Quelques Paroles sans Forme michel lombardo Clair Charpentier
Quelques Paroles sans Forme
Le ciel finalement a sauté dans l'eau les rictus ont quitté les murs heureusement après il y avait des fenêtres
La fenêtre s'entrouvre sur demain et les sourires du soleil
Sur tes lèvres une moue dans tes yeux un sourire et ta main sur ma joue
Par delà les étoiles encore des étoiles mais un seul regard
Sur la table un bol de thé que sans cesse une main tourne s'éclaircit d'une larme
La lampe s'allume dentelle cousue sur les caresses
Deux regards qui se croisent des doigts qui se tendent, s'espèrent le silence attentif
L'attente est pesante de tes lèvres fluides
Ce matin, là devant, doucement s'est posée une feuille Dessus il est écrit : Reviens
Deux êtres qui se frôlent parent de réalité leurs rêves
Un livre se ferme un bruit mat sur le mot fin
La lampe s'éclaire comme un sourire qu'on partage
Le bonheur était dans la boite ce matin après onze heures
Un soir comme les soirs mais au ciel combien d'étoiles en plus ?
puis un livre s'ouvre autre ciel autre rivage dans la fête des mots
Il fait sombre à présent la peau qui ne te touche pas peut-elle te rêver ?
La route n'est pas droite faut-il dire que ce n'est pas la bonne ?
Même si la réponse est connue la question est cuisante comme une gifle
Le ciel plombé et les nuages font espérer l'arc-en-ciel de tes bras
Un regard qui se pose une main qui se tend et le vide n'est plus
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Quelques Paroles sans Forme
Referais-tu le monde si celui-là était parfait ?
La pluie sournoise dont tu frissonnes promet des fruits sucrés
Un papier qu'on écrit un papier qu'on chiffonne Un coeur qui se renverse
A présent les objets s'imposent bornes sur le chemin de la reconnaissance
Il faut attendre Même la nuit profonde est grosse de l'aurore
Ces draps aux plis secrets dévoilent ton parfum à l'impatience
Aujourd'hui la pluie tombe si fort demain le jardin sera plein d'odeurs
Ici tu as marché personne ne vois la trace qui pourtant reste gravée
Il fait gris L'aveugle sait pourtant que les couleurs existent
Le verre se souvient des lèvres il ne connaîtra plus le vide
Et le sourd aussi quelquefois se surprend à chanter
Un livre s'ouvre encore comme une cicatrice béante du regard
Le soleil sans conteste domine les nuages
Et là tu t'es assise offrande d'un corps à la volupté du repos
L'attente est pesante sans goûter à tes lèvres
L'eau enfin découverte souhaitait être pure pour louer le printemps
Le ciel plus lourd se raye de corneilles vestiges d'idées noires Quand on ferme les yeux l'air devient plus léger et l'horizon plus vaste
L'air que tu respires libère des colombes
Se souvient-il de nos confidences le clavier aux fils si lointains ? Enfin il a sourit ce vieux cyprès noué à l'ombre ambiguë Nous étions sur un banc écaillé Se plaignait-il de nos baisers ? 2
Quelques Paroles sans Forme
Et de ces nuits que reste-t-il ? Rien ! Mais de rien l'image est prégnante de tes bras posés sur mon cou
Mais tes lèvres absentes percent ma peau de baisers oubliés
C'est un corps maintenant qui se pose absent entre des bras orphelins
Sur le fil qui nous sépare sur le fil qui nous relie se posera une hirondelle
Les membres s'écartèlent et le torse se love : un nid qui se souvient
La colline dans le soir tremble de la crainte de la nuit
Il guette ton sommeil à l'affût des soupirs il est heureux Derrière le mur épais où les regards se brisent se conjugue l'amour Le soir qui vient, parfois a des couleurs amères : l'aube est si loin !
