PIERRE DIEPENDAËLE THÉÂTRE DU MARCHÉ AUX GRAINS – BOUXWILLER – CRÉATION 2013

/bib2strasbourg


RODRIGO GARCIA théâtre - musique CIE L’ASTROLABE JE CROIS QUE VOUS M’AVEZ MAL COMPRIS


MUSÉE DES BEAUX-ARTS & D’ARCHÉOLOGIE DE BESANÇON


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