Paroles Suivantes II michel lombardo Clair Charpentier
Paroles Suivantes
je reste immobile — depuis les branches d’un chêne le geai me surveille
réveil sidéré — je reste comme orphelin d’une nuit sans rêve
la matinée glisse vers l’implacable midi — les oiseaux se taisent
il fait déjà chaud et la vapeur du café brouille mon regard
le jour s’est levé sur la vallée embrumée — silence confus
le chant d’un oiseau couvre le bruit de la ville d’un dais de duvet
comme une rayure qui égratigne son chant le cri du loriot
mille bruissements dans le jardin qui s’éveille — les arbres complotent
plumes rebroussées tous les oiseaux se sont tus sous l’assaut du vent
une libellule au-dessus de la piscine froisse le soleil
le loriot reprend ses longues palabres où il les avait laissées
dans le cerisier un frelon de bon matin se paie du bon temps
dans la nuit de mai au ciel les étoiles ont l’odeur d’herbe coupée
très haut sur le ciel les hirondelles burinent des runes fugaces
au milieu du lierre le jasmin a accroché des étoiles blanches
le soleil disperse une brume parée d’or — murmure de l’aube
« de longs crissements « le vent d’un doigt coléreux « feuillette l’automne
les ombres tranchantes sans cruauté cependant morcellent le pré
chaud matin de mai — sur le pré l’herbe transpire une odeur de foin
sous la surveillance d’un troupeaux de nues laiteuses déjà je m’essouffle
le ciel s’est couvert — même les coquelicots paraissent surpris
le volet poussé un ciel de flammes brulantes inonde la chambre
un pas en arrière — ce matin le chat hésite à franchir la porte
l’odeur des cerises fait sourire la maison — jour des confitures.
mes vieilles épaules — le vent grince dans les branches des chênes ridés
midi au jardin — le chat promène son ombre à l’ombre chênes
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Paroles Suivantes
la journée commence sous l’écrasante chaleur d’un été précoce
la vallée se tait — même les oiseaux respectent un profond silence
des filets de sueur débordent de mes sourcils — la journée s’embrase
odeur du verger au soleil après la pluie — qui s’en lasserait
vacillant sur l’eau des miroirs d’argent ardents incendient mes yeux
deux papillons blancs dessinent des cœurs sous l’œil d’un papillon noir
la fenêtre ouverte sur la fraicheur de la nuit va vomir des flammes
les papillons mêmes abandonnent leurs dessins — le vent se renforce
sur le pré jauni les derniers coquelicots ont baissé les armes
les abricotiers à la couleur du soleil se sont parés d’or
la lumière jaune déchiquète les contours des ombres malades
une lassitude flottant dans le vent léger plisse ses paupières
odeur du matin après la pluie le jardin est semé de perles
à l’ombre des chênes le chat écoute songeur le chant du loriot
face à face un chat et un écureuil dissertent du monde flottant
un trait affuté tranche la terrasse en deux — même l’ombre brûle
la vallée s’engouffre monstre écumant de colère par la vitre ouverte
éclat du matin dans une fraicheur où brille le chant du loriot
l’orage en colère bouscule et met à l’épreuve le flegme des chênes
heure du dragon — l’air se remplit du silence brûlant des cigales
battus par l’orage les lauriers se redressent larmoyants encore
à l’ombre des chênes le chat plisse des paupières — paisible il s’endort
contre la lueur de l’éclair l’ombre du chat est toute hérissée
le café tiédit à l’ombre déjà brûlante de l’auvent futile
l’orage oublié il reste dans le verger un parfum de pluie
les fourmis pas sottes contraintes à un dur labeur font le tour par l’ombre
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Paroles Suivantes
la mue de cigale entre les rides du pin — costume de scène
frisson à six heures — je voudrais le conserver jusqu’après midi
des vapeurs torrides serpentent de la vallée jusqu’à l’ombre inquiète
le ventilateur ahane d’un souffle moite — la journée s’étire
les fleurs de troène délient leur parfum gravé de chaleur pesante
le soleil domine à midi dans les collines l’horreur des cigales
matin encore frais — les ombres sont à l’affut des taches solaires
dans le ciel violent ils tournent-tournent sans cesse les gros bourdons lents
un geai sans frayeur glane dans la trace-même des lames grondantes
les ombres s’estompent — farouchement les nuages vaincus par le ciel
pas le moindre souffle pour rider la peau épaisse de la canicule
encore timide le soleil semble hésiter à franchir la butte
la scie des cigales brise le bourdonnement du ventilateur
lent labeur du temps — la fraicheur du matin même n’arase mes rides
le chemin ondoie sous la caresse brûlante d’un soleil féroce
pour la déplacer le moindre geste m’épuise — mon ombre est pesante
d’une aile nerveuse le loriot change de chêne pour se mettre à l’ombre
glissant sur les tuiles pour capturer les étoiles le chat vit sa nuit
un peu moins timide un loriot sur l’olivier près de la piscine
un flux de fournaise force la fenêtre ouverte sur l’été féroce
dès la première heure l’été pèse sur le souffle crissant des cigales
surpris par le chat l’écureuil saute dans l’arbre — il boira plus tard
dans le ciel venteux un gros bourdon jaune et rouge tournoie et vrombit
du ciel sans merci déjà les éclats cuisants nous forcent vers l’ombre
le vent a cessé la fournaise est revenue l’été plie l’échine
clémence du vent qui d’une caresse fraiche soulage mon front
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Paroles Suivantes
retenant son souffle la colline incandescente craint l’embrasement
il n’est rien de plus cruel que le regard d’un oiseau qui vous transperce d’un bec sec comme l’acier
odeur du café matin tôt sur la terrasse — sommeil en tartine
le soleil se voile — sur la ville qui s’éveille il a explosé
d’un regard blasé il observe les ramiers qui glanent sans hâte
le cri des cigales sèchement siffle la fin des réjouissances
ombre sur le mur — la lanterne chantournée mime une chimère
le soleil déverse une pluie de cuivre ardent — le ciel en fusion
été apaisé — les cigales ont repris leur scie sans cris de colère
la première averse — une odeur de foin mouillé salue le matin
le vent sur ma peau libère de ma cervelle un nœud de corbeaux
accrochées aux aiguilles brillent encor quelques perles d’une pluie fugace
le chant du loriot couvrant le cri des cigales prolonge l’été
la fraicheur surprend agréablement ma peau — cadeau du mois d’août
nuit en pointillés — au matin il n’en demeure qu’une ou deux virgules
l’odeur de foin sec succède au parfum humide de l’aube d’été
le ciel s’est voilé quelques gouttes sont tombées désespérées presque
après la nuit grise de mille endormissements tous mes muscles grincent
devenu limpide le ciel règne sur les pins bruissant de cigales
secoué encore — les ornières de la nuit n’ont pas été tendres
il cherche pourquoi je verse de l’eau dans l’herbe d’un œil ténébreux
il ne reste rien pas même le moindre éclat d’une goutte d’eau
le ciel qui se voile efface toutes les ombres des murailles grises
la lente paresse coule épaisse dans mes veines et m’endolorit
le soleil se lève — déjà des parfums subtils courent les collines
le matin se gonfle d’un concert de tronçonneuses — les arbres frémissent
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Paroles Suivantes
un soleil timide s’efforce à travers le ciel de croire en l’été
toujours aussi vide la boite de déception creuse le néant
aucun son m’en monte — ce soir la vallée timide se donne au néant
toc-toc qui est là les moustaches du vieux chat brusquement frémissent
la nuit se retire et dépose sur ses rives des rêves râpés
toc-toc qui est là ce n’est qu’un vieux souvenir qui toque à la porte
le jour lui aussi s’écoule jusqu’au moment où l’ombre s’allonge
en arrosant ce matin j’ai ouvert la fabrique d’arcs-en-ciel
un ronronnement — ce matin la vallée bruisse comme une rivière
la vallée bruissait ce matin de la tension d’un jour de rentrée
de petits nuages dissimulent le soleil par intermittence
tombée cette nuit une averse a dévoilé l’odeur d’herbe sèche
une brève averse puis un rayon de soleil brille dans les flaques
une feuille sèche aiguillonnée par le vent s’exerce à l’automne
le lundi matin la vallée grogne et se hâte — fourmi besogneuse
silence du soir la lune se lève à peine — demain est si loin
un frisson me prend — serait-ce déjà la fin de l’été
la fraîcheur soyeuse serpente entre mes frissons — matin de septembre
sur le mur les ombres des pins glissent lentement lasses de l’été
matin engourdi — mes yeux plissent la lumière d’une fin d’été
je me lève tard fatigué d’avoir coupé une nuit en tranche
douceur du pelage — pour les plumes de l’oiseau un chat reste un chat
un grain est tombé identique au précédent dans le sablier
le chat queue nerveuse au pied d’un pin à l’affut de deux sillons roux
aux derniers jours d’août un brin de mélancolie — un ciel pourtant bleu
une nuit houleuse à tanguer entre les rêves — la gueule de bois
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Paroles Suivantes
trainée que le ciel désagrège lentement — un rêve s’abîme
matin d’équinoxe — la nuit dépasse l’été d’un éclat de rire
longue hésitation — le fauteuil se met à geindre de mes flottements
lumière insolente les pins dansent dans le vent premier jour d’automne
un nuage escorte Garlaban coiffé de brume jusqu’au bord du ciel
l’automne déploie un premier matin de laine — le soleil frissonne
sur les carreaux sales la première pluie d’automne grave la poussière
un vol de corneilles dans les frissons du matin grince sur le ciel
des grondements graves comme une toux de titan hérissent le chat
douceur du matin — les yeux fermés je respire l’odeur du café
je traine après moi une ombre lourde et humide — même elle transpire
un pâle soleil franchit difficilement le seuil du matin
un tapis d’aiguilles amortit ma promenade — silence insondable
la lune d’argent au sourire énigmatique se voile et rougit
les mouches s’abreuvent de la transpiration moite qui suinte des feuilles
les brins de fenouil coupés après les averses parfument l’auvent
le ciel de zinc moite frôle la cime des pins — ouate irrespirable
des ombres furtives frôlent les tuiles du toit qui tremblent soucieuses
le soleil naissant pare les feuilles roussies de joyaux humides
sous le ciel voilé les glands toquent sur les dalles je sursaute un peu
trois quatre hirondelles se balancent sur un fil — elles tergiversent
sur les vitres sales la pluie a creusé la couche de vieilles poussières
le matin s’étire en lentes ondulations jusqu’après midi
le tonnerre gronde au loin Garlaban se cache au loin dans la brume
malgré la lumière des derniers jours de l’été les matins frissonnent
le soleil se lève sur les couleurs saturées de perles de pluie
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Paroles Suivantes
la fenêtre ouverte invite les grondements à sonder mon crâne
le vent est dompté — finalement le soleil a repris la main
le matin délivre enfin mes yeux de la nuit blanche et pourtant sombre
les paupières closes éclaboussées de lumière un matin d’octobre
le mistral s’enroule autour des perles humides semées par l’orage
une journée grise le ciel pèse sur mon crâne envie de dormir
la fenêtre vibre et la vallée qui s’éveille entre dans la chambre
sur les brins de brume effrangée comme un vieux linge cligne un nouveau jour
tombée d’un ciel morne un halo sans force glisse sur les murs sans ombre
l’ombre des branchages sur l’herbe maintenant mate glisse ténébreuse
l’air est si léger que les rayons du soleil glissent sur les feuilles
le soleil s’étire dans le ciel d’octobre pâle — douceur du matin
le soleil caresse l’herbe humide de rosée — du coup je frissonne
je me réjouis d’en avoir chaussé deux paires — pure laine vierge
d’un ciel barbouillé fendu de trainées livides sourd la pluie malade
les lambeaux de brume se sont dispersés — le matin respire enfin
de longs filaments de brume livide et sale peinent sur les pentes
du tas de compost au soleil une vapeur imite la brume
les feuillages tremblent voilà le vent qui se lève de la nuit inquiète
une heure de plus pourtant cela semble peu pour braver l’hiver
le jour apparaît noué aux cordons du ciel comme un linge humide
jouir du soleil avant que l’hiver n’enfouisse l’espoir d’un printemps
le vieux banc et moi nous nous sommes entendus à l’ombre des chênes
gris sous mes paupières — des pensées mélancoliques de vieilles pensées
le mistral sauvage chasse même les rayons d’un soleil vaincu
la vallée murmure dans ce doux soir d’octobre — nostalgie pansée
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Paroles Suivantes
le soleil caresse les nuages paresseux qu’un vent gris houspille
sous le ciel blafard ma lassitude disperse quelques feuilles mortes
un nuage pare les rayons de lune pâles d’un manteau de gaze
une lueur sombre sourd à travers les nuages — les ombres s’effacent
un soleil fripon invite les pâquerettes à ouvrir leur jupe
aux bas de mes chausses les pâquerettes flétries ont laissé un vœu
dans ce soir d’octobre qu’aucun souffle ne traverse la vallée grommelle
douceur du printemps dans la grisaille d’automne — novembre indécis
contre le ciel bleu les feuilles d’automne claires paraissent bien sombres
roulé sous la lampe son sommeil tient compagnie à ma rêverie
un air aiguisé me mord au seuil du verger — l’automne est bien là
le front dans la paume la nuit interrompue pèse sur mes cils brouillés
un soleil espiègle fait de l’ombre aux pots de fleurs posés sur les tombes
estomac brûlant d’une rage réprimée — la nuit a pris feu
la rosée s’efface sous la caresse du vent — et le jour parait
un matin confus dans les rousseurs de novembre succède à la nuit
la pluie insistante accable les feuilles rousses — le jardin s’embrume
dans le laurier-tin comme des fruits étincellent les yeux d’un oiseau
paresseusement novembre s’étire et bâille sur l’herbe glissante
la vallée brumeuse après une nuit confuse lentement s’éveille
un soleil rieur m’attendait sur la terrasse — jolie promenade
l’odeur du café se mêle aux parfums d’automne — soleil dans les yeux
à la haie s’accroche une brume lumineuse — clair matin d’automne
pousse le volet vieux voyageur fatigué sur un jour nouveau
un rai de lumière traverse les feuilles rousses noyées dans la brume
le jour est entré illuminer la maison au saut de la nuit
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Paroles Suivantes
printemps en novembre — les feuilles ne savent pas quelle couleur prendre
j’ouvre le volet — un oiseau raye le ciel gris de droite à gauche
novembre s’impose à notre mélancolie — le ciel gris frissonne
la lueur diffuse dans la vapeur du café d’un soleil brouillé
les feuilles se pressent aux recoins de la maison — le vent fait ménage
sur l’auvent de verre la pluie doucement pianote — le café tiédit
héraut de l’hiver le rouge-gorge plastronne dans le laurier-tin
derrière la vitre la pluie qui vernit les feuilles parait presque hilare
soleil dans les yeux je souffle sur le café pour chauffer mes mains
un vol de corbeaux au-dessus de la vallée figée et muette
il est tard déjà — une grasse matinée glisse sur novembre
au-dessus des arbres effeuillés et immobiles le linceul du ciel
l’air vif du matin d’une lame lumineuse trouble mes paupières
par-dessus le ciel serein encore se trame un temps à l’orage
les feuilles craintives fuient devant le vent méchant — larmes et frissons
le ciel acéré comme une lame d’acier disperse ses nues
le matin passé à trainer à la surface d’une mer sans ride
les jours sont bien courts— la lumière de décembre devient plus intense
sur le bord des heures j’observe le temps qui coule avec embarras
j’ai usé la nuit le long de corridors noirs — fourbu je suffoque
sur les herbes froides dans les branches tourmentées les ombres vacillent
un voile gris couvre les masques figés de ceux qui gardent l’urne
le soleil bâillant s’abandonne et se dilue dans un lit de nuages
lumineux et pur après la nuit tourmentée le jour s’est levé
un frisson m’a pris en repoussant le volet — ce n’est que le froid
surprenant le froid ce matin brouille mes yeux de larmes brumeuses
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Paroles Suivantes
les oiseaux picorent les fruits noirs comme leurs yeux dans les lauriers-tins
d’un ciel de lait sale ruisselle une humidité poisseuse et morne
silencieux il veille sur ma présence et la couve d’un sommeil profond
enfin dans le ciel un parure dorée orne les nuages
marbré d’ouate terne le ciel délavé recouvre le verger sans feuille
peu à peu l’hiver prend la place abandonnée d’un soupir discret
les couleurs se cachent derrière un pan de grisaille que les yeux devinent
premier jour de l’an — un bouquet de fleurs des prés me saute au visage
pris dans les branchages de longs filaments de brume voilent mon regard
sous la brume le jour d’hier saigne encore à l’aube du nouvel an
la pluie de la nuit ne freine pas les ardeurs de mon chat curieux
rempli d’espérance la nouvelle année s’éveille sans gueule de bois
un soleil timide a dépassé les collines — solstice d’hiver
plic-ploc sur l’auvent la pluie doucement pianote une valse triste
une valse lente pianotée sur la verrière — la pluie musicienne
le signe du vent glisse de nue en nuage sur l’aurore en feu
dans la nuit profonde un convoi a traversé la plaine endormie
volet repoussé sur la nuit régnant encore pesante et poisseuse
quand le jour parait la nuit encore est présente après le volet
il pleut faiblement le soir a poussé la nuit sous mes yeux humides
une aube coupante vient de franchir les collines — le froid devient rouge
petit à petit l’hiver hache le matin en copeaux de froid
une brume froide déroule ses filaments sur la vallée figée
il l’a traversée le brin d’herbe fier de lui la flaque impassable
voici l’aube lente — les collines noires surgissent d’un linceul de brume
rentré au matin il me raconte sa nuit de chat vagabond
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Paroles Suivantes
sous un ciel d’oxyde la promenade haletante— janvier sans l’hiver
nerveux dans les viornes les sansonnets se dépêchent d’en voler les fruits
la brume escalade insensiblement les pentes transies de janvier
d’une main de plomb j’écarte de mes paupières des copeaux de ciel
la pluie d’hiver a plaqué sur les carreaux ma paresse immense
du ciel lumineux s’élancent des dards d’argent brefs comme le givre
l’ombre de la viorne époussète l’herbe humide — clair matin d’hiver
silence du ciel— seul un corbeau le traverse d’un cri de rocaille
l’hiver et ses lames de mistral acéré tranchent les ombres raidies
dans l’air de janvier une douceur équivoque trompe les bourgeons
puis la pluie succède avec force à un vent aigre — janvier se rassure
le ciel a le blues qui alourdit mes paupières du fard de la nuit.
impétueux et froid le vent m’a tranché les jambes — balade annulée
quelle lassitude gluante et lente limace me cloue les paupières
ce matin le vent se cuirasse de glaçons — café déjà froid
le ciel mou et gris déroule des boules d’ouate sur mes yeux brumeux
le soleil domine ce matin la vallée — ma nuit s’éclaircit
une trainée blanche a rayé la porcelaine légère de l’aube
un bal de nuage se prolonge à l’horizon — la pluie s’impatiente
une gaze fine posée sur le paysage figé dans le froid
les rats de la nuit ont grignoté dans mes rêves la part la plus douce
quelques fleurs écloses — le printemps frappe à la porte hésitant encore
Garlaban déchire des lambeaux de brume blême sur les arbres raides
avec de l’audace le printemps oppose un pied dans l’huis de l’hiver
le soleil apaise d’une caresses de miel les plaies de la nuit
toutes ces olives répandues sous l’olivier — bonheur des oiseaux
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Paroles Suivantes
instant éphémère où le soleil pose un doigt sur le bord de l’aube
une seule étoile par-dessus le crépuscule pleure dans le ciel
le ciel dégagé a repris sa position sans la moindre ride
les lames du vent ont lacéré les nuages— les arbres s’inclinent
deux pies se poursuivent entre les branches du cèdre — le printemps jacasse
d’une cime à l’autre dans le contre-jour de l’aube une pie bondit
une toile noire dissimulent les jupons roses de l’aurore
sans bruit la vallée dans son manteau de brouillard traverse l’hiver
espérée pourtant la pluie arrive toujours au mauvais moment
une nue distraite se hâte vers l’horizon — le vent la harcèle
la nuit dans la gare — au bord du quai je ne croise que des ombres molles
un matin paisible comme décor enchanté aux chants des oiseaux
un ciel peu profond embarrassé de brouillards lourds comme des bornes
les rayons caressent d’une tournure de miel mes joues endormies
au fond du panier il vit son rêve de chat détaché du monde
repoussant la porte comme du sable rugueux grince la grisaille
une seule étoile brille au-dessus de la ville— la nuit s’évapore
effeuillées les branches malmenées dans le mistral supplient le soleil
silence de l’aube— des lames de sang tranquilles tranchent l’horizon
capturer la lune par le bout de la lentille tâche délicate
la journée s’étire depuis l’aube ennuagée sous un ciel brouillé
un brin de nuage s’est pris dans la chevelure des arbres rêveurs
le nez sur la vitre je fais de compte des ronds qui troublent la flaque
hier soir dans le ciel un invisible dragon a mordu la lune
embrumé je lève le voile de mes paupières sur le ciel brumeux
des nues ténébreuses montées sur un vent rugueux assiègent le ciel
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Paroles Suivantes
par-dessus les nues qui fuient devant le mistral le ciel reprend vie
le volet qui grince dans le matin embrumé meurtrit le silence
le soleil s’essouffle — il peine à franchir les nues de coton souillé
un rayon traverse la fenêtre empoussiérée danse sur mes cils
un mistral glacé charriant de la banquise lustre les feuillages
lenteur du matin — le soleil à petits pas muse vers midi
petit à petit l’ombre a envahi le mur — le soleil se rend
sur le béton gris l’ombre des chênes charbonne de sombres fantômes
le soleil d’hiver est parvenu à chasser la glue des rêves
mes poings pressent les paupières — sous mes yeux mille galaxies explosent
le ciel balafré par un geai qui le traverse dans le mauvais sens
la vieille lanterne — sur le mur sa silhouette s’émousse en silence
le chant des oiseaux a eu raison de la pluie qui boude en sourdine
plus noir que la nuit le jour pleure sans lumière sous de noirs nuages
à travers la vitre je regarde le soleil plier dans le vent
des lambeaux noirâtres que les corbeaux déchiquètent effilent le ciel
engourdi encore immobile dans le vent — des larmes salées
le vent aux branchages — ils se disputent âprement les dernières feuilles mortes
le vent se renforce — je résiste cependant grâce aux pieds glacés
un rayon espiègle s’attarde sur mes paupières — voir une hirondelle
je reste ébahi devant l’ampleur de la nuit — silence insolent
le printemps frémit et le jour se lève tôt — je bâille et m’étire
l’instant le plus froid — la nuit grosse d’une aurore la libère à contrecœur
le calendrier fait ce qu’il peut pour convaincre la vallée brumeuse
une brume rousse crépite sur l’horizon — le soleil s’ébroue
aube dans les yeux — d’un long soupir je balaie les miettes de nuit
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Paroles Suivantes
ferveur du printemps — dans les branches effeuillées prient les tourterelles
dans un ciel nerveux les rayons de soleil sautent d’un nuage à l’autre
arbre de Judée — au bout des vieilles branches des gouttes de sang
des nuages jaunes s’affranchissent des collines — les ombres pâlissent
sur la branche nue un geai plastronne déjà dans un éclair bleu
même le loriot ne parvient pas de son chant à ranimer le soleil
fraicheur ce matin — le printemps fait une pause les oiseaux se taisent
fin des illusions — il faut tailler dans le vide s’en faire un costume
le regard mi-clos son poil brillant au soleil mon matou médite
l’ombre des barreaux esquisse sur la façade l’ombre d’un regard
sous le ciel d’étain toutes les teintes s’éteignent — l’âme grise aussi
quelques nues encore résistent sous mes paupières aux assauts du jour
il reprend sa place dans l’ordre des choses — le soleil est revenu
le ciel pleure encore — comme si les souvenirs ne suffisaient pas
rayant les nuages des corneilles malicieuses troublent le matin
entre les oliviers entre l’ombre et la lumière des oiseaux nerveux
il est tard déjà — les nuages tourmentés s’enfuient vers midi
un réveil tardif — l’aube n’a pas attendu pour fuir vers le soir
le soleil halète étouffé par l’insolent bâillon de nuages
plus tardif encore le réveil ponctue ma nuit de profond sommeil
plus sombre que gris le jour usurpe son nom — la nuit se prolonge
l’ombre dans ma tête a empoissé les pensées d’un Styx de mélasse
un gris uniforme — aucune ombre sur le mur n’égaie le béton
l’ombre sur le mur louvoie dangereusement entre les fissures
plus que l’hirondelle les jeunes feuilles de chêne cèdent au printemps
sur le mur les ombres se confondent maintenant avec le béton
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Paroles Suivantes
16 avrilmidi se présente au bout de la matinée — je bâille encore
tremble sur le mur l’ombre des branches de chêne — le vent la torture
le soleil lui-même s’est réfugié sous la couette — matin indolent
printemps sans entrain — même les coquelicots perdent leur couleur
des oiseaux rieurs nouent les tresses du printemps dans le ciel limpide
le matin découvre sa lumière dans le froid — le soleil frissonne
quelques hirondelles bravent la fraicheur du vent — un don au printemps
matin sans lumière — la vallée sommeille encore sous son drap de brume
journée de mollesse — je promène entre les heures des pensées inertes
un mistral furieux déchiquète le ciel sombre — havre sous le drap
par moment le vent trébuche dans le rideau de perles de bois
poussant le volet un vent aigre me surprend — je frissonne en mai
dans le pot ouvert une mouche prise au piège de ses yeux trop grands
le printemps revient — le ronron d’une tondeuse pour le confirmer
à grands coups de vent l’hiver gifle le printemps — les oiseaux se taisent
le loriot raconte comment il est parvenu à bout de l’hiver
roulé sur lui-même il ouvre un œil le referme — tout va bien il dort
un profond silence enveloppe la vallée — les oiseaux se taisent
à peine éveillés il épouvante les chênes — le mistral colère
c’est un vent amer qui secoue l’éclat des feuilles jusqu’à la nausée
soleil en cadeau l’hiver s’en est retourné frapper à la porte
les ombres fléchissent puis s’effacent tout à fait — les nuages guettent
les oiseaux se taisent — ils ont laissé la parole aux bruits de la ville
tant d’années soumises que le vent a effeuillées — encore une ride
la nuit silencieuse couvre le coassement même des crapauds
entre le ciel gris et l’horizon sans couleur mes paupières lourdes
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Paroles Suivantes
le nuage hésite entre le gris et le gris — il restera gris
encore une pause — le printemps n’en finit pas de singer l’hiver
les coquelicots sous la pluie longtemps promise redressent la tête
la tondeuse grogne débusquant dans les recoins le brin qui dépasse
les trois saints de glace — j’ai l’impression qu’ils sont mille tant j’ai froid aux pieds
d’un mouvement las le soleil chasse la brume comme on chasse un songe
une pie sans grâce dans la brume de mes yeux tristement s’envole
ombres effrangées sur le mur de la mémoire — les cendres d’un rêve
du bout de son aile un gabian cueille un nuage — délicatement
la lumière grise peine dans l’halètement d’un vent sans vigueur
une pie traverse le ciel d’une branche à l’autre — clin d’œil du soleil
passé la nuit grise le soleil montre un visage enfin plus amène
sur le mur le lierre brille comme de l’argent jeté par le ciel
il pleut grassement — j’entends les gouttes de nuit gifler la verrière
une feuille flotte et traverse la piscine — tout un pacifique
sous la nuit brumeuse le soleil s’est dérobé — matin pitoyable
un train lointain passe sur le bruit de l’autoroute — la vallée s’ébroue
dans le cerisier les frelons zélés surveillent leur garde-manger
entre les oreilles un bourdonnement de forge — le vent me secoue
ah les heures brèves — à grand pas la matinée se rue vers midi
dans l’ombre indistincte entre les feuilles de chêne un éclat de lierre
somnolent encore le ciel glisse un drap de brume au front du soleil
d’un soupir je pose dans la paume de ma main un front lourd et las
d’un frisson je chasse la somnolence tenace qui me colle aux yeux
le temps change hélas — par delà l’horizon sombre complotent les nues
une fois par an de manière régulière je pisse du sang
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Paroles Suivantes
j’ouvre enfin les yeux le sommeil se fait moins lourd — soleil revenu
la pluie terne et tiède qui tavèle la terrasse rebute le chat
le temps s’est trainé la matinée est passée comme une huile dense
après avoir fait une grasse matinée minet se repose
la lumière grise qui coule d’un soleil sombre peine sur les murs
j’entrouvre les yeux — la lumière lentement pare le matin
matin sans entrain — je traine las le boulet d’une nuit visqueuse
entre les nues sombres une seule étoile brille — un frisson frileux
silence de l’aube — une tourterelle passe sans l’ombre d’un cri
la lune impavide — les crapauds respirent bruyamment
le soleil traverse une atmosphère brouillée de rayons humides
un matin de juin à peine voilé de brume — encore un soupir
lever bien trop tard — férocement la chaleur me coupe le souffle
après la nuit tiède le jour dépose son bât de lumière ardente
les ramiers sans voix accablés par le soleil sont tentés par l’ombre
la matinée lente frôle des plages de sable sans un clapotis
grasse matinée — midi passé depuis peu mais les ombres rôdent
les rêves s’enfuient le matin s’ébroue à peine — un loriot s’éveille
coule des collines vers la vallée résignée la lumière grise
la lune escalade le chêne au bout du jardin — luisante d’effort
le silence monte l’échelle des chants d’oiseaux — clair matin de juin
la lune s’estompe — il ne reste dans le ciel pas même une trace
un vent violent fouette des cavales dans le ciel qui fuient effrayées
une goutte coule depuis le front sur mon nez — il n’est que huit heures
grimé en crapaud un prince inconnu se vautre dans le bol du chat
quel drôle d’oiseau — il se cache mais son bec parle l’étranger
167
Paroles Suivantes
seul sur la terrasse — le silence de la nuit me serre la gorge
désespérément le ciel brille sans nuage — un rêve de pluie
un ciel dépoli maculé de cotons moites feutre le silence
sortir de l’ornière au milieu de la fournaise d’une nuit d’errance
la chaleur s’abat brutalement sur les dalles pourpres des terrasses
belle matinée d’été les dards du soleil plantés dans la gorge
le temps a passé émietté entre mes doigts — cendres de l’espoir
sur le pré brulant d’un soleil impitoyable les ombres frémissent
fraicheur ce matin l’été s’accorde une pause — enfin je respire
le ciel dodeline entre l’ombre et la lumière — j’hésite et je bâille
je ferme les yeux pour tenter de retenir l’eau de la nuit fraîche
je somnole encore — le bruit du ventilateur comme une berceuse
le soleil pensif interroge les collines — sueur sur mon front
l’air est si brulant que les ombres s’évaporent en touchant le sol
une goutte brille et lentement s’évapore au bout du feuillage
je rêve parfois de soleil sur la banquise — j’éponge mon front
retour du jardin une poignée d’herbes sèches crisse dans ses poils
sur les carreaux pourpres il ne reste aucune flaque d’une brève averse
soudain me revient une odeur d’iode et de sel le bruit du ressac
les cris du mistral attise même le feu crissant des cigales
reflet de la nuit — sur le bassin les étoiles brillent en silence
j’ai mis des chaussettes pour le vent et le ciel gris — pause de l’été
je recherche en moi une raison de bouger — matin sans entrain
l’horreur à la porte aveugle et sans compassion frappe et frappe encore
une ombre est passée lentement sur mes paupières — ce n’est qu’un nuage
un soleil sans tache indifférent aux secousses d’une terre folle
168
Paroles Suivantes
la matinée passe petits riens dans le néant — odeur de café
la peau s’est couverte d’une sueur corrodée par un vent acide
une nuit craintive un train contourne la ville un bruit de fers crus
le soleil pourtant domine un ciel sans nuage — je somnole encore
de pâles étoiles vacillent sur la piscine — respiration lente
rien dans le ciel ne présage que l’été finira bientôt
matinée brûlante — le grincement des cigales me serre la gorge
le cri d’un oiseau — mon chat rentre l’air penaud le poil emplumé
au bout du matin midi me prend à la gorge — je reprends mon souffle
sur le ciel voilé (tendu) (gauchi) quelques gouttes tambourinent paresseusement
après la nuit fraîche soudain le matin s’embrase — en quête de l’ombre
l’odeur du café madeleine improvisée revient sur mes grèves
rives outragées des nappes de fiel flottent (dérivent) les criques se crottent
la nuit vagabonde émerveille le gros chat aux yeux qui scintillent
les ombres s’affutent tranchées net par les rayons — mon ardeur s’émousse
les ombres se floutent — je traverse le matin dans un bâillement
les ombres s’estompent dans la moiteur du matin — je reste sans force
sa lèvre frémit — un moineau vient de tomber tout droit dans son rêve
avide le pré sourit aux premières gouttes — orage d’été
le ciel gris déteint lentement sur mes paupières — je marche sans ombre
les feuilles lavées par les averses d’hier brillent maintenant
le vent insolent m’a claqué la porte au nez — je ne peux sortir
réveil empâté d’un sommeil épais encore — odeur du café !
