Paroles tweetées III Clair Charpentier
Jusqu’au 30 avril 2018
Paroles tweetées III
04 février 2018
entre deux averses il se faufile au grenier vers la malle vide
le soleil d’hiver illumine la vapeur du premier café
la nuit sous l’auvent quand ils sortent de ma tête mes démons grimacent
chaque feuille entend sa propre histoire un frisson de joie ambiguë
il le coupe en heures mais arrivent les secondes il se coupe un doigt
heureux du retour près des flammes amicales surpris tout de même
silence des arbres dans la nuit noire ils chuchotent les pensées du vent
après les collines froid merveilleux et vermeil vient le crépuscule
dans la nuit d’hiver les tuiles claquent des dents l’auvent m’intimide
le vieux samouraï revenu du pays froid vient se réchauffer
pourquoi cette impatience j'ai soif de tes lèvres amour égaré oublié au fond d'une poche sombre il y a si longtemps je vais mourir bientôt et j'ai soif encore de ce jus d'abricot qui coulait de tes lèvres sur ma langue
un confidence hésite au bout de la langue et soudain éclate son sabre au fourreau d’un calame malhabile il écrit trois vers
je ne cherche pas le mot juste et sonore je prends le mot qui vient et le peint d'émotion
la nuit pour refuge je déserte la lumière c’est l’heure du rêve
les yeux se referment sur les émotions du jour — la nuit pour sourire
05 février 2018 le front sur la vitre dans la vapeur du café je compte les gouttes
06 février 2018
le reflet du ciel dans les flaques d’eau qui brillent d’un soleil étrange
le café qui passe lentement l’odeur efface la brume entêtée
malgré la pluie froide il a rejoint le jardin il reviendra vite
Orphée aux enfers ayant perdu Eurydice s’est perdu lui-même
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Paroles tweetées III
07 février 2018
tu lis attentive au son des pages tournées sonnerie… sursaut
une nuit grincheuse comme une rage de dent paupières collées
magique est le jour qui se lève le matin et je vis encore
matin embrouillé tu te lèves dans l’hiver bâillant de café
mon papa est mort j'ai pris sa place et bientôt je la laisserai
un grain après l’autre le temps et le café passent— sables des matins
en terre mon père m'a donné le goût du verbe et il perd ses vers
nous étions corps contre corps nageant sous les draps froissés et l'été pour couverture dans l'amour salé
loin un chien aboie le froid devient insistant silence la nuit
dans l'orangeraie imaginaire un vieux rat aiguise ses dents
entre les rochers sur le sable de la plage le sel et ma vie
mon cœur bat de travers des souvenirs qu'il traîne un bonheur sourit ici une déception geint par là un désir de corps ambré un rêve de peau pâle et surtout cette soif de nectar d'abricot qui pègue à ma mémoire une envie de revoir ses yeux noirs lumineux son sourire d'enfant de caresser encore ses seins comme des noix aux mamelons rigides d’écouter cette voix de basse mal accordée rayée de rires mon cœur bat de travers de l'espoir émietté dilué dans les sables du temps
nous rêvions tous les deux d'une vie pour nous deux emmêlés je pensais à son corps d'abricot juteux et ferme contre ma peau de gousse de fève ce n'était qu'un rêve hélas que nous faisions tous deux l'automne tôt venu j'ai choisi l'autre chemin sans abricot sans fèves salées le chemin bien tracé aux ornières profondes les fleurs de l'amandier aux amandes amères le train de nuit passe le sommeil vient me surprendre je le prends en marche un duvet se pose étoile plume éphémère au bord de l’auvent
il quittait le lit de la princesse indolente aux premiers rayons pour retrouver le sein ferme d’une fille aux maisons vertes
le ciel d’améthyste habille le souvenir d’un parfum d’iris
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Paroles tweetées III
sous l’auvent il gèle et dans le vent qui cisaille les étoiles geignent
little sister you're counting on your fingers days and birds that bloom your sky you are deluding your boredom by painting it in verses and you leave forgetting trim from your memory that one day I held your hand in the streets of paradise
sous le ciel ardent voilà la mer qui moutonne au vent du désir déjà dans le lit doux minou chauffe ma place — la nuit nous attend
à la fourche du chêne mort je prendrai à gauche jusqu'au bord du ravin des âmes défuntes et je m'élancerai en repliant mes ailes
dans le vent glacial je pisse sur les feuilles mortes pour les réchauffer vous souvenez-vous de ce désespoir madame quand il s’en alla vos manches mouillées de larmes me semblent avoir séché
claquemurés dans la chambre le vent claquait aux volets son corps aux lumières d'ambre riait s’envolait
soleil au visage je repousse le volet et le laisse entrer
silence mon cœur le gravier crisse sous le crâne les dents du râteau usant mon corps fatigué blessent le jardin de pierres
sourire en cuisine chanson de la cafetière parfum de café
l'auvent me protège des méandres de la nuit je dérive en paix
flaque de soleil — heureux comme un chat qui joue mon chat roule dedans
je pense à ceux-là qui n’ont pas le choix vivant dehors la nuit froide
je regarde l’heure midi un dernier café et le jour commence
la nuit me retient dans le frigo de l’auvent — souvenirs figés
petite sœur tu comptes sur tes doigts les jours et les oiseaux qui fleurissent ton ciel tu trompes ton ennui en le peignant de vers et tu laisses l’oubli rogner de ta mémoire qu’un jour j’ai tenu ta main dans les rues du paradis
mes pensées s’étirent entre brosse à dent et lit — mon chat a choisi
08 février 2018
une gifle de glace me surprend sous l’auvent -la nuit est jalouse j’irai rêver chez moi je rentrerai dans ma tête j’éteindrai la lumière 3
Paroles tweetées III
les crayons de soleils déborderont de tendresse dans toutes les coursives plus tard je le prendrai dans mes doigts engourdis et je dessinerai avec le crayons gris un monde effervescent
poussière dans l’air elle vole silencieuse subtile éloquence
09 février 2018 dans le bol du chat la glace est illuminée de rayons riant
petite sœur petite rainette à la peau d’émeraude aux yeux de jais éloigne-toi des crapauds ils ne sont pas méchants mais ce sont des crapauds
le café d’hiver debout contre le frigo dissipe les brumes il cligne des yeux absorbant tout le bonheur d’un soleil prodigue
le ciel pleure d'étoiles la nuit n'est que cendre sans braise et les sons de ma gorge vomissent de ténébreux silences qui se perdent dans la brume je songe à devenir un fantôme impassible traînant d'insolentes chaînes
nous avions à peine eu le temps de nous sourire d’un baiser salé il range sa plume comme il déposa son sabre avec un soupir depuis pour le vieux rônin l’encre s’est mêlée au sang
la nuit joue aux dés sur la piste les étoiles font un triple six
train de pensées creuses la fatigue me traverse comme un tunnel sombre
journée sans histoire le soir venu somnolent je refais mes contes
sur la pierre noire il pose la longue lame et la lame courte un pinceau un bâton d’encre il trace un dernier poème
la foule trépigne elle attend pour voir le prince et sa concubine — il parait seul brandissant la tête de l'empereur
quand les crayons se croisent ils invitent les mots à tracer des mésanges des goélands des fées des vapeurs de sourires des nuages d’amour alors un grand navire poursuivi par son erre accostera le quai les immenses aurores dépêchées par les aubes riront dans le ciel clair
dans la nuit laiteuse le silence de la lune à un jet de pierre
10 février 2018 lever dans le froid d'une chambre solitaire -laper un café
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Paroles tweetées III
âpreté du soir il recouvre ma mémoire de mélancolie
je reprends des forces les débris de la nuit restent au fond de la tasse
l’étoile vacille dans un ciel de glace noire — fragrances d’hiver
un soleil timide demande la permission d'entrer sans frapper
un semis d’étoiles jeté au vent des pensées dans le ciel de jais
par les vitres sales le pré recouvert de givre m'apparaît grisâtre
danser sur un fil pour éprouver le vertige des sables du temps
je vais vers midi déjà je ploie sous le poids du temps et des heures
la jonque arrimée le long de l'embarcadère piaffe d'impatience vers la grande île du nord la voile flaire le vent
je me souviens je marchais dans le jardin dans les rousseurs d'un automne il y avait longtemps déjà que nous étions devenus étrangers l'un à l'autre je me souviens de son corps de femme accablé par la vie un corps émouvant au ventre plissé des prégnances quand je dormais dans ses bras j'embrassais des galaxies brûlantes je me souviens il y a tant de soupirs que je ne peux oublier je me souviens
la nuit mon étoile guide mon regard vers toi mais tu es une autre ciel endolori par les piqûres d’étoiles la nuit capitule
11 février 2018 deux yeux sur la mousse le premier café se moque de mon indolence la fleur d'amandier mal fichue est cependant la première à rire
petite sœur comme j’aime ton rire même si je ne l’entends pas mais je l’imagine vivant comme les trilles d’un loriot un matin soyeux de printemps
regarde les anges leurs ailes noires de suie battent cependant
mon ciel est figé sur l’échine des collines — un soir sans limite
chemin des douaniers des empreintes de rencontres et d’amours en fraude
estran de mes tripes — le crabe aux pinces hautaines se prend pour mon dieu
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Paroles tweetées III
dans les limbes de ma mélancolie se promène un esprit fardé de noir le fantôme effrayant du désespoir un ténébreux cousin de la folie son reflet dans la psyché mal polie seul un cœur las peut le voir se mouvoir dans cette chambre aux relents de mouroir le parquet pleure une aigre mélodie le vent d’un souffle au bord de l’agonie l’accompagne d’un braiement de tiroir que l’on claque sur un sale mouchoir plein de l’humeur nauséeuse et pourrie d’un vieux crâne enrhumé et jubilatoire d’avoir reçu un bon coup de doloire
la tasse fêlée — le café désaccordé saute quelques notes rébus rebutant puis la caresse des gouttes nous ouvre les yeux mon chat sous la couette râle quand je prends ma place un couple de vieux — mais le matin il se venge en kidnappant mon fauteuil
j’aimais cette plage de sable et de galets mêlés j’aimais me promener entre ses bras de rochers l’hiver surtout quand le ciel lourd et froid m’assurait la solitude au bord du sel je laissais des traces que je voyais rongées par les reflux avides ainsi je passerai d’une empreinte à peine marquée au néant plat et salé d’un sable sans mémoire
les arbres gémissent le vent couvre la vallée d'un drap sans pitié je suis mort tant de fois que j'ai du mal à trouver quelle a été la bonne tous les cerfs-volants recherchent avidement l'or des arcs-en-ciel je ressens mes souvenirs comme une maladie dont on ne guérit pas
le vent sous l’auvent une odeur d’algue et de sel — on dirait le sud
petite sœur voilà je suis parti loin après ton horizon tu n'auras plus à soupirer de mes mots imbéciles d'ailleurs là où je rêve plus personne ne me remarque je est une ombre
la nuit me déborde un verre trop plein qui tremble quand il vient aux lèvres
le long du chemin des mouches nous suivons le fil de l’araignée jusqu’au secret des mygales
12 février 2018
j'ai rêvé de vous mon ange aux ailes de suie vous voliez si près de l'haleine du volcan que mon cœur s'est consumé
sur le dos du vent il chevauche jusqu'au port il dompte une jonque qui le conduira docile vers les chemins froids du nord
rêver d'un café avant de quitter le lit — mémoire odorante
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Paroles tweetées III
mais nous faisions l'amour comme des enfants elle, je l'ai aimée et elle aimait sans contrepartie et n'importe qui
vous dissimulez au miroir qui vous regarde votre perfidie d'un sourire plein d'audace vous vous fardez de mensonges
réveil boule au ventre les cauchemars me poursuivent un café refuge
petite sœur dans la fraicheur de la nuit me reviens la chaleur du sourire que tu posais sur mon sourire ils s’entrechoquaient comme deux coupes qui trinquent je marche à présent sur du verre brisé
matinal amant ton baiser incandescent mes lèvres d’ivresse
au bord de mes yeux une larme s’interroge sur sa raison d’être
un soleil d’hiver projette des dards glace et rit aux éclats
je m’accroche au soir j’imagine qu’il pourra sauver quelques mots
de lentes vagues mentent sur le sable salé des arômes de menthe glissent du bol fêlé et le ciel se lamente de mon cœur esseulé
des chaises qui grincent il fait sombre dans ma tête le soir passe à table
je range mon cœur bien au chaud dans sa charpente sans y voir très clair
13 février 2018
claquement de fouet le train dresse les traverses les rails marchent droit
elle, elle je l'ai aimée j'ai aimé son corps de jeune femme qui pourtant avait vécu à en être usé écartelé un corps qui se donnait sans contrepartie sans rien attendre elle faisait le service dans un hôtel sans étoile quand elle rentrait la nuit tard après son service elle était crevée si lessivée qu'elle ne prenait pas le temps d'une douche mais nous faisions l'amour ses cheveux sa peau sentaient la fritte et la Kronenbourg
guerrier sans armure je dépose ma besace de mots dérisoires
14 février 2018 le café m'appelle son arôme comme un cri de désir sauvage premières gorgées au soleil sur la terrasse un petit bonheur remonter aux sources pour ne plus boire en mémoire que les belles choses
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Paroles tweetées III
elle était de ces beautés qu'on ne remarque pas il fallait s'approcher écouter son rire et sa voix vous taquiner d'enfantillages pour s'apercevoir qu'elle était plus belle que l'aurore d'une beauté de commencement et de fin du monde une beauté sans artifice ponctuée de multiples défauts une beauté qui m'a ému jusqu'à lui gager mon âme quand elle me l'a rendue je me suis rendu compte que cette splendeur était un crépuscule écarlate
le soir est venu il m’a tapé sur l’épaule il a sursauté Amie si lointaine j'ai dit que je vous aimais vous souvenez-vous sous l'auvent glacial mes pensées brûlent encore pour me réchauffer les pièces du puzzle que ma tête a dispersées ne s’emboitent plus la nuit est complice de mes errements douteux et de trop d’indulgence
j’avais l’impression de vous connaître depuis l’aurore des temps
15 février 2018
de nouvelles feuilles dans les buissons épineux — ère du verseau
sur la mousse douce un cœur suit une arabesque d'odeur vaporeuse
petite sœur ton cœur de mésange s’est envolé à l’assaut de la lumière et d’un ciel d’aigue-marine mon cœur grenat lui s’est rayé à force de battre dans sa cage aux barreaux rouillés
j'irai volontiers rejoindre mon doux minou sous des draps d’orfèvre je porte à mes lèvres en offrande au souvenir sa faïence ardente dans le ciel d’étain quelques chandelles de cuivre sur l’autel des collines
elle a fait de lui une vieille serpillière sale un chiffon sans forme pas même capable de rôder dans les coins et pourtant qu’est-ce qu’il aimerait que ses mains de glace le tordent et l'essorent
durant cette année elle a été le rêve qui tachait les draps de mon adolescence dans la même classe jamais une parole entre nous le silence des regards seulement que je n'osais déchiffrer mes yeux savaient le langage d'un cœur de seize ans mais ils étaient aveugles
au bord du soupçon il la regarde passer la vie cette farce
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Paroles tweetées III
à son sourire ambigu maintenant je sais pourquoi il était narquois
la voile tendue la jonque quitte le quai ruisselant de crasse elle emporte dans ses cales les espoirs d'une autre rive
c’est sur l’embarcadère que dansent les crayons surtout les crayons bleus qui désirent le large
où es-tu maintenant fille au corps de citrine fille à la peau tendue de passion et de joies tu as quitté mes mains dans un éclair de rire soudain tu as glissé comme un serpent agile tu es vieille à présent aussi vieille que moi qu'est devenue ta peau aux ondes lancinantes et ta lèvre assoiffée qu'embrasse-t-elle encore nous nous sommes manqués et toujours tu me manques dans un autre univers nous retrouverons-nous car chacun de mes pas n'importe quelle route et chacun de mes gestes tout te raconte à moi
petite sœur le temps fraîchit le vent se renforce les feuilles de viorne et de laurier peinent sur leurs branches et toi tu vas sans souci des saisons, sans craindre l’orage et les gifles des rafales tu vas consciente que la vie est de ton côté inconsciente mon ombre se fond dans les plis de ma mémoire et pleure en silence mes doigts engourdis dans la nuit sous l'auvent froid comptent les étoiles
je partirai un jour ou une nuit peut-être nu comme un nouveau-né un animal sans maitre je laisserai mon corps aux insectes voraces et l’âme libre enfin dans sa peau de limace
le vieux fou rassemble dans le fond de sa tanière ses clameurs de hyène
ma dame écarlate je rêve de vous souvent matin je me lève les yeux rouges d’insomnie les souvenirs pleins de sang
silence soudain la nuit prend son tour de garde au bout du chemin
si douce et si tendre avant d’être calebasse elle était tropique
16 février 2018 debout contre le frigo je regarde sur la table la tasse et je me demande comment l'aborder
je te rêve encore miel arôme d'un été flamme aux yeux violents
la faïence leste m'invite à poser mes lèvres sur l’ourlet de braise