De toutes façons le vent le plus doux est plus fort que le chêne Aujourd'hui tu regardes le fleuve mais tu cherches encore la couleur de la mer Souvent tu l'as rêvée maintenant elle est là mais tu frissonnes
Deux bouches humides parlent la même langue
La nuit s'amoncelle en nappes légères sur les yeux du sommeil
Et le soleil aussi complice des sueurs rougit comme une peau
Il faut se hâter se gaver de caresses car la nuit passe vite
La nuit la ville est menaçante de ses impasses
Et les jours, l'un suivant l'autre repoussent loin le jour où il n'y aura plus de lumière
mais quelquefois la rue s'ouvre sur la lumière et les vagues espérées
Mais l'aube existe encore se prolonge et se perpétue par l'émerveillement des sourires
Le temps cruel pour qui attend ne prend que son temps
Parce que j'ai veillé ton sommeil tu m'as offert des rêves 3
Quelques Paroles sans Forme
Parce que je t'attends tu m'offres ta présence
La nuit se tait elle est timide
Un rêve qui se pose encore malgré les nuits glacées c'est une flamme brillante
Pourtant ma bouche avide de tes sueurs happe tes lèvres sauvages
Une foule de mots n'en dit pas autant que le silence des regards
Ces mots mal apprêtés il faut leur pardonner ils sont nés avec nous
Deux cuisses longues se croisent infiniment
Sous mes lèvres tes mots s'enroulent autour de ma langue comme un baiser
Quand on ferme les yeux l'odeur puissante et douce se colle à la rétine
Je les entends encore en écho à mes mots autres mais identiques
Je ne suis rien que toi quand dans ma main soumise tu pèses de ta joie
Un verbe ou un baiser se conjuguent au présent
Où es-tu que fais-tu quand s'inscrivent ces mots qui racontent ta peau
L'avenir pourtant au long des nuits songeuses souhaite la soif d'éternité
Celle-ci était douce à ma peau retenue comme une soif d'été
Non, trop peu de temps sépare encore la bouche du poème
Elle parlait de toi aux silencieux soupirs qu'imposaient nos voix
Il attend du gouffre le vertige de l'impatience
Tu coupes les paroles comme au ciel un oiseau tranche net un nuage
Il supporte les heures comme la terre la pluie il se grave de ta voix
J'ai ouvert la fenêtre sur le parfum des chênes et le manque de toi
Il s'écrit lentement sur la page soumise infiniment tendre 4
Quelques Paroles sans Forme
La mer caresse le sable mêle son sel aux grains de toute éternité
Elle saute de joie en joie brillante du souvenir se consumant de passés
L'absente rit dans ma tête
J'ai ouvert tous les livres aucun ne connaît ton nom mais tous parlent de toi
Le soleil est si doux sur la peau attentive Pourquoi marcher à l'ombre ? Le soir est plein de fraîcheur mais une hirondelle vient percer le ciel
Les mots chantent d'eux-mêmes pourquoi frapper encore d'un poing d'interrogation ? En me courbant souvent j'ai atteint l'âge d'homme il m'arrive encore de pleurer
Une odeur d'herbe coupée souligne le crépuscule la mélancolie sent bon ce soir
je t'ai regardée partir brillante de colère que fallait-il faire pour te garder ?
Finalement ils ont retrouvé toutes leurs feuilles les chênes morts cet hiver
parfois tu te sens abandonnée des mains dont la seule raison est se tendre vers toi
Tu n'es pas là bien sûr ma main serre le vide mes yeux embrassent la nuit
parfois tu te sens vidée de ce qui me submerge et qui, parfois, me noie
Tu n'es pas là où es-tu mon corps se questionne mes doigts brûlent inutilement
oui tu peux rêver bâtir cette histoire qui te ressemble mais ne la dilue pas
Cette chandelle qui se consume au fond de mes rétines est-ce un rêve que la réalité éteint ?
j'ai peur que tu t'éloignes parce que ton regard soupçonneux ne me reconnaît pas
La lune ne se lèvera pas trop de nuages obstruent le ciel
tu es partie sans hésitation sous tes talons impatients tu piétinais les miettes de mon coeur
Il suffit de fermer les yeux alors une flamme danse vibrante comme l'espoir
malgré cette béance de mon corps il faut ne pas tomber, se tenir immobile sous l'assaut des nausées 5
Quelques Paroles sans Forme
tes pensées sont comme des couteaux acérées aveugles presque avides de blessures et de sang
De longs crissements montent des prés le vent joue de chaque feuille je t'entends dans toutes les odeurs
interminable cette seconde où ton regard se ferme figé entre pitié et mépris
Le soleil trop intense fait clore les paupières
je m'interroge cherchant loin dans mes tripes ce que j'ai pu mal faire La réponse est : rien ! Précisément Je serai loin de toi mais à la face du monde je crierai la proximité Il ne faut pas craindre à force de temps passé que le temps s'use
Il suffit de savoir que l'autre part existe pour retrouver la paix Un rêve qui se pose encore malgré les nuits glacées c'est une flamme brillante Une foule de mots n'en dit pas autant que le silence des regards
Au bout du monde y a-t-il une frontière ?