un pilleur d’assiettes lui a nettoyé la sienne — mon chat en colère
loin une tondeuse se dépêche d’en finir — déjà midi grogne
nuit effervescente d’une musique trop proche — matinée brumeuse
169
Paroles Suivantes
lente matinée qui s’attarde avant midi glisse sur les heures
soleil déjà haut je me lève en suffocant secouant la nuit
lever difficile — vieux cordages inutiles mes muscles se nouent
un coup de tonnerre me réveille brusquement — une assiette a chu
le mistral se lève — une fraicheur indocile un ciel sans nuance
un vent bienvenu a chassé les cauchemars de mon front recru
la lune mangée par les étoiles voraces s’enfuit vers demain
le ciel s’est voilé d’une brume parfumée de fumée de pin
tache de lumière au milieu d’une ombre dense — le chat à l’affut
un couteau de lune tranche des copeaux de vent — la nuit se rétracte
la lune s’arrache des collines qui retiennent des lambeaux d’argent
été intangible — mais ce matin on ressent les premiers frissons
sous un soleil fauve l’herbe du jardin crépite prête à s’enflammer
sur le mur chauffé à blanc de rayons brûlants les ombres s’inclinent
la lune s’élève ensemençant la piscine de graines d’étoiles
la matinée passe une langue doucereuse sur les heures lisses
le jour s’est levé depuis si longtemps déjà — il paresse encore
fin de matinée — un midi brûlant et lourd pèse sur les ombres
les arbres fléchissent sous le fardeau de midi — les ombres sont lourdes
le soleil se voile — je me perds dans la stupeur d’un réveil revêche
je sors du sommeil avec un bout de la nuit — un rêve déborde
le poids de mon front la lourdeur de mes paupières m’ont coupé les jambes
aucun bruit à l’aube la vallée retient son souffle — la nuit se prolonge
de grosses abeilles ronflent dans le ciel en quête de brume suspecte
dehors midi crisse entre les rides des pins aux odeurs d’essence — dans la pièce aux ombres lourdes le silence d’une mouche
l’épaisseur du jour farde mes paupières moites de sanie salée
170
Paroles Suivantes
première rosée ce matin sur les voitures — la fin des vacances
rien n’a changé — une goutte se faufile le long de mon front
les journées plus courtes le cartable déjà prêt — un soupir encore
un sommeil profond m’a conduit jusqu’à midi sans faire un faux pas
sur les carreaux ternes pas une goutte ne reste des tonnerres d’hier
la matinée flâne entre les livres qu’on range et la somnolence
un ciel incertain entre excitation et crainte grime la rentrée
les ombres sont raides j’essaie de rester debout — midi m’a sonné
fin de matinée — sur les ombres restées raides l’enfer de midi
un ciel sans présage — entre les nuages rouges un corbeau s’attarde
les rêves s’emmêlent s’entachent de souvenirs largués comme une ancre
à travers la vitre sèche je plains l’herbe sale qui supplie le ciel
les heures s’enroulent dans la vapeur du café — samedi matin
un soleil timide attire vers lui l’odeur de l’herbe mouillée
j’aimais en silence ses cheveux noirs son teint pâle — sur la photo jaune cinquante années consumées n’ont pas flétri son sourire
l’averse promet au jardin reconnaissant un flot d’arcs-en-ciel
matin lancinant — sur les paupières nerveuses mes cils emmêlés
les ombres confuses frissonnent sur les murs froids — septembre profond
un vent sans couleur balaie les dernières cendres du dernier été
dans le ciel traverse le cri rompu des corneilles par d’épais nuages
la chaleur résiste elle s’accroche à septembre — moule à son rocher
l’été se termine doucement dans la clarté d’un matin paisible
l’été se complait dans un septembre torride — été indigeste
quelques hirondelles dans le ciel encor clair gravent un signe d’adieu
premières fraicheurs — le matin laisse espérer un petit répit
une rosée fine sur le pré et sous mon crâne un brume épaisse
171
Paroles Suivantes
voilant la lumière la mélancolie s’installe après l’équinoxe
je n’ai pas rêvé — le matin atteint midi et je bâille encore
une nuit passée à l’ombre des cauchemars — réveil hésitant
l’automne se traine entre le ciel sans couleur et mon humeur terne
midi est passé — le réveil délie à peine la nuit ténébreuse
automne brillant ce matin d’un soleil tiède — un vague sourire
quelques hirondelles encor narguent les nuages qui mangent le ciel
la rosée dans l’herbe glisse et crisse sur l’émail de mes dents crispées
une lente flemme s’est emparée de mon corps — pourquoi résister
le matin s’effrite sec comme une cacahouète guettant l’apéro
petit à petit dans le jardin dans ma tête l’automne s’installe
le soleil s’essouffle — des nuages filandreux peu à peu l’étouffent
clin d’œil de l’été — ce matin l’automne brille de toutes ses gouttes
le soleil patine dans la mélasse du ciel — l’automne s’embourbe
par la porte ouverte le chat filou a pillé l’assiette à minou
sous un ciel sans faille dur effet du temps qui pèse l’eau devient poussière
ce matin l’automne est venu gratter la porte et s’asseoir à table
matin silencieux — la vallée geint doucement en pansant ses cris les corneilles sur le ciel gravent leurs runes obscures
premier jour d’octobre — une pluie fine s’invite pour le célébrer
vallée à l’envers — la pluie chassée par le vent remonte la pente
joli temps d’automne — le ciel répand du pastel sur l’ombre des arbres
réveil en sursaut — l’orage sur la verrière inonde mon rêve
un mistral moqueur a repeint couleur lavande le ciel gris hier
je laisse mes yeux fermés s’offrir au soleil — clair matin d’octobre les gouttes de pluie scintillent dans les gouttes de rosée
brume sur mes yeux — je me souviens d’une nuit de chants de sirène
172
Paroles Suivantes
sous mes pas frileux hésitant entre les dalles la terre soupire
midi est passé sans que j’y prête attention — nul désir d’horloge
le ciel s’est couvert d’un épais tissus de laine — j’en fait tout autant
l’air parait visqueux — une ablution d’huile tiède alentit mes membres
sur l’herbe brillante un petit gland est tombé — complainte d’octobre
un petit oiseau raye l’air entre les feuilles — sourire ou frisson
couché au soleil mon chat les yeux fermés compte les rais de lumière
midi me piétine comme une armée de fourmis — le temps me consume
rousseurs dans les chênes — à regret les feuilles quittent leur robe d’été
un jour de novembre humide sans être froid — je serre mon col
sous les dents aigües pauvre petite souris — minou pas si doux
réveil dans la nuit on croit avoir atteint l’aube — ce n’est qu’un mirage
ambiance polaire — on surveille le soleil pour briser la glace
novembre incongru — un soleil épanoui agite la brume
octobre anticipe nuages lourds et pluies froides un air de novembre
je traîne paresse tout au long de la journée — mon ombre est pesante
le bruit étouffé grimpe avec peine des routes jusqu’à mes yeux clos
matin de grisaille — je paye d’un temps maussade une courte nuit
plic ploc dans la flaque les notes gouttes écoutent la pluie musicienne
à peine éveillé je navigue entre deux sauts l’un clair l’autre obscur
parfois on trébuche l’ornière était peu profonde mais infranchissable
un léger frisson malgré le soleil serein — novembre déjà
les ombres s’effacent la lueur sans couleur vient prendre leur place
un mistral malin prend les arbres par surprise — le froid me traverse
journée sans frisson — l’automne fait une pause au seuil de novembre
automne en colère — la pluie d’hiver en novembre trempe mes chaussettes
173
Paroles Suivantes
une pensée vive un oiseau perce le ciel j’ai perdu sa trace
dernières visites dans le couloir le silence a rejoint la nuit
le temps me dépasse — l’aiguille frôle midi et ne m’attend pas
à travers la vitre le ciel couvert d’ouate sale est inaccessible
entre ses mâchoires le rouge-gorge saigné semble encor sourire
ombre sur la vitre — le soir frôle le silence d’une autre souffrance
dans le laurier-tin qui frissonne de leur jeu un beau tintamarre
pastel sans chaleur — le ciel de décembre couvre les toits désolés
un crachin souillé glisse sur les dalles ternes — soupir fatigué
un cri inaudible raye la fenêtre sale d’un vol sombre et las
un peu frissonnant paré de nuages clairs le soleil sourit
le soir s’est posé — une respiration douce vibre dans le noir
soleil de novembre lumineux mais sans chaleur — fausse pièce usée
absence si courte — chaque objet me la reproche d’un silence hautain
la matinée court le long des heures trop brèves — la rattraper — vite
j’ouvre le volet sur décembre lumineux — soupirs et sourires
sur les dalles sombres des taches de soleil rare — ciel de neige sale
midi est passé sans que je m’en rendre compte — journée sans couleur
le ciel se découvre — les nuages dans ma tête ont repris leur place
une feuille brille sur sa branche encore humide et puis lâche prise
un train de nuages dans le silence du ciel vrombit sourdement
froid matin d’hiver — je laisse une trace mate dans l’herbe brillante
la pluie sans relâche fouette les branches sans feuille — grincements d’automne
des lambeaux de gaze éparpillés dans le ciel — décembre en désordre
vitres lacérées des traits violents de l’averse — mon regard se brouille
sur la couverture une peluche endormie ronronne en confiance
174
Paroles Suivantes
le ciel s’est couvert l’hiver tisse son manteau de nuages sombres
le jour s’est levé — il portait une aube rouge au dessous des nues
un soleil taquin jouant avec le rideau me fait un clin d’œil
un soleil serein au-dessus des pins paisibles — solstice d’hiver
malgré le soleil il fait froid je frissonne dans mon pull de laine
matinée polaire — les rayons du soleil même sont des dards de glace
grasse matinée — il est midi et à peine mes yeux se dessillent
matinée glaciale — même le vol des corneilles devient hiératique
les années s’écoulent sur le limon de l’oubli — fleuve sans reflets
des braises dans l’âtre se souviennent de leur cœur de flammes ardentes
plus dur que l’oubli le souvenir cependant se voile et s’embrume
aube de noël un profond silence enrobe les paquets encore
le ciel a pali après une aube écarlate — mes rêves s’estompent
l’hiver pèse encore de tout son ennui — et dire qu’il commence à peine
le ciel s’est couvert d’un manteau de laine épaisse — le col me démange
il attend serein et somnole sous la lampe en clignant des yeux
le ciel de décembre lourd de nues mélancoliques rayées de corneilles
un pied sur le sol j’hésite encore à sortir de mon long sommeil
museau dans les pattes qui lui cachent le regard de quoi rêve-t-il
des flèches de glace m’ont assailli au moment d’ouvrir les volets
celles-là par contre je ne les supporte pas — piqûres de froid
le ciel s’est figé dans sa couverture obscure — midi je somnole
humide le froid se traine entre les nues grises — vieux serpent malade
malgré le soleil une larme sur ma joue — le froid est partout
par crainte du vent il soupire à mes côtés — de dépit il dort
le soleil falot illumine quelques miettes sur la nappe sale
175
Paroles Suivantes
premier jour de l’an — on repousse les bilans à l’année prochaine
un crissement tente de réveiller le soleil — un trait de corneille
une pluie sans joie couvre les dalles noircies — lendemain de fête
le vent et les feuilles jouent sur les terrasses une musique grinçante
les ombres sont lâches sur les murs décolorés — un jour déjà flou.
le vent en colère pratique la fouille au corps de tous les passants
la lumière vive d’un jour déjà avancé me réveille à peine
le vent fatigué délaisse les feuilles mortes qui grincent encore
le mistral secoue le vieux tas de feuilles mortes — ma vieille carcasse
animal rusé l’hiver passe sous la porte et me mord les pieds
mon chat guette inquiet l’ombre douteuse d’un chien qui force la vitre
les rayons aigus tintent comme des glaçons lâchés dans un verre
les arbres grelottent sous les nuages figés— jardin en hiver
midi dépassé depuis un moment déjà — je me lève à peine
mes vieux doigts noués le soleil ne parvient pas à les réchauffer
sur le mur les ombres tremblent de la nuit encore froide qui résiste
une aube ternie par des lambeaux de nuages floute la vallée
changement de rythme — le sommeil s’est prolongé jusqu’avant la sieste
les tessons épars d’une mémoire infidèle crissent sous mes pas
une odeur subtile court entre les branches nues — une odeur sucrée
il fait si froid là — j’ai envie de me cloîtrer dans des murs de laine
l’hiver se repose sous un ciel de laine grise — midi je m’étire
de me réfugier sous un édredon épais j’en ai le désir
coup d’œil vers le ciel : il fait un temps d’édredon — odeur du café
le soir est tombé brutalement— je trébuche sur la route obscure
les ombres se brouillent — le soleil ne parvient pas à rester bien droit
176
Paroles Suivantes
une pluie glaciale crible la vallée brumeuse — hiver opiniâtre
j’ouvre le volet sur un lever de soleil incertain et flou
dans la nuit frileuse des éboulis de tonnerres déchirent mes rêves
un matin humide la pluie glisse sur les tuiles — mes pensées s’embourbent
dans les foules denses dansent et battent des cœurs sans pitié aucune
matin de grisaille — ma maison dans le nuage et l’esprit brumeux
le matin paresse entre souffle et bâillement — besoin de café
Sans énergie je traine une ombre sans contour ; une brume spectrale a obscurci le jour, a envahi mon crâne et embue ma cervelle. Je reste sans un geste, un plomb dans mes semelles.
la couleur du ciel a coulé sous mes paupières — couleur des soupirs
un ciel triste et froid pleure sur les branches nues — mon regard s’embrume
hiver sans violence — le vent a chassé la rosée du banc de jardin
milieu de l’hiver et des millions de secondes à subir le froid
caché sous sa couette le soleil a grise mine — michel fait la gueule
quelques feuilles lasses choient dans le vent essoufflé — matinée d’hiver
on ne sait jamais ce qu’on oublie de ranger avant de partir
à travers la vitre je regarde succomber les dernières feuilles
au-dessus des toits les nuages s’amoncellent — j’attends que ça passe
le vent les secoue les essore puis les jette d’un geste arrogant
et quand on revient on s’aperçoit sans surprise d’un oubli encore
le matin empiète sur la marge de midi — paresse insolente
sur les carreaux sales même les flaques sont grises — le ciel se dérobe
je somnole encore quand midi sonne à la porte — pas envie d’ouvrir
le mistral hulule en forçant sur les fenêtres — une porte claque
le soleil s’invite arborant un grand sourire au fort de l’hiver
le soleil voilé a tendu comme une gaze sur mes cils collés
amandiers en fleurs — le printemps trouble déjà le calendrier
177
Paroles Suivantes
tache de soleil — le doux minou en profite pour rouler dedans
clair soleil de mars — le printemps nonchalamment taquine l’hiver
malgré le soleil il préfère son coussin pour dormir au chaud
un trait dans le ciel — une corneille attardée rejoint son clocher
midi déjà là alors que j’ai l’impression de dormir encore
cognent dans ma tête l’écho épais et profond de graves bourdons.
le soleil s’efforce de mes yeux ensommeillés d’effacer les ombres
un ciel sans couleur se reflète dans les flaques et frôle mon crâne
quelques nues encore — le soleil se noie la face d’un léger dépit
encore un matin où la grisaille l’emporte sans contestation
rires du soleil — il étire les nuages il lave son linge
mon chat en profite — le soleil sur ses moustaches qui brillent au vent
Garlaban en gris — même les ombres se cachent au fond du vallon
couché sur le sol la sagesse du soleil frémit dans ses poils
un bol ébréché — ma paresse reste intacte midi est passé
une nuit houleuse où les démons m’asticotent — il pleut ce matin
frisson ce matin malgré l’éclat du soleil — l’hiver se reprend
un soleil sans force enveloppé de grisaille frise l’eau des flaques
un éternuement en repoussant le volet — hiver ou pollen
les nues fuient nerveuses au-delà de l’horizon — le journal m’échappe
matinée pluvieuse — la grisaille est remontée jusque dans ma tête
même entre les lignes le monde va sur la tête — de rage on le ferme
sur la corde à linge deux tourterelles profitent d’un bain de soleil
un signe ce soir est venu plisser l’eau lisse de mon lac placide
malgré la douceur aucune senteur encore — un rhume entêtant
j'ai un brin de chance la salle d'attente est vide je passe en premier
178
Paroles Suivantes
frisson ce matin — à travers les branches nues le ciel est limpide
on n'oubliera pas Fukushima mon amour — un grand éclair blanc
une brise lente (un dernier frisson) secoue les dernières feuilles mortes dans les chênes
l’ouate dans le ciel maintenant fait grise mine — le temps tergiverse
le soir me présente le bagage à peine ouvert d’une nuit pesante
le ciel prend parti — aujourd’hui il est chagrin et déjà il pleure
— et je me réveille de son souffle chatouillant son nez sur mon front
le rideau frissonne — au crépuscule les ombres ont l’air de fantômes
j’ai repris la plume qui me paraissait si lourde — mais l’encre est épaisse
la pluie d’aujourd’hui n’a laissé sur la terrasse pas la moindre trace
incompris vos signes sont le fanal cependant d’un chemin étrange
sans la moindre honte les petits pêchers fleurissent sous les chênes nus
cafard sur la neige — vous décrivez noir sur blanc l’ombre sans lumière
jardin indécent — des corsages de pétales frémissent dans l’herbe
clair matin à l’ombre le bol de café fumant embaume l’auvent
matin de papier froissé l’encre à peine sèche — la corbeille est pleine
au sommet du cèdre la tourterelle trépigne — quand va-t-il oser
le soleil se lève dans les replis froids de mars — partout de la brume
vapeurs de café — je me remets doucement d’une nuit sauvage
puis l’ombre s’échauffe la buée sur le banc fume et je peux m’asseoir
le chien du voisin m’a donné un coup de patte pour creuser les raies
aussi embrumé par le parfum du café sur mes verres sales
ciel plein de soleil — la lanterne sur le mur cisèle son ombre
je viens de finir un plat qui me mange froid — un second cancer
je bâille et m’étire une journée sans surprise franchit la fenêtre
grâce des nuages qui traversent l’océan — merci de me suivre
179
Paroles Suivantes
le jour s’est levé la rumeur de la vallée traverse mes tempes
mauvaises nouvelles — le Levant en est chargées le Mistral les chasse
accrochée au cèdre la lune blafarde mime une perfusion
le chien du voisin qui courait après mon chat s’est cassé la patte
la salle d’attente — quelques fantômes patients redoutent leur tour
de mes vieilles mains j’ai soigné de jeunes pousses aux fruits si lointains
une tourterelle pleine d’enthousiasme enseigne le plain-chant aux pies
vague à l’âme — mon esprit vide glisse dans la glu des pensées
le sommeil me pègue — hier soir je me suis couché à l’heure des brousses
brillant au soleil les fleurs du petit pêcher prennent de la graine
il lustre son poil — la terrasse en plein soleil est son territoire
passé sous le lit mon chat garde les moutons — ah reconversion
quand il ronge un os même le chien du voisin ne connaît personne
des lambeaux de brume déguisent le Garlaban en zombie de pierre
fleurs de grenadier votre couleur seule explose rouge cependant
étouffée par l’ouate de la brume la vallée ne geint même plus
la nuit est tombée d’un soupir j’ouvre la boite et prends le cachet l’eau tremble un peu dans le verre quand je le porte à ma bouche
la vallée se tait étouffée par un bâillon de brouillard épais sur l’autre versant la Sainte-Baume s’estompe d’un pinceau humide
filaments de brume — dans la fraicheur du matin le soleil respire
mon chat qui ronronne adore que je lui parle comme à un enfant
j’ouvre le volet et le jardin m’honore d’un vol de ramiers
comme un mot secret le soir glisse sous la porte — le cœur bat plus vite
un bruissement d’ailes — un ramier secoue les chênes c’est de bon augure
le chien du voisin a couru dans son jardin — mon chat fait la gueule
180
Paroles Suivantes
soleil facétieux — il est entré dans la chambre par la fente étroite
c’est un printemps terne — je me retourne souvent pour chercher mon ombre
mon chat se réveille devant son bol de croquettes — je bâille et m’étire
une voile grise conduit le soir jusqu’au bord du céladon vide
le soleil dans l’œil il le cache sous sa patte — grasse matinée
une tourterelle sur la route de mon chat y laissa ses plumes
le papier résiste sous la plume qui s’accroche à la moindre fibre
les plumes éparses sous les chênes délimitent la scène de crime
fatigué je rentre du jardin sans compassion — je range mon ombre
dans le hall d’attente je suis le premier fantôme — pas de quoi crâner
yeux clos esprit vide je viens de pendre mon ombre au croc de l’oubli
assis je patiente tandis que dehors le ciel rit sur les collines
soleil déjà haut — encor plus haut sur le cèdre une tourterelle
le soleil serein me tape entre les épaules quand je sors de l’ombre
une tronçonneuse pour honorer le printemps pétarade au loin
sur touiteur si tu postes une photo de chat t’as cent followeurs
près de son coussin il surveille la fenêtre — un chien peut surgir
le printemps est revenu il va peut-être forcer les cerisiers à fleurir dans ton cœur de pierre
il est rassuré il n’y a pas de danger mon ventre est douillet
l’averse est finie — une lumière d’or pâle brise les nuages
voilà la nuit tombe goutte de soir après l’autre sur de lents soupirs
le matin prend force — sur les pierres des restanques les ombres s’aiguisent
pur arabica — un cri de sable précède l’odeur du café
ne vous fiez pas à ma gueule de métèque — je suis une pâte
sur le lit défait le chat d’un profond sommeil prend toute la place
fleurs de cerisiers blanches si tristement blanches sous le ciel d’orage
181
Paroles Suivantes
surpris par l’averse mon chat est rentré trempé comme un chien mouillé
cette nuit mon chat s’est réfugié sur le lit recouvert d’orage
matin de paresse — le front sur la vitre sale je compte les gouttes
pour un shamisen peau de chat ne suffit pas — il lui faut son âme
le chat est sorti malgré les flaques douteuses sermonner le ciel
la nuit est tombée — c’est à peine si l’on sent qu’a cessé la pluie
les tuiles qui glissent mon acrobate de chat sait bien les dompter il préfère cependant rester maitre de sa couette
ce n’est pas du luxe dormir une heure de plus sans s’en rendre compte une heure volée dans les limbes envolée — je bâille et m’endors
j’aime quand le réveil affiche 11:11 la journée est presque à son acmé pas le trouble 00:00 ou 22:22 Et surtout il n’affichera jamais 66:66
choisir bleu ou gris le ciel ne sait pas encore — moi aussi j’hésite
films scandinaves — de leur torpeur mon chat lent ne peut se passer
l’herbe encore humide s’endimanche de couleurs et de chants d’oiseaux
un spectre marmonne — on ne sait ce qu’il se trame sous l’ombre linceul
fleur de caniveau le don d’un printemps prodigue reine te couronne
j’ai su une langue que comprenaient les collines — j’étais un enfant
vous vous rendez compte — soixante-huit ans bientôt que je me crois jeune
poussière futile noyée dans le sablier le temps me dévore
le soir me démange — vêtement trop ajusté de mauvaise laine
sur le quadrillage un cercle dit au triangle : ”on prend la tangente ?“
ces marches trop hautes la journée n’en manque pas — je suis essoufflé
le bruit de la pluie a chassé mon dernier rêve — palmiers dans la boue
dans la nuit patiente de pédants crapauds échangent leurs vains points de vue
forcé de rentrer l’auvent sert d’abri aux flaques — la pluie s’embourrasque
soleil ce matin — pour faire bonne figure j’ouvre les volets
182
Paroles Suivantes
soleil insolent — je rabats les jalousies sur mon humeur sombre
sa patte remise le chien du voisin s’en prend encore à mon chat
des ombres tranchantes soleil d’automne à Pékin fendent les carreaux
in the green garden cherry blossoms bless blue sky over growing grass
assis sur le banc j’attends que passe le soir — il est en retard
je suis en retard — devant moi plusieurs fantômes attendent leur tour
je lève la tête le ciel pâlit peu à peu — je baisse la tête
dehors le soleil inonde la rue de joie — un néon clignote
dans ma main je garde encore un peu de chaleur — je serre le poing
il fait doux et clair le printemps me fait risette quand je sors du trou
à l’ombre des chênes deux papillons palpitants dessinent des cœurs
je me pose enfin mais sur un fil chancelant ma chaise vacille
j’ouvre la fenêtre — les fleurs de jasmin parfument le soleil du mur
puis j’ouvre les yeux — le ciel encore à sa place le chat sur le lit
avec indulgence je souris aux craquements d’une pie revêche
single malt sans glace — dans les branches d’olivier un petit nuage
assis sous l’auvent on échange des nouvelles le printemps et moi
mes tympans débordent — un colloque de crapauds a loué la nuit
après un hiver à invoquer le soleil mon chat dort à l’ombre
la soirée me pèse — des cernes noirs sous les yeux tombent sur mes joues
les branches de chêne qui enfilent leur jupon défroissent leur robe
soleil dans la brume — j’ouvre les yeux ce matin sur un nouveau monde
papillon citron ce soir comme une rondelle au bord de mon verre
soleil dans les yeux — à la vapeur du café se mêle mon souffle
la soirée fraichit je traverse le jardin en sifflant mon chat
un escargot laisse un message sur la table — laissez-moi le temps
183
Paroles Suivantes
sur touiteur si tu fais un méchant jeu de mots t’as cent followeurs
la pluie cette nuit n’a laissé sur la terrasse aucun témoignage
d’une main nerveuse pendant que mon chat musarde j’écris des haïkus
quelquefois les rêves tangentent les cauchemars — et en plus il pleut
mon voisin végan n'aime pas les chiens moi je n'aime pas les courges
au fond il ne reste de cette journée de pluie que mes pieds mouillés
je rentre fourbu — une odeur d’herbe coupée m’annonce et me suit
le rideau de pluie est le seul rideau qui tombe — demain rien ne change
spectacle de guerre — la tondeuse impitoyable rase la luzerne
crachin matinal — ma tête embrumée réclame un café d’urgence
le chien du voisin enfermé dans le chenil — mon chat se désole
le soleil s’épuise à percer le ciel plombé — copeaux de lumière
levé bien trop tard pour que je puisse surprendre l’aube à sa toilette
ombres sans contours sur la terre sans ardeur — flou de mes pensées
lumière embrumée par la chute du pollen — mes yeux enrhumés
sur la vitre froide dans la buée de mon souffle j’évite les flaques
le chien libéré mon chat a trouvé refuge sous les couvertures
captif de la pluie j’ai parlé avec moi-même du beau temps et d’elle
un théâtre d’ombre — les collines se diluent dans la nuit sans lune
de longs doigts glacés surprennent mon front brûlant et ce sont les miens
au fond du jardin j’ai échangé ma sueur contre une odeur d’herbe
sur les fleurs pliées le crépuscule déploie une aile de pluie
un brouillard léger étire ses filaments entre les pins sombres
dans la nuit un duc de je ne sais quelle taille questionne un crapaud
grasse matinée — les collines embrumées émergent à peine
un si petit corps pour sa petite personne — mon chat me sourit
184
Paroles Suivantes
ce matin je bâille d’avoir manqué les couleurs d’une aube invaincue
rassasié d’odeurs j’ai posé mes os rompus sur la balancelle
il est tard pourtant — je me rends à la lumière les yeux pleins de nuit
le soleil fourbu a glissé sous les collines — j’ai perdu mon ombre
pendues aux feuilles présents de la pluie d’hier quelques perles brillent
j’enfile mon aube pour rejoindre les fantômes — le soleil se lève
le soir se prépare à recouvrir de velours mon cœur fatigué
les mêmes visages toujours la même pâleur le même silence
la brouette est lourde dans la côte — en plus il faut trainer ses années
un son d’air pulsé m’engourdit de somnolence — une longue attente
je rentre à présent — mes mains sentent l’ail sauvage du vieux mur de pierres
des bruits de labeurs parviennent de la vallée — ah saine paresse
pas le moindre bruit les feuilles ne tremblent plus — la vallée respire
en face de moi la Sainte-Baume s’embrume — prémices d’orage
dans la nuit bavarde les crapauds me recommandent de bien rester coi
Garlaban derrière complote avec le vent d’est — sûr il va pleuvoir
fauchant la luzerne le chien du voisin s’en vient troubler mes andains
sur l’auvent la pluie claque des dents et des tuiles — dessous je frissonne
de l’herbe coupée une fragrance envoutante farde ma sueur
la pluie a cessé — l’herbe hachée a une odeur de foin pourrissant
le miroir me ment — c’est à peine si je fais l’âge de mon ombre
le soleil n’a pas la bonne température — retour au panier
le verger prend forme les fleurs ont cédé la place à des billes vertes
il faut bien le faire — lentement je me prépare à céder mes jours
un voile de soie sur mes yeux au crépuscule ondoie lentement
soleil sur mes mains — un paysage pétri d’ombre et de lumière
185
Paroles Suivantes
les lilas en fleurs lilas blancs et lilas mauves troquent leur parfum
le goût du café plutôt amer ce matin me racle les rêves
d’un long bâillement je me glisse hors du sommeil qu’exigent mes ans
faudrait que j’arrête de retouitter tous les chats sautant sur ma ligne
les chatons de chênes entre les pages du livre ont trouvé refuge
du mur mitoyen il surveille la frontière avec indulgence
la vieille tondeuse malodorante et vibrante me ressemble un peu
nous sommes rentrés de la promenade avec des odeurs de ciel
le trèfle scintille sur son étendue mouvante mon esprit patine
un loriot peut-être rompt le calme monotone du doux crépuscule
la porte qui bâille laisse le soleil lustrer le museau du chat
soleil dans les yeux c’est bon de se répéter vapeur de café
les ombres du mur d’un contraste acéré m’ont coupé la parole
le printemps parait de plus en plus téméraire mais l’été vaincra
consciencieusement mon chat depuis la terrasse compte les brins d’herbe
un loriot s’entraine — la tourterelle s’obstine et lui cloue le bec
les cheveux hirsutes des pissenlits sans pétales attendent le vent
soudain le silence fige branches et oiseaux — mon chat fait ses griffes
luisant de rosée le chat a conduit la nuit jusqu’à son panier
pause de midi — au fond du verre un glaçon attend qu’on l’abreuve
pendu desséché l’ombre du fanal rouillé grince sur le mur
les langueurs du soir s’étirent d’un chêne à l’autre — moite est le silence
je bâille et m’ébroue renvoyant sur les murs sombres des éclats de nuit
nous sommes restés sur la terrasse ombragée promener nos songes
le soleil se lève — je suis fardé du visage d’un être vivant
il est loin encore le crépuscule espéré des crapauds loquaces
186
Paroles Suivantes
au bout du tuyau d’une œillade le soleil m’offre un arc-en-ciel
un pied dans la barque avant de franchir le Styx je teste la nuit
ferme la fenêtre il ne faut pas que tarisse mon désir de fuite
sauter à pieds joints sur le jour qui me devance avec le sourire
la lune se dresse luit et impassible inonde la nuit nostalgique
contre le fil d’eau des filaments de pollen tentent de survivre
des rêves rugueux ont laissé des ecchymoses sous l’arc de mes yeux
un chien qui aboie des bruits de chêne froissé — la vallée s’éveille
craintes du matin un café et son parfum seront mon armure
le soufflet s’embrase un marteau trouve son maître un cri de fer chaud
animal inquiet la caresse du soleil pour me rassurer
comme un café tiède le temps passé n’a qu’un goût d’amère potion
le chant d’un oiseau a libéré ma poitrine je respire enfin
offert au sommeil sur ma table de chevet il rêve et sourit
des jours qu’on se croise on se tourne on se détourne sans se reconnaître
plonger dans le Styx pour ne pas payer Charon — Harpagon s’en tire
suivre ses suiveurs serait la moindre des choses mais pas de trop près
sur un coup de vent plusieurs milliers de chatons couvrent la piscine
se dissimuler sans pourtant se travestir d’un masque grotesque
fin d’après-midi — des rubans de soie dorés floutent les collines
dans les bras du soir je regarde la journée — je soupire un peu
fin de la journée — entre les branches passives les chants se sont tus
d’un claquement brusque je referme ce vieux livre oubliant le signet
fin de la journée — la tourterelle esseulée cherche compagnie
contesté violemment un crapaud prend la parole — le soir tombe à peine
fin de la journée — les longues heures s’étirent loin vers l’horizon
187
Paroles Suivantes
fin de la journée — je respire lentement en fait je soupire
ni thé ni café un grand verre d’eau gazeuse peut mettre ma tête en effervescence
début de soirée — j’enfile un manteau de nuit boutonné d’étoiles
tout bien réfléchi ma pensée est aussi fade qu’un verre d’eau plate
photo barbouillée — dans mon vieil OM10 le film est périmé
une guêpe hagarde cherche une tuile où mâcher son origami
pas de spectre en vue la salle d’attente est vide — je hante en premier
vient le crépuscule dans un silence sans ombre couvrir ma grisaille
que l’attente est longue — la salle est pleine soudain de linceuls troublants
dans ma tête grince encore un vieux cafard qui radote
dernière séance mais la comédie n’a pas dit son dernier mot
le café tiédit — une guêpe téméraire au bord de la tasse
quand je sors de là le soleil surprend les rides de mon regard morne
les sons du matin enrobés de la lumière du soleil d’avril
pour que le soleil ne me reconnaisse pas je mets des lunettes
l’ombre délicate sous l’arbre de Judée un peu rosée encore
du jardin que je frôle une abeille me tend un parfum de lilas
contre l’arrogance et les fausses certitudes sourire en silence
midi sous l’auvent le soleil chauffe mes pieds fondent les glaçons
sous le haut plafond une abeille prisonnière — ouvrir le velux
il est temps je crois d’adresser un grand merci aux cueilleurs de lune
le long du chemin une chatte énamourée nous geint sa détresse
ni droite ni gauche deux ramiers volent vers moi — fluctuants augures
allons mon gros chat soyeux qu’est-ce que ça peut nous faire la clameur du vent tambourine dans les chênes — la sieste en fanfare
fin d’après-midi d’une indicible langueur — mon chat bâille encore
188
Paroles Suivantes
mon esprit s’égare je ne peux le rattraper qu’en fermant les yeux
le ciel sans soleil couleurs vertes sans contour un tableau sans ombre
la ligne de crête bleuit avant de noircir — la journée m’achève
le vent essoufflé dessus le bain de soleil secoue sa serviette
juché sur les tuiles d’une patience de chat il guette la lune
ce joli poil terne ombre et gris mon chat le doit au pollen de pin
entre les collines un luisant ballon d’enfant indolent et libre
les rayons plus frais font bonne figure encore — ah le fil d’avril
ne tardons plus trop dans la chambre ensommeillée un rêve m’attend
une tourterelle inébranlable plastronne dans le vent frisquet
la colline en face est barbouillée de trainées de sillons humides
en ouvrant la porte les poils s’en sont hérissés — j’ai remis ma laine
sur le jour qui vient je dessille mon regard sur le jour passé
les ombres moins nettes des pensées qui vont et viennent — un second café
j’ai rêvé de sentes que je grimpais en souffrant — j’ai mal aux molaires
voilà une histoire anecdotique et ancienne — je l’ai oubliée
je ne sens plus l’ombre du lumignon corrodé qui ronchonne en moi
par-dessus la rampe un coup d’œil dans l’escalier — la pénombre suit
cette lanterne rouillée qui grince encore et encore
j’ai rangé la bêche — pour mes souvenirs futile de creuser profond
comme tu y vas — je fléchis sous le fardeau de vos compliments
boulanger sommaire le vent roule les nuages par dessus les pins
te voilà entré dans le siècle de l’obscur caché athée souhait
quand le vent s’essouffle le silence circonspect et bruissant des feuilles
la nuit je croisait des barges chargées d’étoiles qui fendaient le ciel
couché sous la lampe il rêve à tous les haïkus qu’il pourrait écrire
189
Paroles Suivantes
grasse matinée — pour lui un bol de croquettes un café pour moi
le soleil se glisse doucement par effraction comme un rat d’hôtel
d’une nuit à l’autre les rêves changent de langue — parfois ils bégaient
je fais trop de bruit il est sorti sur le seuil pour s’en prendre au vent
au fond de l’assiette mon chat a trouvé un œuf — on en glousse encore
j’ai versé ma tasse — ça ne va pas réveiller mon vieux téléphone
le soleil s’accroche à la cime du grand cèdre et chasse la pie
matin maladroit — je trébuche à chaque pas pour quitter mes rêves
la couleur de mon ciel (sur la vermine des toits) frise l’insolence
à vous tous et toutes merci de votre indulgence envers mes mots niais
parler sans emphase d’une langue simple et droite qui sourit au cœur
fief de tous les vents la terrasse est en bataille — il rentre la tête
de fils invisibles maniés dans l'ombre il dit qu'il nous a compris
soudain il se tourne — un brutal coup de vent l’a pris par surprise
la fenêtre ouverte je laisse entrer le soleil jusque sur mes os
nous nous promenons mais je vois bien que mon chat est dans son assiette
papillon de nuit — il se blottit sous ses ailes pour passer le jour
recru je m’assois — ma molaire me rappelle qu’elle est bien présente
rêvant sur le mur le lierre et le jasmin mêlent leur soif de soleil
je me sens plus pâle en tout cas je l’imagine — j’ai fermé les yeux
dormir dans l’armoire pour profiter du parfum de l’assouplissant
mon cœur se repose et moi sous la lampe lasse je bats la mesure
vous remercier tous je ne le fais pas assez et je le regrette
en réalité je suis plus vieux que mon âge je dupe mon monde
la surface du matin tangente la profondeur de mes rides
un second café j’aurais l’impression ainsi d’être en équilibre
190
Paroles Suivantes
fraicheur ce matin — le bol de café frissonne sur la table instable
midi se rapproche et le soleil me rassure — la nuit est passée
un loriot timide s’essaie au chant tyrolien — je crois qu’il grelotte
bruissant doucement à l’abri des pins les ombres ne me font plus peur
l’une contre l’autre deux tourterelles sans zèle feignent la tendresse
…et la tourterelle jamais lasse de chanter fait du racolage
dans les herbes folles les premiers coquelicots se sont refermés
enfer métallique — dressé sur ses rails un train encercle la ville
soudain le silence — les maux effacent les mots et inversement
hautain et distant un avion raille le ciel — fiente sur l’épaule
homme sans mystère — un plat de nouilles trop cuites sans sauce et sans sel
soleil toujours haut pourtant le vent est chargé d’une odeur de neige
je marche sans ombre sans passé sans devenir présence éphémère
à l’orée du matin comme à l’orée d’un bois je reste attentif
des nuages roses chargés du vent de demain flirtent dans le ciel
j’écoute ma peau caressée par un soleil gorgé de silence
repos bien gagné — sur mes genoux il ronronne ses exploits du jour
le loriot aphone a retrouvé un ramage caché sous les feuilles
une nuit d’épines jusqu’au matin égratigne mes yeux écorcés
une sauterelle intrépide et désinvolte goûte à mon café
réveil trop tardif — une gorgée de café remonte le temps
l’arrosoir percé abreuve de tout son cœur les pots ébréchés
la nuit fut bien longue — je ne sais combien de gouffres sans pont j’ai franchis
être sans passion je voudrais me dépeaucer de ce monde en flamme
des rêves sans lisse — j’ai glissé sur je ne sais combien de devers
le banc sous le chêne je m’assoie et j’ouvre un livre ”jardins de curés“
191
Paroles Suivantes
le soleil s’éloigne seule la cime du cèdre étincèle encore
mon chat bosse encore — comprendre il fait un bosse sur la chaise-longue
l’appareil photo sur les genoux je m’arrime à mes souvenirs
soufflant sur ma tasse je me balance en suivant le rythme des branches
ici l’heure est grise — les regards se désagrègent entre chien et loup
indécis le vent souffle à droite glisse à gauche la feuille docile
le vent se recueille dans le silence des arbres — encensoir de feuilles
vivement je me retourne j’ai cru reconnaître le pas de mon ombre
un soleil sans joie s’éreinte entre les nuages à pétrir des ombres
la vallée se fige comme si elle espérait la fin du suspense
je tente une approche en grinçant de tous mes os vers la cafetière
la fleur d’hibiscus que le vent a arrachée flétrit sur le sol
je frisonne un peu quand j’approche de mes lèvres la tasse fumante
un inconnu semble s’être glissé à ma place — ce miroir me glace
la tenue de schtroumpf pour humer les pâquerettes est indispensable
devoir conjugal rendu envers la nation qui c’est le baisé ?