je suis un vieux fou une branche à la dérive qui croit aux étoiles
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Paroles tweetées III
petite sœur par les escaliers qui montent jusqu’aux étoiles tu passeras peut-être entre ce nuage là et cet autre-ci tous les deux sont ce qu’il reste des paroles échangées entre un vieux fou et une jeune insouciante de la vapeur dont on aura pas même une bruine
un sourire d'améthyste la peau qui frissonne au carrefour de l'arbre mort il attend la foudre des fantômes dansent dans la fumée que je souffle de ma cigarette je n'ai plus de cœur égaré dans les arômes d'un jardin de pierre entre les galets j'ai retrouvé le sel d'une sirène en pleur
peu à peu le soir distille son fiel perfide dans mes veines noires
pourtant je l'ai aimée elle n'était pas belle un corps trapu et rond des seins lourds et cependant solides mais une peau de squale lisse douce et halée quelle que soit la saison et des lèvres intimes qui attiraient ma verge dans un maelström de désir elle partageait sa vie entre sa vie et moi et puis je l'ai quittée non pas à cause d'elle mais à cause de moi qui était inconstant de nature infidèle vingt ans ont passé nous nous sommes revus la flamme était vivace encore vigoureuse en elle mais un crabe insolent m'avait coupé les ailes
sur le bord du nid il se tient en équilibre il jauge le vent le jeune ramier frissonne dès que l’ivresse l’emporte les couleurs s'effacent tous les papillons sont morts la nuit broie mes tripes sous le réverbère le vieux mur traine son ombre jusqu’au caniveau samouraï il pense qu'il ne devrait pas vieillir hélas ses mains tremblent et son regard émoussé ne voit que des souvenirs devant mes yeux dansent des lueurs imaginaires — le chemin des rêves
odeur de sel et de sable la plage et le vent du large bercent la chanson des vagues hiver sans méandre
17 février 2018 je porte à mes lèvres la promesse d'un jour fier de sa lumière
trainant un chagrin sur le chemin de halage comme un lourd chaland
un goût de cassis
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Paroles tweetées III
les secondes battent quand je remonte mon cœur d'un second café
petite sœur aux ailes de fée tu tournes et virevoltes autour du soleil comme le papillon de nuit qui se brûle les yeux autour de la lampe tu le sais bien pourtant tout ce qui brille ne dure pas quoi que tu penses le temps ternit même l’or
une odeur d'hiver accompagne les rafales d'un vent messager une fois nous avons passé une semaine sans quitter la chambre nous avons goûté tous les plats sa langue toque à mes dents toctoc qui s'entrouvrent et roule sur ma langue qui roule et mollit il faisait si froid sous les platanes nus de la contre-allée nous étions si couverts que j'ai dû les imaginer ses seins qui s'écrasaient contre ma poitrine ils étaient bien là pourtant pendant que mes mains gantées caressaient la laine de son duffle-coat
sous la lampe fade les ailes de mes pensées brûlent lentement il pleut sur le pré les viornes-tins de la haie sentent le cadavre les amoureux assis sur les berges du soir ont oublié demain ils ont jeté l'ancre au large d'une contrée qu'ils savent hostile ils s'affairent sur le pont à maquiller leur visage
au fond de la tasse les ombres des baobabs de Madagascar
sous l’auvent la nuit crisse dans les arbres nus — l’hiver s’impatiente
j'aurai les yeux bleus si vous me le demandez bleus comme l'enfer
sur la table de nuit je dépose les brouillons épars de mes rêves
j'ai fermé mon cœur à tous les futurs chalands — rupture de stock
18 février 2018
un sabre émoussé pour arme contre l’armée des ombres folles le vieux samouraï sans âge se repaît de sa défaite
lentement savoure sur ta langue inassouvie l'ardeur du café au fond de la tasse les contours de son cœur flou peu à peu se figent
mon rêve était si grand qu'il n'a pas pu tenir dans un si petit cœur 11
Paroles tweetées III
petite sœur entends-tu dans les branches encore nues les chants d’amours des oiseaux ils viennent de si loin pour que leur nids soient prêts aux premiers œufs écoute les chants d’amour
une vapeur danse et se roule dans l’arôme un café gitane le vieux sabre pèse à sa ceinture tendue du poids des combats et le fil toujours tranchant noircit de l'oubli du sang j'ai sur la langue encore le goût feuilleté de ses lèvres leur goût d'huître salée qui revenait par vague un parfum d'été de sable tiède et crissant le désir de mordiller un petit grain de rire de lécher ses humeurs jusqu'à nous enivrer de mes doigts laisser leurs empreintes jusqu'à sa peau de litchi qui me donnait la chair de poule j'étais saoul j'étais fou de son corps de ses cris de sa peau de pétale d'iris mais j'étais infirme aussi et je nous abandonnais au nord du gouffre des années les crabes avaient rongé le pont de liane
les branches sont nues — la plainte des feuilles mortes suis le promeneur le bois du vieux banc sous les chênes a vieilli d’une année encore pensif sous l’auvent je me souviens d’une gare qui n’existe pas prise dans le nasse tu cries de tes yeux salés petite crevette j'attends le train de nuit sur un quai imaginaire — une odeur de gare un train pour nulle part ajuste ses œillères et piaffe d’impatience
la ligne rompue le pêcheur rentre bredouille et la canne en berne
sous la cendre épaisse couve un feu inassouvi une plaie ancienne
quand tu dis que t'as plus de prostate plus de nerfs érectiles plus de sphincter sur l'urètre t'as beaucoup moins d'amies
la nuit est ivresse elle éclate dans ma tête en bulles de rire
19 février 2018
la vallée se plaint de ses routes encombrées et du bruit des roues
à cette heure matinale le café prend tout son sens je voudrais prendre mon temps pour le déguster
les nues diluées en longues traînées blanchâtres par l’ombre et le doute
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Paroles tweetées III
main dans la main nous attendions du soleil qu'il nous fasse un signe qu'il brûle nos peau nos chairs nos os pour que nos corps se fondent fusionnent en un corps à cœur charnel et incandescent sous l'ombre torride d'un pin torturé nous faisions l'amour l'offrande de nos corps purifiés par l'aube brûlante
entre les étoiles la jonque navigue à vue sous la pluie de roches il est temps d'atteindre l'île au delà de l'horizon dans la nuit blafarde sur le pont les hommes rêvent de corps indolents songe impudique de filles et de saké enivrant petite sœur tu portes sur tes épaules un fardeau qui semble trop lourd mais ce n’est qu’apparence tu avances sans crainte avec confiance vers l’avenir brillant
à travers la vitre j’entends le chant matinal d’une tronçonneuse pierre après pierre j’ai redressé un vieux mur bien plus vieux que moi petite sœur en quelle couleur teintes-tu tes rêves quand je les regardes les yeux dans les yeux ils sont couleur de soleil dans le ciel mais si je ferme les paupières je me souviens d’eux écarlates rouges sang sur le noir des nuages
c’est l’heure où mon chat s’esquive entre chien et loup pour troubler la lune d’une étoile à l’autre mon regard cherche la mienne désespérément sous la lune bleue les nues s'enfuient vers le nord jusqu'aux monts perdus
elle sait mentir comme un voleur de chevaux tout en se taisant
20 février 2018 le soleil s'étire une légère vapeur effleure ma tasse
un cavalier sombre caché dans les susuki frôle la chaumière et d’un katana vengeur il décapite le maître
au bout de mes cils quelques filaments de brume restent suspendus
Dame où étiez-vous j'ai arpenté le palais sans vous rencontrer ? une manche sous ses yeux cache son essoufflement
au bord de l'horizon nous étions assis épaule contre épaule
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Paroles tweetées III
c'est un matin clair comme l'écureuil sautant d'une branche à l'autre
quelques trous d’épingles dans linceul de la nuit — les étoiles cousent
sous la lampe pâle immobile l’esprit vide et les yeux aveugles
21 février 2018 volet repoussé virevolte dans mes yeux un premier flocon
le train de nuit part ses wagons chargés des rêves jetés aux orties
parfum de voyage je m'accoude au bastingage d'un café miracle
dans les yeux du ciel il n’y a pas que du bleu il y a des larmes
nous avions le vent aux trousses le rire au cœur avant d'escalader la montagne jusqu'au petit barrage où nous nous baignons dans sa retenue limpide nous courrions le long du ruisseau signant de nos pas l'empreinte du bonheur dans la douceur du sable nous étions des enfants et j'aimais son sourire fragile ses dents si petites et blanches qui frôlaient nos baisers elle est partie un soir et la crue de mes larmes a laissé sur le sable les branches mortes d'un espoir à peine germé
je ferme les yeux et sur mes lèvres revient un goût d'abricot sur la sente raide le vieux nōmin et sa mule soufflent de fatigue c’est la dernière ascension ils ne redescendront plus une lune roide traverse les nues blanchies la nuit est lumière
22 février 2018 cuisine encombrée sur l'étagère branlante une tasse hésite
une gaze fine estompe la silhouette des pins qui s'éveillent
ce premier café à la caresse espérée chuinte doucement
la pluie a laissé des traits de mélancolie sur les vitres sales
elle était elle était je ne saurais dire un été égaré en janvier une cerise bleue dans le panier de mai je riais de son insolence de ses mots narquois ses gestes impudiques j'aimais son corps de liane qui me propulsait si haut pour cueillir les étoiles
vieux fou pensait-elle mais elle ne disait rien écho du silence je rince ma tasse les cafés ont grignoté l’heure du pastis
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Paroles tweetées III
mais j'étais un jouet une marotte au sourire figé un guignol sans ficelle elle m'a posé là dans un coin de son cœur entre ses souvenirs d'enfant et son avenir propice je dialogue avec la poussière
elle la pauvre servante folle d'amour pour un dieu
sur le bras de mer qui scinde île et continent la jonque est en panne les hauts fonds ont eu raison de son arrogance hautaine
j'ai suivi mon chat il miaulait pour sa pitance avant un café
la source des rêves trop lentement s’est tarie mais je n’ai plus soif
23 février 2018
sur les carreaux froids d’un pas pressé je rejoint la tasse promise
petite sœur dans les nuages d’un sourire tu éloignes les monstres les orages ne t’effraient pas non plus tu te sens invincible mais tu railles des êtres sans défense et ce que tu crois force en toi est arrogance
j'entends ce vieux cœur et sa musique grinçante battre sans cadence elle a mis le feu et son regard ironique méprise les cendres je joue avec les maux jongler du rhume au cancer tous je les rattrape
le pont de la jonque est balayé par la rage d'une mer colère on dit que les vents divins ont noyé l’ost des mongols
dans la maison vide l'écho des vieilles rengaines jamais ne tarit il fuyait le monde comme on fuit le choléra mais le monde tourne
vous souvenez-vous quand mes doigts comptaient les pores de votre sourire
de mes doigts glacés j'allume une cigarette — la gorge me serre
dans ses larges manches elle cachait des mouchoirs pour tous ses amants
condamné à vivre je ne sais combien encore — un saut périlleux
la cambuse est froide le cuistot s'est endormi le riz s'est collé la révolte sourd du ventre de l'équipage affamé
nous avions fait serment de ne jamais nous perdre nous étions trop jeunes nous savions en vieux sages que nous serions séparés nous l'étions déjà
dans le char à bœuf elle écarte les lamelles pour voir le Genji
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Paroles tweetées III
un gouffre de vies différentes béait entre nous mais je n'ai jamais renié ce serment des années plus tard nous nous sommes revus autour d'une flamme éteinte
j’ouvre enfin les yeux le goût amer du café et de l’ambroisie
petite sœur je lis et relis tes mots sans amertume ils se maquillent d’affabilité de douceur caressante mais je sais qu’au fond tu as peu de compassion ainsi tu démontres à tes propres yeux que tu es une grande personne petite sœur si tu savais combien je te sais
une fleur sans nom sans couleur et sans parfum mon âme endormie
la vallée renâcle elle n'aime pas l'hiver qui souffle aux naseaux
va petite fille va où le vent te pousse la nuit est immense
je me levais tôt pour être sûr de ne pas rater le bus deux arrêts plus tard elle montait me tendait un regard furtif de ses yeux d'émeraude et souvent quand le bus était bondé nous étions si près que son parfum bon marché m'enivrait de voyages à Castellane elle descendait et jusqu'au terminus Préfecture je rêvais de palmiers à la fraise
des papillons luisent et franchissent mes paupières d’un froissement d’ailes
je vis dans le passé car je n'ai plus d'avenir et le présent sent le cadavre
j'ai le cœur froissé comme la veste de lin qui sent bon l'été
petite sœur au sourire trompeur la nuit estompe les ombres qu’il dissimule mais ton cœur t’appartient tu n’en partages que des miettes et souvent ce n’est qu’un courant d’air qu’on sent à peine sur la peau
i'm so tired today i cannot see in the sky the blue clouds of hope sous l'auvent frileux les vieux souvenirs déploient leurs ailes de brume
24 février 2018 sa vapeur me trouble j'imagine un papillon dans un champ de fleurs
le vent dans l’impasse lit les dernières nouvelles d’un journal froissé
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Paroles tweetées III
à travers l'imposte la nuit me fait de grands signes l'heure d'oublier
au fronton des ruines reste une inscription gravée — oublie-moi très vite
25 février 2018
ce soir le train rêve d'une gare sans escale où il serait libre
le froid rit de moi heureusement j'ai une arme café imparable
petite sœur sous l’auvent je pense à toi tu as grandi tout d’un coup tu as changé tes jouets tes robes et tes cahiers maintenant ton sourire est un peu moins spontané tu jauges d’abord à qui tu l’offres pas à moi qui suis trop loin pas à moi dont tu as oublié la couleur des mots
une fleur séchée dans mes cahiers d'écoliers un iris pensée le ciel de l'hiver frissonne dans le brouillard — un linceul de pluie la lumière et l'ombre l'espoir et le désespoir une étoile et moi
la nuit se déchire entre les lambeaux de brume en volutes blêmes
elle me donnait la réplique pendant que nous répétions le poète et l'amoureuse des Épiphanies les mots nous transcendaient rien n'existait que nous deux adolescents dans la tourmente de l'adolescence je voulais caresser sa peau de cuivre sa saveur d'abricot je sentais son corps immobile se propulser vers moi qui l'attendais mais nous n'étions pas seuls il y avait les autres qui jugeaient notre travail les déplacements le ton la vitesse la diction un jour elle m’a embrassé c'était en hiver sous les platanes sans feuille de la contre allée il faisait froid mais nos cœurs s'en moquait un jour je l'ai embrassée dans le soleil d'hiver
il crie d'espérance dans la nuit froide et l'oubli il crie sa démence le ciel se prépare à couvrir la nuit d’un drap — je serre l’écharpe
26 février 2018 matin malicieux — dans mon oreille une cigale traverse l'hiver un froid de pic à glace passe à travers la fenêtre un café brûlant les doigts engourdis hésitent sur le clavier — un haïku d'hiver elle avait jeté son choix sur moi elle une femme libre
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Paroles tweetées III
sans doute à cause de mes yeux qui semblaient toujours un peu perdus elle voulait jouer je me suis pris à son je mais je suis resté moi et parfois même je gagnais ce fut une belle partie de corps à corps sublimes mais pas de cœur à cœur ce qu'il m'arrive de regretter parfois ce fut une belle partie qui ne dura pas assez longtemps à mon avis d'esthète
sur la pierre froide qui condamnera ma tombe j'ai gravé son rire
souvent je me dis et si j'étais quelqu'un d'autre me reconnaitrais-je
je laisse l'auvent souffrir le froid à ma place c'est un auvent coriace
dans ma poche il y a le souvenir de son ombre qu'un jour j'ai bravée
la nuit me rattrape déjà comme un chien de meute elle jappe au train
j'aimais ses seins pathétiques fléchissant malgré son âge ils avaient sous mes caresses la force d'aimer j'aimais leur douceur de mère et leur mamelon de lait je léchais là un bonheur rond comme le monde des larmes de vergeture me racontaient son histoire tandis que son sexe avide glissait sur mon sexe j'aimais ses seins pathétiques dans l'ombre du désespoir et tous les deux nous pleurions en faisant l'amour
le dernier whisky la dernière cigarette salut à demain
Je suis vieux à présent, je n'ai plus d'avenir. Je remets en passant à la désespérance La charge de l'oubli, le soin de recouvrir Par de multiples plis, ma terne inexistence.
un cri silencieux il s'évade de mes lèvres dans la buée froide
petite sœur parfois tu fais dire à tes petits secrets ces minuscules choses que toi et moi seuls savions et qui roulaient sous mes doigts la nuit a caché la monnaie de ses étoiles au fond de ses yeux dans un bruit de fer le train coupe la parole aux chants de la plaine
27 février 2018 le froid vient du nord il est blanc comme un fantôme repeint à la chaux bientôt le matin une blessure écarlate ronge les collines j'aime ce café qui efface d'un arôme l'odeur de l'hiver
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Paroles tweetées III
le vent s'est figé un vieux brise-glace russe avant la débâcle
pour trancher ses veines il stérilise la lame — sage précaution !
