À L’AVANT-PLAN / UPFRONT
OSER La nuance est ténue entre l’intrépidité et la témérité. Tout acte de courage et de créativité frise souvent la folie, le fiasco et le ridicule. Les grands aventuriers de ce monde – alpinistes, skieurs, kayakistes ou randonneurs célèbres – affirmeront que ce ne sont pas les risques qu’ils prennent qui les définissent. Lorsqu’ils racontent leurs périples, rien ne donne l’impression de casse-cous en quête de sensations fortes. Ils paraîtraient même plutôt conservateurs. Leurs vaillants exploits sont, sans contredit, entrepris avec une prudence méticuleuse : évaluation scrupuleuse des risques et mesures calibrées avec précision afin de limiter les dégâts potentiels. Ils se préparent, ils planifient, ils procèdent avec précaution. Faire autrement serait insensé. Les grands exploits d’aventuriers témoignent depuis toujours du potentiel humain – Edmund Hillary qui gravit l’Everest, Roald Amundsen qui atteint le pôle 16
Sud, Gertrude Ederle qui traverse la Manche à la nage. Mais toute médaille a son revers : la mort de George Mallory sur l’Everest avant la tentative d’Hillary, la tentative avortée de Robert Falcon Scott pour atteindre le pôle avant Amundsen, la mise au pilori d’Ederle pour avoir pensé qu’une femme pourrait un jour traverser la Manche à la nage. Même les plus prodigieuses aventures règnent dans l’ombre d’une catastrophe, d’une bourde et de la dérision. Bien sûr, le commun des mortels se lance dans des épreuves plus modestes : skier sur une piste experte pour la première fois, s’élancer en deltaplane du haut d’une falaise, faire du kayak dans un rapide de classe V. De telles réalisations ne se révèlent peut-être pas des prouesses spectaculaires, mais elles nous mènent tout de même vers l’épanouissement personnel, et nous en apprennent plus sur qui nous sommes vraiment. Nous savons que tomber, s’écraser ou chavirer est chose possible, mais à l’instar des aventuriers, nous prenons toutes les précautions raisonnables dans le but de réduire les risques. C’est en vainquant la peur, et surtout en repoussant la folie, que nous parvenons à réaliser de grandes choses. Alors, si on osait ? – Peter Oliver