mon chat a une vie intérieure très riche — surtout intérieure
j’ai bien mérité de ma carte d’électeur — un premier tampon
une clarté sale sorte d’égout de lumière suinte de la lampe
me voilà rentré — curieux mon chat me demande où j’étais passé
jour faste aujourd’hui j’ai nettoyé le clavier — de ses mots grossiers
dernières nouvelles le ciel toujours à sa place — je suis rassuré
je laisse après moi les illusions innomées ma mémoire est vide
fin gourmet mon chat s’est voté une seconde sardine
dans le laurier-rose un papillon téméraire part en éclaireur
le premier café n’est pas plus amer pourtant — oui mais jusqu’à quand
192
Paroles Suivantes
malgré la lumière le ciel me parait plus pâle — pensées anémiques
la vallée nerveuse n’en finit pas de trembler — le monde est trop vieux
restrictions déjà — je me refuse le droit au moindre sourire
au prochain éon la terre aura effacé l’arrogance humaine
puis je me raisonne — le cœur enfin plus léger d’un second café
boule de roulette tournant autour du néant — noir je perd et passe
narquois le miroir me renvoie un teint de vieille carcasse graisseuse
un œil dans le ciel — les nuages distendus pour jauger la terre
cette nuit j’ai couru l’Érèbe j’en garde le souffle court
de lourdes nuées grondent pour qu’avance l’heure du crépuscule
fin d’après-midi je me repais du silence somptueux des arbres
je cale la joue dans la paume de ma main — le soir goutte à goutte
pigeon bec cloué j’oscille sur mon perchoir en lissant mes plumes
elle porte un masque je ne me reconnais pas dans l’eau de ses yeux
l’estomac en vrac je balance sur le banc les yeux dans la vague
un rideau de pluie a englouti la lumière — le matin abdique
j’ai ouvert un livre hélas je l’ai déjà lu ”la nausée“ de Sartre
brume du café qui embue la vitre froide — l’attrait de la pluie
je reprends conscience secoué par l’amertume d’un café brûlant
le jardin sourit d’une odeur de foin mouillé — frisson dans la tasse
soleil sans lumière — un vieux ballon sans couleur fuit sur l’herbe lasse
la lumière mate qui sourd épaisse des nues — lumière pourtant
un marteau-piqueur insolent couvre le son du pic dans le bois
jusqu’au bout du jour sur les murs ont ruisselé des plaques de nuit
les ombres s’inclinent devant la nue qui traverse mon regard perdu
la lumière grise ourle l’ombre des collines — morne crépuscule
193
Paroles Suivantes
entre mes oreilles le frottement infatigable d’un tamis de sable
le mistral en colère m’a claqué la porte au nez — colère rentrée
assis sous la lampe un reflux de la mémoire me fait frissonner
battue par le vent même l’ombre des collines a courbé l’échine
je quitte twitter je prends le temps de rêver j’entrouvre à twitter
derrière la vitre j’entends la plainte assourdie des branches forcées
grisaille de l’aube — je me suis levé si tôt la nuit colle encore
harangue du vent plaintes du chêne étrillé silence des oiseaux
mon esprit cahote dans l’ornière du réveil — les ombres trébuchent
le vent s’est calmé — soupir d’une feuille à l’autre le message passe
dans le matin gris les tourterelles se taisent — un vibrant silence
le fauteuil boiteux aux bras lustrés par les ans m’accueille en grinçant
serrés sur la tasse je revigore mes doigts d’un souffle engourdi
l’âme bosselée je bascule mon humeur sur le siège informe
le matin effraie — les pissenlits décoiffés froncent tête basse
crise identitaire — je ne sais pas qui me fixe là dans le miroir
l’esprit dans le vague j’ai traversé l’eau boueuse d’un jour sans escale
mon stylo usé à la plume obéissante n’a bientôt plus d’encre
les souvenirs las de remonter le courant glissent dans la vase
soleil dans les yeux je m’enivre d’un parfum de café fumant
mon ombre avait froid — elle craignait d’affronter une journée grise
la tasse de café me convie au voyage — arabica du Brésil
cailloux dispersés dans le lit de ma mémoire — stèles sans repère
les vieux pissenlits et les luzernes en fleur flirtent dans le pré
les ombres précèdent un crépuscule frileux — sourires livides
courtoisie du vent — poliment il tient la porte aux rayons prudents
194
Paroles Suivantes
derrière la vitre une compagnie de nues piaffe d’impatience
une nuit d’averses a abreuvé le verger — le soleil l’embaume
les ombres vaincues sur le mur de béton cru font pâle figure
soleil pour arbitre le vent joue avec les nues — spectateur comblé
un bruit de moteur interroge la vallée — le silence hésite
les ombres sont vives dans le vent qui les taquine — j’en vois qui sourient
j’ai rêvé si fort de remonter le courant — je m’éveille en nage
merci mes pisteurs vous que la trace des mots ne rebute pas
ce matin même le café a le goût d’une défaite
jardin sans muguet — il m’offre pourtant la joie des coquelicots
dans ce corps sans force je me sens comme en prison — la journée commence
la journée a fui comme coule un sablier — jusqu’au dernier grain
lové sur mes cuisses mon chat me tient chaud au cœur avec ses ronrons
loin dans un méandre de mon cerveau limoneux la plage de sable
toute au long du jour il m’a aidé à chercher un soupçon de flamme
l’herbe encore humide d’une averse bienvenue émousse sa faux
les coquelicots dans la lumière assombrie saignent sur le pré
la nuit vient quêter quelques miettes de lumière — j’entrouvre la porte
la lumière grise qui sourd dessous les nuages oppresse mon cœur
sur la route lente le silence ponctué de fétus d’étoiles
les ombres s’effacent et le soir qui se précise ment au crépuscule
des fils de brouillard s’étirant sous les nuages suturent mes yeux
au fond du verger la nuit glisse entre les troncs — un frémissement
la nuit traine encore entre les branches des pins — matin de grisaille
soleil et averses tendent des diamants aux feuilles que le vent détrousse
poussant le volet qui grince sous le ciel noir un frisson me prend
195
Paroles Suivantes
le printemps abdique et va pleurer sa défaite sous le radiateur
petit à petit en escaladant le ciel le soleil s’avive
je sens une main se poser sur mon épaule — ce n’est que mon ombre
le goût du café redevient ce qu’il était — le premier plaisir
je ris de mon ombre qui se dérobe la nuit et les jours d’orage
de nouveau les ombres vives et acérées tranchent le mur de béton
je fâche le calendrier j’ai toujours des objections je suis un vrai moi de mais
pour les déciller je râpe mes yeux pâteux jusqu’à la douleur
ce soir l’esprit vide j’erre hagard sur des sentiers rongés de silence
c’est l’heure essentielle celle où le fauteuil soupire cette heure où j’oublie
par moment le ciel se déleste d’un clin d’œil qui ne m’atteint pas
à l’ombre du mur une ombre plus floue encore chuchote à l’oreille
je marche et je croise sur des corps sans consistance des masques livides
sans se faire voir le soir glisse sous la porte — un peu froid aux pieds
soir mélancolique — des boules de coton sales maculent le ciel
ah le mois de mai le mois de ce qui leur plaît — les mains dans nos poches
comme un sable aride qui s’écoule entre mes paumes le verbe s’épuise
je me suis levé avec des lambeaux de nuit plantés dans les yeux
plus de souvenirs — la mémoire a trébuché sur l’âpre aujourd’hui
pourtant cette nuit j’avais la joie d’un enfant mais c’était un rêve
dans un ciel malade le soleil revient sans force en convalescence
bonjour à tous ceux que n’ennuient pas les sursauts de mon épiderme
mes poumons grinçants s’étourdissent d’un parfum de printemps chétif
ciel sans compassion — les nues grises qui me narguent jouent de mon humeur
sous la molle brise les coquelicots froissés redressent la tête
des couleurs flétries dégoulinent du jardin — le soleil renonce
196
Paroles Suivantes
j’ai trouvé refuge et un peu de réconfort au fond de ma tasse
le soleil franchit le péage des nuages — mission cap au sud
en se faufilant sous les nues la lumière y laisse des plumes
un après-midi à remonter un courant gonflé d’arrogance
sur les vitres sales elle brille sans vigueur — lumière du soir
du coup mon fauteuil complice semble un peu raide à mon dos fourbu
j’ai refait les comptes — je n’arriverai jamais au siècle prochain
j’ai pagayé si longtemps — hélas le soleil ne m’a pas suivi
j’envie les rochers campés que les vagues seules érodent de sel
on distingue à peine sur le chemin sans lumière l’ombre de la haie
j’envie les rochers détachés de leur mémoire — vieux témoins mutiques
les petites fleurs des viornes-tins — un dessert servi aux abeilles
les arbres complices se murmurent des secrets — frôlement des feuilles
je rentre en boitant mes os crient miséricorde — torpeur languissante
encore un peu gris — les couleurs en embuscade affutent leurs charmes
ascenseur en panne il faudra monter à pieds au septième ciel
sans ambiguïté le printemps et le soleil se tirent la gueule
ce matin mon chat m’a offert une mésange palpitant encore
je pose ma tasse sur la table de l’auvent — j’attends un miracle
un chat reste un chat malgré le prix des croquettes qu’on peut lui servir
les nuages se lassent — ils entrouvrent la porte au soleil atone
mon café avait une odeur de cendre froide dans le bol fumant
des ombres sans forme crépitent sur le béton — étincelles noires
une brusque averse ruisselant sur les carreaux disperse les plumes
depuis qu’un chat rode la mésange a déserté son creux d’olivier
si l’herbe est ravie de la pluie prodigue la tondeuse fait la tête
197
Paroles Suivantes
la pluie tambourine en colère sur le toit — tenez bon les tuiles
même sur les doigts je compte comme mes pieds parfois j’en rajoute
un sorcier espiègle a transformé les averses en mistral solaire
vagues de verdure pré couvert d’herbe trop haute — mes pensées embarquent
d’un coup de baguette les nuages ont glissé en vapeur étrange
dans la rue déserte le mistral fait le ménage — mon bulletin m’échappe
oubliant la pluie ils déploient enfin leurs branches — les arbres respirent
j’ouvre la fenêtre — le ciel sans tache répand la joie du loriot
les peuples des arbres à présent louent le beau temps et leurs abreuvoirs
bercées de musique par le vent subtil les branches battent la mesure
la nuit va venir bientôt et aucun oiseau n’a besoin d’abri
le café est tiède à force de somnoler — je m’en sers un autre
la colline au loin se dilue dans le mystère — légère aquarelle
les ombres du mur que le vent lisse et enlace deviennent chinoises
assis sous l’auvent je laisse mon esprit vide se remplir de nuit
malgré mes yeux rouges du fond de la vallée bruisse un état d’espoir
douceur du soleil le vent dans les herbes hautes — flux de souvenirs
un ciel de velours ondule sur les collines — le soir s’épaissit
réveil matinal — le soleil m’a devancé sur le quai du jour
la lueur sans force qui s’échappe de mes mots bute sur les touches
le premier café — il mêle sa vapeur à mon front embrumé
je rentre essoufflé — des parcelles du verger collées aux souliers
les coquelicots à l’insistance du vent retroussent leur jupe
bourdonnant sans cesse une abeille s’étourdit autour de ma tasse
le roucoulement des tourterelles amoureuses prend toute la place
un sommeil sans rêve — une escale languissante au bord du néant
198
Paroles Suivantes
la fenêtre ouverte l’ombre du rideau de perles bruit sur les carreaux
un rayon enfin dans la vapeur du café gagne en importance
le soleil frémit dans les rides de mon front — je ferme les yeux
douceur du matin — même ma dent douloureuse calme son ardeur
l’odeur du café ondule sur la terrasse — la journée commence
du haut de leurs cimes à l’abri des convoitises les loriots conversent
bourdonnant sans cesse une abeille s’étourdit autour de ma tasse
mon chat sur sa couette — enfin les mésanges peuvent déplisser leurs plumes
une tourterelle haranguée par une pie — mégères sauvages
quelques gouttes chaudes ont maculé la terrasse — mes yeux chiffonnés
la mésange bleue s’en retourne vers le ciel — on ne la voit plus
la faux a glissé sur les tiges trop humides — le jardin ronchonne
pas un seul nuage dans la tête n’est venu ternir mon périple
une averse molle et chaude englue le verger — les arbres transpirent
pas de vent seulement l’odeur âpre de l’herbe coupée
je me suis assis sur le banc au bord du soir — pantalon trempé
les abeilles jouent au chat et à la souris dans les pyracanthes
j’ai pendu au crochet l’odeur du jardin humide et mon humeur terne
sur le banc je pose un fardeau de souvenir — vol lourd d’un bourdon
un lueur lasse burine le ciel froissé — suivre le chemin
essoufflé d’avoir dompté les fruits du verger j’en garde l’odeur
à rebrousse poil le vent étrille les arbres — mon front me démange
s’extirper de sa couette — j’en mets plus encore
sous l’auvent ouvert aux quatre vents — trop de bruit café sans arôme
une fois tirées sur l’horizon les nues semblent un tas de draps sales
je me réfugie auprès de la cafetière — elle me comprend
199
Paroles Suivantes
à travers la vitre les nuages malmenés me tirent des larmes
sur ma peau encore et dans les sillons du drap l’empreinte d’un rêve
je laisse à la porte le tumulte des rafales et ma dent dolente
mes mains impuissantes n’ont pas pu la retenir — moire du miroir
comme fond sonore il y a plus relaxant que les cris du vent
parfois je me dis que je ne fais pas du tout mon âge mental
les arrêts de jeu avant que vienne le soir — un grand verre d’eau
au fond du jardin j’oublie très facilement que j’ai mal aux dents
douceur des senteurs — ce n’était pas le printemps attendu pourtant
qu’ai-je pu leur faire — ils sont là qui me surveillent les pesants ramiers
premier saint de glace — il a semblé très sensible au réchauffement
un nuage en feu — il a frôlé de trop près l’ardent crépuscule
tout l’après-midi sur l’échine du jardin — j’en transpire encore
je ne la sens plus — mille fois j’ai soulevé ma vieille carcasse
j’aime bien les rousses — la lune pourtant ne montre qu’un profil livide
là un chien aboie ici un cheval hennit ailleurs je me tais
le vent pantelant se repose sur les feuilles avant de tomber
malgré l'apparence mon chat me prend pour un chat — parfois je ronronne
au gré des méandres d’un vieux rêve inachevé mon ombre s’égare
une tourterelle sur les bienfaits du sommeil préside un colloque
second saint de glace — le soleil s’invite à table où elle a fondu
je compte mes membres — je n’en ai pas égarés en passant la nuit
le matin déchire le dernier voile de brume — les ombres s’affutent
le soleil aussi dans le ciel indifférent est bien à sa place
parfum bienveillant — dans la vapeur du café je ferme les yeux
contre toute attente je n’ai perdu qu’un cheveu dans ce mauvais rêve
200
Paroles Suivantes
dans l’azur sans ride un petit nuage flotte et soutient mes yeux
savourant l’instant un café pour compagnon de bonne fortune
après un café et un loriot pour témoin je peux respirer
parfois je m’étonne que l’on m’imagine en vie — remous sous la peau
dernier saint de glace — j'en glisse un dans le pastis et j'attends qu'il fonde
d’un pas incertain je foule l’herbe charnue — vivante elle aussi
mon accent s’en mêle — diérèse et synérèse s’emmêlent les pieds
en trainant la jambe j’ai traversé le verger — l’air était léger
je rentre harassé des ruades du jardin — odeur crue de l’herbe
boite à souvenance — l’appareil en bandoulière ne m’a pas servi
collée sur mon front une feuille de laurier — rien qu’une seule
ivres les abeilles glissent d’un pistil à l’autre — parfum de jasmin
contre ma sueur des senteurs ensoleillées — commerce équitable
un chant d’oiseau couvre la clameur des tourterelles — fin de journée tiède
les ombres s’émoussent contre le mur encor chaud — le soir goutte à goutte
je me suis assis — le banc était occupé par un souvenir
vallée silencieuse — la tourterelle amoureuse en couvre les bruits
au dessus de moi les feuilles du chêne aussi ont de la mémoire
réveil laborieux — le soleil a tiré la couverture à lui
premières chaleurs émoustillées les cerises prennent des couleurs
des ombres fanées glissent sur le mur sans grâce jusqu’à l’herbe courbe
merci à vous toutes et tous que rien ne rebute pas même mes mots
le loriot fredonne se satisfaisant de peu — lumière indolente
un chœur de loriots dans la robe du verger — offrande au soleil
le printemps et moi sur la terrasse odorante assis face à face
symphonie des ombres sur la luzerne fleurie — parfum de rosée
201
Paroles Suivantes
parfum du café — le loriot qui m’accompagne semble le goûter
soleil dans les yeux mon chat caresse la brosse — le café tiédit
je ferme les yeux — curieux je suis les potins du loriot loquace
à l’abri du chêne un couple de tourterelles bât les draps du nid
j’ai posé mon livre pour mieux lire dans le marc du second café
une plume flotte dans la vapeur du café — parfum si léger
visite au jardin — vite je me travestis en schtroumpf à lunettes
cheveux ou jardin par quoi vais-je commencer — il faut que je tonde
le chat s’interroge — des arcs-en-ciel improbables fusent du jet d’eau
journée envoutante — les odeurs du jardin collent encore à la peau
j’arrose les roses et glisse mille couleurs dans les yeux du chat
douceur duveteuse — insensiblement le soir me prend par la main
transpirant mon ombre rentre plus vite que moi se mettre à l’abri
les bruits du silence qui arpente la colline apaisent mes nerfs
seules quelques feuilles frissonnent dans l’air brûlant soupirs incandescents
dessus mon épaule le soleil dit au-revoir à la Sainte-Baume
avec lassitude et regret le soir libère un peu de fraicheur
les ombres farouches ont regagné leur tanière pour passer la nuit
par endroit l’herbe déjà sèche crépite comme mon cœur
un maître crapaud à présent donne le la au chahut nocturne
sirène sans charme le réveil secoue mes cils rêve au teint café
bonjour le matin un moment nous irons ensemble tu t’effaceras sous le poids des heures chaudes qui pèseront leurs midis
mon voisin loriot a mis la radio à fond — j’ouvre la fenêtre
quelques gouttelettes ont embué mon visage — une ombre espérée
narguant le loriot deux tourterelles massacrent des chansons d’amour
202
Paroles Suivantes
les sons du printemps — je laisse la vitre ouverte pour les savourer
un café enfin — celui-là je le savoure d’un profond soupir
le soleil déjà ondule sur les façades — les poumons s’échauffent
tasse vaporeuse — l’arabica du Brésil sent bon la samba
à l’ombre des chênes le café prend tout son sens et flatte les miens
les mains dans les poches le soleil vient nonchalant prendre l’apéro
mon ombre partage le fardeau de la journée puis elle s’esquive
une brève averse la nuit a brisé mon rêve de grève et de sable
sur mon front la sueur et la mémoire ont laissé de profonds sillons
le soleil se cache derrière un loup de nuages — soudain il sourit
la terre s’effrite entre mes mains fatiguées — trop longtemps pétrie
les ombres aussi jouent à chat contre le mur — matin incertain
je me suis revu tout au début du chemin avant de me perdre
puis mistral régnant les nuages s’escamotent vers la mer promise
le ciel clair encore — un voile de soie flottant sur mes joues brûlantes
satisfait je hume dans la vapeur du café un air d’outremer
bruit de fer battu — un train contourne la ville d’un rail impatient
pourtant je déteste l’idée même du voyage — mais parfois j’y songe
levé tôt pourtant mais la journée qui trébuche prend le mors aux dents
un peu ébréché éméché par trop de vent je rentre en boitant
un marteau piqueur vibrant de rage exaltée mord dans le béton
j’ai trop attendu — dans le pré l’herbe trop haute noie les pâquerettes
mains sur les oreilles il faut que je pousse un cri pour me libérer
sur le cerisier une poignée de cerises — mauvaise saison
soleil paresseux — escamotées par les nues les ombres se fâchent
je retiens à peine les pensées qui vagabondent sur mes souvenirs
203
Paroles Suivantes
le silence glisse d’une ombre indécise à l’autre au gré de la brise
fin d’après-midi — à bout d’argument le vent déclare forfait
poussière d’un souffle qui prend vie dans la lumière lente et fatiguée
mon voisin loriot invisible mais présent m’attend sous l’auvent
une odeur de nuit où le soleil n’ose aller harcèle la chambre
le chant du loriot aussi pointu que soyeux — matin de printemps
sur la cheminée une tourterelle éprise déclare sa flamme
mon regard s’embue envouté par le parfum du café fumant
candeur des collines sous la caresse de l’aube — un voile de gaze
le vent a cessé — il ne reste qu’un frisson dans le cœur des arbres
des flèches dorées ricochent sur la façade — le soleil s’éveille
la vallée s’ébroue — le son étouffé d’un train agite la brume
un peu masochiste je retarde le plaisir du premier café
bientôt six saisons auront jalonné mes ans — triste certitude
enfin je me lance et saisis la cafetière pour un corps à corps
dodelinant vers les croquettes du chat un hérisson pansu
mistral devenue la petite brise aboie et montre les dents
j’inspire le soir je respire sa douceur j’inspire et je vis
le soleil s’en moque il tient tête au mistral d’un haussement d’épaule
sur les hautes tiges de petites sauterelles font du trampoline
éperdues de vent et de soleil les avoines sont devenues folles
le chat des voisins à cinq heures tous les jours vient prendre le thé
la faux rebutée par le rempart d’herbes hautes s’est donné raison
dans la haie d’épines les minuscules oiseaux restent sur leur garde
le linge étendu geint et claque sur le fil — fourbu il se rend
odeur de fumée — les pins ont envie de prendre leur souche à leur cime
204
Paroles Suivantes
silence du soir — en face un bout de colline encore grésille
un ciel d’étain mat plombe les crêtes cuivrées — soirée métallique
la mine boudeuse d’un mois de mai versatile — ma mauvaise humeur
en fin géomètre mon chat sait très bien marquer le milieu du lit
entre ombre et lumière entre contrainte et sourire — le matin oscille
fragrances légères dans la fraicheur du matin — symphonie de mai
butant sur mes rêves je n’ai pas le cœur à rire — les couleurs sont grises
la nuit traversée sans le moindre clapotis — une nuit de rêve
peu à peu le trille épanoui du loriot dessillent mes yeux
à celui du loriot un chant non identifié reprend l’harmonie
le soleil repousse tout doucement les nuages — les ombres s’affirment
la brume s’étiole et les ombres peu à peu tendent leur contour
des cris de marteau palpitent dans la colline — le loriot s’est tu
le premier café premier violon de l’orchestre dans la vapeur grave
il est tard j’ouvre enfin mon cœur le café a fait son œuvre
autre spécialiste salle d'attente identique le même fantôme
le parking bondé la salle d’attente aussi — je me sens vidé
ancienne musique — les nerfs vibrent sous le plectre de mes errements
prendre un ticket attendre qu’on vous appelle comme au rayon fromages
ardente moiteur— j’ai promené ma carcasse dans un four solaire
salle surchauffée — par chance je vois le ciel à travers la vitre
même les odeurs des fleurs et l’herbe jaunissent broyées de chaleur
au fond du jardin un écureuil facétieux jouait à m’attendre
j’ai laissé mon ombre finir seule la besogne — respirer fatigue
le soir est entré il a jeté sur le sol une brassée d’ombres
à l’ombre des chênes les pensées peuvent souffler — j’ai la tête vide
205
Paroles Suivantes
pesanteur du front dans la touffeur de la paume — la journée chancelle
je claudique encore mais mon panier est rempli de cerises rondes
la vie continue — sur le fil deux tourterelles parlent d’avenir
c’est un soir de soie qui glisse sur mes épaules léger et grisant
bilan d’une nuit passée à fuir l’insomnie — je compte les rêves
ce matin le chat m’a entrainé hors du lit — il avait très faim
bercées de soleil les feuilles de viornes-tins sourient veloutées
debout dans l’alcôve je goûte au premier café tandis qu’il grignote
quand j’ouvre au jardin je fait l’appel des oiseaux — tout le monde est là
le soleil s’étire sur la terrasse odorante — un second café
cadeau de mon chat — deux souris décapitées près de ses croquettes
d’un humble silence je salue tous les oiseaux qui m’offrent leur chant
je m’assieds enfin — le soleil est déjà haut et le café tiède
il fait déjà chaud si j’en crois le thermomètre — gouttes sur le front
je retourne alors embrasser la cafetière qui me le rend bien
émerveillé par l’harmonie du printemps je repends des forces
matin lumineux — mon ombre animal docile se frotte à mes jambes
ma peau tourmentée vibre de toutes ses cordes — je respire à peine
l’ombre qui me suis a une odeur de cerise — verger sur la peau
des avoines folles brulantes et frénétiques crissent sur mes joues
sous mon bonnet rouge les coquelicots me prennent pour une cerise
la faux affutée couche le chaume docile — fière des andains
les tracas les peines je les ai abandonnés dans les herbes hautes
un haïku ce n’est pas seulement dix-sept mores ni même un tercet c’est un instant, la surprise fixée dans l’exclamation
j’ai fait provision de fragrances printanières pour l’hiver prochain
206
Paroles Suivantes
dans l’arbre je croque une poignée de cerises — sucrée madeleine
en toute confiance mon ombre aveugle me suit sûre de mes pas
derrière la vitre mon chat attend patiemment — quand j’ouvre il m’engueule
assis sur le banc j’y dépose les sanglots de mes os rompus
les ombres s’estompent — bientôt il n’y aura plus que l’ombre du soir
menthe et marjolaine dans l’or du soleil couchant mêlent leur sueur
le café attend que soit passée l’infirmière — ça le laisse froid
éclats du soleil par les fentes du volet — mille éclats de rire
enfin sous l’auvent dans les parfums du café — le son du silence
mon chat aux aguets — la mélodie des oiseaux aiguise ses griffes
brutale version d’un poème silencieux — un jour de colère
café de Colombie — je me laisse dériver sur l’Orénoque
cris des tourterelles — soupirs — le loriot et moi nous nous comprenons
au bord de la piscine j’imagine les mystères du fond d’un lac
la chaleur déjà pesante — on a beau brasser la surface oblique
les yeux qui se ferment seuls dans la vapeur troublante du dernier café
sur ma peau ricochent les dards d’un soleil rageur — cuirasse fragile
aller tondre les dernier coquelicots — mon cœur saigne
je vais aller tondre les dernier coquelicots — et las mon cœur saigne
les coquelicots ont échappé à leur sort — la tondeuse en panne
odeur de figuier — quand on chiffonne ses feuilles on dirait le sud
dans le ciel cobalt aucun oiseau ne se risque peur d’y laisser des plumes
entre les avoines deux papillons font la cour aux fleurs ombrageuses
les feuilles transpirent sous l’épreuve méridienne une ombre sans force
dans les cerisiers guêpes et frelons choisissent les fruit les plus surs
la journée se traîne sur le chemin poussiéreux — le soir m’impatiente
207
Paroles Suivantes
odeur d’herbe sèche de transpiration collée — mon chat se détourne
lumière sans ombre le soleil passe au dessous des collines noires
je ferme mon livre et tout doucement je rentre d’un claquement sec
la brise candide qui maraude dans la nuit délaisse mon front
le soleil disperse les derniers haillons de brume — la vallée s’étire
la lune s’attarde morose sous l'horizon — j'ai des idées grises
de profil mon chat tient de la panthère rose la couleur en moins
le chant du loriot sur un rayon de soleil — réveil illuminé
il dort insensible à l’aubade du loriot — la panse remplie
je regarde faire le soleil — il est à l’œuvre — ombres affutées
le soleil câline doucement mes joues l’arabica mes narines
l’esprit plein de nuit je me dirige au radar vers la cafetière
tandis que s’enroule le rideau de la piscine les degrés s’envolent
le chat m’accompagne sous l’auvent de la terrasse — envie de caresses
des gerbes ardentes brutalisent les collines — mon regard s’enflamme
les yeux qui se ferment — nous faisons le plein d’odeurs et de chants d’oiseaux
à l’ombre des arbres le retour du geai des chênes — un éclair bleuté
le geai qui sautille allègrement sous les chênes fait son numéro
dans la chaise-longue entre veille et somnolence — planning de l’été
ma misanthropie grandit — aujourd’hui j’ai fait la gueule au jardin
chapeau sur les yeux je me détends et je sonne la fin de la sieste
ma misanthropie grandit — aujourd’hui j’ai fait la gueule au jardin
sous l’œil des ramiers j’émiette du pain rassis pour leur collation
la tondeuse en panne j’ai voulu tondre à la faux — ce fut une erreur
dans le cerisier il reste assez de cerises pour la guêpe et moi
l’herbe haute se moque de moi je n’ai pas le geste auguste
208
Paroles Suivantes
allongé dans l’herbe j’ai renoncé à la faux — les andains troublés
sous la lampe basse l’ombre lasse de ma main cherche un point d’appui
le geai fait le guet depuis les branches du chêne — inquiet ou moqueur ?