je suis sans couleur inodore et insipide — l'air qui me respire
petite sœur sur un chemin pavé de joyaux tu sautes et tu danses jusqu'au bout en riant tu ignores l'ornière que mon cœur chancelant n'a pas su franchir
il lui écrivait des poèmes aux couleurs de flammes ardentes à la rime subtile cachée dans l'insignifiance il n'écrivait pas il disait ce café est amer ou bien viens on va promener des mots de la semaine des mots d'ouvrier qui sait à peine lire il était typographe pourtant c'est dire s'il avait du caractère trempé à l'antimoine pas des mots du dimanche qu'il ne comprenait pas des mots bon marché il l'aimait et lui écrivait des poèmes tous les jours en se levant et le soir fatigué mais souriant il ne se plaignait pas de la soupe froide il en faisait un poème et même depuis qu'il est mort ma mère aime toujours mon père
je pose mes songes sur la frange de l’hiver j’aspire à l’oubli les ombres me guettent sourdement elles ricanent lorsque je les frôles j’ai posé mes rêves bien à l’abri dans la malle de papier noircis
28 février 2018 la mer de café un navire fend la mousse au port de mes lèvres pensif et frileux sous l'auvent mes doigts de glace brisaient les étoiles houle dans ma tête le sel assaille ma coque le vent me renverse
katana sanglant qu'il glisse dans son fourreau le rônin sourit il n'a vraiment plus de maître oublié le seppuku
elle avait des allures de mec toujours en jeans un gros blouson de cuir et une coupe de mec c'est elle qui un soir m'a pris la main l'a posée sur sa cuisse et qui m'a dit viens d'un feulement éteint je n'avais rien du biker de grand chemin
la nuit sous la lampe à la lueur lente et lasse je me mens des vies sourire figé je prends la gifle des mots qu'elle me vomit 19
Paroles tweetées III
j'étais même plutôt éteint mais voilà c'est comme ça a-t-elle ajouté quand sa bouche avala mes lèvres tout le resto s'est retourné et elle a rit nous avons rit dans mes bras elle ne pesait rien mais son désir et mon désir mêlés ont explosé dans les étoiles
le vent de cisaille qui rabroue les feuilles mortes me tranche les doigts
01 mars 2018 au-dessus des lèvres une moustache de mousse me fait un sourire devant la cheminée nous parlions de rien de tout sans nous regarder le nez dans son thé le mien dans la tisane qu'elle m'avait proposée pour l'avoir raccompagnée un soir de grand froid je n'aime pas le thé ce fut un tilleul-menthe qui réchauffait mes doigts de longs silences ponctuaient nos phrases courtes puis ensemble deux mots prononcés au même instant "et si..." nous nous sommes regardés nos yeux se sont mis à rire ensemble et brusquement debout l'un face à l'autre dans la lueur des flammes et une confusion des corps des lèvres des langues les vêtements maladroitement ont volé à travers la pièce dans le crépitement du feu et la mélodie des caresses d'une étreinte longue et féroce longtemps nous l'avions retenue nous sommes restés comme ça peau à peau bouche à bouche sexe à sexe jusqu'à ce que la flamme tombe son lit fut l'océan le plafond un ciel gorgé d'étoiles jamais rassasiés les jours succédant aux nuits mais j'ai dû repartir oubliant ma cravate
ils se désespèrent la jonque est encalminée depuis si longtemps les vents divins ricanant ont choisi une autre route petite sœur j’ai froid loin de toi l’hiver oppresse mon cœur et une brume spectrale enveloppe mes souvenirs d’une gangue humide et glacée patiente mon cœur quand le printemps reviendra percera l’oubli sous l’auvent prudent je bois des gorgées de froid — la nuit est amère perte de mémoire je sens mon cœur qui s'apaise nuit noire et oubli un bleu si profond une gangue autour des arbres couleur de la nuit le froid revenu toutes les feuilles sont mortes frissons sous l’auvent la brume des songes parcourt le ciel sous la lune aux yeux impavides
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Paroles tweetées III
mon chat est sensible s'il voit un Tom et Jerry il pleure et salive
la fourbe nuit rampe comme un serpent fatigué dans mes souvenirs
sous la frondaison il suit la rive en songeant à sa peau de lait là il a perdu sa trace dans le sable de la berge
02 mars 2018 la vapeur ambrée d'un premier café brûlant caresse ineffable
cachée sous les pierres construite par des fourmis une ville immense
je range mes rêves dans la boîte d'un vieux puzzle trop souvent défait
murmure des vagues si loin de la mer pourtant j’entends leurs caresses
salon silencieux j'écoute mes souvenirs les pieds sur la table
loin à l'horizon une île verte surgit du bourgeon des flots suinte un mystère hostile la peur des forêts grandit
de sa voix grave et douce elle léchait mon cœur le berçait l'embrassait le serrait sur ses seins ses lèvres murmuraient à ma bouche attentive tous les mots inconnus que ma langue crédule tentait de déchiffrer j'avais les mains curieuses de ses plis ses rondeurs et ses mains impatientes provoquaient ma vigueur nous prenions notre temps comme on prend l'omnibus arrêt à chaque gare descente sur le quai pour voir le paysage au bord des grandes lèvre’ elle tentait mes doigts d'un fin grain de beauté elle tentait mes lèvres nous allions doucement je n'étais pas pressé elle était paresseuse et sa peau d'orientale riait de mon teint glabre puis peu à peu le puits d'un intense désir débordait de nos corps sans chercher je trouvais la porte des soupirs je crois qu'en un instant et pour un temps sans poids chacun devenait l'autre au bord de l’inconnu aujourd'hui me revient sa voix qui me disait qui me disait qui me disait qui me disait
un vent acéré comme une courte lame les branches frissonnent petite sœur ne frappe pas si fort sur les gongs de l’hiver les maillets vont t’échapper des mains et tes doigts alors hurleront de froid
la pluie a cessé des plages des bois flottés sur le bord des flaques
dans le ciel d’étain lentes passent les corneilles vers le noir clocher
dans la matinée je déviderai pour toi un fil de dentelle
tout le désert souffle aux naseaux de la monture mais la selle est vide elle l'a désarçonné au milieu du sable aride
deux trous dans les nues deux yeux tristes me regardent une larme coule
les bruits de la plaine poussés par le vent humide déchirent l'auvent
sa peau d'abricot que tes paumes modelaient t'en rappelles-tu
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Paroles tweetées III
il eut fallu plus d'un tour pour en déplisser les courbes
elle venait vers moi presque à reculons traînant son mal être comme un sac trop plein j'avais compris ce n'était pas la première fois que je me faisais larguer pourtant je pensais que nous c'était bien nous n'avons pas échangé une parole elle m'a regardé d'un visage triste et défait mes yeux s'embuaient je n'y pouvais rien j'ai posé une main sur son épaule elle s'est approchée s'est serrée contre moi doucement une envie d'elle soudain mais je n'ai pas bougé pétrifié presque mes lèvres sur sa tempe se sont attardées un peu trop longtemps puis je suis parti sans me retourner il faisait beau ce jour-là un joli jour de mai les drisses qui claquaient au vent petit chantaient dans le petit port au bout de la digue je me suis assis au pied du fanal et j'ai pleuré depuis la mer est salée
poissons dans le ciel le chant feutré de la lune orne leurs écailles petite sœur je frissonne j’ai froid dans mon corps mes yeux brillent de fièvre je ne peux t’approcher il faut que ton sourire ne soit pas terni sur le pont les hommes manœuvrent la toile raide d’embruns et de sel ils profitent du beau temps pour se moquer des tempêtes dans la chambre sombre le coin des rêves perdus parfois s'illumine auvent silencieux — des miettes de souvenirs hantent ma mémoire frissons sous l’auvent l’hiver qui revient secoue la lune embrumée
03 mars 2018 mille chants d’oiseaux m’ont accueilli au lever d’un jour hésitant
nous nous sommes aimés souvent à contretemps souvent je l'ai quittée pour revenir pleurer son pardon souvent elle s'éloignait et son repentir me troublait pourtant jamais nous ne vécûmes ensemble il y eut quelques parenthèses heureuses mais les crabes ont eu raison de sa patience
la dernière goutte je la déguste du bout de ma langue avide dans le vent léger sèche et craque l'espérance comme du bois mort je suis ténébreux et le prince d'Aquitaine m'a coupé les ailes
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Paroles tweetées III
dans un flottement elle s’enflamme et offre souffle feu à la chandelle
des éclats de glace frisent dans le ciel d'hiver la nuit est prodigue
je m’étais assis sur le vieux banc sous les chênes — envol des ramiers
assis côte à côte sur un banc de la contre-allée (il y en avait encore à cette époque des bancs sur la contre-allée) nos mains se sont trouvées sans vraiment se chercher octobre déjà quelques feuilles mortes chutaient en silence l'automne s'installait même dans nos cœurs mélancoliques j'ai serré sa main trop fort un soupir retenu s'échappa de ses lèvres dans ma bouche j’ai pris ce soupir l'ai roulé sur la langue son gémissement devint bleu au milieu des promeneurs comme une feuille verte notre baiser d'abricot sucré a rendu sourire aux platanes
petite sœur des gouttes de fièvre perlent de mon front ma voix qui se raye et mes yeux exaltés te conjurent de t’éloigner mais tu es déjà loin et depuis si longtemps insensible à tout je laisse glisser le temps sur un gros tas d’heures à l’envers les yeux indifférents dévisagent l’agonie des rêves la nuit me bercera le temps de finir mon verre je vais vers l'oubli
04 mars 2018 la tasse a la fièvre le café a ce matin un goût de goudron
j’ouvre tous les placards, pas de tisane ! il est vrai qu’en dehors des cancers je n’étais jamais malade
café goût dégoût l’estomac au bords des lèvres ma tête titube
je l'aimais et jamais je ne le lui ai assez dit je l'aimais tant que mon corps se dérobait incapable impuissant qu'il était d'assumer cet amour dément j'aimais sa voix de chatte sa peau d'abricot ses seins de printemps
les bourgeons des chênes après l'hiver indécis vont céder aux feuilles louve occidentale tu déchires mes défenses d'un regard de feu
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Paroles tweetées III
j'aimais sa langue et ses mains je l'aimais comme l'éternité mais j'étais impuissant nous nous sommes quittés sans un mot sur des rancœurs et une défaite j'ai vécu une autre vie mais c'est avec elle que j'aurais voulu rire cinquante ans trop tard elle manque encore
05 mars 2018 sur les carreaux froids d’un pas pressé je rejoins la tasse promise un café je glisse lentement dans la cuisine la tasse est patiente j'ai des mots pour te voir des yeux qui te modèlent mon astre invisible
je n'ai pas d'histoire je ne suis que des histoires succession de plages enclavées entre les roches de mésaventures grises
la nuit pour compagne je traverse un champ de rêves de plus en plus gris
je me souviens de ce rêve la jeune fille brune belle comme un matin d'été qui me prenait la main et m'entrainait dans son rire elle était si jeune claire comme une source et elle riait, riait, riait elle m'a embrassé d'un baiser de praline et nous dansions sur la brume de mer dans ses yeux la Méditerranée rêvait de Pacifique ses cheveux noirs sur mes joues se moquaient de la nuit je me souviens c'était un rêve le lendemain je l'ai croisée en allant au boulot nos regards aussi se sont croisés j'ai souri elle m'a souri d'un clin d'œil ironique je sais c'était un rêve mais ce clin d'œil...
pas de vent pas de bruit sur la route sans fin qui ne mène à rien
il pense au chemin brillant d'un feu d'améthyste qui s'est dérobé
le cœur ne bat plus il repose dans l’hiver sans espoir de printemps
que pouvait-il attendre le gouffre était trop profond et infranchissable
tu es fil d'Ariane la solution de Dédale Amie mon amie je suis transparence d'une eau calme et limpide un lac empoisonné vous mères amères j'ai peur de vos mains transpirantes de nuit jaune j'ai ce bleu au cœur et de chaque battement il ne guérit pas ils ont voulu se battre à coup de mots d’airain mais tu es leur armure
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Paroles tweetées III
il ne pleure pas sur la route ensoleillée il ne fait pas d'ombre
dans le caniveau minot je m'imaginais déjà capitaine
il sent sa présence au delà du mur des songes tangible est le rêve
sur un paquebot assis au bord du trottoir je fendais les flots
petite sœur j’espère que tu as bien mis ton cœur à l’abri il pleuvait fort ici les gouttes épaisses ont brouillé ma vue ont dilué mes larmes et j’ai perdu le goût du sel
dans le ciel maussade les nuages béent parfois sur un cœur de ciel c’était comme ça nous ne vivrions pas ensemble nous attendions le syndic pour l'état des lieux dans l'appartement vide il était en retard et nous trop en avance comme bien souvent je m'étais trompé d'heure aucune parole des regards lassés et mes yeux se perdaient dans la chambre vide ses doigts impatients fulminaient sur le chambranle une messe un requiem pressés d'en finir j'ai replacé les meubles et j'ai refait le lit son miroir la coiffeuse l'étagère et quelques livres je ne l'entendais plus mais nous saccagions les draps puis il est arrivé avec ses formulaires mettre un point final
de subtils parfums accourent à ma mémoire parfums d’un jardin aux herbes aromatiques qui s’ouvrait sur nos poèmes cavalier sans cavale il quête sous les nuages des moulins sans vent on croise parfois la mélancolie le soir le long des routes une brume humide sur les dalles qui scintillent — la lune pensive
06 mars 2018 troublé je regarde danser langoureusement l'arôme indécent
j'étais le héraut d'une princesse endormie je hurlais son nom
j'étais seul un coin de table pour m'abriter des regards elle est venue pour m'offrir un verre et sourire
statue impavide sa peau de mélancolie grise sous la pluie
auprès de la haie le buisson de viorne aspire l'odeur de la pluie
jusqu'au bord des lèvres une larme a dessiné la coda d'un rêve 25
Paroles tweetées III
s’asseoir sur un banc parler avec des amies qui rient dans mon cœur
lumière d'étoile perdue dans la nuit brumeuse mon cœur est mes yeux
c'était l'été de tous les espoirs depuis le printemps déjà nous allions main dans la main sur les routes pavées d'avenir j'avais laissé les souvenirs au début du chemin quand ils revinrent me frapper dans le dos c'était l'été mais l'hiver sous mes pas
il fait doux ce soir mais les parfums du printemps se font bien attendre la flamme éphémère de la dernière allumette — partir en fumée dans le ciel maussade les nuages béent parfois sur un cœur de ciel
l'avocat est mort il ne plaidera jamais tribunal d'hiver
sur le contre-ciel surgit soudain le fantôme d’un chêne effeuillé
à la croisée des chemins j'ai pris la mauvaise route celle qui était droite et brillait de diamants
prends le temps d’aimer même ceux que tu soupçonnes de ne pas t’aimer samouraï sans maître sa lame pour confidente il tranche l'espoir
elle refusait de me présenter ses filles elle préférait courir les formule 1 et autres novotel pour un après-midi d'amour en clandestins parfois c'était leur chambre quand il n'était pas là une histoire sordide un mauvais vaudeville ça a duré duré des années jusqu'à ce qu'elle choisisse un divorce et une rupture parfois je souris et regrette les hôtels bon marché
je ne dis plus rien mes paroles sont buée sur les vitres froides
07 mars 2018 tout un monde chaud de parfums et de caresses dans une dosette j’ai laissé durer dans la tasse du second le premier café près de vous Amie je fais mon marché d'espoir et de jours sucrés
ma nuit échanson verse une coupe d'oubli de rêve au passé
tombé de mon cœur un caillou dans la chaussure je boite bien bas
j'offre mes paroles à l'hiver et à la nuit au silence complice
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Paroles tweetées III
nous nous parlions peu près de la machine à café seulement du boulot elle était si petite et si près de moi quand elle penchait la tête si loin sur la nuque qu'elle semblait regarder le ciel au delà de mes yeux un soir en rentrant de vacances je n'ai pu résister je la savais seule ce soir-là je lui téléphone elle vient me rejoindre nous avons laissé refroidir le repas à peine bu un verre nous parlions sans nous interrompre puis un long silence propice aux anges son corps si menu dans mes bras devint l'univers sa bouche au goût de Saint-Amour a récité ma langue nous avons fait le tour plusieurs fois de mon lit elle avait une peau d'Amazone et ses anacondas m'entrainaient au bout du souffle c'était l'hiver le soleil nous a offert une longue nuit sans sommeil mais l'a illuminée de rayons torrides elle est devenue ma sirène et j'étais son pêcheur nous avons tout quitté pour garder seuls à nous nos soupirs nos caresses et nous voilà frileux aujourd'hui attendant sans passion l'employé du syndic pour un état des lieux
j'ai rêvé de vous madame au cœur de granit d'un sommeil de craie au tableau noir du chagrin j'ai tracé le désespoir la lune s'ébroue au milieu des nuages elle y laisse une oreille à travers la baie j'ai fendu la nuit épaisse jusqu'à mon étoile loin après les nues je bondis à la rencontre d'une étoile morte
08 mars 2018 clin d’œil du soleil dans la cuisine embaumée — odeur de café les bruits de la nuit sont silence et froissements — les pensées dérivent le vent est tombé une cape de silence enrobe la nuit la première étoile a piqué l'orbe du ciel une larme coule c'est un train de nuit qui n'a toujours pas d'amis voyageurs pressés le train de nuit part de son improbable gare et wagons comblés
je vous aime Amie avec vos mots acérés d'un sourire ironique
elle semblait triste irrémédiable triste par moment pourtant un sourire fugace plissait ses lèvres quand je souriais
je suis un train d'ombre et je traverse la nuit sur des rails rouillés
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Paroles tweetées III
un ciel de printemps que traversent les nuages dans des cris d’oiseaux
courir sous la lune pour attraper les rayons qu’elle nous lançait
un ciel sans hachure le thermomètre sourit l’hiver est en pause
un sifflet de train la nuit et la brume aveugles rient de désespoir
crépuscule terne c’est à peine si le ciel fait semblant de luire
09 mars 2018 les yeux pleins de nuit je repousse le volet de l'incertitude
les ombres sont nettes malgré la lumière floue les visages blêmes
douce et veloutée la mousse appelle à mes lèvres le goût de ses lèvres
je me suis perdu dans ses replis et ses ombres sa forêt humide
elle était mon ancrage le havre d'une vie passée de port en port à naviguer à vue surtout dans le brouillard je retrouvais chez elle table mise et chaleur jamais une question toujours le verbe neutre c'est moi qui lui parlais lui racontais les vagues lui disais les tempêtes l'étreinte des cordages et elle souriais d'un sourire un peu las un peu triste aussi parce que cette histoire elle l'avait entendue mille fois déjà et puis rassasié reposé je quittais ses bras amis pour une autre traversée tout aussi imprévisible un soir je suis rentré le foyer était froid porte close maison vendue j'ai pleuré sa lassitude au nœud de la solitude je me suis pendu
petite sœur je te parle et tu me réponds d’un sourire comme si tu n’avais plus rien à dire c’est sans doute le cas nous n’avons plus rien à nous dire qu’un sourire lointain un signe de la main l’écran de la nuit pulse un moment et se fige sur les souvenirs un ciel d’hiver sombre accable de tout son froid les premiers bourgeons ce soir je nous vois au bord du petit ruisseau nus sous les étoiles toujours ce vieux train bringuebalant sur les rails et rayant la nuit un grand pin fantôme qui se dresse dans la nuit ombre de l’été
c'est un vent timide qui me parle sous l'auvent de rêves futiles
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Paroles tweetées III
pendue aux nuages une étoile facétieuse fait du sky nautique
madame où vas-tu sans te retourner n'oublie pas qui restent
silence profond j'entends mon cœur qui se brise sur les murs du vide
brumes hachurées la nuit implore merci au vent qui ricane
dans le virtuel les mensonges effrontés sont toujours sincères
nous avons essayé pourtant de suivre le même chemin elle jeune débutante à la merci d'une mutation et moi vieux roulier mais déjà installé nous étions dans la même galère elle était seule une fois de plus je vivais seul aussi entre deux tempêtes c'était le mai le joli mai à la terrasse d'un bistrot je comptais les feuilles des platanes du boulevard Baille un demi pour complice elle rentrait chez elle des tomates dans son panier nous avions été collègues avec quelques paroles nous avons échangés un Sweppes et une autre bière puis les tomates chez elle j'ai rendu l'invitation avec des pizzas livrées pas très bonnes d'ailleurs nous habitions à deux pas l'un de l'autre il me fut facile quand j'eus quitté mon appart délaissé de poser mon sac chez elle un sac c'était tout nous sommes restés des semaines à nous apprivoiser elle un fennec craintif du moindre mouvement moi un vieux chien bougon que le bruit indispose mais nos corps ont fini par trouver un accord le mien une jeunesse le sien le sens du cri sont venus les nominations bien sûr j'étais inamovible
je suis d'un pays où les mots n'existent pas seuls les rêves disent midi des nuages viennent provoquer la brume sur le Garlaban sensation étrange toute la journée j’étais au bord de la nuit sur le point du soir de lentes lueurs soulignent mon lent crépuscule plafond de nuages bordés d’argent sur un ciel affligé de noir ce ne fut qu'un été mais des souvenirs soleil j'en ai plein la peau une nuit de mars entre printemps et hiver — ombres incertaines mon chat s’est glissé sous la douceur de la couette je vais le rejoindre
10 mars 2018 café mon désir il attend dans sa dosette le feu de l'amour
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Paroles tweetées III
mais elle partait dans le Forez profond j'ai essayé pourtant de faire les trajets mais la ville me manquait à elle aussi d'ailleurs mais elle n'y pouvait rien j'ai abandonné le sucre des caresses pour des rues pisseuses que je hais à présent
pluie horizontale j'écoute le cri oblique des premiers crapauds
11 mars 2018
un corps de bouddha et une âme identique petite et ronde comme le monde elle m'avait ramassé après une chute brutale une raclée mémorable j'avais fini par aimer ses courbes aux rondeurs oubliables à l'aimer tout simplement toujours lisse et humide son corps m'accueillait me cueillait et je raidissais comme un bâton de marche pour aller plus profond explorer ses ravines découvrir chaque fois un lieu une nouvelle brèche et m'abreuver de cris sa peau de jeune italienne me guidait me prenait par la main et m'accompagnait d'un parcours enchanté elle savait que je m'en irai sûrement un matin elle ne pouvais me retenir que la nuit dans ses alcôves et elle passait les soirs à essuyer mes larmes nous nous sommes revus vingt ans plus tard je venais à nouveau d'enterrer une fable mais je n'étais plus moi un crabe avait mordu et rompu tous les câbles je tenais du miracle nous avons essayé mais non nous avions appris ce que trop tard veut dire
douceur du café des broussailles de la nuit j'oublie les épines
sous l'auvent j'entends le vent fâché qui tempête la pluie qui claquette
samedi de bruine dehors les dalles luisent sourient tristement je vais sans élan comme l'eau je suis la pente inquiet jusqu'au Styx sur le quai du jour après une nuit de fièvre j’accoste éreinté la même amertume la même brûlure au fond de mon estomac comme hier comme avant-hier la fièvre corrompt le goût de nuit sur la route seul le ronron du moteur j’avais bien compris le soir là déjà avec ses dés et ses cartes derrière la porte on oublie parfois à force de temps perdu que notre cœur bat une bruine tiède se colle aux pins embrumés cœur dans la mélasse
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Paroles tweetées III
tasse sous le nez j’écoute sur les carreaux le jazz de la pluie
boire un café tiède pour être allé au portail répondre au facteur
des branches ployées des larmes tombent encore — long est le chagrin
le soleil de mars parfois est si généreux qu’on rêve de mai
lentement je passe le seuil de granit épais je me sens des ailes
un crapaud raconte sa journée sous les feuilles il a toute la nuit
le ciel est violet je sens son parfum d'iris le ciel est violent
c'est dimanche soir les routes de la vallée en tremblent encore
comme un drap trop vieux le vent déchire ma peau sensation de sable
la nuit monte en moi comme une nausée glaciale mes fantômes rient
au bord de l’étang une rainette muette parmi les crapauds de leur hommage insistant elle brille sous la lune
dans les viornes-tin un gros merle sans vergogne fait fuir les mésanges bientôt je pourrais m'installer sur la terrasse au chant du loriot
petite sœur te souviens-tu du printemps l’année dernière tu riais, tu dansais sous les amandiers et dans tes cheveux des pétales de neige te couronnaient princesse
sur la pierre froide d'un quai de gare improbable j'attends le train sombre mes doigts entre ses lèvres ont libéré son cri c'était le cri funèbre d'un amour mal écrit un cri de jouissance mais le cri du regret de ma propre impuissance à percer son secret
comme une encre épaisse la nuit rode autour de moi ses mots de ténèbres les yeux s’alourdissent — tant que l’on reste éveillé la nuit semble douce
je n'ai gardé d'elle que la fin d'un printemps l'été allait être pourri et il l'a été elle est partie dans un vrombissement d'ailes vers une île si lointaine que jamais je n'aurais eu assez d'ailes pour la rejoindre elle fut la parenthèse
12 mars 2018 rien que d'y penser la journée s'annonce bien -ce premier café !
