La nouvelle structure institutionnelle permet à la ville d’exploiter en priorité ses propres systèmes, le service public de l’Etat provincial ne joue qu’un rôle d’appui technique et les opérations sont confiées à ce qu’on appelle des cellules techniques, essentiellement des associations formées à l’exploitation. De ce fait, l’Orissa a développé un modèle institutionnel innovant qui se démarque du modèle européen connu. Orissa n’est pas le seul État ; quatre ou cinq autres états ont effectué des exercices similaires. Entre-temps, le gouvernement national a reconnu ce modèle et a investi beaucoup de ressources. Dans le budget du début de l’année 2021, 20 milliards de dollars ont été affectés à des systèmes comme celui-ci pour couvrir les 4 500 villes plus petites et secondaires du pays. Les voies institutionnelles vont être assez différentes, car ce sont des problèmes infranationaux. Cependant, des trajectoires différentes se développent dans chaque État, remettant en cause le modèle unique d’un système d’assainissement centralisé tel que nous le connaissons aujourd’hui. En outre, compte tenu du grand besoin émergent de traitement des matières fécales dans les zones rurales, nous nous attendons à ce que certaines des trajectoires futures ne fassent que renforcer ces nouveaux modèles institutionnels. 3.3. Les cas de Hanoï et de l’Inde - Pierre-Louis MAYAUX, Sophie SCHRAMM et Shubhagato DASGUPTA Les deux cas présentés dans cette section ont clairement montré que tous les systèmes et pratiques sociotechniques sont des dynamiques variables, qui sont en constante évolution. Ces systèmes renvoient à des pratiques individuelles et collectives dans le cas de Hanoï, et à travers de véritables initiatives politiques, dans le cas de l’Inde. Ils évoluent non seulement les uns à côté des autres, mais ils interagissent et se façonnent constamment en tant que systèmes et régimes hétérogènes. Les deux cas soulignent la puissance de l’idéal moderne de la ville raccordée à l’égout. Dans ce rapport, TRUFFER a mentionné que la ville raccordée à l’égout serait « l’étalon-or ». SCHRAMM et DASGUPTA ont présenté de nombreuses pratiques ou initiatives alternatives qui remettent en cause cet idéal. Cependant, les pratiques et les initiatives qui ont été décrites sont pour la plupart pragmatiques. Elles ne semblent pas être sous-tendues par des aspirations et des significations symboliques qui seraient aussi puissantes que l’imaginaire du grand système sociotechnique centralisé qu’est l’assainissement. Au lieu d’être perçues comme un modèle alternatif pour l’avenir, les alternatives au tout réseau sont majoritairement perçues par la population et les responsables politiques simplement comme une option de second rang, un Plan B. Hanoï est bien dans cette situation. Hanoï doit être comprise en fonction de son histoire : il y a eu une importante augmentation de la richesse depuis l’ouverture du pays à l’économie de marché. Cette évolution se traduit par l’adoption de cet idéal de standard moderne. Les gens veulent vivre selon les normes modernes d’assainissement, ils veulent avoir des toilettes à chasse d’eau dans leur maison et ils ne veulent pas passer beaucoup de temps à réfléchir à la manière dont l’assainissement doit être géré. Cette question renvoie à l'idéal mis en avant par la Banque mondiale dans les années 70. À l’époque, il y avait donc déjà cette idée que nous ne pouvions pas simplement continuer à construire des choses de plus en plus grandes. Nous avions besoin de technologies appropriées. Monstadt et Schramm (2017) ont montré qu’en Tanzanie ces solutions alternatives se sont avérées être des solutions de second rang du point de vue des populations. Les gens ne veulent pas se passer d’équipements modernes. Toute cette idée d’assainissement décentralisé ne fonctionne que si elle ne réduit pas le confort des usagers. Penser l’assainissement comme un mélange de solutions techniques
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