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3. S’ENGAGER POUR LA QUALITÉ ARCHITECTURALE

3. S’engager pour la qualité architecturale et la démarche environnementale

Au cours des années 1950, on estime à 15 millions le nombre de logements nécessaires pour répondre à la crise du logement que connait la France. L’État développe alors de fortes politiques de construction et apporte d’importantes aides financières. Ainsi “les grands ensembles” voient le jour répondant au mieux aux exigences économiques, techniques et de confort. Cette période marque un tournant pour l'architecture concernant les découvertes techniques, les expérimentations architecturales et les innovations en procédés de construction. Par la suite, le secteur de la construction pour l’habitat se développe et de nombreuses opérations de ce type voient le jour.

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Actuellement les “grands ensembles” sont critiqués par leur échelle disproportionné et manque d’interaction avec son contexte urbain, ce qui serait porteur de ségrégation sociale. Il est vrai que ces ensembles ne sont plus en phase avec les besoins d’aujourd’hui et mettent à jour des problèmes sociétaux. Cependant, il me semble que l’opposition systématique par la génération actuelle des réalisations des précédentes n’est pas productive. En effet, les penseurs-constructeurs d’alors ont apporté la solution qui leur semblait la plus judicieuse avec les enjeux de l’époque, qui nous sont étrangers aujourd’hui. Lorsqu’il est constaté une défaillance, il appartient aux architectes contemporains d’apporter une réponse pour améliorer -sans détruire, dans la mesure du possible- ce qui a été réalisé. Voilà pour moi un signe d’évolution et de progrès. “Chaque génération d’acteurs prend ses décisions en s’opposant aux erreurs supposées de la phase antérieure”Annie Fourcaut Les grands ensembles ont-ils été conçus comme des villes nouvelles ? La construction du grand ensemble qui aujourd’hui fait objet de chantier zéro carbone à Rosny-Sous-Bois date de 1968. Afin de diminuer le malaise vécu par rapport à la difficulté d’insertion dans le paysage, (la taille est disproportionné par rapport aux pavillons environnants) une première intervention pendant les années 1990 a changé l’aspect extérieur de l’immeuble. Le choix de l’architecte à l’époque était de symboliser dans les façades des petits pavillons afin de mieux “s’intégrer” dans le contexte urbain. (Annexe 11). Cette stratégie illustratrice, certes anecdotique sur la façade, essayait d’améliorer l’insertion du “grand ensemble” dans le paysage. Les tuiles ayant servi à cet effet ont été posés avec de l’amiante. Aujourd’hui notre agence vient améliorer une seconde fois la "vie” de cet immeuble, aujourd’hui il s’agit de désamianter. Au cours du temps lorsque les architectures vieillissent, les mentalités, les technologiques et les mesures sanitaires évoluent et permettent d’apporter une nouvelle vision des choses, ce qui engendre un perfectionnement de la réponse architecturale. Le renouvellement et la réhabilitation sont destinés à toujours exister. De nos jours, notre positionnement et notre état d’esprit par rapport aux grands ensembles est tout autre. Nous assumons aujourd’hui l’échelle disproportionné des grands ensembles. C’est dans cet état d’esprit que notre agence cherche à sublimer la monumentalité de cette construction. Elle s’est chargé de retranscrire l’insertion de ces trois grandes corps d’immeubles dans le site. L’intervention s’est fait subtilement à travers les nuances choisies pour les façades, similaires aux couleurs des façades du voisinage.

De manière consciente nous ne concevrions pas des logements de la même manière que dans les années 1970. Alors pourquoi continuons-nous d’utiliser les mêmes matériaux polluants, de mauvaise qualité et écologiquement non-viables ?

En 1973, le ministre de l'équipement et du logement, Olivier Guichard signe une circulaire, qui impose un coup d’arrêt à la construction des grands ensembles des années 1960, porteurs selon lui de "ségrégation sociale”. Guichard a auparavant fait un discours de politique urbaine où il expliquait pourquoi il fallait arrêter de construire des grands ensembles. La circulaire Guichard arrête huit opérations gigantesques - dont une justement à Rosny-SousBois - qui étaient en train d'être construites. Il interdit par la suite de construire des grands ensembles trop importants, disproportionnés par rapport à la population de la ville dans laquelle ils allaient être construits. Convaincu que la politique urbaine doit s'adapter en construisant des ensembles plus petits et surtout en variant le type d'habitat. Il introduit ainsi la notion de qualité architecturale.

Si Guichard en 1973 pointa le désavantage de construire des grands ensembles, et instaure une politique urbaine interdisant ce types de constructions, que faut il faire pour se faire entendre aujourd’hui par rapport à la qualité architecturale et environnementale produite. “Après les efforts considérables accomplis pour augmenter la production massive de logements neufs, il est aujourd’hui indispensable de répondre plus efficacement aux aspirations à une meilleure qualité de l’habitat et de l’urbanisme, et de lutter contre le développement de la ségrégation sociale par l’habitat. […]Le renouvellement et la diversité de l’architecture doivent être assurés, spécialement dans les constructions aidées. Vous encouragez les maîtres d’ouvrage à faire appel aux techniques et aux concepts qui permettent de rompre avec l’uniformité et la monotonie, et les maitres d’oeuvre à exprimer leur imagination et leur talent.” Olivier Guichard Circulaire du 21 mars 1973 relative aux formes d’urbanisation dites “grands ensembles” et à la lutte contre la ségrégation sociale par l’habitat.

Ce constat étant fait par rapport à la qualité architecturale, la question est de savoir ce qui fait cette qualité en 2018. Est-ce le temps consacré à la réflexion du projet ? C’est-à-dire un temps qui développe un concept et une pertinence urbaine et sociale ? Est-ce par l’usage de matériaux bio-sourcés et réutilisables ?

« En grandissant, tu apprends assez vite que les mots “modernité et “progrès sont deux pièges infernaux, et qu’on continue à te tromper dans leur nom. On continue aussi à te tromper avec un autre mot, […] “croissance”. »

Renzo Piano, La désobéissance de l’Architecte

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II. Métamorphose de la profession et Positionnement écologique

« Il faut faire appel à l’intelligence, qui doit être légère, perméable, patiente tant quelle n’a pas trouvé la bonne solution. L’architecte doit savoir attendre, c’est le seul moyen d’être créatif. Ce métier est un mélange de technique et de spiritualité, de créativité aussi. »

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