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Paroles tweetées III
un clin d'œil dans ma vie une hirondelle sans nid nous n'étions pas doués mais avions le même goût pour la photo nous taillions parfois les cours personne ne s'en rendait compte pour aller au-dessus de Canaille dans la garrigue étouffante pour fixer la mémoire du thym de la sauge et des genêts de quelques pins rabougris des goélands des voiliers tout en dessous de nous jamais de nos visages ou de nous-mêmes nous ne primes un cliché par timidité ou décence sans doute avant de nous séparer elle me tendit une photo d'elle en surimpression d'une grille de fenêtre ouverte sur la nuit j'ai eu comme un malaise elle s'était enfermée d'elle-même dans sa propre histoire avec son mari comme j'étais lié à ma vie puis elle est partie dans le cri brûlant de tuyères perverses
13 mars 2018 doucement je souffle sur la carte du Brésil samba du café crapaud insolent de son cris de gorge grave il creuse la nuit de dessous l'auvent une seule étoile crie perdue dans le ciel nous étions si jeunes elle était si jeune mais déjà une femme pointait ses seins insolents sous son pull tendu elle laissait mes mains décrire à mon désir la courbe des collines le fond des ravines de son corps incandescent nous étions si jeunes des enfants encore avec des vœux d'adultes ses mains dans mes cheveux faisaient leur moisson de soupirs elle me tendait une bouche au goût de fraise une langue agile et douce et mes lèvres et ma langue y mettaient le feu contre les papillons de son ventre mon sexe battait des pulsations de mes artères mes doigts frôlaient ses lèvres à travers sa culotte puis ils écartaient ce voile et se gorgeaient de son humidité nous étions si jeunes treize ans à peine et moi à peine plus je ne suis jamais allé plus loin l'aurait-elle voulu accepté il m'arrive à présent de regretter la question que je ne lui ai jamais posée elle était ma première amoureuse j'étais son premier amour
prostré dans le soir les pensées encalminées je cherche une porte petite sœur au regard de sable la plage était si grande tu as couru jusqu’aux roches rouges et déjà les vagues avalaient tes empreintes de toi il ne reste que le bruit de la mer au fond d’un coquillage les crapauds se taisent la cigale familière me pince l’oreille 32
Paroles tweetées III
je rêve éveillé d'une jonque ensommeillée sous un soleil d'or elle attend son équipage serai-je son capitaine
sous un feu d'étoiles lugubre froide et sans lien l'âme vagabonde le ciel est aveugle pourtant quelques trous d’épingle forcent le barrage
minuit voilà l'heure où je dresse mes fantômes au fouet des paroles
dans le nuit figées les lumières d’une ville au souffle incertain
le vent tord les manches des chemises étendues qui claquent des dents
sur des rails sonores un train piaffe dans la nuit il veut déboiter
le chemin du nord vers Hokkaido la blanche nous ferons un feu de la lueur des étoiles sur la jonque aux voiles d’or
le sommeil remporte le bras de fer en trichant je vais me coucher
le vent vient du sud ses cales aux senteurs lourdes chargées de tropique
14 mars 2018 dans la nuit lugubre aboiements de compassion pour les chiens qui meurent
belle africaine sur ma peau je sens l'haleine de ton corps d'ébène
des papillons vibrent dans mon ventre et me rappellent que j'étais un homme
parfois j'imagine ton corps onctueux et large ton rire d'ivoire
sur la borne au bout de la route elle est patience — sa faux sur le sol
petite sœur au cœur d'argile que je croyais moulé figé brûlé verni je le sais qu'il bat encore et mon cœur de vielle ruine s'est remis à battre apaisé insensible au temps qui fuit
dans la nuit bavarde le crapaud et la grenouille se parlent d'amour vielle bergerie au souffle de la brebis l’oiseau se réchauffe autre fois autre ville un autre printemps je regardais sur la place les joueurs de boules depuis la terrasse du petit bistrot elle m'a reconnu j'ai eu du mal à la remettre
le rêve est trop lourd il m'entraine vers le fond de l'incertitude la source limpide entre ses cuisses décloses je n'y boirai plus
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Paroles tweetées III
elle était femme à tout faire à l'hôtel misérable tout à côté le service du midi fini elle partait se reposer un peu avant le service du soir je l'avais croisée auparavant lors d'un apéro chez un ami chez qui j'avais posé mon sac le temps de me trouver un refuge elle semblait heureuse vraiment de me trouver là nous avons parlé très peu jusqu'à ce que sa main dans la mienne nous traduise le silence ce jour-là elle ne s'est pas reposée nous avons vécu ensemble quelques mois dans la maison trop près de l'autoroute que j'avais louée mais elle était femme à tout faire dans un hôtel minable
par la vitre ouverte le désespoir s’est penché sur la rue poisseuse ma nuit est vertige je suis une âme moisie dans un corps de boue ma nuit est silence les bruits de ma chair rongée ont fait fuir les rats je vais vous rêver reine aux chemins escarpés souffler vos étoiles il est revenu le petit nuage rose au sommet du cèdre doucement je glisse un signet entre vos pages en fermant le livre.
je laisse la nuit courir le champ des étoiles je rêve en riant
dans la chambre tiède déjà les ombres s’endorment parfum du sommeil
je souffle la mousse chaque petites gorgées construit le matin
15 mars 2018
prends un thé au matin il te reste ma main
un éclat d'amande dérive sur l'atlantique du café fumant
tous tes regards sont poèmes de tes yeux ce que tu frôles tinte la mélancolie qui hante les anges
les volutes blondes de son parfum de tropique me font chavirer
ce soir un ciel mauve recouvre mes souvenirs d’un parfum d’iris
rêver d'une main s'appuyant sur mon épaule un front sur mon front
petite sœur ton sourire d’enfant parfois se retourne vers moi et m’interroge je ne sais que répondre j’ai égaré les réponses du puzzle
un printemps sans joie les crapauds bêtes de somme rayent la nuit noire les orchis érigent leur tête de pourpre sale au pré reverdi
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Paroles tweetées III
combien de temps encore avant que le dernier grain roule dans le sable
la suavité et la première caresse du premier café
savait-elle que d'elle je rêvais les nuits incandescentes de mon adolescence savait-elle que je froissais et tachais les draps moites de mes sueurs en pensant à elle je revois ses sourires quand mon regard fermé croisait le sien avant d'entrer en classe elle savait je sais à présent que j'aurais dû comme un tapis de pétales lui offrir mes mots en gage de désir mes mots seulement et c'était déjà trop pour mon gosier noué elle savait je le sais maintenant que sa peau de craie et les irritations de ses joues s'impatientaient de mon silence
au loin les crapauds aiguisent la nuit frileuse de cris de rocaille
16 mars 2018
tremplin de ses soupirs je caressais ses lèvres d'une langue insoumise accrochés à ses reins mes mains la soulevaient au bord de mes rivages ma bouche en ses buissons cueillaient le fruit douçâtre de son désir saillant j'espérais je rêvais de lui faire l'amour comme jamais-jamais elle n'aurait connu je rêvais d'une nuit mais ce fut un beau jour qu'après des fiançailles de paroles masquées de caresses timides de mains entrelacées de bouche au bout des lèvres qu'enfin nos deux corps ont scellé nos désirs dans la sueur des draps je repense à sa bouche sur ma verge tendue ma verge dans son sexe qui me serrait à peine ses seins que je léchais pressais et malaxais jusqu'en puiser le lait du rêve au souvenir la distance est bien faible à force de caresses demain fut dépassé mais je n'oublierai pas qu'en courant sur l'échelle de ses pores ardentes j'ai mordu les étoiles
somnolent encore et d'une main hésitante la journée en marche
ciel de la nuit mauve une seule étoile brille il n'est pas trop tard
un jour je dirai que je n'irai pas plus loin avec le sourire petite sœur au regard de fée à la démarche agile et aux gestes de tendresse laisse moi garder de toi le souvenir blessé d'une bribe d'été couleur de lavande soirée nonchalante je ne pense plus à rien qu’à poser ma tête
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Paroles tweetées III
les gongs de l'orage frappent aux portes des songes la nuit se soumet
rêve dans ma nuit un ange fuit les étoiles aux dards acérés
musique des gouttes glissant des vieilles gouttières dans les flaques sombres
petite sœur mon souvenir que cette nuit sans étoiles vibre encore un peu sur les cordes tendues de ton avenir je ferme les yeux et je te vois sourire
l'ennui est profond me reste le souvenir d'un voyage indocile
il pleuvait ce jour-là sur les platanes verdissant de la contre allée sous son parapluie minuscule nous nous serrions si fort que j'imaginais son cœur battre dans ma poitrine assis sur un banc vaguement abrité nous espérions la fin de l'averse qui n'en finissait pas sa tête de chatte rieuse encastrée sous mon bras je ne sais comment elle s'y était prise pour m'enlacer le torse ses lèvres humides soudain ont posé au creux de mon cou un baiser j'ai senti sa langue qui suçait ma peau je me suis retourné ma bouche a couvert sa bouche le parapluie alors couvrit le paradis
des cheveux de brume dans les grands pins ténébreux la nuit tremble humide
mon dernier café veut me confier un secret connu du monde entier
17 mars 2018
loin j'entends l'écho de paroles inaudibles chant d'amour des fées
mon cœur est de toile solide et bien arrimée mon cœur est ma voile je reste un enfant que les ans ont labouré de rides profondes dans la nuit les mots que je croyais insolubles fondent sur ma langue la vallée lointaine me prend par l'oreille et crie que le monde existe
soleil revenu gravée sur la nappe il reste un rond de café
si loin de la ville dont les rues et sa poussière étaient mon jardin
la pluie a cessé demeure dans ma mémoire l'eau mélancolique
enfant je courrais les rues étaient des impasse que je franchissais volant par dessus les toits battant de mes ailes frêles
chaque éclair dessine sous les tuiles de l'auvent mon ombre fugace
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Paroles tweetées III
et me disait les siens ma bouche sur son oreille sa bouche près de la mienne je crois que nous brillions dans la pénombre complice nos lèvres quittaient l'oreille et nos voix se mêlaient jamais plus je n'ai connu de baisers si profonds c'était ce poème que nous attendions quand les peaux se confondent que la mince sueur devient commune nous ne savions jamais comment nous nous retrouvions nus nous faisions l'amour si maladroitement j'étais si malhabile... c'était presqu'à pleurer mais nous restions collés pore à pore lèvres à lèvres le lendemain en cours de philo je sentais ses yeux de tigresse planter leurs crocs dans ma nuque parce que j'étais assis auprès d'une rivale
mes mains sont de sable entre les grains l’eau s’infiltre dans mes doigts dissouts petite sœur sur ta peau de soleil les vagues ont laissé leurs écailles de sel de longs sillons blancs brillent et ondulent entre tes pores tandis que ton chant me raconte la mer sirène ma sœur un camion de nuit bascule sur mes paupières sa benne de sable
18 mars 2018 au bord de la tasse une jonque d'Amérique chargée de café la nuit tient conseil désormais elle préside à ma destinée
le souvenir rebelle à l'aune des soupirs tarde à s'évanouir tu sais que tu es belle
le long de ses berges le Styx voit s'épanouir des fleurs de lotus
les jours sont fermés il ne reste que les nuits pour bâtir un rêve
à la lueur de ses caresses je me laissais bercer par sa voix grave et chaude sa voix à peine éraillée qui nous décrivait nous étions étendus blottis l'un contre l'autre dans le canapé profond du salon de sa mère le désir était là en embuscade mais nous le laissions s'impatienter pour jouir doucement des caresses retenues je savais que sa peau d'abricot allait bientôt éblouir mes doigts ma peau mon désir et mon âme elle écoutait mes poèmes
les crapauds se taisent la cruelle nuit s'avance piétinant leur chant le sabre au fourreau il met un genou à terre devant son vainqueur mais dans sa tête il rumine une perfide vengeance dans son doux panier à l’osier sec et usé il rêve et je veille
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Paroles tweetées III
près de l’horizon le ciel pèse son argent avant de sombrer
j'étais dans les limbes entre veille et sommeil et pourtant je rêvais d'elle j'avais sombré quand elle me serra si fort contre elle que le rêve se fit solide pour épouser la réalité je ne savais où je fus propulsé mais j'ai su trouver ses lèvres et le chemin de son humidité cette nuit-là pas de préambule ses seins que j'adorais sont restés loin de mes mains nous étions si bien emboités l'un dans l'autre que le mouvement de nos bassins n'était qu'une vague immobile quand j'ai éjaculé dans la mer de ses lèvres elle a serré les cuisses elle était devenue un œuf ensemencé de rires elle a gémi et me serra plus fort en labourant mon dos de ses griffes de chatte puis elle s'est détournée me laissant sa moiteur elle dormait je me suis endormi le lendemain matin les cafés entre nous hésitaient dans leur tasse avions nous rêvé je me demande encore
fière d'océan et de longues traversées la jonque s'arrime petite sœur tes dents de clair ivoire sonnent comme un plectre sur les cordes de chat d'un shamisen tes lèvres se rétractent sur des crocs tachés du sang de ces mots que tu ne regrettes pas le vent s’est levé au loin les collines vibrent d’un ultime éclat
19 mars 2018 ce matin je pars goûter l'arôme café près du Grand Canal pour deux sous de mousse la tasse de café m'offre le pont des soupirs les cris des crapauds dans cette nuit fraîche encore tiennent tête au vent
j'ai laissé au vent le soin de mes cauchemars dans la nuit épaisse
sous l'auvent la lampe immobilise mon ombre je respire à peine
elle avait le goût de l'eau quand on a marché longtemps dans la garrigue en été
peu de temps après elle me quitta de façon sournoise en prenant pour amant le mari de ma maitresse
parfois j'allais l'attendre au portail de la fac St-Charles pour qu'elle ne prenne pas le train et rentre avec moi en voiture chaque fois je rendais grâce aux embouteillages
cette nuit-là je rêvait d'elle elle était pourtant serrée contre moi dans sa nudité insolente et la promesse de fluides mêlés elle dormait profondément éreintée d'une journée harassante
elle avait un défaut de langue elle n'était pas vraiment belle trop petite très maigre des mains de maçon 38
Paroles tweetées III
mais des yeux des yeux des yeux noirs brillants comme la houille qui vous mettaient le feu quand elle riait un feu qui ne s'est jamais éteint
et je lui murmurais le bonheur d'habiter avec nos bambins dans un magasin de bonbons sucrés souvent je pense à elle la fille aux yeux d'émeraude qui dans le bus m'examinait debout tous les deux pendus aux poignées elle me regardait et je baissais les yeux j'avais mal de ne pouvoir parler mais j'aurais tout donné pour que le bus ne s'arrête jamais
plongé dans la mélasse je fais la planche en regardant le ciel comme une étincelle elle a enflammé ma vie ma vie seulement sur mes lèvres sèches je goûte encore à ses lèvres l'hiver est passé
souffrir je sais souffrir je peux même vous donner des leçons
viendront le printemps et les fleurs de sakura par enchantement
contre un seul baiser à l'aube où point le soleil j'ai donné mon âme
rêves éveillés les pieds posés sur la table la nuit est propice
20 mars 2018
goûter l'amertume et la sombre nostalgie de mes souvenirs
le café de l'aube j'attends une belle goule aux dents d'étincelles qui viendra boire mon sang juste avant le point du jour
pas de mots luisants seulement les mots modestes d'un conte insipide petite sœur as-tu bien compté les étoiles dans tes yeux je suis sûr que tu en as oubliées derrière l’équinoxe
un second café pour oublier son baiser et ses doigts de Moire la nuit me raconte l'histoire de mon passé avant d’oublier
l'hiver subreptice par des touches de nuits froides cajole encor’ mars
la ville a changé les fleurs entre les pavés n'ont plus de parfum
lents les jours passent mais plus personne ne retournera le cruel sablier
j'avais cinq ans au jardin d'enfants ma belle fiancée me tenait la main
fin du long trajet sous les yeux des cernes noirs saignent ma fatigue 39
Paroles tweetées III
brillaient de perles qui s'évaporaient si vite nous aimions cet amour sous le ciel de lavande le temps était compté nous le savions et ne le perdions pas en vaines promesses quand elle m'a quitté pour suivre le chemin dont elle s'était si peu écartée en réalité j'ai eu mal bien sûr mais les derniers instants nous les avons passés à rire devant un demi tiède
21 mars 2018 vagues de sommeil qui s'épuisent lentement au bord de la tasse la mousse onctueuse qui frissonne sur les lèvres baiser du matin l'hiver siffle encore aux oreilles impatientes d'un printemps muré c'était le temps où les Beatles nourrissaient de leurs rythmes mon adolescence Michèle c'était son nom et la chanson me revenait en boucle dans la tête j'aurais bien voulu qu'elle soit ma belle je n'étais pas doué mais je m'essayais à la musique et pendant que ma guitare pleurait doucement je rêvais de jeux interdits
une coque d'amande sous des dents d'écureuil — la nuit me grignote une nuit figée dans l'odeur d'un froid cristal je brûle en silence elle m'a aimé elle ne me mentait pas — adieux de satin dans l'ordre des choses la solitude espérée se comble de joie
c'est l'hiver sous l'auvent de mes doigts engourdis je tente de repeindre une constellation
douceur du fauteuil après le froid de l'auvent des mots plus sucrés
dans le ciel je trace du bout glacé de mes doigts un ange égaré
le sommeil me fuit j'ai beau lui courir après il glisse entre mes rêves
les ailes de l’ange se sont brûlées aux étoiles une seule étoile
petite sœur tu marches dans la rue tu lèves la tête en souriant vers la fenêtre d’où je te regarde partir vers un nouveau visage de nouvelles envies si la page se tourne ne te retourne pas
au bord du petit lac une simple retenue d'eau le soleil jouait sur nos peaux la symphonie des amours frivoles son long corps de crayon flexible ses seins minuscules que mes mains joueuses pouvaient recouvrir en entier