mon stylo hésite — serait-ce donc le stylo ou bien la cervelle
bien avant le soir je revois mes ambitions — un verre d’eau fraiche
quelques gouttes lourdes s’écrasent sur les carreaux — pluie désenchantée
fraicheur matinale — un pépiement anonyme répond au loriot
le volet découvre un ciel de zinc pommelé — retour sous la couette
le soleil s’étire dans un ciel sans enthousiasme — réveil nébuleux
le ciel a raison des nuages qui s’éloignent — sourire timide
derrière les troncs la chaleur en embuscade complote déjà
la pluie a cessé mais reste la pesanteur moite de mon front
une pie criarde au milieu des tourterelles — oreilles en feu
soleil d’opérette qui ne parvient même pas à faire danser les ombres
voyagé si loin par le parfum du café — j’oublie de penser
devant un café sur la terrasse j’attends l’éveil du loriot
une guêpe harassée tournaille autour de la tasse — la vallée bourdonne
fin d’après-midi — le son du ventilateur berce son sommeil
jusqu’au bout des cils la lassitude me suit — je rentre en rampant
chassés les nuages — finalement le soleil retrouve sa place
très bien repassée la lame de la faux serre la menthe de près
sur le mur en face l’ombre du toit se fait pagode — saveur d’orient
un verre à la main je regarde le voisin qui sue sur sa faux
j’ai fui le verger je n’avais pas de panier — la pêche encor moins
pas fait grand-chose mais demain est un autre jour — je m’en veux à peine
lumière du soir — un tintement de cascade abreuve les yeux
209
Paroles Suivantes
les ombres se touchent se superposent se fondent — amours cannibales
momifié dans mon inconscient j’ai trouvé un mot d’amour
la couleur du ciel quand je pousse le volet ne m’importe guère
tenon bien scié attend mortaise au bédane pour le rendre raide
matin un peu frais — voilà le temps idéal pour la marche à pieds
je digère mal les anesthésies fréquentes — je n’ai pas sommeil et je dis n’importe quoi pour colorer les nuits blanches
le soleil sourit timidement malgré tout — je souris aussi
la nuit ment le plus petit rêve jamais ne se réalise
je savoure le seul café auquel j’ai droit — brûlant et sans sucre
soirée de délires une nuit cent cauchemars la coupe déborde
rendez-vous pour une opération de routine — j’ai le cœur qui bat
le soleil s’impose — je me lève émerveillé il m’aurait manqué
faut me dépêcher — l’anesthésiste s’endort derrière son masque
en trainant la patte j’arrive sur la terrasse — café plein d’entrain
salle immaculée le soleil joue l'artifice — réveil évasé
insoucieux je goûte les boniments du loriot — ils me font sourire
la cervelle en vrac mes tempes d'airain résonnent de couleurs stridentes
fin de matinée — sur la vitre l’araignée attend une mouche
il est toujours là le jardin n’a pas bougé — l’herbe s’est tendue
aveu dérisoire : la femme qui est en moi est homosexuelle !
peu à peu je rentre dans ma peau de revenant — malgré tout j’hésite
son du shamisen — sous les fleurs de sakura les plaintes du chat
j’escorte le soir jusqu’au bord du crépuscule — peur de m’y noyer
le jardin sourit — il se met à ronronner après deux caresses
je ne parle plus — sur ma langue un goût de cendre buvarde les mots
210
Paroles Suivantes
toute la journée même sur la chaise longue j’ai trainé mes os
mes mains harassées chassent de devant mes cils un rêve adhérant
j’offre à mon chat un arc-en-ciel éphémère en arrosant les pots
spectre sans substance le fauteuil ne grince pas quand je m’y enfonce
la journée s’achève et la colline s’embrume — elle aussi transpire
je vois tout en sombre — pourtant le ciel est limpide le soleil solide
entre chien et loup — le soir par petites touches glisse de mes yeux
fin d’après-midi pourtant déjà je redoute la nuit et ses ombres
les parfums du soir ricochent sur la piscine — cœur éclaboussé
comme dans du sable je me terre dans les mots que mon front émiette
comme un cri de joie pour accueillir le soleil — clameurs matinales
un train passe au loin — j’entends qu’il geint sur ses rails : ”je reviens-reviens“
pendant que je souffle quelques gouttes sur mon front — vapeur du café
un réveil sans zèle après une nuit rugueuse — mais le soleil luit
clapotis dans l’eau — le silence des oiseaux berce mon regard
un animal sombre me suit et plante ses crocs dans ma nuque à nue
les petits plaisirs d’une vie loin du chaos — les pieds sur la table
enfin je parviens au bord de la cafetière — contrée bienaimée
cadeau de mon chat qui s’enfuit dans le salon — un vase brisé
je reprends vigueur dans les vapeurs veloutées d’un café complice
une clarté fraîche court entre les pins prudents — midi se rapproche
le vent sous l’auvent évacue les derniers miasmes — gorgées de plaisir
comme on manque un bus j’ai raté ma vie — tant pis je prends la suivante
maintenant je peux regarder le jour en face — eh bonjour, le jour !
dans un air visqueux péniblement je m’éveille d’une sieste moite
pour vous je dessine d’une pointe malhabile le chant du loriot
211
Paroles Suivantes
le mistral balaie les poussières du chemin — un grain dans l’œil
sur le mur les ombres qui désignent l’horizon sont vides de sens
poser ses pensées et un instant son bagage -reprendre son souffle
le loriot et moi on se passe de lumière — on ferme les yeux
j’avais dessiné sur les plumes du loriot l’ombre d’un sourire
dans mes mains la tasse aux odeurs pensives ranime mon cœur
un pas encore un et je la vois qui approche — la dernière borne
le ciel s’est fendu d’un sourire versatile — mes yeux le lui rendent
une douceur moite s’écoule sur les collines figées dans le soir
dans l’ombre du buis deux papillons se racontent des rêves tremblants
la frange des heures ondule au bord de mes cils — ce n’est qu’une larme
tout au fond je garde l’âme de mes dix-sept ans — hélas mes os grognent
assis sous l’auvent un sanglot plie le gosier — pourtant je vais bien
une ombre de soie auréole le jardin — le soir se maquille
malgré la pluie d’hier l’herbe a une odeur de foin — j’ai la gorge sèche
depuis l’herbe sèche mon chat en est revenu couvert de jardin
attentif j’écoute le message de mon corps — acouphène en morse
le ventilateur s’époumone à brasser l’air sans le rafraichir
volet repoussé — la lueur d’un autre monde fige le matin
sous la peau je garde de mes frissons juvéniles une ancienne trace
museau dans les pattes mon chat prolonge sa nuit — sommeil équivoque
silence du soir déchiré par les hoquets d’un chien mécontent
ciel ni gris ni bleu — il ne dévoue sa lumière qu’aux rêves perdus
je ferme un volet sur la journée claire encore — la nuit prend patience
ce juin ambigu — il roule sur le matin des flocons de nuit
un crapaud enroué tousse sous la pluie d’étoiles les pattes dans l’eau
212
Paroles Suivantes
mon chat dort encore — je me lève doucement mais je le réveille
il s’accroche au vent de ses ailes tremblotantes le vieux papillon
vers nos appétits nous tendons — lui ses croquettes moi la cafetière
le mistral trop froid me force à raccompagner mon café à table
avec le temps et quelques cafés on frôle la sérénité
soleil violent — ce matin je ne le vois qu’à travers les vitres
soleil vif et frais premier sourire du jour — le café pétille
le ciel dégagé des cauchemars de la nuit — il semble infini
pas un froissement — même le loriot l’écoute l’éclatant silence
duel au soleil — les pins affrontent leurs ombres dans le vent limpide
parfois un nuage aiguillonne le soleil et ils jouent à chat
des bruits de moteurs tournent autour des collines — la moindre étincelle…
mon chat est tout smouale — il a fait un mauvais rêve qu’il ne sait narrer
craquements de branche claquements froissés des feuilles — la plainte des arbres
derrière les nues le soleil est renfrogné — il cache sa joie
midi sous l’auvent le vent en face de moi — on prend l’apéro
nouvelle tondeuse — dès à présent le jardin va bien se tenir
sur la méridienne le vent entre les orteils me lave la tête
d’un grain minuscule je fais tout un monument — j’en fais souvent trop
les pierres des murs geignent insensiblement — le vent se renforce
je rentre rompu — j’ai taillé une bavette avec le verger
oint de citronnelle les moustiques n’en ont cure — assaisonnement ?
les perles de bois s’entrechoquent dans le vent — son mat et sinistre
sur ma peau aride le temps a laissé des dunes que le vent modèle
des fleurs d’olivier sont tombées sur mes épaules — le vent les disperse
sur le sol je glane les abricots que le vent a giflé — trop verts
213
Paroles Suivantes
colère du vent — toute la journée passée sans un chant d’oiseau
la paresse gagne l’épaisseur de mes paupières — elles sont si lourdes
soir et lassitude — peu à peu je prends la forme d’un tronc vermoulu
quand je souffle pour sécher ses ailes l’abeille cligne des yeux
la lampe s’essouffle et sous le vent la nuit rampe — les étoiles fuient
par la porte ouverte se glissent le cris des pies et un vent coulis
le vent laisse enfin les pins méditer en paix — bruissement d’aiguilles
sur le thym en fleur une abeille s’est posée — un subtil mélange
fraicheur et soleil tendent ma peau chiffonnée — le jour devient lisse
parmi les ramiers une pie chicane et glane — soirée besogneuse
elle monte droite dans l’évidence du ciel — vapeur du café
je m’assoie je souffle et j’attends que se dilue le poids du soleil
le voilà il chante — enfin nous pouvons sourire le loriot et moi
le tas minuscule tout au fond du sablier est infranchissable
carreau de soleil sur le parasol qui s’ouvre — il devient losange
j’enfourche le soir je lui retrousse les ailes j’attends du néant qui palpite dans ma nuit un signe une incantation
il monte au grenier pour donner à réfléchir aux souris — le chat
dans un ciel maussade une corneille muette me fait un clin d’œil
des marteaux résonnent sur l’écorce des collines — soleil de midi
quelques rayons pâles rebondissent mollement sur les tuiles sales
entre argent et vert les oliviers font de l’ombre aux dieux des dollars
commence un colloque avec le premier café — chaos des corps fluides
brin de basilic froissé — sur mes doigts l’odeur de soupe au pistou
des étirements — mon chat qui n’en perd pas une dort sur son coussin
le soleil sourit entre les branches de chêne — je souris aussi
214
Paroles Suivantes
j’oublie quelquefois combien de calendriers m’ont couvert feuilles
oiseau dans vos yeux — le sourire qui s’y pose nargue le soleil
un autre café me fourni des arguments — soleil dans ma tasse
seul il se prolonge dans le frôlement des feuilles — silence de soie
même sans sucre j’éprouve le besoin de le tourner
je pose ma tasse — je regarde le parfum flottant du café
mollets douloureux — j’ai marché tellement loin dans ce rêve inouï
l’ombre de la lampe — une potence où la nuit se pend chaque soir
je guette mon chat qui lui épie une pie qui elle essuie ses ailes
une tourterelle sur le fil téléphonique se tient au courant
la tête en bataille je ne sais où j’ai rangé mon indifférence
on ne gagne rien à mieux me connaître — je ne suis qu’une défaite
papillon sur l’herbe — à chaque battement d’aile le monde se cabre
doucement je sors la tête du thermomètre — chaleur par surprise
dans la vieille armoire poussiéreux j’ai trouvé un battement de cœur
j’offre ma peau nue en sacrifice aux moustiques — tant pis j’ai trop chaud
je cède à l’envie et je me verse un grand verre de rêves sans nuit
transpirant je rentre des miettes de canicule collées sur les os
au loriot se mêle le parfum du chèvrefeuille — fraicheur matinale
le chat et moi nous rentrons de promenade — suer et sourire ensemble
quand je me rapproche c'est à peine s'il frémit — confiance émouvante
les parfums du soir frôlent mes paupières — odeur de l’heure sans ombre
dans le ciel nouveau le soleil retient son souffle — vestiges de brume
miasmes de la nuit vite chassés de la chambre — brassée de soleil
ceux qui me subissent — du fond de mon encrier je vous remercie
j’ouvre les volets pendant que le café passe — la maison sourit
215
Paroles Suivantes
ombre sous l’auvent — j’en profite avant l’assaut des hordes brûlantes
sans bruit je regarde sur le lit dormir mon chat — sommeil rassurant
d’un coup d’aille alerte il saute d’un arbre à l’autre — le loriot aigu
le sourire au lèvres je prépare mon café — je mouds de plaisir
le débat s’engage entre un loriot volubile et l’inconnu bavard
je sais me défendre du soleil qui mord déjà — café sous l’auvent
le front sur la tasse je me noie de chants d’oiseaux parfum de café
le loriot s’éloigne — il est vrai que ce matin je n’ai rien à dire
à l’ombre des chênes je brosse les poils du chat — il ronronne d’aise
l’abeille perdue essaie d’atteindre la feuille — vite l’épuisette
c’est l’heure où l’on croise les volets et où l’on rentre pour jouir de l’ombre
le ventilateur disperse au loin mes pensées — il en fait des songes
une épaisse couche de vieille mélancolie sous mes yeux de clown
le soleil s’embroche sur la pointe de midi — un four de lumière
encore un soir où je rentre avec le jardin rivé sur les os
crevant l’interface réveil en pleine chaleur — le rêve en fusion
des larmes dorées pendues aux abricotiers — on en mangerait
le soleil traverse la chair même du feuillage — ombre incandescente
soyeuse la brise chargées d’incertains parfums caresse le soir
le chemin hésite — entre mes bras il n’y a rien qu’un peu d’amertume
des graviers qui crissent — violemment la nuit ratisse le cri des crapauds
le chant des oiseaux bâillonné par la chaleur — craquements de l’herbe
dans la haie profonde le ciel sème ses étoiles — écho des lucioles
sur les murs fiévreux les ombres nues s’évaporent — spectres ondulants
une vie d’homme — la Sainte-Baume en face au soleil levant
entre mes mains je pétris le vide et l’absence — golem sans parole
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Paroles Suivantes
assis sans un geste j’accompagne sans substance la fuite des jours
retrouver ses marques après une longue sieste — mission difficile
photo surannée — même l’ombre des sourires lentement s’efface
tête incandescente — je brule par tous les pores de mots calcinés
deux perruches vertes évadées de leur volière chantent sur la grille
le regard se brouille et les ombres s’effilochent — silence accablé
la gorge nouée et les doigts tremblants je cherche le sens de ma nuit
le nez dans le verre je respire les glaçons — respiration lente
au bord de la nuit entre le bleu et le noir une étoile brille
des pensées flottantes des rêves mal assouvis mais des couleurs vives
de longs fils d’argent cousent le ciel à la terre — mille trous d’aiguille
un frémissement d’impatience entre les branches — fraicheur espérée
quelques gouttes d’eau pour l’odeur du chèvrefeuille — j’y gagne un sourire
le soir se prolonge d’un souffle d’air sur la joue — ancienne caresse
pas de bruit — le jardin retient son souffle avant l’assaut de l’été
ruminer ma vie — je suis de ces bœufs qu’on mène calmer les taureaux
esprit attentif — le vent du nord-ouest remue le cœur des vieux chênes
dans la soirée grise un vieux souvenir me roule dans les illusions
premières cigales — inlassablement elles strient l’écorce des pins
d’un sommeil d’argent il dort encore au milieu du chant des oiseaux
malgré la chaleur j’ai laissé tiédir ma tasse — le vol des mésanges
le loriot de l'est dit merde au loriot du nord — concours d'insolence
larsen dans les pins acouphènes du jardin — je rentre à l’abri
avant le café pour les fleurs de grenadiers deux arrosoirs d’eau
olivier d’argent — tes fleurs d’un blanc si peu blanc coulent sans un bruit
sous le parasol je médite mon café — songes vaporeux
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Paroles Suivantes
c'est un soir d'étain un soir de lumière grise — les ombres ricochent
qui peut affirmer avoir vu pleurer un homme — lui seul peut le dire
peau de shamisen mon cœur ne bat plus il vibre sous ses mots d'écailles
regard vers l’arrière il n’y a rien de magique plongée dans le ciel — dans la mélasse et le miel je laisse un doigt nostalgique
fraîcheur sous l'auvent — je fixe droit dans les yeux ma nuit intérieure
dans l’air frais encore sur la fleur à peine ouverte un papillon rêve
mois de juin féroce -ses crocs déchirent ma peau même quand il dort
signal des cigales — il est grand temps de rabattre les volets sur l’ombre
réveil en sursaut — c'est une douleur ancienne comme une molaire
un après-midi dans un courant de sourires — clapotis de l’eau
avec l'âge les sentiments évoluent si vite -ils n'ont plus le temps
moments merveilleux traversés si près de vous et si loin de vous
les heures ont passé dans des vapeurs de café parfumées et douces
le ventilateur me prend à retrousse-poils — je lui en veux pas
mon cœur garde encore la fraîcheur de cette nuit au fond de ses rides
vous êtes si loin que je ne peux vous toucher que du bout des yeux
sur le guéridon j’ai laissé la tasse vide se remplir d’été
le ciel s’empoussière — le soleil fouette les corps de lanières sales
le sable s’écoule entre mes doigts sans vigueur — sablier figé
sur la vitre sale une mouche trace un cœur tout égratigné
rêver oui rêver dans le va-et-vient des feuilles les yeux grand ouverts
la drôle d’idée — tout à coup mon chat devient un olivier nain
imaginez un esquif si petit que vous rêveriez lune contre lui
fin de la journée — tristement dort l’étendue de tiges brûlées
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Paroles Suivantes
du bout de mes doigts étincelles de soleil j’allume ta joie
la lune souligne les contours fantomatiques d'une plume d'ombre
déjà — sur l’écorce rainurée une cigale a laissé sa peau
plus fort que l'appel de la vallée qui s'éveille le chant du coq
Sur le chemin du nord sur le Hokkaido dans le port d'Otaru il débarque
le premier café tôt sur la terrasse — dans le pins les pies m'espionnent j’ai plongé mes songes dans la nuit profonde et noire — j’ai touché le fond
Il vient pour retrouver une fille une fille aux seins blancs comme la neige à Sapporo une fille au cœur dur comme un vase Jomon
vapeur de café — je repose la sous-tasse pour la voir sourire
ne plus respirer ne plus pleurer ne plus rire — pierre en plein soleil
sept heur’ au soleil — et les cigales déjà lustrent leurs archers
belles nuits de juin quand les lunes bienveillantes dansent dans ses yeux
je marche au soleil — des rouleaux de barbelés me frottent le dos
une couverture de laine sur la torpeur — le ciel se voile
il lui décrivait pléthore de métaphores — elle prit le large
mon chat mélomane — sous les chênes il se délecte du chant des loriots
j’en tombe mon verre — heureusement les glaçons vite disparaissent
petite rainette sur la margelle du soir — bruissement de feuilles
il attend sa muse à l’abri des balles perdues qui l’auront par ruse
sur la terrasse la fraîcheur se fait attendre -je vous sais rêveuse
il ne rit jamais — en fidèle samouraï il trahit son maitre
nuit de bure rêche — pas un souffle ne viendra soulager mes pores
triste sire attend à la porte de Rashô l’emprise des sens
échos des souvenirs — ils martèlent sans répit les murs de mon crâne
le soir calciné promène sur la terrasse un regard brûlant
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Paroles Suivantes
trainées dans le ciel les cigales se sont tues — odeurs de fumée
Vasco le portugais sage tire à boulets rouges sur ses souvenirs
voici l'heure d'ambre où nos cœurs battent ensemble la même mesure
Vasco le portugais sage tire à boulets rouges sur ses souvenirs
sur la table mise il rêve de tout son long à des souris grises
je suis un homme enfin ce qu'il en reste -la soif de caresses
et puis l'heure grise où ton pas trébuche et glisse s'éloigne du mien
l'avocat en pot se flétrit de canicule -qu'il ôte sa robe
enfin l'heure noire où les yeux ne peuvent plus nos mains se séparent
mais comment mon chat supporte-t-il la chaleur coincé sous la clim
mais l'heure profonde l'heure sans nom ni couleur vainc le sortilège
mille kilomètres elle a mille fois le temps de changer d'avis
matin de cristal — les mauvais rêves chassés d’un battement d’elle
à travers la vitre je vois frissonner les feuilles dans la chaleur moite
nous rêvions ensemble dans le satin d’un drap d’été — mon chat et moi
il faut que j'arrose les plantes en pots -- amour d'été...
le soleil souligne l’ombre posée de la tasse que mes lèvres frôlent
six heures du soir trente quatre degrés à l'ombre ”je suis en nage je vais rouiller“
j’écoute le murmure de son cœur électrique — la piscine
seulement attendre que la chaleur passe attendre que le rêve cesse
rêver de lumière ou de la fin des ténèbres c’est très différent
épaisse chaleur recrus les crapauds y coupent des copeaux de nuit
la belle violette à son cou une améthyste fuit une âme triste
silence du soir les cigales ont annulé le concert nocturne
le détroit passé il peut enfin souffler et sourire à sa plus jeune épouse
ivres de lumière les papillons de nuit roulent sur le papier
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Paroles Suivantes
la force de rire je la puise dans des tripes déchirées et mortes
j'ai voulu garder sur mes lèvres son parfum son sourire aussi j'ai voulu apprivoiser son cœur de granit sauvage
repas dominical -penser un kôan zen face à sa belle-mère
lâcher lâcher prise lâcher sa main qui palpite prendre son envol
vous les innombrables amusés de mes paroles merci je vous aime
frissons sur la peau — la lune tient la chandelle quand la nuit m'embrasse
ronron de la clim l'occident baisse la tête -dehors grognent les hordes
tintement d'étoiles contre le mur de la nuit — cristal qui se brise
feuille de figuier déchirée en plein soleil -mordre dans le fruit
mon plus bel haïku — il est entré dans mon cœur sans effraction
un creux dans le cœur encore plus grand que l'absence là dans les entrailles
un sourire qui passe — on se remet à écrire des niaiseries
n'avoir que dix doigts pour compter tes paysages raconter tes pores
le soleil s'élève dessus les noires collines odeurs du matin
je lève mon verre à la santé — à la santé c’est tout
ensemble à ma table une odeur de chèvrefeuille le chant du loriot
dompteur de mots comme je voudrais l’être ils m’obéiraient au pied de la lettre
somnolent encore j’enlace ma cafetière — valse vaporeuse
le clavier se tord l’écran me saute au visage — je ferme les yeux
le banc sous les chênes attend patiemment un rêve pour entrer dans l’ombre
jonque de papier contre vaisseaux d'acier il s'en remet aux vents divins
malgré la chaleur vaguement mélancolique je reprends un café
seppuku ! seppuku ! hurle l’équipage — décidemment on n’a rien sans rien geint le capitaine
la lave en fusion que le ciel verse sans trêve coule dans mes veines
soirée veloutée qu'un léger vent tempère -une feuille tombe
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Paroles Suivantes
il se replie sous la voile espérant échapper aux dards des rônins
poussière dans l'œil ou le cœur qui se reverse -larme sur ma joue
geiko est bien jeune le souvenir du vieux samouraï brûlera avec l’encens
le ciel s'engrisaille pas de promesse de pluie c'est la nuit qui vient
dans la chambre torride les shoji crépitent des baisers de feu
bruits dans la vallée la ville rentre chez elle -je n'ai pas bougé
un peu de fraîcheur un courant d'air sur la peau baiser dans le cou
à quoi les chats rêvent-ils le mien en tout cas garde son secret
il rêve d'une jonque aux seins accueillants et doux qui les conduirait tous les deux vers la caverne d'Amaterasu la divine
même sans torture l'aveu lui brûlait la gorge -il aurait parlé un ciel de coton est en train de grimer l'aube -soleil sous la couette
ils tairaient aux hommes l'existence du soleil -ils feraient l'amour
le chant du loriot ce matin plus que jamais un chant dans le cœur
l'amour d'une mouche est un amour qui perdure bien après la mort
nuit brève et hachée une nuit propice aux rêves — j’en ai choisi un
trente-et-un à l'ombre -le bon vieux temps qui revient et j'ai presque froid
viens ma dame viens les cordes du shamisen tremblent sur ton cou sa peau de chat se hérisse déjà le matin pâlit
mon torrent tardif -assis au bord de ses rives et boire son eau je l'avais si bien enrobée de paroles que j'ai cru pouvoir la caresser Elle sourit et puis s'envole la mésange apprivoisée
dans les herbes sèches la mante tricote un tour pas piqué des vers mâcher des amandes un casque sur les oreilles — broyer du gravier
les vieux pins se courbent — quelquefois ils espèrent le feu rédempteur
le soleil enfin s’ébroue et chasse la brume autour de son cœur
la cendre des pins dévalera la colline dans l’eau du torrent
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Paroles Suivantes
dans la nuit craintive une chouette peu farouche en quête d'amour
assis le soleil me pince pendant que je twitte — je baisse les yeux
un courant d'air frais frôle ma peau dénudée -une nuit de soie
pour rester à l’ombre je repousse un peu la table — taches de café
au temple d'Isé dans un bras de la rivière les nonnes se baignent souvent elles vont par deux les doigts anxieux de caresses
je n’ai plus de doigts usés de compter les ans — compter sur mes larmes je ne me vois plus — le miroir m’a traversé sans laisser de traces
il fut un temps où l'impératrice vêtait ses dames d'argent gardant l'or pour elle seule l'empereur aimait l'argent
ciel couleur lavande -les dents de scie des cigales mordent dans l'été fuyant la tempête solaire la jonque geint de tous ses bambous tout amour dispersé -entre les anneaux de jade sa coque tente le sort
petit baiser vole apaise le front soucieux de la bien-aimée au fronton des temples de cette contrée sans prince "tu n'existes pas"
la pêcheuse de perle rêve des bras de la grande pieuvre le kraken aux ventouses brûlantes
la lune attend l'heure complice où les amants s'enlacent pour en témoigner le dernier amour celui dont on se souvient le moins longtemps
au fond de l'auberge près de l'âtre sans chaleur pour un bol de riz elle monte réchauffer des couches de paille froides
au creux des collines la nuit lentement dénude l'épaule de l'aube
les yeux vides et patients elle attend le marchand riche et son aumône de sel
tendresse infinie -il dépose sur ses yeux l'idée de ses lèvres
je n’ai pas grand-chose à dire alors j’écris des haïkus
fraicheur du matin -l'odeur des fleurs de troène force la fenêtre
sa main dans la mienne je peux franchir l’horizon d’un coup d’elle
la nuit je respire un parfum de mille kilomètres d’envergure
pour sa jonque encalminée à présent il acheta mille roses d’un bleu vif
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Paroles Suivantes
à une femme trop fière pour son kimono ouvert
mon chat noctambule -il rentre potron-minet la queue éméchée
entre les étoiles qui lui montrent son destin il navigue à vue
les poètes ne devraient pas vieillir le ventre sans forme les os grinçants d’un fantôme l’âme incandescente ?
