Les politiques du logement dans les Suds : la promotion de la propriété individuelle et ses limites

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maximiser leur rentabilité et pour calibrer une offre financièrement adaptée à la demande des ménages… qu’ils financent également avec les crédits acquéreurs (les emprunts immobiliers).

3.3

La sécurité et l’entre-soi au cœur des programmes de logement abordable

De concert avec les considérations financières des banques et des promoteurs, un autre facteur a grandement contribué à la transformation de l’offre de logements abordables dans les pays à revenu intermédiaire depuis les années 1990 : la recherche de sécurité et d’entre-soi des classes moyennes. Cette dernière a notamment largement façonné les stratégies résidentielles des ménages mais également les dispositifs d’aménagement des projets d’habitat individuel et collectif de petite taille. 3.3.1.

La « gating machine » : la réponse de l’industrie immobilière à une demande de sécurité

La littérature en sciences sociales montre combien la peur de la criminalité est un phénomène complexe (Bannister et Fyfe 2001; Body-Gendrot 2008; Johnston 2001; Silverman et Della-Giustina 2001). Quelle que soit la disparité entre les risques objectifs et les peurs subjectives des citadins, l’intégration des enjeux de sécurité dans les politiques urbaines et dans la conception des produits immobiliers s’est imposée dans de nombreux pays des Nords comme des Suds. À ce titre, le travail de l’anthropologue Setha Low (2012) sur les gated communities aux États-Unis met en perspective les enjeux de sécurité des biens, ainsi que les liens entre criminalité, victimisation, anxiété, et craintes de déclassement social. Cette analyse éclaire les pratiques et les comportements des ménages, comme de l’industrie immobilière, et permet ainsi de mieux comprendre pourquoi ces résidences sécurisées sont devenues si populaires. En écho au concept de « growth machine » du sociologue Harvey Molotch (1976) qui met en lumière les liens entre cercles politiques et économiques dans la fabrique urbaine, les sociologues Elena Vesselinov, Matthew Cazessus et William Falk (2007) proposent la notion de « gating machine » pour étudier les intérêts et actions qui lient acquéreurs et promoteurs dans le succès des communautés fermées. Les similitudes des processus en cours au Mexique, en Inde et en Afrique du Sud (voir Encadré 8 ci-dessous) sont édifiantes : la sécurité y est un véritable enjeu de société et l’existence d’une « gating machine » un trait marquant de la fabrique urbaine. La question de la sécurité prend une place de plus en plus centrale dans les préoccupations des habitants des métropoles de pays à revenu intermédiaire depuis les années 1980-90. Des recherches menées en Inde et en Afrique du Sud montrent à quel point les habitants sont nombreux à penser que la sécurité est désormais la première qualité d’un logement, avant l’isolation ou la qualité d’usage (Jacquin et Capron, 2010; Lévy, 2018). La sécurité se paie cher néanmoins avec l’installation de murs hérissés de fil barbelé, de grillages aux fenêtres, de caméras de surveillance, et la présence de gardes de sécurité à l’entrée des complexes résidentiels (voir la Photo 3 ci-après). Ces projets de quartiers fermés illustrent l’émergence d’un urbanisme sécuritaire désormais accessible aux classes moyennes inférieures. Ces opérations matérialisent une forme de modernité puisqu’ils correspondent à des modèles d’habitat récents et développés dans les pays riches. Ils expriment toutefois également une peur exacerbée de « l’autre » dont chacun cherche à se protéger. Eric Charmes (2011) explique en outre

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