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Paroles tweetées III
ma vieille prof de philo je l'aimais comme Harold aimait Maude
un premier frisson il y en aura bien d’autres à ce rendez-vous
le froid me transperce — mes doigts ont perdu la trace du moindre poème
ce chat indocile à la frange de mes rêves le sommeil trépigne
nous marchions en silence sur les galets de la plage à côté l'un de l'autre séparés tout de même par la distance de son regard en février la plage était déserte il faisait froid le ciel était absent c'était son anniversaire j'avais préparé un petit paquet et réservé une table dans un restau sympa resté ouvert hors saison mais son regard fuyait vers l'orbe de l'horizon assis l'un en face de l'autre elle évitait mes yeux nous ne parlions toujours pas tendue comme une corde d'arc elle a lâché sa flèche nous ne nous reverrions plus demain elle viendrait pendant que je serais au boulot prendre son pyjama sa brosse à dent et laisserait les clés dans la boite à lettres je ne disais rien je n'écoutais plus buvant à petites gorgées un Cassis blanc bien frais et me concentrant sur la daurade aux épines perfides
22 mars 2018 la dernière goutte tombe dans l'œil de la mousse boire un café borgne au bord de l'ennui je demande à mon stylo un conte inaudible autour de la tasse mes mains chaudes de sommeil dévident le temps le matin frissonne derrière la vitre opaque d'un jardin humide à dix heures nous descendions boire un café dans le petit bistrot au coin de la rue St Sébastien pas de cour de récré dans cette boîte à bac nous prenions le temps d'une partie de baby-foot j'étais toujours gardien de buts et chaque fois que je bloquais une cuillère elle riait et s'approchait plus près de moi en me tapant sur l'épaule je me sentais important mais j'étais en terminale et elle en première
nuit sans équivoque les ténèbres insolentes ont brûlé mes yeux échoué sur le sable le mât brisé de la jonque essaie de voler entre les impasses je cherche encor' le chemin du rêve interdit
quand l’esprit se ferme c’est le souvenir du sang qui guide la lame
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Paroles tweetées III
roulent les ténèbres égarées dans les replis de mon cœur d’orage
en ce temps-là il y avait un drive-in c'était ma première voiture une quat' chevaux bricolée un soir de printemps un ciel sans lune et semé d'étoiles nous avons regardé "le passager de la pluie" il faudrait sans doute que je le revois pour m'en souvenir
je mets la capuche et je resserre le col contre la fraicheur
23 mars 2018 une tasse chaude dans la lumière d'été parfum des arômes
le cœur bringuebale une danse à contretemps frappe ma poitrine
au coin de mes lèvres une perle de ténèbres au goût de Brésil
piqûres d'étoiles la grande voile du ciel recoud ma mémoire
le rêve insolent qui a ponctué ma nuit me poursuit encore
l'auvent m'emprisonne je ne sais comment jongler avec le mot "nuit"
je cours et suffoque dans les ronces acérées d'un soleil féroce
pénombre au salon les ténèbres sous l'auvent la nuit dans la chambre
petite sœur ton visage de fée sourit encore au milieu du désordre de mes souvenirs je le plie et le range là près de ma gorge pour ne pas crier
à qui parles-tu de tes amis virtuels dans la vie tangible écris ce que dicte ta tête puis taille les adjectifs on lira ton cœur
elle avait peau transparente sur ses tempes je suivais les veines de ses pensées la ride au bord du regard n'arrivait pas à mentir elle avait une intention si limpide quand ses yeux se sont posés dans les miens j'ai franchi ses lèvres claires d'un regard sans équivoque ses seins nerveux sur mon cœur m'ont raconté des méandres des forêts et des vallons et de baiser en baiser en piétinant les étoiles nous avons fendu la nuit
je porte à mes lèvres la conque de mes mains pleines d’une eau blanche et claire le ciel était rouge ce soir comme l’amertume que j’ai dans le cœur soir d’hiver frileux mon chat passe la journée près du radiateur la vallée murmure d'une voix de gorge saoule presqu'un feulement 42
Paroles tweetées III
venu de la terre un son de sable glacé parcourt mon échine il se traîne dans ma chair et il consume mon sang
les papillons de jour parent leurs ailes de fleurs des champs les papillons de nuit offrent leurs ténèbres au désespoir des lampes ternes
dans le ciel limpide les étoiles m'accompagnent au seuil du sommeil
faucille d'argent elle a fauché la lumière du champ des étoiles
24 mars 2018
le ciel hésitant entre chandail et coton je choisis le poêle
sur la mousse épaisse le doux visage d'un ange me fait un clin d'œil
la couleur du sang sur l’écran la nuit frissonne de l’horreur des hommes
son goût de tropique et sa chaleur accueillante effacent la brume
la nuit tend ses bras je m’y blottis avec soin mais ses mains sont froides
je m'assois au bord d'une terre imaginaire et j'enfourche un rêve
25 mars 2018
le cheval de bois qui tourne sur le manège -retour vers l'enfance
un goût de voyage une invitation lascive dans une gorgée
souvenirs en grappes j'en mords les grains pleins de sel je ris au soleil
et j'oublie les rêves sur lesquels j'ai voyagé chargé de bagages
ses mains fouillaient mes pores elles cherchaient l'ancre qui me retenait au sommeil
trompé par l'horloge trempé de rêves liquides je respire enfin
sur le lit je faisais une patience puis elle est sortie de la salle de bain vêtue de sa peau et de chèvrefeuille
en suivant les cimes je retrouve mon jardin perdu dans la nuit
j'adore la pizza froide du lendemain moitié-moitié anchois fromage et café je sais je resterai toujours incompris
un samedi soir la nuit se fait la complice des fêtes passées
j'ai toujours aimé l'entendre rire hélas je lui ai appris à pleurer aussi
un jardin d'arômes loin de la torpeur des villes copeaux d'un été
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Paroles tweetées III
entre sable et sel elle marchait et riait nue dans un nuage
je suis un manant un amant des mots perdus et l'ombre des phrases
sa robe légère a éclaboussé mes yeux de taches de sang
la source est tarie l'eau tumultueuse et claire déserte mes cals
sur l'embarcadère nous attendions la navette qui nous ramènerait au Vieux-Port un soleil d'airain brulait nos épidermes difficile de bouger au milieu d'une foule en béton l'île était petite quelques criques de sable envahies de touristes mais les roches aiguës étaient pour nous seuls l'eau était limpide et fraiche nous plongions en riant et la Méditerranée se moquait de nous la terrasse d'un restau loin du port nous avait offert une escale en secret moules farcies pieds-paquets marseillais et rouge de Bandol heureusement nous avions la santé et la sieste dans la forêt naine aussi haute que la toundra nous a autorisé quelques caresses elle était mon île aux trésors moi capitaine de ses voiles mais il a fallu rentrer la navette bondée ne nous offrait que sa plage arrière en plein soleil et ses moteurs toussaient nous avons mis une heure pour rejoindre le quai je n'avais pas de casquette et ce retour dans l'incandescence mon sinciput sans cheveux s'en souvient encore
crapaud je t'entends ton chant de tristesse amère éraille mon cœur la nuit je m'en vais souvent trop loin de moi-même j'ai perdu ma trace elle fut l'aurore la couleur bleue de ma nuit sourde aux crépuscules je souffre et je souffle une écume parchemin de mots et de cris sur leur peau d'écailles des copeaux de sel scintillent — repos des sirènes les pensées qui grincent je balance mon vieux corps dans le vieux fauteuil l’heure dérobée rappelle à mon souvenir mes os fatigués
26 mars 2018 rêvant d'horizon de ma cuillère inutile je raye la mousse l'arôme est vertige il dépose sur mes lèvres le goût d'un été nuages joufflus dans ce matin de printemps le ciel rétrécit
je dévore l'heure insoumise et inféconde qui va me manger 44
Paroles tweetées III
je raconte un rêve j'ai l'impression de le vivre de le respirer
sur le quai des spectres attendent le dernier train sans aucun bagage
souvent je rêvais d'elle de sa peau de ses yeux rivés à mon regard de sa bouche et sa langue qui parlait à ma langue ses contours étaient flous son visage indistinct mais je sentais ses seins battre sur mon cœur je caressais ses lèvres et son humidité et sa bouche à la fois léchait ma bouche avide et mon sexe tendu je m'évasais en elle elle m'enveloppait je chuchotais des larmes son silence était cris elle qui était-elle jamais je ne l'ai su
j’ai le sentiment d’avoir arpenté cent fois le même chemin
les chênes sans feuilles sous la tonnelle de nues envient les lilas
27 mars 2018
je courais dans l'herbe comme un minuscule insecte je n'étais qu'un elfe les feuilles de viorne brillaient d’un soleil battu par le vent frivole ce qu'elle a repris elle me l'avait offert en baissant la tête je quitte le vent qui vocifère et secoue mes tuiles branlantes
la tasse qui tremble je l'approche de mes lèvres -ce premier baiser...
un trait de vapeur arrogant de rectitude insulte les nues
un matin caresses -le soleil m'embrase et rit par delà la vitre
lentement la barge qui déjà quitte le quai tangue sous mon poids
d'une main tremblante je prends mon crayon mâché mais j'hésite encore
ma vie m'appartient la mort décidera seule d’enfin me surprendre
un peu de sagesse s'évade de ces pensées qu'il faut que j'abreuve
une ultime fois le dernier wagon s'arrête au bout de la nuit
du vent de hier soir le printemps s'était caché sous les feuilles mortes
il viendra sans doute flottant sur des rails rouillés me conduire au port
le vent est tombé sur un tas de feuilles mortes qu'il taquine en grinçant
je rencontrerai sur le chemin que j’emprunte des âmes défuntes 45
Paroles tweetées III
elle l'a rejoint me laissant dans la mélasse de mon cœur chagrin
oliviers d'argent les nuages versatiles vous giflent de noir
il faisait chaud ce soir-là très chaud dans les salles de classe je sortais de l'apnée dans le faible courant d'air de la salle des profs elle est arrivée fraiche comme un matin m'a proposé un café j'ai préféré un Perrier elle n'avait pas de monnaie j'ai fouillé mes poches et lui ai offert son Seven-Up sur la banquette de skaï nous avons parlé d'élèves de méthodes de tout ce qui m'ennuyait j'écoutais sans rien dire nous nous sommes séparés et j'ai traversé le boulevard jusqu'à la terrasse du petit troquet je l'ai aperçue à l'arrêt de bus de loin je lui fais signe veux-tu boire un verre un sourire elle traverse sous le parasol trop petit deux fois nous avons déplacé nos chaises pour échapper au soleil un moment nous fûmes si proches qu'un léger parfum de rose recouvrit ma Leffe nous nous sommes regardés et le lendemain mes élèves m'ont demandé pourquoi je n'avais pas changé de chemise
je ne fais rien pour vivre ou pas grand chose oui je respire mais par habitude parfois je voudrais que les crabes qui me mordillent m'arrachent le cœur je crois que je le tuerai l'arbre au pied duquel pourrira mon corps tu es son calvaire le long de ton souvenir il porte sa croix il faut que j'arrête de penser si mal à elle n’y plus penser peut-être soir d’incertitude y a-t-il encor des étoiles entre les étoiles des couches de nuit s’empilent sur le jardin mon cœur dans l’étau nu sous les étoiles mon esprit intensément vogue vers l’oubli
28 mars 2018 seconde attendue celle de la goutte ultime cueillie par la mousse
et je la revois à la porte du foyer où nous répétions les épaules basses paupières encore plus basses elle savait qui j'allais rejoindre qu'on me laisse encore rêver cet amour qui hante et me déshonore
puis le geste oblique de l'impatience des doigts qui cueillent la tasse murmure du vent — vous les feuilles innocentes ne le croyez pas
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Paroles tweetées III
le crapaud rimaille la crapaude énamourée sonde son verbiage
vermeil crépuscule les doigts enchantés d’aurore pétrissent le soir
de subtils parfums promènent entre les arbres comme un chant lointain
c'est le soir que tonnent les gongs des mélancolies des mots et des cris
dans mon casier j'avais trouvé ce très beau stylo bille pas un mot d'écrit un stylo seulement mais j'ai reconnu l'écriture absente je ne l'ai plus revue jusqu'à la rentrée mais je lui ai répondu avec ce stylo pendant tout l'été quelques lettres sans trop insister avec des banalités sur ses vacances sa fille sa vie son mari elle répondait de la même indifférence voulait-elle seulement correspondre je trouvais ça pas mal pas d'histoire louche avec ma compagne ainsi mais à la rentrée ma compagne ne l'était plus elle s'est mise à osciller parfois chez elle et lui souvent chez moi jusqu'au renoncement elle n'en pouvait plus et moi pas trop non plus aujourd'hui je tourne et retourne ce stylo entre mes doigts dont la cartouche est vide
tombé sur la tête je piétine les nuages les yeux en enfer sur la mer de flamme je louvoie contre l'oubli jusqu'au port de cendres peau de shamisen sur le tambour de mon cœur le vent joue aux dés j'emporte avec moi des souvenirs corrodés au sel de son rire le crapaud de l’est répond au crapaud de l’ouest silence au milieu la nuit se fait douce mais je dois m’en éloigner j’ai un rêve au four
29 mars 2018 mon chat me regarde boire mon premier café il attend le sien les crapauds se taisent il arrive que la lune oblige au silence café de l'aurore la tasse brûle mes doigts je souffle en silence
un nuage lent accablé de souvenir franchit les collines
le bruit d'un avion dans un hall d'aérogare l'été s'achevait
nous mordrons vos flammes vous les voleurs de bonheur nous les anonymes nous mettrons le feu 47
Paroles tweetées III
printemps sous l'auvent la nuit douce et caressante sent le myosotis
la dernière clope avec le dernier bourbon pré-anesthésie
je ne sentais plus la pesanteur des années j'avais dix-sept ans
elle fumait des gitanes ne croyez pas ce qu'on vous dit quand elle m'embrassait nos langues rêches et sèches dansaient la sévillane
rêver en silence sur le chemin des étoiles des iris fleurissent
sans dormir je rêve aux nymphes qui m'accompagnent quand le fond m’appelle
nous nous écrivons encore à présent la différence d'âge ne se remarque plus elle avait seize ans j'en avais vingt huit elle me racontait ses petites amours ses grandes déceptions ses espoirs arcs-en-ciel qu'aurais-je pu dire souvent je ne disais rien je la désirais elle voulait jouer je crois à la grande amoureuse à celle qu'on éloigne parce qu'elle était enfant encore mais un jour son corps de naïade a brassé sous mon corps je n'étais pas le premier mais le plus âgé sans doute j'ai tutoyé les étoiles elle leur riait au nez plutôt mal que bien nous nous sommes revus plusieurs fois avec la même ferveur jusqu'à ce que nos vies divergent sans vraiment rompre le lien si maintenant j'ai honte ce n'est pas de l'avoir aimée mais de n'avoir pas attendu qu'elle vive sa vie de femme s'épanouisse et me revienne j'étais trop moi-même impatient et fébrile en quête d'absolu inutile pourtant j'ai sous les yeux sa dernière lettre elle date d'hier
je n'ai pas sommeil demain l'anesthésiste n'aura pas de mal un crapaud bougon impose ses vocalises au public blasé la nuit m'incommode — un costume mal taillé pour un corps infirme la vague s'éloigne il ne reste sur le sable que des coques vides
30 mars 2018 douceur cafetière son chant d'amour parfumé un air de samba la tasse a signé de lourds aveux sur la table — trois ronds de café je suis un vieux fou à la pensée hasardeuse que les ans massacrent vagues de mémoires dont le bruissement imbibe le sable du temps un printemps sans force traîne le soleil craintif comme un lourd boulet
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Paroles tweetées III
sur la photo de classe j'ai reconnu son sourire un peu méprisant il est vrai que je n'atteignais pas la hauteur de ses chevilles et déjà avant de me connaître elle moquait ma lenteur ses silences surtout étaient des poignards elle raillait mes ombres de son rire solaire je l'enviais pour ça pour sa lumière pour sa peau qui affolaient mes doigts elle aimait toutefois quelques uns de mes mots ceux que je n'écrivais pas pour elle parfois je me sentais vivant nous n'avons pas duré l'évidence est cruelle je me demande encore pourquoi je garde et regarde cette photo de classe
les deux tourterelles dans les chênes toujours nus règlent leurs hormones la pie prend son bain dans l’abreuvoir des mésanges couleur noire et blanche
31 mars 2018 couleur du café la cuisine en est repeinte jusqu'en fond de tasse carte d'Argentine entre les deux océans de mousse fumantes j'écris et j'oublie que je ne sais pas écrire plus de quelques lignes j'ai en tête encore son parfum entêtant si fort si puissant qu'il me dérangeait presque toujours vêtue de cuir et cependant si femme quand elle se dévêtait j'aimais sa peau d'argile ses seins de femme mature qui tombaient un peu mais que mes mains ou ma bouche savaient redresser souvent nous avons voyagé accrochés au bastingage de son lit trop étroit les feulements de sa gorge éclairaient ma vigueur nous naviguions sans fanal nos mains nos lèvres nous guidaient dans sa nuit profonde mais le matin quand elle se parfumait j'avais comme un rejet le café passait mal pourtant c'est elle qui m'a quitté pour un parfum plus fort que l’odeur de ma peau
j'ai volé des cœurs comme le voleur des chevaux aux mors indociles il est temps d'aller où les crapauds se sont tus -sous les feuilles mortes la lune s'embue dans le silence elle pleure un amour perdu petite sœur à la pensée agile moineau frivole ou oie sauvage tu traverses ton ciel d'un éclat de rire comme un rayon de lumière je danse sur un fil les plus jeunes disent que je radote les vieux de mon âge me méprisent les autres m’ignorent 49
Paroles tweetées III
entre les nuages les étoiles ont joué au billard cosmique
j'aime les amandiers pour leurs fleurs d'amandes amères
le vent s’est levé il a dévêtu la lune je vais me coucher
fleurs de citronnier toute la maison sourit de leur parfum jaune
papillon citron au-dessus de mon pastis on dirait qu'il aime...
dans mon portefeuille je frôle un bout de ruban au parfum d'iris vous l'aviez offert madame pour que jamais je n'oublie
camaïeu d'abeilles en contrepoint des citrons -gorgée de pastis...