fier de sa jonque il entreprend un périple aux sources du feu
l’âme se dilue dans le gouffre des années le désir s’érode
le jour finissant apporte avec lui son lot d’émotions sincères
un brin téméraire j’ouvre la porte et je sors face aux dards solaires
la lampe sous l'auvent libère des bouts de nuit à chaque remous
je l’ai sur la langue ce goût d’un baiser rêvé — bruissement des vagues
la nuit dans mon cœur ne connaît pas les étoiles je m'y perds souvent
les ombres titubent bouillonnantes du désir de quitter les murs
je regarde les minutes des gouttes de temps salées des larmes figées
les oiseaux se taisent — midi l’heure où les cigales écorcent les pins
hors du nuage de Magellan point de salut se dit la jonque perspicace --
tout en haut du col il la rencontra enfin il leva son sabre mais pour Chiyo-shikibu le ronin rendit les armes
d'un coup de rein habille elle libère son capitaine des anneaux de jade et tranche dans la brume un denier pour la route mais déjà la route avait disparu
d’une plume fluide il ourle les douces courbes de son chant grisant d’un regard sans équivoque elle l’invite à la suivre
la fenêtre ouverte sur le frisson des étoiles -la nuit d'été nue
les oiseaux fébriles s’agitent dans le branchage — silence de buse
à vous qui avez posé un pas sur ma piste j'offre ce matin
trouvé le lézard que chassait mon chat noyé dans la piscine
six heures j'hésite -je me retourne et savoure l'éveil des oiseaux
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Paroles Suivantes
petit à petit le ciel se couvre de laine — ce ciel me démange
avant les cigales les moineaux et les mésanges partagent le pin matinée fragile où les papillons volettent dans les lauriers-roses
à l’ombre des chênes sur le vieux banc sans peinture un vieillard sans teint solstice d’été — un saxo mélancolique geint sur summertime
ma raison fragile lâche la bride au désir — je m’essouffle au cœur
dans le ciel d’été la jeune étoile filante s’est trompée de route
l’accordéoniste aveuglé par son parfum la prend dans ses bras dépose un sol sur ses lèvres dont seul il détient la clé
silence profond -pas même un crapaud pour fêter la musique
le désir m’envole m’écorche et m’époumone — j’ai le cœur salé une mer grise et creusée bat la rage dans mes tripes
loin un âne brait -le saxo mélancolique est resté sans voix La nuit je porte un gyrophare un gilet fluo pour éviter que les rêves ne m'envoient en l'air
le soir se dépose sur les derniers chants d’oiseaux — gaze tiède et lente
sous le ciel sans borne la nuit sème sur ma peau une pluie d'étoiles
ma nuit infidèle traine en bas dans les impasses aux odeurs d’ennui
il voudrait avoir chaud vous respirer par les pores se blottir de vous
ma nuit est rentrée sans faire un bruit un peu grise — la porte a grincé
le chant du loriot dans un monde rédimé -prémices de l'aube
silence pesant -même le chœur des étoiles en est bâillonnée
ô ma petite sœur pour revoir tes sourires pour frôler à nouveau ta couronne de fleurs pour apaiser ton cœur et calmer tes délires je t’offre les joyaux d’une triste âme en pleurs
je lève ma coupe à demain s'il parvient à franchir le Rubicon de lave
sentir sa présence flottant dans l'air frais encore d'un matin d'été
mon chat me surveille -la nuit pour lui est un jeu réservé aux rêve
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Paroles Suivantes
il vous veut madame il vous veut libre de rire de sa maladresse
votre visage madame se disperse si souvent de vos yeux à votre bouche que mes mains vacillent
je vous écoute et vous luis vous qui zébrez mes nuits de parfums d'oriflamme
j'écoute ma nuit me balbutier ses charades -je crois qu'elle est ivre
nuit incorrigible qui lâche ses chiens d’airain laper mon sommeil une pie grivoise s'en prend à deux tourterelles et leur cloue le bec
bagage égaré le vieil homme terne attend dans le hall de gare désert un train vers les autres un illusoire convoi
d'un vol lent il raye le ciel de ses idées noires -corbeau cafardeux
je ne sais pas vous mais j'ai un petit problème de regrets
un filet perdu la transforma en sirène aux cuisses sans voix depuis toutes les perles pleurent sur ses os dissous
pèse oh oui mon cœur sur les fléaux sans souplesse d'un passé renié ma nuit ma rebelle vos yeux dans mon encrier rires de diamant
seul un chien lointain se risque à les affronter — les dents des cigales
une aube violette étire sa chevelure sur ma nuit rêveuse
usées par les mots j’ai fini par devenir cet homme sans lèvres
je ferme les yeux une association d'idées me frôle les lèvres
contraction des feuilles agitées par la fournaise — mon cerveau vacille
première gorgée — le soleil qui entre en moi passe sur ma langue
toute la journée dans l’œil du ventilateur — je me suis enrhumé
le loriot du chêne entame un chant d’espérance — il prend soin de moi
la nuit se faufile profondément dans mon ventre — il fait noir dedans
les muscles sans force je ne peux pas résister — tropisme du café
j'ai posé ma nuit douce et ronronnant encore au bord de mes lèvres
elle s’écartait de la balise des hommes — la route dans le crâne
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Paroles Suivantes
quelques gouttelettes salées brillent sur mon front — bien assaisonné
sur le bord de l'aube nostalgique ma nuit m'offre sa dernière étreinte
rayé de cigales un silence opaque fige les heures torrides
au signal du coq un vol de corneille regagne l'abri de leurs ruines
fin d’après-midi — sur ma vieille peau je rêve d’un froid de banquise
le soleil hésite à quitter ses draps froissés — le loriot insiste
une odeur de sel flotte dans mes souvenirs — que la mer est loin
dans le ciel sans force de vieux rêves rayés suivent les nuages
sur ma langue inerte le goût âcre de la cendre dans un âtre éteint
lumière perlée — les ombres bâillent encore sur le mur gercé
mon vieux cœur s’échappe — je n’ai que deux vieilles mains pour le retenir
des clochettes tintent dans ses yeux et sur ses lèvres scintille un serment
mon ventre écorché de pensées trop vagabondes me rappelle à l'ordre
regard dans les nues sans âge ses larmes coulent vers le ciel nuages
étoile filante le ciel noir est ton tremplin la nuit ton domaine
chaque battement me vide d'un poing de sang -siphon sans espoir
folle ambiguïté -dans la distance des vous leurs peaux se tutoient
Vous qui me portez sur ce fleuve dérisoire je vous remercie
un feu d'artifice soudain déchire la nuit -mon chat sous le lit
il parlait sans cesse elle l’ignorait de toute incompréhension
il a lâché prise -il est trop tard il le sait mais le nie d'un sourire
d’un vol souple et ample son esprit rejoint la mer — il compte son sel
ma nuit vient de rentrer elle se colle à mon cuir et vide mes yeux
entre les lauriers les oreilles de mon chat — le soir délibère
ô ma nuit la belle les étoiles de tes yeux donnent le frisson
regard dans les nues sans âge ses larmes coulent vers le ciel nuages
227
Paroles Suivantes
chaque battement me vide d'un poing de sang -siphon sans espoir
la femme infidèle le regard hautain traverse la porte de Rashō
Vous qui me portez sur ce fleuve dérisoire je vous remercie
dix-mille étincelles brillent dans ses yeux — je sais je les ai comptées
sur le quai j'attends un minuscule bonhomme aux yeux d'espérance
fin de matinée le soleil c’est assoupi — levé bien trop tôt
l'ironie se cache dans ses yeux de diamant bleu -profonde détresse
quand elle sourit ses yeux délient des mésanges — je ferme les miens
son rire m'a ému quand j'ai serré son corsage et ne l'ai plus revue
je m’entrainais enfant à sauter dans les flaques — je riais alors
le rire s'est brisé quand il serra le corsage et le corps trop prude de celle qui maintenant git pudiquement inerte
les ombres se lassent de couler sur les façades — le soleil se cache triangle amoureux — Jules et Jim à ses pieds Catherine tombe
ma nuit enveloppe ses frôlements impudiques d'un manteau d'étoiles
il a changé l’eau a remis des graines mais l’oiseau s’est envolé
hallucination non ce sombre champignon ravage le ciel
dark sky of the night no more stars for leading me my dried tears refluing
dans la nuit lasse erre un parfum de chèvrefeuille -haleine de l'aube
un bon vieux silence -seul un bon vieil acouphène me tient compagnie
le matin approche -mélancolie d'un frisson quand ma nuit me quitte
Il la laisse entrer titubant riant sans joie sa nuit déjà grise
que jamais ne cessent les miettes d'éternité du dernier amour
il ferme le livre et lui raconte une vie de mémoire
l'oiseau dans la viorne une mésange je crois pépie de bonheur
musique torture peau de chat de shamisen plectre entre les yeux
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Paroles Suivantes
j'ai traversé la rue comme on traverse la vie -sans regarder
la confiance ne dissipe pas le manque elle le potentialise
ma nuit sur la peau je recueille de ses yeux un bouquet d'étoiles
assis somnolent sur la terrasse encor tiède c'est déjà demain
ivre d'insomnie las je voudrais de ma nuit qu'elle m'abandonne
je n'ai pas sommeil -ma nuit me prend par l'épaule -elle a pris les clés
premières lueurs déjà un loriot s'ébroue -je n'ai pas sommeil
ma nuit le tracasse et l'intrigue elle n'a pas l'odeur de sa nuit
au bord de l'éveil une foule le renverse sous les roues du train qui n'arrivera jamais -son cœur bout de détresse
encore un bourbon -mare de la vieille Europe la mer me traverse l'épaisse fatigue qui englue pensées et gestes me noie sans sommeil
ah ma cafetière mon étoile matutine cœur qui bout d'amour
mon corps me fait chier je ne sais pas quoi en faire -il ne sert à rien
les ombres enfin se pavanent sur le mur — travaux de peinture
ma nuit s'impatiente je lui ai fermé la porte -chacun son tour
prendre le train en marche chapeau quelle acrobatie — on n’a plus qu’à s’taire
averse attendue dans ses yeux l'orage éclate -il est fou de vous
bruits de la vallée incommodants aujourd’hui — le temps change il pèse
il fait nuit ici un orage d'été gronde -clair à Montréal
sous le tas de cendre les papillons de nuit gardent l’âme des feuilles mortes
l'orage me parle il me conte sa détresse -nous pleurons ensemble
un soir de limace de glu ou de beurre rance qui colle à la peau
ma nuit m'échappe son désir de jour me fouette-je ne vois plus clair
un courant d’air le rideau de perles tremble — mes pensées tressautent
Spectre et mari jouent au foot avec la lune -Rashomon prends un but
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Paroles Suivantes
en éclats de rire — maintenant on peut voir le ciel profond
mon chat et ma nuit sont de connivence -je ne dois pas voir le jour
jambes en coton j’ai trop marché dans ma tête — je suis si lourdaud
aussi gris que moi le soleil se frotte aux nues — mes yeux se décillent
je viens de croiser un cortège d’idées noires avec un nez rouge
un loriot encore m’a conté par le menu ses prises de bec
rage de l’orage qui fouette l’herbe séchée — une odeur de foin
boire un café tiède c’est pas ma tasse de thé — n’es’pas micro-onde ?
ma nuit silencieuse je n'ouvrirai pas la trappe à tes bouderies
il a pris la route celle qui fuit les impasses le Tōkaidō route de la mer de l’Est les bras chargés de baisers
fraicheur du sous-bois après l'averse d'été -parfum de sourires
rue de Rome une Geisha déambule au milieu des patineurs
seul je m'endormais dans la fraicheur de la nuit sur la nappe sale
tremblements de l’aube — la fièvre méthémérine du manque de toi
réveil dans le noir je cherche l'interrupteur -ouf je l'ai trouvé
plonger sans scaphandre dans l’immensité d’un rêve — havre du sommeil
un oiseau me pique et lentement je m'éveille pour mieux lui sourire
la lampe allumée — mes yeux de vieille bourrique chutent sur les mots
au rythme des mots le matin lentement brûle sans laisser de cendre
encore un regard perdu au loin vers le ciel — le même rêveur
plus de points d’étoiles — le vieux chien mélancolique se gratte les puces
son cœur ne bat plus — un vieil appareil photo sans sa pellicule
clavier sous la lampe — une jeune coccinelle se pose sur « X »
sur le seuil j’attends que vienne dans ma maison un oiseau magique
amis sans visage mon cœur de papier froissé vous dit grand merci
les fenêtres volent
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Paroles Suivantes
retour du marché — dans le panier les melons s'époumonent
un bouquet de mots attend que l’arrêt de bus enlève son masque
journée d’été fraiche je délaisse le Ricard pour un Caol Ila
mur de béton gris que le soleil vient frôler — vague sur le sable
neiges du Fuji ce miroir des âmes tristes glissez vers le ciel
avec nonchalance j’interpelle le matin — je hèle les heures
le charpentier sombre sait accueillir la lumière que vos yeux lui tende
la fleur de patience a hérité les épines de l’impatience
malgré sa fatigue le chapelier réussit à rater son train
leurs deux mains liées par l’impossible lumière d’un baiser offert
mâchant sa laitue fade un escargot espère la peau d’une épaule
la tigresse feule son amour intransigeant sauvage et féline
vol plané du soir dans le vent et les claquettes des huis mal fermés
exit le lexique — la houle foule déboule le gosier gazé
regard au plafond -une araignée entre les poutres se froisse une mouche
attraction lunaire — une âcre marée submerge mon gosier noué
la nuit est profonde -c'est à peine si l'on sent la lune vibrer
les mots me submergent ils sont le souffle et la perche vol des papillons
j'étais endormi sous l'œil indifférent de vieilles étoiles
—
des mots sans tabou libérés des mots sans masque — une love story
sur l'oreiller tiède une pensée le réchauffe demain n'est pas froid
elle était je ne sait ce qu’elle était mais je ne suis plus
nuit deuxième arrêt dans ce train où ne médite qu'un seul passager
la nuit se referme sur leurs bouches entrouvertes — les serments scellés
où ont donc glissé les yeux d'Amélie la sage -la nuit m'ennéonne
la douleur s’estompe l’épaisseur de l’océan défie le regard
231
Paroles Suivantes
le cœur apaisé l’âme et l’esprit silencieux — que ma joie revienne
les loriots se moquent de mon teint de vase terne — ils y mettent des fleurs
la langue brûlée de mots rugueux et d’alcool — devenir aphone
un peu de nuit brouille mon visage encore — j’essuie le miroir
le soir épuisé glu d'un fleuve incandescent ronge ma cervelle
dans le vent plus frais les cigales persévèrent — suivre l’agenda
la soirée s'achève dans le vacarme crissant de mes acouphènes
cœur de papillon virevoltant sur la vitre — éclair dans mes yeux
freinée par le vent la nuit me parait plus lente -les heures me broient
les nuages courent -le ciel ivre de lavande glisse sur leurs joues
une lame noire surgie de l'enfer que j'abrite m'a coupé la langue
le vent s'encolère -des brassées de feuilles mortes jouent dans la piscine
la nuit me submerge d'une vague d'horizons aux aubes violettes . le vent a cessé dans ma tête maintenant l'espoir d'un ruisseau
elle avait pour lui des attentions d'odalisque -elle était son cristal elle était son katana tranchant la mélancolie rebrousser chemin au milieu de gué — pourtant la berge était proche
parfum de café dans l’euphorie des oiseaux — mon corps se déplie
rebrousser chemin c’est sans doute nécessaire si c’est une impasse
journal déplié — d’une main gauchie je lisse mon cœur chiffonné
l’océan d’alcool remonte jusqu’au gosier malaxe ses yeux
se laisser bercer d’une vague somnolence après la nuit brève
recru je m’assois sur l’avant-dernière borne — sourire ironique
le jeune soleil me regarde dans les yeux clair et charitable
la valise est lourde tous les coins sont abîmés — il faut la poser
tinte sur le ciel bondit rebondit mon cœur luit dans ses étoiles
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Paroles Suivantes
les ombres s’affirment — elles entament un dialogue avec le béton
le rêve s'échappe -les ailes d'un papillon glissées sous la porte
dans ses mains l’immensité de sa peau devient minuscule
quel étrange chat il m'éveille pour que je le pose sur le lavabo
mon cœur glisse et tombe dans la débâcle du sang — de glace il se fige
le gouffre des nuits s’entrouvre un instant et prend sa part de lumière
les chênes le bercent leur respiration le pose sur un chant d’oiseau
la colline gronde — des chenilles métalliques écorcent son cuir
fin de journée lente même l’ardeur des moustiques semble s’assoupir
l’heure est dépassée mais je remonte le temps d’un café-loriot
les vieilles cigales ont commencé à mourir — leur été fut bien court
soleil et cigales se brouillent dans mon cerveau — l’ombre et le silence
soleil indolent je marche sur le chemin cris des feuilles sèches
atteindre la cible émouvante dans la nuit j’y arriverai
histoire d’amour — dans le ciel les hirondelles posent les virgules
elle aimait ma voix moi je n’aimais que sa voix — un malentendu
Ah que n'ai-je de bons yeux pour bien écouter le chant de la lune
tant triste Tristan nautonier désespéré sur la mer brumeuse
de la vallée monte la rumeur des gens qui vivent -ici c'est silence
partir revenir le pendule raie le sable jusqu'au verre froid
ma nuit j'abandonne conduisez-moi sur la rive des rêves secrets
amis sans visage amis au cœur mélodieux amis que le vent a rassemblés à ma porte j’ose dire je vous aime
pensée agaçante entre le sommeil et moi -le vol d'un moustique
il cherche fiévreux dans les épaisses fougères un indice infime qui lui donnerait la clé de son cœur de dur ébène
papillon de nuit vrombissant dans mon oreille -la joie d'un poème
233
Paroles Suivantes
le néant traverse le torii dressé du vide — une mer sans dieux
fraicheur du matin -l'été dans le cœur des pierres trépigne impatient
ma nuit me surprend à dérober à mes rêves leurs chandeliers d'or
un premier baiser posé au bord de mes lèvres -le premier café
la nuit m'emporte entre des sommeils sans force -un souffle les tue
le parfum des fleurs du vieux troène ridé grise les oiseaux
couvert de nuit lourde du bout des yeux je m'endors sans faire le point
lentement je lisse mes ailes — cigale je vais chanter mon été
emportez-moi dans vos bras de lave tendre je baisse les armes
une marée coule depuis mes viandes liquides vers ma bouche d’algue
sur le lac épais ricochent de lourds galets -des mots sans leur peau
tombent sur mon dos les hallebardes du ciel — aiguës et ardentes
une seule fleur dans ce jardin d'herbes sèches garde sa fraîcheur
les chaines brisées mais le cœur pulvérisé — les ombres s’enchainent
fraicheur du matin -l'été dans le cœur des pierres trépigne impatient
dessus le jasmin un songe épand son parfum — ce n’est qu’une abeille
un premier baiser posé au bord de mes lèvres -le premier café
le mai est passé la pierre inerte est restée sur le cœur glacé mois de doute mois des mais est passé le temps d’aimer
le parfum des fleurs du vieux troène ridé grise les oiseaux
la lune impassible ne bouge pas même un cil quand un avion passe
lentement je lisse mes ailes — cigale je vais chanter mon été
collines de l'est éclaboussées d'un soleil crépusculaire
une marée coule depuis mes viandes liquides vers ma bouche d’algue
sur le couvre-lit raide de trop de lavages j'attends le sommeil
tombent sur mon dos les hallebardes du ciel — aiguës et ardentes
234
Paroles Suivantes
la nuit me secoue de son rire d'euménide -moi l'arbre sans feuilles
pas un autre son que la scie des cigales — c’est vraiment sciant
j'aurais tant donné pour effacer les années qui rayent ma peau
au bout de la langue un mot leste prend le large — ce mot me moleste
la nuit s'accommode ne pouvant les effacer -taches de sommeil
la peau en fusion — une façon comme une autre de briser la glace
la fenêtre ouverte sur d'implacables rumeurs -la fin de la nuit
rêve de pénombre — l’intransigeance du soir bannit la lumière
dans la chambre sombre l'illumination d'un sourire rêvé
plaisir émérite — faire comme si jeudi tombait un dimanche parfum du silence la soir — seules des cigales font des heures sup’
mon téléphone vibre de joie…
je ne pense à rien — seul importe le café sur lequel je souffle
lune confidente garde toi mes secrets pas même à la nuit
c’était le temps où on fumait des gaulois’ bleues — un temps de partage —— maintenant on reste assis sur des souvenirs jaunis
un léger halo de lumière grise et perle masque mes pensées ma nuit viens à moi dévoile-moi les mystères des lieux intérieurs
pour ne plus l’entendre je suis entré avec lui dans l’arbre effeuillé
entier il s'exhibe mais qui s'en soucie vraiment -la clé s'est rouillée
les ombres répondent de signes imperceptibles au marc de café
sur le quai désert un falot oscille et grince -odeur de pourri
le léger rayon d’un soleil en pleine forme me la communique
entrailles meurtries par un crabe incandescent mort l'envie du large ———— c'est tout juste si sa nuit lui permet de ricaner
midi sur la peau — mais une étrange chaleur vient me rafraichir
235
Paroles Suivantes
la nuit s'est glissée au fond des vieilles armoires -vieux parfum lavande
ma peau se résigne à n’être plus que ma peau — pur déchirement
lire quelques mots sourire parfois aimer -twitter au café
la lune sauvage cachée dans l'ombre des pins -la lune complice
jouir de cet air avant l’érosion sableuse des cigales
sous les dalles de la plage du sable de chantier de la ferraille et un rêve
écorce des pins les cigales y engravent leurs cris d’agonie
contre le sommeil résister -- les affronter les yeux grand ouverts
dernière gorgée — le café soudain pétille de lèvres rêvées
elle a transformé mes rêves en cauchemars -ou bien est-ce moi qui rêvait trop haut trop grand avec des bouchons de cire
l’ombre me suivait — j’ai pris le soleil marche j’en n’ai plus besoin
rêver de passer les déserts dans les bagages d'une femme-fontaine
alcôve de branches — rêver blotti sous les chênes que la vie bégaie
le sommeil décroche perte de vitesse il plonge -un sommeil sans elle
le mur rajeunit — le lierre a tout envahi, même les fenêtres
soleil déjà haut -il y a longtemps que l'aube a perdu la sienne
mon vieux banc fidèle — il connaît tous mes secrets et surtout mon cul
de tous ses parfums le vieux troène me parle de l'amour des fleurs
le soleil dans l’œil — il me montre les glaçons l’eau et le pastis
fleurs des lauriers-roses impassibles dans la haie -couleur du poison
son vol ample et lent vigoureux parfois m’emporte au-dessus des houles
rempli de doute le café devient amer et la tasse tremble
mille kilomètres — dans l’étendue la durée soyons face à face
deux loriot traversent prestement d’un arbre à l’autre — éclats d’éclairs verts
ô ma fleur de sang je te sais et je te sens salissant mon sel
236
Paroles Suivantes
pas de vent un pas le chemin et la poussière retombe
un soleil peu amène traîne une lumière grise -laisse de nuages
la journée se passe encombrée de somnolences — des hauts et des bas
pot de basilic arrosé près du vieux buis -odeurs doigts mêlés
la chaleur intense fait vibrer les oliviers — mon cerveau grésille
vapeur de café -un parfum qu'on imagine effacer la nuit
le sommeil me fuit je lui cours après parfois — il m’attend et rit
je claque un moustique -subtile trainée de sang tout près de mon cœur
me vient sur les lèvres un étrange goût de sel — je ne pleure pas
entre les sourires mon cœur s’en va bondissant d’un café à l’autre
le soir un alcool qui grise les murs déjà sombres qui me grise
tu aimais l’un et les autres t’ont meurtries mêle un goût de miel
chaude nuit d'été -elle aiguise sur ma peau ses ongles de fée
refaire surface après la plongée démon cerveau en surchauffe
un crapaud sans force meugle dans la nuit lointaine -l'amour rend aveugle
le ciel s’ennuage — l’épaisseur du soir promet l’orage d’été
un souffle léger un souvenir égaré traverse ma peau
la nuit enveloppe le silence des cigales brusque et inquiétant
sous l'auvent la nuit je vous ai rejointe d'un sommeil sauvage
entre mes bras - rien dans mes mains dans mes yeux – rien cachée sur la page
escale de nuit -le fuyard s'étire et bâille et reprend son train
la nuit est fébrile -la pluie a pris du retard pour l'herbe trop sèche
escale de nuit -le dormeur bâille et s'étire puis reprend son rêve
sous l'auvent -- les rides creusées dans mon corps pesant espèrent l'orage
un nouvel arrêt -cette traversée est pleine de doux imprévus
le cri des cigales pèse sur l'aube brûlante -copeaux de mon cœur
237
Paroles Suivantes
promesse de pluie foulée aux pieds déchirée dans la nuit torride
dans le ciel ce soir les nues glissent deux par deux dans le même rêve
vous êtes si loin -mon rêve immense pourtant ne peut vous rejoindre
c’est un ciel satin un ciel qui au bout des doigts craque une étincelle
un goût de goudron froid en travers de la gorge -haleine de souffre
dans leur nuit tangible ils avancent côte à côte les doigts emmêlés
quelques gouttes se diluent dans le café — la pluie lente et sale
la lune a roulé entre les branches du pin sans toucher les quilles
soudain le soleil transperce le coton sale — un éclat de rire
notre amour est plus grand que tous les grands domaines où l'amour est roi oú tu seras reine
maître loriot sur le fil se balance et compte les gouttes de pluie
merci mes amis que la nuit tisse vos rêves dans du fil d'Ariane
entre les collines ours entravé il grommelle — l’orage espéré
halte sur une île au milieu de la nuit -une île habitée
je crispe les doigts mais je sais elle s’échappe la fontaine vive
le fauteuil humide — mais le café me console de mon cul mouillé
ne plus m’endormir pour ne plus rêver de vous — enfin lâchez prise
rosée sublimée dans la colère solaire — les murs s’embrasent
ta main dans la mienne chaque doigt une couleur au revers du monde
un éclair ardent — dans ma tête les cigales se sont affolées
pudique il cache un sourire émerveillé de sa main tremblante
boule de bowling mon cœur roule l’escalier meurtrissant les marches
par dessus l’orage tire d’aile et fendant l’air mon oiseau nuage
petit’ fille en pleurs je n’ai que des mains ridées pour te faire rire
sur sa peau elle a l’odeur de mes paysages — du sel et des rêves
lueurs dans les yeux — un cri retenu au bord des lèvres mordues
238
Paroles Suivantes
sur ma peau humide le soir ose une caresse — les yeux dans le vague
la nuit arc-en-ciel éclipsée par le matin -insomnie fébrile
les yeux ensablés il tète une bière tiède mâche un hot-dog rance chaque jour il rembobine longue route soixant’ six
le café m’aime bien — il m’a fait la courte échelle pour sortir du lit j’aime bien le café — le bout de ma langue avide fait rire sa mousse
frapper à la porte les yeux remplis d’espérance le cœur palpitant
oxyde de plomb — gouache étalée trop épaisse le ciel est trop blanc
un instant mon cœur pendu au bout de son fil a cessé de battre
la cervelle en vrac je l’étale sur la table et pioche dedans
sur la dune danse danse les elfes de sel aux yeux de lunaires
géant vert les marches de ton palais d’émeraude grouillent de fourmis
son jupon de gaze ourlé sous ses seins la lune coquette
la lune interroge les augures de la nuit -un hibou hésite
un bruit de moteur peine à trancher l'épaisseur de la nuit aveugle
elle aurait bien voulu te griffer la joue d’un trait-étoile filante
enfin le silence que narguent insolemment plusieurs acouphènes
de l'autre côté loin du calme des jours fades le ciel est tempête
souvent je rêvasse sous les étoiles en guise d'attrape sommeil
où êtes vous vous dont le cœur me ressemble où bruissez vous
- "peux pas dormir - "compte les boutons dit cal'çon à la chemise
voici l'heure éteinte l'heure où des cendres inertes reviennent les ombres
-"terre capitaine -"non petit mousse pas elle "continue ton rêve
les premiers oiseaux -leurs chants tendus sur l'aurore soulèvent le monde
de la nuit je garde les étoiles sur la peau -le jour se lève
troisième café toujours aussi somnolent — mon cœur bringuebale
239
Paroles Suivantes
contre ce malaise j’essaierais bien la tisane mais les tilleuls mentent
soleil sur ma peau — cette peau vieille et ridée mais qui rêve encore
lourde somnolence — ma tête une fleur fanée ployant sur sa tige
sur le ciel limpide une démangeaison l'ombre de mon attente
journée sans ombre et la chaleur ne sais plus où donner de la tête
aux feuilles conquises le vent décrit le désert — brûlure et nuit froide
mes épaules nues — les moustiq’ ont décidé d’y pique-niquer
écrasée sans force la terre n’a plus de cri — langue calcinée
du vécu qui gratte qui démange qui déborde — un vécu pur soi
une nuit cuisante chevauche un vent sans merci -Insomnie de sable
une soirée lisse — déjà glisse sous la porte de la nuit pilée
le ventilateur halète dans la mélasse collée sur les murs
par la vitre ouverte un grand courant d’amitié balaie la poussière
j'allume une lampe fanal sous l'auvent -la lune boude ce soir.
lenteur de la nuit -vent venu du fond des ères chaud des vieilles laves
palpitants encore mon doux minou fait offrande de deux oisillons
gonflé de tropique un vieux vent chargé de sable raye ma mémoire
ma nuit qui s'enroule dans les effluves du vent me claque la porte
les yeux refermés sur un monde de contraintes je paie de mots lents
ma nuit et le vent jouent tant et si bien ensemble que je laisse faire-part
de mes doigts rongés sur ton mur j'écris je t'aime en lettres de sang
le café et moi -le mistral n'arrête pas de nous interrompre
de la vallée grise montent le bruit de chenilles rongeant le bitume
silence la page désespérément futile — et mon cœur se gerce
le premier café goûté au chant des cigales -Qui se lève tôt ?
midi se faufile — il franchit les heures fraiches en jouant des coudes
240
Paroles Suivantes
l’oisillon est mort bercé dans son pot de fleurs sur les crocs du chat
le vent est tombé –– une seule mouche nage au fond de la tasse
Un jour le néant fit la rencontre du vide. Et alors quoi ? Rien !
pas de chant d’oiseau ce matin – veillée funèbre pour l’oisillon mort
au bout du sourire un rien seulement le zeste du signe infini
encor les cigales pour un oui ou pour un mort qui jouent de la scie
je voudrais passer mon cœur au mixer et puis en filtrer la haine
Sentez vous ma Dame le rêve de vos parfums perler de mes pores ?
bande de Moebius — l’infini a trop fumé et se tord de rire
à l’aune des amies vous pesez bien plus encore qu’un clair papillon
bulle de désir — affolées les mains troublées ont perdu la tête
odeur de fumée de pins calcinés le ciel embrasé s'essouffle
un drap noir se glisse sur les collines recrues — pénombres sournoises
je baisse les yeux votre regard me subjugue je lève les yeux la nuit abyssale m'ouvre grandes ses ténèbres sans poisson pilote
soixant'sept hivers rien n'a changé dans ma poche -toujours poing serré
il monte l'érèbe croyant chevaucher la nuit -désordre et chaos
l'encre de la nuit se craquelle dans mon cœur -trop sèche trop sec
savez-vous ma Dame mes grains de sable s'affolent de vous voir marcher
votre peau madame pouvez-vous me la prêter -je me sens si nu.
je suis une plage que la mer lisse et soumet Indéfiniment
je voudrais courir vers vous délesté surtout du regard des autres
je rêve ma Dame de rivières de sourires pendues à mon cou
vos mains sur mes seins -oh ressentez-vous ma Dame ce frémissement
horizon en feu -toutes les îles du monde brûlent dans la nuit
le cours de mes rêves Interrompu par mon chat -manque de croquettes
241
Paroles Suivantes
le matin soupire au-dessus de l'horizon -aube frémissante
chos dans la nuit mon cœur se prolonge et frappe les cordes du vide
la nuit granuleuse ouverte et close à la fois crisse sur mes dents
rumeurs indistinctes des routes et de l'asphalte -la vallée bougonne
têtue une abeille vole au-dessus de ma tasse -un café pour deux
parfois par surprise la nuit me prend à la gorge et veut m'embrasser
un éclair de jade -un loriot change d'abri à toute vitesse
contournant les ombres le rêve de vous s'installe en pleine lumière
déboire un matin ce n’est pas l’amer à boire — une absence noire
la vallée rugit de mille fauves lâchés -lundi matin
l’une contre l’autre je frotte mes mains rugueuses — seulement le vide
souvent je reste l’esprit vacant de besoin — ma plume est épaisse
bandit malandrin j’ai volé une âme pure pour mon âme noire
glisse sur mon cœur un copeau du vieil hiver vite évaporé
puzzle en désordre — je tente d’un cerveau lent de soigner ma tête
ô ma Dame, ma lame, tranchons d’un éclat de rire l’écume des jours
j'ai mis cinquante ans à grandir -- j'ai dix-sept ans et mon corps se meurt
j'étais prof hélas -mais de travail manuel ! ce qui change tout
écrire des haïkus je n'ai pas besoin de ça pour vivre mais j'ai besoin de ça pour vivre
hagard égaré il te regarde oublier que tu fus ses yeux
je n'ai pas besoin de spectateur à ma mort -je me suffirai
il ne dira pas que l'émotion le perfore de son regard bleu que déjà enseveli son cœur tendu tambourine
une nuit sauvage s'est emparé de mes tempes -un feu d'artifice
sur la page vide il essaie un regard morne – eh non, les mots filent
ô ma Dame mon âme de vos dagues de vos lames coupez tous les ponts
242
Paroles Suivantes
un chaton peureux — la nuit m’a pris dans sa gueule de bave gluante
papillon citron au bord blanc d’une tulipe — Perrier rondelle
ma Dame ma lame tranchez ces liens d’un coup bref sauvez moi les mains
journée somnolente trainer l’ombre de son ombre — infinie lenteur
je sens votre souffle qui lancine sur mon cou — que le temps s’arrête !
