préoccupation fondamentale pour tous les habitants qui, quel que soit leur niveau social, prennent
cette question en compte dans leurs stratégies et choix résidentiels. Cette place centrale accordée à la sécurité dans la programmation des programmes de logements semble par ailleurs marquer durablement et inévitablement le paysage urbain et social des villes sud-africaines, ainsi que les modes de vie et d’habiter de leurs résidents. Sas de sécurité et clôtures barbelées constituent également un élément important de la vie
quotidienne des habitants de bon nombre d’ensembles résidentiels en Amérique latine (Jacquin et Capron 2010). La recherche de la sécurité est par exemple omniprésente au Mexique où le taux d’homicide atteignait, en 2020, 20 pour 100 000 habitants - contre moins de 2 dans la plupart des pays de l’OCDE (INEGI, 2021). Le degré de fermeture des complexes immobiliers peut néanmoins varier. Si
certains lotissements sont totalement fermés et appliquent un contrôle strict des visiteurs, d’autres disposent de grilles qui peuvent rester en partie ouvertes, la barrière constituant seulement un élément sécuritaire dissuasif. Il n’est pas rare également, au sein de ces quartiers, de voir des ensembles de logements (privada, cerrada, ou condominio) qui, dans des cours ou impasses fermées,
disposent d’un fonctionnement propre. Chaque ensemble possède alors son portail-interphone, son représentant, son groupe WhatsApp, et ses parties communes (Ribardière et Valette, 2021). La situation
est globalement similaire en Inde ou en Turquie où la doctrine du « safety first » prévaut dans la plupart des projets d’immobilier résidentiel : les résidences sont fermées et gardées 24/24 par un vigile et des
caméra de surveillance et accueillent, dans bien des cas, de nombreux de services et d’infrastructures (écoles, restaurants, commerces, etc.) (Berrou et al., 2019).
Pour les promoteurs, ces programmes résidentiels fermés sont des produits immobiliers particulièrement attractifs. La demande des ménages est forte : à Johannesburg, 72 % des habitants interviewés considèrent la sécurité comme le principal critère ayant guidé leur choix dans le processus d’acquisition de leur logement et, plus largement, dans la définition de leur stratégie résidentielle (Lévy, 2018). En outre, la construction de résidences fermées se fond particulièrement bien dans la stratégie des promoteurs, évoquée ci-avant, de réduction des coûts et d’uniformisation et de réplicabilité des opérations. La clôture des projets par des murs périphériques pour des raisons de sécurité permet notamment de couper les ensembles résidentiels de leur environnement extérieur, justifiant ainsi d’autant mieux la pratique de reproduire à l’identique ces opérations d’un site à l’autre. Si la création des résidences fermées tente de répondre à une demande sécuritaire de la population, cette réponse technique apparaît toutefois insuffisante et parfois contre-productive. La raison est simple : la faible fréquentation des espaces publics, la faible qualité des voiries (manque d’éclairage notamment) et le manque d’interaction entre espaces privés et espaces publics rendent paradoxalement ces quartiers vulnérables aux cambriolages et aux crimes. 3.3.2.
Une quête d’un entre-soi sécurisant
Dans le contexte très inégalitaire des pays à revenu intermédiaire, les complexes immobiliers moyen de gamme, rendus attractifs par leurs prix et leurs aménagements sécuritaires, véhiculent en outre une forte dimension symbolique et identitaire pour des ménages primo-accédants en quête de reconnaissance et de promotion sociale. L’accession à la propriété dans ces programmes immobiliers
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