je ne boirai plus à la source de vos mots elle m’a tari
le bal des moineaux dans les branches d'olivier -le graal d'une d'olive
petite sœur sur le sable des criques je t’imagine sirène collier d’algue et de sel sur des écailles d’argent souriant aux vagues qui t’ont déposée là comme un trophée du ciel
01 avril 2018 un café de soie une tasse en porcelaine l’orient à mes lèvres un rêve s'évade dans les volutes lascives et la mousse ambrée
sur la sente abrupte qui contournait ta montagne tu m'as égaré
dans le jour nouveau je repousse le volet sur un chant d'oiseau
je reste un enfant malgré les ans qui spéculent je ne suis pas sage
un bocal de verre et des rêves en sachet pour tout horizon
crapaud solitaire même la lune frémit de son chant lugubre
comme un papillon qui tourne autour de sa fleur il va d’algue en algue
plus aigu le cri de la crapaude répond à son soupirant
une caravane remonte péniblement la route de l'Est c'est qu'il faut le mériter le doux baiser de l'aurore
comète immobile avec sa traîne de nues la lune parade sur le toit de l'auvent une tuile a tinté un petit grain d'étoile est tombé de l'été
rêver d'une jonque se fondant dans le soleil et ses voiles d'or
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Paroles tweetées III
sous les pins tordus par les vieilles tempêtes nous reprenions notre souffle nos corps ruisselaient de sel de soleil et de mer nous avions nagé longtemps dans une eau parfumée où nous nous enlacions parfois pour goûter sur nos lèvres le sel ensoleillé sur le tapis d'aiguilles nous regardions le ciel à travers les branches main dans la main nous nous laissions bercer par l'ardeur de midi et nous retournions sur la terrasse de l'hôtel pour boire lentement un pastis glacé puis savourer en riant une niçoise brillante enfin derrière les volets rabattus de notre chambre nous faisions l'amour un amour paisible un amour en vacances nous étions jeunes et mariés c'était l'été de toutes nos saisons
dans quel trou obscur se sera-t-il perverti le rêve oublié le ciel est trop clair les étoiles sont bernées par la lune fourbe dans la nuit venteuse des haleines de musiques percutent les murs entre les rafales on devine un train qui souffre est-ce le dernier la corne de brume sur le train de nuit aveugle trompe mes tympans lentement je glisse sur la robe de l’oubli dans mon propre abysse
02 avril 2018 une goutte tombe de mes lèvres dans la tasse — une larme noire ma nuit fut silence au loin les collines tracent un horizon de crocs
je guette la fin je laisse à mes souvenirs le soin de conclure
le soir dans le cocon de l’auvent je dialogue avec un clavier certain qu’il gardera trace de mes mots pour les souffler au matin mal réveillé maladroit il ne reste rien à présent impermanence
il rêve de vous dame équivoque et légère de vous oublier chênes effeuillés que le vent malmène encore je vous sens frémir petite sœur tes ailes de papillon t’emportent loin au-delà d’un horizon à la courbe incertaine et aux parfums suaves ne perds pas de vue le pré de fleurs sauvages qui t’a vue chrysalide
j’ai dompté un million d’étoiles quand je me suis arrêté il n’y avait plus d’écailles sur mes ailes
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Paroles tweetées III
au bout de la jetée sous la balise rouge nous regardions sans prêter attention les pêcheurs assoupis sur leurs lignes le banc était sec dans le soleil de mai malgré la forte houle du large qui s’embrumait sur les blocs de béton du côté des bassins l’eau était calme et huileuse nous ne disions rien à quoi bon parler pendant longtemps auparavant nous avions argumenté chacun ne bougeant pas d’un pouce mais demeurait intacte cette indéfectible tendresse ce sentiment malgré tout d’appartenir à l’autre à ses souvenirs nous respirions l’odeur ambiguë des grands ports un parfum puissant de sel et d’iode pris dans la gangue âcre du goudron et du fioul les bruits étaient silence et crissements lointains de chaines trainées nous ne disions rien son regard déjà frôlait l’horizon tandis que mes yeux suivaient une petite nappe d’huile demain elle prendrait un ferry vers son Afrique inoubliée tandis que je continuerai toujours au bord du quai à rêver d’Amérique
la fraicheur revient pour taquiner d’un frisson l’ombre du sous-bois
je me suis penché jusqu’à avoir la nausée sur le bord d’un rêve
coup de vent je souffle sur la mousse — des ramiers s'envolent
quelques pâquerettes des fleurs dont le nom m’échappe et un chant d’oiseau
une brise fraîche ondule dans mes cheveux — rêver les caresses
un ciel mal lavé l’air ni froid ni doux humide l’automne en avril la mélancolie dans le crépuscule gris une odeur de cendre et puis la nuit tombe lentement comme un pétale de fleur nostalgique les pensées se plissent attentive à leur murmure la lampe discrète la nuit qui s'avance promet des rêves de vous dont je n'ai que faire je ne veux plus rêver je veux juste oublier oublier la douleur même au prix du bonheur dans la nuit revêche les crapauds qui ont pris froid ont des mots de gorge
03 avril 2018 sur la mousse douce la trace d'une pirogue a rejoint la rive fleur de citronnier dans l'arôme du Brésil tropique en cuisine
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Paroles tweetées III
sur la pierre froide prostré il se remémore les vieilles batailles son katana si glorieux à présent lui sert de canne
dans le sel ses mains de silice et bris de nacre buvait mon écume la falaise en haut n'était qu'un nain de calcaire jaloux de nos rires
elle était droite et maigre comme un crayon de couleur sur ma page blanche elle connaissait les secrets de ma peau en échange je savais tous ses chemins de ronde ensemble et en riant nous courrions entre nos créneaux et les débris inavoués de nos vies anciennes ensemble nous redressions les vieux murs de caresses à coup de truelle agile nous nous perdions dans nos oubliettes avec volupté peu à peu autour du donjon nous léchions le granit moussu jusqu'à l'âme des pierres elle était mon ciment ma gloire et mes vieilles fredaines elle était ma forteresse érigée et maintenant en ruine
la lune enrhumée éternue dans les étoiles — un mouchoir de brume las d'être incompris les crapauds laissent leurs cris craquer de dépit salon silencieux sous la lampe qui suffoque les tripes qui soufflent
04 avril 2018 la tasse qui fume cheminée d'un paquebot blanc sur l'océan lumière d'orage même l'étain des nuages luit d'argent lustré
mais qui suis-je moi qu'un petit moineau désarme pour rire au soleil
sur ma langue encore cette saveur douce-amère de bois exotique
à la patte d'oie sous le cèdre foudroyé il faut prendre à gauche jusqu'au bord de la falaise et mordre dans le vertige
vieux fou sans mémoire qui ne cesse de rêver d'un autre rivage donnez moi la main dame au rire insouciant que je vous déguise
gaze de nuages le printemps se frotte à l'air bougon de l'hiver
la falaise dort sous le vieux château en ruine et ses pleurs de pierres
pas un seul caillou pour me montrer un chemin obstinément nu
un galet trop rond pour déchiffrer les messages du sel et des vagues
son sable était tendre elle était plage soumise et j'étais sa vague 53
Paroles tweetées III
quand nous ne pouvions pas nous retrouver chez elle nous allions chez moi mais ce n'était pas chez moi pas du tout même mais qu'importait... nous avions un toit un lit et de quoi manger acheté sur la route dans une superette encore ouverte j'aurais préféré le restau mais c'était souvent tard les stations hors saison c'est très déprimant la nuit surtout nous pique-niquions jamais de cuisine mais du Saint-Amour tranches de saucisson boites de sardines tranches de rire nous faisions l'amour dans le lit de mon beau-père sournoise vengeance nous parlions beaucoup lèvres contre lèvres et ses seins minuscules écoutaient l'odyssée de mes mains bavardes le matin très tôt nous partions comme des voleurs il ne fallait pas qu'on me reconnaisse j'étais assez doué la journée suivante pour faire admettre à mes élèves que leurs copies n'étaient pas perdues
je n'ai jamais su comment son immensité tenait dans mes paumes je rêve d'elle encore sans couleur et sans relief — plage au crépuscule la carte percée d'improbables latitudes — courir au désastre souriez madame je ne mettrais plus mes doigts dans vos confitures l'orbe de la nuit enveloppe les étoiles du manteau d'Arlequin signe avant coureur de la lune qui se lève feu dans les nuages la ligne de crête le tracé déchiqueté d'un crayon d'argent les murs de l'auvent dans la lente lueur jaune le lit de la nuit une nuit viendra où je n’aurai que la nuit comme vêtement je me sens bourré bourré d'alcool de médocs ivre de silence
hiver sur la plage — une croix de bois flotté tutoie l'horizon
05 avril 2018 la cuisine danse devant mes yeux embrumés un tango torride
je n'avais pas assez de mots pour compter son sable je le caressais
au fond de la tasse une gitane figée claque des talons
il était brulant et coulait entre mes doigts comme l'eau du large
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Paroles tweetées III
sur le roc grêlé nous étendions nos serviettes et l'envie de sel
parfois nous prenions pour la nuit une chambre dans cet hôtel délabré au début de la Corniche il n'existe plus à présent dommage il s'appelait sans doute hôtel du passage mais nous l'appelions l'hôtel California l'employé de nuit devait nous avoir repérés nous avions toujours une chambre qui donnait sur la plage des Catalans et plus loin encore sur la rade au mois de juin quand nous nous pointions pas trop tard le spectacle du crépuscule nous émerveillait nous faisions l'amour puis nous ouvrions la baie en croquant des chips en fumant des Stuyvesant nous regardions les lumières des docks de la baie éblouis et nous refaisions l'amour puis nous... nous vivions la nuit nous faisions durer le matin jusqu'à ce que la femme de ménage frappe fort à la porte nous partions alors chacun de notre côté vers une autre vie loin très loin de la Californie
c'était un été de commencement du monde la mer hésitait à chaque reflux les rochers ouvraient la bouche et crachaient les vagues elle me serrait sur ses écailles d'argent peur que je m'enlise elle était sirène je n'étais qu'un petit d’homme troublé de désir de l'embarcadère je la regardais s'enfuir dans sa mer de larmes qui étais-tu fille aux allures de sirène luisante de sel porté par la mer le mystère des ancêtres a l'odeur du large il faut traverser les ténèbres du passé les yeux grands ouverts signe de la main un sourire illuminé par un grand soleil
les yeux grands ouverts j'ai reconstruit le passé que je mis en miettes
en cherchant bien loin entre l’aorte et la cave un souvenir rouge
parfum de printemps — sur la table de l'auvent du pollen s'incruste
dans la vallée bruit la toux de vieilles chaloupes — Charon fait le plein
j’ai perdu au jeu j’ai dévoyé la patience et trompé ma mise
que dit le crapaud il semble si sûr de lui que la nuit approuve 55
Paroles tweetées III
pour que sa tête reste bien calée sur mon épaule entre mes lèvres le moteur grondait doucement soudain elle demande pourquoi elle n'entend presque plus le moteur nous étions sortis de la ville et nous nous éloignions dans la campagne quand on sort de la ville les bruits deviennent plus graves j'étais fier de moi à cinq ans à peine j'avais découvert l'effet Doppler
un ballon crevé la lune a perdu des plumes dans les branches mortes un silence opale flotte dans la nuit des arbres minuit rien ne bouge
06 avril 2018 parfums du printemps sur arôme du café — fusion des tendresses la dernière goutte et la mousse enfin frémit du premier baiser
mes doigts se souviennent de l'audace de la plume qui gravait tu me manques
pollen déposé sur la table de l'auvent un éternuement
c'est un soir d'été dans son jardin il y a mille nuits promises
mon corps me raconte toutes ses vieilles blessures je n'écoute pas
un parfum de cannelle de vanille et chèvrefeuille tambour de sa peau
de vieilles histoires il y a longtemps déjà qu'elles ont jauni
sa peau était musique elle était battements d'un plectre insatiable
l'avenir probable il sait n'aura pas le temps de passer présent
ses yeux d'orientale affûtés comme un rasoir franchisaient mon âme
de l'embrasure de la porte nous avions fait une voiture nous roulions lentement pour ne pas effaroucher les fourmis j'étais le chauffeur dans cette aventure ma petite fiancée ma princesse de quatre ans et demi se serrait contre moi c'était la récré et les récrés duraient longtemps, longtemps au jardin d'enfants nous avions tout le temps d'une longue balade d'un coup de volant habille j'évitais les cahots
enfin l'ordre règne jonque d'or encalminée au quai de l'oubli rêve moi encore jikata de Saporo aux lèvres de neige au loin un duc d'importance variable flirte avec sa duchesse tandis que le peuple crapaud crie famine dans l'étang
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Paroles tweetées III
la pince pénienne me serre grave ce soir — le printemps approche
elle semblait si forte et pourtant son cœur de craie s'est émietté sur l'ardoise que je lui ai laissée
le chant des étoiles berce le sommeil des pins le soir coule doux
j'ai mal encore du mal que j'ai fait à ses doigts en claquant la porte
odeur de la nuit épaisse lourde et sauvage un rêve de jungle
je ne méritais pas une seconde de son attention mais elle était ainsi et j'étais comme ça
fraîcheur de la nuit le printemps s'est couché tôt parfums et soupirs
une histoire sans point qui ne finit pas, pas vraiment mais qui avait fini au premier regard une histoire en impasse que tous deux nous savions n'être qu'un pont de lianes sur l'abîme sans fond pas même une histoire des pas vers le connu
la brume divague en longs filaments sans hâte dans les pins figés
07 avril 2018 abruti encore je presse un mauvais bouton — un café à l'eau
elle était œuf de jade jamais je n'ai pu briser sa coquille d'or
par son anse chaude la tasse empoigne mon doigt d'une étreinte ardente
les sept katana sont plantés dans la poussière du jardin de pierres
sur le bord du quai la vieille valise vide se gorge de rêves
un fantôme attend à la porte de Rashō et l'ennui le gagne
au fond d'une impasse un journal à peine lu garde le silence
cette nuit sans bruit les lucioles se sont tues sur leur propre tombe
le crayon vacille heurtant les mots insensés couverts de vestiges
mon nom n'est pas clair entendez-le hésiter entre trouble et noir
je n'ai pas rêvé — un jour il y a mille ans on m’a dit je t'aime
souviens-toi fleur blanche quand nous courrions pour cueillir des coquelicots
nous tenions à peine sur l'arête de son lit j'avais le vertige
parfum de la nuit il illumine mon cœur de mélancolie 57
Paroles tweetées III
les crapauds bavardent un hibou insomniaque veut les faire taire
mais ça rajoutait des étincelles au feu qui couvait oui mais non mais voilà dès que nous sommes rentrés elle a remballé ses affaires une valise seulement ce n’était pas grand-chose son mari lui manquait elle ne m'a pas dit en quoi il lui manquait pour moi il était insignifiant il ne buvait pas ne fumait pas aimait les blockbusters américains et à ce qu'elle disait il éjaculait plus vite que la lumière qu'il n'était pas elle ne cessait de compter sur ses doigts les qualités qu'il avait que je n'avais pas revenant toujours sur l'index : il était son mari et puis de toute façon je me débrouillerai bien tout seul avec l'appartement elle a pris avec rage les clés de la voiture que j'avais payée aux quatre cinquièmes mais qui était à son nom et qu'elle avait choisie elle a claqué la porte ouf, c'était fini je me suis servi une Guinness et un RedBreast dans le même verre j'ai attendu l'hiver
cette nuit sans brume j'ai fait l'appel des étoiles — il manque la mienne dans les draps froissés de souvenirs d’insomnies je me tourne encore
08 avril 2018 premières gorgées le moteur se met en route il toussote un peu gouttes sur la table je viens de laisser se perdre des larmes d'éveil un grand vent se dresse il charrie dans ses rafales un parfum de sable c'était en septembre un vingt-deux septembre comme dit la chanson il pleurait une pluie tiède et visqueuse des relents de l'été avant goût de l'automne se trainaient mollement sur la chaussée graisseuse sous la toile d'auvent de la brasserie en face du Centre Bourse je buvais lentement une Tsingtao et elle son habituelle Corona au goulot pourquoi ce mauvais goût dans la bouche cette absence de goût plutôt le temps était à l'orage entre nous je m'étais ennuyé ferme devant "la lectrice" elle l'avait trouvé génial ce n'était tout de même pas une raison à cette électricité
la jonque amarrée bruit de toutes ses membrures c'est l'appel du large le désir de l'aventure l'odeur du sang et des armes elle suit sans hâte l'ancien chemin des douaniers jusqu'au promontoire d'un geste mal assuré elle offre un bouquet aux flots j'avais mal de vous de vos rires enfantins et de vos sarcasmes
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Paroles tweetées III
à l'arrêt de bus je patientais assis en écoutant le tam-tam de la pluie qui frappait sur l'auvent je n'étais pas en avance et je prenais le bus d’après comme un rayon de soleil elle s'est assise sur le banc à côté de moi c'était une voisine de la cité à qui je n'avais jamais adressé la parole elle m'intimidait parce qu'elle était belle qu'elle avait une allure de reine qu'elle était élégante même avec son panier de légumes et une baguette sous le bras elle me faisait me sentir moche et vulgaire là sous l'abribus je haïssais mes lunettes pas chères mon imper sans forme mes vieilles godasses mes ongles rongés mon cartable de plusieurs années et un bouton au menton je n'osais pas la regarder mais elle de temps en temps lançait un bref regard vers moi il me transperçait me déshabillait comptait mes côtes d'ado maigre se moquait de mes sous-vêtements trop souvent lavés et distendus elle m'a demandé l'heure je n'avais pas de montre j'ai osé le lui dire elle m'a souri j'ai rougi elle a ri mais d'un rire sans offense un rire pour elle pas contre moi je l'ai senti ainsi et j'ai souri je ne me souviens plus de quoi nous avons parlé sans doute de ce que nous faisions dans quel lycée quelle classe nous étions que faisaient nos parents je ne me souviens plus puis mon bus est arrivé ce n'était pas le sien
la dune est immense elle s'est faite montagne pour narguer la mer le rideau de perles fouette la vitre soumise mais reste dehors j'ai cru percevoir le bruit d'un train qui passait c'est une illusion des gémissements hachés par les coups du vent sur le corps des routes un vent plein de sable crie dans ma tête il rature tous les souvenirs la nuit est plus noire que le fantôme des pins et le cri des crapauds
09 avril 2018 joue la cafetière le chant du café qui passe je bats la mesure d'un coup de cuillère je ne laisse aucune chance à l'épaisse mousse matin sans couleur le silence des oiseaux embue mon regard un volet qui bat à la maison d'à côté morne solitude à peine si j'ose ouvrir le volet bancal sur le jour obscur je frotte mes joues d'une main tremblant un peu geste mélancolique
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Paroles tweetées III
avalanche de vent mon verre s'est couché sur la table il n'était pas vide
le vent s'est calmé il laisse sur son passage des arbres meurtris
petite sœur ton regard d'Amazone qui perce tous les mystères comme la flèche tendue d'un arc saura-t-il déjouer les obstacles qui te cachent la cible
sur les ruines de mon terrain de jeu on a construit une vieille prison
au bord de ta flaque je ne suis qu'une fourmi rêvant d'océan
un oiseau passait dans le ciel des espérances une amie se pose sur la branche verte encore d'une vie de joies caduques
sous le robinet je rince un couteau qui ne m'a jamais servi
odeur de la pluie qui n'est pas tombée encore le vent la précède
10 avril 2018
dans la nuit compacte sur l'océan des étoiles la jonque dorée se fraie un chemin glorieux jusqu'au havre d'émeraude
la soucoupe fière immaculée sous la tasse — je suis fier aussi un si doux breuvage malgré sa chaude amertume — je ferme les yeux
en haut du verger sur la grosse pierre qui barre l'entrée je rêve souvent
tous les ports de l'Est tremblent d'effroi quand la jonque traverse la passe ils savent que l'équipage débarque assoiffé de sens
dans ce rêve j'étais le valet de cœur d'une dame de pique
sur les monts du Nord la neige est tachée du sang des ours des Aïnous
in this dream I was the Jack of Hearts of a Queen of Spades
je me souviens d'un soir l'été rougeoyait encore au bord de nos lèvres
mon rêve a souffert des ornières de la route c'est un cauchemar
j'irais par les sentes par les vallons et les bois au bout du mystère
un verre un dernier avant d'enjamber enfin la dernière passe
au fond du sablier recouvert des grains du temps un oiseau chantait
je ne rêve plus — dans les abysses des nuits une lueur d’encre 60
Paroles tweetées III
j'ai longtemps rêvé d'elle la jolie voisine qui dans un matin sans âme avait souri et secoué en moi des brumes de timidité de loin nous nous croisions un hochement de tête un signe avorté de la main et c'était tout je ne l'ai plus revue assise sur le banc humide de l'abribus tout le reste de cette année je n'ai plus été en retard ni elle en avance à l'arrêt de bus souvent je me disais et si je laissais passer un peu de temps peut-être que je la reverrais et nous pourrions parler seulement parler c'est tout ce qu'espérait avec ferveur mes dix-sept ans pesants mais non ce ne fut pas je la voyais parfois sortant de la superette tandis que j'y entrais mon cœur pesait alors si lourd et si mal déçu de ne savoir dicter au temps quand l'été des vacances est arrivé sur mon échec au bac je pensais toujours à elle mais il fallait bien que je paye mon redoublement et deux mois durant j'ai lavé des voitures j'ai livré des colis tout en pensant à elle à la rentrée mais je ne la revis plus ni à la superette ni à l'arrêt de bus dans ma classe cette année-là il y avait une fille aux petits seins et à la peau de cuivre douce comme un abricot
le bruit d'un avion — le songe d'un grand voyage par delà les étoiles sur les pins humides un crépuscule de gaze rêve son silence les tuiles de l'auvent se sont endormies sans claquer des dents je brûle et je danse — la flamme d'une allumette éclairant le monde au loin les crapauds des légendes millénaires séduisent la nuit et plus loin encore les aboiements d'un vieux chien brisent les étoiles j'ai trop bu ce soir et mes gestes de guimauve distillent l'ennui
11 avril 2018 le premier café c'est de l'art pour accomplir l'ensemble des tâches la première étape étant franchie brillamment choisir le bouton un château de cartes son rêve s'est effondré sur ses propres ruines sur le bord du gouffre il contemple les nuages au fond de ses yeux l'horizon voilé d'épaisses brumes de mer ne l'arrête pas
où es-tu passé mon passé sans aventure sous quel tapis mité 61
Paroles tweetées III
il nage de rage vers l'horizon qui s'éloigne jusqu'au bout du monde
la même souffrance que moi j'ai rangé le téléphone pas vraiment sûr de moi et j'ai attendu la fin de l'averse
fiché dans le sable son sabre comme une borne se moque des heures
il pleut doucement une pluie froide d’hiver sur les fleurs de cerisier
une pluie de printemps tombait lente et tiède sur le jardin en mauvais état assis sur la brouette dans la vieille remise je regardais par la porte ouverte les coquelicots indécis qui tremblaient à chaque goutte et pourtant relevait la tête par gratitude envers l’eau je pensais à elle à celle qui n'avait pas supporté mon cancer et s'en était allée avec bonne conscience retrouver sa famille effaçant d'un trait d'oubli dix ans d'intermittence j'étais rentré penaud retrouver cette vie exécrée auprès de ma femme que j'avais aimé profondément mais qui ne comprenait pas qui n'a jamais compris que l'argent n'est pas un but pourtant quand j'y pense n'avait-elle pas raison puisqu'à présent je vis confortablement sans ostentation mais bien sous la vieille remise en regardant la pluie je pensais à elle non pas ma femme à elle celle-là avec qui j'aurais pu vivre un bout de rêve mais ça n'a pas été l'envie m'a démangé d'appuyer sur la touche dédiée de mon téléphone mais ce n'était pas elle qui était là quand je sortais du bloc pas elle qui s'endormait de fatigue dans ma chambre d'hôpital harassée par les trajets quotidiens pas elle qui souffrait
pastis sous l’auvent il pleut je compte les gouttes qui ratent mon verre deux doigts sur le cou une artère téméraire pulse encor’ mon sang près de la clôture une averse me surprend je rentre sans hâte peu à peu la flaque devient mer aventureuse pour la feuille morte je guette son ombre quand mon ombre croise une ombre qui rit de mon ombre la pluie tombe douce sur les tuiles de l'auvent un crapaud pleurniche la pluie commence à tomber c'est le battement du cœur de la nuit (Kenshin) il pleut sur la nuit tout doucement elle glisse sur les pins ridés la nuit parle d'elle et me rappelle ces nuits quand elle riait route de la soif sur mes lèvres de sable — désir de lumière toute la journée le ciel a pleuré l’absence du soleil ami 62
Paroles tweetées III
suivre les sillons creusés sur mes joues flétries jusqu'aux ventricules
et des nuits de satin blanc elle a pris ma main l'a posée sur sa cuisse et a levé vers moi son visage de petite fille plein d'interrogations mon cœur s'est arrêté de battre je l'ai regardée sans plus penser à rien nos lèvres se sont frôlées se sont écrasées se sont entrouvertes je ne savais pas comment on fait mais elle savait ma petite amoureuse c'est d'elle à présent que je sais les secrets de la langue nous n'avons plus dansé sur le béton de la cave mais sur la banquette sans confort nos bouches soudées apprenaient le tango aux étoiles ... le premier baiser...