une nuit épaisse a plaqué sur mon visage un masque de cire
contre le cynisme le vieil âge ne peut rien si ce n’est sourire
secouer la nuit pour qu’enfin soient réunis la glace et le feu
des pas dans la nuit le gravier crisse complice — je vous attendais
bientôt réunis soleil neuf et lune éteinte témoins de Vénus
le silence éphémère du cri
breuvage sournois — le premier café appelle un second café
votre main la mienne votre rêve dans mon rêve — chasse l’amertume
ciel de peine ce matin les nuages transpirent
vos yeux madame ils me clouent ils me dépècent rangez vos couteaux
l’été se fatigue il lance ses javelots avec négligence
levé tard malade le café a mauvais goût — un autre pour comparer
ma Dame venez accourez de votre dague trancher dans les doutes
mon chat me comprend — il me regarde, il s’étire bâille et se rendort
sa peau a le goût du sel et d’iode du large la tiédeur d’un nid
vos yeux dans mes yeux ma Dame et enfin je peux voir le bout du monde
elle a les saveurs aigres-douces de son fruit que mes doigt patinent
après les collines le ciel ondule et se fend — j’essuie mes lunettes
soir sans habit noir — la paresse cette ogresse me lèche la joue
je comprends mon chat — je le regarde je bâille et il se rendort
l’air devient épais — la colline au loin ressemble à du pain grillé
243
Paroles Suivantes
tu voudrais lui dire la couleur de ta tendresse de tes yeux limpides
vos lèvres s’accouplent vous parlez la même langue de cristal brillant
elle aura pour toi du tangage et des tempêtes — tu crieras de vertige
au creux de ton ventre de lourds papillons s’affolent et te plient le cœur
elle aura pour toi des mouvements de maitresse un nid de ses bras
le ciel vous protège du regard jaloux des foules — vous vous en moquez
des chemins de sel s’échapperont de vos pores la nuit sera mauve
dans le flux des mots tu t’abreuves des paroles qu’elle te chuchote
assis sur son lit très lentement il referme le livre sans page
il ne devrait pas faire saigner la blessure en rouvrant le livre où chaque page souligne au fer vos éloignements
une nuit sans heurt une nuit lisse et polie une nuit de rêves
ton cœur est une étoile qui vient de naître
silence bruissant la nuit jalouse conserve les rumeurs pour elle
dans le ciel l’étoile filante revient et revient sans cesse
viens plus près approche sur mon front ose ton front mêlons nos humeurs
une brusque averse — le jardin s’est défendu avec ses odeurs
aube martelée de nuages sans promesse -le jour prend conscience
parfois ça fait mal — j’ai des cailloux dans le cœur pour ne pas me perdre
trois gouttes d’eau sale sur la poussière des toits — tout espoir tari
une chaleur moite gluante chaude étouffante se colle à ma peau
sa peau te crie viens coule-toi fonds-toi en moi explore mes pores
auréole sale déjà sèche et poussiéreuse — pluie parcimonieuse
dans ses yeux tu pêches des huîtres de perles brunes aux filins d’argent
la nuit est muette — même le vent qui l’agite n’entends pas un bruit
entre ses doigts coule une eau de baptême impie qu’avide tu gouttes
244
Paroles Suivantes
la nuit s'enveloppe dans son parfum d'eau limpide-tintent les étoiles
pendant ce temps-là il entend le vent qui hurle — vieux buvard froissé
sous l'auvent la lampe dresse l'ombre à se défendre contre le béton
sur un banc ils serrent leurs mains et un pont surgit vers l’imaginable le premier café est loin maintenant — son goût cependant perdure
à bout de souffle sublime et pathétique Jean Seeberg trébuche et mange du sable
au bord des nuages un vieux rêve illuminé un chant de silence
où êtes vous donc ma Dame au regard de fée -vos lames me fendent
sur la table humide la tasse fumante glisse — café en danger
la vieille cigale qui se tourne vers la mer n'attend que la mort
sur le banc de bois je pose un livre fermé et ma lassitude
une pluie d’été pleine d’odeurs à la fois fortes et subtiles
sur le banc sans forme il panse son coeur meurtri et à ses beaux yeux
le sommeil m’agrippe broie mes yeux me met à terre ! et fond dans mon crâne
chaussée je serai pour la sortir de l'ornière -route sans virage
rêvant de moisson j’avais le cœur en jachère — j’ai piqué sa faux
un pont arc-en-ciel bien au delà des nausées et des meurtrissures
devant son amant Briséis tombe à genoux et brise un talon
funambules nous traverserons ce pont de nos bras emmêlés sans la crainte des distractions es opprobres et des huées
le soir est venu nonchalamment et sans bruit — un chat dans la nuit
plantée dans le sable du bois flotté une épave rongée par le sel elle dresse à marée basse l’énigme des souvenirs
Silence ! La nuit poursuit un rêve de braises jusqu’au point du jour elle ouvre son sac — sur le sol elle piétine de vieux souvenirs
le joug et les clous, la colline et la croix lourde — il n’oubliera pas
245
Paroles Suivantes
la nuit colle aux yeux de ce corps que je supporte et qui me débecte
et la nuit tombée l’angoisse et son souffle rauque prennent position
un moment je lâche prise d’avec le réel — le rêve me noie
ils serrent ma gorge les imbéciles béats aux piètres soucis
le front appuyé sur le frigidaire j’inhale le café qui passe
dans la nuit silence loin très loin un chien aboie — j'entends mon cœur battre
déjà le soleil grésille sur les carreaux — mes pensées en feu
la nuit m'enveloppe elle me prend dans ses orbes excite mes rêves
sur mon front des gouttes de sueurs salées subtiles effacent mes ans
donner un baiser à la tasse encor brûlante — journée qui commence
parfum de lavande une mèche de cheveux — tiroir qu’on referme
la vapeur serpente dans l’air léger jusqu’à mes narines conquises
des gouttes de nuit se glissent le long des plaintes jusqu’à son absence
plus fine que claire ma reine ne laisserai mordre un crabe hideux
soleil dans les yeux les directions s’abolissent — seul le pont demeure
mistral en colère vent à décoiffer un chauve les arbres gémissent
au-dessus du vide seul un rêve te soutient — jouir du vertige
J’aime fort Alisse plus qu’Alice ou A d’ailles. Dans ses bras je glisse
son rêve a des ailes cousues de fils solides et de peau vibrantes
le mistral renverse les pots de fleurs et me met la tête à l’envers
car le temps figé sur un éternel été se rit des saisons
mon chat est rentré ébouriffé en tonnant fort contre le vent
au bord de la sente un rêve sans bras ni jambes — seulement deux larmes
sous leurs oripeaux malmenés et déchirés les vieux chênes geignent
à la nuit tombante les cigales fatiguées déposent les armes
elle ne sais pas qu’elle vient de s’essuyer les pieds sur mon cœur
246
Paroles Suivantes
tu ne diras rien tu resteras immobile et elle rira
une nuit opaque malmenée par un mistral hurlant de fureur
mistral en colère il hurle et geint dans ma tête — il me glace l’âme
soufflant la lanterne le mistral éteint même une étoile filante
un tambour tendu se déchaîne dans mon crâne — le soleil m’effraie
la jeune nuit geint sous les caresses d'un vent aux ronrons de chat
je poursuis les ombres pour acquérir leur sagesse — rester transparent
amie à ma table le soleil ne survient pas forcément du Sud
manque de sommeil — ce n’est pas la mer à boire l’air à respirer
un haïku c'est dire je t'aime à un courant d'air le dernier café pris sous la jupe des pins -saveur des cigales
troisième café les deux premiers sans effet envie de vomir
sous l'auvent de tuiles des myriades de lucioles dans les yeux amis
tu lui tends ton cœur brûlant d’angoisse et de fièvre — les mains dans les braises
à nouveau cette heure aux couleurs sans espérance qui me mord le cœur
elle prend ton cœur les cicatrices l’effraient le prend tout de même
une nuit sans fin revient vague de sel noir glacer tous les soirs
la pierre de lune qui palpite dans mon cœur brille de vos yeux
un regard de fauve -la nuit me frappe en plein cœur d'une dague sombre
aiguilles de pin — l’ombre que je traine au sol peut se recoiffer
perdue un étoile attend de la nuit un signe qui ne viendra pas
à chaque seconde le peu d’avenir qui reste remis en question
mille fleurs rubis tissés dans l'ourlet secret du vent de l'espoir
sur le vieux banc de bois j’écoute la lumière qui traverse les chênes
nuit intemporelle -la lumière des villes s'y casse les dents
bouquet de secondes enveloppé d’espérance abreuvé de larmes
247
Paroles Suivantes
quand l'enfant se rend compte qu'il a déjà mille ans
dans le vent léger les branches de pins soudoient l'ombre et la lumière
la nuit s'achève les routes reprennent leur souffle
Café crêm' café lame café sang noie les larmes un café slam
on replie les rêves dans le grand livre des songes -la nuit s'évapore
le chant des cigales -des hachures de crayons sur le tronc des arbres
derrière les toits le ciel pâlit sans angoisse -l'aube en papillote
"mon alouette "j'ai brisé tous les miroirs "contemple-toi
mourir un peu plus chaque matin un peu plus et croire en demain
fleurs rouges fleurs blanches tout au bout de leurs élans les œillets hésitent
j'ai vu se rosir l'aube d'été frémissante -le vent à mes pieds
langoureux le soir sous son masque bienveillant tremble de terreur
loin la vieille route soigne son bitume gras d'un long chuintement
dans mon ventre cave les papillons s'interrogent du sens de la vie
brûler les étapes s'élancer à perdre haleine tout perdre à l'instant les rêves et l'infini ne font guère bon ménage
j'ai fermé la porte -dans la nuit les ombres glissent sur un Styx sans fin
l'orage est passé -au soleil les tuiles tintent de mille couleurs
a moving star flies from the beginning of words to the end of love
le vent dans la sauge -son parfum virevoltant entre mes lavandes
ses feuilles d'argent vibrent au soleil on n'a jamais fait d'armes en bois d'olivier
le soleil joue du xylophone à la cime des pins
un peu de tu beaucoup de vous nos peaux polyglottent
les aigreurs d'égout font d'haineuses flatulences -salir pour salir
le ciel devient noir -les étoiles rient pourtant des mauvais présages
le chant des cigales -des hachures de crayons sur le front des arbres
248
Paroles Suivantes
sur le quai leurs mains qui se tendent esquissent un blanc sourire
j'ai fermé la porte elles ne peuvent entrer les goules hurlantes
dans le ciel éteint des routes qui se séparent déroutes croisées
la nuit est jalouse de notre folle lumière -la nuit je l'emmerde
mille tours de roues mille blessures
comprenne qui voudra comprenne qui pourra le rite est sans faille
d’une langue avide je découvre un grain de riz aux saveurs magiques
hors du virtuel l'actuel s'est délecté d'un présent qui chante
entendu sur le Vieux-Port : Peuchère, à Marseille même les eunuques baisent comme des dieux ! Constat à l'huile d'olive et à l'ail
chaude est la nuit -avant que je ne m'envole le vent me pourlèche
triste incertitude que le vent du nord rassure d’une haleine fraîche
foutu sirocco — la peau râpée par un sable qui n’existe pas
terrasse en colère — l’air plus chaud que le café me brûle la gorge
ils n'ont pas osé passer la porte béante de mes souvenirs
les jours de lumière remémorés et le rêve te suis en plein jour
spectres de mes nuits restez à la porte inertes -ne me rêvez pas
le ciel s’est voilé dans l’hésitation du vent — odeur de fumée
j'ai claqué la porte et mon ventre vide seul souffre leurs morsures
le rideau de perles a giflé si fort la vitre — vent incandescent
elle était si belle -elle seule était capable d'un vol plein d'élan
les ombres fuient jaunes sur le grain du béton mauve — un regard perplexe
au fond de ses yeux j'ai égaré mon regard -je m'y perd encore
d’une rive à l’autre enjambant le clair ruisseau pont pour les oiseaux
de ses cris de louve elle arrachait de ma peau des désirs d'envol
foutu sirocco — la peau râpée par un sable qui n’existe pas
la case départ devenue case prison -j'en mords les barreaux.
249
Paroles Suivantes
flottant sur le ciel comme un ange évaporé trainée du retour
je me sens si vieux alors que mon cœur plissé n'a jamais vieilli
elle avait les yeux les plus liquides du monde -leurs mains orphelines
elle est mon amie cette amie et cette peau qui ressent le monde
le vent m’a promis demain j’aurai dix sept ans — le vent fanfaronne
ne déborde pas haïku reste dans tes rails retiens bien tes larmes
un ciel toujours jaune — toutes les ombres diluées dans l’enfer solaire
la nuit sans étoiles comme la vie sans repère -aveugle souffrance
le sommeil me gagne ô ma nuit incandescente ouvre moi la porte
fraicheur du matin -elle m'a lavé des sueurs de la nuit rugueuse
j'arpente ses creux de mes doigts reconnaissants je ressens ses courbes
pause de la nuit enjambe la méridienne broyée de chaleur
sans tabou ni gêne je parcours ses paysages curieux de sa peau
deviner l'enfoui éclipsé par la surface -geyser de lumière
venez revenez vers la source de nos langues partageons nos sels
croire au jours heureux — laisser le ciment du rêve prendre consistance
délier délire le grand livre où se chuchotent de moites secrets
un soleil son rire illumine mon visage — heureux je la suis
la nuit me secoue elle chasse mon sommeil vous fait de la place
les yeux pleins de fête elle danse sur les tables sans briser un verre
ah vos yeux ma Dame plonger dans leur océan est le vrai baptême
dans la nuit de l'août une dernière cigale un dernier concert
les cerveaux brûlés de vagues ultra violettes — violence solaire
de la terre aride monte en volutes nerveuses le chant du soleil
la larme a séché à peine sortie de l’œil — du sel sur les cils
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Paroles Suivantes
la chaleur me gifle pénètre dans mes poumons et blanchit mon sang
un parfum s’y mêle un parfum de souvenirs et de fleurs d’iris
elle joue à chat et sourit des battements dans mon cœur soumis
un matin torride arrache la peau des arbres — j’ai les os à nu
la tendresse allège le poids lugubre des ans par tant de sourires
brûlées de lumière les ombres crient de douleur la gorge tranchée
ô ma dague ma Dame libérez vous de vos liens les miens qu'importe
mes yeux vous décrivent et dans l’air brûlant mes mains soulignent vos traits
elle danse seule sur la musique lugubre de l'ennui sans fond
souffle de dragon — du ciel tombent des boulets d’uranium liquide
elle sait pourtant que de mes doigts sans violence je récrit l'histoire
ciel de feu liquide — l’oiseau tombe entre les arbres les ailes brûlées
ma belle féline ma chair pour vos crocs sera votre quotidien
le ciel brûle encore ici même les sourires sont carbonisés
l'herbe a besoin d'eau le ciel a besoin d'étoiles j'ai besoin de vous
rêver d’un soleil patinant sur la banquise — tongs et bermuda
la nuit chaude encore joue sur ma peau résignée un air incolore
pattes de velours — sa main était dans la mienne et nous ronronnions
où vous cachez vous orbe incandescente et fière ma blanche hyperbole
ma main sur sa joue du bout des doigts un désir à peine effleuré
j'ai tendu les doigts la peau la langue et l'espoir sur l'arc de vos rêves
un bal dans la nuit -l'orchestre très inspiré massacre sweet dreams
oh tant que ma bouche s'épuise à mordre vos mots vous manquez ma Dame
une nuit torride -l'air à couper au couteau s'alourdit de larmes
le premier café dans la confusion des sens — amère douceur
ma Dame féline je prendrai soin de ton coeur comme un grain de rire
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Paroles Suivantes
toute lame tue-la votre dague insoumise caresse mes soifs
matin sans entrain je tourne, tourne sans cesse un café sans sucre
j'irai jusqu'au bout des mondes infranchissables pour lécher vos larmes
l’air s’est rafraichit aussi vite que mon cœur palpite d’absence
l'orchestre s'est tu -un saxo mélancolique pleure summertime
il fait gris et lourd — dans ma tête les bagages pèsent de tristesse
petit grain de riz qui se love entre mes doigts ma langue est habile
le soleil timide jette des regards troublés dans les flaques d’eau
quelques gouttes tapent sur les tuiles surchauffées -avant-goût sans goût
trois gouttes à peine — le verger bénit la pluie de senteurs sauvages
tonnerres lointains ils contournent la vallée sans blesser personne
prends ma main ma Dame laisse-moi t’accompagner dans ton fier jardin
la valise est prête -serrés dedans s'entrechoquent des envols sublimes
du bout de mes doigts je préserverai pour vous vos saveurs de mures
deux heures du mat' -avec ses trente degrés rit le thermomètre
Dame aux yeux d’étoiles ton regard m’a adopté — je baise tes cils
elle part bientôt et toi tu vas rester là le cœur en écharde
le prix de l’espoir en parler devient souffrance — oublier le prix mais ne pas y renoncer quitte à le voler alors
il viendra tigresse plonger dans votre calice sa langue assoiffée
de ses yeux point une cascade d’eau pâle jusque dans mes yeux
éveillé il rêve de vos ravins des collines aux senteurs de lys
toujours pas de signe l’impatience me consume — mon ciel s’est couvert
j'ai ouvert la porte -le peuple des papillons vrombit de chaleur
le vent m’a porté des nouvelles rassurantes — presque rassurantes
une aube sans joie a déchiré les nuages -mon cœur en dé route
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Paroles Suivantes
je suis un brigand un vieux voleur de chevaux qui nie les clôtures
matinée frisson — d’agréables souvenirs bloqués dans ma gorge
la jeune tigresse qui court la plaine avec moi se rit de mes rides
le soleil profite d’un thermomètre clément — ne provoquons pas
elle se sens libre — pourtant elle porte au cou la marque d’un maitre
l’été redevient ce qu’il devrait toujours être l’ombre du printemps
par des mots sorciers elle a cousu nos deux cœurs et tranché sa laisse
mon cœur s’est vrillé une vieille serpillière transpirant des larmes
je suis un brigand un vieux voleur de tigresse je ris dans ma tête
une robe bleue couleur de mon cœur blessé couleur de vos larmes
ma Dame soucieuse là votre joue sur mon cœur entendez l’écho
serre moi ma Dame contre ton cœur apeuré que je le rassure
je rejoins la nuit pour tournoyer avec elle d’improbables danses
pour vos yeux ma Dame j’aurais les égards graciles du sel pour le sable
elle tourne autour de ma vieille peau de clown la nuit nostalgique
mon pas devient lourd je perds ma légèreté sans votre regard
ma douleur s'apaise quand je sens frôler vos lèvres au sourire humide
ô ma douce dague restez plantée dans mon cœur restez-y paisible
prisonniers des heures nous manquons ma douce Dame à nos doigts qui tremblent
voleur de chevaux il ne résistera pas au vol des baisers
je souris ma Dame et survis aussi à l'ombre de nos souvenances
au premier regard la tigresse lui arrache un cœur enflammé
la nuit s'effiloche les rêves mentent encore nous sommes trop loin
et d’un coup de langue le laissant fumant encore elle l’éteignit
café sous l’attente — la vapeur brûle mes yeux coin de l’œil humide
elle le calma et le caressa si bien qu’il se mit à battre
253
Paroles Suivantes
lune confidente écoute mes os grincer d’un rictus de spectre
vos parfums le hantent ils labourent dans ses nuits d'un soc de désir
j’ai eu beau chercher je suis le seul mort vivant que j’ai rencontré
mais la nuit m'apaise et je trouve sur ses grèves le désir de durer
ma Dame ma lame vos yeux sont des armes pour plier le monde
sable au sel tentant mes mains pétrissent ta chair heureuse du geste
ma dague ma Dame ne me laissez pas trembler face à mes démons
café arrosé d’une pluie soudaine et brève — café allongé
je fermerai la porte aucun ne pourra entrer — nous ferons l’amour
le soleil parfois s’amuse aux ombres chinoises avec les nuages
le monde a pris vie quand le rêve s’est blotti serré dans mes bras
l’ombre sur le mur soudain prend toute la place — le soleil se cache
un train dans la nuit chancelle entre les traverses les rails des ornières
une nuit prodigue d’un rêve sans épaisseur — mais quelle musique !
un profond silence plein de cris et de murmures crève mes tympans
une averse encore — la terrasse surchauffée n’en garde pas trace
ma Dame vous êtes si profondément ancrée ma chair vous surligne
un navire errant crachant ses rivets malades comme des carries
il garde de vous parfum au bout de ses doigts désir sur sa peau
un très vieux navire le bastingage et les ponts rongés par la rouille
la lune s'apprête au bord du ciel pommelé-elle me fait signe
contre toute attente il flotte encore bien droit même par gros temps
lenteur d'escargot de mes doigts sans impatience ma langue docile
d’un instinct féroce entre Charybde et Scylla il n’hésite pas
la nuit me dévore un ogre cruel et sombre lamelle mon cœur
il est de son corps mon navire ma mémoire il est mon squelette
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Paroles Suivantes
de la quille au mat ensemble nous pourrissons d’un ardent naufrage
je ferme le livre la journée s'achève encore par un vide immense
ma Dame ô ma Dame rapprochez vous de vous-même tranchez dans le temps
j'ouvre grand mes bras pour vous accueillir amis que n'effraie ma porte
un air me revient un air qu’elle nous chantait quand nous nous aimions
un café tardif — le soleil déjà haut mais la magie demeure
c’était un fado extrait des pores de l’âme par un cœur en miette
douces caresses vos caresses souvenues — papillons complotent
elle chantait j’écoutais tandis que mes mains suivaient sa mesure
toujours la même ombre qui s’accroche à la même heure au fanal rouillé
je laissais sa peau vibrante et sa gorge rauque défier la nuit
l’été est en ordre aube fraîche et journée chaude — mon cœur apaisé
or je l’ai quittée— mais toujours quelques iris restent sur ma tombe
lumière changeante — vieilles collines brûlées prenant des tons fauves
je ne devrais pas laisser la nuit pénétrer au cœur de mes rêves
je laisse glisser le soleil sur mon visage — caresse et ivresse
un vent s'est levé -il a parcouru la lune et sa chevelure
la journée patine négocie mal la soirée et enfin s’ensable
je me souviens bien d'un tout petit grain de riz au goût de noisette
les mains dans les poches je suis le maître des heures quand je pense à toi
un téton meurtri d'une colère jalouse -enfance boiteuse
voila les mésanges les deux coches qui pépient défroissent mon cœur
les cheveux des arbres décoiffés par un vent leste -la nuit qui respire
l’envol des mésanges un cri dans le ciel relie les amants lointains
au fond la vallée a calmé ses autoroutes-minuit de silence
mésanges – mésanges par quatre mains et quatre ailes le monde s’allège
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Paroles Suivantes
une soirée calme seule la brise murmure son amour des chênes
j’ai laissé tiédir sans même y poser les lèvres la dernière tasse
la nuit d’août m’appelle de son silence apaisant — je me laisse faire
une pie hésite et finalement se pose sans plus s’inquiéter
à travers les branches la lune illumine et rit aux mésanges bleues
je garde de vous les souvenirs les plus clairs les plus lumineux
pas d'étoile encore pour adoucir le regard triste de la lune
souvenirs de soie dans des draps de coton fluide nos peau de velours
dans la nuit profonde ton sur ton l'ombre des arbres effraie le ciel noir
de vos lèvres libres sur ma vieille peau ridée mes doigts se souviennent
papillon de nuit de tes ailes si fragiles tu nargues le jour
souviens-toi dit-il alors elle se souvient qu’ils ne sont plus qu’un
les mésanges dorment douillettes et protégées par les papillons
le geai s’est posé en face sur l’olivier — nous parlons mésanges
le vent dans la nuit me murmure des chansons de souvenirs bleus
ta mésange amour se hâte de taquiner ma mésange aimée
frissons ce matin temps d’automne en plein été — un café m’apaise
j’arrose la haie pendant que mon chat regarde l’or des arcs-en-ciel
le ciel devient blanc — une feuille de zinc couvre les tuiles noircies
trébuchant j’effraie un volée de moineaux — mon chat ébahi
des ombres sans corps parues même sans lumière glissent sur les murs
pour la rencontrer il ira au bout du monde et même au-delà
sous un ciel d’automne deux mésanges sont venues offrir un sourire
elle l’attendra au pays du bout du monde sûre qu’il viendra
jour mélancolique même la vallée s’enclot d’un profond silence
mésanges perchées sur le fil du téléphone appeler son cœur
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Paroles Suivantes
le soir me surprend il me prend par l’épaule et me dit ”il est l’heure“
il mugit il siffle ce vieux mistral ancestral entre mes oreilles
temps de replier les ailes de mon cœur — et d’un dernier verre
le long de ses rives poussent des brassées d’iris — je rêve son fleuve
lune au rendez-vous elle roule entre les branches elle me sourit
ils ne sont plus seuls — leurs empreintes sur le sable ne s’effacent pas
loin sur les collines le ciel un terrain de jeu pour jeunes étoiles
heure méridienne midi heure médiatrice heure où tout se lie
l'arbre frappe dans la lune il la prend pour un ballon un petit vent aigre entraine des feuilles sèches crissant de douleur
air de paradis — elle est coiffé d’un chapeau au goût de sourire courent les nuages pourchassés par le mistral vers un ciel plus sage
la lune a pâli quand elle a vu son sourire refléter le mien
la mort l’insidieuse ne laisse que peu de temps pour choisir sa vie
un train en partance vers un incertain rivage -au loin les rails geignent
ce désir de sel qui s’enroule sur la langue — mon gosier trébuche
et je m'abandonne du fond de mon âme seule à penser à elle
nous sommes si loin — mains en manque de peau et peau de demain
mille étoiles dans ses yeux scintillent tous mes sens sont en éveil
un profil de pierre ses diamants sont si tranchants -mon âme s'apeure
l’odeur du café arrachée comme une peau — tellement de vent le ciel est si bleu qu’on semble entendre les vagues caresser le sable
j’avais l’âme en peine et le cœur meurtri d’attente longue et incertaine sont venues les tourterelles deux oiseaux du paradis
des ombres se battent pour une place au soleil — le vent pour témoin
la journée s’achève il me semble que je porte tout le poids du monde
257
Paroles Suivantes
le vent sans faiblir gifle griffe les collines et ride mon cœur
plus jamais personne ne s’assiéra sur mon banc — place réservée
à travers la vitre j’ai vu la nuit s’approcher toutes dents dehors
un air de fado mélancolie et espoir trotte dans ma tête
sombre et si brillant un éclat de nuit sauvage nargue la lumière
un éclair bleuté — une mésange traverse d’un arbre à l’autre
la lune se cabre monte sur ses grands chevaux et me désarçonne
des éclairs bleutés mille pensées pulvérisent distance et frontières
le vent me secoue -je me souviens d'un patio d’aromes charnus
comme des nuages ils sont deux en plein soleil à rêver de ciel
mon âme ma dague mon rêve devenu chair mon espoir tangible
soleil au plus haut mon cœur bat entre vos seins — le ciel est lavande
je suis sans défense -votre peau nue me menace des pires caresses
profondeur du ciel aux senteurs ultramarines — je vole vers vous
rabbit on the moon jump and run around the sky black clouds are your weed
j’ai compté les heures — hélas combien de cailloux restent dans ma poche
le ciel s'ennuage -la lune s'est diluée le long de vos rives
plus de vent les feuilles ont cessé de frissonner — la paix revenue
elle me regarde je la regarde elle rit nous ce n'est que nous
le soir s’est posé à la lisère des sons tout près du silence
un café tardif — parfum plus fort que le vent vapeur lumineuse
par l’imposte ouverte l’avant-garde de la nuit roule sur mon cœur
au fond de la tasse le visage de l’absente — un parfum d’iris
glissant sous la porte comme une lettre anonyme mes souvenirs froids
les ombres se calment et sur le béton rugueux elles se caressent
dans la nuit des chants se glissent entre les troncs — curieux fantômes
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Paroles Suivantes
la nuit pour complice tous deux nous tirons les cartes aux étoiles naïves
dans le ciel flottant à tire d’ailes deux coches — le gris passe au bleu
vivons cette vie d'un amour intarissable source de nos joies
le ciel s’enhardit plus fort plus bleu plus profond que la mer prédite
le train couvre un temps les chants lointains de la fête -pour qui part ce train
le ciel s’enhardit plus fort plus bleu plus profond que la mer prédite
la lune s'attarde sous la colline elle rêve d'un passé de cendre
soleil caressant il scintille dans les plumes azur des mésanges
quand elle saura la profondeur de l'abîme je ne crierai pas
un simple frisson quand votre pensée capture mon âme soumise
j'ai pour vous ma Dame des égards de femme aimante -je lisse vos grains
tu es arrimé -le courant vous emporte et rien ne vous sépare
mes mains de vieil homme sur votre peau de gazelle -Est-ce un sacrilège
les branches balancent doucement au vent d'été -je rêve vos mains
ils ont pris un verre un seul verre mes fantômes et ils sont partis
je sens sous mes doigts les grains de vos tremblements l'élan de vos cris
ranger la vaisselle une recherche inutile café refroidi
le jardin m’a suivi je rentre avec un odeur de foin transpirant
mais la cafetière est bonne et compatissante mon cœur réchauffé
douceur du silence surtout ne vous taisez pas deux doigts sur vos lèvres
les mésanges passent au dessus des pages vides — désert refleuri
Babel on s’en fiche — nous avons découvert seuls la langue commune
dimanche tranquille — les tondeuses sont muettes chez tous mes voisins
le soir vient plus vite — on dirait qu’il apprécie l’odeur de ma cave
dans leur nid douillet les mésanges endormies près de votre cœur
masqués ils avancent les fantômes vers mon cœur qu’ils vont piétiner
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Paroles Suivantes
j’ai fermé la porte que le diable les balaie mes spectres fanés
cette nuit m'échappe la vallée s'est révoltée -le sommeil s'évade
un soir de velours s’est accoudé au comptoir — un Nikka sans glace !
vapeur dans les cils parfum amer sur mes lèvres— café de survie
puis le soir s’assoie en face de moi et entre deux nuages sombres
les pies se disputent un vieux bout de pain moisi — engueulade aux caisses
d’une poche il sort un vieux jeu de cartes grasses et il distribue il ne me tend qu’une carte et c’est la dame de pique
soleil sur la peau — je rêve d’autres caresses dans un autre lieu des bruits de journées courent entre les collines — ronde quotidienne
je sors je trébuche l’air frais me saute au visage mais je me rattrape
les arbres se frôlent ils se caressent l’un l’autre — le vent est complice
un feu d’artifice camouflé dans les collines déchire la nuit
une feuille tombe — deux arbres écartelés échangent un mot
un bal populaire dans un village alentour — jusqu’à la lie, boire !
on ne pourra pas changer la face du monde alors aimons-nous
dans la nuit épaisse la vallée monte au gosier comme une nausée
bien avant les vôtres les miennes seront closes -vos doigts sur mes yeux
musique trop forte -le vent léger la transporte jusqu'à ma fatigue
mésanges gardiennes de mes plus beaux souvenirs raturez le ciel
il vous aime dague comme l'amour peut creuser des rivières d'or
présence éphémère -quelques instants dérobés à l'éternité
la musique va vient et s'estompe au loin -le vent a tourné
pensée fugitive qui met mon cœur à l’envers — buée dans les yeux
l'horizon rougit la lune se lève et bâille dans le ciel sans fin
il était un temps de ciel bleu et de rivières — reviendra ce temps
260
Paroles Suivantes
du bout de ses doigts il allume tes étoiles votre ciel s’embrase
sur la plage leurs doigts se sont emmêlés de caresses souvenues
un petit enfant d’un coup de crayon magique dessine l’amour
café sauvetage — enfin je peux me remettre de la nuit sauvage
moment du départ ils se sont tenus la main entre deux sanglots
devant moi la tasse fumante qui m’ensorcelle — mes lèvres soumises
je ne sais pas où déposer mon désarroi non, je le garde !