or quand on ferme les yeux le silence parfois devient insoutenable
Tu ne cries pas tu ne dis rien tu restes là immobile à contenir la tempête
A voir la mer qui fouette les rivages tourmentés l'envie peut prendre de se perdre
Sur la scène le clown s'use à cacher sous le fard les rides de son coeur
il fait chaud le soleil comme un dard crève les épidermes et assèche les coeurs
Des mots mal contrôlés des pensées mal comprises des bleus au coeur
D'où viennent ces rumeurs qui transpercent les crânes ? du fond même des crânes ?
De présence en présence caresses sur caresses les demain se construisent
Tu as atteint le bord du monde t'en retourneras-tu ou feras-tu un autre pas ?
Combien de phrases creuses faut-il jeter dans le vent pour apprendre à écouter ?
La route se fait sentier pénible à chaque pas plus lourde mais la lumière est le but 6
Quelques Paroles sans Forme
Cette lumière vive et douce qui éclaire ton coeur va-t-elle vaciller ?
Les minutes légères du bonheur partagé passent sur nos vies pesantes comme un torrent sur la roche
Sous ce vent de colère qui cingle les sourires les caresses deviennent des gifles
Parfois tu es si lointaine que même les yeux fermés je ne peux te percevoir
Les bruits tonnent dans la tête la tempête est présente et le coeur s'éparpille
Et parfois tu es si proche que même mes doigts aveugles sauraient raconter ta peau
La fenêtre qui s'ouvre sur les souvenirs laisse entrer le soleil
Plusieurs fois il t'a conté les couleurs de tes paysages Leur resteras-tu longtemps aveugle ?
Le soleil qui te caresse effleure ma peau aussi
Il suit les signes de piste que tu t'ingénies à troubler mais sa patience te surprendras
Mes doigts jouent dans tes cheveux mes yeux jouent de tes yeux comme la lumière du printemps
Des mots bas que tu prononces il sait attendre le cri caché de tes lèvres rieuses
Le vent qui courbe le blé voit onduler l'océan mais la terre répond des épis
L'absence a des pudeurs qu'on maquille de rires
Combien de fois faut-il que des pas martèlent le limon gras pour que le sentier se change en route ?
Ses doigts tremblent d'hésiter entre la flamme de tes mains douces et le brasier de ton corps tendu
Tu t'élançais dans mes bras je m'élançais dans tes bras on ne s'est plus quitté dans ma tête
Ses yeux comme des bornes marquent sur ton corps le moindre de tes soupirs
Fille d'une goutte de pluie l'eau qui court de roche en roche est mère de l'océan
Le vide ne pourra exister tant qu'une seconde d'attente sera colorée d'espoir
Après avoir gravi la digue l'étendue calme apparaît comme une larme de la montagne
Tous les livres qui s'ouvrent décrivent ton sourire 7
Quelques Paroles sans Forme
Il déplace la peur la pose à la frange de sa conscience pour ouvrir la porte au courage
Je pense à toi je te respire tu es absente mais je te sais attentive aux ondulations de la nuit
Il vient de te laisser un sourire au bord des lèvres sa main se crispe loin de ta main
Je te connais nerveuse et douce tendre parfois tremblante de l'incertitude des heures
La joie submerge tant parfois qu'en parler est un supplice qui étouffe jusqu'aux larmes
Je te reconnais dans ces mains ouvertes sur demain
Dans le silence profond du crâne clos les sourires se teintent d'espoir
Je suis né de ton attention je respire de tes paroles un jour nous serons nous
Parfois ta peau parle pour toi qui ne dis rien qui te tais et dont les yeux se ferment un peu
Souvenir des sourires attention des caresses tes yeux vers l'horizon
Tu me frôles du bout des lèvres, ta langue tutoie ma langue Que peut-on dire de plus ?