un hululement ponctue chaque battement de mon cœur chagrin
12 avril 2018 café sous l'orage à chaque éclat de tonnerre une petite vague la tasse à la main je suis prêt à voir couler les larmes du ciel de longues trainées lustrées et noires de pluie griffent les façades j'étais sans mystère elle, elle l'était pour moi toujours insoluble j'essuie mes lunettes avec de vieux souvenirs ce n'est que de l'eau
j'ai fermé la porte je laisse dehors la pluie le vent les orages
le premier baiser... elle avait pris ma main et l'avait posée délicatement sur sa cuisse de petite fille elle avait à peine douze ans ma petite amoureuse j'étais un vieux de quatorze plutôt nigaud et emprunté c'était une de ces boums comme on n'en fait plus je crois rien à boire ni à grignoter encore moins à fumer seulement un tourne-disque et peu de lumière dans la grande cave de l'immeuble les slows défilaient intarissables mes copains dansaient immobiles avec leurs copines les Moody Blues
j’ai laissé mon chat reconnaître le grenier il s’est endormi il se met à table il se régale d’odeur mon chat sur sa chaise il est ainsi des soirs où je ne parviens pas à me débarrasser des souvenirs qui pèguent lézard sous l'auvent il passera une nuit à l'abri des tuiles dans la nuit épaisse comme un goudron dur et froid mon cœur bat plus fort
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Paroles tweetées III
13 avril 2018
sur la branche morte du vieil olivier bougon deux palombes grises
perché sur la tasse je me laisser dériver par la mousse lente
je les ai aimées celles dont les traits confus troublent ma mémoire
la pluie a cessé mais des nuages voraces mordent dans le ciel
je n'ai pas gagné la moindre seconde en plus de bonheur durable ma vie entière j'ai su où tombait le point final
j'attends qu'un rayon de ce soleil pingre ouvre la boîte à parfums les lilas fleuris luisent de milliers de perles cousues sur les branches
de la vallée sombre montent le bruit de l'asphalte et des roues humides
un papillon hésite entre un bouton de pissenlit et la jeune pâquerette
dans la nuit humide en compagnie des crapauds je crois en mes rêves
elle s'appelait Violette une lointaine cousine par alliance comme la fleur dont elle portait si bien le nom elle était discrète toute petite et menue un charme dissimulé mais quand elle souriait son parfum rivalisait avec les plus précieuses fragrances nous nous croisions très rarement à l'occasion de fêtes de famille c'est au cours de l'une d'elle qu'elle piqua en face de moi une putain de crise de jalousie devant la salle médusée — et les fêtes entre italiens ça en fait du monde — tout ça parce que je n'avais rien compris c'était le soir de mes noces
de lents filaments de brume à peine visibles dansent dans les pins dans le ciel noir d'encre le murmure des étoiles — la nuit se confesse
14 avril 2018 obséquieusement je franchis les derniers mètres jusqu'au roi café mer désemparée la jonque d'une étoile à l'autre cherche une route sûre dans le vent solaire poussée par les photons rares elle creuse la voûte la jonque dorée se frotte aux ricanements stellaires
l'herbe se redresse le pré lavé du pollen commence à sourire
sur le pont luisant tous les katana se dressent contre les démons
64
Paroles tweetées III
nous retrouvions nos élèves toujours en retard et un peu gris après avoir conduit comme un dingue dans Marseille encombrée et brûlé l'autoroute ce que j'aimais surtout c'était quand nous avions le temps nous allions sur la Corniche et nous admirions les îles c'était de grands navires de pierre prêts à prendre le large chargées de leurs ruines ces jours-là nous rentrions chez elle ou chez moi nous fermions les volets et nous mêlions nos souvenirs de sel et de voyages dans de grands embruns de rire
un roc apparaît des étoiles dans les yeux prêt à briser l'étrave l'étambot agile prenant appui sur le vent évite l'obstacle rassurés les hommes rangent leur sabre graisseux dans leur fourreau d'or enfin ils parviennent au vieux havre des abbesses dont ils sont friands leur tête rasée les provoquent en riant puis elles choisissent celui qui d'entre eux viendra rendre un hommage à leurs cuisses
la pluie molle et douce caressait mes plaies ouvertes — enfin j'ai aimé
personne ne gagne ensemble ils ont échangé leur sexe de jade
des odeurs de pluie de vieux souvenirs qui grincent vaguent dans le soir
quand midi sonnait nous partions très vite et parfois même trop vite du collège pour aller sur le Vieux-Port à n'importe qu'elle terrasse manger une salade boire un ballon de rouge après un Ricard c'était le printemps l'air est léger au printemps les cœurs et les propos aussi le Vieux-Port est vaste des terrasses éloignées des quais nous n'entendions pas le chant des drisses dans le vent peut-être n'y avait-il pas de vent mais dans nos yeux c'était comme si de toute façon il y avait les odeurs de sel et de port et le soleil en prime qui chauffait doucement nos fronts déjà hâlés
au bord de la route une canette froissée abrite des vers ma petite sœur — le souvenir si étrange de ruines de sable je ne sais plus lire j'écris l’espoir sur les murs de l'indifférence la nuit est la mer sur laquelle je navigue — pagaies de mémoire
15 avril 2018 quand la vapeur danse une ardente sévillane parfum de café
65
Paroles tweetées III
les mains sur la tasse — après les cris de la nuit — reprennent leur souffle
de toute façon j'étais plutôt satisfait par ironie ou mesquine vengeance j'ai souhaité que nous passions encore un moment ensemble nous avons pris la navette et avons débarqué sur le Château d'If comme des touristes et là au milieu des ruines nous avons déambulé la vue sur la ville est plus belle que la vue vers le large pour l'enfant des rues que je fus un touriste allemand me tend son polaroid et me fait comprendre qu'il souhaite que je les prenne en photo sa femme et lui en souriant je le fais et lui demande par des signes hésitants de faire la même chose avec elle je paierai le polaroid bien sûr elle n'a pas trop rechigné quand nous sommes rentrés nous nous sommes séparés sans même un regard du polaroid j'ai fait des confettis
un soleil malade s'est étendu sur mon lit — je lui tends les draps il marchait cœur nu il laissait sur le chemin des traces de sang le temps se dérobe il glisse comme une anguille dans la mer du mépris les dés sont pipés les lançant comme des armes c'est moi qu'ils atteignent ils se rient de moi je suis un clown dont le fard creuse encor' les rides j’écoute grincer mon cœur — des émotions égarées sur le fil des ans elle m'avait donné rendez-vous dans un bar qui donnait à la fois sur le quai du Port et la rue de la Loge je savais pourquoi deux entrées deux sorties chacun la sienne je savais elle m'échappait elle s'ennuyait elle s'enfuyait assis dans la longue salle devant une table étroite nous buvions en silence elle un thé sans âme moi un demi tiède puis elle m'a dit sans circonvolution que je ne faisais plus partie de ses plans j'aime la franchise j'apprécie les mots directs les arcs bien tendus j'ai souris sans rien répondre
dans les jeunes feuilles dans ce vert de laitue fraîche deux ramiers complotent ciel de gaze fine d'un petit signe de main bonjour au printemps midi les oiseaux se pressent pour l'apéro -je paie ma tournée la nuit sous l'auvent je cueille dans le silence le désir de vivre je lève mon verre à la santé des étoiles — je pose mon verre une ligne blanche qui surligne l'horizon le but du peut-être 66
Paroles tweetées III
la barque tangue — ai-je bien donné assez à l’obscur squelette
j'allais en planant entre les constellations semer des chardons
le ciel m'a volé la seule pièce d'argent — l'éclat de la lune
des licornes chauves broutaient le chant des étoiles elles se cabraient quand les cavaliers mongols forçaient sur leurs éperons
la nuit de printemps me laisse entrevoir l'été— parfum de garrigue
j'accourais alors et de mes plumes cinglant je tranchais leur tête
les crapauds lointains enfants besogneux révisent leur chemin de croix
les licornes chauves m'ont accompagné alors au bout du sommeil
une jeune chouette essaie d'apprendre aux crapauds la langue des plumes
quand je m'éveillais j'étais recouvert du sang et des peaux tranchées de la horde des barbares qui en voulait à mon chat
16 avril 2018
ainsi tous les deux avions fait le même rêve nous étions heureux car le jour finalement avait épargné la nuit
rhapsodie en noir — dans un foulard de tzigane le café frémit fraicheur matinale — sur mes lèvres somnolentes un baiser brûlant
quand elle s'est assise à côté de moi en cours de philo j'ai cessé de regarder par la fenêtre je n'avais pas pu avoir ma place préférée premier rang près de la porte dernier entré premier sorti au premier rang le prof ne te remarque pas je pouvais rêver tout mon saoul mais cette année-là j'avais été trop rêveur me voilà au fond prés de la fenêtre je regardais l'automne dans les arbres de la cour quand elle s'est assise une toute nouvelle plus jeune que moi facile j'étais le plus âgé mon cœur s'est mis à valser
matin terne encore — la mélodie des oiseaux allume mes yeux bonjour aux collines — sur mon cuir de vieille bête la joie d'un frisson devant mon écran je vous imagine amis attentifs aux rêves j'étais un oiseau dont l'envergure d'argent pleuraient des étoiles dans ce rêve au goût de fer je pulvérisais le ciel
67
Paroles tweetées III
en fait un tango bien scandé elle a pioché dans mes affaires un stylo une feuille et m'a souri elle avait roulé mon cœur dans sa farine j'ai aimé ses baisers comme je n'en ai aimés plus jamais d'autre sa peau d'abricot fait encore trembler mes doigts et quand mon regard traverse une fenêtre c'est elle que je vois me sourire encore
un chant familier — je crois que l'ami loriot rentre de voyage le front au soleil je médite sans regret la fuite des jours dans la haie d'épines les oiseaux tiennent colloque ballet de printemps j'étais avec elle celle qui était longue comme un crayon mince comme une affiche mais des lèvres à damner les saints j'étais avec elle dans cette soirée où je m'ennuyais ferme artistes et acteurs ce n'était pas pour moi ils avaient l'air de sérieusement s'amuser pourtant dans l'ancien arsenal des galères sur le quai de Rive-Neuve de multiples locaux servaient de repaire à toute une faune de têtes enflées j'étais avec elle mais elle ne semblait plus avec moi je ne buvais pas mais je fumais beaucoup la cervelle et la bouche sableuses je lui fais un signe de loin et je vais marcher sur le quai une odeur de goudron chaud me monte aux yeux il n'était pas trop tard une terrasse encore éclairée m'accueille et m'offre un mauvais whisky je les vois passer elle et son ex je pense riant se tenant serrés j'ai pris ma voiture et je suis rentré chez nous je ne l'ai pas attendue j'ai fini la bouteille de J&B
je me sens perdu suffocant noyé coulant dans mes souvenirs je veux oublier mais l'oubli se rit de moi — oublier l'oubli ? la nuit me démange comme un vieux pull de laine feutré au lavage j'entends le murmure de mes rêves distendus dans le vent discret de mon cœur d'enfant une brise d’insouciance rafraichit les rides une nuit sans houle seulement quelques frissons au bout de la vague un dernier verre — je ne fais qu'avancer l'horloge et son tic-tac lugubre
17 avril 2018 un café patiente sagement dans sa dosette je l’ai fait attendre
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Paroles tweetées III
et me suis endormi sur la moquette comme un chien
riant le ciel jette une pelletée d'étoiles au fond de l'étang
je suis la forêt sous le plus beau de mes chênes une fée s'endort dans ses ailes repliées je dépose mon parfum
18 avril 2018 un café fumant patiente au bord de la table — un navire à quai
elle emportera cette odeur d'humus de glands et de feuilles mortes jusqu'au repaire des fées dans leur caverne sacrée
chants d’oiseaux solaires — ils s’installent dans ma chambre le sourire au bec parfums du matin dans les buissons de laurier — des froissements d’ailes
ainsi la forêt aura gravi la montagne vers le ciel d'ébène
gouttes de rosée — toutes les feuilles de viorne sourient au soleil
sur l'autre versant glissant sur les éboulis de roches tranchantes je planterai mes semences de renaissance et d'espoir
message et désir tourterelles sur le fil — je n’écoute plus
au bord du ruisseau qui draine encor’ les serments des jeunes amants la forêt alors s’arrête et l’aube mauve appareille
en hiver elle portait ce manteau vert sapin et un sourire ambigu qui lui allaient si bien nous étions dans la même classe mais il m’avait fallu mijoter tout un trimestre j’avais finalement réussi à lui parler oh de pas grand-chose du choix cornélien chez le héros racinien (Bérénice je t’aime encore !) je ne regardais que ses lèvres une envie obsédante de ses lèvres le mot ”désir“ se refusait à moi le printemps venu nous parlâmes d’autres choses des fêtes promises des dimanches de soleil et de plages en perspective
la colline à l’ouest dorée par l’incandescence du soleil couchant la nuit est venue doucement à pas de loup me saisir au cou la nuit m'emprisonne il est des soirs comme ça où le nœud se serre odeur de bitume les routes de la vallée crachent leur haleine compères crapauds traitent du prix d'une place au bord de la mare
69
Paroles tweetées III
elle portait alors une laine légère d’un vert plus clair que le sapin de son manteau et un sourire moins énigmatique j’aurais voulu sentir ses lèvres blotties sous les miennes qui cependant restaient closes à l’essentiel puis vint le mois de juin déjà l’été s’installait le lycée allait fermer pour laisser place au bac le dernier jour de classe son chemiser de soie vert d’eau la rendait presque accessible j’allais lui parler quand ses lèvres ont frôlé ma joue et ce fut tout je ne la revis plus mais maintenant encore la joue me brûle
je tombe je chute je sais que je ne suis plus que chair calcinée bouche de volcan de mon haleine de soufre je vomis les astres que je disperse en hurlant dans la profondeur des nuits plongeant dans la lave suivi de nuées ardentes je me liquéfie perte de conscience je me retrouve au soleil devant un grotte raide gardien de basalte d’un domaine féerique un voile de soie flotte sur les fleurs des prés — elles se referment odeurs du printemps — dans les lueurs du crépuscule ma transpiration
entre les trous noirs je vole ange aux ailes sombres de mes battements surgissent des étincelles qui incendient les étoiles
la nuit sans visage — entre les pins des pas brisent le tapis d’aiguilles
du fond des ténèbres j'accouche d'une lumière issue du néant
j’ai voulu broyer un vieux tas de feuilles mortes de l’hiver dernier il abritait un crapaud j’ai laissé le tas de feuilles
un gouffre m'aspire me déroule et me distend disloque mes ailes dont les plumes déjà sombres s'embrasent jusqu'aux cendres
le sommeil m’attend qui me donnera peut-être la clé d’or des songes
19 avril 2018
je chute je tombe dans un brasier sans lumière comme un oiseau mort
regard hébété je contemple dans la tasse la mousse songeuse
je bats de mes ailes comme un poisson qui se noie je me noie de braise la lave griffe mes yeux je sens qu'elle les dévore
je suis tout petit devant cette cafetière aux pouvoirs divins
70
Paroles tweetées III
le printemps qui chante d'une voix chaude au matin passe la fenêtre
elle c'était l'agrég qu'elle a réussi bien plus tard moi c'était la sauterelle qui m'avait laissé choir un soir avant de partir elle m'a aidé à baptiser mon lit que je ne faisais plus depuis des semaines nous y étions encore quand le réveil a sonné
odeur du laurier comme un parfum de cuisine dans l’air chez grand-mère
au bord de l'étang la geisha du shamisen laisse choir le plectre
arbre de Judée de ses fleurs rouges de sang les bourdons se gavent
dans les susuki la brise interrompt les rêves qu'elle n'aura plus
lentement je marche dans la brousse du jardin l'herbe jusqu'aux hanches
sur le mont Fuji la neige est teintée du sang du vieux samouraï qui a combattu pour elle elle qu'on disait putain
le crapaud s'appelle Marie-Christine Annabelle et n'est pas rebelle même si ça interpelle à des amours entre belles
elle venait le soir corriger ses copies chez moi elle quittait son mari sa fille son chez elle sa vie pour rejoindre le chagrin qui suintait de mes pores après que la grande bringue à la bouche à damner les anges avait pris ses affaires et m'avait planté là elle, elle était petite et ronde noiraude et pileuse mais un sourire de madone de mama italienne lui donnait une aura de beauté de l'âme elle travaillait en silence presque sans gestes tandis que mes copies s'empilaient insolentes sur le canapé nous parlions parfois devant le thé qu'elle préparait et que je ne buvais pas préférant un whisky dans un verre à bière nous parlions de sa vie de la mienne de mes désillusions des siennes
il est mort — son sang coule encore sur la roche où leurs noms gravés content l'histoire impossible de la geisha amoureuse il était le père du jeune prince arrogant qui la possédait il rit quand il sut d'un rire si fort et gras que tous s'inclinèrent provoquer le vieux son père était bien dans ses manières le vieux samouraï a dû choisir le théâtre de l'exécution le prince était fort sans aucun doute il sera ce qu'il fut — vainqueur au bord de l'étang le sang peu à peu dissous dans l'eau déjà trouble 71
Paroles tweetées III
s'échappe encore du plectre qui trancha sa jugulaire
je reste prostré les mots n'ont plus la parole l’encrier est vide
soirée de coton — les tourterelles s’éveillent de leur somnolence
envol d'une grive mais est-ce bien une grive sous le cerisier
nuances de bleu du zinc au cuivre le ciel joue de sa palette
sur le mur étroit le message d’un vieux mage « résiste à la vie »
le soleil m'assomme un soleil pour classe affaire je vais dans la soute
sur le plus long mur une énigme de banquier « vendez-moi votre âme »
je ferme les yeux pour ne plus voir un passé qui ment si souvent
sur le mur en ruine mise en garde de la terre « humain tu es mort »
la nuit m'ensorcelle le sommeil frappe du pied les rêves frémissent
écrit sur le vent un chapelet de promesses qu’égraine le diable
je suis fatigué des vieilles plaintes obscures de mon cœur geignard
la foule qui danse sur la place endimanchée donne mal au cœur sur le tronc du chêne l’initiale de son nom est presqu’effacée
20 avril 2018 j'ai quitté le lit sur des jambes en flanelle la cuisine est loin
dans l’entrée je pends l’odeur de sueur et d’herbe verte
un goût de goudron matin terne et nauséeux café sans saveur
d'une étoile à l'autre mon regard de myope va plus vite que la lumière
il fait beau pourtant les oiseaux jouent dans les feuilles mais je n'entends pas
la vallée murmure une plainte trop connue d'oubli impossible
du soleil au pattes elle porte la lumière dans la ruche sombre
21 avril 2018
l'horloge bourdonne dans ma tête le temps passe et le sable crisse