je vous vois sourire vous tournez dans mes pensées — l’abeille et la fleur
surtout ne rien dire remettre le cœur en route et fermer les yeux
silence profond seul le murmure de l’air — routes suspendues
le cœur en déroute je fuis devant la nuit sombre elle me rattrape
le soleil caresse ma peau de vieillard ridé — la cime des arbres…
bruits de la vallée ivre de routes amères -cœur au bord des lèvres
aucun vent ne souffle — la poussière effacera la trace des heures
le ciel est trop noir les mésanges restent grises et mon âme aussi
au-dessus de l’eau deux libellules s’embrassent en vol stationnaire
un train mord ses rails au loin ils crient la douleur de l'acier froissé
un chien qui aboie au loin dans la somnolence de l’après-midi
attablés ensemble nous nous enivrons de nuit nous brisons nos verres
depuis l'ombre douce il pose un regard ému dans tes yeux aimants
voilà ils s'en vont pleins de nuit dans leur repaire je vide mon verre sur l'autre versant la nuit est d'une douceur de chat qu'on caresse
journée sans secousse c’est à peine si la tasse en a frissonné déchiffrer les signes à cela je suis expert — toujours vers la gauche
tout autour de moi j'imagine la présence d'amis bienveillants
mésanges figées dans l’absence de couleur pas un seul coup d’aile
261
Paroles Suivantes
parfois je me moque des alarmes dont moi-même attise les braises
tant que je pourrai encore ramper sans geindre je vous aimerai
le soir s’est assis près de la fenêtre ouverte — on attend la nuit
un café zélé apaise ma gorge sèche et ma tête en vrac
je vois les mésanges vite elles volent vers moi — mon cœur les accueille
patient je patiente parmi les mêmes fantômes aux mines figées
ma Dame ô ma Dame dans un ciel d’éternité lancez vos oiseaux
toujours immobile planté comme un bananier sous sa serre tiède
un frelon hagard brûle autour du lampadaire -une âme égarée
de vos yeux profonds je vous vois me regarder dans le fond des yeux
la tarente avide le guette avec convoitise -frelon pour dessert
fraicheur du matin — elle a vite laissé place aux claques solaires
m'inondant de nuit je médite sous l'auvent -racines amères
café du Brésil — je ne peux pas résister au chant des sirènes
ô ma si belle âme devenez mon avenir ma route éternelle
mon ventre s’éveille de mille fourmillements — pensées papillons
le frelon mangé les deux tarentes repues boudent les lucioles
ma Dame ma dague je voudrais vous retrouver sur un pont de liane
le train est passé un voyage halluciné dans la nuit aride
au bord du vertige jusqu’à ce que nos cœurs volent nous balancerions
je vois vos sourires d'enfance fracassée votre âme limpide
sous un ciel de gaze les minutes de coton effrangent le jour
au loin les étoiles refusent toute lumière -la ville est féroce
désir nostalgique de retrouver ses racines — désir de retour
j'ai aimé ces instants où ensemble nous étions si près des étoiles
vide et vague à l’âme — les larmes posent leur sel sur la peau du temps
262
Paroles Suivantes
jeu de dupes peu à peu le soir grignote les pieds du jour
l'ordre surviendra -avant d'y laisser le souffle ne regrettez rien
dans la douceur moite d’un ciel tendu de nuages la journée s’essouffle
souffler sur la tasse s’imprégner de son arôme louange au café
dans un grand silence mon esprit s’est séparé de toute pensée
de menus travaux m’éloignent de l’essentiel le second café
mes mains tremblent elles ne savent où trouver le Graal de sa peau
douceur matinale — les crissements de la nuit deviennent murmures
vous montez ensemble des papillons pleins les yeux la même licorne
lumière timide — le soleil pourtant ardent se tient sur ses gardes
il ne pleuvra pas trop loin gronde le tonnerre dans le cœur du ciel
des coups de marteau au loin suis-je donc le seul à chérir silence
la nuit fait silence je peux donc me consacrer à mes acouphènes
que faire de mes mains tous les livres que j’ouvre me parlent de vous
un fanal d'argent dans la lueur de la lampe l'olivier s'embrase
assis sur la rive à la surface du temps quelques feuilles mortes
debout sur ses rails le train sans destination fouette ses wagons
vous êtes venue de loin boire à la fontaine ma maison la vôtre
dans la glaise épaisse il ira chercher pour vous des cristaux d'amour
dans mes mains offertes il n’y a rien que le désir de milles caresses
fontaine des vents y nait un souffle si clair qu'on sait de cristal
le col est passé je descends vers la vallée enivré de ciel
vous vous ressemblez de nuances si subtiles qui est il où est elle
le jardin prostré dans la chaleur implacable rêve d’eau féconde
ma dame ô mon âme servez-vous de votre dague ne vous trompez pas
leurs feuilles penaudes à bout de sève les arbres ont baissé les bras
263
Paroles Suivantes
la nuit sans étoile -et toi le doux dingue amant d'un astre invisible
quel soulagement j’avais cru l’avoir perdue ma dague d’argent
elle me murmure l'histoire de nos caresses -la vallée s'enflamme
tremblements sonores — mon cœur retrouve son calme le torrent son lit
il est loin de tout son plein carquois l'indiffère seul' compte une flèche
galaxies noyées dans l’écume des marées — mon étoile en larmes
où va-t-il ce train exigeant envers ses rails où me conduit-t-il
où vont les étoiles après avoir disparues au fond des ténèbres
il vous sent si proche et cependant si lointaine -il en perd ses nords
un an qu’est-ce un an trois-cent-soixante-cinq nuits au fond de l’abyme
êtes-vous paisible dans votre vie de coton-sa laine l'irrite
le soir se rapproche il me prend par les épaules et je le console
mon âme éloignée je voudrais qu’un lien d’or vif nous couse çà jamais
mon cœur est tombé dans les escaliers — il est tout contusionné
recrue de fatigue vous fendez mon vague à l’âme ma Dame ma dague
nuit aveugle commence son long périple d'un pas assuré
le soir s’est assis à ma table après manger — nous faisons silence
la vallée enrouée tousse de vapeurs funestes retours de vacances
autour de la lampe ailes éblouies broyées papillon de nuit
une seule étoile dans le linceul noir du ciel elle l'illumine
le liquide ambré tourne encore dans mon verre — ivresse illusoire
aucune lumière que la lampe dans mon dos -je suis contre-jour
buée sur l’écran les mots que j’écris adore le café brûlant
elle a pris tous mes pores je respire sa peau son haleine
le soleil se lève — aujourd’hui il a fait la grasse matinée
rêver d'un bateau où nous serions tous deux le mat et la voile
264
Paroles Suivantes
vous les conduiriez aux confins des galaxies -larmes d'une étoile
un frelon fourbu s'obstine contre la lampe-Sisyphe jubile
la cuisine embaume de l’odeur de chaude ivresse — un café qui passe
la nuit me pardonne la lumière qui en moi chasse les ténèbres
soleil capricieux dans un ciel qui fait la moue — un été boudeur
fuient les feuilles mortes sur la terrasse grinçante -le vent lui ricane
matinée languide tous les sons sont assourdis dans l’ouate du temps
la tarente dort -obstinément le frelon heurte la lumière
le bal des tondeuses vient enfin de prendre fin — midi apéro
nuit ma douce nuit allons tous les deux ensemble au bord de l'oubli
à rebrousse poil le vent surprend mon chapeau — air de liberté
odeur de fumée — inquiet le premier café retient son arôme les feuilles frémissent — le vent semble si léger pourquoi s’inquiéter
bien seul sur le banc pas même une feuille morte pour causer du temps
pendue au gibet l’ombre crue de la lanterne sur le mur de pierre
le vent se déchaîne sur les portes de la nuit -il vomit son fiel
le soleil s’étire en longs filaments brunâtres — le ciel tousse encore
le ciel effrayé d'un coup de vent a éteint toutes les étoiles
le vent s’est calmé mais ils bourdonnent toujours les gros frelons jaunes
entre deux rafales un calme inquiétant se pose -la gifle promise
tête pleine encore des soubresauts de la nuit j’huile mes paupières
un coup de rasoir a coupé toutes les phrases au milieu du mot
le monde est en ordre il n’y a guère que moi qui perds ma substance
je suis seul la nuit me tient compagnie mais reste muette
un baptême tardif une oblation au verger — corvée d’arrosage
rire il faut sourire et le sable qui s'écoule rit du sablier
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Paroles Suivantes
je surprends le cœur meurtri d’un couple de tourterelles
Il la faut bénite cette eau que le ciel refuse les racines seules pourront savourer l’essence et le goût suave
j’ai rangé mon sabre au râtelier où l’on pend les vieux souvenirs je n’ai pas pu me défendre de votre regard ardent
la vallée fulmine -la chenille gigantesque d'asphalte brûlant
au soleil je sens sur le mur une ombre froide qui surprend la mienne
j'ai posé mon âme au beau milieu du chemin sur lequel tu marches
au bord de midi dans la torpeur de l’été mes yeux s’ensommeillent
papillon de nuit pour sauver tes obsessions j'éteins la lumière
les sons écrasés par les ombres de midi — pesanteur du temps
échange en six lettres l’amitié s’invite à table — café mots croisés
au bord du ruisseau son cœur bat si fort pour lui que tremblent ses mains le plectre du shamisen garde une goutte de sang
au bord de la crique nu dans le miroir de l’eau il se fond au sable
je fais des progrès — je n’ai plus pensé à vous pendant cinq secondes
après s’être tu tout l’été l’ami loriot pendant le café
soirée d'arrosage corvée qui fait convoiter des années de pluie
mémoire infidèle des délires du passé il ne reste rien
elle reste assise elle l’attend immobile sur l’ultime borne — prête à lever son visage elle a affûté sa faux
je quitte la table les poches vidées des mises économisées volutes suaves qu’un parfum incomparable arrime à mon âme
pour votre coiffure j’ai cueilli cent fleurs des champs je vous les ai tendues vous avez chéri la rose qui m’a déchiré le cœur
fleur de laurier-rose virginale ou empourprée — un poison mortel
là sans équilibre sur le bord de la fenêtre le soir tergiverse
une branche craque sous mon pas mal assuré de vieux promeneur
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Paroles Suivantes
le désert sans limite filtre du soleil l’ardeur fiévreuse qui consume mes pensées — étendus sur le sable mes os en comptent les grains
dans le ciel les nues ont entrepris un concours de déguisement la réalité — l’autre versant de l’espoir c’est le désespoir
la hauteur infinie des monts sous la coupe du soleil tranche dans mes pensées enchainé au rocher mes bras usent la pierre
je l’ai prise la main dans le sang mon cœur au bout du couteau
une soirée d'encre en aurais-je jamais assez de rayer mes nuits
Elle disait Je ne sais plus si je t’aime Je reste pour nous désunis Pour le temps qui reste à souffrir Je reste pour celui qui s'éteint
dans la nuit profonde je cherche un chemin aveugle aux bruissements d'ailes un frisson ce soir -les nuits d'été s'effilochent septembre aux aguets
tout autour de vous des hippocampes aux ailes bleues de transparence pareraient vos chevelures d’algues diaphanes et brunes
moi qui n'ai connu que la peur de l'inconnu je connais la joie
la lampe s’endort dans le silence du soir — écho d’un soupir
j'ai pour vous ma Dame une tendresse infinie une vraie lumière
plume silencieuse le soir s’est posé sans heurt entre mes épaules
la nuit porte encore les stigmates du soleil -des millions d'étoiles
la nuit me précède elle m’attend sous l’auvent pour battre les cartes
il manque des mots pour décrire le désir dans les dictionnaires
j'ai des idées grises grises pas vraiment foncées comme un éléphant
midi est passé je bois un dernier café avant le pastis
la nuit distribue -la chance vient de sourire j'ai quatre as de pique
des coups de marteaux mon cher voisin pourrait bien taper sur sa tête
la tête hors de l'eau mes pieds battent follement -je respire encore
le soleil voilé compatit à la lourdeur de mon front dolent
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Paroles Suivantes
amis qui savez que twitter est un remède signez l'ordonnance
je ferme mes yeux et tout doucement le livre se referme aussi
là ça bringuebale j'ai des boulons plein la tête mon corps se déglingue
le soir a cédé la nuit a forcé la porte — je ressors les verres
je me rattrape je m'enchaine à la montagne j'attends les vautours puis la nuit s'approche pose une main sur mon front et dit "t'es vivant"
Elle disait Tu m'as tout donné le calme la richesse de ta force contre mes errements Ce n'est rien contre le regard de celui qui s'éteint
et puisque je vis je sépare de la cendre des éclats de rire
sur la table il pose une bouteille de scotch dont la nuit s’empare
promeneur qui cueille dans les prés en fin d'été bouquet pour l'aimée n'arrache pas la colchique une fleur empoisonnée
elle boit un verre sur sa langue le scotch a des sueurs froides la nuit fait silence pour que prenne conscience des cris intérieurs
je l’ai fait tourné tout doux autour de la tasse le premier café
la nuit me contourne elle veut prendre à revers toutes mes impasses
un soleil falot paresse sur les murs sales — le café est tiède
tous deux nous souffrons d'une route dont l'asphalte nous coupe la gorge
assis à la table j’ai repoussé les crayons pour bercer mon âme
un fantôme approche -je lui arrache les dents d'un coup de ma Dague
quand les yeux s’embuent que le cœur bat la chamade — heure du Xanax
seuls quelques éclats sont tombés dans la piscine un ciel d'obsidienne
après-midi lente — compter les gouttes de sueurs et les essuyer
vapeur de lumière l’arôme autour du soleil café ambitieux
j’ai cassé un pot — la plante qui y vivait exige plus grand
vieil homme prodigue j’ai laissé passer les heures sans en garder une
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Paroles Suivantes
le ciel se défend comme il peut contre les nues — sol d’ombre et lumière
un parfum d'iris a embrasé ma mémoire mauve un iris mauve — la source du souvenir a disparu dans le sable
septembre bientôt et toujours pas une goutte sur le sol aride
la nuit silencieuse revient sur ces pas la nuit d'esprits égarés
sur mon cuir brûlé le soleil a buriné des ravins de sel
cent nuits mille bruits de pas dans cette prison où le rêve meurt
l’été dans ma tête grésille comme des braises saturées de graisse
il n'aura été qu'une petite virgule dans votre poème
les ombres ont fui le soleil était trop âpre et les murs rugueux
je voudrais plonger dans une mer de café et la boire entière
assis à la table le soir et la nuit attendent pour prendre verre
la tasse a tinté pendant que je tournais un café déjà tiède
Elle disait Je reste car tu me veux belle pour tes amis Notre amour a le goût du potage que je ne goûterai jamais avec celui qui s'éteint
la tondeuse au loin poursuit son labeur stérile dans l’herbe brulée ”de plus en plus haute la montagne“ dit l’insecte à ses vieilles pattes
le soir vide un verre la nuit l’imite et sourit jusqu’au dernier verre — à la fin désespéré le soir roule sous la table
je prends ma besace en retire quelques mots — j’écris un haïku
nuit ! à ta santé ! berce-moi de cauchemars dont je sors vainqueur
mon front embrasé sous un ciel âprement pâle — été ruisselant
mille nuits sans rêve -je déroule ma cervelle le cœur s'en repaît
je sens ton regard briser mon âme étoilée me crever les yeux
vous ne l'aimez plus madame et votre ironie sent déjà l'oubli
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Paroles Suivantes
Elle disait Nous resterons ensemble dans nos solitudes Nous ne regarderons plus la même direction J'ai choisi celle de celui qui s'éteint
Je suis un fleuve lent Qu'aucun galet ne ride Un lit doux et aimant Pour ma Dame intrépide Même les jours je mens De mes mots insipides Sans la perdre vraiment D'amour son cœur se vide
le soir nonchalant se penche sur mon oreille il me dit bonsoir
vallée silencieuse -de ses méandres remontent l'envie de sourire
la nuit vient enfin— d’un repli dissimulé elle sort trois dés
remontant le cours j'atteins la source première de la souvenance
je ressors la piste elle projette les dés et tombent trois six
ciel de lait bouillant— des nuages bruns collés sur la casserole
je les prends je souffle et quatre-cent-vingt et un roulent sur les dés
du nez au menton une goutte de sueur frôle le vertige
nous nous regardons — hélas nous ne jouons pas la même partie
il fait lourd — c’est à peine si le vent soulève une feuille morte
il lance son âme à l'assaut des galaxies dévorant leurs flammes
à l’ombre des chênes sur le banc je me balance — je n’ai pas moins chaud
son corps se consume dans un tourbillon d'étoiles -reste un cœur de braise il retombe enfin en plein cœur de la nuit noire -suffocant encore
chaude nuit d’été — sous l’auvent elle me prend sous son aille noire un hennissement -dans la nuit sombre un cheval fait des cauchemars
elle est bien paisible et elle le réconforte dans le vrai silence
l'olivier a soif -feuilles recroquevillées il ne brille plus
la nuit me rassure elle me caresse et panse mon cœur fissuré
souffrir à quoi bon vos émois seront ma Dame toujours des sourires — ils viendront toutes les nuits bercer mon cœur affligé
il s'en est fallu de peu pour que je ne rate le désir de vivre
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Paroles Suivantes
si divergentes des tiennes Lui comblent les miennes lui celui qui s'éteint
nuit de goudron chaud -elle court dans la vallée comme du sang lourd
ce sont des insectes de monstrueuses cigales mes cris intérieurs
la vallée s’agite elle s’ébroue et vrombit l’un lundi matin
pas de vent de bruit ce son ce sont seulement les feuilles craintives
par le sang donné que vienne vite un café après l’infirmière !
mon miroir renvoie le visage énigmatique d'un agonisant
le sommeil me manque — j’aimerai qu’il me rattrape même en plein jour
mon jardin secret n'est un secret pour personne — pour moi il le reste
ouvrant ses volets elle laisse deviner la douceur d’un sein — le mien serait aussi doux si vous y posiez vos lèvres
une nuit fébrile enserre les haies dans ses poings — tous les nids frissonnent
le ventilateur est soudain pris de vertige — il vomit ses pâles
je frotte ma joue la barbe naissante crisse — demain n'est pas loin
septembre bientôt l’été à rebrousse temps retour des cigales
patiente elle attend que je lui donne un baiser — tasse de café
une feuille morte c’est l’âme d’un papillon que le vent console
vacarme brûlant — tout près une tronçonneuse creuse mon écorce
le soir parfois amertume et vague à l’âme tournent dans mon verre
le silence enfin et le soleil moins cruel — je rejoins mon banc
un trait a rayé la surface de la lune — mouche sur la lampe
je rince ma tasse — ah si je pouvais de même là rincer mon cœur — que d’une eau claire et riante il en renaisse écarlate
sur la vitre sale le vieux papillon de nuit s’inquiète de l’aube
tremblant je relis les quelques mots du message — toujours pas de pluie
Elle disait Vois-tu le corps a des exigences l'âme les siennes
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Paroles Suivantes
sur la nappe sale avec la main je rassemble des miettes de pain — au rebord de la fenêtre je les pose avec mon cœur
un nid sur le sol — hélas il ne contient plus qu’un bec desséché sur votre chemin j'ai ramassé un mouchoir à vos initiales — hélas y était aussi roulé le parfum d'une autre
ma nuit consolante sers moi ton nectar subtil au goût de ténèbres des sons étouffés parviennent de la vallée -les cris de la terre
des papillons roux — nuage de feuilles sèches fuyant le souffleur
un train sans dessein claque sur ses rails mal joints -la nuit le dévore
autour de la lampe rode un papillon de nuit — voler de lumière
la lune est passée sur des rives insouciantes -âme illuminée
la nuit s’est assise près de moi sur la margelle me cachant mon ombre
une pluie d'étoiles a labouré mes paupières -tu vois je t'espère
une nuit torride -au ciel même les étoiles rêvent de banquise
Il disait quand on écrit un poème on ne simule jamais vraiment on brode les fils de l'aube sur la trame du crépuscule
silence obsédant -les feuilles ne bruissent plus seul mon cœur tressaille tombé quelques gouttes -le temps se moque de nous d'une ironie sèche
du vent dans les drisses j’ai traversé l’océan — café sur le port
on accepte tout de celle ou celui qu'on aime surtout ses erreurs
du cœur du poème j’irai où le vent le porte — vers ton cœur peut-être
quand vous reviendrez la table sera dressée -tinteront nos rires
brusque somnolence — sur la table un crayon roule au bord de l’abîme
Il disait laisse brûler ton âme laisse ton cœur saigner sur la feuille encore blanche le poème est déjà écrit
je vous regardais vous dénouiez vos cheveux au parfum grisant — la cascade au bout du fleuve n’a qu’une odeur d’algue humide
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Paroles Suivantes
il voudrait garder de vous cette image claire rire dans vos yeux
mais bienvenue en enfer
toujours espéré quand le matin nous englue le premier café
il disait d’un claquement de langue il faut allumer les étoiles elle plongeront alors dans le poème et l’embraseront
tuiles maculées souillures sur les voitures ah oui ! il a plu !
sur la route abrupte et comme tout un chacun je roule un rocher
ah votre visage éclipsé par l’éventail pâle et insondable — que diriez-vous si soudain la lune se dérobait
nuit privée de sens elle résonne et soumet mes frémissements
au fond de ma tasse la carte d’un continent aux rives certaines
silence profond -la nuit attentive accueille l'écho de mon cœur
le dernier café c’est le dernier argument pour ne rien faire
des ombres chinoises -la lune à travers les branches joue avec mes joues
elle s’en retourne piètre aumône de la pluie — le verger défait
pour un court sommeil je vais te quitter ma nuit reste-moi fidèle
mon verre déborde — comme le temps il ne fait que troubler l’espace
mes yeux s’embuent de l’émotion primitive du premier café
l’air semble figé — je creuse dans mon sommeil comme on broie la gangue
vous les oubliez mais maintes fois dans nos draps ces mots vous les dîtes — ce mouchoir que je chiffonne a les parfums d’un été
l'ombre de notre amour traverse le miroir
parfois une averse pas de quoi mouiller un chat — herbe à l’agonie
Il disait frappe le tambour du ciel une nuit d’orage alors des ténèbres l’éclair jaillira et sous l’arbre foudroyé déjà un poème brille
coudes sur la table il ne fait ni frais ni tiède — soirée en coton mon esprit opaque repousse la lourde porte tu es en avance croasse le vautour chauve
il a fait semblant de pleuvoir — maintenant le mistral se lève
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Paroles Suivantes
du jardin je rentre la tête remplie de vent — l’âme empoussiérée
partant de ma tête le mistral prend possession de mon corps entier
je range ma veste — au clou j’accroche mon cœur pour le défroisser
dans ma tête creuse les pensées jouent au flipper — le tilt n’est pas loin
sous la porte passe un vent coulis insidieux mais j’ai des chaussettes
trois mots seulement illuminent ma journée plus que le soleil
le vent s’est calmé — il laisse place à la nuit pour limer ma peau
l’écorce du pin retient encore la mue d’une cigale morte
Il disait un tourbillon de mots ne fait pas un poème Il faut les pulvériser avant de les lancer comme des couteaux volants percer les cœurs
ce mistral de fou faudrait qu’il se calme un peu — j’ai un pastis à prendre
le vent tord la nuit -une serpillière sèche claque sur ma peau
surface du vent — la nue tente de survivre à l'oubli du rêve
les arbres se plaignent des gifles du vent qui frappe de mauvais élèves
d’une marche lente je vais au bout jardin je m’assoie je pense
tristesse des mots qui ne savent obéir qu'aux doigts de leur mètre
surtout ne rien faire laisser le vent se charger d'assembler les feuilles
brusquement me prend un désir d'ardeur intense -je ne l'écris pas
je laisse venir le soir sans lui résister — même le vent cède
Il disait La nuit brasse les mots soucie-toi de la nuit qui mêle mots et poème Le poème même dans les ténèbres le poème est solaire
dans la main je compte les brins que j’ai à semer — il m’en reste peu
virgule de vapeur — un nuage éphémère surligne le ciel
la nuit est venue pour mettre le vent au pas — ah la bienveillante !
de ma tasse à l’âme une fine vapeur guide l’esprit du café
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Paroles Suivantes
la main de la nuit à mis les pieds dans le plat pour que je trébuche
encore un nid vide — assis là sous le lilas mon chat se recueille
dernières cartouches ce soir le vent furieux a capitulé
le temps s’est couvert — rien que de l’eau du tuyau et pas d’arc-en ciel
au loin cependant les feuilles tremblent encore -le vent n'est pas mort qu'ils sont loin ces mois de connivence enchantée -un mois seulement
le jour se termine dans le silence des feuilles — soirée de satin presque transparent un tout petit papillon mange la lumière
le vase ébréché que tu as lâché des mains sa fleur s'est fanée
des grésillements dans mon oreille en colère — moustique hors saison
je ne veux rien pas même le moindre geste -mais l'oubli ! l'oubli !
à ce rendez-vous la nuit s'est déshabillée -pas même un frisson
c'est un vent de nuit un tout petit vent sournois qui secoue mes branches
une clope un verre alors j'écris un haïku et je recommence
le train est passé -il n'a laissé sur ses rails que cendre d'acier
de ce train absurde je voudrais en sauter vite -et pourtant je marche
jouir de la nuit voila tout ce qu'il me reste et c'est déjà bien
mille bruissements chuchotent dans les ténèbres -des elfes peut-être
la vapeur se vrille elle caresse mes joues — baiser du café
dans les oliviers les fruits sont déjà formés -quand les cueillerai-je ?
je pose ma tasse — sur la table une série d’anneaux olympiques
de l'ombre des arbres la lune émerge insolente -des nuits à attendre
ombres immobiles — battues par le vent d’hier enfin elles soufflent
d'un pas de vieillard je promène lourdement mon désir d'enfance
sur la table au soleil les verres s’impatientent — on attend les glaçons
lenteur et douceur des volutes langoureuses — bienveillant café
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Paroles Suivantes
la journée commence dans les bruits et le désordre — rentrée de septembre
les arbres ombreux redessinent leurs contours -pensées vagabondes
la mélancolie déjà sème le désordre aux cœurs de septembre
brûlant il m'attend dans sa peau de porcelaine -arôme et vigueur
un rêve revient — d’un sourire il me propose d’attiser mon cœur
d’un regard brumeux j’accompagne ses volutes — un goût de matin
d’un soupir je range mes vêtements de coton— un an à attendre
entre ombre et soleil dans ce matin de septembre mon fauteuil hésite
fin de matinée — sur le pin au bout du ciel le même nuage
ma tête est à l’ombre et tout mon corps au soleil — sous mon vieux chapeau
l’odeur d’herbe sèche me précède quand je rentre — mon chat se détourne
vous souvenez-vous de celle qui m’approcha de mots tentateurs ——— votre visage était blême comme le mien maintenant
tout en haut du cèdre remplie d’orgueil une pie fiente sur le monde
mon esprit s’apaise et mon cœur reprend sa place — le film est fini
sous l'auvent la lune en tant que mère attentive surveille mon verre
sur la gouttière un papillon multicolore rêve de la pluie
pie chie sur le chat chat se lâche sur la pie et tout lâche et chie
sortie de la sieste — il connait vraiment son texte souffleur du voisin
un ballon d'enfant qu'aucun fil ne retient plus embrasse la lune
c'était bien la peine la salle d'attente est pleine — prendre un rendez-vous... !
vous dire je t'aime la plus douce des caresses que vos yeux entendent la vallée s'embruisse de lointains moteurs grognons -retours de vacances
ce bruit dans ma tête c’est le bruit rouge des vagues qui saignent le sable
la lune au zénith -la marée dans ma cervelle au point culminant
décence du vent qui sait s’incliner devant une feuille morte
276
Paroles Suivantes
le silence du soir posé sur la solitude du vieux mur de pierre
à travers la haie les jardins du voisinage — toujours pas de pluie
sur la sol aride des effluves de lavande consolent la terre
au creux de mes tripes je porte une pierre polie par l’angoisse
au-dessus des arbres majestueusement nue la lune s’élève
feuilles de la haie tombées sur la terre aride — mon cœur aussi craque
parée de nuages la lune s'empare du ciel -nuit magique
la soirée avance d’une démarche feutrée adoucir mon cœur
vallée insoumise-dans des crissements d'asphalte tu secoues tes reins
la nuit se répand sur les sentiers sinueux — âmes torturées
d'un vieux vent passé chaque feuille en est l'écho -fredons de la nuit
assis sur le banc une feuille morte et moi attendons la lune
joli clair de lune -de mon seul prénom ce soir je fais un haïku
la nuit douce encore caresse mon cuir usé -le vent vire au bleu
comme un arc tendu vers les étoiles mes yeux dévorés de nuit
lumière dans l'œil -je cherche l'interrupteur qui éteint la lune
le premier café un envoutement que le quotidien jamais ne corrompt
la nuit s'appartient -elle roule sous les vagues de mes pensées brunes
le volet fendu — les rayons d’un soleil bleu jouent avec mes cils une fente étroite dans la porte du grenier — secrets oubliés
pensées enkystées chevillées dans nos corps et âmes trop fluides ma pensée dialogue avec l’âme du café — l’esprit et l’arome
en haut du jardin je m’assoie sous un vieux chêne— le regard baissé
vêtements de clown dans la lumière fragile d’un box d’hôpital
après les collines je sais que la mer respire — je bois son haleine
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Paroles Suivantes
un peu décalé — je reste à côté de moi à deux centimètres
dans quel dictionnaire trouver des mots de diamant pour parer vos rires
rousse la rentrée comme l'écureuil surpris de ne plus me voir
un café méandre — il dépose sur mes rives sa mousse odorante
derrière la porte c'est la rentrée et les flaques dans lesquelles je saute
fraicheur matinale — septembre apprend de l’automne le goût du frisson
la mousse des pierres sèche s’est parée de brun — un cœur en automne
la vie intérieure de mon chat est très intense — il dort tout le temps
désespérément la terre implore le ciel — secs, les yeux sans larmes
une ombre tremblante sur le mur de béton froid — la flamme vacille
la gorge écrasée — l’estomac empoisonné par des fruits amers
chambre silencieuse — le grognement des pensées comme un acouphène
à quoi rêve-t-il seul le papillon de nuit sous la lampe pâle
pas de vent sur la route — la poussière retombe et couvre la trace de mes pas
lune couronnée de ses pages de nuages -reine de ma nuit
les fruits de l'automne cette année ont des noyaux qu’on jette aux orties
pensées égarées au milieu des oripeaux des anciennes fêtes traverser le Styx et payer le fils d'Érèbe en monnaie de singe
les aigreurs du jours se referment pour la nuit — silence du soir la nuit est tombée sac de suie dans une cave — le noir se répand
mémoire bénie -change le limon crasseux en poussière d'or
au bout de la rue la lueur du réverbère constellée d’étoiles
puis la mort viendra bien en face et sans surprise me parler d'amour
un joueur de flûte égare des mots dérobés non loin d'Hamelin
mais tu ne peux dire les mots que tu voudrais dire -ta gorge étranglée
clin d'œil sans rancune -on n'apprend pas au vieux singe le prix des grimaces
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Paroles Suivantes
première nuit fraîche -même la lune paraît un peu tremblotante
c’est tellement petit un haïku qu’il peut se perdre au fond de lui-même
les mêmes cris encore d'une vallée malmenée au cœur de l'asphalte
les bruits de la nuits aussi présents qu'en plein jour -mais ils n'ont pas d'ombre
la lune souligne les arbres en contre ciel -un trait de génie
il a plu aujourd'hui les parfums de la nuit me chavirent
dans la tasse chaude je dessine des mes sens une raison d'être
entre deux nuages la lune a joué des coudes ! première à la caisse
votre épaule nue hardis mes doigts ont frôlé la source du cri
ma nuit suit le vent il la conduit d'un sourire vers l'aube intrépide
promesse de pluie — de gros nuages résonnent déjà dans la tête
je traverse l'océan à bord de l'arome du premier café
la pluie frappe enfin sur les toits fiévreux encore — les arbres frémissent
une Île après la nuit — la mousse du premier café un refuge charnel
les chenaux débordent obstrués de feuilles mortes — paresse d’été
fructidor s’endort et brutalement le vent ouvre à vendémiaire
je les imagine vos yeux baissés sur les mots qu’il vous a écrits —— les couverts sont inutiles et un verre vous échappe
sont perdus ces ans où j’avais l’esprit agile — las tout mon corps grince à côté du chat mes pensées se réfugient sous la couette épaisse
sur la table un bol de thé que sans cesse une main tourne s’éclaircit d’une larme
le vent et la nuit qui s’enlacent follement dansent dans ma tête
les jours ont passé et j’ai perdu mes jouets au fond de mes rides
les fleurs n’oublient pas mais le vent le leur parelle — rien jamais ne dure
à l’arrêt de bus il n’y a pas de bus, rien, pas même un arrêt
la nuit sans étoiles ivre d’un vent sans merci hurle son silence
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Paroles Suivantes
vos mots sont des perles dont on peux être jaloux nacrées et baroques quelquefois vous les mêler dans un vinaigre inutile
de mes nuits rêvées je n'ai d'autres souvenirs que leur confusion la tasse fumante des effluves de sourires — la journée commence
la cuillère écrit votre absence sur la mousse du premier café
hurlant de colère le vent se lève soudain — les portes se claquent
devenues inutiles je vais où le vent me porte je rabats mes ailes
le vent dans la tête qui fouille dans tous les coins traque ma mémoire
le vent a faibli les branches ne geignent plus seul mon cœur se tord
sur le tableau noir avec des craie de couleurs j’énonce ”bonheur“
dans le soir avancent des ombres mal définies — l’ombre des pensées
retour sur mes pas certain d’avoir oublier de ranger ma vie
dans la vieille office pour le parfum du café même les poutres craquent
il se noue dans l’air un pesant parfum d’automne — mon cœur dégouline
nuit calme et sereine un vent doux bruit dans les feuilles un gong dans mon cœur
sur l’herbe qui craque quelques gouttes sont tombées — un brin a ployé
le vent a forci tout bruisse et tremble alentour mon âme bouillonne
tous ces mois sans pluie mon chat n’a plus l’habitude — il rentre en râlant
ombre du profil entre vapeur et arôme -enfin je prends forme
la lampe tressaille — au loin un éclair absorbe toute la lumière
la nuit sans parfum autre que celui infirme de la souvenance
odeur de la pluie — de sous l’auvent me parvient la joie du feuillage
pas de bruit au loin seul celui de la vallée qui vrille mon cœur
ma nuit équivoque ni sereine ni colère — spectres entravés
dans ma nuit sauvage j'affronte seul les marées d'un gosier noué
crème du café — sans bouger je suis resté pour humer l’arôme
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Paroles Suivantes
le bruit de la nuit — une pierre dans mon cœur le fait trébucher
at the end of the branch an impatient drop — jump into the unknown
qui pouvait savoir où je pouvais m’assombrir — là, la nuit le sait
parti sous la pluie le vieux promeneur ramène des brins de soleil
la nuit paraît douce à qui a le cœur serein — le mien me chiffonne
gone with the rain the old walker brings back blades of sun
la vallée vrombit de bitume maltraité — le vent vient de l’est
mauvais vent du nord qui vient de chasser la pluie d’une gifle leste
par courtes lampées la nuit humecte ma langue d’un breuvage amer
bad North wind which has just taken away the rain of an agile slap
dans ma poitrine des frissons et tremblements font la fête
il est temps que vienne la nuit et ses douceurs de mère — je suis las des griffes du jour
doucement je souffle sur la mousse du café — je crée des montagnes
le vent se hérisse il gifle de ses rictus les feuilles soumises
maintenant le soir s’éternise peu — un verre et c’est tout
the wind bristles it slap of its grin the subdued leaves
nuit cousue de silence les battements de mon cœur crépitent un peu
fissures dans les canaux la barge racle le fond le Styx s’englue
papillon de nuit amoureux de la lumière se brûle le cœur
J’ai dit ton nom au ciel et aux rochers aux yeux et aux rivières
night butterfly lovers of light burns heart
J’ai gravé ton nom de sombres tremblements et de désespérance aveugle
une pluie d’automne une pluie sans concession apaise mes doutes
Je donnerai ton nom à toutes les Voilà la fin des temps où nos verbes étaient communs J'oublierai ton nom
au bout de la branche une goutte s’impatiente — saut dans l’inconnu
281
impasses
Paroles Suivantes
élixir du jour qui commence dans l’odeur blonde du café
septembre en chiffon dans le ciel de l’ouate sale mon cœur bat si mal
day elixir which begins in the fair smell of the coffee
le soleil s’efface et les ombres se referment sur leur propre cœur
que comprendre au vent il va il vient il s’essouffle brouille mes pensées
bientôt la nuit d’ombres battra dans mon propre cœur — papillons en fuite
le vent geint aux volets — à toute force il pénètre entre mes tempes
d’une poignée de sable jetée aux yeux de la nuit clignent les étoiles
une nuit rebelle elle ne laisse filtrer aucun battement
je pousse la porte ouvre le pot de café déjà je voyage
la nuit s’épaissit et mon vieux cœur balbutie d’une glu revêche
l’ombre de midi il n’en reste que des miettes jetées aux oiseaux le soir se glisse entre les rides de mon cœur il y fait moins froid
vent sur le retour — le passé m’a rattrapé d’un espoir fourbu
me reste de vous votre sensibilité et vos yeux d’artiste
le dernier café après la journée commence — un goût plus amer
dès ce soir mon cœur bat comme une vieille cloche de bronze fêlée
la fraîcheur du soir sans heurt insensiblement glisse sous la porte
aux vêpres mon cœur bat comme une vieille cloche de bronze fêlée
je reviens chez nous doucement sans bruit je pousse la petite porte
la nuit outrancière ricane et se fout de moi dans mes tripes-mêmes
cette nuit blafarde qui se plaque sur le sol déterre les ombres
une douce nuit conduit d'une poigne sûre son troupeau de rêves
passer de l’amour fou à plus d’amour du tout — que d’amour foutu
nous parlions de choses sans importance réelle d'amour sûrement
nuit noire sur les docks les spectres s’y insultent — odeur de goudron et de sel
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Paroles Suivantes
elle fut un miroir dans lequel je me voyais tel qu'elle me jaugeait
l’ombre sur les tuiles elle ressemble à un pin découpé en tranches
j'ai tant cru en vous comme on peut croire en un dieu sans miséricorde
j’ai l’esprit ailleurs — mon vieux cuir dans les étoiles je l’ai égaré
le dernier café un parfum d’inachevé reste dans la tasse
me reste de vous votre sensibilité et vos yeux d’artiste
par la lucarne l’automne joue la couleur hésitante des feuilles
une nuit sur les barricades j’ai vu une mésange
au loin un chien pleure et la nuit qui me rassure le rend malheureux
au bord de l’horizon une rivière sans galet seulement une étoile
pas le moindre souffle mais le feuillage inquiet en frisonne encore
au bout du champs une fleur se laisse séduire par les lèvres d’un âne
belle nuit sauvage — les souris restent tapies dans les herbes hautes
en fermant les yeux de leurs baisers s’élançaient le bleu des mésanges
cette année les glands tombent plus tôt des vieux chênes sons feutrés d’automne
dans mon cœur ce soir ombre et lumière se mêlent amoureusement
ma nuit est la vôtre vous qui avez su de mots raviver les miens
train de nuit -sous ses roues les rails claquent d'espérance inassouvie
ombres familières sur les pierres du vieux mur et leur mousse brun
je cherche un chemin -ô voie lactée silencieuse parle moi d'étoiles
il vient de frapper à la porte de midi mon chat affamé
le temps sent l'espace comme un chien sent le cul d'une chienne
le jour s’alanguit il traine dans le jardin sur les mottes sèches
la plaie saigne encore -quand donc se remettra-t-elle du sang répandu
à l’encre de Chine les contours de mes pensées toujours indistincts
certains jouent aux dames je ne joue qu'avec des mots les pions de mon âme
283
Paroles Suivantes
belle nuit à tous à vous que je sens si proches malgré les distances
rêves dilués mélancolie d'automne la saison s'y prête
sur l’or de l’automne je marche et je me sens riche de bruits et d’odeurs
passé l’équinoxe les ombres qui s’ébattaient ont quitté la cour
Ce n’est pas Alzheimer un peu d’Asperger sans doute une vieille maladie que personne ne voit mais que tout le monde raille
même la nuit illumine mon cœur
tout au bout du quai un regard dilue la brume — le pinceau du phare
la pluie fut bien courte mais lui le silence reste ivre de chagrin
au bout de la route où les pas cèdent au vide la mer m'illumine
vous avez dit des mots que je n'aurais acceptés de personne mais dans votre voix c'était de l'amour
l'herbe se dépêche de se parfumer de pluie -une odeur de foin
la dernière carte celle qu'on n'abat sans doute que par désespoir
une seule fois dans ta vie tu croises l'amour le vrai le pur le dur mais s'il glisse entre tes doigts tu ne vaux rien pour les anguilles
des bruits de pas dans les ténèbres demain trace sa route horizon brumeux les collines ont du mal à quitter les draps
vous êtes mon secret que je distribue à qui veut l'entendre
en suivant les routes que mon sang emprunte j’ai cru reconnaître un cœur
silence matois -j'aime la nuit qui prend feu de ses confidences
mes doigts ont cherché ils ont fini par trouver la porte du cri
journée indolente pour tomber les feuilles mortes ne se pressent pas
hurlements des routes le soir où vont-ils donc les espoirs qu'on noie dans le bitume ou le whisky
je vous ai aimée madame comme aime suit aile et comme jamais haine ne pourra suivre aime
je me rature à petit feu élans d'évasion mon vieux cœur veux me quitter pour vivre sa vie
284
Paroles Suivantes
j'ai fermé les yeux — vos ailes dans ce dimanche s'ébattaient d'espoir
les feuilles des chênes ont déjà perdu espoir -pourtant elles tiennent
le soir vient plus vite — affamé il sort des arbres et mange le jour
hallucinogènes des champignons arc-en-ciel maquillent ma nuit
du bout de ses doigts l’araignée obstinément reconstruit sa toile
souvenir d'un lit où le matelas jaloux nous a séparé
des éclats de rire au fin fond de la nuit comme des éclats de verre
en contre ciel l'ombre des arbres pleure l'encre de mes yeux
la bouteille plaint le verre vide
un petit auvent ouvert sur un jardin d'arômes l'été fut bien court
Si j'étais poète, j'inventerai le mot "namour". Ce ne serait plus de l'amour, mais ce serait de l'amour, non ?