Tu contemples la mer étale qui brûle dans le mauve du soir la falaise veille sur toi
Tes nerfs me jugent, me soupèsent serais-je déjà si lourd qu'il faille poser bagage ?
mon regard se remplit du sel et de l'odeur des pins qui se penchent sur toi
Ton sourire rattrape mes fuites apaise ces tremblements mais à qui le dédies-tu ?
le ciel est noir sans étoile un coeur désespéré dans la respiration des vagues
Je le reçois et m'en imprègne je m'en couvre et je t'en remercie ton sourire est mon lieu mon ancrage
Elle monte des galets couchés s'épanouit vers le crépuscule jusqu'aux soupirs et aux larmes
La nuit se grave de grenouilles l'air est pénétré de parfums le regard se referme sur toi
Tu la sens gonfler ton coeur de vapeur d'iode et de vent tu la vois quand tu fermes les yeux
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Quelques Paroles sans Forme
Tu repenses maintenant que tes pas sont loin du sable comme au dernier refuge
Pourtant s'il faut rêver ce n'est pas de mirage mais d'avenir solide
Dans un creux de ta mémoire que tu connais bien tu ranges les odeurs de sel et le goût du soleil
Offrira-t-il ses larmes lui dont le coeur est sec pour souiller le désert ?
Tu y reviens quelquefois quand la nausée du béton et des cris transporte tes dégoûts
Et ces mains qui s'avancent aveugles vers le jour n'ont qu'un espoir furtif
Si tu te penches sur tes mains que tu pensais orphelines tu verras qu'elles ne sont pas vides
Il faut chanter l'amour même le coeur vacant car demain n'est pas hier
Car tes doigts eux aussi se souviennent de l'eau du sable des caresses et du vent
Que de questions encore pèsent sur les mémoires pour soulager d'une réponse
Sur la route sinueuse qui mène jusqu'ici le soleil brille encore
Les doigts quêtent du vent le poids d'une caresse
Il arrive que les étoiles se perdent avant l'aube il suffit d'attendre le prochain crépuscule
Qui se souvient encore de ce chemin et mes pieds de plomb disent nous nous souvenons !
de nuits en nuits somnolentes qui se souviendra des vagues que le sable a subit ?
Il paraissait sans fin or c'était une impasse où s'est meurtri mon front.
La lune qui se lève quand le jour peine encore se sent-elle à sa place ?
Il y avait mes mains aussi tendues mais désarmées vers le prochain virage qui tremblent sur le vide de toi.
Elle l'est sûrement elle qui peut prédire la chaleur de demain
Oui, ma gorge ne peut crier tu as pris tous mes mots pour en faire un lambeau de ton histoire
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Quelques Paroles sans Forme
Tu m'as tendu cette coupe mais poserai-je mes lèvres sur ce bord où tant ont bu ?
Un nom ce n'est rien qu'un bruit à peine une histoire
Je le voulais pourtant accompagner ces sourires qui n'étaient pas pour moi
Certains laissent aux bruits le soin de peupler leurs cerveaux oubliant que l'histoire est finie, déjà
Je n'ai pas eu la force de sourire aux sourires et j'ai tourné les yeux
Oh je dirai ton nom aux doigts et aux rochers aux yeux et aux rivières
On raconte l'histoire on en rira pourtant la vivre fut douleur
Je graverai sur les rétines et le granit de sombres tremblements et la désespérance aveugle
La pluie glisse à nouveau après l'été sans larmes sur les caniveaux sales
L'histoire a commencé où commence le monde au bord des lèvres avec un sourire au bord de l'eau avec un galet
Un frisson vient ce soir poser sur la peau découverte comme un penser de toi
Oh je dirai ton nom aux rues et aux impasses Tous ceux qui sont perdus pourront le reconnaître
Qui ferme les yeux peut encore respirer ce crépuscule héraut de la nuit
Aux coins des chambres vides encore de la poussière qu'aucun doigt ne vient railler
Oh je dirai ton nom doucement il roulera sous ma langue jusqu'à ce que tous comprennent
Tout juste un peu de courant d'air la soulève mollement puis lentement elle se repose
Mais que comprendront-ils si leurs oreilles se ferment et que leurs yeux se voilent
Voilà la fin des temps où nos verbes étaient communs Oh j'oublierai ton nom.
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