un café serré au petit goût de noisette matin souriant
72
Paroles tweetées III
cap droit sur la plage de leurs rires ils piétinent le château de sable
je ne sais que dire dans le fond de ma besace je choisis trois vers
à l'ombre des platanes dans les frémissements de la ville déjà brulante en cette fin de printemps j'attendais qu'elle sorte du vieux lycée Perier où elle passait l'oral du bac pour moi c'était plié je n'avais même pas passé toutes les épreuves de l'écrit j'avais chaud j'avais soif sur la place Delibes j'entre dans le bistrot habituel des élèves du lycée et je la vois qui rit qui s'amuse avec des copains copines que je ne connais pas elle me remarque et se fige mais je fais comme si je ne l'avais pas vue et m'approche du comptoir pour commander une pression car ce n'était pas elle que j'attendais elle, celle-là, nous nous étions séparés depuis un bon moment déjà et pourtant ça avait été chaud entre nous peut-être trop chaud ou pas assez je ne saurai jamais non celle que j'attendais dans la moiteur de juin était celle qui attendais notre enfant et allait devenir ma femme la semaine suivante
à l’abri des tuiles les guêpes œuvrent déjà — maisons de papier sur la jonque d'or le vieux capitaine borgne ne dort que d'un œil craignant l'équipage il garde au bout de son bras un sabre affûté amer il regarde vers les étoiles complices de tous ses forfaits elles pourraient dire aux mages restés à terre ce qu'il est vraiment un assassin dur avec les pauvres pêcheurs qu'il rançonne à mort il connait pourtant de qui il a reçu l'ordre d'être impitoyable du château de sable le vieux prince enfariné le surveille encore par un sortilège celui-ci a imprimé son sceau dans la tête du vieux brigand cauteleux qui n'a pas su se défendre
le jardin me colle des odeurs d’herbe coupé de soleil brûlant
mais les marins veillent ils se relaient et surveillent la lueur du sabre
au bord du chemin pour que le vent me rejoigne je me suis assis
quand elle a faibli ils lui ont tranché la gorge de sa propre lame
les crapauds se taisent il n’est pas trop tard pour eux je me sers un verre
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Paroles tweetées III
brillantes sur mes lèvres de ses lèvres serrées qui s'ouvraient sous mes doigts je me souviens de ses seins clémentines aux pointes érigées vers ma langue assoiffée de sueurs enfantines je me souviens de ses mains impatientes de couvrir sur les routes connues entre mes pores de griffes insolentes je me souviens de son soupir ténu retenu puis lâché quand je la pénétrais après mille caresses je me souviens de son sexe de crème sur mon sexe infidèle qui mollissait de honte et me faisait m'enfuir je me souviens comment je l'ai perdue en courant dans la ville en hurlant du silence d'espoir pulvérisé je me souviens encore que je l'avais aimée comme jamais plus tard je n'ai aimé personne
je parle aux étoiles mais leur nom m'est inconnu pourtant elles brillent
22 avril 2018 le café raconte il me décrit ses forêts lourdes de tropiques je ne bouge plus dans le trou de l'olivier la mésange bleue parfois un pigeon plane d'une telle aisance on voit un faucon l'herbe coupée hier respire et fume au soleil couchée sur le pré dans les lauriers-roses le soleil à fait son nid le lierre de la façade frémit dans le vent quand les pâquerettes ont chassé les boutons d'or — batailles de fleurs les grands pissenlits ont affûté leurs racines pour mordre mes dents
de mes doigts fiévreux je désigne les étoiles qui vont me poursuivre
je me souviens je me souviens de ses yeux d'améthyste qui perçaient mon regard sa peau de cuivre chaud qui collait à mes paumes je me souviens de sa voix éraillée qui déchirait mon cœur et son rire moqueur dans nos chaudes pénombre ses cheveux acajou que j'aimais disperser je me souviens de ses lèvres lissées
il y a la brune dont le rire incomparable m'a rendu sourire il y a la bleue qui était indifférente aux larmes salées et aussi la rouge sang comme un cœur arraché d'un corps vif encore la jaune apparait avec les mille remords des amours déçus 74
Paroles tweetées III
puis l'or et l'argent un gouffre de vanité aux doigts aimantés
elle avait partagé ses carrés de chocolat avec moi qui n'avait qu'un quignon et une banane pour le goûter dans le vieux fourgon de la poste nous revenions d'un cross dans les vignes de je ne sais où j'étais jeune en ce temps là mais je n'ai jamais su courir je m'étais asphyxié dès les premières foulées dans la terre lourde de janvier j'étais arrivé blême et haletant pas dernier mais presque je me suis évanoui et j'ai vomi mon estomac presque vide mon club, les postiers, n'a jamais compté sur moi pour la saison de cross j'étais un pistard au saut en hauteur je n'étais pas trop nul mais là je m'égare elle m'avait offert trois carreaux de chocolat sans rien dire je l'ai remerciée d'un sourire et d'un silence chaleureux elle, elle était junior je n'étais que minime nous ne courrions pas sur la même cendrée elle m'a pris par l'épaule sur la banquette du fourgon ma tête s'est posée sur le bord de sa poitrine et je me suis endormi mais je sentais son sein de jeune femme déjà battre à mes oreilles quand nous sommes arrivés dans la soirée au siège du club ses parents l'attendait elle m'a fait un signe timide que je lui ai rendu moi, je rentrais à pieds je n'habitais pas loin je ne l'ai plus revue j'en avais fini avec l'athlétisme
je ne compte plus toutes les étoiles tombent je suis submergé même pas un ange aux ailes brisées brûlées je ne suis plus rien je reste assis là dans le bruit de la vallée sous mon auvent tiède à espérer cette fin que cependant je redoute le ciel a pali un voile tiède et léger effleure ma peau navire en détresse le marin se jette à l'eau quel rêve stupide sous la voûte sombre un croissant de lune à l'ouest joue le crépuscule la nuit ma compagne je vais te laisser pourtant pour la lueur des rêves
23 avril 2018 un café debout accoudé sur le frigo un zinc de bistrot le ciel se découvre il s’étire et bâille un peu — odeurs de printemps les oiseaux habiles dessinent leur trajectoire d'une plume à l'autre un second café essaye insidieusement de brouiller l'écran
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Paroles tweetées III
le premier crapaud qui coasse de trop loin a raté sa chance
des fleurs d'émeraude coulaient lentement des yeux de la jeune fille ses rêves se sont perdus dans la soie des manches sombres
la nuit secrète un philtre mélancolique — les étoiles pleurent
elle s'interroge que savait-elle de lui qu'il était si beau qu'il savait si bien parler de son sourire de fée
24 avril 2018 brumes matinales une gorgée de café pour les dissiper
une fois qu'il eut menti avec conviction abusé son cœur et corrompu son honneur il a rejoint sa province
un ciel en chemise qui ondule en plein soleil linge déjà sec une haleine tiède une odeur d'herbe mâchée traverse le pré
dans la capitale on raille dès à présent la jeune princesse dont l'innocence coupable a avili la maison
une pie prend un bain dans l'abreuvoir des mésanges quelle pie sans gêne
cadeau du Shugo son ventre en s'arrondissant de jours en semaines l'a conduite aux maisons vertes d'où on ne sort pas geisha
un regard morose les oiseaux que je rencontre semblent taciturnes je m'assois fourbu sur le vieux banc sous les chênes un pigeon se lâche
le chant de la grive dans le verger délaissé une ode au soleil
les nues ralentissent les dards trop lourds du soleil — rayons de miel gris
par dessus les collines les parfums de la garrigue inondent le ciel
je ferme la porte par la fenêtre entrouverte les courants d'air rodent
la terre vrombit les cigales qui vont naître répètent déjà
j'avais dix sept ans j'ai pris une bonne leçon et en même temps j'ai pouffé de rire quand elle m'a annoncé les yeux dans yeux - oui, elle louchait un peu que c'était fini
sous l'orbe du ciel mon pays de pins songeurs boit le grand soleil un soir de velours dont le tissus aux plis lourds colle à la sueur
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Paroles tweetées III
que son cœur s'était vidé comme une baignoire dont on tire la bonde - texto son cœur se vidait et le mien a explosé comme une baudruche trop gonflée la première défaite depuis je ne prends plus que des douches
ma vie tombe en miettes — une pluie de souvenirs dans un grand désordre au loin un crapaud pour l'inertie syndicale couvre un train de nuit roues dans roues les routes remontent dans la vallée leurs rêves d'asphalte
seul sur la galère je cadençais au tambour le tempo des rames
25 avril 2018 volet repoussé l'odeur du café embrase le chant des oiseaux
pas de capitaine pas d'équipe la galère était mon armure
le fauteuil qui grince se balance doucement — je choisis mes mots
les rameurs fantômes obéissaient à mes ordres ils ramaient plus vite quand j'accélérais le rythme ou plus lentement selon
un nuage passe le ciel tout à coup se sent nettement moins seul
dans la brume épaisse le rostre d'acier narguait la vague insolente
malgré les mésanges orphelin des hirondelles le ciel reste triste
il la soumettait elle allait se réfugier à l'abri des rames et puis coulait crête basse en un paisible sillage
manque d'intérêt je viens de lire trois fois le même passage les lettres se brouillent je ne comprends plus les phrases que je viens d'écrire
le dieu des volcans alors me cracha dessus son haleine en flamme
au débarcadère il attend sous la pluie froide une passagère qui jamais n'est descendue d'un navire inexistant
je n'ai pu rien faire quand la montagne de lave a embrasé le navire je me débattais dans les coulées bouillonnantes mais c'était trop tard
elle lui disait dans les rêves qu'il faisait sans pouvoir dormir attends, attends moi demain tu reconnaîtras mes yeux
et couvert de cendres je m'assois au bord du lit pansant mes brûlures
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Paroles tweetées III
et depuis ces rêves il a fait toutes les gares tous les ports du globe la rase campagne même et tous les aéroports
la nuit me harangue ”cours sur mon corps de basalte ”et tends lui ta main je me sens si loin tellement vieux et malade et je suis si lâche
il sait qu'elle existe qu'elle approchera ses lèvres et qu'elle dira tu vois je suis arrivée alors allons où tu veux
l’auvent se referme armure d’intimité autour de ma nuit
mais il ne sait pas où il devrait la conduire lui ce qu'il voulait c'était seulement attendre que la mort prenne son bras
26 avril 2018
fin de la journée — j’essuie mon visage humide à l’ombre des chênes
à l'ombre des chênes quelques ramiers vont et viennent tout en grommelant
je viens de rentrer une odeur de marjolaine me suit pas à pas
les pies intrépides sautent d'une branche à l'autre sans peur des culbutes
peut-être de menthe je n’ai jamais vraiment su les différencier
sur le fil électrique avec sa queue pour balancier il défie le vertige
je suis de l’asphalte je ne connaissais qu’un arbre en vérité deux les platanes des allées et les pins pris en photos
assis sur le banc j'écoute le jardin vivre ivre de printemps
dans sa tasse blanche délicatement posée il fume en dandy
les ombres sont douces elles jouent des silhouettes sur l'herbe encor' tendre
longtemps j’ai pensé que les fruits sur le marché sortaient de conserves
du haut de Canaille l'horizon devient un arc et je suis la flèche je me tends pour la rejoindre sur son île aux mœurs sauvages
dans la cuisine le parfum de marjolaine est ma madeleine le cœur en suspens les mots collés à ma gorge comme un papillon
elle m'a laissé lié à mes souvenirs de clown inutile boudeuse elle a levé l'ancre dans un froissement de soie
au loin geint un chien — qui peut avoir le cœur dur et retirer sa main 78
Paroles tweetées III
sur la mer les voiles des chaloupes minuscules brillent au soleil et l'aube se lèvera sur son insondable absence
27 avril 2018
les gabians moqueurs tracent des huit infinis dans le ciel sans borne ils se rient de ma détresse de blessants ricanements
cuisine endormie quelques gestes machinaux parfum de café
un rayon taquin passé par la mince fente joue sur l'oreiller
parfois le printemps sous des airs de bon vivant est mélancolique
je voudrais voler comme eux frôler la falaise et froisser l'écume à la tête des embruns sans m'enfoncer dans les vagues
tapis poussiéreux je secoue par la fenêtre l'ombre de mes rêves
mais je suis trop lourd j'aurai rebondi cent fois sur la roche aiguë avant que la mer fidèle me recouvre de son sel
compère loriot pose un chant dans la lumière le jardin s'éveille un coquelicot le premier de ce printemps sourit dans le pré
alors j'ai repris le chemin des souvenirs par la route des crêtes jusqu'au havre des regrets et d'une vie d'habitudes
sur le tas de bois une tourterelle morte attend les fourmis
la nuit de silence m'enveloppe et me caresse de ses mains de laine
elle est venue vers moi frissonnante et blême dans la lueur de la nuit
le ronronnement d'une pompe de forage comme un acouphène
les lunes éclaboussaient des ombres à tous les coins de rues ruisselantes d'hiver
un fantôme approche je ne vois pas son visage — me ressemble-t-il ?
elle tremblait d'un froid intime et humiliant elle m'a regardé
il a le costume que j'aurais voulu porter pour ma mise en bière
sur ses épaules j'ai posé mon lourd manteau de laine elle en a serré le col de ses mains blanchies par le givre et la peur
la lune gibbeuse d'un dédain plein de hauteur reste silencieuse
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Paroles tweetées III
nous avons marché tout autour de la place parmi la foule des revenants qui dansaient tristement au son de pipeaux grêles
je l'ai embrassée ses lèvres étaient chaudes et se sont ouvertes à mes lèvres je l'ai prise par la main et nous avons couru jusqu'à la place glaciale
nous sommes entrés par une lourde porte dans une maison en ruine
les revenants de sable dansaient, dansaient encore le son des bombardes nous blessait
un long couloir de ténèbres puis des marches grinçantes et parfois éphémères ont gémi sous nos pas soulevant une poussière épaisse
le long des quais du port nous avons cherché longtemps mais nous l'avons trouvée
il fallait écarter les cadavres de rats mais leurs fantômes nous suivaient de loin et craintifs
à bord de la felouque nous avons pu souffler dans la cabine tiède des dates des amandes et du vin de Hongrie disposés sur la nappe nous ont rassasié et nous avons souri
tout en haut de la tour une longue pièce sombre dont les murs s'ornaient de crocs de boucher conduisait vers la terrasse
la felouque déjà remontait le fleuve vers les sources du soleil
de là nous avons regardé la ville sous l'éclat des lunes farouches elle était sinistre silencieuse sans vie nous nous sommes tourné vers le port encombré de bateaux éventrés de barques immergées et de mats rompus
j'ai bu à sa source elle était fraîche et limpide comme un avenir j'ai passé mon temps à le perdre et me voilà à quêter l'instant
j'ai regardé la fille elle était très jeune et belle comme le soleil qui plus jamais ne se lèverait sur la ville et ses minarets
le soir de satin entrebâille doucement la porte des rêves
elle m'a sourit et m'a tendu mon manteau d'une voix inconnue je lui ai dit de le garder je n'avais pas froid
le vent a tourné les rumeurs de la vallée se font lancinantes
28 avril 2018
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Paroles tweetées III
sur la tasse danse une robe de vapeur chaleureux arôme
le télégraphiste soigne son acné d'un balai nerveux
passe une nue blanche devant les yeux du soleil les ombres se voilent
l'allumeur d'étoiles cherche une allumette pour curer ses dents
devant la tondeuse un petit lézard prend peur couper le moteur
tous les passagers attendent sans impatience le petit déjeuner
deux papillons jaunes dans le soleil du verger dessinent des pleurs
ils ont mis leur bavoir sur leur poitrine chauve et leurs yeux sans lumière quêtent dans le miroir une lueur d'espoir
dans le cerisier une abeille et un bourdon les dernières fleurs
un contrôleur zélé passant la tête par la fenêtre est avalé tout cru par un serial tunnel è pericoloso sporgersi
dans la gare entre les étoiles le train frappe avec les rails sur le xylophone des traverses
en gare de Bételgeuse monte un tyrannosaure au sourire enfantin
au coup de sifflet magique il s'élance sur la voie lactée vers la petite ourse au nord de toute certitude entre le sud et le centre
ça ne l'empêche pas de mâcher son billet et le composteur en prime
tous les passagers ont lacé leur ceinture sauf la grasse cigale qui préfère un parachute dont elle scie les haubans
comme ça on pourrait aller plus loin que les mots mais toute gare a un quai comme un ange sans ailes j'ai pris le train en marche dans l'amer des sarcasmes
le clown à la veste de cendre se repoudre le nez tandis qu'à Andromède le grillon sans foyer en grille une sur le quai
j'ai bien refermé la valise où je range mes plumes après que le douanier sur des pattes d'ibis trouble a contrôlé leur longitude
il a juste le temps de sauter en marche dans sa cage dorée
puis comme tout le monde j'ai patiné sur le quai de la gare Saint-Charles
vautrés sur la banquette la girafe et le zèbre jouent à la main chaude 81
Paroles tweetées III
sur l'herbe tondue pissenlits et boutons d'or sèchent au soleil
jamais en retard heureux mon ami loriot attend le soleil
l'écureuil craintif dans l'abreuvoir des mésanges prend juste sa part
les augures disent que demain viendra l'orage dans le ciel limpide
la rue était sombre la plupart des réverbères avaient le bourdon
au bord du néant les yeux dans mon vague à l'âme je respire à peine
un soudain silence même les arbres sursautent en fermant les yeux
ce profond silence auquel j'aspire et je tiens m'envahit bien tôt
dans le miroir sale qui réfléchit comme un sabre je me reconnais
des grains de poussière voltigent devant des yeux aux paupières closes
la nuit me susurre des mots d'amour inconnus ses lèvres sont dures
c'est dans sa nature de ne vivre qu'un été — bonheur éphémère
je me sens tout smouale ivre comme un bilboquet la tête à l'envers
les aiguilles tournent et je reste planté là à les regarder
chouette ou hibou je ne sais pas qui s'amuse à jouer au coucou
la pluie a cessé quelques nues retardataires courent vers le sud
même les crapauds ont ravalé leurs insultes le silence est roi
nuit de pleine lune mon chat ne veut pas rentrer je me sers un verre
la couette m'attend elle a même demandé un verre de rhum
minuit j'ouvre le frigo et une barquette de champignons à grecque
29 avril 2018
une chouette au loin essaie de me raconter sa frayeur du jour
levé abruti — dans les escaliers pentus je perds mes pantoufles
30 avril 2018
poussant le volet de la cuisine embaumant croissants et café
mousse salvatrice sa douce chaleur effleure ma lèvre gourmande
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Paroles tweetĂŠes III
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