deux petits fauteuils où la poésie glissait de nos mains tremblantes
je l’ai regardée la tasse était bien d’accord — sa lèvre et mes lèvres
aube blanche de la lune le ciel n'en fait qu'à sa tête
ombres sans visage vous qui traversez l’amer laissez moi en paix
dans ciel obscur une étoile se dévoile mon cœur s'en empare
les ombres se glissent sous les angoisses du soir — les volets se ferment
goutte de café — d’un coup de langue je mets fin à sa solitude
le lent crépuscule inonde les crêtes sombres d’une odeur de sang
le second café un rayon de soleil pâle fait rire sa mousse
la nuit sans étoile rayée de filaments blêmes hurle son silence
quelques ombres blêmes oscillent sur le béton — les ailes d’octobre
je rêve d’une île qui ne perdrait pas son temps à compter les heures
mes tempes bourdonnent — le sommeil bien capricieux a traîné la patte
il y a des anges que n'inquiète pas le ciel de la nuit d'octobre
être au bord du gouffre — ne pas avoir le vertige devient dangereux
285
Paroles Suivantes
il se noie il coule même la mer dans les poumons il respire encore
sur l’écran de verre quelques signes déchiffrables la clé d’une énigme…
dites lui qu'il va bien qu'il a retrouvé un navire un jour une nuit il embarquera sur le Styx
grisaille du soir — éclaireur du crépuscule il étreint mon cœur octobre hésitant entre l’été vieillissant et l’éphèbe automne
lentement je rampe vers la porte savourer l’odeur du café narine gourmande je recueille de la tasse la moindre vapeur
le jour effacé par l’acidité du soir — le sel de la nuit
poussant le volet une feuille rousse vient mourir sur mon lit
même la nuit mon ombre m’accompagne
l’écureuil s’inquiète d’une troupe de ramiers glanant sous les chênes
je passe du temps dans les bras de mon fauteuil — je pense à vos bras
le soleil voilé maculé de brume sale prend un air penaud
par dessus l'auvent clair de lune énigmatique -je garde un secret
du soleil d’octobre il ne reste que des flaques sous les pins frileux
j'ai rêvé de nous tant que mon cœur ne sait plus s'il est vôtre ou mien
le soleil laisse à la lumière dorée le soin du crépuscule
la nuit équivoque a déposé sur ma peau un désir de peau
une lueur grise recouvre alors les collines — la couleur du soir
I don't know where I am am I in your heart in my heart I'm not in my mind
la nuit devient lisse elle glisse lentement sur l’ombre des ombres
train vers nulle part il freine sur le ballast les portes se ferment
la nuit installée sur le banc dessous les chênes marmonne déjà
j'aurais aimé que les mots viennent à mon aide pour sauver du naufrage mes désirs avoués
les dalles de l’allée n’en peuvent plus de compter les glands qui tombent
286
Paroles Suivantes
triangle de feu que deux cuisses révèlent — papillons embrasés
assis sur le banc par bonheur j’ai un chapeau — une pluie de glands
mots qu'on ne dit plus feuilles mortes chiffonnées que les pas déchirent
soir mélancolique — octobre est sans compassion pour les cœurs fripés
j'ai suivi la route qui chemine de l'amour à la déraison — revenir sur mes pas
des ombres encore trainent au bord des chemins le soir les rassemble
une nuit d'octobre sans vent sans bruit en silence j'ai aimé l'automne
un ange étranger un oiseau aux ailes blanches traverse la lune
c'est une nuit bleue les battements de mon cœur prennent des couleurs
l'auvent me protège malgré moi des dards de la lune
ne surtout pas croire que le Styx est d'un cours calme Charon est avide
au bout du monde j'ai vu des douaniers qui fouillaient les rêves
maladroit des mots je souhaite à ceux qui m'ont lu une nuit fertile
j'ai trop d'ans sur moi jamais je ne passerai l'ultime frontière
riant dans sa tasse sa mousse crémeuse et chaude déride mon cœur
d'un rire insouciant elle a dérobé mon cœur pour le perdre en mer
frisson sur la peau mon cœur aussi tremble un peu fraicheur du matin
dans une autre vie peut-être m'aimera-t-elle alors je l'attends assis au bout du chemin dans les senteurs de l'automne
rayon de soleil — la tasse devenue tiède reprend des couleurs
le vent geint aux volets — à toute force il pénètre entre mes tempes
sans savoir pourquoi soudain un sourire éclaire le miroir terni
d'une nuit sereine je couve votre amitié comme un œuf fragile
j’ai fini ma tasse retour vers la cafetière prodigue en bien-être
l’anse bien serrée je l’approche de mes lèvres — tango matinal
midi se promène aux alentours du jardin — automne sublime
287
Paroles Suivantes
où vas-tu gamin avec ton air insouciant et ce grand sourire ne vois-tu pas la faucheuse j'y vais et je suis heureux
parfum sublimé par les mémoires anciennes des cafés heureux temps et espace au bout de la lumière unis à jamais
la nuit est silence et le silence de ma nuit est un clair repaire
je ferme la porte je laisse le vent colère s’en prendre à lui-même
ma longue mémoire comme le fil d'or d'Ariane ne vous oublie pas
symphonie du vent aux rires des pins répondent les oliviers sagaces
sans sucre sans lait encore endormi je tourne le premier café
rongée de morsures la branche morte a cédé — vent impitoyable
d’un regard amoureux je caresse la cafetière qui s’échauffe
je m’éveille un livre sur la poitrine « l’univers chiffonné »
vivre aimer penser fermer les yeux les ouvrir et rien n’a changé
je ne saurais plus aimer comme j’ai aimé la fille de vent
j’ai rejoint les ombres qui courent dans le bois et les flaques de soleil
affolé de vent le soir ne sais plus du tout où poser ses ombres
quand le vent se calme le mois d’octobre m’enrobe je deviens automne
le vent s’est calmé mais il laisse le jardin tremblotant encore
ouvrir la fenêtre et respirer les parfums d’un octobre aride
face à la lune un nuage raide et droit comme une potence
les nuits je me mens je me racontes des rêves sans réalité
pleine lune embrumée mon cœur transparent et clair est rongé de doutes
je compte les soirs — loin là-bas inaccessible j’étais un enfant
les feuilles mortes fuient la rage du vent pour se noyer dans la piscine
velours sur la peau — le soir d’octobre m’envoute tout juste un frisson
j'étais inconstant et me voilà pris au piège de mes sentiments
288
Paroles Suivantes
sur les vieilles pierres glisse une mue de couleuvre — ah ! changer de peau
plongé dans la brume il va redresser la barre ce premier café
des nuages roses se trainent dans le ciel sombre — promesse de vent
drainant le désir de son écume de soie — sensuel arôme
et puis vient la noire la sombre nuit maladive qui trouble mes yeux
une feuille morte se souvient de son amour brisé par l’automne
vieilles cartes grasses devant moi posées les heures passées à sourire
matin d’ombres franches — la brume vite écartée d’un léger frisson
un halo de brume incandescence livide bâillonne la lune
avec un crayon couleur de soleil j’efface le gris de mon cœur
dans le sablier les grains coulent lentement -noyé sous les heures
midi va sonner le ciel est à sa place suis-je vraiment à la mienne
la nuit me console de ces battements d'un cœur de vieux gong fêlé
il préserve d’elle le souvenir lumineux d’un béant mensonge
la lune s'épuise ses rayons flottent à peine au bord des collines
le vent revanchard disperse sur les terrasses les tas de feuilles mortes
la solitude d'un chien la pire des solitudes
sur les murs sans ombre les grêles de vent arrachent des plaintes aiguës
des bruits sur les feuilles mon cœur s'emballe et gémit des pas de la nuit
le vent et le soir à l’abri des pins conspirent — la nuit sera blanche
je suis un moineau qui sautille sur son cœur sans laisser de trace
la nuit improbable illuminée par la lune — l’ombre de la nuit
avec huit-cents mots je peux décrire ma vie -"rose" huit-cent-un
je me souviens mal mais je sais bien une chose je ne peux l’oublier
je vous souhaite amies amis présents et lointains une nuit vermeille
mes mains de vieil homme se souviennent du chemin jusqu’à son sourire
289
Paroles Suivantes
timide et tremblante la lune se dissimule dans les hautes branches
fin d’après-midi tu sens le soir qui approche un chat vers l’oiseau
autour de la lune gouffre insondé sans étoiles la nuit abyssale
les ombres dominent il est temps de rentrer la mienne suit encore
de ces mots si doux se souvenir est facile l'oubli impossible
moustique sur la joue je le claque rudement — me voilà puni
la lune coquette s'admire dans le nuage qu'elle a pour coiffure
rêver d’un sourire est-ce que tu dois en rêver ou bien en sourire
nuances de noir inconsistance des sons que la nuit fredonne
une lune fourbe refuse de se montrer -je l'attends quand même
qu’un sommeil sans faille peuplé de vos rêveries traverse la nuit
pour revoir tes yeux j'irai où tes pas me mènent je suivrai ton ombre
un café refuge — un feu de camp dans la nuit pour bannir les loups
d'un index tremblant j'efface le grain salé -c'était une larme
somptueux arôme de ce pur arabica caressant mes lèvres
écrire ne sert à rien sinon à rapprocher l'encre et le feuillet -ils ne le savent pas encore mais ils s'aiment d'un amour indélébile
les heures s’étirent et je les laissent filer sans trame ni chaine
la lune se lève et à présent elle veille vos rêves de soie
au bord de midi je tutoie la cafetière une fois encore octobre, le mois du gland !
ce premier café illumine la cuisine d’un parfum lustré
d'un regard d'un geste elle a mis le feu en lui dont cendre il ne reste
circonspect je tourne autour de la tasse pour refroidir le café
je les vois qui passent les impassibles nuages loin de tout espoir
sur quelle planète il faudra que je les trouve les mots pour lui dire
290
Paroles Suivantes
tu me regardais et tu ne voyais que l'ombre d'une ombre sans étoiles
je te reverrai un jour — je resterai là à te regarder
je pense à la nuit comme un océan sans vague seulement le sel
fraicheur du matin — il ne reste de l’été qu’un souvenir tendre
assis je regarde la vapeur qui s’en échappe je m’enivre d’arôme
sur ton souvenir tous les matins je dépose une fleur furtive
puis je saisi l’anse de la tasse qui me rend un baisser torride
je ressens ce soir comme une ancre dans le cœur mon âme dérive
soleil dans les yeux frissons sur la peau les paradoxes d’octobre
c’est de là qu’il vient des profondeurs de l’Érèbe — ciel noir sans nuance
lentement les heures terminent leur course lente je n’irai pas plus vite
quelques étoiles sont tombées dans la piscine — reflets d’un ciel chiche
les roses trémières ne craignent pas de fleurir sur le bord des routes
où vont les mots qu’on ne prononce pas parfois ils s’emmêlent dans l’enclos d’une page pour sortir le full aux as d’un poème
quelques pâquerettes comme mon cœur hésitant se ferment le soir
je rejoins la nuit sous l'auvent elle m'attend pour parler silence
elle était un phare la lueur qui éloignait la dernière borne
le cœur desséché un jeune olivier est mort d'amour pour la pluie
chacun condamne les fautes des autres absout les siennes avec un rire les prétextes sont des boucs émissaires
cette nuit j'ai compté les étoiles me suis arrêté à cent-deux demain sera sans toi
garder sur son cœur le parfum de vos seins que peut-il vouloir d'autre
je ne sais qui je suis je ne sais où je suis comme l'eau je suis la pente
de la condensation de l'aube un poème naquit le crissement de la plume embrase l'encre le feuillet résiste
291
Paroles Suivantes
sous les étoiles absentes les mots ancrés du poème brillent sans soupirs
je suis un brin d'herbe que mille pas ont foulé -je rentre sous terre
l'encre sait que le feuillet est la lumière de son ombre
une brume grasse se colle sur les feuillages -arbres sans repaire
lever le voile d'un visage que les mots maquillent
oiseau sans présage vous avez un autre lit pour lisser vos plumes
quelques mots lus ou dits un échange de battements de cœur
qu'une nuit sans houle berce vos rêves d'enfant comme un lac à l'aube
rien ne dit plus rien le silence qui sait tout impose le silence
ma main tremble un peu — le saisir plonger dedans effacer la nuit
moment partagé les cœurs effleurés battent de bonheur
parfum doux-amer de sa mousse qui ondule sur ma lèvre avide
voilà l’heure grise l’heure où les ombres ignorent qu’elles sont des ombres
odeurs de l’automne — ce matin les feuilles mortes sentaient la rosée
les ombres aussi rêvent de reprendre forme — un rêve de pierre
mes mains se souviennent comme son cœur battait fort au creux de ses reins
il garde de vous le souvenir d’un volcan souriant et calme
le ciel un peu plus pâle plus le crin-crin des cigales toujours pas de pluie
la nuit se répand comme les pas du fantôme qu’elle rêve d’être
un ailleurs est toujours trop loin fin d’après-midi sur le pré jauni les ombres somnolent encore
la nuit si profonde que même mon cœur fendu ne reviendra plus
bientôt vient le soir avec son parfum étrange de mélancolie
j'ai dans le cœur un petit caillou qui grince un caillou pas bien rond
nous ne comptions plus nos lianes tentaculaires nos langues multiples un seul regard nous unit et l’univers se renverse
enfin le train s'arrête les rails fourbus peuvent souffler le train s'impatiente
292
Paroles Suivantes
soleil de saison il s’est levé en bâillant pour chasser la brume
traverser la nuit — la voile noire est hissée la falaise abrupte
soleil sur la peau — s’il pouvait sourire aussi dans mon cœur trop pâle
il fait nuit déjà sur le chemin je piétine et n’avance pas
les rayons sans force somnolent sur les façades — ombres émoussées
la nuit insondable dépouille le ciel sans borne de sa pluie d'étoiles
ah, que je voudrais que le soleil la ranime l’étincelle d’or
bruissement des feuilles dans la nuit les arbres filtrent le regard des hommes
elle se balance la potence sans pendu la vieille lanterne
au fond du sablier les jours noient les heures quelques secondes surnagent encore
elle rit la lavandière celle qui a lessivé mon vieux cœur de drap froissé et bat, bat mon cœur
je suis un vieux fou qui n'a pas oublier d'aimer -je suis un vieux fou
je la sens venir avec son grand manteau d’ombre l’oppression du soir
sur une galère on ne rame jamais seul pour franchir l'amer
un ciel mat et blême couvre peu à peu les pins terne crépuscule
quand vous reviendrez déçue par le chemin emprunté alors retournerez-vous vers le bleu lavande
au creux du méandre là où le sable s’envase mon cœur bat encore
belle nuit mes amies mes amis qui me savez tellement bavard
je ne sais que faire de mon corps de vieux guignol sans marionnettiste
coudes sur la nappe je me prédis l’avenir dans le café même
dans l’ombre grisâtre le soir enrobe la lampe d’un trait de ténèbres
je la fais rouler entre mes mains languissant d’y poser les lèvres
en lentes spirales l’arôme s’est répandu jusque sous mon crâne
quand le jour se lève il ne se lève jamais sans sourire un peu
encore embrumé mon corps entier n’aspire qu’au premier café
293
Paroles Suivantes
sa grisaille épaisse ne nous laisse aucun espoir — cruauté du ciel
battements de cœur la nuit ne se calme pas ce froid dans le ventre
avant de partir il a posé sur la table sa soif de poèmes
je suis un fantôme qui habite encore un corps le temps est compté
quand il est revenu les fourmis avaient bu tous les mots — silence
rêve de lumière dans cette nuit sans étoiles les nefs vermoulues restent toujours ténébreuses en franchissant l'horizon
j’ai longtemps marché avant de l’apercevoir au bout de la route
elle l'aimait d'amour fou d'amour dément il l'aimait jamais ils ne se croisèrent dans ce monde-là
elle était si belle vêtue d’un manteau de nuit qu’elle m’a fait peur
d'un sommeil douteux je vais où la nuit me pousse pas trop loin j'espère
d’un regard aigu elle a tranché mon cœur une part pour elle et l’autre en enfer
embué de nuit je m’enrobe dans l’arôme royal du café
j’erre sur la plaine le vent me prenant pour cendre disperse mon corps
le nez dans la tasse je m’imagine embarquer vers le bout du monde
elle l’attend tout le jour elle l’espère la nuit le voleur qui lui rendra la peau de son cœur
un voile de brume brosse un soleil matinal à l’aquarelle
du plus haut des monts je surveille nuit et jour un horizon vide
à la proue du vieux navire le capitaine ombrageux interroge chaque vague — laquelle est son âme
la nuit dans le cœur elle grave sur ses veines d’un burin aigu une fête au loin des bruits des chants et des rires — je remonte mon col
toujours ce parfum le matin quand je m’éveille fragrance d’été une odeur sans consistance le parfum de ton absence
sur la terrasse sale feuilles mortes entassées espoirs balayés
puis je me souviens des sourires qu’un été recommencera
294
Paroles Suivantes
nous mangeons tard les glaçons résistent
une étoile à peine attend la lune équivoque -éteint je patiente
cris d’oisillon ouverture de la chasse cris d’un oisillon
nuit mon insondable nuit tu m'appartiens et je te respire comme une fleur de pavot qui épuise sa résine
sieste difficile mon voisin n’a pas compris un mot de la bible
rêver une fête autour de la même table nous levons nos verres
le soir est tombé en plein milieu du jardin comme un sac de sable
laisse-toi porter par le vent par n'importe quel vent comme une feuille morte sans faillir il te conduira vers ceux qui te ressemblent
ombre carnivores elles se mangent entre elles sans laisser de miettes la nuit installée sur le banc à mes côtés nous comptons les glands
je connais un poète qui ne sait pas écrire mais quand il regarde une fleur celle-ci se prend à chanter
en battant des mains en silence sous l’auvent il sculpte la nuit
j’approche les lèvres — trop chaud pour l’étreinte encore j’en respire l’odeur
de ces glands qui frappent sur l'auvent les tuiles tintent -soirée musicale
je la pose trop fort tintement de porcelaine et rond sur la table
main dans la main ils partirent pataugeant dans les rizières sûrs de leur destination l'autre bout du monde
le vieux cerisier a perdu toutes ses feuilles — octobre dénude se frôlant à peine lucanes et papillons dansent dans mon ventre l’incandescente asymptote d’une hyperbole éphémère
j'ai traversé la mer en cessant de respirer pour te retrouver il rêve d'un pays où les figues violettes dessinent sur sa bouche le contour de ses yeux améthyste et grenat
au milieu des tempêtes auxquelles il imposait silence le vieil homme édenté se revoit jeune et mordre
ne plus respirer ne plus trembler ni sourire la regarder vivre
au fond du jardin sous le tas de feuilles mortes pourrissent des pleurs
295
Paroles Suivantes
ombre des barreaux de l’imposte sur le lit -rêves en prison
je vous aime disait-il à en perdre la raison elle n'aime toujours pas l'oiseau dans sa cage
fleur du souvenir et crème de la mémoire je vous sens frémir
le sommeil m'emporte je ne sais où il m'entraine vers demain sans doute
c’est l’heure où le soir tutoie le jour le moment où l’âme s’alarme
parfois je voudrais ne plus être ce caillou dans sa chaussure cet ennui dans sa tête cette tasse qui déborde parfois je voudrais ne plus
je vais sur ma route des rêves plein ma besace mais qui les entend
sur la mer amère du premier café la mousse traverse l’arôme
j’ai le cœur brûlé il s’est approché trop près de ma seule étoile
chaude dans mes mains tremblant de sommeil encore la tasse m’apaise
au bord du verger j’ai creusé un trou profond pour planter un arbre mais cet arbre c’est l’amour et ses fruits toujours amers
sur le pré brûlé des fleurs toujours insoumises boivent la rosée
la brume descend d’un ciel sans concession noir sans la moindre chandelle pour éclairer mes doutes
les herbes hautes se sont couchées maintenant sans jamais reverdir
le vieux portail grince pas très loin un chien aboie — une nuit de brume
le sable qui coule entre mes doigts de vieillard retourne à l’oubli
fauteuil de jardin dans l'épaisseur des ténèbres -mon poste de guet
il va lentement le long de la ligne d’ombre mon cœur fatigué
la nuit m'a rejoint salutations d'usage nous ne pensons à rien
l’automne me suit comme l’ombre d’un soleil rongé par le doute
il cueille des fleurs des champs des fleurs sauvages qu'il lie avec un bout de son cœur pour elle farouche
oliviers mal taillés tels que vous devriez être je vous vois enfin litière de pin le soleil sur les paupières l’été en partage
sur le bord de la rivière elle regarde couler le flot de ses larmes pour celui qui a tant promis
296
Paroles Suivantes
— où suis-je ? dit-elle. — mais dans mes bras mon amour ! — oh ! les bras de qui ?
illusions bercées rêves couvés comme un œuf briser la coquille
je me moque de tout la couleur de ta peau les joyaux dans tes yeux l’odeur de ton sexe je me moque de tout sauf de toi peut-être
malgré le soleil qui incendie les fenêtres j’allume la lampe sur les carreaux rouges tavelure blanche et noire du chat endormi
une nuit j’irai par misère dans un bar je demanderai après la loutre bleue qui n’existe pas elle me dirait casse-toi vieux débris
au bord de midi le ciel s’est couvert d’ennui sans promesse de pluie on s’est regardé et le temps s’est arrêté pour l’éternité
embué englué d’une pâte chimique je m’éveille enfin mais non, ni le monde ni rien ne change jamais
regardez le ciel il est rempli de nos insomnies elles le griffent de cris transparents vous qui croyez bien dormir regardez le ciel
tout au bord du monde doucement je me balance pieds dans le néant
- je ne veux pas mourir mon amour - tu es déjà mort gros ballot mais tu rêves encore
trainant dans le soir sur le chemin la nausée griffe mon gosier
fleur de laurier-rose couleur des plus belles roses odeur de cadavre
la nuit dans le cœur tente désespérément d’en éteindre le feu
au magasin de farces et attrapes j’ai acheté le masque du sourire à présent on me dit bonjour quand on me croise
ma main tremble un peu je renverse quelques gouttes et je déglutis vapeur dans les yeux — je ne peux les retenir un café aux larmes
j’ai posé un ex-voto sur la tombe de mon père ma mère me demande combien ça m’a coûté
vraiment maladroit encore un rond sur la nappe pertes et profits
le soleil en pause la pluie même se refuse au moindre présent
297
Paroles Suivantes
la journée s’achève un parfum de néant reste collé à mon âme
d'un sommeil rieur la nuit bleue vous accompagne vers demain insoumis
un soir scélérat troque la douceur du jour contre un banc de brume
ma vie fut bien longue j'ai aimé on m'a aimé l'amitié demeure
et la nuit venu le linge sur l’étendoir prend des airs de spectre
arôme envoutant même mon chat indolent semble apprécier
la nuit devient fraiche octobre montre les dents et les jours reculent
dessin d’un sourire sur la mousse du café — un joli présage
sur le banc je rêve un gland me surprend je lui prédis un avenir sans chaîne !
de la chantilly mousseuse blanche et sucrée dans le ciel d’octobre le rideau de perles musique d’un vent léger frémit dans la chambre
assis sous l'auvent la nuit me prend par la main nous rêvons ensemble
ombre de demain aujourd’hui veut oublier l’ornière d’hier
le navire dérive dans le ciel enténébré chaque étoile qu'il frôle il ne restera de lui que la constellation de l'ange aux ailes déplumées
c’est un jour d’automne les corneilles vont glaner de leurs cris de craie
je suis ce vieux fou amoureux d'une étoile indifférente
soleil sous la couette cette nuit j’en suis certain j’ai rêvé de vous
j'ai la nuit pour amie la nuit pour ennemie souvent elle se bat contre mes rêves à mains nues
comme des moutons confiants dans le pâtre du vent les nuages passent ne fais pas confiance à un dépressif tu lui poses la main sur l’épaule il te prend pour dieu
nuit le cri silencieux de mon âme déchiquetée
le bruit de la ville traverse la vallée aux relents de bitume qu’importe le ressac tu reviens vers moi
je ne sers à rien dit-il pas même tu me regardes quand je sors les poubelles
298
Paroles Suivantes
mes lèvres frémissent puis tout doucement j’aspire l’odeur primitive le parfum de braises chaudes du premier matin du monde
le temps s’engrisaille c’est l’heure où les ombres pointent vers le soir sous les pins ensuite elles se boivent entre elles les ombres liquides
la cuillère tinte en tombant sur les carreaux pas bien réveillé
les mains caressées par la lueur de la lampe j’écris des mots sombres
au-dessus de l’horizon le soleil danse avec la brume au son de la lumière
ils ont fui par la rivière pour ne pas laisser de traces et dans un baiser farouche se sont envolés
cœur emmitouflé d’un cocon d’ouate indécise je ne l’entends plus
elle est lumineuse la pensée que j'ai de vous fanal dans ma nuit
quelques jours encore octobre le mois sans dieu et sans pluie non plus
elle tricotait une chaîne pour mon cœur de ses mains expertes
sur le sentier sans fin aux ornières profondes sur le sentier sans fin bordé de ronces épaisses sur le sentier sans fin
je me sens léger comme sa respiration quand elle dormait
il sait qu’un jour il en prendra un de trop un verre de trop un comprimé de trop mais un bain chaud un cutter pour couper court
seul un vent léger s'agite dans le feuillage -les feuilles résistent qu'elles soient lumières les étoiles sur la mer de votre sommeil
dans le ciel les nues détourent sa silhouette le cœur est absent
d'une rive à l'autre il nageait il y mettait force et volonté il n'a jamais su où aborder il s'est noyé en faisant la planche
plus que septembre octobre pue la mélancolie une vieille charogne le cœur un peu lourd je retourne du jardin toujours aussi sec
c'était un coureur d'étoiles de l'une à l'autre il brûlait sa peau et son cœur sans voile et chaque fois il hurlait
le soir je ne sais d’où me vient cette amertume du jour qui s’achève
299
Paroles Suivantes
assis sans équilibre sur la margelle du puits il regarde le ciel des antipodes
naviguer sur la nuit sans timon ni rames tutoyer les étoiles et garder leur lumière je ne sais pas le faire
ce soir il fait triste la nuit suinte d’ennui tout mon corps bâille
d'un sommeil sans faille que votre nuit se remplisse et de rêves bleus
enfin ils arrivent dans un ciel qui accueille les yeux étoilés
gorgé de sommeil j’ouvre la porte et déjà … caresse d’arôme
des millions de pas -faire le tour d'une vie c'est exténuant
premier espresso ce n’est pas le plus rapide mais c’est du velours
rêver sous l'auvent avec la nuit pour compagne rêve familier
toujours ce même soleil qui d’un coup de lange sèche s’abreuve de la rosée cédée par la nuit
le premier amour est inoubliable le dernier amour lui est meurtrier
ne penser à rien demeurer devant l’oubli attendre d’entrer
dans le petit bois de mon jardin je promène ma vieille ombre lasse
en train de bronzer à l’ombre de mes pensées qui n’ont plus de feuilles
les ans me pèsent respirer me pèse mon corps meurtri me pèse et je ne pèse presque rien même mon cœur s'allège
on ne sais jamais quand la porte s’ouvrira parfois elle l’est déjà
je sens l'eau sur mon corps et le sang qui coule encore je sens mon corps liquide mon esprit qui se vide
nuages avares il faut trouver la cassette qui garde leur or il pense au printemps l’oiseau caché dans les chênes et qui chante encore
il vous a sans doute effrayée mais bien avant cela vous étiez captive d'un autre cœur tout va si vite l'amour a le vertige
je penche plutôt pour un dimanche d’avril samedi d’octobre
l'oubli ce n'est pas une perte de mémoire l'oubli c'est l'indifférence
Je ne le dirai plus que je rejoins la faux je dirai que je vais chercher des allumettes
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